Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. François Bonhomme, Mme Nicole Bonnefoy.
2. Salut aux auditeurs de l’Institut du Sénat
3. Questions d’actualité au Gouvernement
mise en œuvre du dispositif france ruralités revitalisation
M. Jean-Luc Brault ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Jean-Luc Brault.
accord franco-canadien et ceta
Mme Annick Girardin ; M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe.
violences subies par les directeurs d’école
Mme Marie-Pierre Monier ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; Mme Marie-Pierre Monier.
réduction des crédits budgétaires consacrés au logement
Mme Marianne Margaté ; M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement.
dispositif d’indemnisation des catastrophes naturelles
M. Pascal Martin ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; M. Pascal Martin.
surcoûts de production des epr de deuxième génération
M. Yannick Jadot ; Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique ; M. Yannick Jadot.
affiche officielle des jeux olympiques et paralympiques
M. Roger Karoutchi ; Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques ; M. Roger Karoutchi.
situation des producteurs de canne à sucre
Mme Solanges Nadille ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Max Brisson ; M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement ; M. Max Brisson.
hébergement par amazon de données sensibles
M. Mickaël Vallet ; Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique ; M. Mickaël Vallet.
exportation des céréales ukrainiennes
Mme Pascale Gruny ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; Mme Pascale Gruny.
M. Franck Dhersin ; M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
directive européenne sur le reporting extra-financier
M. Christian Klinger ; Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation ; M. Christian Klinger.
éducation à la vie affective et sexuelle
Mme Monique Lubin ; Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ; Mme Monique Lubin.
libre pratique du sport par les femmes
Mme Laurence Garnier ; Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.
atteintes à la laïcité à l’école
Mme Agnès Evren ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert
4. Équité et transparence de Parcoursup à la frontière du lycée et de l’enseignement supérieur. – Débat organisé à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky
M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky
Mme Maryse Carrère ; Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Martin Lévrier ; Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Yan Chantrel ; Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ; M. Yan Chantrel.
M. Max Brisson ; Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ; M. Max Brisson.
Mme Laure Darcos ; Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Sonia de La Provôté ; Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ; Mme Sonia de La Provôté.
Mme Mathilde Ollivier ; Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ; Mme Mathilde Ollivier.
M. Gérard Lahellec ; Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. David Ros ; Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ; M. David Ros.
M. Jacques Grosperrin ; Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ; M. Jacques Grosperrin.
M. Jean Hingray ; Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ; M. Jean Hingray.
M. Stéphane Piednoir ; Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche
M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky
5. Enseignement privé sous contrat : quelles modalités de contrôle de l’État et quelle équité des moyens vis-à-vis de l’enseignement public ? – Débat organisé à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain
Mme Marie-Pierre Monier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse
PRÉSIDENCE DE M. Dominique Théophile
M. Martin Lévrier ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Adel Ziane ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Max Brisson ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M. Max Brisson.
Mme Marie-Claude Lermytte ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Annick Billon ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; Mme Annick Billon.
Mme Monique de Marco ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Pierre Ouzoulias ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Bernard Fialaire ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Karine Daniel ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Catherine Belrhiti ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; Mme Catherine Belrhiti.
M. Yan Chantrel ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M. Yan Chantrel ; Mme Nicole Belloubet, ministre ; M. Yan Chantrel.
Mme Anne Ventalon ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; Mme Anne Ventalon ; Mme Nicole Belloubet, ministre.
M. Stéphane Piednoir ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Sabine Drexler ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Marie-Do Aeschlimann ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean Hingray ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Colombe Brossel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain
Suspension et reprise de la séance
6. Statut de l’élu local. – Suite de la discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. Éric Kerrouche, rapporteur de la commission des lois
Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois
Amendement n° 408 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 120 rectifié de M. Laurent Somon. – Retrait.
Amendement n° 33 rectifié ter de Mme Sylviane Noël. – Rejet.
Amendement n° 407 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 163 rectifié de M. Frédéric Buval. – Retrait.
Amendement n° 270 rectifié de M. Frédéric Buval. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 209 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 321 de Mme Solanges Nadille. – Non soutenu.
Amendement n° 382 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 409 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 117 de M. Christopher Szczurek. – Rejet.
Amendement n° 44 rectifié de M. Pierre-Alain Roiron. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 383 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 140 rectifié bis de M. Fabien Genet. – Retrait.
Amendement n° 384 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 364 de M. Aymeric Durox. – Rejet.
Amendement n° 115 rectifié de M. Guislain Cambier. – Retrait.
Amendement n° 121 rectifié quater de M. Bernard Delcros. – Rejet.
Amendement n° 122 rectifié quater de M. Bernard Delcros. – Rejet.
Amendement n° 100 de M. Grégory Blanc. – Rejet.
Amendement n° 99 de M. Grégory Blanc. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 345 de Mme Karine Daniel. – Rejet.
Amendement n° 210 de M. Guy Benarroche. – Adoption.
Amendement n° 171 rectifié bis de M. Philippe Bas. – Adoption.
Amendement n° 402 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 212 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 186 rectifié de Mme Annick Girardin. – Adoption.
Amendement n° 410 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 101 de M. Grégory Blanc. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 128 rectifié de M. Xavier Iacovelli. – Rejet par scrutin public n° 143.
Amendement n° 17 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
Amendement n° 236 rectifié bis de Mme Guylène Pantel. – Rejet.
Amendement n° 338 de Mme Solanges Nadille. – Non soutenu.
Amendement n° 105 rectifié bis de M. Alain Duffourg. – Rejet.
Amendement n° 127 rectifié bis de M. Xavier Iacovelli. – Rejet.
Amendement n° 26 rectifié bis de Mme Anne-Catherine Loisier. – Rejet.
Amendement n° 4 rectifié bis de Mme Alexandra Borchio Fontimp. – Rejet.
Amendement n° 18 rectifié de M. Éric Gold. – Rejet.
Amendement n° 25 rectifié bis de M. Jean-Michel Arnaud. – Retrait.
Amendement n° 304 rectifié ter de Mme Corinne Bourcier. – Rejet.
Amendement n° 376 de M. Aymeric Durox. – Rejet.
Amendement n° 387 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 112 de M. Christopher Szczurek. – Retrait.
Amendement n° 340 de Mme Solanges Nadille. – Non soutenu.
Amendement n° 187 rectifié bis de Mme Annick Girardin. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 213 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 216 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 214 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 388 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 257 rectifié de M. Stéphane Fouassin. – Adoption.
Amendement n° 218 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 290 rectifié de M. Daniel Chasseing. – Rejet.
Amendement n° 69 rectifié bis de M. Daniel Fargeot. – Rejet.
Amendement n° 217 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 91 rectifié bis de Mme Marie-Do Aeschlimann. – Retrait.
Amendement n° 92 rectifié bis de Mme Marie-Do Aeschlimann. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. François Bonhomme,
Mme Nicole Bonnefoy.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Salut aux auditeurs de l’Institut du Sénat
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je suis heureux de saluer la présence dans nos tribunes des auditrices et auditeurs de la septième promotion de l’Institut du Sénat, accueillie hier par la vice-présidente Sylvie Robert. (Applaudissements.)
Sur l’initiative de notre ancien collègue Jean-Léonce Dupont, le bureau du Sénat avait décidé en 2015 de mettre en œuvre ce programme de formation en vue de mieux faire connaître les modalités de fonctionnement et les enjeux de notre démocratie parlementaire à des personnalités d’horizons géographiques et professionnels très divers. Les dix-neuf auditeurs de la septième promotion, issus de dix départements et de trois organismes nationaux différents, représentent en effet des sphères d’activités professionnelles, publiques, éducatives, juridiques, scientifiques, médicales, économiques, ou encore agricoles. Tout au long de leurs travaux, qui ont commencé ce matin et qui s’achèveront à la fin du mois de juin prochain, ils rencontreront plusieurs de nos collègues sénateurs et des fonctionnaires du Sénat.
En votre nom à tous, je leur souhaite une excellente session au Sénat. Je suis certain que, à l’issue de leur mission de quatre mois, ils pourront être les témoins privilégiés de la place essentielle de notre institution au sein de la Ve République et de la qualité du travail parlementaire.
3
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur la chaîne Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun d’entre vous à observer l’une de nos valeurs essentielles : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
mise en œuvre du dispositif france ruralités revitalisation
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Brault, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Jean-Luc Brault. Madame la ministre, je ne suis ni le premier ni le dernier à vous interroger sur le sujet : la réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR) et la mise en place du dispositif France Ruralités Revitalisation (FRR) n’en finissent pas de susciter des interrogations et des craintes sur notre territoire.
Certes, un accord a été validé en loi de finances, ici, au Sénat, après de longs débats budgétaires. Toutefois, les données dont nous disposions ne nous permettaient pas d’objectiver l’impact d’une telle réforme sur nos territoires. Les élus locaux concernés ont donc appris la nouvelle une fois que le couperet était déjà tombé, sans recevoir aucune information en amont de la part des services de l’État.
Ainsi, près de la moitié des communes de la communauté de communes de la Sologne des Étangs (CCSE) se sont retrouvées complètement déclassées du jour au lendemain. Deux communautés de communes voisines, celle de la Sologne des Rivières (CCSR) et celle du Romorantinais et du Monestois (CCRM), ont vu toutes leurs communes définitivement soumises au dispositif FRR ou classées comme rattrapables.
Il semble que toutes les communes rattrapables le seront – heureusement ! Mais cela ne règle pas le problème des communes déclassées qui, en six mois à peine, vont se retrouver sans solutions. Je vous parle de maires et d’élus locaux qui ont tout fait pour faire venir plusieurs médecins qui, in fine, choisiront de s’installer 10 ou 15 kilomètres plus loin pour bénéficier d’avantages fiscaux importants.
Madame la ministre, la semaine dernière, vous avez promis de ne laisser personne sans solution et de faire le point territoire par territoire. Vos propos ont nourri un espoir, mais que veulent-ils dire ?
Un dernier mot : je vous invite à vous rendre sur notre territoire, le Loir-et-Cher. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Vous avez raison, monsieur le sénateur : le dispositif FRR suscite des craintes dans quelques territoires. Cette réforme, nous l’avons voulue et défendue collectivement pour le bien de nos territoires ruraux et des 17 000 communes zonées. Ces communes verront leur attractivité considérablement renforcée dans les années à venir.
Je l’ai déjà dit et je le répète : cette réforme est généreuse sur le fond et nous rendra capables d’aider sérieusement notre ruralité à faire face aux défis qui sont les siens. Elle nous dote d’un zonage plus juste et plus efficace ; elle zone ainsi treize départements les plus pauvres en déprise démographique constante depuis dix ans.
Toutefois, la réforme prévoit de « sortir » 2 000 communes et d’en zoner 6 000 de plus. La semaine dernière, j’ai indiqué que nous ne laisserions aucune commune sans solution, car ce n’est pas ma façon de faire – en témoigne mon engagement constant aux côtés des élus depuis dix-huit mois. Cela signifie deux choses très concrètes : premièrement, toutes les communes rattrapables seront bel et bien rattrapées ; deuxièmement, à la demande du Premier ministre, je réexaminerai la situation des territoires particulièrement concernés par cette réforme et vous en rendrai compte ultérieurement.
Les communes que vous évoquez subissent un effet de seuil sur le critère de revenu, légèrement supérieur à la médiane. Sachez que ces cas retiennent tout particulièrement notre attention. Je le redis avec force et conviction : je suis à votre entière disposition pour que nous trouvions la solution la plus adaptée à chacune de nos communes. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Brault, pour la réplique.
M. Jean-Luc Brault. Je prends bonne note de vos observations, madame la ministre déléguée. Encore une fois, je vous donne rendez-vous dans le Loir-et-Cher !
accord franco-canadien et ceta
M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Annick Girardin. Monsieur le ministre, à quelques jours du vote au Sénat du projet de loi autorisant la ratification de deux accords entre l’Union européenne et le Canada, ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères et concerne la défense de la souveraineté maritime de la France en Amérique du Nord.
La ratification de ces accords, sans réserve formelle de la part de la France, risquerait de constituer un abandon de toute défense de nos intérêts maritimes dans cette zone, au profit du seul intérêt économique.
Dans son article 1.3, l’accord reconnaît implicitement le plateau continental du Canada et sa zone économique exclusive (ZEE) « telle qu’elle est définie dans son droit interne ». Pourtant, la France a toujours contesté légitimement ces deux éléments en défendant ses propres droits.
Concernant la ZEE, la référence au « droit interne » canadien renvoie à la loi sur les océans de 1996, qui a accordé un plein effet territorial abusif à un îlot inhabité, l’île de Sable, privant la France de son accès aux eaux internationales via sa ZEE.
Concernant le plateau continental, les demandes d’extension de la France et du Canada déposées aux Nations unies concernent une zone commune qui, in fine, nécessitera un accord entre ces deux pays, dans un cadre de respect mutuel.
Cette question est d’autant plus urgente que l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon attend la concrétisation des engagements pris par le Gouvernement lors de l’examen du Ceta – l’accord économique et commercial global – à l’Assemblée nationale en 2019, ainsi que la mise en place d’un fonds d’innovation et de diversification pour compenser les effets de cet accord, dont notre territoire est paradoxalement exclu en tant que pays et territoire d’outre-mer (PTOM).
Monsieur le ministre, ratifier ce texte sans émettre de réserves explicites constituerait une erreur stratégique. Ces accords ne peuvent ni constituer une reconnaissance de la ZEE canadienne ni un abandon par la France de ses demandes devant les Nations unies.
Face à ces enjeux urgents, ma question est simple. La France défendra-t-elle ses deux réserves pour préserver ses intérêts en Amérique du Nord ? Le Gouvernement créera-t-il enfin le fonds promis depuis 2019 en faveur de Saint-Pierre-et-Miquelon pour asseoir le rayonnement de la France dans cette partie du monde ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe. Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Madame la sénatrice, je veux vous assurer de la pleine mobilisation du Gouvernement dans le dialogue avec le Canada pour que la procédure devant la Commission des limites du plateau continental (CLPC) puisse aboutir. L’économie saint-pierraise peut compter sur notre entier soutien, lequel se manifeste notamment par la baisse du coût du fret, la mobilité, la formation, l’acquisition de navires et la recherche halieutique.
Quant aux réserves exprimées par la France, je vous propose de les évoquer avec le ministre Franck Riester dans les prochains jours.
Le Ceta était un bon accord au départ et s’avère être un très bon accord à l’arrivée. (Mme Cécile Cukierman proteste.) Je tenais à vous le dire, car votre assemblée aura bientôt à s’en saisir. C’était un bon accord, car, dans sa conception, il préservait certaines filières sensibles, telles que celles des produits laitiers et de la volaille. Concernant Saint-Pierre-et-Miquelon, il prévoyait un démantèlement tarifaire progressif et le cumul du pays d’origine pour que certaines exportations saint-pierraises puissent s’intégrer dans les exportations canadiennes. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.)
À l’arrivée, c’est un excellent accord, puisque notre excédent commercial européen avec le Canada a progressé de 25 %. (M. Fabien Gay s’exclame.) Nous pouvons ainsi nous satisfaire de 4 milliards d’euros supplémentaires d’excédent ! Les exportations françaises ont augmenté de près de 40 % dans l’ensemble, et plus encore dans certaines filières : 45 % pour le fromage et près de 60 % pour les vins et spiritueux. (Mme Sophie Primas s’exclame.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, rejeter le Ceta, c’est porter un coup très dur à certaines de nos filières qui en ont pourtant bénéficié. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)
M. Rachid Temal. L’accepter aussi!
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. C’est dire à l’ensemble de nos partenaires que la France refusera désormais de commercer ou d’entrer dans des accords commerciaux avec eux. Bref, rejeter le Ceta, c’est renoncer à l’ambition que la France demeure une grande puissance commerciale. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et INDEP. – Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Cécile Cukierman. Dites-le aux agriculteurs !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre Monier. Madame la ministre, le 28 février dernier, un proviseur du lycée Maurice-Ravel, à Paris, a demandé à plusieurs élèves de retirer leur voile. L’une d’elles, qui est depuis revenue sur ses dires, l’a accusé de s’en être pris physiquement à elle. Une mécanique infernale s’est alors lancée : l’altercation a été relayée et déformée sur les réseaux sociaux. Le proviseur, aujourd’hui menacé de mort, a été placé sous protection fonctionnelle.
L’un de ses collègues résume ainsi la situation : « C’est une histoire tristement banale pour un établissement défavorisé. […] On l’accuse d’islamophobie alors qu’il se bat pour ses élèves, dénonce la ghettoïsation des établissements scolaires. […] Cela doit être douloureux pour lui. »
Le déroulement des faits, glaçants, nous en rappelle d’autres, qui ont conduit au pire. L’électrochoc suscité par l’affaire a provoqué le rassemblement, lundi dernier, de 160 chefs d’établissement qui ont souhaité exprimer leur soutien et donner l’alerte sur les menaces et les intimidations subies dans le cadre de leurs fonctions. Alors qu’ils se trouvent en première ligne pour faire respecter les valeurs républicaines et la laïcité au sein de leurs établissements, ils font état d’un climat de tensions sans précédent et d’une peur au ventre qui les taraude.
Les chiffres publiés par le ministère de l’éducation nationale témoignent d’une hausse du nombre d’incidents graves. La mission conjointe de contrôle sur le signalement et le traitement des pressions, menaces et agressions dont les enseignants sont victimes, qui vient de conclure ses travaux au Sénat, souligne leur montée en puissance.
Madame la ministre de l’éducation nationale, pouvez-vous nous préciser les mesures prises pour protéger concrètement les chefs d’établissements et l’ensemble de la communauté éducative face à de telles menaces ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Monier, les menaces dont a fait l’objet le proviseur du lycée Maurice-Ravel sont absolument inacceptables ; j’ai eu l’occasion de le dire et de le rappeler lorsque je me suis rendue hier dans l’établissement. Il est intolérable qu’il ait fait l’objet de telles atteintes au moment même où il rappelait aux élèves de l’établissement ce qu’implique la laïcité. Les réseaux sociaux ont ensuite servi à relayer des informations manifestement erronées.
Avec la direction des services académiques du rectorat de Paris, les forces de police – j’en profite pour saluer le préfet de police de la capitale – et l’ensemble de la communauté qui entoure l’établissement, nous nous sommes efforcés de constituer un bouclier de protection. Celui-ci s’est traduit par une triple réponse, à commencer par une réponse académique consistant en un déploiement immédiat d’équipes académiques valeurs de la République auprès des enseignants.
Nous avons ensuite dépêché les équipes mobiles académiques de sécurité (Emas) pour assurer la protection de l’établissement.
Enfin, nous avons mis en place une cellule psychologique, dès hier après-midi, afin que les enseignants qui manifestaient l’envie de parler puissent le faire. Certains avaient vraiment besoin de ce soutien – ils me l’on dit eux-mêmes lorsque je me suis rendue dans l’établissement.
Par ailleurs, la réponse des forces de l’ordre a été extrêmement importante. Ces dernières assurent une présence à l’entrée de l’établissement qui durera aussi longtemps que nécessaire. En outre, la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (Pharos) a été saisie pour faire retirer les menaces circulant sur les réseaux sociaux.
À cette double réponse, tant académique que policière, s’ajoute une réponse judiciaire avec la saisine du parquet sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale et la protection fonctionnelle accordée au chef d’établissement. Nous avons également saisi le pôle national de lutte contre la haine en ligne, dit aussi parquet numérique.
Nous ne tolérerons rien qui puisse porter atteinte à la vie des établissements et des personnels. Le Gouvernement, de son côté, a formé ce bouclier de protection que je viens de vous décrire et le maintiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour la réplique.
Mme Marie-Pierre Monier. Je vous remercie d’avoir mis en œuvre dans un délai prompt les mesures qui ont permis la protection du proviseur du lycée Maurice-Ravel. Reste que le Gouvernement doit en faire autant pour tous les autres membres de la communauté éducative qui subissent des menaces.
Il nous faut assurer à tout prix la sécurité des membres de la communauté éducative, notamment face à tous les obscurantismes religieux, eux qui œuvrent au quotidien pour permettre à nos enfants de devenir des citoyens éclairés. Mon groupe leur apporte un soutien plein et entier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
réduction des crédits budgétaires consacrés au logement
M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Marianne Margaté. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé du logement.
Notre pays compte plus de 5,2 millions de passoires thermiques. Il y fait trop chaud l’été, ou bien trop froid l’hiver, et le gaspillage énergétique induit est coûteux tant pour les résidents que pour la planète et même insupportable pour les plus précaires.
