M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le ministre, vous avez annoncé que la réduction du déficit s’opérerait en priorité sur la protection sociale et les dépenses des collectivités. Ce sont donc les élus locaux qui, une fois de plus, seront désignés comme les boucs émissaires de votre mauvaise gestion financière du pays.
Je rappellerai à votre mémoire ces mots de Pierre Mendès France : « Les comptes en désordre sont la marque des nations qui s’abandonnent. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
planification écologique
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Franck Montaugé. Monsieur le Premier ministre, très peu de temps après votre nomination, vous avez dit vouloir restreindre sensiblement la politique de transition écologique définie par votre prédécesseure, Élisabeth Borne, et par le secrétariat général à la planification écologique (SGPE), dont le travail sérieux a été reconnu.
Cette politique constitue pourtant le cadre fondamental de l’action à mener pour toutes les filières françaises et concerne tous les Français dans leur vie quotidienne. Elle est, en définitive, la carte et la boussole dont la France se dote pour atteindre les objectifs climatiques et environnementaux pris dans les cadres européen et mondial.
L’évaluation conduite par Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz – elle non plus n’est pas contestée – indique que les besoins d’investissement pour financer la transition écologique devront être de l’ordre de 66 milliards d’euros à l’horizon de 2030.
Ma question est simple, monsieur le Premier ministre : comment faites-vous face à ces obligations et à leur financement dans un contexte de dégradation accrue des finances publiques, de dynamique économique atone et de difficultés sociales particulièrement préoccupantes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Montaugé, comme la plupart de vos collègues, vous avez écouté la déclaration de politique générale du Premier ministre : à aucun moment il n’a tourné la page de la planification écologique et énergétique ; au contraire, il en a repris la responsabilité. (M. le Premier ministre le confirme.) D’ailleurs, il a eu l’occasion, il y a quelques jours, de refaire un point avec l’ensemble des ONG sur nos engagements écologiques.
Au-delà des annonces qui ont été faites, votre question porte sur les moyens que nous y consacrons. Il y a quelques minutes, j’ai rappelé à la sénatrice Cazebonne que l’action entreprise par le Gouvernement a permis, sur la seule année 2023, de réduire les émissions de gaz à effet de serre autant que pendant la période comprise entre 2012 et 2017. (M. Franck Montaugé s’exclame.)
Une partie de ceux qui nous donnent des leçons aujourd’hui faisaient moins bien en termes d’engagement budgétaire et réglementaire lorsqu’ils étaient en responsabilité. Ils continuent toujours, en jouant le même disque rayé, de prétendre que l’inaction climatique serait de notre responsabilité, au mépris de toutes les vérités objectives !
Le rapport coproduit par M. Pisani-Ferry et Mme Mahfouz ne spécifie pas que l’État doit trouver 66 milliards d’euros par an,…
M. Franck Montaugé. La moitié !
M. Christophe Béchu, ministre. … mais que la somme que nous devons dégager pour financer la transition écologique est de l’ordre de 66 milliards d’euros. Il précise également que la part prise par la puissance publique doit s’élever à 30 milliards d’euros et être répartie entre l’État et les collectivités territoriales.
Malgré le contexte budgétaire, nous avons pris l’engagement, pour la seule année 2024, d’augmenter de façon inédite les crédits alloués à la transition écologique. De la fin mars 2023 à la fin mars 2024, ils ont ainsi progressé de 7 milliards d’euros.
Quant aux 2 milliards d’euros du fonds vert, ils ont permis, en l’espace d’un an et demi, un doublement du niveau d’investissement des collectivités territoriales (M. Bruno Belin proteste.), passant de 2 milliards à 4 milliards d’euros.
Voilà la réalité, monsieur le sénateur. Le reste, c’est de la politique ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Emmanuel Capus et Raphaël Daubet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.
