M. le président. Nous allons maintenant examiner les amendements déposés par le Gouvernement.
Article 5
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Au second alinéa du I et au 2° du II de l’article L. 2335-1 du code général des collectivités territoriales, les mots : « au dernier » sont remplacés par les mots : « à l’avant-dernier ».
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Monsieur le président, il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Supprimer les mots :
élus dans la circonscription où est située la commune
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. L’avis de la commission est également favorable.
M. le président. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, l’ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 21 décembre dernier, à la vue du mot « maire » inscrit sur l’insigne bleu blanc rouge accroché au revers de la veste d’André Mondange, un groupe d’extrême droite a agressé violemment le maire de Péage-de-Roussillon et sa famille.
L’image de son visage tuméfié témoigne de la violence de ses agresseurs. La suspicion que ce maire puisse être de gauche a suffi pour pousser ces gens à commettre cet acte immonde et tenir des propos racistes – mais tous les maires sont bien évidemment concernés, quelle que soit leur tendance politique.
Malheureusement, les cas similaires sont nombreux sur tout le territoire français, et je voudrais ici rendre hommage aux très nombreux élus touchés par ce fléau. En 2022, 2 265 plaintes et signalements pour violence verbale ou physique contre des élus ont été recensés par le ministère de l’intérieur, soit une hausse de 32 % par rapport à 2021.
Ces agressions ne se limitent pas aux élus, mais touchent aussi leurs familles. En 2020, le fils de 14 ans de Stéphanie Daumin, maire de Chevilly-Larue, a été agressé ; un mois auparavant, la voiture de Mme Daumin avait été endommagée et son domicile avait été visé par des tirs de mortier…
Ces faits ne constituent pas un cas isolé. Je souhaite ainsi m’associer au salut particulier adressé à notre collègue François Patriat, dont le domicile a subi des dégradations : c’est totalement inacceptable. Je songe aussi à Jacques Montois, maire d’Hantay, commune rurale du Nord, qui a fait l’objet, voilà quelques semaines, de menaces de mort.
La France compte plus de 520 000 élus locaux engagés au quotidien pour défendre les valeurs de la République, dans l’ensemble des 35 000 communes de notre pays. Il est de notre devoir de protéger les représentants de la démocratie locale et d’éviter à la République de se voir ainsi affaiblie, alors même que la crise des engagements s’installe dans ce climat violent.
En 2023, à mi-mandat, plus de 3 % de l’ensemble des maires élus en 2020 avaient déjà choisi de démissionner. Si les violences subies par les élus ne sont pas l’unique raison de ce désengagement, nous partageons le constat, mes chers collègues, que ces violences ne peuvent qu’aggraver la chute des vocations.
La présente proposition de loi répond à ce besoin en renforçant le volet répressif, afin de mieux protéger nos élus, et en améliorant leur prise en charge lorsqu’ils sont victimes de violences.
Toutefois, elle devra aussi s’accompagner d’un réel réinvestissement de l’État dans l’ensemble du territoire français. Depuis près de dix ans, les dotations versées aux communes par l’État n’ont cessé de baisser, alors que le transfert de charges augmente.
Les suppressions de la taxe d’habitation ou de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) n’ont fait qu’aggraver la situation financière des communes. Cette baisse continue réduit leur capacité à répondre aux besoins des habitants, ce qui vient aussi nourrir une forme de défiance. La perte d’autonomie fiscale et financière des collectivités affaiblit le pouvoir d’action des élus locaux. Ils sont de plus en plus sollicités, sans pouvoir répondre à tous les besoins de la population, alors qu’ils deviennent l’unique interlocuteur de nombreux citoyens.
Il convient donc de protéger les élus dans l’exercice de leur mandat et de veiller en même temps à garantir aux collectivités des moyens d’agir.
Si cette proposition de loi et l’accord trouvé sur ce texte répondent à un besoin urgent de sécurité pour nos élus, il nous faudra aussi accepter l’idée que l’échelon communal est essentiel pour l’équilibre de notre République.
