M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. « À la mairie, quand vous vous mariez, il n’y a personne qui se lève pour vous informer que vous serez solidaire fiscalement des “dérapages” de l’autre et cela même après votre divorce. » Ces lignes sont issues du livre produit par le collectif des femmes divorcées victimes de la solidarité fiscale. Je les salue d’avoir bataillé et fait connaître cette problématique, à moi et à la société. Leur présence dans les tribunes du Sénat nous honore et nous oblige. (Applaudissements.)

Le principe de solidarité fiscale reste pertinent durant le contrat d’un mariage ou d’un Pacs ; les dettes fiscales contractées par l’un ou l’autre des époux ou des partenaires doivent être acquittées par le foyer fiscal. C’est en cas de séparation que l’injustice apparaît. Si le fraudeur fiscal ne peut pas assumer financièrement sa dette, l’ex-conjoint ou l’ex-conjointe doit la rembourser jusqu’au dernier euro, pénalités et intérêts de retards compris.

À la surprise, au choc de découvrir un passé que l’on ignorait, ces femmes, pour la plupart, sombrent dans l’angoisse. La procédure de décharge de responsabilité solidaire, la fameuse DRS, est longue, coûteuse, incertaine. Elle vous laisse en prise à une administration extrêmement compétente, mais qui doit composer dans le silence de la loi.

Comment expliquer le refus du critère de disproportion marquée pour une de ces femmes, ici présente, qui portera désormais le fardeau d’une dette pendant les 264 années à venir ? Que dire de la situation de cette autre femme confrontée à une mise en recouvrement de 800 000 euros, alors même qu’elle est bénéficiaire d’une bourse ?

Et que dire de Mme A, dans mon département du Val-de-Marne, trois enfants, percevant l’allocation adulte handicapée et des aides personnelles au logement (APL) pour seuls revenus ? Son tort ? Elle a droit à une pension alimentaire qui ne lui est pas versée, mais elle ne se bat pas pour la réclamer à son ex-conjoint fraudeur. En conséquence, Mme A doit 8 803,20 euros !

Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky n’a jamais feint de ne pas avoir l’ambition d’accroître l’imposition du capital et des hauts revenus au service de l’intérêt général. L’impôt est consenti lorsqu’il est juste et légitime.

Toutefois, les ex-conjoints devant s’acquitter de dettes frauduleuses ne suffiront pas à sauver les finances publiques. Vous en conviendrez, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, on ne résoudra pas le problème de la dette publique grâce au remboursement de ces dettes fiscales. L’argument invoquant des impératifs financiers est donc totalement irrecevable.

Les articles 2 et 2 bis vont dans le bon sens, surtout le second introduit sur l’initiative de la rapporteure, et nous voterons en leur faveur. Je demande au Sénat de réitérer son adoption, lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, d’une disposition visant à octroyer une décharge de responsabilité solidaire du fait de la nature frauduleuse de la dette.

Enfin, l’article 1er bis est présenté comme une réponse consensuelle permettant de résorber une injustice. L’objectif est d’empêcher, lorsque cela est prévu par la convention matrimoniale, que les biens professionnels soient inclus au calcul de la créance de participation.

Concrètement, l’époux qui s’est le plus enrichi pendant la durée du mariage est redevable d’une créance de participation égale à la moitié du patrimoine accumulé pendant le mariage. Selon les auteurs de cet article, il conviendrait d’en exclure les biens professionnels.

Non seulement cet article revient sur un arrêt de la Cour de cassation, mais il adopte également un positionnement défavorable aux femmes et favorable aux intérêts des entreprises.

Or le patrimoine professionnel est réparti entre les classes sociales de manière discriminante : les 1 % des Français les plus riches en détiennent 66 %, quand les 5 % les plus riches s’en arrogent 95 %. Il ne s’agit pas là de petits commerces locaux ou d’entrepreneurs individuels, qui sont loin d’être les plus aisés et accumulent tellement de dettes que leurs activités ne confèrent aucun droit à l’autre conjoint lors d’un divorce.