M. Franck Montaugé. Une somme d’approximations et de contre-vérités ne fait pas une vérité, monsieur le ministre.
Vous devez sanctuariser dès maintenant les sommes consacrées à la transition écologique, d’ici à 2030. À défaut, il coûtera beaucoup plus cher à la Nation de réaliser ces investissements plus tard, lesquels auront une efficacité bien moindre. Ce sont les Français qui en paieront directement la note, avec beaucoup de souffrance, comme c’est déjà trop souvent le cas aujourd’hui.
En 2017, vous chantiez les louanges d’un monde nouveau. Sept ans plus tard, vous tournez le dos à l’ambition d’une France résiliente et solidaire pour le monde de demain. (M. le Premier ministre proteste.) Pis encore, vous poursuivez méthodiquement le saccage de l’État providence, alors que rien d’efficace ne se fera sans justice sociale.
Au-delà des éléments de langage insipides dont nous sommes abreuvés ad nauseam (Exclamations sur les travées du groupe RDPI et au banc du Gouvernement.), c’est d’un grand récit mobilisateur et progressiste et d’une vision pour assurer la transition de notre pays vers le monde de demain que les Français ont besoin ! (Mme Audrey Linkenheld renchérit.)
Le Président de la République française est attendu sur ce sujet également. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
déplacement de migrants sans domicile fixe de paris vers orléans
M. le président. La parole est à M. Hugues Saury, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Hugues Saury. Monsieur le ministre de l’intérieur et des outre-mer, à Orléans, la rumeur enfle selon laquelle des sans domicile fixe (SDF), dont beaucoup de migrants, seraient déplacés en province pour faire place nette à Paris en prévision des jeux Olympiques. Ces SDF partiraient régulièrement à bord de bus à destination de Strasbourg, d’Angers et d’Orléans – et sans doute d’autres villes.
Malgré ses demandes répétées auprès de l’État, le maire d’Orléans n’obtient que des réponses évasives. Il est inacceptable qu’un maire apprenne de telles informations par voie de presse !
Le Gouvernement prétend vouloir instaurer des relations de confiance avec les collectivités. Aussi, il est temps d’accorder un minimum de considération aux élus locaux et de les tenir informés de ce type d’opérations. In fine, ce sont, comme toujours, les maires qui devront trouver des solutions.
Dans le cas de la ville d’Orléans, il est avéré que, périodiquement, un car arrive de Paris avec, à son bord, entre 35 et 50 personnes. Ainsi, on compte environ 500 déplacés depuis mai 2023. L’État a conclu un accord avec une association pour la prise en charge de ces derniers. Or, faute de places d’hébergement d’urgence disponibles, ces personnes s’installent dans des hôtels, mais n’y restent environ que trois semaines. Au-delà, certains d’entre elles s’engagent dans une procédure d’asile, tandis que d’autres s’évaporent dans la nature.
Il est inacceptable de traiter ainsi ces hommes et ces femmes, de les faire monter dans un bus – sur quels critères ? – pour les déplacer dans des villes où ils ne connaissent personne et dans lesquelles rien n’est mis en œuvre pour les accueillir. Et pour cause : les élus n’en sont pas informés ! Ce sont là des méthodes contestables.
Monsieur le ministre, confirmez-vous ces faits et comment justifiez-vous un tel dédain envers les élus locaux et la personne humaine de la part de vos services ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du logement.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur Saury, je vais m’efforcer d’être le plus clair et le plus transparent possible sur l’hébergement d’urgence des sans domicile fixe dans notre pays. Chaque année, l’État y consacre 3 milliards d’euros. C’est un budget en augmentation, car il s’élevait à 1,8 milliard seulement en 2017.
Aujourd’hui, 200 000 places sont consacrées à l’hébergement des SDF à l’échelle nationale, dont 100 000 en Île-de-France. Il se trouve que, malgré tous ces efforts, les places en Île-de-France sont saturées et qu’un certain nombre de SDF contactant le 115 ne parviennent pas à trouver de solution.
C’est pourquoi le Gouvernement, en mars 2023, a fait le choix d’une politique de desserrement. Il a ainsi mis en place dix sas d’accueil régionaux pour y envoyer un certain nombre de SDF, exclusivement sur la base du volontariat. En un an, ce sont 3 800 personnes qui ont accepté d’être déplacées dans ces conditions.