La rénovation de ces logements est une urgence d’un point de vue écologique, social et économique. Tous les acteurs sont concernés : les bailleurs, qu’ils soient privés ou sociaux, et les professionnels du bâtiment, qui voient dans les chantiers de travaux de rénovation une façon de compenser le manque de constructions neuves, problème que vous ne traitez pas.
La rénovation, au travers du dispositif MaPrimeRénov’ devait connaître un soutien renforcé, notamment pour des opérations plus efficaces et un reste à charge réduit. C’était, pour vous, une façon de parler d’un « budget vert », réévalué de 7 milliards d’euros. Vous prétendiez que ces moyens étaient sans précédent. Or ils s’avèrent insuffisants. Vous aviez peut-être peur d’en faire trop, de devenir « une pompe à fric ». Vous avez donc réduit de 2,1 milliards les moyens pour la transition écologique, en retirant 1 milliard d’euros à MaPrimeRénov’.
Vous dites avoir à cœur de ne pas laisser les finances publiques dériver. Tous les scientifiques le disent pourtant déjà : le coût de votre inaction sera bien supérieur lorsqu’il faudra faire face aux dégâts du dérèglement climatique, contre lequel vous n’agissez pas.
Parmi les plus de 12 millions de personnes vivant dans un logement mal isolé, qui laisserez-vous dans la précarité ? Parmi les bâtiments qui émettent 64 millions de tonnes de CO2, lesquels laisserez-vous encore dégrader le respect de nos objectifs écologiques ?
D’ici à 2050, nous devons rénover 500 000 logements par an. Or, avec un peu plus de 65 000 logements rénovés complètement chaque année jusqu’à présent, il faudrait en faire sept fois plus ! Ma question est simple : comment faire sept fois plus avec sept fois moins que nécessaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du logement.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Madame la sénatrice, votre question me permet de réaffirmer la priorité que constitue la rénovation énergétique et thermique des logements dans notre pays. Nous y consacrons un budget significatif depuis de nombreuses années au travers du dispositif MaPrimeRénov’, mis en place par le Gouvernement.
Il se trouve que ce budget a été en constante augmentation ces dernières années, alors que nous pouvions déjà nous satisfaire d’un budget initial substantiel. Ainsi, nous avions prévu une hausse de 1,6 milliard d’euros en 2024. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
Le ministère du logement assume de participer aux économies budgétaires qui sont nécessaires dans un contexte difficile sur le plan des finances publiques. Nous avons donc accepté de renoncer à 1 milliard d’euros d’augmentation sur celle de 1,6 milliard qui était initialement prévue. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-François Husson. Encore du rabot !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Cela signifie bien que le budget alloué à MaPrimeRénov’ est en augmentation nette par rapport au budget de l’année dernière.
L’enjeu est celui de la consommation de ce budget. Nous constatons, avec les services de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), qu’un certain nombre de Français ne réalisent pas les travaux qui sont pourtant budgétés et prévus par le ministère.
Mme Cécile Cukierman. On manque de gens formés et de moyens !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Nous devons donc élargir et simplifier l’accès à MaPrimeRénov’. En effet, les acteurs du bâtiment – à savoir la Fédération française du bâtiment (FBB) et la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), dont nous avons reçu les représentants avec le ministre Christophe Béchu – nous indiquent qu’un certain nombre de complexités empêchent d’aller plus loin dans la rénovation thermique des logements.
Dans ce contexte, nous avons présenté un plan d’action pour simplifier le dispositif Mon Accompagnateur Rénov’. Il porte également sur la labellisation des artisans et les monogestes, c’est-à-dire des rénovations simples qui sont efficaces sur le plan de la transition énergétique.
Nous avons de nouveau rendez-vous avec les représentants de la FFB et de la Capeb cette semaine pour discuter de l’ensemble de ces actions. Nous mettrons au point des mesures de simplification afin que tout le budget prévu cette année soit consommé et que les Français, dans une large majorité, puissent rénover leur habitation. Le Gouvernement y sera très attentif. (M. François Patriat applaudit.)
dispositif d’indemnisation des catastrophes naturelles
M. le président. La parole est à M. Pascal Martin, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Martin. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Les effets du changement climatique se font déjà sentir partout en France. L’un d’eux concerne le phénomène du retrait-gonflement des argiles (RGA). Engendré par les alternances de pluies intenses et de sécheresses, il menace plus de dix millions d’habitations métropolitaines.
Le Sénat a été le premier à se mobiliser contre les RGA. Dès 2019, nous avons mené une mission d’information sur le sujet, qui s’est traduite deux ans plus tard par l’adoption de la loi relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles, dont j’ai eu l’honneur d’être corapporteur.
Cette réforme est-elle aboutie ? À l’évidence, non, au vu des chiffres qui viennent de paraître sur l’ampleur des RGA. Outre la très forte augmentation des dossiers, ils révèlent que près de 25 % des communes ayant demandé la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle (Cat-Nat) ont été déboutées, à cause de critères de sélection manifestement inadaptés, tels que l’évaluation du taux d’humidité.
Les résultats sont ubuesques. Prenons le cas de deux communes limitrophes : l’une peut bénéficier de l’arrêté Cat-Nat, mais pas l’autre. Les conséquences sont catastrophiques pour les habitants des communes déboutées, qui ne peuvent plus solliciter leur assurance habitation pour prendre en charge les dégâts – on parle de foyers ruinés et de vies brisées.
En 2022, la Cour des comptes a pointé du doigt cette insuffisante prise en considération des réalités locales. Le député Vincent Ledoux a récemment présenté des propositions pour corriger ce dispositif.
Ma question est simple : allez-vous entendre ces plaintes légitimes, sources d’angoisses, et réformer en urgence les critères de reconnaissance du classement Cat-Nat ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Il faut lire le rapport de Mme Lavarde !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Vous avez parfaitement raison, monsieur le sénateur. Christophe Béchu, le ministère de l’économie et des finances et moi-même nous sommes emparés d’un dossier sur lequel le Sénat et Vincent Ledoux, député de l’excellente dixième circonscription du Nord (Mme la ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation sourit.), nous ont pressés de travailler.
Cela a permis d’élaborer un rapport qui, complétant le travail du Sénat, propose de revoir intégralement le fonctionnement du traitement des RGA. Ce phénomène touche énormément d’habitants, notamment de petits propriétaires, qui n’ont pas les moyens de faire des travaux ou de déménager. Je sais que les RGA ont particulièrement affecté la Flandre, territoire dont je suis l’élu.
Le ministre de la transition écologique et moi-même avons déjà pris des textes réglementaires afin que l’état de catastrophe naturelle puisse enfin être reconnu pour les communes privées d’indemnisation, comme pour les communes voisines ou adjacentes. Les choses sont désormais réglées : nous parvenons ainsi à éviter cette difficulté administrative qui, de toute évidence, était incompréhensible pour les habitants et les élus locaux.
Par ailleurs, la faible intensité de sécheresse compare les difficultés non plus sur trois ans, mais sur cinq, ce qui permet à un beaucoup plus grand nombre de communes de bénéficier de la reconnaissance de l’état catastrophe naturelle lié aux RGA.
Toutefois, nous n’allons pas assez loin. Il faut engager un changement plus général, en commençant par les constructions. Il faut veiller en amont à ce que des fissures ne viennent pas empêcher les gens de vivre correctement dans leur logement. Quant au régime assurantiel, il doit véritablement être bousculé, ce qui nécessite l’intervention du ministre de l’économie et des finances.
Enfin, nous devons travailler sur le financement de la réparation des catastrophes naturelles au sens large, même si les RGA se manifestent souvent en raison d’un manque d’humidité ou d’eau provoqué par le réchauffement climatique.
Il est vrai qu’on s’y perd parfois dans les critères permettant la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. En outre, on ne sait plus qui de l’État ou des assurances doit intervenir en matière d’indemnisation. Sachez que le Gouvernement, à la demande du Président de la République, travaille à l’élaboration de textes législatifs…
M. Yannick Jadot. Il y a un texte à l’Assemblée nationale !
M. Gérald Darmanin, ministre. … et réglementaires qui seront présentés très bientôt. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pascal Martin, pour la réplique.
M. Pascal Martin. La réponse de l’État doit être urgente. Il est nécessaire que le dispositif soit rétroactif et simple à appliquer ; il doit aussi tenir compte de critères adaptés à la réalité du terrain. Vous le savez, ce dossier est explosif pour des millions d’habitants. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Olivier Rietmann applaudit également.)
surcoûts de production des epr de deuxième génération
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Yannick Jadot. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui est désormais chargé de l’énergie, malheureusement. Or je constate qu’il est absent de notre hémicycle aujourd’hui. On peut toutefois lire son entretien dans Le Monde, au cours duquel il a affirmé que l’État ne devait pas devenir une « pompe à fric ».
S’il y a un secteur qui bénéficie aujourd’hui de la pompe à fric, c’est bien celui des EPR ! Nous venons d’apprendre que la facture des six EPR2 va être portée de 51 milliards à 67 milliards d’euros, alors que nous ne savons toujours pas à quoi ils vont ressembler. (M. André Reichardt s’exclame.)
Un surcoût de 16 milliards d’euros pour les EPR de Flamanville et d’Hinkley Point : c’est la malédiction des EPR ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Heureusement que, en 2016, Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, avait parfaitement géré les négociations. Remercions-le d’avoir contraint EDF, l’État et les Français à payer ces surcoûts à la place des Britanniques et des Chinois ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Madame la ministre, qu’allez-vous faire pour que nous puissions enfin sortir de l’opacité du « quoi qu’il en coûte » nucléaire ? Allez-vous y appliquer la rigueur budgétaire que vous prônez ailleurs ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du numérique.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur Jadot, veuillez tout d’abord excuser Bruno Le Maire pour son absence (Ah ! sur les travées des groupes GEST et SER.) – il est aujourd’hui retenu en commission – et Roland Lescure (Mêmes mouvements.), qui représente le Gouvernement devant la commission du développement durable de l’Assemblée nationale, pour l’examen du projet de loi relatif la sûreté nucléaire.
On déplore un dérapage des coûts et des délais des programmes d’EDF. Pour assurer la bonne exécution de ces derniers, l’État a créé la délégation de programme interministérielle au nouveau nucléaire, placée sous la direction de Joël Barre. Elle a d’ores et déjà conduit une revue des programmes concernant les EPR2 français en 2023 et a conclu que l’avancement du design du projet ne permettait pas à EDF de passer à la phase de design avancée sur certains bâtiments.
Dans ce contexte, il a été demandé à EDF, au début du mois de février, d’analyser les causes qui ont conduit à la réévaluation du chiffrage du projet d’Hinkley Point et d’en tirer toutes les leçons. L’entreprise doit en outre conduire un programme d’optimisation du projet d’EPR2 – surtout en ce qui concerne ses coûts – et de présenter un nouveau chiffrage et un nouveau calendrier qui feront l’objet d’un audit à la fin de l’année 2024, une fois le design suffisamment avancé et la revue de maturité achevée.
Vous le savez, monsieur Jadot : le nucléaire est un projet de long terme (Rires et exclamations sur les travées du groupe GEST.), comme ceux qui sont conduits dans le domaine de la défense, et nous l’abordons avec une approche industrielle.
M. Yannick Jadot. C’est du très, très long terme !
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État. Oui, il faut voir loin en matière d’énergie !
Nous comptons en effet sur le développement en flotte des six EPR pour assurer à terme des économies d’échelle. Dès réception du nouveau chiffrage par EDF, nous reviendrons bien évidemment devant la représentation nationale pour vous en rendre compte.
Selon vous, le nucléaire est une « pompe à fric » ; pour nous, c’est une question de souveraineté nationale et d’investissement pour la Nation – ne négligeons pas l’intérêt national ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et UC.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour la réplique.
M. Yannick Jadot. Vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État : le développement des EPR est réalisé sur du très long terme, puisqu’il s’étale sur au moins quinze ou vingt ans. Mais l’explosion des factures énergétiques des ménages, c’est aujourd’hui que nous la constatons. (Fessenheim ! Fessenheim ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Or le Gouvernement réduit le budget consacré à MaPrimeRénov’ ! (Huées continues sur les travées du groupe Les Républicains. – Plusieurs sénateurs martèlent leurs pupitres.)
La souveraineté énergétique de la France doit être acquise aujourd’hui. Or EDF et Orano continuent d’utiliser l’uranium russe ! (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
La sûreté et la sécurité nucléaire doivent être garanties aujourd’hui ! Or vous voulez saborder l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) !
Le dérèglement climatique, lui, n’attendra pas quinze ou vingt ans. Les énergies renouvelables coûtent deux fois moins cher, alors cassons la malédiction des EPR et déployons les énergies renouvelables ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
affiche officielle des jeux olympiques et paralympiques
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Roger Karoutchi. Monsieur le Premier ministre, quelle différence votre gouvernement fait-il entre une croix et une flèche ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le sénateur Karoutchi, vous me posez une question avec le panache et l’esprit que l’on vous connaît. Jouons donc ensemble au jeu des sept erreurs sur cette affiche des jeux Olympiques et Paralympiques.
Vous aurez sûrement remarqué que la tour Eiffel y est rose et qu’elle est encerclée par le Stade de France, que le métro passe sous l’Arc de Triomphe sur lequel se joue une partie de tennis fauteuil,…
M. Fabien Genet. C’est hors sujet !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. … que les jardins de Versailles sont proches de l’obélisque et que celui-ci est à la place du Champ-de-Mars. Il ne vous aura de même pas échappé que la vague de Teahupo’o, en Polynésie française, roule sur la marina de Marseille. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ces erreurs sont multiples ; il s’agit d’écarts à la réalité, qui portent un nom : la liberté d’un artiste (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), que notre pays s’est toujours honoré de préserver, d’encourager, de respecter. Cette affiche est tout cela, elle n’est en aucune manière une reproduction, mais bien une interprétation qui se veut joyeuse et foisonnante d’une ville-stade réinventée.
Cette affiche n’est pas une commande d’État, mais le geste libre (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) d’un artiste créatif, courageux, inspiré par ces jeux Olympiques et Paralympiques.
M. Olivier Paccaud. C’est du wokisme !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. J’aurais aimé vous entendre souligner, monsieur le sénateur que, pour la première fois sur un dessin de cette importance, les jeux Olympiques sont mis sur le même plan que les jeux Paralympiques. Vous auriez pu aussi chercher des drapeaux tricolores, il y en a, près de notre Phryge, et il y en aura plein les stades et plein les podiums.
Cette affiche, c’est la France (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.), les jeux Olympiques et Paralympiques, elle représente la liberté que nous aimons, celle de nos artistes. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Il n’y a pas de drapeaux, il n’y a pas nos couleurs !
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.
M. Roger Karoutchi. Non, madame la ministre, je le regrette, il ne s’agit pas de la même chose. Vous pouvez peindre la tour Eiffel dans la couleur que vous souhaitez, mais vous ne pouvez pas enlever la croix du dôme des Invalides, qui trône depuis Louis XIV. Vous ne pouvez pas changer l’histoire de France.
Vous pouvez laisser libre cours à l’imagination d’un artiste et à son coup de crayon, mais le Gouvernement et le Parlement ne sont que des incarnations provisoires de la Nation ; nous avons des prédécesseurs, nous aurons des successeurs. Cette nation est fière d’organiser les jeux Olympiques, mais elle refuse d’être effacée, de voir les symboles et l’histoire qui l’ont façonnée être reniés.
Libre à vous de jouer sur les couleurs, mais une croix orne le dôme des Invalides depuis trois cent cinquante ans, de même qu’une croix se dresse au sommet de la flèche de Notre-Dame, que nous étions tous très fiers, il y a trois mois jour pour jour, de voir rétablie.
Les symboles de la France, son histoire, fondent la Nation ; sans Nation, point de République, point d’évolution, point de solidarité.
Aujourd’hui, le « wokisme » mondialisé (Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.) s’emploie à faire disparaître les symboles de la Nation. Quelles que soient nos sensibilités politiques, si nous souhaitons que celle-ci évolue, nous ne saurions pourtant l’effacer, car nous disparaîtrions. Les nations ne sont pas éternelles, pas plus que ne le sont les États et les empires.
Faites la Nation, toute la Nation ; la République, toute la République ; la France, toute la France ; n’effacez pas nos symboles ! (Les sénateurs du groupe Les Républicains, ainsi que MM. Joshua Hochart, Christopher Szczurek et Aymeric Durox se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Hussein Bourgi et Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudissent également.)
situation des producteurs de canne à sucre
M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Solanges Nadille. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Madame la ministre, je souhaite vous faire part d’une grande inquiétude liée au mouvement de protestation des producteurs de canne à sucre de mon territoire, la Guadeloupe. J’associe à cette question mon collègue Dominique Théophile.
Les producteurs de canne sont à bout, pénalisés par la baisse des tonnages, l’augmentation du prix des intrants et la diminution de la richesse en sucre ; ils ne parviennent plus à couvrir leurs charges ni à tirer un revenu décent de leur exploitation.
Or cette filière est essentielle pour la Guadeloupe, sur les plans économique, social et culturel ; elle compte 4 500 exploitations, occupe près de 50 % de la surface agricole utile et fournit plus de 10 000 emplois.
Face à cette crise du secteur, le souhait de l’intersyndicale est de voir le prix de la tonne passer de 109 euros à 120 euros pour les années 2024 à 2026, en attendant la mise en place de nouveaux modèles. Faisons d’abord supporter cet effort par le seul usinier encore présent en Guadeloupe et qui se trouve ainsi en position de force par rapport aux producteurs.
Comment comprendre que le modèle de fixation des prix de la canne datant de plus de cinquante ans ne tienne compte que de la richesse en saccharine ? Les produits dérivés de la canne sont pourtant vendus très cher sur le marché international, générant pour l’usinier des revenus substantiels : 5 millions d’euros de bénéfices et 16 millions d’euros de report à nouveau. Comment accepter que ces revenus ne soient pas redistribués aux producteurs ?
Enfin, madame la ministre, comment comprendre que cet usinier soit habilité à distribuer les subventions européennes aux producteurs ? Il s’agit d’un moyen de pression !
La filière de la canne à sucre est en profonde souffrance ; il est temps d’arrêter de casser du sucre sur le dos des producteurs. Ceux-ci iront jusqu’au bout de leur combat et ils peuvent compter sur moi pour porter ici leur voix.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Solanges Nadille. Madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour répondre aux demandes des producteurs de canne ? Il y a urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Nadille, vous m’interrogez sur la situation des planteurs de canne à sucre en Guadeloupe, une filière à laquelle je sais que vous êtes très attachée.
Comme vous le savez, une convention sous l’égide de l’État régit les relations entre l’industriel et la filière canne en Guadeloupe. Cette convention, renouvelée il y a un an pour la période 2023-2028, comporte des avancées significatives pour les planteurs de canne par rapport à la précédente version, notamment une hausse de 30 % du prix. J’ai à l’esprit, en particulier, l’augmentation du paiement par l’industriel de 6 euros par tonne produite et par l’État de l’équivalent du net, revenant à 9 euros par tonne produite.
Compte tenu des difficultés auxquelles sont confrontés les planteurs, nous travaillons à de nouvelles avancées et des discussions sont en cours sous l’égide du préfet pour trouver un nouveau point d’équilibre entre les planteurs et l’industriel. Deux pistes sont notamment évoquées : tout d’abord, un gain immédiat de l’ordre de 1,90 euro par tonne via la cession par l’industriel aux planteurs d’une prime bagasse, ensuite, la conclusion d’un protocole applicable dès la campagne 2024 permettant la valorisation de tous les coproduits de la canne et conduisant à un meilleur partage des bénéfices.
Pour autant, madame la sénatrice, pour que ces propositions aient du sens, il est impératif que la campagne de 2024 démarre. La collecte en temps et en heure de la canne est la garantie d’une richesse en sucre optimale et donc d’une meilleure rémunération des planteurs.
Par ailleurs, au-delà des prix, les discussions doivent porter sur le redressement de la production et des rendements à l’hectare. Il faut donc mettre en place des itinéraires techniques qui permettront de les améliorer ; cela passe par le renforcement de la résilience des exploitations grâce à la diversification des cultures, afin de mieux équilibrer les revenus.
Vous pouvez compter sur l’engagement total du Gouvernement pour mener à bien ces travaux en faveur des planteurs de canne de Guadeloupe. Le ministre Marc Fesneau et moi-même serons à vos côtés. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
fiscalité des airbnb
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Monsieur le Premier ministre, permettez-moi de vous narrer un mauvais vaudeville en quatre actes.
Acte Ier, 25 novembre, Sénat. La Haute Assemblée adopte en séance publique quatre amendements identiques au projet de loi de finances pour 2024, alignant ainsi le régime fiscal des locations de meublés de tourisme sur celui des locations nues.