L’accumulation de patrimoine est genrée. Tout le monde le sait, l’union matrimoniale non seulement fige, mais même accroît les inégalités entre les sexes.

L’article 1er bis s’inscrit au fondement des inégalités entre les femmes et les hommes, et nous demanderons donc sa suppression.

Nonobstant ces réserves, notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons, votée à l’unanimité par nos collègues députés, vise à améliorer l’encadrement juridique des conséquences d’un divorce, en particulier en cas de violences conjugales.

Initialement, la proposition de loi visait à modifier l’article 1527 du code civil relatif aux avantages matrimoniaux tirés des clauses d’une communauté conventionnelle. Son but est d’exclure du bénéfice des avantages matrimoniaux un époux ayant commis des violences à l’encontre de son conjoint, voire s’étant rendu responsable de sa mort, et d’autoriser la révocation de plein droit au moment du divorce de tous les avantages matrimoniaux, parmi lesquels figurent les clauses protectrices des époux.

Il est ainsi prévu qu’un époux reconnu coupable de meurtre sur conjoint soit automatiquement privé du bénéfice des avantages matrimoniaux insérés dans le contrat de mariage.

Par ailleurs, les auteurs de cette proposition de loi adaptent la rédaction de l’article 1691 bis du code général des impôts. Pour le moment, cette disposition du code représente un des seuls leviers d’action des victimes de la solidarité fiscale, qui sont souvent des femmes, faut-il le préciser.

Néanmoins, les conditions pour parvenir à ne pas payer les dettes fiscales de son ex-conjoint sont difficiles à réunir. Il faut notamment que le demandeur de la décharge soit en règle fiscalement parlant, qu’il soit effectivement séparé de son ex-conjoint et qu’il ne puisse pas payer la dette fiscale de celui-ci.

Selon le Gouvernement, le taux d’acceptation de ces demandes s’établit seulement entre 25 % et 40 % aujourd’hui. En assouplissant les conditions d’octroi de la décharge de responsabilité solidaire, ce texte vient consolider ce levier d’action pour les victimes.

Les principales dispositions que je viens d’évoquer sont aujourd’hui bienvenues. Gardons en tête que, chaque année, on estime que, en moyenne, 321 000 femmes âgées de 18 ans à 74 ans sont victimes de violences physiques, sexuelles ou psychologiques commises par leur conjoint ou ex-conjoint.

Il s’agit, par cette proposition de loi, d’apporter des solutions supplémentaires aux victimes de ces violences. En tant qu’ancien membre de la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, j’y suis particulièrement sensible.

Il faut également tenir compte des réalités sociologiques que la France connaît depuis plusieurs années. On compte ainsi en moyenne 425 000 séparations conjugales, divorces, ruptures de Pacs ou d’unions libres chaque année depuis 2010. Dans ce contexte, l’adaptation de notre cadre juridique est souhaitable pour assurer la protection des époux divorcés.

Lors de l’examen du texte par la commission des lois, plusieurs dispositions ont été ajoutées. Il s’agissait notamment de prendre en compte le phénomène d’emprise, en supprimant la possibilité laissée à la victime de faire bénéficier l’époux déchu des avantages matrimoniaux, ou d’élargir le champ des pénalités dont peuvent être déchargées les victimes d’un époux en situation de fraude fiscale.

D’autres dispositifs ont également été renforcés, ce qui est heureux. La proposition de loi vient combler un vide juridique et consolider l’arsenal juridique à la disposition des victimes de violences conjugales. Il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine, mais, dans un esprit constructif et avec conviction, le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Éric Jeansannetas applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille
Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 25

Article 1er

I. – Le chapitre Ier du titre V du livre III du code civil est complété par des articles 1399-1 à 1399-6 ainsi rédigés :

« Art. 1399-1. – L’époux condamné, comme auteur ou complice, pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort à son époux ou pour avoir volontairement commis des violences ayant entraîné la mort de son époux sans intention de la donner est, dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, déchu de plein droit du bénéfice des clauses de la convention matrimoniale qui prennent effet à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux et qui lui confèrent un avantage.