En région Centre-Val de Loire – vous la connaissez aussi bien que moi, monsieur le sénateur –, 519 SDF ont été accueillis à Orléans.
Seules 50 personnes à la fois sont logées dans les sas, pour une durée de trois semaines. Elles se voient ensuite proposer une palette de solutions d’hébergement : intermédiation locative, pension de famille ou résidence sociale.
On déplore une saturation en Île-de-France sur les 100 000 places d’hébergement disponibles. Cette politique de déplacements est totalement décorrélée des jeux Olympiques ; elle se poursuivra d’ailleurs après leur tenue en raison de la très forte pression qui s’exerce dans cette région.
La politique d’accueil temporaire des SDF est conduite en toute transparence avec les élus locaux. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) La préfecture du Loiret a prévenu le maire d’Olivet et celui d’Orléans dès la mise en place de ce sas régional. (M. Hugues Saury le conteste.) Mme la préfète de région s’est même entretenue sur ce sujet avec le maire d’Orléans, le 14 février dernier.
Bref, nous n’avons rien à cacher, monsieur le sénateur. Encore une fois, ces déplacements se font en toute transparence et sur la base du volontariat. Nous devrions nous retrouver tous ensemble pour trouver des solutions efficaces en faveur des personnes qui se retrouvent à la rue en Île-de-France, faute de places d’hébergement disponibles ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Hugues Saury, pour la réplique.
M. Hugues Saury. La coïncidence de ces déplacements avec la tenue des JO est tout de même troublante… Le manque de transparence sur ce sujet ressemble à un aveu d’impuissance. C’est aussi la démonstration que l’afflux de migrants est hors de contrôle et que les désordres qu’il engendre sont proscrits pour les touristes, mais tolérés pour les riverains parisiens.
Cette politique de façade, les villes de province n’en veulent pas, pas plus qu’elles ne souhaitent être les victimes d’une politique migratoire défaillante ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
sort des petits commissariats vidés pour les jeux olympiques
M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Pierre-Antoine Levi. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Alors que la France s’apprête à accueillir les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, un événement d’une ampleur inégalée qui marquera l’histoire de notre pays, une question de sécurité cruciale se pose.
Avec la mobilisation exceptionnelle annoncée de 30 000 policiers et gendarmes chaque jour pour garantir la sécurité de cet événement, notamment à Paris et en Seine-Saint-Denis, on ne peut que se féliciter de l’ampleur des dispositifs prévus pour faire face aux diverses menaces, qu’elles soient terroristes ou d’ordre public. En témoigne le passage récent au niveau « urgence attentat ».
Cette mobilisation sans précédent, équivalant à une opération de sécurité que la France n’a jamais mise en place – selon vos dires, monsieur le ministre –, suscite néanmoins une préoccupation majeure pour les territoires en dehors de la capitale.
Le repositionnement stratégique des forces de l’ordre, incluant la fin de la distinction entre zones de police et de gendarmerie pour la durée des jeux, permettra certes une flexibilité opérationnelle accrue, mais pose la question de l’impact sur la sécurité des villes de province. Ces dernières, en fournissant une part significative de leurs effectifs à la capitale, pourraient se retrouver dans une situation de vulnérabilité face à des événements de criminalité, tels que des émeutes urbaines.
Dans ce contexte, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de mettre en œuvre pour assurer que la sécurité des villes de province ne soit pas compromise par cette redistribution des forces de l’ordre ?
Comment garantir que la sécurité de l’ensemble du territoire reste une priorité, sans créer de déséquilibre préjudiciable à la tranquillité publique et à la réponse aux urgences locales ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe INDEP.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur Levi, les jeux Olympiques sont le plus grand événement sportif mondial que peut organiser un pays ; l’occasion ne se présente qu’une fois par siècle. Une cérémonie d’ouverture hors d’un stade, quant à elle, se présente une fois tous les 3 500 ans, simplement parce qu’elle n’a encore jamais été organisée : ni pour les jeux Olympiques d’été ni pour une Coupe du monde de football, qui est le deuxième plus grand événement sportif mondial.