Acte II, 16 décembre, Assemblée nationale. Le Gouvernement engage sa responsabilité. La loi de finances est adoptée. Surprise : elle maintient dans son article 45 les dispositions introduites par le Sénat. « Par erreur », affirme le Gouvernement. « Trop tard ! », lui répond la loi.
Acte III, 29 décembre, palais de l’Élysée. Le Président de la République promulgue la loi : le régime fiscal des meublés de tourisme est aligné sur celui des locations nues. Telle est la loi.
Acte IV, 14 février, Bulletin officiel des finances publiques – impôts. En contradiction avec la loi, le Gouvernement autorise les contribuables à appliquer aux revenus de 2023 les dispositions du code général des impôts dans leur version antérieure à la loi de finances pour 2024.
Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : comment justifiez-vous ce refus d’appliquer les dispositions d’une loi démocratiquement votée et promulguée dans les règles ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, GEST, SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du logement.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur Max Brisson, vous avez raison de soulever la question de fond concernant l’équilibre des règles entre les meublés de tourisme et les meublés traditionnels dans notre pays, ainsi que la question de l’égalité concernant le diagnostic de performance énergétique (DPE).
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas le sujet !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Vous le savez, si vous possédez un appartement, par exemple à Bayonne, et que vous décidez de le louer à un touriste, vous n’avez pas besoin de réaliser un DPE ni d’entreprendre des travaux de rénovation. En revanche, si vous le louez à un Basque, vous devez alors disposer d’un DPE et ne pas être classé en F ou en G. Il existe donc une inégalité manifeste.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas la question !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Il y a également une inégalité fiscale : si vous décidez de louer ce même appartement à Bayonne, classé comme meublé, à un touriste, vous pouvez bénéficier d’un abattement fiscal allant jusqu’à 70 %, tandis que si vous le louez à un Basque, l’abattement fiscal ne sera que de 30 %.
M. Mickaël Vallet. C’est quoi, un Basque ?
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Enfin, il existe une inégalité entre les communes, certaines disposant d’outils de régulation qui leur sont réservés et qu’elles peuvent utiliser, tandis que d’autres, trop petites, ne bénéficient pas de ces outils permettant d’opérer un meilleur arbitrage entre meublés touristiques et meublés traditionnels.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas la question !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. C’est tout le sens des travaux menés sur l’initiative du Parlement, y compris à l’Assemblée nationale, de façon transpartisane, avec une proposition de loi défendue par Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz tout au long de l’année 2023, visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif.
Je salue également votre combat au Sénat sur ce sujet. Le Gouvernement souhaite faire prospérer ladite proposition de loi cette année et y travailler avec vous en intégrant les résultats d’une mission parlementaire sur la fiscalité locative, dans le but de parvenir au bon résultat. (Exclamations.)
Monsieur le sénateur, permettez-moi de vous dire que je me réjouis de votre soutien à ce rééquilibrage. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) J’ai besoin de vous, puisque les députés du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale n’ont pas voté cette proposition de loi et ont refusé un rééquilibrage des règles du DPE, de la fiscalité locative et des outils que nous souhaitons accorder aux élus locaux.
M. François Bonhomme. Ce n’est pas le sujet !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Je compte donc vraiment sur votre aide non seulement pour trouver une majorité au Sénat, mais aussi pour déboucher sur une commission mixte paritaire (CMP) conclusive et faire avancer ce beau sujet pour lequel nous avons besoin de toutes les forces politiques. (M. Bernard Buis applaudit.)
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas la question !
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.
M. Max Brisson. Monsieur le ministre, votre non-réponse à ma question m’offre un formidable épilogue.
6 mars, Sénat : des explications confuses, mais si symptomatiques d’une méthode artisanale, doublée d’une petite dose de cynisme et de beaucoup d’arrogance.
Telle est la chronique, devenue banale, d’un exécutif vacillant, piétinant sans vergogne le Parlement. Pendant ce temps, cinq ministres du logement se sont succédé en sept ans, mais aucune grande loi sur le sujet, pourtant maintes fois promise, n’a été adoptée. Voilà une parfaite illustration de l’absence de boussole de ce gouvernement, alors que sévit dans le pays une terrible crise du logement.
Sur ce sujet crucial, moins de basses manœuvres, plus d’action : il y a urgence ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
hébergement par amazon de données sensibles
M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Mickaël Vallet. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’économie. (Exclamations et rires sur les travées du groupe Les Républicains.) Bref…
Madame la secrétaire d’État, vous savez bien sûr qui est l’auteur de cette déclaration faite en 2022 : « Personne n’a envie que ses données de santé soient répandues aux quatre vents ; personne n’a envie que les données de fabrication d’un Airbus, d’un TGV, d’un satellite ou d’Ariane soient diffusées à travers la planète. » Chacun, et vous la première, aura reconnu la plume du ministre de l’économie, dans ses œuvres complètes.
Pour autant, ces mots ne sont-ils que des mots ? Il y a trois semaines était publié un article du Canard enchaîné selon lequel EDF aurait confié la planification de la maintenance de ses centrales nucléaires à Amazon, un Gafam, dans le cadre d’un contrat de 860 millions d’euros. Cette affaire est sérieuse et ne souffre ni caricature ni légèreté.
Madame la secrétaire d’État, si cette information est fausse, pourquoi avoir attendu qu’une question soit posée à l’Assemblée nationale pour que votre collègue, M. Lescure – ici absent –, la démente du bout des lèvres ? Si elle n’est que partiellement fausse, veuillez nous indiquer avec précision dans quelle proportion : périmètre du marché, montant, objet précis. Si elle n’est que partiellement vraie, cela reste très grave.
La représentation nationale veut maintenant des réponses précises, car l’unique actionnaire d’EDF, c’est nous, c’est l’État, et l’unique responsable, c’est vous ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du numérique.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur Vallet, toute grande organisation numérique moderne des données repose sur des solutions hybrides dites multicloud. Vous connaissez bien le sujet.
Il convient donc de distinguer, d’une part, la gestion des données sensibles, lesquelles doivent être gérées en interne ou en cloud de confiance, et, d’autre part, celle des données moins sensibles, qui peuvent, elles, faire l’objet d’une gestion en cloud privé ou public.
Comme l’a assuré EDF au Gouvernement, plusieurs expérimentations ont été lancées dans le cadre d’un programme de rénovation, dont une sur les pièces de rechange utiles au fonctionnement normal des centrales nucléaires. C’est à cette occasion que l’entreprise a fait appel au cloud public d’Amazon Web Services (AWS).
Cette expérimentation respecte les exigences d’EDF en termes de cybersécurité et de confidentialité, ainsi que les obligations issues du règlement général sur la protection des données (RGPD). Elle ne porte donc pas sur des données sensibles.
Aucun schéma d’ingénierie ni d’architecture n’a été transmis ni stocké dans le cloud d’AWS, les données confidentielles des centrales nucléaires d’EDF sont, par ailleurs, hébergées dans des infrastructures privées que l’entreprise gère en propre.
Votre question, toutefois, monsieur le sénateur, relève d’une préoccupation majeure, que nous partageons : les entreprises stratégiques ont encore très insuffisamment recours aux offres de cloud de confiance.
Je souhaite donc réaffirmer que la doctrine de l’État est bien de veiller à ce que les données sensibles des administrations et des entreprises soient hébergées dans des infrastructures bénéficiant de la qualification SecNumCloud. La France est d’ailleurs engagée dans les négociations du futur schéma européen de certification des services de cloud, l’EUCS (European Cybersecurity Certification Scheme for Cloud Services).
Enfin, dans le cadre de France 2030, le Gouvernement mobilise 700 millions d’euros pour accompagner les acteurs dans cette labellisation SecNumCloud.
Vous pourrez compter sur notre mobilisation, monsieur le sénateur, non seulement dans le suivi de ce dossier très précis, mais aussi pour faire appel aux leviers de financement nécessaires à l’émergence d’un marché français et européen compétitif d’offres de cloud de confiance.
M. Franck Montaugé. Ce n’est pas rassurant !
M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, pour la réplique.
M. Mickaël Vallet. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État ; pour autant, au lendemain de la parution de cet article du Canard enchaîné, le directeur de la recherche et du développement d’EDF, auditionné au Sénat, n’était même pas informé du sujet. Trois semaines plus tard, vous entretenez toujours le flou, même si vous nous avez un peu renseignés sur le périmètre et la sensibilité des données. Nous ne savons toujours pas s’il s’agit d’une expérimentation et nous ne connaissons pas le montant du contrat.
Or, comme le courant, le respect de la loyauté par notre allié américain peut être alternatif. Vous faites pourtant confiance à une entreprise états-unienne sans craindre l’abus d’extraterritorialité. Maintenant, des actes sont nécessaires, car on ne badine pas avec la souveraineté et vous le savez que, à Bercy, à défaut d’actes, il n’y a que de la littérature ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)
exportation des céréales ukrainiennes
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. Madame la ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, en mai 2022, l’Union européenne décidait, par solidarité avec l’Ukraine, de lever les droits de douane et les quotas pour les produits agricoles ukrainiens.
Deux ans plus tard, la concurrence de ces importations est devenue insoutenable pour nos agriculteurs. Sur le seul mois de janvier 2024, un million de tonnes de blé tendre ukrainien ont été importées en Europe, soit la totalité du volume par an avant la guerre ; le cours du maïs a également chuté de 30 %.
Face à cet afflux devenu hors de contrôle, il est urgent que la Commission européenne réagisse.
Dans sa proposition de règlement sur les échanges avec l’Ukraine, elle introduit, certes, un frein d’urgence pour les œufs, le sucre et la volaille, permettant de rétablir les droits de douane si les importations de ces produits dépassent un certain contingent annuel, mais elle oublie d’y inclure les céréales.
Le Premier ministre a affirmé le 1er février vouloir engager une négociation à Bruxelles pour limiter les importations de céréales.
Or les représentants de la France à Bruxelles ont voté le 21 février dernier en faveur de cette proposition, sans demander l’inclusion d’une clause de sauvegarde pour les céréales.
La position de la France est incompréhensible.
Êtes-vous favorable ou non au déclenchement de la clause de sauvegarde pour préserver nos producteurs de blé et de maïs ? Quelles consignes allez-vous donner à vos députés européens pour le vote du 7 mars prochain ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Pascale Gruny, la France est un soutien résolu de l’Ukraine, car défendre l’Ukraine, c’est défendre les Français et les Européens, c’est répondre à une puissance violente qui fait la guerre aux portes de l’Europe, qui multiplie les attaques informationnelles, les cyberattaques et les manœuvres de déstabilisation contre les intérêts français et européens, en Europe et dans le monde.
Sur le sujet que vous abordez, M. Poutine a parfaitement compris que l’arme agricole était une arme de guerre. Ne renversons donc pas le sens des corrélations : ses actions ont déstabilisé les marchés agricoles comme elles ont déstabilisé le marché de l’énergie.
Les céréales ukrainiennes ont perdu leur débouché principal de la mer Noire. Malgré les corridors de solidarité mis en place en Pologne et en Roumanie, avec le soutien de l’Union européenne, un trop grand volume de ces céréales reste stocké en Europe, en particulier dans les États membres frontaliers de l’Ukraine.
Dans ce contexte, notre pays – c’est tout à son honneur – a, depuis le début du conflit, soutenu des mesures temporaires facilitant les échanges avec l’Ukraine ; pour autant, solidarité ne signifie pas naïveté. Conformément à l’engagement du Président de la République, nous avons obtenu deux avancées pour protéger nos agriculteurs dans le règlement européen.
En premier lieu, une mesure de sauvegarde pourra être prise en cas de perturbation significative d’un marché pour un ou plusieurs États membres…
M. Pierre Cuypers. C’est le cas !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Auparavant, cela devait concerner l’ensemble du marché européen. La Commission pourra alors imposer tout type de mesures et non plus seulement des droits de douane, aussi longtemps que nécessaire.
En second lieu, dans des circonstances critiques, la Commission pourra mettre en œuvre une mesure de sauvegarde provisoire pour une durée maximale de 120 jours afin de limiter l’impact de la libéralisation du commerce de ces produits.
Vous avez raison de mentionner la situation différente des œufs, des volailles et des céréales. Nous avons agi sur les deux premiers produits, nous continuons à négocier sur le troisième.
La position de la France est sans ambiguïté : nous défendrons nos agriculteurs.
M. Jean-Marc Boyer. Les voilà rassurés !
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.
Mme Pascale Gruny. Il faut bien évidemment faire preuve de solidarité avec l’Ukraine. J’ai évoqué l’absence de clause de sauvegarde pour les céréales, mais je crains que vous ne mesuriez pas la gravité de la crise agricole actuelle. J’aurais pu également aborder la question du miel.
Vous faites des promesses à Paris, mais vous votez à l’inverse de ces promesses à Bruxelles. On entend souvent dire que c’est la faute de l’Europe, mais je vous rappelle que vous siégez dans les instances européennes : le Président de la République, les ministres, vos députés européens y participent, gardez cela à l’esprit.
Il s’agit de ne pas oublier les Français : sur l’agriculture, nous attendons vraiment que vous soyez plus incisifs.
Je souhaitais rappeler également le règlement relatif à la restauration de la nature, lequel contient des indicateurs qui ont attiré mon attention : indice des papillons de prairie, indice des oiseaux communs…
M. le président. Il faut conclure.
Mme Pascale Gruny. Il faut mettre un terme à ces normes imposées aux agriculteurs ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
pass rail
M. le président. La parole est à M. Franck Dhersin, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Franck Dhersin. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur le projet de Pass Rail à 49 euros qu’avait annoncé votre prédécesseur, en faisant fi des nombreuses alertes du secteur ferroviaire, mais surtout de celles des régions, qui financent les TER.
Je partage avec vous, avec nous tous, le souhait d’un véritable essor du transport ferroviaire dans notre pays. Nous constatons tous que les taux de remplissage des TGV et des TER augmentent significativement depuis la covid-19, et que la SNCF présente d’excellents résultats depuis trois années, ce dont nous pouvons tous nous réjouir.
Pour autant, il me semble que, en annonçant dans des délais si brefs l’instauration d’un pass à 49 euros calqué sur le modèle allemand, le gouvernement précédent a réalisé une opération de communication sur le dos des régions et de leurs finances. Je l’avais dit à l’époque : cessons d’avoir de bonnes idées avec l’argent des autres !
Il n’a échappé à personne que les régions financent déjà massivement les transports ferroviaires régionaux. L’usager paie une partie très minoritaire du coût réel du transport – 27 % dans ma région, un ratio plus ou moins similaire à celui du reste de l’Hexagone. Pouvons-nous vraiment nous passer de ces recettes de billetterie, au risque d’une dégradation de l’offre ?
De surcroît, depuis plusieurs années, les péages ferroviaires connaissent des augmentations démesurées, de l’ordre de plusieurs dizaines de millions d’euros. Les exécutifs régionaux font le maximum pour ne pas répercuter sur les usagers les surcoûts engendrés par ces évolutions, mais cela finira forcément par emporter des conséquences en matière de qualité de l’offre.
Seuls 8 % des nouveaux abonnés au fameux Deutschland-Ticket n’étaient pas des utilisateurs occasionnels en train. Le coût par utilisateur nouveau d’un tel abonnement illimité est donc revenu à 3 000 euros par passager. Pour l’ensemble des régions de France, cela représenterait un manque à gagner de 200 millions d’euros, et jusqu’à 950 millions d’euros pour l’Île-de-France.
Comment cautionner une telle utilisation de l’argent public ? Le véritable problème du train en France n’est pas la demande, mais bien l’offre.
Monsieur le ministre, dans le cadre de votre prise de fonctions, envisagez-vous de reprendre à votre compte cette promesse ou pourriez-vous privilégier des aménagements en faveur d’un abonnement plus resserré, notamment en direction de la jeunesse, dont les moyens financiers et de mobilité sont beaucoup plus restreints que ceux du reste de la population ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le sénateur Dhersin, vous avez raison, la mobilité est affaire de pragmatisme. Je partage l’idée d’un distinguo à opérer, selon que l’on est confronté à un problème de demande ou d’offre en matière de transport, qui s’impose d’ailleurs chaque fois que l’on réfléchit sans tabou sur la tarification.
Je partage aussi l’idée d’un travail en commun approfondi avec les régions, qui disposent de compétences étendues en matière de transport et qui pratiquent également des tarifications différenciées.
C’est donc avec une forme de pragmatisme et une volonté de travail en commun avec les régions que je souhaite me saisir de ce dispositif.
J’envisage donc de proposer à Mme la présidente de Régions de France l’expérimentation d’un Pass Rail ciblé sur les jeunes et sur la période estivale, pour les réseaux Intercités et TER. Il s’agirait, en quelque sorte, d’une tarification sociale pour les jeunes, afin de leur permettre de découvrir l’ensemble des régions de notre beau pays, incarné dans cet hémicycle.
Je pourrais donc présenter les choses ainsi à Mme la présidente de Régions de France et, si toutes les régions en sont d’accord, le Gouvernement dira : « Banco ! », comme l’a indiqué le Président de la République.
directive européenne sur le reporting extra-financier
M. le président. La parole est à M. Christian Klinger, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Klinger. Informations relatives à l’adaptation au changement climatique, à la pollution, à la gestion des ressources hydriques et marines, à l’utilisation des ressources et à l’économie circulaire ; informations relatives aux communautés affectées, aux utilisateurs et consommateurs finaux… Voici quelques exemples des nouvelles informations que les entreprises devront fournir pour répondre aux nouvelles exigences de la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) que vous avez transposée par ordonnance en décembre dernier.
Ce texte apporte certes un cadre, mais il ajoute une nouvelle couche au millefeuille administratif. Les acteurs concernés sont nombreux à considérer que, en raison de leur taille, les petites et moyennes entreprises (PME) ne seront pas concernées. C’est une erreur : une PME fournisseur d’une entreprise de taille intermédiaire (ETI) concernée par la directive devra fournir ces informations en tant que maillon d’une chaîne de valeur.
Parlons-en justement, de la valeur. L’objectif principal d’une entreprise étant – je le rappelle – la création de valeur, l’information extra-financière ne doit pas se faire au détriment de celle-ci. Comment pensez-vous accompagner les entreprises dans ce fastidieux exercice, madame la ministre ? Qui pourra traduire le vocabulaire technique en langage clair, accessible et compréhensible par les dirigeants d’entreprise ?
La délégation sénatoriale aux entreprises propose une pause jusqu’à l’application totale de la directive, c’est-à-dire jusqu’en 2028. Je rappelle que le contenu de la déclaration de performance extra-financière a été modifié vingt et une fois en vingt et un ans !
Madame la ministre, au regard de la complexité normative de la directive CSRD, comment l’État compte-t-il simplifier concrètement ? Autrement dit, comment compte-t-il passer des Assises de la simplification à la pratique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation. Monsieur le sénateur, puisque nous sommes dans la Chambre haute, qui est la chambre de la précision, permettez-moi de rappeler que les entreprises ne seront pas toutes concernées en même temps par la directive CSRD. Vous l’avez dit, les PME ne seront concernées qu’en 2027, mais les ETI ne le seront pour leur part qu’en 2026, et les grands groupes, en 2025. Cela va mieux en le disant !
Votre question est toutefois parfaitement légitime, mais puisqu’il y a parmi vous des spécialistes, mesdames, messieurs les sénateurs, ne soyons pas naïfs : il y a vingt ans, le choix du référentiel IFRS (International Financial Reporting Standards) a constitué une erreur majeure que nous payons encore aujourd’hui.
M. François Bonhomme. C’est bien vrai !
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Ne disposant que de deux minutes pour répondre, je ne m’étendrai pas sur le sujet. Il reste que l’on ne peut pas faire fi de ce débat, car, à défaut, vous savez aussi bien que moi que les normes américaines s’imposeraient, monsieur le sénateur Klinger.
Ne soyons par ailleurs ni simplistes ni flous. J’entends beaucoup de choses, notamment beaucoup d’âneries. L’on affirme par exemple que 1 178 data points seront imposés aux entreprises, quand cette disposition ne s’appliquera qu’aux très grandes entreprises, tandis que seulement 24 data points seront demandés aux PME concernées, par exemple en leur qualité de sous-traitantes.
Il nous faut désormais tester ces data points. Sous l’égide du président Rietmann, que je salue, la délégation aux entreprises du Sénat a formulé des propositions remarquables sur le test PME.
Mon ministère élabore, avec la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), un test sur les trois blocs de normes CSRD. Pour être très précise, mais je vous le dois, monsieur le sénateur, nous travaillons particulièrement sur le bloc 3, le module business partner, qui a trait à la chaîne de sous-traitance.
