M. Pierre Ouzoulias. C’est vrai !
Mme Sonia de La Provôté. Sans en faire le procès, il convient de réfléchir à ces formations – dont certaines sont très coûteuses –, à leur contenu et aux diplômes qu’elles dispensent.
Il y a urgence, madame la ministre, à ce que les ministères du travail et de l’enseignement supérieur mènent cette réflexion et définissent des critères de labellisation, de régulation et de contrôle. Quelles mesures avez-vous prises pour mieux compenser les inégalités sociales en matière d’orientation et pour favoriser l’accès à toutes les formations, sans exception, dans un cadre de qualité et sécurisé ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Cédric Chevalier et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Sonia de La Provôté, vous m’interrogez plus particulièrement sur les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur. Il s’agit de l’un des sujets à l’égard duquel la loi ORE devait changer la donne.
Agir pour l’égalité, c’est d’abord donner accès à toute l’offre de formation, et ce pour chaque étudiant, où qu’il se trouve sur le territoire. À mon sens, la plateforme Parcoursup a changé les choses pour de nombreux lycéens.
Toutefois, il convient de simplifier l’accès à toutes ces formations. Cela passe par une plus grande transparence – je n’y reviendrai pas –, mais également par des mécanismes d’aide aux élèves les moins favorisés, tels que les cordées de la réussite, un dispositif dans le cadre duquel le taux d’accès des boursiers est en hausse de cinq points.
Nous incitons les établissements du supérieur à élargir l’accès à leurs formations aux lycéens boursiers, qu’ils soient issus des filières générale, professionnelle ou technologique.
Lutter contre les inégalités, c’est aussi se montrer attentif à l’admission de tous les lycéens boursiers aux formations qui leur sont accessibles dans l’enseignement supérieur.
Permettez-moi de citer un cas très concret : depuis que Sciences Po a intégré Parcoursup, le pourcentage d’étudiants boursiers y est passé de 5 % à 12 %. De la même façon, l’intégration des écoles vétérinaires a permis de diversifier le recrutement d’un point de vue social et territorial.
Nous continuerons d’œuvrer en faveur de cette diversification.
Pour lutter contre l’autocensure, nous avons aussi promu le parcours des élèves en cordées de la réussite : le taux des propositions faites aux bacheliers professionnels inscrits dans ce dispositif est ainsi de cinq points plus élevé en moyenne que celui des propositions faites aux lycéens qui n’y prennent pas part.
Il faut sans doute en faire plus, vous avez raison. C’est le sens du travail que nous menons au travers de la procédure de « oui si », qui contribue à un meilleur accès des élèves à l’enseignement supérieur et à une plus grande réussite.
Enfin, nous travaillons, comme je l’ai dit tout à l’heure, à améliorer l’orientation des lycéens : nous avons ainsi créé des labels pour les formations privées, afin d’aider les familles à s’y retrouver dans l’ensemble de l’offre de formation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour la réplique.
Mme Sonia de La Provôté. Je vous remercie, madame la ministre. Les déterminismes sociaux et familiaux constituent le principal frein pour se réaliser dans son parcours éducatif. Il est de notre responsabilité d’y faire face.
Cela passe par l’information et l’orientation de tous les jeunes : chacun doit être en mesure de faire un choix le plus éclairé possible, quels que soient sa condition sociale et le lieu où il habite. Parcoursup doit y contribuer et ne pas creuser les écarts.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Ollivier.
Mme Mathilde Ollivier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le groupe communiste d’avoir pris l’initiative de ce débat sur l’équité et la transparence de Parcoursup.
L’école égalitaire devrait constituer une priorité. Malheureusement, ce n’est pas le cas aujourd’hui. L’actualité récente nous a montré, une nouvelle fois, que Parcoursup était le catalyseur d’un véritable entre-soi social et scolaire.
Le débat de ce jour fait sens tant la plateforme est connue pour ses dysfonctionnements. En effet, les promesses des débuts ne sont pas tenues.
Le manque de transparence est problématique : nous ne savons quasiment rien de cette plateforme. Nous demandons en quelque sorte à la jeunesse de confier son avenir à un site plus opaque que jamais. La compréhension et la transparence des algorithmes sont essentielles pour comprendre et faire confiance à un tel instrument, par lequel des décisions déterminantes pour la vie des jeunes sont prises.
