M. Étienne Blanc. Le Sénat fera son travail jusqu’au bout pour alerter les Français face au narcotrafic, face à ce phénomène qui vous dépasse et qui dépasse le Gouvernement tout entier. Il y va de l’honneur du Sénat ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur des travées du groupe UC. – M. Hussein Bourgi applaudit également.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. C’est scandaleux, je n’ai pas encore été entendu ! Un peu de respect !
baisse des émissions de gaz à effet de serre
M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Samantha Cazebonne. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Monsieur le ministre, dans un rapport paru la semaine dernière, le Centre interprofessionnel technique de la pollution atmosphérique (Citepa) a annoncé que les émissions de gaz à effet de serre françaises avaient baissé de 4,8 % en 2023.
Ce record récompense d’abord les efforts de sobriété de chacun, qu’il s’agisse des particuliers, des entreprises, des collectivités territoriales ou de l’État. Mais les baisses enregistrées sont avant tout le résultat d’une politique et d’objectifs ambitieux de long terme, qui commencent à porter leurs fruits : planification écologique, loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, plan de sobriété, stratégie nationale bas-carbone ou encore plan d’investissement France 2030.
Les résultats de l’an dernier sont même meilleurs que ceux de 2020, l’année du covid. La réduction d’émissions obtenue en 2023 équivaut à la quasi-totalité des baisses enregistrées en France entre 2012 et 2017.
Par comparaison, les émissions de carbone des Français sont désormais inférieures de 7 % à la moyenne mondiale. C’est une très bonne nouvelle pour nos objectifs de décarbonation, que nous devons désormais amplifier.
J’ajoute que cette baisse vaut pour tous les secteurs, qu’il s’agisse de l’énergie, de l’industrie, du bâtiment ou encore de l’alimentation. À ce titre, je suis fière de mener, depuis plusieurs années maintenant, le combat pour favoriser la consommation de protéines végétales, dont la production réduit les émissions de CO2.
Il faut entretenir cette dynamique. Comme l’a rappelé la présidente du Haut Conseil pour le climat, Corinne Le Quéré, cette année 2023 ne doit pas rester une exception.
Monsieur le ministre, quels éléments pouvez-vous nous apporter aujourd’hui pour nous garantir que nous resterons sur la même trajectoire en 2024 ? Quels chantiers doit-on encore mener et quels progrès structurels faut-il amplifier ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Cazebonne, le Citepa, organisme indépendant, a effectivement publié ses chiffres pour l’année 2023.
On observe parfois, dans le débat public, la volonté de ne retenir que les mauvaises nouvelles afin d’occulter les bonnes ; mais cette étude indépendante souligne qu’en 2023 notre pays a suivi le rythme qu’il doit tenir jusqu’à la fin de la décennie au titre des baisses d’émissions.
Notre taux de réduction des émissions, qui s’établit à 4,8 %, a doublé par rapport à l’année précédente. Ce chiffre était de 1 % par an en moyenne entre 2012 et 2017 ; il a été multiplié par deux pendant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron et nous l’avons de nouveau doublé l’année dernière.
Il y a une bonne nouvelle dans la bonne nouvelle, que vous avez également rappelée : tous les secteurs affichent une baisse d’émissions, y compris les transports. La réduction y est certes plus modeste que dans d’autres domaines – elle s’établit à 2 %. Mais je vous rappelle qu’en 2022 les niveaux d’émissions dans le secteur des transports étaient supérieurs à ce qu’ils étaient en 1990 : à l’évidence, il fallait avancer de manière ciblée.
Ce résultat, nous le devons à l’action des collectivités territoriales, à l’action des citoyens, à l’action des entreprises, à l’action de tout le monde. L’enjeu, à présent, c’est de poursuivre le travail.
Avec la planification écologique, élaborée hier par Élisabeth Borne et aujourd’hui déployée par Gabriel Attal, l’année 2024 verra se poursuivre l’ensemble de ces efforts.