Si les modules ne correspondent pas aux attentes de nos PME, la CPME et moi-même l’indiquerons avec force à Bruxelles. En tout état de cause, j’aurai l’occasion de rendre compte prochainement de ces travaux que nous menons main dans la main avec la CPME devant votre délégation aux entreprises. (M. Bernard Buis applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Christian Klinger, pour la réplique.
M. Christian Klinger. Les agriculteurs manifestaient il y a peu contre l’inflation administrative et normative. Faites en sorte que nos PME françaises ne suivent pas le même mouvement, rallongeant ainsi le long cortège des incompris et des mécontents, madame la ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
éducation à la vie affective et sexuelle
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Monique Lubin. Madame la ministre, la loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception prévoit la tenue obligatoire de trois séances d’éducation à la vie affective et sexuelle au cours d’une année scolaire.
Ces séances sont essentielles pour prévenir les pratiques sexuelles à risque auprès des jeunes, pour leur permettre de mieux appréhender la notion de consentement et pour les sensibiliser aux violences sexistes ou sexuelles et dévoiler ainsi les stéréotypes de genre.
La délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est unanime sur ce sujet, car c’est bien dès l’école que tout se joue. Cela est d’autant plus vrai à l’heure où le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) pointe une aggravation du sexisme dans les jeunes générations.
Ces heures – nous le savons – ne sont pourtant pas effectuées. Et lorsque des établissements se décident à les mettre en place, ils se trouvent de plus en plus souvent sous le feu d’organisations, soutenues la plupart du temps par la droite conservatrice et l’extrême droite (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.), qui contestent par tous les moyens – mise en cause sur les réseaux sociaux, campagnes de désinformation, etc. – la tenue de ces heures dédiées.
Nous savons que vous partagez nos préoccupations, madame la ministre. Comment pouvons-nous agir collectivement pour garantir la bonne tenue de ces séances et, partant, soutenir ceux qui les mettent en œuvre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Lubin, tout commence effectivement à l’école.
Si nous pouvions croire que le sexisme était un fait générationnel qui appartiendrait bientôt à un passé révolu, le rapport du HCE que vous évoquez, madame la sénatrice, nous apprend qu’il n’en est rien. Pis, un quart des hommes âgés de 20 ans à 35 ans estiment qu’il peut être normal d’être violent pour se faire respecter de leur compagne ou de leur épouse.
Ce rapport alarmant pointe la marche qu’il nous reste à gravir ensemble.
Telle est la raison pour laquelle, avec la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, Nicole Belloubet, je travaille pour garantir l’effectivité de ces heures dédiées qui permettent d’intégrer les notions essentielles de respect, d’intégrité du corps, de consentement et tout simplement d’égalité entre les petites filles et les petits garçons.
Ne soyons pas dupes : comme le montre le rapport sénatorial transpartisan intitulé Porno : l’enfer du décor, nos enfants, en moyenne à l’âge de 11 ans, commencent leur éducation sexuelle en regardant du porno, c’est-à-dire en visionnant des images violentes et humiliantes pour les femmes qui emportent une représentation déformée des relations affectives et sexuelles.
Si nous ne voulons pas que nos enfants fassent leur éducation sexuelle par eux-mêmes et par ce biais-là, il nous faut non seulement améliorer la régulation de l’industrie pornographique, mais aussi travailler à la racine pour accompagner nos enfants, notamment en garantissant que ces heures dédiées, qui sont inscrites dans les programmes, soient effectivement dispensées, afin que la culture de l’égalité progresse dans notre pays. (M. Thani Mohamed Soilihi, Mme Olivia Richard et M. Olivier Cadic applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.
Mme Monique Lubin. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Si nous avons vécu ce lundi un moment extraordinaire lors de la réunion du Congrès, comme notre collègue Laurence Rossignol l’a très bien dit à la tribune, le combat n’est pas terminé pour autant.
Il nous faut attaquer le mal à la racine, madame la ministre. Cela suppose que, ensemble, nous soyons en mesure de combattre l’hypocrisie de ceux qui, dans nos assemblées, votent des dispositions pour s’inscrire dans l’air du temps, mais qui, sur le terrain, motivent et soutiennent des organisations qui, elles, défendent l’indéfendable. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Silvana Silvani applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées UC.)
Mme Laurence Garnier. Madame la ministre des sports, à quelques mois des jeux Olympiques, comme chaque année, le 8 mars prochain sera dédié aux droits des femmes. En cette année sportive, il nous semble opportun de profiter de ce moment pour adresser aux femmes un message ferme et clair concernant les principes de la République au regard de la pratique du sport.
En France, en 2024, des jeunes filles s’entendent parfois dire qu’elles n’ont pas leur place dans un club de sport parce qu’elles sont des femmes.
En France, en 2024, des femmes sont parfois obligées de couvrir tout leur corps à la demande de certains clubs pour pratiquer leur sport.
Face à ces difficultés, la loi est confuse. Une petite fille pourra par exemple pratiquer son sport sans voile le mercredi matin dans l’enceinte de l’école et pratiquer le même sport voilée le mercredi après-midi dans son club de sport.
Madame la ministre, vous avez précisé à juste titre que les athlètes françaises qualifiées aux jeux Olympiques ne pourront pas porter le voile. Au sein du Gouvernement, certaines voix sont toutefois beaucoup plus ambiguës. Vous continuez de plus à bloquer les textes d’interdiction votés par le Sénat année après année.
Chacun ici, je le crois, mesure à qui profite cette confusion que vous refusez de lever.
La Ligue du droit international des femmes estime que « le hijab dans le football, ce serait de la liberté conditionnelle ».
Que répondez-vous à toutes les femmes, à toutes les jeunes filles qui ne veulent pas de cette liberté conditionnelle, madame la ministre ? Que faites-vous pour protéger les femmes de ces pressions communautaristes et garantir que le sport reste un espace de partage et d’universalisme ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées UC. – MM. Aymeric Durox et Christopher Szczurek applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Je réponds à ces femmes et à ces jeunes filles que le sport est un espace de partage et de mixité, madame la sénatrice Garnier. Je leur réponds que le sport est un vecteur d’émancipation, de promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes. Et je leur réponds que ce gouvernement a fait plus sur ce sujet que tous ceux qui l’ont précédé. Il l’a du reste encore prouvé cette semaine. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)
La décision récente du Conseil d’État clarifie la portée du principe de laïcité dans le sport, madame la sénatrice. Elle précise que les actes de prosélytisme sont absolument inadmissibles. Elle indique que nous pouvons interdire le port du voile sur les terrains de football, et que nous devons le faire de manière nécessaire et proportionnée, dans le respect de notre droit, en particulier de notre Constitution.
M. Laurent Somon. C’est-à-dire ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Cette décision indique enfin que nous devons préserver la neutralité absolue de nos services publics.
En particulier, je le redis au nom de tout le Gouvernement et sans aucune ambiguïté : les athlètes, hommes et femmes qui représentent les équipes de France, ne porteront pas de voile à l’occasion des jeux Olympiques et Paralympiques.
M. Jean-François Husson. Ce n’est pas la question !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Nous nous battons sur tous ces sujets en faisant levier des outils nouveaux que nous confère le contrat d’engagement républicain instauré par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite loi Séparatisme, madame la sénatrice. Notre main ne tremblera jamais pour retirer des subventions, des agréments, ni pour fermer des clubs sportifs qui ne seraient pas au rendez-vous de la lutte contre le communautarisme et contre le séparatisme.
Je suis personnellement allée chercher une cinquantaine de moyens supplémentaires. J’ai formé les fédérations et je leur ai demandé de désigner des référents pour la laïcité.
M. Jean-François Husson. Formidable !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. J’ai doublé la quantité des contrôles réalisés dans nos différents clubs sportifs. J’ai enfin demandé au ministre de l’intérieur que, ensemble, nous réunissions en avril l’ensemble des Cellules départementales de lutte contre l’islamisme et le repli communautaire (Clir) afin de porter un message de fermeté sur le terrain. Je souhaite en effet que, avec les préfets et les services départementaux à la jeunesse, à l’engagement et aux sports, nous soyons intransigeants sur le respect plein et entier de la laïcité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
atteintes à la laïcité à l’école
M. le président. La parole est à Mme Agnès Evren, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Agnès Evren. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Il y a quelques jours, le proviseur du lycée Maurice-Ravel de Paris a été menacé de mort sur les réseaux sociaux pour avoir simplement rappelé que la loi de la République interdit le port du voile dans l’enceinte scolaire.
Lundi, 150 chefs d’établissement se sont rassemblés à la Sorbonne pour soutenir leur collègue. Cette manifestation inédite témoigne du profond malaise qui s’est emparé de l’éducation nationale.
Que nous disent ces proviseurs ?
Ils nous disent que leur autorité est bafouée au quotidien et que la violence est endémique à l’école. Que les atteintes à la laïcité se multiplient, et qu’elles perturbent désormais la quasi-totalité des disciplines. Que beaucoup de professeurs s’autocensurent, car ils ont peur.
Ils nous disent que, par aveuglement, angélisme ou négligence, nous payons déjà le prix de nos lâchetés.
Ils nous rappellent les meurtres tragiques de Samuel Paty et de Dominique Bernard.
Certains élus de La France insoumise partagent de fausses informations et remettent même en cause la parole du proviseur. Il est inadmissible de mettre sur le même plan la parole d’un enseignant victime de menaces de mort et celle d’élèves qui ne respectent pas la loi.
M. Jean-François Husson. Très bien !
Mme Agnès Evren. Ces élus jouent avec le feu. Ils sont les complices d’un obscurantisme qui ne cesse de gagner du terrain.
En octobre dernier, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, révélait que notre pays compte plus de 1 000 mineurs radicalisés. Certains de ces mineurs radicalisés sont scolarisés sans que leurs enseignants soient informés de leur potentielle dangerosité.
Madame la ministre, il est temps de prouver en paroles comme en actes que nous défendrons avec courage et fermeté la France et notre République.
Mes collègues Laurent Lafon et François-Noël Buffet présenteront ce soir les 38 recommandations issues des travaux de la mission conjointe de contrôle relative aux menaces et agressions contre les enseignants. J’espère que celles-ci inspireront le Gouvernement.
M. le président. Veuillez poser votre question !
Mme Agnès Evren. Madame la ministre, à quelques jours du vingtième anniversaire de la loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, pouvez-vous nous dire comment vous entendez faire respecter la loi de la République et protéger nos enseignants qui, au quotidien, affrontent courageusement les coups portés à nos valeurs communes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Laugier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Evren, j’ai eu l’occasion, en répondant tout à l’heure à votre collègue Marie-Pierre Monier, de donner quelques éléments concrets sur la manière dont nous entendons étendre le bouclier de protection aux proviseurs, mais aussi à l’ensemble des personnels de la communauté éducative qui feraient l’objet d’attaques, dont je répète qu’elles sont intolérables et inadmissibles.
La laïcité est un principe fondateur de notre République. L’article 1er de notre Constitution le dit clairement : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. »
Nous ne pouvons pas tergiverser sur cette laïcité qui est une condition du vivre ensemble. C’est la règle commune à laquelle nous devons tous être attachés, particulièrement dans les établissements scolaires.
Je le dis clairement : les établissements scolaires doivent être préservés des bruits et de la fureur du monde qui les entoure, au moins pendant le temps où les élèves y sont accueillis et protégés. Tel est l’impératif auquel nous devons nous arrimer.
La loi du 15 mars 2024 à laquelle vous avez fait allusion, madame la sénatrice, encadre l’application de ce principe de laïcité dans nos établissements scolaires. Lors du colloque qui se tiendra à l’occasion du vingtième anniversaire de cette loi, j’aurai l’occasion de rappeler le fondement de ce principe et les modalités de son application dans nos enceintes scolaires.
Nous ne laisserons jamais rien passer lorsqu’il s’agit d’assurer la sécurité de nos élèves et des équipes éducatives. Comme M. le Premier ministre l’a rappelé tout à l’heure,…
M. Michel Savin. Il n’a rien dit !
Mme Nicole Belloubet, ministre. … comme le Président de la République l’affirme également, l’établissement scolaire est le lieu où l’on apprend les valeurs de la République. Tel est le principe qui nous unit.
Je serai très attentive aux préconisations formulées par les sénateurs Buffet et Lafon dans le rapport que vous avez évoqué, madame la sénatrice.
M. Max Brisson. Elles sont excellentes !
Mme Nicole Belloubet, ministre. Certaines sont sans doute déjà prises en compte, mais j’étudierai les progrès que nous pouvons faire dans leur mise en œuvre.
En tout état de cause, soyez assurée que nous sommes pleinement aux côtés de l’ensemble de la communauté éducative pour le respect des principes de la laïcité, notamment dans notre école. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mercredi 13 mars 2024, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Sylvie Robert.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Équité et transparence de Parcoursup à la frontière du lycée et de l’enseignement supérieur
Débat organisé à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, sur le thème : « Équité et transparence de Parcoursup à la frontière du lycée et de l’enseignement supérieur. »
Je vous rappelle que le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky disposera d’un temps de présentation de huit minutes.
Le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque intervention, pour une durée de deux minutes ; l’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répliquer pendant une minute.
Le temps de réponse du Gouvernement à l’issue du débat est limité à cinq minutes.
Le groupe auteur de la demande de débat disposera de cinq minutes pour le conclure.
Dans le débat, la parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Jacques Grosperrin applaudit également.)
M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 7 février 2018, on débattait, dans cet hémicycle, d’un projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants.
L’ambition affichée à travers ce texte était de réformer fondamentalement l’enseignement supérieur en modifiant notamment les conditions pour y accéder. À cette tribune, la ministre de l’enseignement supérieur de l’époque avait déclaré que le gouvernement auquel elle appartenait souhaitait, par cette réforme, accélérer l’élévation générale du niveau de qualification de notre jeunesse, en augmentant le nombre d’étudiants accueillis dans l’enseignement supérieur et en garantissant à tout bachelier le droit d’y poursuivre ses études.
Le dessein du Gouvernement était de refonder la « méritocratie républicaine » en donnant à chaque « lycéen où qu’il réside dans notre pays – en métropole ou en outre-mer, en milieu urbain ou dans un territoire rural –, les mêmes chances d’aller jusqu’au bout de ses capacités ». Vaste programme !
Dans la pratique, cet accès garanti à l’enseignement supérieur devait résulter de l’offre faite aux lycéens de personnaliser leur parcours d’entrée. La ministre déclarait alors que le principe de personnalisation constituerait un nouvel instrument permettant de rétablir l’égalité des chances au sein de notre enseignement supérieur.
Une plateforme informatique, dénommée Parcoursup, devait faire coïncider les choix libres des lycéens et les offres de l’enseignement supérieur. Elle devait garantir l’équité et la transparence des affectations, tout en autorisant chaque filière à gérer, par un numerus clausus, les candidatures excédant sa capacité d’accueil.
Six ans après la promulgation de la loi, il convient de nous demander si ces objectifs très ambitieux ont été satisfaits. Plus qu’un débat technique sur le fonctionnement de Parcoursup, notre groupe a considéré qu’il serait intéressant d’évaluer collectivement les conséquences globales pour les élèves des réformes conjuguées du lycée et de l’accès à l’enseignement supérieur.
Lors de l’examen du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, nombreux étaient les sénateurs qui avaient dénoncé l’erreur de méthode consistant à réformer l’accès à l’enseignement supérieur avant de modifier substantiellement les modalités de l’examen en classe de terminale. Depuis lors, les deux ministères n’ont cessé d’ajuster leurs dispositifs pour tenter de leur donner une cohérence qui n’avait pas été pensée à l’origine.
La réforme du baccalauréat et la création de Parcoursup avaient en commun de viser une diminution de l’importance des déterminants sociaux dans les facteurs de réussite des élèves.
Avant d’évaluer la mise en œuvre de cette plateforme, il faut rappeler que la France est l’un des pays de l’OCDE dans lequel la réussite des élèves dépend le plus de leur condition sociale. Ainsi, les jeunes Français ayant des parents diplômés de l’enseignement supérieur ont quatorze fois plus de chances d’atteindre ce même niveau de diplôme que ceux dont les parents ont un niveau d’éducation moins élevé, contre trois à quatre fois plus en moyenne en Estonie, en Finlande et en Suède.
C’est aussi en France que l’écart entre le taux d’emploi des diplômés de l’enseignement secondaire et celui des diplômés de l’université est le plus important. La situation économique et sociale des individus est fortement déterminée par leur niveau de diplôme, qui est lui-même fortement corrélé à l’origine sociale des parents.
Cette emprise du diplôme sur les parcours économiques est d’autant plus cruciale en France que l’accès des salariés à la formation professionnelle est restreint.
La sélection réalisée au lycée et à l’entrée de l’enseignement supérieur est souvent définitive. Comme le soulignait justement le comité stratégique dirigé par Martin Hirsch, dans son rapport intitulé Diversité sociale et territoriale dans l’enseignement supérieur, remis à la ministre de l’enseignement supérieur le 8 décembre 2020, « le système français, avec ses modalités de sélection-orientation, ne pardonne guère le faux pas […]. Il amplifie, à chaque étape, les écarts et les faiblesses. Il fonctionne sur l’orientation-sélection, peu sur la réorientation. Il est organisé essentiellement par tamis, pas par passerelles. »
Reconnaissons objectivement que Parcoursup n’a pas modifié cette situation.
Les données collectées après six ans d’application de la réforme montrent que la ségrégation globale à l’entrée de l’enseignement supérieur est demeurée la même. Ainsi, la proportion de boursiers accueillis dans l’enseignement supérieur n’a pas augmenté. Concernant l’accès aux formations sélectives, les inégalités sociales restent élevées et se sont même accrues pour les filières universitaires les plus demandées. Dans ces dernières, le numerus clausus a davantage écarté les élèves des familles socialement défavorisées.
Cet accroissement de la ségrégation sociale résulte sans doute des critères retenus par les commissions d’examen des vœux.
La Cour des comptes a établi que 20 % des commissions des filières non sélectives, dites « en tension », utilisent le critère du lycée d’origine des candidats. Elles justifient cette pratique par l’importance du contrôle continu dans l’évaluation des résultats des lycéens après la réforme du baccalauréat. On peut se demander si la sélection à l’entrée de l’enseignement supérieur ne repose pas davantage sur la notoriété des établissements que sur les compétences intrinsèques des candidats.
De la même façon, il convient de s’interroger sur l’incidence du choix des enseignements de spécialité fait par les lycéens. Non seulement les critères des commissions d’examen des vœux ont eu pour conséquence de reconstituer les anciennes séries du lycée, mais les lycéennes sont moins nombreuses qu’avant à accéder aux filières scientifiques de l’enseignement supérieur.
La commission de la culture du Sénat, par la voix de notre collègue Jacques Grosperrin, vous a demandé à plusieurs reprises, madame la ministre, et récemment encore, dans le rapport d’information publié le 28 juin 2023, de prendre en compte un certain nombre de recommandations, comme la suppression du critère du lycée d’origine, un meilleur accès des boursiers à l’enseignement supérieur, une adaptation de la pratique des commissions de sélection à la nouvelle organisation du lycée et la garantie d’une meilleure lisibilité de leurs critères de sélection.
Avec votre collègue ministre de l’éducation nationale, il est grand temps que vous entendiez nos propositions pour remédier à ces problèmes dirimants, contraires aux principes d’équité et d’intelligibilité imposés à Parcoursup par la loi.
Je conclurai cette trop rapide introduction en évoquant la situation des bacheliers professionnels. En 2008, dans cet hémicycle, notre collègue Jacques Grosperrin avait très justement considéré qu’ils seraient les victimes de la réforme si les capacités d’accueil des instituts universitaires de technologie (IUT) et des sections de technicien supérieur (STS) n’étaient pas considérablement augmentées.
La situation actuelle lui a donné raison (M. Jacques Grosperrin approuve.), mais notre collègue ne pouvait pas prévoir que ces bacheliers se détourneraient de Parcoursup pour rejoindre des officines privées dont l’essor est maintenant hors de contrôle.
Nous partageons toujours l’objectif de la réforme d’accélérer l’élévation générale du niveau de qualification de notre jeunesse. À l’occasion de ce débat, il convient de nous demander si cette ambition a été satisfaite. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER. – MM. Max Brisson et Jacques Grosperrin applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, entre les mois de décembre et de juillet, un élève de terminale compose avec un agenda très chargé. En plus des devoirs de fin de semestre, des épreuves anticipées du baccalauréat et du grand oral, nos lycéens sont confrontés aux échéances de Parcoursup : il y a tout d’abord l’inscription, la création du dossier et la formulation des vœux, puis l’arrivée des réponses, les choix et, enfin, la phase d’admission.