La modification du calendrier et la centralisation des demandes n’ont absolument pas diminué le stress et l’angoisse des élèves. À l’heure actuelle, 83 % des usagers de la plateforme la trouvent stressante.
Par ailleurs, Mme Belloubet, nouvelle ministre de l’éducation nationale, dit tout faire pour mettre en place un système contribuant à réduire les inégalités sociales. Cette lucidité doit se traduire en actes.
Parcoursup est à l’image d’une politique et d’un système toujours plus sélectifs et méritocratiques, qui perpétue les inégalités sociales et contredit l’essence émancipatrice de l’institution éducative.
Les jeunes issus d’un milieu aisé sont trois fois plus nombreux à accéder aux études supérieures que ceux dont les parents sont les plus modestes. L’accès au master et aux filières sélectives – classes préparatoires, études de médecine, grandes écoles, doctorats… – est encore plus inégalitaire.
Votre politique, à travers Parcoursup, est rattrapée par ses échecs, car une plateforme ne saurait cacher le manque d’investissement dans l’orientation et l’avenir des jeunes étudiants.
Le nombre de conseillers d’orientation a fortement diminué entre 1980 et 2022, alors même que le nombre de lycéens, sur cette période, est passé de 1,4 million à 2,2 millions. De plus, le manque de places dans l’enseignement supérieur est très important.
Ce qui se joue derrière le budget et les moyens alloués à cette fameuse frontière entre lycée et enseignement supérieur, c’est l’accès de tous les jeunes étudiants à un enseignement supérieur de qualité, qui réponde à leurs aspirations.
Les élèves qui n’ont pas les clés, qui ne disposent pas des codes pour s’orienter dans un système d’enseignement supérieur toujours plus complexe, doivent être véritablement accompagnés. Comment, lorsque l’on a 16 ans, 17 ans ou 18 ans, et que son entourage familial n’est pas sensibilisé aux spécificités des filières de l’enseignement supérieur, s’y retrouver sans aide – ou une aide infime ?
Mme Belloubet a déclaré avoir, pour l’école, « l’ambition à la fois de l’existence de règles et du respect de ces règles ». Dès lors, que répondez-vous à la grande majorité des lycéennes et des lycéens qui subissent les vœux de Parcoursup alors que, au même moment, des établissements élitistes comme Stanislas, à Paris, contournent sans vergogne la plateforme pour leurs élèves privilégiés ?
De quelles informations disposez-vous au sujet des suites données à cette affaire et des possibles contournements de Parcoursup par d’autres établissements privés ?
Aujourd’hui, le taux d’accès à l’enseignement supérieur stagne pour les catégories populaires, alors qu’il a augmenté pour les catégories les plus favorisées. Que comptez-vous faire concrètement pour agir contre ces inégalités ? Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour rendre Parcoursup enfin plus transparent et, surtout, plus égalitaire – peu importe que l’on vienne d’un grand lycée parisien, d’un lycée de campagne ou d’une école française à l’étranger –, et pour que les jeunes puissent faire des choix véritablement éclairés pour leur avenir ?
Puisqu’il me reste un peu de temps de parole, permettez-moi de vous faire part de mon expérience personnelle.
La semaine dernière, en déplacement au Cameroun, je me suis entretenue avec l’équipe de direction d’un établissement, qui m’a fait part des difficultés – qui doivent également survenir dans bien d’autres pays – auxquelles elle était confrontée lorsque la connexion internet, de piètre qualité, l’oblige à traiter manuellement l’ensemble des dossiers des élèves dans Parcoursup.
Apparemment, la situation s’est améliorée cette année, rendant la procédure un peu moins laborieuse. Il n’en demeure pas moins que cette fracture numérique dans l’accès à Parcoursup est prégnante, notamment dans les zones rurales, pour les Français de l’étranger et les personnes les plus vulnérables. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, je veux au préalable souligner qu’il ne faut pas faire porter sur Parcoursup la responsabilité de tous les problèmes.
Vous l’avez dit, cette plateforme est d’abord un outil à la disposition de l’ensemble des élèves et des futurs étudiants, à un moment charnière de leur vie où le stress est effectivement inhérent. Notre responsabilité est d’atténuer les inquiétudes, d’accompagner et d’informer les utilisateurs de la plateforme.
Vous avez parlé de l’absence d’aide ou de l’aide infime accordée aux élèves. Or Parcoursup, qui propose pour l’ensemble des étudiants, partout en France, 23 000 offres de formation, a évolué, s’est amélioré pour tenir compte des revendications bien légitimes de nos élèves et de nos familles.