Nos premiers travaux sur la construction d’un statut de l’élu local sont primordiaux et s’inscrivent dans notre souhait commun de permettre aux élus d’exercer leur mandat dans les meilleures conditions possible.
Une réponse répressive ne suffira pas. Nous devons réinvestir tous les territoires de la République, grâce à des services publics fonctionnels et accessibles à tous. Nos élus locaux ne peuvent être simplement les urgentistes de la République : ne les laissons pas seuls face aux grands besoins de notre temps. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai mon propos en citant un chiffre : 1 424, soit le nombre de démissions de maires depuis juin 2020.
Si la tendance est relativement constante, soit un peu plus d’une trentaine de démissions d’édiles par mois depuis 2014, ces chiffres confirment aussi qu’un sentiment d’abandon et d’injustice perdure dans l’esprit de très nombreux élus locaux.
Ce sentiment devient d’autant plus prégnant que s’accroît la violence des agressions depuis quelques années et qu’augmentent les risques encourus par les élus du seul fait de l’exercice de leur mandat.
Homicide involontaire à Signes dans le Var en 2019, provocations à la haine et à commettre des violences et des actes de vandalisme à Montjoi, dans le Tarn-et-Garonne, en 2022, comme l’a rappelé Mme la ministre, ou encore incendie criminel, menaces et mise en danger d’autrui à Saint-Brevin-les-Pins, en Loire-Atlantique, et à L’Haÿ-les-Roses, dans le Val-de-Marne, en 2023 : lors de chacun de ces drames, qui ne sont que les plus médiatisés, l’intégrité physique des élus et la sécurité de leurs proches se sont retrouvés au centre de violences ahurissantes et inacceptables.
Au travers des agressions de ces femmes et de ces hommes engagés pour la collectivité, c’est la République qui est attaquée. Aussi, je tiens à saluer la prise de conscience qui a suivi ces tragédies et le travail effectué par notre assemblée, notamment par la commission des lois, sous la houlette de son président, M. Buffet, pour accompagner tous ces élus de la République confrontés à cette montée intolérable de la violence.
Il y a déjà eu des avancées. La loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite loi Engagement et proximité, a rendu obligatoire, pour les communes, la souscription à une assurance destinée à couvrir les coûts liés à la protection fonctionnelle des élus municipaux ; elle a également mis en place un dispositif de compensation par l’État des frais occasionnés par cette obligation pour les communes de moins de 3 500 habitants.
La loi du 24 janvier 2023 visant à permettre aux assemblées d’élus et aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d’un mandat électif public victime d’agression constitue une autre avancée, sur l’initiative de Mme Nathalie Delattre et des membres du groupe RDSE.
Je pense enfin aux recommandations de la mission d’information sur l’avenir de la commune et du maire en France, que j’ai eu l’honneur de présider, et dont le rapporteur était M. Mathieu Darnaud. Nous défendions, par exemple, le principe d’un renforcement de la protection fonctionnelle et d’une amélioration du dispositif judiciaire face aux violences, menaces et outrages.
Le présent texte, qui reprend plusieurs de ces recommandations, va dans le bon sens en ce qu’il reconnaît la nécessité de mieux protéger les élus de la République.
Ainsi, l’alignement des peines sur le régime applicable à certains dépositaires de l’autorité publique, l’institution d’une peine de travail d’intérêt général (TIG) en cas d’injure publique ou encore la circonstance aggravante en cas d’atteinte à la vie privée et familiale, instaurés aux premiers articles et à l’article 10 du texte, durcissent la réponse pénale et répondent en cela aux demandes des élus.
Les articles 3 à 8 améliorent l’application et le financement de la protection fonctionnelle des élus, qu’ils étendent aux conseillers régionaux et départementaux ainsi qu’aux candidats aux élections locales, en assurant la sécurisation des lieux de réunions en période électorale.