« La déchéance mentionnée au premier alinéa s’applique y compris lorsqu’en raison de son décès, l’action publique n’a pas pu être exercée ou s’est éteinte.

« Art. 1399-2. – Dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, peut être déchu du bénéfice des clauses de la convention matrimoniale qui prennent effet à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux et qui lui confèrent un avantage, l’époux condamné :

« 1° Comme auteur ou complice, pour avoir commis des tortures et actes de barbarie, des violences volontaires, un viol ou une agression sexuelle envers le défunt ;

« 2° Pour témoignage mensonger porté contre le défunt dans une procédure criminelle ;

« 3° Pour s’être volontairement abstenu d’empêcher soit un crime soit un délit contre l’intégrité corporelle du défunt d’où il est résulté la mort, alors qu’il pouvait le faire sans risque pour lui ou pour les tiers ;

« 4° Pour dénonciation calomnieuse contre le défunt lorsque, pour les faits dénoncés, une peine criminelle était encourue.

« Art. 1399-3. – La déchéance prévue à l’article 1399-2 est prononcée par le tribunal judiciaire à la demande d’un héritier ou du ministère public. La demande doit être formée dans un délai de six mois à compter de la dissolution du régime matrimonial ou du décès si la décision de condamnation ou de déclaration de culpabilité lui est antérieure, ou dans un délai de six mois à compter de cette décision si elle lui est postérieure.

« Art. 1399-4. – (Supprimé)

« Art. 1399-5. – L’époux déchu du bénéfice des clauses de la convention matrimoniale est tenu de rendre tous les fruits et revenus résultant de l’application d’une clause de la convention matrimoniale qui lui confère un avantage et dont il a eu la jouissance depuis la dissolution du régime matrimonial.

« Art. 1399-6. – (Supprimé) ».

bis. – Le I s’applique aux conventions matrimoniales conclues avant la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille.

II. – (Supprimé)

M. le président. L’amendement n° 15, présenté par M. Savoldelli, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

« Art. 1399-6. - Lorsqu’un époux est déchu du bénéfice des clauses de la convention matrimoniale dans les conditions précisées à l’article 1399-1, est réputée non écrite toute clause de la convention matrimoniale stipulant l’apport à la communauté de biens propres de l’époux défunt. »

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Nous proposons de rétablir une disposition supprimée lors de l’examen du texte en commission, qui prévoyait de déchoir le conjoint coupable d’un homicide ou d’une tentative d’homicide sur sa femme de tout droit sur le patrimoine apporté à la communauté par celle-ci.

Comment pourrait-on expliquer qu’un auteur de féminicide puisse jouir de la propriété de l’appartement que sa conjointe possédait, l’habiter ou le vendre ? Nous répondons tous de la même manière à cette question.

Une femme meurt sous les coups de son mari tous les trois jours. Dans la plupart des cas, le tueur habite sous le même toit. Chaque heure, les forces de l’ordre interviennent à trente-huit reprises pour des faits de violences conjugales.

Loin de moi l’idée de réaliser un décompte macabre, mais il s’agit d’un système : un quart de ces femmes avaient déposé soit une plainte soit une main courante.