Cet outil est, pour ainsi dire, unique en Europe, et même au-delà. « Malheureusement », pourriez-vous ajouter ; pour ma part, je pense que c’est heureux, parce qu’il s’agit d’une véritable plateforme d’information, qui permet aux jeunes de déposer des dossiers de candidature aux formations de leur choix, ce qui aide à les rendre accessibles.
Alors, oui, il faut continuer de l’améliorer, mais c’est ce que nous faisons. Personne ne peut nier le travail collectif réalisé par toutes les équipes de Parcoursup et l’ensemble des équipes d’enseignants du secondaire et du supérieur.
Il faut faire de cette plateforme non plus un totem, mais, au contraire, un outil destiné à aider l’ensemble des élèves et des étudiants.
Oui, et je vous rejoins sur ce point, nous devons continuer à y travailler. Mais, pour mesurer et quantifier les progrès faits par Parcoursup chaque année, pour me guider pour la suite, afin de rendre le processus plus transparent et d’améliorer l’information et l’orientation, je me fonde non pas sur un sentiment, une opinion ou un avis, mais sur des sondages de l’institut BVA et les travaux de son comité éthique et scientifique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour la réplique.
Mme Mathilde Ollivier. Madame la ministre, vous me répondez que vous vous appuyez sur des chiffres et non sur des opinions. Or 83 % des jeunes considèrent aujourd’hui que la plateforme est une source de stress : si cette période de leur vie est certes angoissante, compte tenu des choix qu’ils doivent opérer, c’est encore trop ! (M. Jacques Grosperrin approuve.) C’est pourquoi il est important de continuer à travailler sur cette problématique. (Mme la ministre le confirme.)
Vous avez par ailleurs parlé de transparence. À cet égard, j’aurais voulu avoir des réponses plus précises sur les algorithmes et leur éventuelle mise à disposition des étudiants, des jeunes, des parlementaires.
Enfin, en réponse à Mme de La Provôté, vous avez insisté sur le fait que la mixité sociale s’était améliorée dans certaines filières, par exemple à Sciences Po. Or, ce que l’on observe, c’est que, globalement, cette mixité sociale régresse au détriment des classes les plus populaires, y compris dans les grandes écoles. C’est un point sur lequel il convient également de travailler.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, convenons-en, Parcoursup est un système en évolution, ce qui signifie qu’il peut sûrement s’améliorer ! (Mme la ministre acquiesce.) D’où l’exercice auquel nous nous livrons en ce moment même.
Je souhaite tout d’abord, madame la ministre, attirer votre attention sur le fait que, si un grand nombre de bacheliers généraux trouvent effectivement une formation sur la plateforme, ce chiffre est sensiblement moins élevé pour les bacheliers des filières technologique et professionnelle, qui ont tendance, selon le comité éthique et scientifique de Parcoursup – dont j’ai parcouru le rapport –, à faire le choix de l’insertion directe dans l’emploi et qui n’accèdent donc pas à l’enseignement supérieur.
En second lieu, beaucoup de bacheliers sont également tentés de s’orienter vers des formations en apprentissage, ce qui peut d’ailleurs être une bonne chose.
Cependant, en 2021, un nouveau type de formation privée est apparu sur Parcoursup, celles que dispensent des établissements d’enseignement privé à but lucratif hors contrat, qui bénéficient des subventions publiques allouées à l’apprentissage. La qualité de leurs formations fait, hélas, l’objet d’un faible suivi – je n’aime guère le terme de « contrôle ». Ce point a d’ailleurs été relevé voilà quelques instants par nos collègues Sonia de La Provôté et Mathilde Ollivier.
Bien souvent, ces établissements délivrent non pas des diplômes labellisés par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, mais seulement des titres validés par le ministère du travail, ce qui prête nécessairement à confusion.
Ainsi, de nombreux jeunes paient cher ces formations privées pour se retrouver in fine très peu formés.