Enfin, les articles 11 à 14 visent à renforcer la prise en compte des réalités du mandat par l’appareil judiciaire, contribuant ainsi à une meilleure collaboration du parquet et des services de sécurité de l’État, notamment dans le cadre des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD).
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe RDSE considère que l’adoption de ce texte contribuera à une meilleure sécurisation de nos élus locaux et de leurs proches. Notre République démocratique ne peut exister sans le dévouement et les convictions de tous ceux qui œuvrent chaque jour à sa préservation, à son fonctionnement et à son rayonnement. Il est de notre devoir de leur assurer protection, ainsi qu’à leurs proches.
Conscient de cet enjeu crucial, le groupe RDSE votera à l’unanimité le texte résultant des travaux de la commission mixte paritaire. (M. Mathieu Darnaud applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme du parcours législatif de la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, élus qui font face, ici comme en outre-mer, à une hausse inquiétante des violences à leur encontre. À mon tour, j’ai une pensée toute particulière pour le président Patriat.
La commission mixte paritaire s’est réunie le 27 février dernier ; elle est parvenue à un accord, dans l’intérêt de nos élus locaux.
Le présent texte vise un objectif important et consensuel. Dans cet esprit, il a fait l’objet d’un travail de coconstruction entre les deux assemblées et le Gouvernement.
Il constitue, tout d’abord, une traduction dans la loi d’une partie des mesures du plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus présenté par le Gouvernement en juillet 2023.
Le texte comportait initialement des mesures utiles, auxquelles la navette parlementaire a apporté un certain nombre d’améliorations. Nous pouvons nous réjouir que l’Assemblée nationale en ait préservé les grands équilibres et qu’elle ait conservé les apports du Sénat.
Si la proposition de loi de M. Buffet est adoptée, les sanctions encourues par les auteurs de violences à l’encontre de titulaires de mandats électifs seront renforcées : une peine de travail d’intérêt général en cas d’injure publique à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique ou de certains élus sera créée, de même qu’une circonstance aggravante en cas de harcèlement.
Le texte prévoit également des mesures pour améliorer la prise en charge des élus locaux victimes de violences. L’octroi de la protection fonctionnelle sera automatique pour les maires et les adjoints, ou anciens maires et adjoints, victimes de violences, de menaces ou d’outrages qui en feront la demande. Cette protection sera élargie aux candidats aux élections et l’État remboursera, en cas de menace, les frais de sécurisation engagés par les candidats pendant la campagne électorale.
Enfin, même si le Sénat n’en est pas friand, plusieurs demandes de rapport ont été introduites dans le texte. Elles portent sur l’opportunité d’élargir la protection fonctionnelle à l’ensemble des élus locaux, y compris à ceux qui n’exercent pas de fonctions exécutives ; sur les actions menées pour lutter contre les violences faites aux élus et sur leurs résultats, en vue de disposer de statistiques plus précises concernant les élus locaux ; enfin, sur le coût, pour les communes, de l’obligation de souscrire un contrat d’assurance couvrant les frais liés à la protection fonctionnelle.
Il restait néanmoins quelques points de divergence qui ont fait l’objet de compromis, à l’exception de l’article 2 bis, introduit au Sénat, qui prévoyait l’allongement des délais de prescription des délits d’injure et de diffamation publiques, pour les porter de trois mois à un an. L’Assemblée nationale souhaitait, quant à elle, en restreindre l’application aux élus locaux.
Outre l’objectif de favoriser la liberté d’expression, le choix d’enserrer les possibilités d’action judiciaire contre les délits de presse dans des délais restreints était justifié par le caractère éphémère de la presse papier et la rapide disparition du support de l’infraction, justification qui ne tient plus avec l’évolution des techniques de communication.
Avec François Pillet, nous avions déjà réfléchi sur ce sujet, en juillet 2016, dans un rapport d’information intitulé L’équilibre de la loi du 29 juillet 1881 à l’épreuve d’internet. Nous avions déposé ensuite, avec Alain Richard, dans le cadre de l’examen du projet de loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, des amendements visant à adapter le régime de la prescription des délits de presse aux spécificités d’internet, qui rendent difficilement identifiable l’auteur des faits et permettent à des messages délictueux de perdurer dans l’espace public.