J’ajoute que, malgré les coupes budgétaires, le budget consacré à la réduction des émissions bénéficie cette année de 7 milliards d’euros supplémentaires par rapport à l’année dernière, à la même époque.
Malgré les baisses décidées, le fonds vert augmente de 5 %. Les crédits dédiés à la rénovation énergétique augmentent quant à eux de 600 millions d’euros. Ce sont là autant de leviers grâce auxquels nous pourrons poursuivre et amplifier cette dynamique, à deux conditions : que tout le monde insiste sur les résultats – c’est important, y compris pour faire reculer l’écoanxiété – ; et que, collectivement, nous fassions de cette année 2023 un tremplin.
M. le président. Il faut conclure.
M. Christophe Béchu, ministre. Dès lors, nous pourrons tenir le rythme ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe INDEP.)
stratégie de déploiement des soins palliatifs
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bourcier, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.)
Mme Corinne Bourcier. Madame la ministre du travail, de la santé et de la solidarité, votre ministre délégué Frédéric Valletoux a rappelé dimanche dernier qu’une stratégie de déploiement des soins palliatifs avait été préparée, afin que les vingt et un départements qui n’en sont toujours pas dotés en bénéficient « avant la fin du débat sur la fin de vie ».
Nous tous ici ne pouvons que saluer une telle annonce. En effet, les équipes de soins palliatifs sont indispensables à la prise en charge de certains malades. Elles accomplissent un travail extraordinaire, non seulement auprès des patients, mais aussi auprès des familles, qui se sentent parfois totalement démunies face à la situation de leur proche.
Je rappelle que les soins palliatifs ne font pas seulement de l’accompagnement de la fin de vie : ils participent aussi beaucoup à la prise en charge de la douleur. C’est absolument fondamental, car cette prise en charge est évidemment en lien étroit avec un éventuel souhait de recourir à l’aide à mourir. Nous ne pouvons donc qu’encourager le déploiement des services de soins palliatifs sur tout le territoire.
Madame la ministre, ma question est double.
La première porte sur le calendrier. Je le répète, on nous a assuré que les départements seraient tous dotés de services de soins palliatifs avant la fin du débat sur la fin de vie ; mais, pour l’heure, seule l’Assemblée nationale sait quand elle examinera le texte de loi annoncé. Notre chambre ignore encore si elle l’étudiera en juin, à la rentrée parlementaire de l’automne ou même plus tard. Quel est le calendrier de déploiement des soins palliatifs ?
La seconde porte sur l’existence du personnel sur lequel vous comptez. La seule unité publique de soins palliatifs des Yvelines a fermé il y a à peine quelques semaines, faute de personnel. Au total, 150 postes sont vacants dans l’ensemble des services existants et un quart des médecins vont quitter leurs fonctions d’ici à cinq ans. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. Olivier Henno et Olivier Bitz applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Corinne Bourcier, vous avez raison : il est nécessaire d’œuvrer à la prise en charge de la douleur, dans une logique de continuum. La douleur peut frapper chacun d’entre nous, à la suite d’une opération, par exemple. C’est pourquoi il est essentiel de la traiter.
Cette démarche est tout le sens du rapport réalisé par le professeur Franck Chauvin et son équipe, visant à doter notre pays d’une stratégie d’accompagnement des soins, tout particulièrement des soins palliatifs.
Évidemment, les choses ne peuvent pas évoluer comme cela, en un rien de temps. C’est la raison pour laquelle le plan que nous préparons a pour objectif de structurer la filière des soins palliatifs. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Belin. Il faut des médecins pour cela !
Mme Catherine Vautrin, ministre. Ma collègue Sylvie Retailleau et moi-même avons commencé à travailler à la mise en place de cette nouvelle filière médicale de soins palliatifs. Cela implique de nommer un certain nombre de professeurs d’université, qui auront à leurs côtés des chefs et des assistants-chefs de clinique.