L’historienne Christelle Taraud l’explique : « Il faut comprendre que les violences faites aux femmes font partie d’un continuum. Il s’agit d’un système d’écrasement, de contrôle et de domination des femmes qui conduit finalement […] au féminicide. Dans la société, le meurtre physique est préparé par toute une série de discours, de dispositifs et d’institutions. »

Ce propos exige du législateur qu’il traite la question de l’emprise, soit, en l’espèce, la situation de femmes battues, parfois à répétition, qui apportent sous contrainte un bien propre à la communauté de biens, par exemple un bien immobilier, parce que cela leur semble normal, parce que cela pourrait aider le conjoint, parce que la situation va changer. Nous avons tous entendu ces phrases, mais lorsqu’une de ces femmes est tuée par son conjoint, il est trop tard.

Cet amendement vise à protéger les femmes qui sont conduites à défendre leur meurtrier en raison de la banalisation de la violence. Je le crois sincèrement, les arguments juridiques invoqués par la commission ne sauront empêcher l’adoption de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Isabelle Florennes, rapporteure. L’amendement tend à rétablir une disposition que la commission avait supprimée afin de sécuriser le dispositif. Son rétablissement paraît problématique pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, l’adoption de l’amendement reviendrait à appliquer la déchéance matrimoniale à des biens acquis, sur lesquels l’intéressé exerce déjà un droit de propriété. L’atteinte portée à ce droit serait nettement moins proportionnée que celle que le dispositif prévoit sur le reste des avantages matrimoniaux, qui ne prend effet qu’à la dissolution du régime, et ce faisant ne porte atteinte au droit de propriété que sur des biens potentiels.

En outre, une telle disposition pourrait remettre en cause les chaînes de propriété, en invalidant a posteriori des contrats légalement formés entre la communauté des époux et des tiers.

En conclusion, sur ce sujet délicat, il me paraît hasardeux de légiférer sans prendre les précautions nécessaires, au risque de voir une disposition suscitant un espoir légitime être censurée par le Conseil constitutionnel en raison des atteintes portées au droit de propriété. Un travail législatif à part entière pourrait en revanche être conduit, par exemple en lien avec la Chancellerie, au moyen d’un véhicule législatif spécifique.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur Savoldelli, pour les raisons parfaitement expliquées par madame la rapporteure, claire comme à son habitude, le Gouvernement émet également un avis défavorable sur votre amendement.

Je comprends parfaitement votre intention, qui est louable, mais il ne faut pas apporter plus d’insécurité que de sécurité, contrairement à l’objectif commun que nous avons tous rappelé à la tribune lors de la discussion générale.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 1er bis A

Après l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 25, présenté par Mme Rossignol, MM. Bourgi et Ziane, Mmes Blatrix Contat et de La Gontrie, MM. Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an après la promulgation de la présente loi, un rapport relatif à la lutte contre les inégalités matrimoniales tant dans le cadre du mariage que dans le cadre de la rupture de celui-ci. Ce rapport examine notamment l’instauration d’un barème unifié pour le calcul des prestations compensatoires en y intégrant la notion d’indemnisation du préjudice économique lié aux aménagements de carrière et aux déséquilibres dans la charge éducative des enfants ; et l’instauration d’un barème unifié pour le calcul de la contribution financière à l’entretien et à l’éducation des enfants, tenant compte des besoins de l’enfant. Ce rapport examine enfin les conséquences de la fiscalité des prestations compensatoires et de la contribution financière à l’entretien et à l’éducation des enfants sur la persistance des inégalités économiques suite au divorce ou à la séparation et l’opportunité de la déconjugalisation des prestations sociales liées à l’éducation des enfants. »

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. J’aimerais en un mot expliquer à quel point il est difficile pour les parlementaires de faire œuvre d’initiative : les deux tiers des amendements que nous déposons sont déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution, et le troisième tiers, seule fenêtre qui nous reste, est constitué de demandes de rapport, qui seront rejetées parce qu’ils consistent en des demandes de rapport ! Il est donc bien difficile pour nous d’obtenir des résultats…

En réalité, la présentation de cet amendement me fournit l’occasion d’interpeller le garde des sceaux et de sensibiliser le Sénat au sujet des inégalités matrimoniales, sur lesquelles nous demandons la remise d’un rapport.