C’est la raison pour laquelle le ministre de l’intérieur, depuis la présidence de François Hollande, est chargé de prévoir une organisation exceptionnelle des forces de l’ordre pour garantir la sécurité à Paris et en petite couronne, mais pas seulement. En effet, les jeux Olympiques, c’est aussi la Polynésie française, Châteauroux, Lille, Nantes, Marseille, Lyon et bien d’autres lieux encore.
Au-delà des fan zones, il faudra assurer la sécurité des grands festivals de musique, de l’arrivée du Tour de France, qui aura lieu à Nice cette année, des cérémonies du 14 juillet – notez que le défilé n’aura pas lieu sur l’avenue des Champs-Élysées – et, le même jour, de la finale du championnat d’Europe de football, en espérant que la France y participera.
M. Jean-François Husson. Nous espérons surtout qu’elle la remportera !
M. Gérald Darmanin, ministre. La question est de savoir comment nous organisons cette sécurité. Nous avons ainsi recréé des effectifs de police et de gendarmerie, grâce à votre aide. Nous avons ainsi inauguré onze unités de force mobile (UFM) et recruté 8 000 policiers et gendarmes supplémentaires.
Je voudrais remercier ici les fonctionnaires de police et de gendarmerie qui, entre mi-juin et fin août, ne pourront prendre que dix jours de congé. Entre mi-juillet et début août, nous refuserons même toute demande de congé. Ainsi, 100 % des forces de l’ordre seront mobilisées, soit 250 000 policiers et gendarmes. Le déploiement des agents à Paris et ailleurs sera justement assuré grâce au refus de congés.
Votre département disposera donc, zones de police et de gendarmerie confondues, d’autant d’effectifs pendant les jeux Olympiques que tous les autres jours de l’année. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour la réplique.
M. Pierre-Antoine Levi. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse qui rassurera – je l’espère – les élus locaux inquiets à ce sujet.
La réussite des jeux Olympiques est très importante pour notre pays, mais leur préparation et leur encadrement ne doivent pas se faire au détriment de la sécurité de nos concitoyens sur l’ensemble du territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
financement des associations d’aide aux migrants
M. le président. La parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Carole Ciuntu. Monsieur le ministre de l’intérieur et des outre-mer, parmi les vingt associations les plus subventionnées par l’État au titre des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » – 1,4 milliard d’euros par an –, Coallia occupe la première place, avec près de 150 millions d’euros perçus en 2022.
Or Coallia vient de faire l’objet d’un rapport édifiant de la Cour des comptes, lequel fait apparaître que cette association, confrontée à toujours plus de sollicitations de l’État pour répondre aux besoins en hébergement d’urgence, eux-mêmes sans cesse croissants en raison de la pression migratoire, est dans une situation très préoccupante.
En 2017, elle a frôlé le dépôt de bilan. Depuis lors, la Cour des comptes observe que Coallia ne maîtrise pas sa croissance due aux sollicitations grandissantes de l’État. Pis encore, l’association avoue ne plus savoir qui elle accueille dans ses centres et, plus précisément, dans quelles conditions : aucune procédure n’existe pour faire remonter d’éventuels événements graves.
La Cour des comptes en conclut qu’il est urgent pour l’État de se préoccuper de l’avenir de Coallia, laquelle doit mettre un terme aux réponses hétéroclites de court terme dont le coût ne semble pas lui poser question.
Monsieur le ministre, le rapport est accablant sur l’absence de contrôle de la part de l’État. Si le cas de Coallia est emblématique, il n’est pas isolé.
Quand comptez-vous exercer votre contrôle sur les différentes associations subventionnées à un niveau exceptionnellement élevé et intervenant dans le domaine de l’immigration ? N’est-il pas temps de mettre un terme à cette fuite en avant dans laquelle l’État, dépassé par une pression migratoire dont il a pourtant l’entière responsabilité, s’en remet par facilité à des associations ?