La question qui se pose aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est celle de la formation des médecins aux soins palliatifs. Celles et ceux qui sont médecins dans cet hémicycle savent mieux que personne qu’il ne suffit pas de consacrer à ce sujet seulement quelques heures d’études dans un cursus total de dix ans. Si nous voulons structurer la filière des soins palliatifs, il faut pouvoir assurer une formation. Celle-ci doit être initiale et continue et profiter à l’ensemble des soignants – médecins, infirmiers et aides-soignants.
Sachez que nous avons équipé vingt départements d’unités de soins palliatifs (USP), dont la Corrèze il y a quinze jours. Nous travaillons désormais à la mise en place de vingt-trois équipes régionales et d’une USP dans chaque département. Nous veillons également à déployer des unités mobiles de soins palliatifs (UMSP).
Concernant l’USP de l’hôpital de Houdan, un médecin sera nommé en avril et sera secondé dès le mois de septembre. Houdan est un contre-exemple que nous nous dépêchons d’effacer, car notre volonté, bien évidemment, est d’équiper le pays d’unités de soins palliatifs. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
mise en place d’un plan d’urgence pour l’école publique en seine-saint-denis
M. le président. La parole est à M. Ahmed Laouedj, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Ahmed Laouedj. Madame la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, l’école, cette institution qui devrait être le symbole de l’égalité des chances, est aujourd’hui en proie à une crise sans précédent.
Les enseignants, les parents d’élèves et les élus sont tous mobilisés depuis près d’un mois pour réclamer la mise en place d’un plan d’urgence pour l’éducation en Seine-Saint-Denis. Dans ce département, les classes sont surchargées, les enseignants sont épuisés, les locaux se dégradent, les professeurs ne sont pas remplacés.
Face à cette situation, que fait le Gouvernement ? Il y répond par une réforme, le « choc des savoirs », qui va faire de l’école un lieu de tri et d’exclusion, et des économies budgétaires, dans un domaine dont il prétend faire une priorité.
Comment peut-on parler de priorité quand on réduit le budget de l’éducation nationale ? Comment peut-on parler de priorité quand on met en péril le recrutement des enseignants ? Comment peut-on parler de priorité quand on propose une réforme qui risque de creuser les inégalités, d’affaiblir notre système éducatif et de compromettre l’avenir de nos enfants ?
Nous luttons depuis près d’un mois pour que l’éducation soit considérée comme une priorité.
Combien de fois devrons-nous rappeler que l’éducation n’est pas un coût, mais un investissement : un investissement dans l’avenir de nos enfants, un investissement dans l’avenir de notre pays ?
Combien de temps allons-nous devoir encore nous battre pour que chaque enfant, quel que soit son lieu de résidence, ait accès à une éducation de qualité ?
La Seine-Saint-Denis n’est pas le seul département concerné : les syndicats d’enseignants appellent à la grève le mardi 2 avril, preuve que cette crise s’étend à l’échelle nationale !
Madame la ministre, quelle mesure concrète allez-vous prendre pour mettre en place un plan d’urgence pour l’école publique en Seine-Saint-Denis ?
Je vous demande également de bien vouloir recevoir une délégation de sénateurs de Seine-Saint-Denis qui, comme moi, sont préoccupés par l’avenir de nos enfants et croient en l’éducation, en son pouvoir de changer des vies, de transformer des sociétés et de construire un avenir meilleur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes GEST et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Laouedj, vous faites bien de dire que l’école est un investissement. C’est la raison pour laquelle je suis très attentive aux préoccupations exprimées tant par les élus que par les personnels de l’éducation nationale en Seine-Saint-Denis.
Preuve de notre attention, ils ont été reçus, ainsi que leurs représentants syndicaux, par le directeur académique des services de l’éducation nationale (Dasen), la rectrice de l’académie de Créteil et les membres de mon propre cabinet. Je recevrai moi-même les députés de Seine-Saint-Denis qui m’ont demandé rendez-vous. Puisque vous me sollicitez personnellement, je peux vous assurer d’ores et déjà que je vous écouterai avec beaucoup d’attention.