Pour les lycéens, ce parcours du combattant est crucial, mais combien d’entre eux sont capables de mesurer ce qui se joue pendant cette période ?
En décembre dernier, plus de 700 000 familles se sont pressées sur la plateforme pour choisir parmi les 23 000 formations proposées. Selon les chiffres publiés par Parcoursup, 93,5 % des bacheliers ayant émis des vœux ont été destinataires d’au moins une offre d’admission, soit un taux supérieur à celui de l’année passée.
Autre évolution positive, les étudiants cherchant à se réorienter disposent désormais de davantage de propositions.
Pour ce qui est de la phase complémentaire, seuls 148 bacheliers sont restés sans proposition. C’est mieux que l’année précédente, mais toujours beaucoup trop pour les familles concernées, et ce malgré l’accompagnement déterminant des élèves sans solution par des commissions d’accès à l’enseignement supérieur (CAES), dont je salue le travail.
Comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, nous considérons que Parcoursup tient son rôle en évitant certains écueils de l’ancien système d’admission post-bac (APB), jugé à l’époque trop déshumanisé et trop complexe.
Cependant, les difficultés que rencontrent certaines familles pour accéder à l’information font que la plateforme reste insatisfaisante.
Le principe républicain d’égalité des chances, un principe fondamental auquel le groupe RDSE est très attaché, n’est-il pas remis en question lorsque 28 % des élèves se déclarent mécontents de leur sort au moment de leur admission dans l’enseignement supérieur ?
N’est-il pas également remis en question par une trop faible représentation de la diversité des territoires au sein des grandes écoles ?
Enfin, ne l’est-il pas lorsque plus des deux tiers des élèves de ces établissements sont issus de familles dont les parents appartiennent aux catégories socioprofessionnelles favorisées (CSP+) ?
Nous savons bien que, si les jeunes issus des milieux défavorisés n’accèdent pas aux grandes écoles, cela s’explique davantage par leur choix d’orientation que par leur niveau scolaire. En outre, plus de la moitié d’entre eux se retrouvent livrés à eux-mêmes lorsqu’ils doivent saisir leurs données dans Parcoursup, contrairement aux élèves des milieux favorisés dont les deux tiers sont épaulés par leurs parents.
Les choix des élèves sur Parcoursup sont façonnés par des phénomènes d’autocensure et limités par le manque d’information sur les formations. Cette situation n’est pas acceptable.
Face à ce constat, je souhaite rappeler les chiffres du sixième rapport annuel du comité éthique et scientifique de Parcoursup (CESP) sur l’offre de formation privée.
En 2023, 22 % des cursus de formation présents sur Parcoursup étaient proposés par des établissements privés. Par ailleurs, le développement de l’apprentissage public est allé de pair avec la multiplication des organismes privés, ce qui a profondément redessiné le paysage et la répartition des offres entre le public et le privé.
Il ne s’agit pas, pour le groupe RDSE, d’opposer l’enseignement public à l’enseignement privé, mais de se demander si les informations dont disposent les jeunes au sujet des différentes formations proposées sur Parcoursup leur permettent de faire un choix vraiment éclairé.
Les labels, bien trop nombreux, ne constituent pas une information suffisamment lisible pour les candidats.
La charte de Parcoursup prévoit que, en cas d’illégalité, une formation peut voir son référencement sur la plateforme suspendu. Nous appelons à une véritable effectivité des sanctions.
Madame la ministre, l’inquiétude dans les foyers, l’angoisse et le stress que peut susciter l’orientation, doivent conduire le Gouvernement à mettre en œuvre des solutions accessibles à tous et compréhensibles par tous, tout en réprimant les fraudeurs et les marchands de rêves.
Par conséquent, l’ensemble du groupe RDSE attend vos réponses sur les questions d’accessibilité, de lisibilité et de régulation de la plateforme. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Maryse Carrère, tout d’abord, je vous remercie d’avoir souligné que Parcoursup progressait d’année en année. Cette amélioration continue est confirmée par les usagers.
Bien évidemment, les points d’attention que vous avez évoqués sont d’importance : nous les avons identifiés et nous travaillons dessus.
Pour accompagner les candidats sans solution, nous mobilisons un certain nombre de dispositifs au sein des académies, dans les territoires, et ce depuis 2018. Je rappelle qu’en juillet comme en août, tout lycéen sans solution est contacté personnellement par mail ou par téléphone, afin de se voir proposer un accompagnement. C’est ce qui nous a permis de réduire à 148 le nombre de lycéens sans solution, candidats que nous continuons d’accompagner parce que, comme vous l’avez dit, ils sont encore trop nombreux.
Agir pour l’égalité des chances, c’est aussi être attentif à la diversité sociale et territoriale. Depuis la création de Parcoursup, le taux des lycéens boursiers admis en première année a ainsi progressé de cinq points, passant de 20 % à 25 % – et nous continuons d’agir en ce sens.
La diversité des 23 000 offres de formation proposées sur la plateforme contribue à ce que les candidats les moins mobiles puissent tout de même trouver des solutions. Tel est le sens de la création des campus connectés dans les territoires ruraux, que nous valorisons sur Parcoursup pour développer une offre de proximité. Cela vaut aussi pour les territoires urbains peu favorisés.
Nous valorisons également le parcours des lycéens en cordées de la réussite. Ainsi, 96 % des 325 000 candidats concernés et présents sur Parcoursup ont reçu une proposition ; 88 % d’entre eux l’ont acceptée, soit un pourcentage en forte progression.
Enfin, madame la sénatrice, je ne peux que souscrire à votre demande d’une régulation plus forte de l’offre de formation privée. C’est essentiel pour les familles, car celles-ci se laissent parfois tromper par des offres très alléchantes en apparence, qu’elles soient proposées en dehors de Parcoursup ou sur la plateforme – nous multiplierons les contrôles pour les faire disparaître.
C’est la raison pour laquelle nous proposons un label reposant sur des critères bien définis ; nous nous donnons également les moyens de suspendre le référencement d’une formation sur Parcoursup lorsque les contrôles attestent un comportement non conforme à la charte de la plateforme. Vous pouvez compter sur nous pour poursuivre ce travail.
Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier. (M. Bernard Buis applaudit.)
M. Martin Lévrier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ressentir de l’appréhension au moment de choisir son orientation est un sentiment courant qu’ont en commun non seulement les lycéens, mais aussi leurs parents.
Dans cette période, les lycéens doivent prendre des décisions importantes concernant leur avenir académique et professionnel. Les parents, quant à eux, ne sont pas épargnés : ils peuvent ressentir de l’inquiétude et se demander si leur enfant choisira la bonne voie et sera en mesure de réussir ses études et sa carrière.
Avant 2018, le dispositif APB était le système principal pour l’admission dans les universités et les écoles post-bac. Dans le but de rendre le processus d’inscription plus transparent, plus humain et plus équitable, il a été remplacé par Parcoursup. Est-il nécessaire de rappeler qu’en 2017 les candidats ayant choisi comme premier vœu une licence en tension étaient départagés par tirage au sort ?
Avec ce nouveau dispositif, les démarches permettant à chacune et chacun de formuler et de suivre ses vœux sont devenues beaucoup plus claires. Car il ne faut pas l’oublier, Parcoursup est avant toute chose un outil qui a permis de donner de la visibilité à un ensemble de formations sur un seul et même site.
La plateforme est également apparue comme une petite révolution pour les élèves : elle leur a donné une liberté totale dans la formulation de leurs vœux sans avoir à les hiérarchiser – nous savons combien cela leur est cher. Cette évolution a permis de lutter contre l’autocensure dont on mesure à quel point elle peut être forte lorsque l’entourage familial n’est pas sensibilisé au monde de l’enseignement supérieur.
Et parce que j’imagine que les sujets de l’accompagnement à l’orientation et de l’égalité des chances reviendront souvent dans notre débat, je tiens d’ores et déjà à rappeler que la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, dite loi ORE, instaure une priorité pour les lycéens boursiers. On l’oublie souvent, mais cette mesure, tout comme la valorisation des parcours en cordées de la réussite, est un vrai levier pour lutter contre les inégalités. Cela ne règle pas tout, bien évidemment, mais c’est un progrès que Parcoursup concrétise chaque année.
Force est de constater que, dans l’ensemble, malgré les nombreux articles de presse qui portent chaque année sur les soi-disant dysfonctionnements du dispositif, les résultats sont au rendez-vous.
En témoignent les chiffres pour l’année 2023 : quelque 917 000 candidats étaient inscrits sur la plateforme, et la procédure a permis à 93,5 % des bacheliers d’obtenir une proposition d’admission dans l’enseignement supérieur. Bilan des enquêtes et des retours d’expérience, 76 % des candidats s’estiment satisfaits des réponses reçues de la part des responsables de formation et soulignent l’accessibilité de l’information, qu’il s’agisse des fiches métiers ou des procédures de sélection.
Seul bémol, la plateforme reste, en raison de la période charnière que représente pour les lycéens le moment du choix de leur orientation, une source importante de stress : ils sont en effet 83 % à considérer que la période est source d’anxiété du fait de l’approche des épreuves du baccalauréat.
La difficulté du choix fait partie intégrante de l’apprentissage. La limiter est une évidence, la supprimer serait un non-sens.
Depuis l’avènement de Parcoursup, le Gouvernement n’a eu de cesse d’améliorer le dispositif, tant en termes d’ergonomie que sur le fond, notamment en intégrant de nouvelles fonctionnalités visant à faciliter la prise de décision.
La multitude des options d’orientation disponibles peut se traduire par un syndrome d’anxiété décisionnelle, qui rend de ce fait Parcoursup indispensable, tout comme les plateformes de streaming sont incontournables si l’on souhaite regarder un film répondant à une grande variété de critères.
Cette réforme continue témoigne, madame la ministre, de votre engagement à améliorer constamment le processus d’orientation et d’admission dans l’enseignement supérieur.
Tout d’abord, une attention particulière a été portée à l’accompagnement des lycéens tout au long de leurs démarches sur Parcoursup. Des outils interactifs ont été développés pour aider les élèves à mieux comprendre les différentes filières et leurs débouchés professionnels. Des ressources pédagogiques supplémentaires ont également été mises à disposition pour soutenir les lycéens dans leur choix d’orientation.
Ensuite, une amélioration significative a été apportée à la transparence des critères d’évaluation des dossiers. Les élèves et leurs familles ont désormais un accès plus simple et plus détaillé aux éléments pris en compte lors de l’examen des candidatures, ce qui leur permet de mieux anticiper les attentes des établissements d’enseignement supérieur.
Enfin, des ajustements ont été effectués pour améliorer la fluidité et l’efficacité du processus d’admission. Des améliorations techniques ont été apportées à la plateforme pour garantir une navigation plus fluide et une meilleure gestion des candidatures. Les délais de réponse ont également été réduits pour permettre aux élèves de recevoir rapidement des réponses.
En 2023, un nouveau test d’autopositionnement pour postuler à un institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) a été intégré à la plateforme. De nouveaux chiffres sur les admissions passées et des données sur l’insertion des jeunes, notamment après un brevet de technicien supérieur (BTS), ont été publiés sur le site. Et bien que le nombre de ceux qui s’inscrivent dans ce cursus pour y poursuivre leurs études ne bondisse pas, la plateforme recense désormais toutes les écoles préparant au diplôme national d’art.
La mise à jour de décembre dernier a par ailleurs rendu plus aisée la comparaison entre les offres, en permettant notamment aux lycéens de mieux s’informer sur le contenu des formations, leur statut, le taux de pression, ainsi que sur les frais de scolarité, ce qui constitue une avancée significative pour rendre le processus d’inscription plus transparent et plus équitable.
Je crois comprendre qu’il ne s’agit pas là de l’unique amélioration. Je souhaiterais connaître, madame la ministre, les nouveautés apportées à Parcoursup pour la session 2024. Ces dernières visent-elles à répondre aux préoccupations des lycéens et de leurs familles, et à garantir une meilleure orientation des candidats dans l’enseignement supérieur ? Je vous remercie par avance pour vos éclaircissements sur ce sujet crucial pour l’avenir de notre jeunesse. (M. Bernard Buis applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Martin Lévrier, vous avez raison de souligner que, si les principes fondamentaux du dispositif sont restés stables, Parcoursup a évolué chaque année en prenant en compte les retours d’expérience de ses usagers.
Je veux également vous remercier d’avoir mis en lumière le travail collectif de tous ceux qui œuvrent depuis des années sur la plateforme.
En 2023, nous avons effectivement renforcé la transparence et accru la variété des informations disponibles sur Parcoursup ; nous avons aussi réduit la durée de la phase de réponse aux vœux, de sorte qu’elle soit désormais de 37 jours contre 108 en 2018.
En 2024, nous agissons avec le souci de donner plus de temps aux jeunes pour construire leur projet d’orientation – ce mot d’« orientation » résonnera particulièrement ici, je suppose – et faire leur choix.
Depuis cette année, la plateforme est ouverte aux lycéens à partir de la classe de seconde, afin qu’ils puissent découvrir le dispositif, les formations et les débouchés professionnels, et qu’ils puissent échanger en amont dans le cadre de leur stage de découverte, ainsi que par le biais d’autres outils. Il s’agit là d’une première étape qui nous permettra, à ma collègue Nicole Belloubet et à moi-même, d’aller plus loin, l’an prochain, sur la question de l’accompagnement dans l’orientation au lycée.
Donner toute sa place à l’accompagnement humain, telle est la voie que nous avons privilégiée. Nous avons également souhaité mieux valoriser les journées portes ouvertes de l’enseignement supérieur qui sont plébiscitées par les lycéens.
Les jeunes doivent choisir : nous leur permettons, cette année, de comparer plus facilement les offres de formation entre elles, notamment grâce à la possibilité de créer des favoris pour suivre leur parcours d’orientation sur une nouvelle plateforme parcoursup.gouv.fr entièrement accessible.
La priorité restera bien évidemment l’accompagnement humain des élèves par les enseignants. Comme vous l’avez noté, cette année, nous avons pris soin de séparer le temps des premiers choix sur Parcoursup du temps des révisions des épreuves du bac, précisément pour que les lycéens puissent être accompagnés tout au long du mois de juin.
Mme la présidente. La parole est à M. Yan Chantrel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Yan Chantrel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, qu’il s’agisse des étudiants actuels ou futurs, notre jeunesse est en proie à une forte anxiété. La période du covid-19 l’a profondément affectée et la santé mentale des jeunes de notre pays est devenue une urgence sanitaire.
Notre jeunesse souffre aussi d’une précarité grandissante que les files d’attente devant les banques alimentaires nous rappellent quasi quotidiennement.
On ne peut pas dire que les annonces de ces dernières semaines soient de nature à rassurer les jeunes : ni l’annonce de près d’un milliard d’euros de coupes dans le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui affectera nécessairement les conditions de la réussite de leurs études, ni la hausse annoncée de 3,5 % des loyers dans les résidences gérées par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous), qui viendra frapper les boursiers au portefeuille, alors qu’ils logent déjà parfois dans des résidences vétustes et insalubres.
Les jeunes sont en proie à cette anxiété avant même que débutent leurs études, notamment lorsqu’ils sont confrontés au choix de leur orientation et qu’ils doivent apprivoiser la bête Parcoursup. « On est lâchés dans la fosse », m’ont dit les étudiants que j’ai pu rencontrer.
Cette anxiété découle d’un mensonge initial : Parcoursup a été présenté comme une réponse méritocratique à l’injustice du système précédent, et la sélection comme un remède à l’échec dans les études supérieures. En réalité, la fonction première de la plateforme a été de gérer la pénurie dans un système universitaire sous-financé : alors qu’entre 2008 et 2021 le nombre d’étudiants a augmenté de 25 %, le budget de l’enseignement supérieur a quant à lui chuté de 12 %. Parce que l’objectif réel de Parcoursup n’est pas pleinement assumé, la procédure s’apparente pour les candidats à un parcours semé d’embûches, source d’injustices et de défiance.
Le dernier rapport du comité éthique et scientifique de Parcoursup, publié lundi dernier, pointe de nouveau les failles du système, en particulier le manque de transparence de la sélection. Les auteurs du rapport regrettent l’opacité des critères quantitatifs utilisés pour le préclassement des candidats par les commissions d’examen des vœux. Alors que les responsables de certaines formations expliquent tenir compte des spécialités pour classer les candidats, les informations sur la pondération de ces notes sont absentes des grilles d’analyse présentes sur la plateforme.
Les candidats ont besoin d’informations claires pour orienter leur choix. Cette transparence est nécessaire pour que les lycéens aient confiance dans la procédure. Or, pour beaucoup d’entre eux, ce n’est pas le cas. Cette situation contribue à la fuite vers les établissements privés qui captent un nombre toujours plus important d’étudiants, alors que les formations laissent souvent à désirer, quand elles ne relèvent pas de l’arnaque.
Il faut désormais que les responsables de chaque formation rendent publique la formule permettant d’établir leur classement pédagogique. Cette approche faciliterait l’acceptation des décisions d’affectation et limiterait les soupçons comme les risques d’arbitraire. Vous engagez-vous, madame la ministre, à répondre enfin à la critique que vous fait chaque année le comité éthique et scientifique de Parcoursup ?
La seconde source d’injustice, c’est l’inégal accompagnement dont bénéficient les lycéens face à la masse d’informations présentes sur la plateforme pour détailler les plus de 20 000 formations qui y sont proposées.
En effet, parmi les lycées, il existe des divergences importantes selon les filières. Ainsi, les lycées professionnels mobilisent moins de ressources que les lycées d’enseignement général et technologique pour l’orientation de leurs élèves.
Malgré leur engagement, les enseignants sont eux-mêmes mis en difficulté par l’institution, du fait de leur manque de formation en matière d’orientation. En 2020, la Cour des comptes indiquait, dans l’un de ses rapports, que 85 % des professeurs principaux déclaraient n’avoir reçu aucune formation spécifique pour remplir cette mission.
Parallèlement, les anciens conseillers d’orientation, qui ne sont désormais plus que des psychologues de l’éducation nationale, sont en nombre trop restreint, puisqu’en moyenne il n’y en a qu’un pour 1 500 élèves. Leur rôle n’a pas été renforcé, alors que l’orientation est devenue un processus plus complexe depuis la création de Parcoursup.
L’attente, le stress, les éventuels refus essuyés par les lycéens mettent à mal leur estime de soi. C’est dans cette brèche que s’est engouffré le marché privé de l’accompagnement à l’orientation, dont le recours est socialement et économiquement inégalitaire.
Madame la ministre, comment comptez-vous renforcer le service public de l’orientation et mieux accompagner les lycéens les moins bien préparés pour faire face au flot d’informations présent sur la plateforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Yan Chantrel, comme je l’ai dit et redit, nous avons bien conscience qu’il y a encore trop d’angoisse chez les lycéens lorsqu’il est question de leur entrée dans l’enseignement supérieur. Toutefois, soyons honnêtes : si cette angoisse tient en partie à l’utilisation de la plateforme, elle résulte aussi des enjeux liés au changement de vie qu’induit nécessairement le fait d’aller vers son avenir et de quitter son lycée.
Ce stress a toujours existé, même s’il nous appartient – c’est vrai – de le minimiser et de mieux accompagner ces lycéens.
Monsieur le sénateur, je vous invite à m’accompagner dans les lycées pour rencontrer des jeunes et mesurer l’impact des évolutions intervenues sur cette plateforme. Vous citez les recommandations du rapport du comité éthique et scientifique de Parcoursup, mais ledit rapport montre également qu’il s’agit d’un outil d’orientation utile, qui a évolué positivement.
Cela étant dit, je conviens qu’un important travail reste à faire en la matière – je m’engage ici à le mener en lien avec ma collègue Nicole Belloubet – pour aider les enseignants à mobiliser la mine de données que contient Parcoursup bien en amont de la terminale – dès la seconde, voire avant –, afin de mieux orienter les élèves, de leur faire connaître plus précisément les différents parcours et les renseigner sur leurs chances de réussite et les options à privilégier pour mener à bien leur projet de poursuite d’études et, par la suite, de carrière.
Depuis plusieurs années, nombreux sont ceux qui travaillent à améliorer la transparence des critères. Chaque formation est désormais assortie d’une fiche détaillant les critères d’acceptation des vœux. Mais, derrière cette fiche, comme cela s’est toujours fait, des enseignants-chercheurs étudient les dossiers, en général avec bienveillance, pour permettre à nos élèves – nos futurs étudiants – de réussir dans l’enseignement supérieur.
Mme la présidente. La parole est à M. Yan Chantrel, pour la réplique.