C’est pourquoi, à titre personnel, je pense que la version retenue par le Sénat allait dans le bon sens et prenait en compte cette évolution impérative de notre droit aux nouvelles technologies des moyens de communication. Il est regrettable que nos collègues députés ne l’aient pas voté en termes identiques.
Pour autant, et malgré ce regret, l’unanimité ayant été acquise au Sénat en première lecture pour la protection de nos élus, le groupe RDPI confirmera son vote en faveur de son adoption, dans les mêmes conditions. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2022, le ministère de l’intérieur a recensé 2 265 faits de violence verbale et physique contre des élus, soit une augmentation de 32 % par rapport à 2021.
Les chiffres et les faits sont là. Ils traduisent une situation inacceptable, dénoncée par chacun d’entre vous, inquiétante pour la démocratie.
Dans une société où les incivilités se banalisent, tous les corps de la société sont touchés : les journalistes, les enseignants, les sapeurs-pompiers, les médecins, et aussi les élus.
Chaque fois qu’un élu est attaqué, que ce soit verbalement ou physiquement, nous témoignons unanimement de notre soutien et de notre solidarité à l’égard de la victime. Chaque fois, nous clamons toutes et tous notre indignation, sans que les sources de cette violence se tarissent, sans que notre législation arrive à l’endiguer, malgré de nombreuses initiatives parlementaires.
Nous le constatons toutes et tous dans nos territoires, qu’ils soient ruraux, urbains ou périurbains : face à une tension généralisée, ce sont désormais les maires et les élus municipaux qui sont en première ligne. Mobilisés au quotidien, ils sont les premiers à faire face au mécontentement de nos concitoyens.
Malheureusement, ce mécontentement se transforme parfois, et de plus en plus souvent, en violence physique ou verbale, dont les élus locaux sont alors les premières victimes.
Il devient donc impératif que notre droit évolue et se fasse plus protecteur à leur égard. C’est l’une des réponses – et non la seule – à apporter face à une telle situation. Telle est la mission de cette proposition de loi, dont les objectifs ont été partiellement atteints.
Nous soutenons une large partie des dispositions comprises dans ce texte, notamment l’aggravation des peines encourues pour des faits de violences commises à l’endroit des élus, l’octroi automatique de la protection fonctionnelle aux maires, aux élus municipaux, aux suppléants ou aux personnes ayant reçu une délégation, lorsque ces derniers sont victimes de violences, de menaces ou d’outrages, ou encore le dépaysement des affaires mettant en cause un maire ou un adjoint dans l’exercice de leur mandat.
Ces mesures sont de bon sens et vont dans le bon sens. Elles seront de nature à protéger nos élus par un arsenal pénal renforcé, à améliorer leur accompagnement et leur prise en charge lorsqu’ils sont victimes de violence physique ou verbale, tout en leur assurant un traitement judiciaire équitable et raisonné lorsque cela est nécessaire.
Nous regrettons cependant que nos propositions visant à étendre la protection fonctionnelle à tous les élus, notamment ceux d’opposition, n’aient pas été adoptées.
Un rapport en la matière est bienvenu, mais largement insuffisant. Pourquoi attendre, alors que le bon sens dicte une telle disposition ?
De la même manière, les revirements de l’Assemblée nationale sur l’allongement des délais de prescription des délits d’injure et de diffamation publique commis à l’encontre des élus restent, à ce jour, problématiques, dans la mesure où ils ne se fondent pas sur une réflexion approfondie, ce qui nous a placés collectivement dans une situation un peu délicate, sur laquelle nous devrons revenir.
Cette mesure était pourtant attendue par les élus locaux, et nous regrettons qu’aucune évolution législative n’ait pu être trouvée et adoptée en bonne intelligence.