Au sujet des locaux, j’ai eu un entretien avec Stéphane Troussel, président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, et Valérie Pécresse, présidente de la région d’Île-de-France, dans le cadre de leurs compétences respectives.
Vous affirmez qu’il reste du chemin à parcourir en Seine-Saint-Denis, mais reconnaissez que beaucoup a déjà été fait. Vous dites que l’école est un investissement. Or l’investissement a été massif au profit de ce département !
M. Fabien Gay. Sérieusement ?
Mme Nicole Belloubet, ministre. Je vous épargnerai le détail de toutes les mesures qui ont été prises. Je rappellerai simplement l’importance de l’éducation prioritaire en Seine-Saint-Denis, qui a permis le dédoublement des classes de grande section, de cours préparatoire (CP) et de cours élémentaire de première année (CE1) – dans l’enseignement primaire, six classes sur dix bénéficient aujourd’hui de ce régime !
Par ailleurs, l’investissement entre 2017 et 2022 de plus de 1 500 postes nous a permis d’assurer, notamment au collège, des taux d’encadrement très inférieurs à la moyenne nationale, soit 23 élèves par division en Seine-Saint-Denis, contre 25 dans le reste du pays.
Je rappelle également la prime de 200 euros qui est octroyée tous les mois aux agents publics de Seine-Saint-Denis, y compris aux professeurs. J’y ajoute la prime de fidélisation, s’élevant à 12 000 euros au bout de cinq ans, qui sera versée dans quelques jours.
Je pourrais aussi vous parler des 2 millions d’euros, fruit du plan « L’État plus fort en Seine-Saint-Denis », qui ont servi notamment à la rénovation des écoles dans le département.
M. le président. Veuillez conclure !
Mme Nicole Belloubet, ministre. Enfin, la carte scolaire a été améliorée.
Bref, la Seine-Saint-Denis est pour nous un sujet de préoccupation, et nous agissons en ce sens ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
situation des finances publiques (i)
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Fabien Gay applaudit également.)
M. Claude Raynal. Si j’osais, mes chers collègues, je dirais que, depuis 2022, nous vivons une époque formidable. (Exclamations amusées.) Une époque où, par la magie du 49.3, le Parlement peut au mieux soumettre ses propositions, sans pour autant peser en quoi que ce soit sur les équilibres budgétaires présentés par l’exécutif.
Au moins pouvait-on espérer que, en maîtrisant de bout en bout l’exercice budgétaire, le Gouvernement tiendrait les finances du pays, comme il s’y est engagé auprès des Français et de ses partenaires européens.
Aujourd’hui, les faits sont là. En 2023, le déficit attendu était de l’ordre de 4,9 % du PIB ; le déficit réel a finalement atteint 5,5 %. Pour 2024, la croissance était estimée à 1,4 % ; or elle a été revue à 1 % et s’établira probablement à 0,7 %.
La loi de programmation des finances publiques (LPFP) qu’on nous appelait à voter sans délai au mois de décembre se révèle déjà totalement caduque trois mois plus tard. Pour ramener le déficit à 4,4 % du PIB en 2024, l’impasse budgétaire est non plus de 10 milliards d’euros, mais de 30 milliards, ce qui est évidemment inatteignable !
Les trois textes financiers présentés par le Gouvernement, avec une belle assurance, ont des conséquences majeures : un retour à la procédure de déficit excessif, que nous avions quittée grâce au travail de vos prédécesseurs, monsieur le ministre ; un risque amplifié de dégradation de la note de la France, que personne ne souhaite ici ; une révision obligatoire de la loi de programmation, afin de retrouver un peu de crédibilité internationale.
Une époque formidable, disais-je…
Monsieur le ministre, vos coups de rabot n’ont aucun sens. Êtes-vous prêt à rouvrir avec le Parlement le débat sur le budget dans son ensemble, tant sur les dépenses que sur les recettes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Christian Bilhac applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Si je puis me permettre, celui qui avait réussi à nous faire sortir de la procédure pour déficit public excessif en 2017, c’était en effet mon prédécesseur, c’est-à-dire moi ! (M. Martin Lévrier applaudit. – Rires et exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et Les Républicains.)