M. Yan Chantrel. Madame la ministre, j’entends votre réponse, mais les améliorations auxquelles vous faites référence sont insuffisantes. Les moyens supplémentaires pour l’orientation que j’appelle de mes vœux sont des moyens humains pour accompagner concrètement les élèves.
Il est du reste évident que les élèves du lycée Stanislas sont beaucoup mieux accompagnés que les élèves des établissements de Seine-Saint-Denis, département où je suis né.
Mme Catherine Belrhiti. Bien sûr !
M. Yan Chantrel. Une distinction existe de fait.
Vous vous engagez, devant la représentation nationale, à améliorer l’accompagnement des élèves : très bien ! Mais, dans ce cas, engagez-vous également sur les accompagnants. Comme je l’ai évoqué, ceux que l’on appelait les conseillers d’orientation-psychologues ne remplissent plus leur mission d’orientation, se cantonnant à leur mission d’accompagnement psychologique, qui est, par ailleurs, essentielle – nous manquons de psychologues, faute de parvenir à pourvoir certains postes.
Il convient aujourd’hui de renforcer ces missions d’orientation ; j’espère que vous prendrez le sujet à bras-le-corps, car il existe, dans notre pays, une inégalité flagrante selon les établissements. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, Parcoursup compte déjà six ans d’existence. Pourtant, nous en sommes encore à discuter de l’équité et de la transparence du dispositif. Voilà, je crois, un court, mais parfait résumé de ses défaillances, encore trop nombreuses et criantes.
Certes, de nombreux progrès ont été réalisés, à l’instar de l’élargissement de l’offre de formation, de l’enrichissement de l’information ou de l’ajustement du calendrier.
Toutefois, comme le soulignait déjà Jacques Grosperrin, dans son excellent rapport d’information de 2023, « l’appréciation des usagers de la plateforme suit une tendance inverse » à ces améliorations.
Nous devons donc nous demander pourquoi, malgré les efforts consentis, prédominent dans le débat public une anxiété croissante et le sentiment d’un manque de clarté, d’équité et de transparence.
Nous devons également nous demander pourquoi cet outil, présenté comme « une procédure simple, juste et transparente » par Frédérique Vidal et Jean-Michel Blanquer, s’assimile désormais de plus en plus à la matérialisation d’un cauchemar annuel pour les élèves et leurs familles.
Complexité technique de la plateforme, absence d’examen des lettres de motivation, opacité totale des critères de sélection… Les maux sont connus de tous et leurs conséquences sont de plus en plus préoccupantes.
Voilà en effet six ans que les étudiants cherchent des stratégies pour déjouer le plus habilement possible le dispositif, source d’angoisses et d’inquiétudes.
Voilà six ans que certains lycées réfléchissent à la meilleure manière d’accompagner leurs élèves, en poussant parfois le vice jusqu’à délivrer un double bulletin de notes – l’un constituant une vitrine pour Parcoursup, l’autre comportant les véritables notes de l’élève.
Madame la ministre, comment en sommes-nous arrivés là ? Comment en sommes-nous arrivés à ce que l’on pourrait considérer comme un paroxysme de bureaucratie, qui fait l’objet d’un autosatisfecit dans les bureaux parisiens de la rue de Grenelle et de la rue Descartes, alors qu’un consensus défavorable émane de l’ensemble des acteurs concernés ?
Ne nous y trompons pas : à travers Parcoursup s’esquisse un débat bien plus large. Au-delà d’une simple remise en cause de la plateforme, c’est au système d’orientation dans son ensemble qu’il convient de s’intéresser, tant ses faiblesses sont de plus en plus apparentes.
Or, pour de nombreux élèves, l’institution scolaire est le principal – voire le seul – vecteur d’accompagnement et de conseil en matière d’orientation. Il est donc indispensable de fournir une orientation de qualité au collège et au lycée. L’avenir de milliers de jeunes en dépend. Sinon, nous prenons le risque de renforcer les inégalités sociales, comme en atteste d’ores et déjà l’apparition de coachs privés en orientation.
Nous devons donc nous poser la question fondamentale de la formation des proviseurs et professeurs, qui sont en première ligne pour aiguiller les élèves dans leurs choix. En effet, selon un rapport de la Cour des comptes, 65 % des proviseurs et 85 % des professeurs déclarent n’avoir reçu aucune formation spécifique pour exercer leur mission d’orientation.
En outre, les récentes formations organisées par les rectorats portent principalement sur des points pratiques. Les professeurs principaux ne sont par conséquent pas réellement formés à l’accompagnement et au conseil des élèves.
Parallèlement à ce manque criant se pose la question de l’utilisation des heures allouées à l’orientation. Non inscrites dans l’emploi du temps, ces heures sont trop souvent employées par les professeurs comme des heures d’ajustement, leur permettant de venir à bout des programmes.
Par ailleurs, les établissements financent traditionnellement ces heures d’orientation de manière autonome, en recourant aux marges de manœuvre qu’on leur a attribuées. Or la réforme du lycée, fortement consommatrice de dotation horaire globale pour les enseignements de spécialité et les options, a fortement réduit ces marges – et, donc, le budget consacré à l’accompagnement.
En résultent des inégalités territoriales entre des lycées où la culture de l’orientation existe et d’autres, moins mobilisés sur le sujet, où l’équipe pédagogique préfère consacrer son temps à d’autres projets.
M. Pierre Ouzoulias. Très juste !
M. Max Brisson. Inscrire les heures d’orientation dans la grille horaire des enseignements et les sanctuariser ; renforcer la formation des professeurs principaux et des référents en matière d’orientation : voilà deux mesures – entre autres – qu’Annick Billon, Marie-Pierre Monier et moi-même recommandions en 2022 dans un rapport d’information sur le bilan des mesures éducatives du quinquennat.
Voilà, madame la ministre, la manière dont je conçois le débat qui nous réunit aujourd’hui : posons les premières pierres du chantier de l’orientation que j’appelle de mes vœux et que nous nous devons de lancer au plus vite ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
MM. Pierre Ouzoulias et Stéphane Piednoir. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Max Brisson, je connais votre attachement aux questions éducatives, et à l’orientation en particulier, qui a coloré votre propos sur Parcoursup.
Au cours de votre intervention, vous nous avez rappelé que s’intéresser à Parcoursup sans élargir la réflexion aux enjeux d’orientation revient à se tromper de cible – je suis d’accord. Du reste, l’orientation constituait l’un des piliers de la loi du 8 mars 2018.
Permettez-moi de vous rappeler ce qui a été fait depuis 2018 : la désignation d’un second professeur principal en classe de terminale ; la mise en place de semaines de l’orientation dans les lycées ; l’augmentation des ressources… En 2023, 84 % des lycéens interrogés disent avoir bénéficié d’une aide pour préparer la phase de formulation des vœux.
Toutefois, comme vous l’avez souligné, il convient de faire mieux en formant davantage les professeurs principaux pour les aider à accompagner les élèves et à les informer sur l’ensemble des formations de l’enseignement supérieur, qui évoluent très vite.
Vous l’avez également noté, cette année, les lycéens en classe de seconde ou de première ont pu se créer un compte sur Parcoursup, profitant de nouveaux outils tels qu’un comparateur de formations.
J’assumerai toute ma part dans ce travail, notamment en me rapprochant des établissements pour favoriser les rencontres entre lycéens et enseignants du supérieur lors des journées portes ouvertes. Par ailleurs, une meilleure exploitation des données de Parcoursup doit permettre aux enseignants du second degré de mieux accompagner humainement les élèves.
Nicole Belloubet et moi-même continuerons à agir en ce sens, par exemple en utilisant au mieux les créneaux d’orientation. Le secteur de l’enseignement supérieur se joindra à cet effort en donnant les outils, les informations et les données nécessaires, afin de mener à bien ce grand chantier de l’orientation.
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.
M. Max Brisson. Madame la ministre, votre bonne volonté n’est pas en cause. Vous avez vous-même parlé de la loi ORE. C’est peut-être là – je le dis devant mon collègue Jacques Grosperrin, qui était le rapporteur du projet de loi au Sénat – que tout a très mal commencé, parce que l’on a mis la charrue avant les bœufs. (M. Jacques Grosperrin fait mine de s’en indigner.)
Peut-être aurait-il fallu penser la réforme du lycée et du baccalauréat et organiser l’orientation avant de voter cette loi ORE. Nous avions d’ailleurs dénoncé ce hiatus au sein de notre Haute Assemblée. Il fallait certes aller très vite au sortir de l’échec du système APB, mais ce mauvais choix de calendrier fut le péché originel à cause duquel vous avez hérité d’un système qui, malheureusement, ne fonctionne pas.
Au-delà du nécessaire chantier que vous annoncez, madame la ministre – ce dont je vous remercie –, il convient certainement d’aller plus loin et de repenser la place de l’orientation au lycée : elle est mineure, elle doit devenir majeure.
M. Jacques Grosperrin. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Laure Darcos. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à huit jours de la clôture des inscriptions sur la plateforme Parcoursup, débattre de l’équité et de la transparence de cette procédure d’admission dans l’enseignement supérieur prend tout son sens.
Force est de constater que, depuis sa création en 2018, Parcoursup n’a jamais suscité la pleine et entière confiance des élèves et de leurs parents : ce dispositif fait l’objet de critiques récurrentes portant notamment sur l’opacité des modalités de classement et sur un certain manque d’équité. Or, sans confiance, il ne peut y avoir d’adhésion.
Toutefois, cette défiance repose en partie sur des appréciations infondées. Contrairement à ce que renvoie l’imaginaire collectif, Parcoursup n’examine pas les candidatures des futurs étudiants et ne procède à aucun classement. Ce rôle incombe aux établissements d’enseignement supérieur et aux commissions d’examen des vœux, dont les jurys sont souverains et les délibérations sont confidentielles, comme l’a confirmé le Conseil constitutionnel.
L’indépendance des jurys et l’autorité de leurs décisions sont sans conséquence sur la qualité du processus de sélection. Bien entendu, la procédure est perfectible et doit encore gagner en lisibilité et en transparence – les membres des jurys le reconnaissent volontiers.
J’ajoute qu’elle doit aussi gagner en rapidité, car la longueur de la procédure et l’incertitude que cela emporte accroissent la défiance vis-à-vis de ceux qui prennent la décision d’admettre ou non un élève dans la filière de formation qu’il a choisie.
Les établissements d’enseignement supérieur sont d’autant plus incités à parfaire leur processus décisionnel que ce manque de transparence a été souligné à plusieurs reprises par le Défenseur des droits et la Cour des comptes, mais également par l’inspection générale de l’éducation nationale et le comité éthique et scientifique de Parcoursup.
Aujourd’hui encore, les élèves ne savent pas toujours selon quels critères leur dossier sera examiné et, le cas échéant, comment ces critères seront pondérés. Aucune information n’est donnée sur les éléments de notation utilisés par les commissions d’examen des vœux.
Dans ce contexte, il me semble extrêmement important que la fiche Avenir renseignée par les lycées soit la plus précise possible – plusieurs présidents d’université m’ont invitée à plaider en ce sens.
Celle-ci est particulièrement importante, car elle comporte des appréciations pour chaque vœu formulé par le lycéen pour la phase principale. Or le chef d’établissement doit émettre un avis portant aussi bien sur la cohérence du projet d’orientation de l’élève que sur sa capacité à réussir. Ainsi, le contenu de cette fiche lui permet de mieux cerner l’élève, ce qui peut faire une réelle différence en faveur de ce dernier au moment du classement des candidats.
Par ailleurs, nous pouvons légitimement nous interroger sur l’impact des algorithmes dans l’étude des demandes d’admission. Nous le savons, les universités recourent de manière systématique à un algorithme de préclassement.
Dès lors que le traitement informatique est prédominant, comment Parcoursup procède-t-il pour mesurer le mérite ? Quelle est la place des personnes chargées de la sélection au sein des établissements supérieurs ? Les algorithmes ne doivent pas remplacer l’humain, et l’opacité doit absolument être levée.
Il semble également pertinent de s’interroger sur l’équité du processus : dans quelle mesure est-elle garantie ?
À cet égard, les failles du dispositif foisonnent. Par exemple, certains élèves dont les résultats scolaires relèvent de l’excellence ne parviennent pas à obtenir les formations souhaitées.
En outre, la capacité des parents à s’impliquer dans la procédure Parcoursup semble constituer un élément prépondérant dans le succès de l’élève.
Ainsi, les parents issus de catégories socioprofessionnelles supérieures tendent à peser favorablement sur les perspectives d’études de leurs enfants et sur la construction de leur projet d’orientation en les poussant à multiplier leurs centres d’intérêt et en les inscrivant à des activités extrascolaires.
A contrario, les parents disposant de faibles ressources ou faisant preuve d’une implication moindre dans l’orientation de leurs enfants sont moins en mesure d’aider ces derniers à se construire des profils aussi complets.
Ainsi, des inégalités se creusent entre les élèves qui peuvent être accompagnés par leurs parents et ceux qui ne le peuvent pas.
Quant aux enseignants, ils en arrivent à ajuster les dossiers scolaires, afin de maximiser les chances de réussite de leurs élèves…
Un autre point mérite d’être relevé : les distorsions d’évaluation, que la plateforme ne semble pas être en mesure de pondérer, créent de véritables iniquités. Cela conduit certains parents à inscrire leurs enfants dans des lycées publics pour leur année de terminale, après une scolarité dans le privé.
Il convient évidemment d’adopter une procédure plus équitable, fondée sur les qualités réelles de l’élève, ses compétences académiques et son mérite, plutôt que sur ses engagements extrascolaires, qui sont souvent largement exagérés.
Le Sénat s’est saisi de ce sujet en juin dernier, en dressant un état des lieux du fonctionnement de la plateforme numérique. Notre collègue Jacques Grosperrin, dans son rapport d’information, a formulé huit recommandations qui pourraient remédier aux failles de Parcoursup.
Madame la ministre, si des améliorations ont été apportées à la procédure Parcoursup depuis sa création, de nombreux dysfonctionnements perdurent. Quelle traduction réservez-vous aux recommandations émises par Jacques Grosperrin ? Comment entendez-vous, in fine, redonner confiance aux élèves et aux parents ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Grosperrin. Merci !
M. Cédric Chevalier. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Laure Darcos, croyez-le bien, je partage avec vous cette ardente obligation de la transparence – j’y reviendrai –, de l’orientation – je me suis déjà exprimée sur ce point en répondant à M. Brisson – et de l’harmonisation des notes.
Comme vous, je considère que la transparence est un levier pour réduire le stress de nos lycéens et de leurs familles et leur donner confiance – ce mot est important – dans ce système d’information et d’affectation dans l’enseignement supérieur.
Je rappelle que Parcoursup existe depuis sept ans. La présentation de la plateforme, ainsi que la compréhension des critères d’analyse des candidatures se sont améliorées : là où il n’y avait rien, nous avons créé des attendus, puis mis en place une obligation de publication des critères d’examen des commissions des vœux.
Malgré ce que l’on en dit ici ou là, cette réalité est bien perçue par les lycéens : selon un sondage BVA de 2023, 64 % des lycéens interrogés ont déclaré avoir bien compris les critères ; 77 % d’entre eux ont par ailleurs affirmé que les informations trouvées sur Parcoursup leur avaient permis d’avoir une idée des chances de succès de leurs candidatures.
Toutefois, je suis d’accord avec vous sur le fait qu’il faut faire encore mieux en mobilisant les filières de formation pour harmoniser les informations disponibles sur la plateforme. C’est ce que nous faisons avec les enseignants qui traitent les dossiers et établissent les critères de sélection – je vous remercie de l’avoir évoqué.
Mais la transparence ne suffit pas : les parents s’inquiètent également de l’hétérogénéité des notations selon les lycées.
Là aussi, nous agissons. Pour preuve, dès l’automne 2023, chaque proviseur a été destinataire d’une note d’information sur les écarts de notes dans son lycée et a été invité à reprendre le travail sur le projet d’évaluation de son établissement, l’objectif étant de favoriser une harmonisation des pratiques d’évaluation et, donc, de notation.
Cela étant, comme vous l’avez noté, tout ne se résume pas à la question des notes. Nous devons aussi améliorer la qualité des appréciations consignées dans la fiche Avenir. Nous avons fait passer ce message aux établissements cette année, et nous recommencerons l’an prochain pour les encourager à poursuivre leur effort.
Tous ces chantiers sont en cours, et nous continuerons de les suivre de près.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de La Provôté. (MM. Michel Laugier et Cédric Chevalier applaudissent.)
Mme Sonia de La Provôté. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en juillet dernier, cinq ans après le lancement de Parcoursup, la commission de la culture du Sénat a souhaité dresser un état des lieux du fonctionnement de la plateforme en lançant une mission d’information.
Des ajustements avaient été apportés à la procédure pour la session 2023, durant laquelle un nombre record de vœux – 11,8 millions – avaient été formulés.
Il convient de souligner plusieurs points positifs depuis la création de Parcoursup : la plateforme numérique a gagné en ergonomie ; ses contenus ont été améliorés tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif ; enfin, le calendrier du processus a été révisé pour inclure la réforme du baccalauréat et réduire les délais d’attente.
L’offre de formation s’est élargie : Parcoursup regroupe à l’heure actuelle 21 000 formations, dont 7 500 pour le seul apprentissage.
Pour autant, selon une récente enquête, 83 % des élèves continueraient de trouver le passage sur Parcoursup extrêmement stressant. Il est reproché au dispositif, entre autres, de manquer de transparence et d’équité.
J’aborderai la question de l’équité à travers trois sujets.
Le premier concerne les élèves boursiers. Pour faciliter l’accès à l’enseignement supérieur des élèves des catégories sociales les moins favorisées, la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants a instauré, dans le cadre de Parcoursup, des quotas de boursiers dans les formations non sélectives en tension.
Pour autant, la Cour des comptes a démontré que ces quotas ont une faible incidence sur l’accès aux filières en tension : ils ne modifieraient que très modestement la proportion des boursiers admis dans ces filières et, plus globalement, celle de ceux qui sont admis dans l’enseignement supérieur.
Madame la ministre, quelles pistes envisagez-vous pour mieux intégrer les élèves boursiers ?
Le deuxième sujet a trait aux candidats dits « en reprise d’études ». Notre excellent collègue Jacques Grosperrin, rapporteur de la mission d’information précitée, a été sensibilisé par le comité éthique et scientifique de Parcoursup à ce cas particulier.
En effet, Parcoursup a d’abord été conçu pour les candidats néo-bacheliers. Or cette population d’étudiants en reprise d’études, mal identifiée, est en augmentation et atteint désormais près de 10 % des inscrits.
Comme l’a souligné le comité dans l’un de ses rapports annuels, ces candidats, contrairement aux néo-bacheliers, voire aux candidats en réorientation, ne disposent pas du même « environnement de conseil et d’orientation organisé » ni de « toutes les informations collectées classiquement par la plateforme et attendus des formations ». Cela démontre la difficulté de notre système à s’adapter à la diversité des parcours – un phénomène contemporain, qui s’amplifie.
Madame la ministre, que proposez-vous pour mieux accompagner ces étudiants ?
Le troisième et dernier sujet sur lequel je souhaite insister est l’accès aux écoles et classes préparatoires privées, réputé discriminant d’un point de vue social.
On le sait, l’accompagnement prodigué aux élèves compense différemment les inégalités sociales. Dans la mesure où la construction du projet de l’élève reste l’apanage de l’établissement, celui-ci est plus individualisé et plus précoce dans les lycées les plus favorisés, alors qu’il repose souvent, faute de moyens, sur des pratiques collectives dans les lycées les plus en difficulté.
Nous assistons au développement du coaching scolaire et du secteur privé de l’orientation. Ces pratiques payantes – et souvent onéreuses – facilitent l’intégration de grandes écoles et de classes préparatoires, parfois grâce à des stratégies auxquelles de nombreux élèves n’ont pas accès.
En parallèle, les formations privées qui ne sont pas obligées de passer par Parcoursup – argument commercial pour attirer étudiants et parents – se multiplient.
M. Pierre Ouzoulias. C’est vrai !
Mme Sonia de La Provôté. Sans en faire le procès, il convient de réfléchir à ces formations – dont certaines sont très coûteuses –, à leur contenu et aux diplômes qu’elles dispensent.
Il y a urgence, madame la ministre, à ce que les ministères du travail et de l’enseignement supérieur mènent cette réflexion et définissent des critères de labellisation, de régulation et de contrôle. Quelles mesures avez-vous prises pour mieux compenser les inégalités sociales en matière d’orientation et pour favoriser l’accès à toutes les formations, sans exception, dans un cadre de qualité et sécurisé ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Cédric Chevalier et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Sonia de La Provôté, vous m’interrogez plus particulièrement sur les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur. Il s’agit de l’un des sujets à l’égard duquel la loi ORE devait changer la donne.