Ces regrets étant énoncés, formons le vœu que ce texte soit utile pour celles et ceux qui incarnent la République partout en France. Grâce à cette proposition de loi, nous adressons un message aux élus de l’Hexagone et des territoires ultramarins, mais aussi aux représentants des Français de l’étranger. Nous sommes toutes et tous engagés et mobilisés à leurs côtés.
Trop longtemps, les élus ont subi le manque de reconnaissance de la population, la montée des violences dans la société et une complexification de l’action publique.
Si ce texte n’est pas pleinement à la hauteur des espoirs qu’il a suscités, il constitue toutefois une première étape salutaire, sur laquelle, nous l’espérons, l’exécutif s’appuiera pour mener de nouveaux travaux approfondis. J’ai cru comprendre, madame la ministre, que tel serait le cas.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera en faveur de cette proposition de loi, dont il souhaite l’adoption à une large majorité. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, et INDEP.)
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, soigner le mal de maire, le mal des maires : tel était l’objectif que nous nous étions fixé, avec Mme Maryse Carrère, dans le cadre d’un rapport sénatorial, afin d’essayer de répondre de façon pragmatique sur un sujet qui traverse notre société et touche de plein fouet l’ensemble des élus de la République.
Pour ce faire, nous avions essayé d’apporter des réponses très concrètes, qui dessinaient déjà une partie du contenu de ce texte. À cet égard, je veux saluer le travail de M. François-Noël Buffet et de Mme le rapporteur Catherine Di Folco. Permettez-moi par là même de souligner la réactivité du Sénat sur l’ensemble de ces sujets, puisque, dès 2019, certains collègues l’ont rappelé, à la suite du décès du maire de Signes Jean-Mathieu Michel, la commission des lois s’était fixé comme objectif prioritaire de travailler sur le sujet des violences auxquelles sont confrontées les élus, en y apportant des réponses très concrètes.
Nous l’avons dit, notamment, dans le cadre du texte Engagement et proximité. Nous avons poursuivi la réflexion en faisant écho au travail de notre collègue Nathalie Delattre, puis en adoptant ce texte, qui a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire voilà quinze jours.
Pour autant, Mme le rapporteur l’a souligné, nous aurions souhaité aller plus loin. Il conviendra donc, par-delà ce texte, de poursuivre la réflexion pour répondre véritablement aux attentes de nos concitoyens. En effet, il y va de l’avenir de la démocratie locale et de notre capacité, grâce à cet arsenal législatif, à réinviter nos concitoyennes et nos concitoyens dans la vie démocratique locale. Pour ce faire, il faut mettre en place les conditions permettant aux élus d’exercer leur mandat de façon satisfaisante.
En ce qui concerne l’allongement des délais de prescription, nous devrons travailler concrètement sur les attaques répétées et quotidiennes dont sont victimes les élus de France, notamment au travers des réseaux sociaux. Il s’agit là d’une source de démotivation pour les élus de France, dont un grand nombre, comme en témoigne le rapport auquel je faisais référence voilà un instant, indiquent ne pas vouloir être candidat en 2026.
Au-delà de la loi, il faudra aussi mettre des moyens. Nous avons pu le constater, cher Laurent Somon, dans la Somme, où le procureur de la République a dédié des moyens pour inscrire dans le temps un lien avec les élus locaux victimes d’agressions physiques ou verbales.
Nous devrons également travailler à renforcer, toujours et encore, la protection fonctionnelle, et les moyens consacrés aux collectivités pour permettre aux élus de se défendre.
Enfin, madame la ministre, vous devrez donner rapidement une suite au texte adopté à l’unanimité ici même voilà quelques jours, présenté par notre collègue Françoise Gatel, présidente de la délégation aux collectivités locales, et portant création d’un statut de l’élu local.
Très souvent, sur les sujets relatifs à la démocratie locale, les initiatives sénatoriales sont transpartisanes. C’est dire si, finalement, elles prennent en compte les inquiétudes exprimées par les élus locaux.