M. Fabien Genet. Le déficit, c’est moi ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Le Maire, ministre. Oui, nous avons rétabli les comptes publics en 2017, en 2018 et en 2019 ! Nous sommes ainsi parvenus à ramener le déficit public sous les 3 % : c’est un fait. (Nouvelles exclamations.)
Ensuite, nous avons fait face à deux crises majeures – la crise du covid et la crise inflationniste –, grâce au soutien de beaucoup de sénateurs et de sénatrices ici présents. Aujourd’hui, les comptes publics doivent être de nouveau rétablis. Je le confirme devant vous : mon objectif est de parvenir à ramener le déficit public sous les 3 % en 2027.
M. Jean-François Husson. C’est impossible !
M. Bruno Le Maire, ministre. Cela demandera-t-il des efforts plus importants ? Oui ! Ainsi, nous devrons parvenir à faire en trois ans ce que nous étions supposés faire en quatre ans.
Avons-nous commencé à le faire ? Oui ! Il y a quelques semaines, nous avons engagé 10 milliards d’euros de réduction des dépenses de l’État pour immédiatement corriger ce déficit plus élevé que prévu.
Suis-je ouvert à la discussion ? Évidemment ! Ma porte vous sera ouverte dès demain – je sais que plusieurs d’entre vous participeront à la réunion que je tiendrai au ministère de l’économie et des finances.
Monsieur le sénateur Raynal, je salue votre esprit constructif et républicain. Visiblement, il n’est pas partagé par ceux qui, dans cette assemblée, refusent de participer à la discussion sur la réduction de la dépense publique. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Fabien Gay proteste.)
M. Jean-François Husson. Commencez par venir un peu plus souvent au Sénat ! Un peu de respect !
M. Bruno Le Maire, ministre. Comment parviendrons-nous à atteindre cet objectif ? Par la réduction des dépenses et en maintenant la croissance.
Je le rappelle, notre prévision de croissance pour 2023 a été la plus exacte de toutes celles qui ont été présentées. Nous avions tablé sur un taux de 1 % ; il est finalement de l’ordre de 1 % à 0,9 %.
Certes, nous avons révisé notre prévision de croissance pour 2024, mais c’est le cas dans tous les pays européens. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous avons tous subi le choc géopolitique et le ralentissement de l’économie chinoise. Songez que, au mois de février – soit au même moment que nous –, l’Allemagne a révisé sa croissance de 1,3 % à 0,2 %. Soit 1,1 point de moins !
M. le président. Il faut conclure !
M. Bruno Le Maire, ministre. Au-delà des réductions de dépenses, je suis convaincu que, en 2024, en 2025 et en 2026, nous aurons une croissance solide, c’est-à-dire à la hauteur de la solidité de l’économie française. (Applaudissements sur les travées du groupe RPDI. – Exclamations sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour la réplique – il vous reste treize secondes, mon cher collègue.
M. Claude Raynal. Monsieur le ministre, il suffit d’y croire !… (Rires.) À ce niveau de correction budgétaire, on dépasse des questions simplement financières.
Ce dont notre société a besoin avant tout, c’est de discuter des priorités qu’elle doit se fixer. Notre groupe a d’ailleurs demandé au Gouvernement qu’il organise un débat sur ce sujet, dans le cadre de l’article 50-1 de la Constitution.
M. Patrick Kanner. Pas de réponse !
M. Claude Raynal. En effet, nous attendons toujours sa réponse ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et CRCE-K.)
situation des finances publiques (ii)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Antoine Lefèvre. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Monsieur le ministre, la rumeur qui bruissait depuis la semaine dernière a donc été confirmée par l’Insee ce mardi, dont les conclusions font froid dans le dos : notre déficit public accuse une dégradation de 0,6 point par rapport à l’objectif que le Gouvernement s’était fixé, atteignant ainsi le creux vertigineux de 5,5 % du PIB pour 2024.