Petit à petit, nous déconstruisons, décortiquons et identifions l’ensemble des mécanismes contribuant aux inégalités économiques entre les femmes et les hommes, en particulier ceux qui sont liés aux conséquences civiles du mariage sur les patrimoines des époux.

Nous ne sommes pas encore au bout du chemin. Nous nous inspirons principalement des rapports faits par les associations, comme celui que la Fondation des femmes vient de publier sur le coût du divorce et les inégalités économiques dans le mariage, ou celui que l’Institut national d’études démographiques (Ined) vient également de publier, ainsi que sur d’autres ouvrages réalisés par des expertes ou des autrices d’essais.

Nous aimerions qu’un jour une approche globale soit retenue. Avec plusieurs collègues de mon groupe, j’avais déposé différents amendements concernant l’allocation de soutien familial et la prise en compte, dans les prestations compensatoires ou les pensions alimentaires, de la contribution en industrie au mariage, c’est-à-dire du fait que lorsque les femmes ont terminé leur journée de travail, elles lavent les chemises et élèvent les enfants, ce qui n’est pas systématiquement comptabilisé dans le calcul des prestations ou des pensions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Isabelle Florennes, rapporteure. Comme vous l’imaginez, ma chère collègue, puisque vous connaissez la jurisprudence du Sénat…

Mme Laurence Rossignol. Surprenez-nous, madame la rapporteure !

Mme Isabelle Florennes, rapporteur. … la commission émet un avis défavorable sur votre demande de rapport.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le sujet est évidemment important. Toutefois, madame Rossignol, vous reconnaissez vous-même que vous déposez un amendement tout en sachant qu’il ne sera pas adopté, afin de développer un propos important, que l’on veut entendre.

Vous comprendrez bien que le Gouvernement ne peut donner un avis favorable sur cet amendement. Si j’étais impertinent – ce que je ne suis pas –, je vous demanderais si, lorsque vous étiez ministre, vous acceptiez les demandes de rapports.

Mme Laurence Rossignol. Je les acceptais toutes ! (Sourires.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je vérifierai cela dans la minute, en envoyant quelques SMS ! (Mêmes mouvements.)

M. Yannick Jadot. Les SMS, c’est fini ! On en lit trop dans la presse !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Malheureusement, je n’ai pas de pigeon voyageur à ma disposition… (Mêmes mouvements.)

Pour redevenir sérieux, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez tous les moyens de contrôler l’activité gouvernementale – je ne vous rappellerai pas les dispositions de la Constitution.

Pour être encore plus sérieux, j’entends évidemment les points d’alertes mentionnés par Mme Rossignol, qui sont importants et méritent notre réflexion.

M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.

M. Hussein Bourgi. À la suite de Mme Rossignol, je veux faire part des difficultés auxquelles nous sommes confrontées, en tant que parlementaires.

Aujourd’hui, nous examinons cette proposition de loi parce que des personnes concernées par ces problèmes nous ont interpellés, sensibilisés et convaincus.

Souvent, lorsque nous nous saisissons d’un sujet, on nous répond que notre propos n’est pas assez documenté ou que nos informations sont nécessairement subjectives, parce qu’elles proviennent de militantes et de militants, comme s’il s’agissait là d’un gros mot. Toujours est-il que, dans notre pays, les militantes et militants ont souvent contribué à enrichir la réflexion du législateur.

Lorsque nous ne disposons pas d’information ou d’étude objective et que nous demandons des rapports réalisés par les services de l’État, peut-être un peu plus objectifs, sérieux et dignes de confiance que ceux de ces fameux militantes et militants, qui travaillent de manière parcellaire et indicative sans être aussi complets que l’administration, on refuse nos demandes. C’est un peu dommage.