Celles-ci y répondent en effet tant bien que mal, voire de manière préoccupante, au coup par coup, dans l’indifférence évidente de leur donneur d’ordre et principal bailleur de fonds : l’État.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Permettez-moi de répondre en lieu et place de Mme Sabrina Agresti-Roubache, absente aujourd’hui, qui a la charge, sous mon autorité, des moyens importants accordés par l’État, mais pas seulement, à des associations chargées de missions de service public pour le compte du ministère chargé du logement et du ministère de l’intérieur. Ce dernier est responsable des demandeurs d’asile, tandis que le premier gère les autres aspects de l’hébergement d’urgence.
Nous avons pris connaissance du rapport de la Cour des comptes et j’ai chargé Mme Agresti-Roubache de recevoir les dirigeants de Coallia à ce sujet. Je tiens à souligner que votre assemblée est pleinement informée de la situation : les rapporteurs de la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, Philippe Bonnecarrère et Muriel Jourda – cette dernière appartenant même à votre groupe politique – disposaient de ces informations lors du débat sur ladite loi comme lors de la préparation des rapports pour avis sur le projet de loi de finances pour 2024. Il en était de même du sénateur Meurant, qui était également membre de votre groupe politique.
L’État a donc transmis à plusieurs reprises toutes les informations pertinentes au Parlement, a alerté sur cette situation et a contribué aux travaux de la Cour des comptes, afin d’améliorer la structuration de cette association.
Coallia, comme d’autres associations, réalise un travail admirable pour l’accueil des demandeurs d’asile. C’est d’autant plus vrai que nous devons coopérer à la mise en œuvre du programme Agir – pour Accompagnement global et individualisé des réfugiés –, qui ne se limite pas à l’accueil et à l’hébergement, comme vous semblez trop facilement le suggérer, mais englobe également l’intégration, une mission que Coallia, comme d’autres, remplit très bien.
Nous allons donc aider cette grande association à mieux se structurer, à mettre en œuvre les recommandations de la Cour des comptes et, au besoin, adapter le conventionnement afin de tenir compte des observations du Parlement et des magistrats.
Je constate avec vous, madame la sénatrice, que la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration offre justement la possibilité de reprendre en main, parfois directement, certains aspects de l’hébergement d’urgence.
L’une des difficultés réside dans la non-application de la circulaire du 12 décembre 2017 relative à l’examen des situations administratives dans l’hébergement d’urgence, dite Collomb-Denormandie, qui vise à distinguer, parmi les personnes hébergées dans ces centres, les demandeurs d’asile, les personnes faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), les bénéficiaires de l’asile et les SDF.
Vous n’êtes pas sans savoir qu’une grande confusion règne en raison de la méconnaissance des profils des personnes hébergées dans ces sites. C’est précisément ce que la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration tend à modifier, et nous nous y attelons. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu, pour la réplique.
Mme Marie-Carole Ciuntu. Monsieur le ministre, vous posez une bonne question. À ce niveau de pression migratoire depuis des années, on ne peut faire qu’une chose pour y répondre : prendre appui sur le tissu associatif. Celui-ci peut réaliser, pour partie, un travail admirable, mais cela masque surtout le fait que rien n’est sous contrôle, contrairement à ce que vous indiquez. (M. le ministre le conteste.)
Dès lors, il ne faudra pas s’étonner – la Cour des comptes l’aura dit ! – si l’on entend encore parler de ces associations à propos d’événements tragiques dans notre pays ; la responsabilité en reviendra bien à l’État.
Vous tenez des propos très rassurants, alors que rien n’est sous contrôle. (Marques d’impatience sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. Il faut conclure.