Je sais qu’un groupe de travail ministériel se penche actuellement sur la question de l’enseignement supérieur privé à but lucratif. Aussi, madame la ministre, quelles dispositions envisagez-vous de prendre ou de recommander, afin de surmonter ce problème et d’éviter que cette dérive perdure, avec tous les risques en termes d’inégalités que cela implique ? (M. Pierre Ouzoulias applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Lahellec, je ne peux que vous rejoindre quand vous dites que le système peut s’améliorer : comme je le dis depuis tout à l’heure, Parcoursup s’inscrit depuis maintenant sept ans dans une dynamique d’amélioration, ainsi que le reconnaît le rapport de son comité éthique et scientifique, et nous devons poursuivre dans cette voie.
C’est du reste à cette fin que la plateforme a été entièrement repensée, qu’ont été prévus des moteurs de recherche supplémentaires, ainsi que des comparateurs de formations, et qu’est désormais offerte aux utilisateurs la possibilité de créer des favoris, afin de leur permettre de suivre leur parcours.
En ce qui concerne les bacheliers des filières professionnelle et technologique, nous continuons à les accompagner. Permettez-moi de citer deux chiffres.
Entre 2013 et 2021, la proportion de bacheliers technologiques inscrits en IUT est passée de 28,8 % à 40,2 %. À l’évidence, la réforme des bachelors universitaires de technologie (BUT) permettra de poursuivre ce mouvement.
Au cours de la même période 2013-2021, la part des bacheliers professionnels inscrits en BTS (brevet de technicien supérieur) est passée de 27,4 % à 34,1 %.
Enfin, comme vous le mentionnez, nous réfléchissons actuellement à la question des établissements d’enseignement privé à but lucratif, afin de pouvoir donner aux familles et aux élèves des indications sur la qualité de la formation dispensée et d’établir une transparence totale sur les frais de scolarité.
À cette fin, nous définirons très prochainement des critères afin d’attribuer, en lien avec le ministère du travail, une sorte de label à destination des élèves et de leurs parents. Il ne s’agit pas d’ajouter des labels aux labels ; l’objectif est simplement d’adresser une alerte sur l’utilisation, pas toujours à bon escient, que font de l’apprentissage certains de ces établissements de formation. Les élèves et leurs familles doivent pouvoir disposer d’informations pertinentes.
Mme la présidente. La parole est à M. David Ros. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. David Ros. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je tiens à remercier notre collègue Pierre Ouzoulias d’avoir pris l’initiative d’organiser ce débat, qui tombe à point nommé. En effet, depuis plusieurs semaines, près d’un million de lycéens et de deux millions de parents sont sur le pont de la plateforme Parcoursup.
Cela engendre, comme l’a indiqué mon collègue Yan Chantrel, un stress familial qui s’inscrira dans le quotidien de certains jusqu’au mois de septembre.
La plupart des enquêtes concernant le ressenti de celles et de ceux qui ont utilisé Parcoursup soulignent par ailleurs une certaine opacité quant aux algorithmes de tri et au classement des candidats, accentuant de fait le stress de nos enfants et des parents.
Alors, si nous voulons avoir un débat juste, serein et, surtout, utile sur l’avenir des jeunes et la suite de leur parcours dans l’enseignement supérieur, universitaire ou non, nous devons nous poser les bonnes questions. S’agit-il d’une orientation ou d’une sélection ? Ce système contribue-t-il à l’équité et à la transparence ?
Surtout, nous devons distinguer l’outil, à savoir la plateforme, du contexte plus général, à savoir la réforme du lycée et des filières universitaires et techniques.
La plateforme Parcoursup est en fait un instrument qui combine orientation et sélection. Elle vise à informer le lycéen des différentes possibilités qui lui sont offertes et, donc, à l’orienter dans ses choix. Elle sert aussi, au regard des candidatures, à sélectionner les jeunes retenus dans chaque filière. Instrument d’orientation et de sélection, c’est donc en quelque sorte l’iOS – le système d’exploitation – des études supérieures. (Sourires.)
Par comparaison avec ce qui existait avec APB, Parcoursup, dans cette septième année – nous en sommes donc à l’iOS 7 –, présente un certain nombre de points positifs : nul besoin de classifier les vœux, comme cela était le cas auparavant ; il est désormais possible d’évaluer le niveau de sélectivité desdits vœux.
Cependant, madame la ministre, l’outil reste bien sûr perfectible. Comme cela a été dit, il nécessite notamment un accompagnement parental et professoral. Bien qu’il soit essentiel, celui-ci est malheureusement parfois impossible, ce qui conduit à des manquements au principe d’équité qui devrait pourtant s’appliquer à tous les candidats sur l’ensemble du territoire.