J’ai entendu le Président de la République appeler au réarmement démographique de la France. Comment plaider en la faveur de celui-ci sans même examiner l’un des amendements que ma collègue Laurence Rossignol et moi-même avions cosignés, qui tendait à ce qu’il ne soit plus demandé au parent s’étant séparé de son conjoint et ayant la charge d’un enfant de renoncer à l’allocation de soutien familial versée par l’État dès lors qu’il refait sa vie avec un nouveau compagnon ? Cela revient à demander à ce dernier d’aider à élever l’enfant que son partenaire a eu lors d’une précédente union.

C’est pour cette raison que, parfois, et non systématiquement, nous avons besoin de rapports pour éclairer et accompagner nos travaux.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Je comprends l’intention des auteurs de l’amendement, et je la partage.

J’ai présidé la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes pendant six ans – Dominique Vérien la préside désormais avec brio –, et je mesure la difficulté d’obtenir des données consolidées au sujet des inégalités entre les hommes et les femmes, quels que soient les sujets.

Pendant six années, nous avons travaillé sur des sujets extrêmement différents, comme les inégalités salariales, les violences faites aux femmes, la recherche, la santé ou les inégalités patrimoniales. Tous ces sujets souffrent d’un déficit de connaissances, qui empêche l’élaboration de politiques publiques adaptées.

Sans les associations et sans les collectifs, nous avons du mal à évaluer les besoins, et le Gouvernement a du mal à proposer des politiques publiques adaptées.

Je citerai un exemple : l’industrie de la pornographie. Lors de la mission d’information de la délégation aux droits des femmes, nous étions quatre rapporteures issues de groupes politiques très différents. Deux affaires ont été portées devant la justice, non pas grâce à des données consolidées dont nous aurions disposé, mais grâce au travail considérable d’un collectif d’associations.

Je comprends que l’on demande aujourd’hui un rapport : la lutte contre les violences et les inégalités faites aux femmes souffre d’un manque d’information et de données précises, alors que ces dernières permettraient des politiques publiques adaptées. (Mme Laurence Rossignol applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.

Mme Dominique Vérien. Nous le savons bien, les demandes de rapport n’ont que peu de succès au Sénat lorsqu’elles sont faites par le biais d’amendements. Chère Laurence Rossignol, un rapport nous sera bientôt remis au sujet des familles monoparentales. À cette occasion, nous pourrons interpeller le Gouvernement.

Au sujet de l’allocation de soutien familial, le problème consécutif à la remise en couple est complexe. Nous ferons quelques propositions pour tenter d’améliorer les choses.

Au sujet des pensions alimentaires, ces dernières sont en moyenne de 170 euros par mois et par enfant, en sachant qu’un enfant coûte en moyenne 750 euros par mois – lors de nos auditions, nous avons obtenu des chiffres précis. Souvent, c’est monsieur qui la verse : 82 % des chefs de familles monoparentales sont des femmes. Certains avancent que monsieur ne peut pas verser plus que 170 euros, mais imagine-t-on que madame, dont le salaire n’est en général pas supérieur à celui de l’ancien conjoint, peut payer les 580 euros de différence ?

Le Gouvernement a confié une mission à des parlementaires pour travailler sur le sujet des familles monoparentales. Nous espérons que le rapport d’information de la mission flash de la délégation aux droits des femmes sur les familles monoparentales servira de base à ces réflexions, et que ces dernières iront plus loin que nos propositions. Il y a un vrai décalage entre hommes et femmes à ce sujet. Nous attendons que le Gouvernement poursuive ce travail pour aller vers plus d’égalité.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 25.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 25
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille
Article 1er bis

Article 1er bis A

(Supprimé)

Article 1er bis A
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Article 2

Article 1er bis

À la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article 265 du code civil, après le mot : « est », sont insérés les mots : « exprimée dans la convention matrimoniale ou ».

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 10 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L’amendement n° 12 est présenté par M. Mohamed Soilihi.

L’amendement n° 16 est présenté par M. Savoldelli, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 10.