Agir pour l’égalité, c’est d’abord donner accès à toute l’offre de formation, et ce pour chaque étudiant, où qu’il se trouve sur le territoire. À mon sens, la plateforme Parcoursup a changé les choses pour de nombreux lycéens.
Toutefois, il convient de simplifier l’accès à toutes ces formations. Cela passe par une plus grande transparence – je n’y reviendrai pas –, mais également par des mécanismes d’aide aux élèves les moins favorisés, tels que les cordées de la réussite, un dispositif dans le cadre duquel le taux d’accès des boursiers est en hausse de cinq points.
Nous incitons les établissements du supérieur à élargir l’accès à leurs formations aux lycéens boursiers, qu’ils soient issus des filières générale, professionnelle ou technologique.
Lutter contre les inégalités, c’est aussi se montrer attentif à l’admission de tous les lycéens boursiers aux formations qui leur sont accessibles dans l’enseignement supérieur.
Permettez-moi de citer un cas très concret : depuis que Sciences Po a intégré Parcoursup, le pourcentage d’étudiants boursiers y est passé de 5 % à 12 %. De la même façon, l’intégration des écoles vétérinaires a permis de diversifier le recrutement d’un point de vue social et territorial.
Nous continuerons d’œuvrer en faveur de cette diversification.
Pour lutter contre l’autocensure, nous avons aussi promu le parcours des élèves en cordées de la réussite : le taux des propositions faites aux bacheliers professionnels inscrits dans ce dispositif est ainsi de cinq points plus élevé en moyenne que celui des propositions faites aux lycéens qui n’y prennent pas part.
Il faut sans doute en faire plus, vous avez raison. C’est le sens du travail que nous menons au travers de la procédure de « oui si », qui contribue à un meilleur accès des élèves à l’enseignement supérieur et à une plus grande réussite.
Enfin, nous travaillons, comme je l’ai dit tout à l’heure, à améliorer l’orientation des lycéens : nous avons ainsi créé des labels pour les formations privées, afin d’aider les familles à s’y retrouver dans l’ensemble de l’offre de formation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour la réplique.
Mme Sonia de La Provôté. Je vous remercie, madame la ministre. Les déterminismes sociaux et familiaux constituent le principal frein pour se réaliser dans son parcours éducatif. Il est de notre responsabilité d’y faire face.
Cela passe par l’information et l’orientation de tous les jeunes : chacun doit être en mesure de faire un choix le plus éclairé possible, quels que soient sa condition sociale et le lieu où il habite. Parcoursup doit y contribuer et ne pas creuser les écarts.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Ollivier.
Mme Mathilde Ollivier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le groupe communiste d’avoir pris l’initiative de ce débat sur l’équité et la transparence de Parcoursup.
L’école égalitaire devrait constituer une priorité. Malheureusement, ce n’est pas le cas aujourd’hui. L’actualité récente nous a montré, une nouvelle fois, que Parcoursup était le catalyseur d’un véritable entre-soi social et scolaire.
Le débat de ce jour fait sens tant la plateforme est connue pour ses dysfonctionnements. En effet, les promesses des débuts ne sont pas tenues.
Le manque de transparence est problématique : nous ne savons quasiment rien de cette plateforme. Nous demandons en quelque sorte à la jeunesse de confier son avenir à un site plus opaque que jamais. La compréhension et la transparence des algorithmes sont essentielles pour comprendre et faire confiance à un tel instrument, par lequel des décisions déterminantes pour la vie des jeunes sont prises.
La modification du calendrier et la centralisation des demandes n’ont absolument pas diminué le stress et l’angoisse des élèves. À l’heure actuelle, 83 % des usagers de la plateforme la trouvent stressante.
Par ailleurs, Mme Belloubet, nouvelle ministre de l’éducation nationale, dit tout faire pour mettre en place un système contribuant à réduire les inégalités sociales. Cette lucidité doit se traduire en actes.
Parcoursup est à l’image d’une politique et d’un système toujours plus sélectifs et méritocratiques, qui perpétue les inégalités sociales et contredit l’essence émancipatrice de l’institution éducative.
Les jeunes issus d’un milieu aisé sont trois fois plus nombreux à accéder aux études supérieures que ceux dont les parents sont les plus modestes. L’accès au master et aux filières sélectives – classes préparatoires, études de médecine, grandes écoles, doctorats… – est encore plus inégalitaire.
Votre politique, à travers Parcoursup, est rattrapée par ses échecs, car une plateforme ne saurait cacher le manque d’investissement dans l’orientation et l’avenir des jeunes étudiants.
Le nombre de conseillers d’orientation a fortement diminué entre 1980 et 2022, alors même que le nombre de lycéens, sur cette période, est passé de 1,4 million à 2,2 millions. De plus, le manque de places dans l’enseignement supérieur est très important.
Ce qui se joue derrière le budget et les moyens alloués à cette fameuse frontière entre lycée et enseignement supérieur, c’est l’accès de tous les jeunes étudiants à un enseignement supérieur de qualité, qui réponde à leurs aspirations.
Les élèves qui n’ont pas les clés, qui ne disposent pas des codes pour s’orienter dans un système d’enseignement supérieur toujours plus complexe, doivent être véritablement accompagnés. Comment, lorsque l’on a 16 ans, 17 ans ou 18 ans, et que son entourage familial n’est pas sensibilisé aux spécificités des filières de l’enseignement supérieur, s’y retrouver sans aide – ou une aide infime ?
Mme Belloubet a déclaré avoir, pour l’école, « l’ambition à la fois de l’existence de règles et du respect de ces règles ». Dès lors, que répondez-vous à la grande majorité des lycéennes et des lycéens qui subissent les vœux de Parcoursup alors que, au même moment, des établissements élitistes comme Stanislas, à Paris, contournent sans vergogne la plateforme pour leurs élèves privilégiés ?
De quelles informations disposez-vous au sujet des suites données à cette affaire et des possibles contournements de Parcoursup par d’autres établissements privés ?
Aujourd’hui, le taux d’accès à l’enseignement supérieur stagne pour les catégories populaires, alors qu’il a augmenté pour les catégories les plus favorisées. Que comptez-vous faire concrètement pour agir contre ces inégalités ? Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour rendre Parcoursup enfin plus transparent et, surtout, plus égalitaire – peu importe que l’on vienne d’un grand lycée parisien, d’un lycée de campagne ou d’une école française à l’étranger –, et pour que les jeunes puissent faire des choix véritablement éclairés pour leur avenir ?
Puisqu’il me reste un peu de temps de parole, permettez-moi de vous faire part de mon expérience personnelle.
La semaine dernière, en déplacement au Cameroun, je me suis entretenue avec l’équipe de direction d’un établissement, qui m’a fait part des difficultés – qui doivent également survenir dans bien d’autres pays – auxquelles elle était confrontée lorsque la connexion internet, de piètre qualité, l’oblige à traiter manuellement l’ensemble des dossiers des élèves dans Parcoursup.
Apparemment, la situation s’est améliorée cette année, rendant la procédure un peu moins laborieuse. Il n’en demeure pas moins que cette fracture numérique dans l’accès à Parcoursup est prégnante, notamment dans les zones rurales, pour les Français de l’étranger et les personnes les plus vulnérables. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, je veux au préalable souligner qu’il ne faut pas faire porter sur Parcoursup la responsabilité de tous les problèmes.
Vous l’avez dit, cette plateforme est d’abord un outil à la disposition de l’ensemble des élèves et des futurs étudiants, à un moment charnière de leur vie où le stress est effectivement inhérent. Notre responsabilité est d’atténuer les inquiétudes, d’accompagner et d’informer les utilisateurs de la plateforme.
Vous avez parlé de l’absence d’aide ou de l’aide infime accordée aux élèves. Or Parcoursup, qui propose pour l’ensemble des étudiants, partout en France, 23 000 offres de formation, a évolué, s’est amélioré pour tenir compte des revendications bien légitimes de nos élèves et de nos familles.
Cet outil est, pour ainsi dire, unique en Europe, et même au-delà. « Malheureusement », pourriez-vous ajouter ; pour ma part, je pense que c’est heureux, parce qu’il s’agit d’une véritable plateforme d’information, qui permet aux jeunes de déposer des dossiers de candidature aux formations de leur choix, ce qui aide à les rendre accessibles.
Alors, oui, il faut continuer de l’améliorer, mais c’est ce que nous faisons. Personne ne peut nier le travail collectif réalisé par toutes les équipes de Parcoursup et l’ensemble des équipes d’enseignants du secondaire et du supérieur.
Il faut faire de cette plateforme non plus un totem, mais, au contraire, un outil destiné à aider l’ensemble des élèves et des étudiants.
Oui, et je vous rejoins sur ce point, nous devons continuer à y travailler. Mais, pour mesurer et quantifier les progrès faits par Parcoursup chaque année, pour me guider pour la suite, afin de rendre le processus plus transparent et d’améliorer l’information et l’orientation, je me fonde non pas sur un sentiment, une opinion ou un avis, mais sur des sondages de l’institut BVA et les travaux de son comité éthique et scientifique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour la réplique.
Mme Mathilde Ollivier. Madame la ministre, vous me répondez que vous vous appuyez sur des chiffres et non sur des opinions. Or 83 % des jeunes considèrent aujourd’hui que la plateforme est une source de stress : si cette période de leur vie est certes angoissante, compte tenu des choix qu’ils doivent opérer, c’est encore trop ! (M. Jacques Grosperrin approuve.) C’est pourquoi il est important de continuer à travailler sur cette problématique. (Mme la ministre le confirme.)
Vous avez par ailleurs parlé de transparence. À cet égard, j’aurais voulu avoir des réponses plus précises sur les algorithmes et leur éventuelle mise à disposition des étudiants, des jeunes, des parlementaires.
Enfin, en réponse à Mme de La Provôté, vous avez insisté sur le fait que la mixité sociale s’était améliorée dans certaines filières, par exemple à Sciences Po. Or, ce que l’on observe, c’est que, globalement, cette mixité sociale régresse au détriment des classes les plus populaires, y compris dans les grandes écoles. C’est un point sur lequel il convient également de travailler.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, convenons-en, Parcoursup est un système en évolution, ce qui signifie qu’il peut sûrement s’améliorer ! (Mme la ministre acquiesce.) D’où l’exercice auquel nous nous livrons en ce moment même.
Je souhaite tout d’abord, madame la ministre, attirer votre attention sur le fait que, si un grand nombre de bacheliers généraux trouvent effectivement une formation sur la plateforme, ce chiffre est sensiblement moins élevé pour les bacheliers des filières technologique et professionnelle, qui ont tendance, selon le comité éthique et scientifique de Parcoursup – dont j’ai parcouru le rapport –, à faire le choix de l’insertion directe dans l’emploi et qui n’accèdent donc pas à l’enseignement supérieur.
En second lieu, beaucoup de bacheliers sont également tentés de s’orienter vers des formations en apprentissage, ce qui peut d’ailleurs être une bonne chose.
Cependant, en 2021, un nouveau type de formation privée est apparu sur Parcoursup, celles que dispensent des établissements d’enseignement privé à but lucratif hors contrat, qui bénéficient des subventions publiques allouées à l’apprentissage. La qualité de leurs formations fait, hélas, l’objet d’un faible suivi – je n’aime guère le terme de « contrôle ». Ce point a d’ailleurs été relevé voilà quelques instants par nos collègues Sonia de La Provôté et Mathilde Ollivier.
Bien souvent, ces établissements délivrent non pas des diplômes labellisés par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, mais seulement des titres validés par le ministère du travail, ce qui prête nécessairement à confusion.
Ainsi, de nombreux jeunes paient cher ces formations privées pour se retrouver in fine très peu formés.
Je sais qu’un groupe de travail ministériel se penche actuellement sur la question de l’enseignement supérieur privé à but lucratif. Aussi, madame la ministre, quelles dispositions envisagez-vous de prendre ou de recommander, afin de surmonter ce problème et d’éviter que cette dérive perdure, avec tous les risques en termes d’inégalités que cela implique ? (M. Pierre Ouzoulias applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Lahellec, je ne peux que vous rejoindre quand vous dites que le système peut s’améliorer : comme je le dis depuis tout à l’heure, Parcoursup s’inscrit depuis maintenant sept ans dans une dynamique d’amélioration, ainsi que le reconnaît le rapport de son comité éthique et scientifique, et nous devons poursuivre dans cette voie.
C’est du reste à cette fin que la plateforme a été entièrement repensée, qu’ont été prévus des moteurs de recherche supplémentaires, ainsi que des comparateurs de formations, et qu’est désormais offerte aux utilisateurs la possibilité de créer des favoris, afin de leur permettre de suivre leur parcours.
En ce qui concerne les bacheliers des filières professionnelle et technologique, nous continuons à les accompagner. Permettez-moi de citer deux chiffres.
Entre 2013 et 2021, la proportion de bacheliers technologiques inscrits en IUT est passée de 28,8 % à 40,2 %. À l’évidence, la réforme des bachelors universitaires de technologie (BUT) permettra de poursuivre ce mouvement.
Au cours de la même période 2013-2021, la part des bacheliers professionnels inscrits en BTS (brevet de technicien supérieur) est passée de 27,4 % à 34,1 %.
Enfin, comme vous le mentionnez, nous réfléchissons actuellement à la question des établissements d’enseignement privé à but lucratif, afin de pouvoir donner aux familles et aux élèves des indications sur la qualité de la formation dispensée et d’établir une transparence totale sur les frais de scolarité.
À cette fin, nous définirons très prochainement des critères afin d’attribuer, en lien avec le ministère du travail, une sorte de label à destination des élèves et de leurs parents. Il ne s’agit pas d’ajouter des labels aux labels ; l’objectif est simplement d’adresser une alerte sur l’utilisation, pas toujours à bon escient, que font de l’apprentissage certains de ces établissements de formation. Les élèves et leurs familles doivent pouvoir disposer d’informations pertinentes.
Mme la présidente. La parole est à M. David Ros. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. David Ros. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je tiens à remercier notre collègue Pierre Ouzoulias d’avoir pris l’initiative d’organiser ce débat, qui tombe à point nommé. En effet, depuis plusieurs semaines, près d’un million de lycéens et de deux millions de parents sont sur le pont de la plateforme Parcoursup.
Cela engendre, comme l’a indiqué mon collègue Yan Chantrel, un stress familial qui s’inscrira dans le quotidien de certains jusqu’au mois de septembre.
La plupart des enquêtes concernant le ressenti de celles et de ceux qui ont utilisé Parcoursup soulignent par ailleurs une certaine opacité quant aux algorithmes de tri et au classement des candidats, accentuant de fait le stress de nos enfants et des parents.
Alors, si nous voulons avoir un débat juste, serein et, surtout, utile sur l’avenir des jeunes et la suite de leur parcours dans l’enseignement supérieur, universitaire ou non, nous devons nous poser les bonnes questions. S’agit-il d’une orientation ou d’une sélection ? Ce système contribue-t-il à l’équité et à la transparence ?
Surtout, nous devons distinguer l’outil, à savoir la plateforme, du contexte plus général, à savoir la réforme du lycée et des filières universitaires et techniques.
La plateforme Parcoursup est en fait un instrument qui combine orientation et sélection. Elle vise à informer le lycéen des différentes possibilités qui lui sont offertes et, donc, à l’orienter dans ses choix. Elle sert aussi, au regard des candidatures, à sélectionner les jeunes retenus dans chaque filière. Instrument d’orientation et de sélection, c’est donc en quelque sorte l’iOS – le système d’exploitation – des études supérieures. (Sourires.)
Par comparaison avec ce qui existait avec APB, Parcoursup, dans cette septième année – nous en sommes donc à l’iOS 7 –, présente un certain nombre de points positifs : nul besoin de classifier les vœux, comme cela était le cas auparavant ; il est désormais possible d’évaluer le niveau de sélectivité desdits vœux.
Cependant, madame la ministre, l’outil reste bien sûr perfectible. Comme cela a été dit, il nécessite notamment un accompagnement parental et professoral. Bien qu’il soit essentiel, celui-ci est malheureusement parfois impossible, ce qui conduit à des manquements au principe d’équité qui devrait pourtant s’appliquer à tous les candidats sur l’ensemble du territoire.
Votre mission est donc de la plus haute importance, car il est indispensable de continuer à améliorer cette plateforme l’an prochain. Permettez-moi, à ce titre, de vous faire part de quelques orientations possibles.
Tout d’abord, le créneau dans lequel le numéro vert est joignable pourrait ne pas se limiter à la plage horaire dix heures-seize heures, du lundi au vendredi.
Ensuite, vous pourriez envisager, avec votre collègue ministre de l’éducation nationale, de renforcer en amont l’accompagnement des élèves par les enseignants du lycée et de l’enseignement supérieur, mais aussi de réintroduire l’indicateur visuel vert-orange-rouge – présent dans APB –, qui offre une idée du caractère sélectif de la formation objet du vœu formulé.
Enfin, pourquoi ne pas utiliser en amont de la phase officielle un simulateur reposant sur l’intelligence artificielle ? Il permettrait, à partir des données statistiques des années précédentes et des souhaits génériques du lycéen – appétence pour une matière, une filière, une activité, un métier – et de son niveau scolaire, de simuler, à titre d’exemple, une fiche non contractuelle de trois à cinq vœux, indicative et concrète.
Mais l’essentiel réside dans l’impact de la réforme du lycée et la programmation des épreuves de spécialité du bac au mois de juillet.
Si cette dernière décision a incontestablement des vertus pédagogiques, elle rend les notes du contrôle continu du premier semestre, voire du premier trimestre, plus importantes que celles des épreuves écrites de spécialité du baccalauréat. Cela pose donc la question essentielle de l’homogénéisation des notes entre les différents lycées et, subséquemment, de nouveau la question de l’équité.
Je vous invite également à veiller à ce que la réforme du bac ne pousse pas les lycéens à choisir à terme des spécialités leur assurant une meilleure orientation au détriment de celles qui sont pourtant nécessaires à l’exercice des métiers essentiels pour l’avenir de notre pays.
Vous l’avez compris, madame la ministre, les pistes d’amélioration sont nombreuses, et je serais vraiment ravi que vous mentionniez celles que vous privilégierez l’année prochaine. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur David Ros, permettez-moi tout d’abord de vous remercier de vos propositions, dont j’ai pris bonne note.
Premier point, je peux vous annoncer que le numéro vert sera ouvert ce samedi, ainsi que les 13 et 14 mars, jusqu’à vingt heures, pour répondre aux familles.
Deuxième point, en matière d’accompagnement et d’orientation, comme je l’ai indiqué, nous expérimentons depuis le printemps dernier, en particulier en région Nouvelle-Aquitaine, et en lien avec l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (Onisep), qui travaille sur le programme Avenir(s), de nouveaux services aux lycéens utilisant les données de Parcoursup pour leur permettre justement, dès la classe de seconde, encadrés par les enseignants du lycée, à partir de simulations, de mieux comprendre et connaître les filières de l’enseignement supérieur, de mieux cerner leurs objectifs, de mieux évaluer leurs chances d’insertion professionnelle et de succès et, éventuellement, de connaître les passerelles qui existent pour accomplir leur projet professionnel.
Cette plateforme, certes quelque peu spécifique, est un outil supplémentaire, qui se veut humain, en ce sens que son utilisateur bénéficie de l’accompagnement des enseignants du secondaire. Ce que nous demandent aujourd’hui les familles et les élèves pour recréer cette confiance, c’est de mettre beaucoup plus d’humain dans les procédures d’orientation.
Mon rôle est de fournir et d’exploiter les données, riches et nombreuses, issues de Parcoursup et de mettre à disposition des enseignants du secondaire les outils pour les exploiter, quitte à ce que ceux-ci soient formés à cette fin.
Dans un second temps, l’intelligence artificielle permettra probablement de faire évoluer puissamment et favorablement ces outils au bénéfice des élèves.
Troisième et dernier point, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, nous travaillons à harmoniser les notes du baccalauréat.
Mme la présidente. La parole est à M. David Ros, pour la réplique.
M. David Ros. Madame la ministre, le groupe socialiste prend acte de vos engagements en faveur du numérique et de l’humain, qui sont essentiels. Nous avons donc hâte de découvrir l’iOS 8 l’an prochain ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Grosperrin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. Jacques Grosperrin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le rapport que nous avons produit collectivement l’an dernier sur la procédure Parcoursup,…
M. Michel Savin. Très bien !
M. Jacques Grosperrin. … mais je voudrais remercier au préalable Pierre Ouzoulias d’avoir fait inscrire ce débat à notre ordre du jour, parce qu’il nous donne l’occasion d’échanger sur cette plateforme, au terme de plusieurs années de fonctionnement, en précisant bien qu’il ne s’agit pas d’en faire le procès.