Votre mission est donc de la plus haute importance, car il est indispensable de continuer à améliorer cette plateforme l’an prochain. Permettez-moi, à ce titre, de vous faire part de quelques orientations possibles.
Tout d’abord, le créneau dans lequel le numéro vert est joignable pourrait ne pas se limiter à la plage horaire dix heures-seize heures, du lundi au vendredi.
Ensuite, vous pourriez envisager, avec votre collègue ministre de l’éducation nationale, de renforcer en amont l’accompagnement des élèves par les enseignants du lycée et de l’enseignement supérieur, mais aussi de réintroduire l’indicateur visuel vert-orange-rouge – présent dans APB –, qui offre une idée du caractère sélectif de la formation objet du vœu formulé.
Enfin, pourquoi ne pas utiliser en amont de la phase officielle un simulateur reposant sur l’intelligence artificielle ? Il permettrait, à partir des données statistiques des années précédentes et des souhaits génériques du lycéen – appétence pour une matière, une filière, une activité, un métier – et de son niveau scolaire, de simuler, à titre d’exemple, une fiche non contractuelle de trois à cinq vœux, indicative et concrète.
Mais l’essentiel réside dans l’impact de la réforme du lycée et la programmation des épreuves de spécialité du bac au mois de juillet.
Si cette dernière décision a incontestablement des vertus pédagogiques, elle rend les notes du contrôle continu du premier semestre, voire du premier trimestre, plus importantes que celles des épreuves écrites de spécialité du baccalauréat. Cela pose donc la question essentielle de l’homogénéisation des notes entre les différents lycées et, subséquemment, de nouveau la question de l’équité.
Je vous invite également à veiller à ce que la réforme du bac ne pousse pas les lycéens à choisir à terme des spécialités leur assurant une meilleure orientation au détriment de celles qui sont pourtant nécessaires à l’exercice des métiers essentiels pour l’avenir de notre pays.
Vous l’avez compris, madame la ministre, les pistes d’amélioration sont nombreuses, et je serais vraiment ravi que vous mentionniez celles que vous privilégierez l’année prochaine. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur David Ros, permettez-moi tout d’abord de vous remercier de vos propositions, dont j’ai pris bonne note.
Premier point, je peux vous annoncer que le numéro vert sera ouvert ce samedi, ainsi que les 13 et 14 mars, jusqu’à vingt heures, pour répondre aux familles.
Deuxième point, en matière d’accompagnement et d’orientation, comme je l’ai indiqué, nous expérimentons depuis le printemps dernier, en particulier en région Nouvelle-Aquitaine, et en lien avec l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (Onisep), qui travaille sur le programme Avenir(s), de nouveaux services aux lycéens utilisant les données de Parcoursup pour leur permettre justement, dès la classe de seconde, encadrés par les enseignants du lycée, à partir de simulations, de mieux comprendre et connaître les filières de l’enseignement supérieur, de mieux cerner leurs objectifs, de mieux évaluer leurs chances d’insertion professionnelle et de succès et, éventuellement, de connaître les passerelles qui existent pour accomplir leur projet professionnel.
Cette plateforme, certes quelque peu spécifique, est un outil supplémentaire, qui se veut humain, en ce sens que son utilisateur bénéficie de l’accompagnement des enseignants du secondaire. Ce que nous demandent aujourd’hui les familles et les élèves pour recréer cette confiance, c’est de mettre beaucoup plus d’humain dans les procédures d’orientation.
Mon rôle est de fournir et d’exploiter les données, riches et nombreuses, issues de Parcoursup et de mettre à disposition des enseignants du secondaire les outils pour les exploiter, quitte à ce que ceux-ci soient formés à cette fin.
Dans un second temps, l’intelligence artificielle permettra probablement de faire évoluer puissamment et favorablement ces outils au bénéfice des élèves.
Troisième et dernier point, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, nous travaillons à harmoniser les notes du baccalauréat.
Mme la présidente. La parole est à M. David Ros, pour la réplique.
M. David Ros. Madame la ministre, le groupe socialiste prend acte de vos engagements en faveur du numérique et de l’humain, qui sont essentiels. Nous avons donc hâte de découvrir l’iOS 8 l’an prochain ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Grosperrin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. Jacques Grosperrin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le rapport que nous avons produit collectivement l’an dernier sur la procédure Parcoursup,…
M. Michel Savin. Très bien !
M. Jacques Grosperrin. … mais je voudrais remercier au préalable Pierre Ouzoulias d’avoir fait inscrire ce débat à notre ordre du jour, parce qu’il nous donne l’occasion d’échanger sur cette plateforme, au terme de plusieurs années de fonctionnement, en précisant bien qu’il ne s’agit pas d’en faire le procès.