Ces nouvelles prévisions placent la France parmi les pays aux finances publiques les plus dégradées de la zone euro, comme l’a indiqué la Cour des comptes dans son rapport annuel.
Le Sénat avait pourtant tenté de marquer le pas lors de l’examen du projet de loi de finances. Il avait ainsi permis de dégager 7 milliards d’euros d’économies. Hélas ! parmi les nombreuses mesures que nous avions proposées, vous n’en avez retenu aucune !
Comprenez l’agacement qui est le nôtre, monsieur le ministre, lorsque, après cinquante jours à peine d’exécution du budget, vous avez finalement consenti à ôter vos œillères et avez décidé de sabrer par décret 10 milliards d’euros prévus par la loi de finances, tout en évitant soigneusement de consulter le Parlement !
Le rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson, qui a procédé à un contrôle sur place et sur pièces à votre ministère la semaine dernière, a fait remarquer que ce niveau de déficit n’a jamais été atteint sous la Ve République, hors périodes de crise et de récession.
Monsieur le ministre, vous qui êtes amateur de littérature, et même auteur à vos heures perdues (Exclamations amusées.), je vous invite à méditer sur ces mots de Montaigne : « L’obstination et ardeur d’opinion est la plus sûre preuve de bêtise. »
Le président du Sénat, le rapporteur général du budget, le président de la commission des finances à l’instant même, l’ensemble des groupes politiques de notre assemblée – de la majorité comme des oppositions –, le Haut Conseil des finances publiques, qui, dans son avis, a dénoncé votre prévision de croissance – contrairement à ce que vous venez d’indiquer –, tous ont donné l’alerte. De votre côté, vous claironnez votre volonté de ne pas augmenter les impôts. Combien de temps vous faudra-t-il pour que vous acceptiez de sortir de ce déni mortifère face à notre situation financière, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. « Quand on me contrarie, on éveille mon attention, non pas ma colère », écrivait Montaigne. Vous avez précisément éveillé mon attention, monsieur le sénateur. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Savoldelli. Il était temps !
M. Bruno Le Maire, ministre. Ce problème national des finances publiques ne remonte pas à un an, mais à des décennies ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) En effet, il y a une propension nationale à la dépense publique, bien partagée sur ces travées.
Le rapporteur général ne cesse de m’adresser des critiques sur les dépenses excessives. Or, au sortir du covid, alors que nous voulions en finir avec les dispositifs exceptionnels, il m’écrivait que telle profession attend du Gouvernement le rétablissement du fonds de solidarité, du chômage partiel et de l’indemnisation des coûts fixes, qui lui avaient permis de résister à la crise.
Des courriers comme celui-là, je n’en reçois pas quelques dizaines, ni des centaines, mais des milliers, et de tous les groupes politiques confondus ! Très peu me proposent des réductions de dépenses. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Nous vous avons suggéré des milliards d’euros d’économies !
M. Olivier Paccaud. Oui, pendant l’examen du budget !
M. Bruno Le Maire, ministre. Au contraire, on m’invite toujours à dépenser davantage pour mieux protéger les Français !
Puisque vous parlez de « déni », monsieur le sénateur, je vous invite à reconnaître la nécessité de sortir de cette addiction à la dépense publique, qui est la marque caractéristique de la France. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il faut être capable de réduire les dépenses inefficaces et inutiles et de faire des choix de politique publique. C’est la raison pour laquelle je vous invite à participer, demain, à la réunion que je tiendrai avec l’ensemble des groupes politiques.
Je rejoins le président Raynal, qui a complètement raison : ce sont des choix de politique publique qu’il faut faire pour définir le type de société que nous voulons. Or les choix que défend le Gouvernement sont clairs : une société du travail, qui suppose de réformer l’indemnisation du chômage ; une société de la responsabilité, qui commande d’en finir avec la politique du tout-gratuit ; une société de l’innovation, qui renforce la croissance dans notre pays. Voilà ce que je vous propose, monsieur le sénateur ! (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)