Vous l’aurez compris, madame la ministre, nous attendons désormais du Gouvernement des signes forts. Ce texte doit être un point de départ, afin que nous puissions aller encore plus loin. À cet égard, je sais pouvoir compter sur la détermination de M. le président de la commission des lois, cher François-Noël Buffet, qui connaît ces sujets par cœur.
C’est donc avec enthousiasme que le groupe Les Républicains votera ce texte, qui appelle bien sûr des réponses complémentaires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, RDSE, RDPI, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe politique.
M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà réunis pour la conclusion du chemin parlementaire d’un texte particulièrement important.
Comme vous, j’ai pu mesurer, lors de mes multiples rencontres avec les élus locaux, comme dans mon expérience au sein de ma commune, la problématique lancinante et intolérable de l’agressivité dont les élus peuvent faire l’objet.
Dans ce domaine, quelques chiffres doivent être rappelés – et ils l’ont déjà été. Notre assemblée a produit un travail de qualité pour évaluer et circonscrire ce phénomène délétère. Depuis la crise sanitaire de 2018 et les émeutes de l’été dernier, qui ont ravagé de trop nombreuses communes, les élus locaux font face à une flambée de violence endémique à leur égard.
Selon le rapport d’information rendu en 2019 par notre collègue Philippe Bas, 92 % des élus interrogés avaient enduré des incivilités, des injures ou même des agressions physiques. Selon le ministère de l’intérieur, en 2023, 2 300 atteintes aux élus ont été enregistrées, soit une hausse de 15 % par rapport à l’année précédente.
Nous sommes particulièrement sensibles à la question de la protection des élus, car nombre de mes collègues députés, conseillers régionaux, départementaux ou municipaux ont déjà fait les frais de cet ensauvagement, qui dégrade sans cesse la vie d’élu local et empêche de plus en plus nos concitoyens de s’engager dans ces beaux mandats, au service de nos territoires.
Bien évidemment, toute violence verbale ou physique contre des représentants du peuple, quelle que soit leur appartenance politique, est insupportable. Nous déplorons que l’œcuménisme ne soit pas toujours partagé en la matière.
Le texte qui nous est ainsi présenté apporte des mesures utiles à la protection de nos élus. L’élargissement de la protection fonctionnelle octroyée aux élus et l’inscription en dépense obligatoire de la protection fonctionnelle constituent des avancées bienvenues. Néanmoins, à l’instar de notre collègue Catherine Di Folco, nous regrettons que ce dispositif n’ait pas été étendu à tous les élus, y compris à ceux qui ne disposent pas de fonctions exécutives ou à leurs collaborateurs, qui sont aussi confrontés à des faits de violence gratuite.
Nous nous félicitons que des mesures déterminantes aient été votées pour protéger les candidats aux élections locales. De même, le renforcement des sanctions pénales contre les auteurs de violences à l’encontre de nos élus va dans le bon sens. Nous devons, dans ce domaine comme dans d’autres, appliquer le principe de la tolérance zéro.
Sitôt ce texte adopté, il nous faudra rester vigilants quant à la publication des décrets d’application, ainsi qu’à la traduction pénale des mesures que nous aurons adoptées.
Madame la ministre, la sécurité des élus locaux est un principe non négociable. Nous approchons, lentement mais sûrement, des élections municipales de 2026. La France dispose, avec ses 500 000 élus locaux, d’une armature démocratique à nulle autre pareille. L’insécurité et l’incivilité latentes de notre société ne peuvent plus dégrader la vie, déjà bien difficile, de nos élus locaux, garants et défenseurs de notre identité républicaine.
Ce texte ne constitue pas la fin de notre travail, mais bien l’amorce de notre réarmement pénal contre l’insécurité touchant nos élus, comme tous les Français. À ce titre, vous nous trouverez toujours au rendez-vous de la sérénité et de la sécurité de nos compatriotes, quels qu’ils soient. (M. Aymeric Durox applaudit.)