Rappelons-nous ce qu’était APB et le caractère inique du tirage au sort (M. Michel Savin le confirme.), autant d’éléments qui nous ont conduits, en 2018, peut-être dans l’urgence – Max Brisson a raison de le dire –, à voter la loi ORE, dont l’actuel Premier ministre, Gabriel Attal, était le rapporteur pour l’Assemblée nationale, tandis que je l’étais moi-même, ici, au Sénat.
Si la commission mixte paritaire a été conclusive à l’époque, c’est bien qu’il y avait urgence : celle de faire en sorte que les étudiants disposent d’un outil leur permettant d’exprimer leurs vœux pour entrer à l’université.
Dans la discussion générale sur ce texte, j’avais évoqué le projet d’Alain Devaquet, en 1986, d’introduire de la sélection à l’université. De fait, dès que l’on parle de sélection, cela provoque des crispations très fortes. J’ajoutais que nous avions trois défis à relever : des candidats toujours plus nombreux ; des échecs massifs ; les difficultés d’APB.
Les candidats sont toujours aussi nombreux, même si leur nombre tend aujourd’hui à se tasser en raison de la baisse du nombre de bacheliers. Nous sommes donc parvenus à un étiage plus faible que les années précédentes.
Le taux d’échec est, en revanche, toujours aussi élevé en licence. À l’époque, on parlait du continuum bac–3/bac+3 ; on en parle encore aujourd’hui, et c’est pourquoi l’examen de ce texte a constitué un moment important.
Je me souviens aussi des propos de notre collègue Sylvie Robert, qui disait alors qu’il était important que le Sénat prenne du temps pour en débattre. Pierre Ouzoulias, quant à lui, nous parlait de constitutionnalisation, tandis que Max Brisson évoquait les pratiques d’évaluation dans les lycées, cependant que Marie-Pierre Monnier et Sonia de La Provôté insistaient sur l’orientation.
Six ans plus tard, le 6 mars 2024, je ne dirai pas, comme Karl Marx, même pour faire plaisir à Pierre Ouzoulias (Rires.), que l’histoire se répète toujours, la première fois comme une tragédie, la deuxième comme une farce, car, justement, je trouve que Parcoursup est un bon instrument.
En revanche, madame la ministre, Parcoursup sera ce que vous en ferez, vous et vos successeurs. Vous êtes en fonction depuis mai 2022 : depuis lors, la plateforme n’est pas parvenue à inspirer confiance à tous ses utilisateurs, ce que je regrette.
Même si le processus est moins long, même si l’outil est plus ergonomique et plus transparent, même si, je le redis, comme j’en ai l’impression, Parcoursup est un bon outil, le rapport sur Stanislas – patatras ! – a créé un émoi certain chez de nombreux Franciliens et, au-delà, chez de nombreux Français.
M. Michel Savin. C’est vrai !
M. Jacques Grosperrin. Je pense aux lycéens et aux étudiants, comme ceux que j’aperçois à cet instant dans les tribunes du Sénat : je me dis que le rapport de l’inspection générale a peut-être érodé leur confiance, fait naître en eux des doutes sur la fiabilité, la transparence et l’équité de Parcoursup, accentuant ainsi leur angoisse.
Je regrette véritablement que cet outil n’ait pas réussi à inspirer confiance à tous ses utilisateurs. La transparence est la matrice de la confiance que l’on a dans ce dispositif et, donc, dans son succès.
Vous devez apporter une réponse, madame la ministre. En d’autres temps, j’avais formulé huit propositions, sur lesquelles je ne reviendrai pas, faute de temps, à l’exception de la huitième, celle d’« assurer un service public d’accompagnement à l’orientation adapté à la nouvelle organisation du lycée et à la maîtrise de Parcoursup ».
Peut-être conviendrait-il également de demander au comité éthique et scientifique de Parcoursup de prendre des actions plus résolues en matière d’évaluation et de contrôle.
Même si cela ne se fait pas, je remercie Jérôme Teillard pour l’ensemble de son travail. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)