Mme Marie-Carole Ciuntu. N’oubliez pas que la Cour des comptes est en train d’auditer le millier d’associations agissant dans les domaines que vous avez évoqués. Nous y reviendrons donc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
usine metex d’amiens
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rémi Cardon. Monsieur le ministre, j’étais lundi dernier aux côtés des ouvriers de l’usine MetEx à Amiens et je me pose une question depuis lors : quelle est votre vision de la souveraineté industrielle de notre pays ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie. Monsieur le sénateur Rémi Cardon, vous étiez aux côtés des salariés de MetEx – dernière entreprise en Europe à fabriquer des acides aminés et de la lysine – en compagnie de certains élus qui me demandent depuis un an de nationaliser tout ce qui bouge. (Sourires sur les travées du groupe RDPI.)
Or ma vision de la souveraineté industrielle n’est pas de nationaliser toutes les industries, dont certaines sont en souffrance, mais bien de les appuyer, dans une logique de développement économique.
L’entreprise que vous évoquez a fait l’objet d’un certain nombre d’aides de l’État : un investissement de Bpifrance, un prêt garanti par l’État (PGE), une subvention dans le cadre de France 2030. On ne peut pas dire que l’État n’a pas été au rendez-vous !
Malgré cela, parce que cette entreprise paie le sucre trop cher, mais aussi pour des raisons de gestion, la performance économique que l’on est en droit d’attendre d’un tel établissement n’a pas été au rendez-vous.
Ses dirigeants ont mis en place la recherche d’un repreneur. Ils ont décidé la semaine dernière de se mettre sous la protection des procédures collectives pour accélérer ce processus. Sur ce dossier, comme sur tous les autres, monsieur le sénateur, je vais agir de la même manière : m’assurer que l’on dispose d’un repreneur solide, sur la base d’un plan d’affaires robuste.
Si tel est le cas, je suis prêt à l’accompagner, comme je l’ai fait pour Carelide, une entreprise de poches pour perfusion, ou pour Valdunes, deux entreprises que vos amis, ceux avec lesquels vous vous trouviez lundi, m’avaient demandé de nationaliser il y a quelques mois.
Nous cherchons des repreneurs de qualité permettant à l’industrie française de se projeter vers l’avant, non pas comme des entreprises nationalisées, ainsi que vos amis le souhaitent, mais comme des entreprises capables de conquérir le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour la réplique.
M. Rémi Cardon. Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à ma question, je me propose donc de vous présenter un exposé instructif.
Dans la Somme nous n’avons pas de pétrole, mais nous produisons de la lysine. Celle-ci, issue de l’usine MetEx implantée à Amiens, fait notre fierté.
MetEx est l’unique usine en Europe à fabriquer cet acide aminé, qui sert à la nutrition animale et entre dans la composition de certains médicaments tels que l’Aspégic et l’ibuprofène. En outre, ce produit est élaboré à partir de la richesse de nos sols, non pas du pétrole, mais de la betterave sucrière.
MetEx incarne le modèle typique d’industrie verte que nous nous devons de soutenir pour l’avenir.
Pourtant, cette entreprise est placée en redressement judiciaire depuis le 20 mars dernier, car elle est confrontée à la flambée du prix du sucre, à l’envolée du coût de l’énergie et au dumping de la Chine, laquelle a inondé l’Europe de son stock d’acides aminés, deux fois moins onéreux et cinq fois plus polluants.
Dans une ville comme Amiens, celle du Président de la République, qui porte encore les stigmates des fermetures de Whirlpool ou de Goodyear, cette situation n’est pas anodine : vous prônez la réindustrialisation du pays et la covid ainsi que les récentes pénuries nous ont rappelé la nécessité de produire nos médicaments en France.
Les 300 ouvriers de MetEx, plongés dans l’incertitude, attendent toujours les décisions qui permettraient la sauvegarde de l’usine, et votre réponse d’aujourd’hui n’apporte aucun éclairage sur ce point.
Monsieur le ministre, pour les ouvriers de MetEx, l’heure n’est plus aux promesses, mais aux actes forts et à l’union sacrée. Cette entreprise représente indéniablement un outil résilient et de souveraineté que l’État ne peut et ne doit pas abandonner. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
dépollution des eaux en isère