Rappelons-nous ce qu’était APB et le caractère inique du tirage au sort (M. Michel Savin le confirme.), autant d’éléments qui nous ont conduits, en 2018, peut-être dans l’urgence – Max Brisson a raison de le dire –, à voter la loi ORE, dont l’actuel Premier ministre, Gabriel Attal, était le rapporteur pour l’Assemblée nationale, tandis que je l’étais moi-même, ici, au Sénat.
Si la commission mixte paritaire a été conclusive à l’époque, c’est bien qu’il y avait urgence : celle de faire en sorte que les étudiants disposent d’un outil leur permettant d’exprimer leurs vœux pour entrer à l’université.
Dans la discussion générale sur ce texte, j’avais évoqué le projet d’Alain Devaquet, en 1986, d’introduire de la sélection à l’université. De fait, dès que l’on parle de sélection, cela provoque des crispations très fortes. J’ajoutais que nous avions trois défis à relever : des candidats toujours plus nombreux ; des échecs massifs ; les difficultés d’APB.
Les candidats sont toujours aussi nombreux, même si leur nombre tend aujourd’hui à se tasser en raison de la baisse du nombre de bacheliers. Nous sommes donc parvenus à un étiage plus faible que les années précédentes.
Le taux d’échec est, en revanche, toujours aussi élevé en licence. À l’époque, on parlait du continuum bac–3/bac+3 ; on en parle encore aujourd’hui, et c’est pourquoi l’examen de ce texte a constitué un moment important.
Je me souviens aussi des propos de notre collègue Sylvie Robert, qui disait alors qu’il était important que le Sénat prenne du temps pour en débattre. Pierre Ouzoulias, quant à lui, nous parlait de constitutionnalisation, tandis que Max Brisson évoquait les pratiques d’évaluation dans les lycées, cependant que Marie-Pierre Monnier et Sonia de La Provôté insistaient sur l’orientation.
Six ans plus tard, le 6 mars 2024, je ne dirai pas, comme Karl Marx, même pour faire plaisir à Pierre Ouzoulias (Rires.), que l’histoire se répète toujours, la première fois comme une tragédie, la deuxième comme une farce, car, justement, je trouve que Parcoursup est un bon instrument.
En revanche, madame la ministre, Parcoursup sera ce que vous en ferez, vous et vos successeurs. Vous êtes en fonction depuis mai 2022 : depuis lors, la plateforme n’est pas parvenue à inspirer confiance à tous ses utilisateurs, ce que je regrette.
Même si le processus est moins long, même si l’outil est plus ergonomique et plus transparent, même si, je le redis, comme j’en ai l’impression, Parcoursup est un bon outil, le rapport sur Stanislas – patatras ! – a créé un émoi certain chez de nombreux Franciliens et, au-delà, chez de nombreux Français.
M. Michel Savin. C’est vrai !
M. Jacques Grosperrin. Je pense aux lycéens et aux étudiants, comme ceux que j’aperçois à cet instant dans les tribunes du Sénat : je me dis que le rapport de l’inspection générale a peut-être érodé leur confiance, fait naître en eux des doutes sur la fiabilité, la transparence et l’équité de Parcoursup, accentuant ainsi leur angoisse.
Je regrette véritablement que cet outil n’ait pas réussi à inspirer confiance à tous ses utilisateurs. La transparence est la matrice de la confiance que l’on a dans ce dispositif et, donc, dans son succès.
Vous devez apporter une réponse, madame la ministre. En d’autres temps, j’avais formulé huit propositions, sur lesquelles je ne reviendrai pas, faute de temps, à l’exception de la huitième, celle d’« assurer un service public d’accompagnement à l’orientation adapté à la nouvelle organisation du lycée et à la maîtrise de Parcoursup ».
Peut-être conviendrait-il également de demander au comité éthique et scientifique de Parcoursup de prendre des actions plus résolues en matière d’évaluation et de contrôle.
Même si cela ne se fait pas, je remercie Jérôme Teillard pour l’ensemble de son travail. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre rapport et des recommandations que vous y avez formulées, étant entendu que certaines d’entre elles ont déjà été mises en œuvre ou bien sont en passe de l’être. Ce travail dure maintenant depuis sept ans.
Je vous sais gré également des remerciements – auxquels je m’associe – que vous avez adressés à ceux qui se sont impliqués dans la mise en œuvre et le suivi de cet outil ces dernières années, en particulier Jérôme Teillard et toute son équipe.
J’en profite, afin de finir de répondre à M. Brisson, pour rappeler que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), en 2017, avait interdit l’utilisation d’APB à compter de 2018, ce qui explique l’urgence dans laquelle Parcoursup a dû être déployé, soumis que nous étions à cette obligation d’assurer la rentrée étudiante de 2018. (M. Jacques Grosperrin acquiesce.)
Je tiens également à revenir sur le rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale relatif au fonctionnement de l’établissement privé Stanislas. Ce dernier a été pris la main dans le sac, si je puis dire. Nous lui avons donc adressé un courrier et nous poursuivrons nos contrôles.
Cependant, il s’agit d’un cas isolé, et je ne voudrais pas – j’y insiste – que celui-ci salisse l’ensemble des lycées, qu’ils soient publics ou privés sous contrat, qui jouent le jeu. Si je dis cela, c’est parce que, parmi les plus de 600 000 lycéens qui ont saisi des vœux pour s’inscrire en classe préparatoire, seuls 41, sur toute la France, ont formulé un vœu unique, dont 38 sont scolarisés à Stanislas.
Vous le voyez, c’est un cas isolé, qui a fait l’objet d’un signalement. Nous avons demandé à l’établissement de mettre fin à ses pratiques répréhensibles et de se conformer à la charte de Parcoursup, laquelle garantit notamment l’égalité de traitement et l’équité.
Aussi, en particulier cette année, nous allons contrôler et surveiller ce lycée pour nous assurer qu’il se conformera à ces exigences.
Mme la présidente. Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre. Pour conclure, monsieur Grosperrin, je m’engage de nouveau devant vous à ce que l’ensemble des recommandations figurant dans votre rapport soient mises en œuvre.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour la réplique.
M. Jacques Grosperrin. Madame la ministre, nous ne doutons pas de votre engagement, qui est indéniable. Cela étant, tous ces dispositifs sont révélateurs du ministre qui est en fonction.
Vous avez raison de le souligner, et les auditions que nous avons menées aux côtés de nos collègues présents ici même cet après-midi l’attestent : la plupart des établissements scolaires agissent en toute transparence.
Ainsi, le proviseur du lycée Louis-Le-Grand, accompagné de ses deux proviseures adjointes, a pris le temps de nous expliquer le déroulé des opérations, qui fait honneur au système éducatif français.
Comme je le disais tout à l’heure, s’il ne s’agit pas de faire le procès de Parcoursup, qui est un bon outil – 21 000 formations proposées, 7 500 en préapprentissage et en apprentissage –, il est important de dire qu’il faut l’améliorer et rassurer à la fois les parents et les élèves.
Auparavant, c’était le bac qui était une source d’angoisse. Puis est survenue la crise de la covid-19, et c’est désormais Parcoursup et le schéma d’entrée à l’université qui inquiètent.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Hingray. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Louis Vogel applaudit également.)
M. Jean Hingray. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, 83 %, c’est la proportion des étudiants qui continuent à trouver la procédure de Parcoursup « stressante », selon le résultat d’une enquête d’Ipsos.
Il est notamment reproché au dispositif un manque de transparence, d’équité, de clarté et de rapidité.
Malgré les améliorations apportées à la plateforme, par exemple une offre de formation élargie et une information enrichie, Parcoursup créerait une égalité de façade, et les élèves seraient choisis uniquement en fonction de leurs résultats scolaires.
En réalité, les élèves favorisés ont plus de chances d’avoir de meilleures notes et de bénéficier d’un meilleur accompagnement sur la plateforme.
Le processus conduit à une sélection permanente, même dans les études a priori non sélectives comme les études à l’université.
Depuis janvier 2018 et l’ouverture de la plateforme, le Sénat a mené de nombreux travaux sur le sujet. La dernière mission d’information, dont Jacques Grosperrin vient d’assurer le service après-vente (Sourires.), a rendu ses conclusions en juillet dernier.
Les premières actions à mener pour garantir une meilleure équité consisteraient à mettre à la disposition des établissements d’enseignement supérieur une base lexicale commune. Il faudrait également encourager l’élaboration d’une méthodologie commune de présentation et d’évaluation par type de formation.
Il est par ailleurs préconisé d’avancer la période de hiérarchisation des vœux en attente à la mi-juin, afin de réduire le délai d’attente des propositions pour les candidats qui n’en ont pas et d’accélérer la procédure.
Cela étant, une telle réforme permettrait d’accélérer la procédure de sélection, mais elle accentuerait les inégalités entre candidats, certains d’entre eux n’ayant pas tous les outils en main pour procéder à une classification stratégique.
Se pose ainsi la question de l’accompagnement à l’orientation au lycée. Un tel accompagnement existe, mais il aurait besoin d’être uniformisé et renforcé au niveau national.
L’État doit s’affirmer face à l’essor d’un marché privé qui ne fait qu’accroître les inégalités entre les lycéens, seuls les plus favorisés d’entre eux pouvant y recourir.
Lutter contre le manque de transparence est une autre priorité : il est nécessaire d’inciter les responsables des formations à préciser quantitativement les critères définis et utilisés par les commissions d’examen des vœux.
Ce défaut de transparence conduit à des effets pervers. En effet, certains professeurs ont tendance à surnoter leurs élèves, afin de maximiser leurs chances d’être pris dans la formation de leur choix.
Or, précisément, ces disparités dans la notation renforcent les inégalités entre lycéens.
Le rapport d’information sénatorial recommande de recourir à un critère plus objectif que celui de la prise en compte du lycée d’origine pour garantir une forme d’égalité entre lycéens, critère qui serait fondé sur l’écart de notation entre la moyenne du contrôle continu en classe de terminale et les résultats au baccalauréat.
Enfin, il est nécessaire de faire évoluer Parcoursup, afin de mieux intégrer les candidats en reprise d’études. À ce jour, la plateforme est mal conçue pour cette population d’étudiants, qui ne cesse pourtant de croître.
Madame la ministre, serait-il possible de fixer la date limite pour hiérarchiser les vœux des candidats vers le 10 juin, dans la mesure où les élèves ont accès aux premières réponses dans Parcoursup le 30 mai ? Cela permettrait aux candidats d’être accompagnés dans leurs futurs établissements.
Serait-il également possible d’accroître de quelques jours le délai dont disposent les candidats pour hiérarchiser leurs vœux, afin d’atténuer leur stress ?
Madame la ministre, vous annonciez en septembre dernier vouloir créer un label de qualité pour les formations privées. Qu’en est-il ? Au-delà de ce label, quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour que les étudiants fassent plus facilement la différence entre les formations qualitatives et reconnues et des formations aux apparences trompeuses ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Hingray, lorsque j’ai été nommé ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, la hiérarchisation des vœux avait lieu à la mi-juillet. Elle a désormais lieu à la fin du mois de juin. Nous voulions la faire intervenir à la mi-juin dès cette année, mais les épreuves des enseignements de spécialité du baccalauréat se tiendront de nouveau à cette période.
Il est important de respecter une coupure pour que nos élèves puissent passer le bac tranquillement, sans être perturbés pendant leurs épreuves écrites par leurs démarches sur Parcoursup. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas modifié la date limite de hiérarchisation des vœux.
Le processus à proprement parler dure trois jours. Selon les retours dont nous disposons – je suis disposée à entendre les vôtres – et les enquêtes que nous avons menées, il semble que ce délai suffise. Parfois, laisser davantage de temps aux élèves accroît leur stress. C’est d’ailleurs pourquoi nous avions réduit le temps dont disposaient les établissements pour répondre aux vœux des candidats, le faisant passer de 108 à 37 jours.
Par ailleurs, je reste à votre disposition pour que nous regardions ensemble les progrès réalisés en matière de transparence des formations. Les responsables des formations de l’enseignement supérieur ont fait des efforts pour préciser leurs critères dans les fiches de présentation. Nous continuerons de renforcer la transparence de Parcoursup, d’harmoniser les données accessibles, car de gros écarts demeurent – le travail n’est pas achevé.
En outre, je vous rejoins, monsieur le sénateur, lorsque vous dites qu’il faut veiller à l’harmonisation des notes au lycée. Nicole Belloubet et moi-même travaillons à cette coordination, que le report de la date des épreuves du baccalauréat devait favoriser. L’objectif que nous nous sommes fixé pour l’année prochaine est de parvenir à effacer l’effet lié au lycée d’origine.
Dernier point : nous parachevons un label de qualité, afin d’aider les familles et les élèves à s’y retrouver au niveau des formations proposées par les établissements de l’enseignement privé à but lucratif.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Hingray, pour la réplique.
M. Jean Hingray. Madame la ministre, selon le retour que m’ont fait les lycéens et étudiants des Vosges, présents en ce moment même dans les tribunes de notre assemblée, le délai de trois jours semble trop court pour faire sereinement son choix. Une période de cinq jours serait peut-être préférable…
Continuons d’échanger à ce sujet. Je vous sais attentive aux propositions faites lors des débats dans cet hémicycle. L’ensemble des engagements que vous prenez envers nous est respecté, ce qui n’est pas toujours le cas de vos collègues. (Sourires.) Je vous remercie notamment d’avoir tenu les promesses que vous aviez faites lors de l’examen de la proposition de loi visant à favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, que Pierre-Antoine Levi, son auteur, et moi-même, son rapporteur, promouvions.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les lycéens et leurs familles font face à des formations foisonnantes dans l’enseignement supérieur. À l’heure du choix, il leur est souvent difficile de faire coïncider l’avenir professionnel qu’ils envisagent et le meilleur moyen de se former pour y accéder.
L’enseignement supérieur est libre dans notre pays. Par conséquent, la diversité des formations proposées par des structures privées offre aux étudiants une réelle complémentarité vis-à-vis de l’enseignement public. Toutefois, de toute évidence, certains instituts n’offrent pas les garanties nécessaires quant à l’encadrement, la qualité des enseignements ou la valeur des diplômes délivrés.
L’une des dérives observées depuis quelque temps est celle de formations dispensées entièrement à distance, sans que cela soit clairement énoncé aux futurs étudiants au cours des forums de présentation.
Il est donc important d’éclairer les lycéens et leurs familles à l’aide de critères objectifs, leur permettant de faire les choix d’orientation les plus pertinents et les plus adaptés. Parcoursup répond partiellement à cet objectif, puisque le catalogue de la plateforme recense 23 000 formations dans l’enseignement supérieur.
Cependant, toutes les formations n’y figurent toujours pas. On constate même la création de plateformes parallèles, où une partie seulement des formations privées sont recensées. Cela ne va pas dans le sens d’une meilleure lisibilité ou d’une information juste et complète des familles et des jeunes. Comment remédier à cette fragmentation ?
Par ailleurs, plusieurs labels de qualité existent pour les établissements privés : je pense notamment aux établissements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (Eespig), qui résultent de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite loi Fioraso. Ce label vise à reconnaître la mission de service public remplie par ces établissements. À mon sens, il s’agit d’un gage de confiance que personne ne conteste véritablement.
Depuis plusieurs mois, votre ministère travaille à l’élaboration d’un autre label de qualité. Vos travaux ont-ils avancé sur ce point, ainsi que sur un éventuel label « Éduscore » qu’appelle de ses vœux le comité éthique et scientifique de Parcoursup ?
Nous sommes tous attachés à la réussite des étudiants ; un système éducatif dans lequel les différents secteurs cohabitent harmonieusement est possible. Encore faut-il que les étudiants disposent d’informations précises sur les diplômes délivrés, l’encadrement dispensé, le montant et l’utilisation des frais d’inscription ou les débouchés professionnels des formations. Sur ce point, l’État a un rôle essentiel à jouer, afin de caractériser en toute transparence les formations du privé, à côté de celles du public, qui sont mieux identifiées.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Stéphane Piednoir, je suis pleinement d’accord avec vous au sujet des critères devant permettre de caractériser la transparence et la pédagogie des formations des établissements d’enseignement privé à but lucratif.
Beaucoup de ces formations, parmi lesquelles celles que dispensent les Eespig – je précise qu’il s’agit d’établissements privés sous contrat – figurent déjà sur nos plateformes. Nous travaillons à élargir ce référencement, afin d’aider familles et élèves. Nous devrons également faire le ménage dans les nombreux labels existants et préciser ce que chacun d’entre eux tend à valoriser.
Il nous faut également réfléchir, avec les parents et les élèves, à la meilleure façon de caractériser ces critères pédagogiques pour les élèves en formation initiale. Ces critères seront précisés dans les semaines à venir, mais, comme ils comportent une dimension d’évaluation, leur mise en œuvre prendra un peu de temps.
La liberté d’accès et l’équité de la procédure d’inscription figurent déjà dans la charte de la plateforme Parcoursup. Les étudiants pourront à terme retrouver ces formations privées de qualité sur Parcoursup ou la plateforme MonMaster.gouv.fr.
Nous travaillons aussi à l’élaboration d’outils juridiques permettant de déréférencer des formations sur Parcoursup si des contrôles attestent que celles-ci ne sont pas conformes à ces critères – qu’il nous reste à définir – ou à la charte de Parcoursup. Cela étant, comme je l’ai indiqué, cela prendra un peu de temps pour que la totalité de l’offre présente sur nos plateformes réponde à ces exigences de qualité et pour que l’information relative aux offres qui ne figurent pas dans ces plateformes soit également disponible.
Conclusion du débat
Mme la présidente. En conclusion du débat, la parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de la qualité de vos interventions au cours de ce débat. Croyez bien que nous avons été attentifs à vos remarques, qui nous seront utiles pour continuer à améliorer cette plateforme.
Parcoursup a aujourd’hui sept ans. Je reconnais que des marges de progrès demeurent, ainsi que nous l’avons tous indiqué. Toutefois, le baromètre Parcoursup réalisé par l’institut de sondage CSA en septembre 2023 rend compte d’une amélioration globale de l’image et de l’appropriation de la plateforme par ses usagers.
Cette amélioration n’est pas le fruit du hasard.
C’est le résultat d’une méthode, qui repose sur l’écoute des usagers et la quantification des évolutions. Ont ainsi été entendus les lycéens et leurs familles, les équipes éducatives des lycées, les responsables de formations post-bac, ainsi que des observateurs, notamment les membres du comité éthique et scientifique de Parcoursup, dont le président m’a d’ailleurs remis la semaine dernière un sixième rapport annuel d’excellente qualité, que j’ai évidemment transmis aux présidents des assemblées, afin de nourrir la réflexion.
Cette méthode privilégie l’amélioration continue du service rendu aux usagers, non seulement grâce à des améliorations techniques, mais aussi, et surtout, grâce à un travail de terrain.
Les évolutions que je défends visent trois objectifs : la transparence, l’équité et l’accompagnement à l’orientation, autant d’objectifs essentiels pour donner confiance dans ce système d’accès à l’enseignement supérieur, réduire le stress des lycéens et assurer tant l’efficacité de l’orientation que la réussite des étudiants.
En matière de transparence, nous avons accompagné les établissements pour qu’ils réalisent de réels efforts, en leur demandant notamment d’enrichir les informations contenues dans les fiches de présentation des formations. Depuis 2023, les progrès sont visibles, et les usagers les perçoivent. Des données très précises, publiées en open data, sont de mieux en mieux exploitées par les acteurs de la société civile, ce dont je me réjouis.
Cette année, nous avons renforcé l’information sur les taux d’insertion professionnelle, et nous avons permis aux lycéens de comparer plus facilement les formations entre elles. Nous travaillons d’ores et déjà à rendre Parcoursup plus prévisible, afin que les lycéens puissent mieux appréhender le fonctionnement de la plateforme.
La transparence exige également – je ne l’oublie pas – de travailler sur le maquis de l’offre privée dans l’enseignement supérieur. Nous devons mieux réguler ce secteur, pour garantir la qualité des formations et la transparence des informations transmises aux familles. C’est le sens de la labellisation à laquelle mon ministère travaille, après avoir engagé une concertation avec l’ensemble des acteurs.
Le deuxième objectif, c’est l’équité. L’attente est forte, car les écarts de notation entre les lycées et leur impact sur Parcoursup provoquent une réelle angoisse. En décidant de reporter les épreuves des enseignements de spécialité (EDS) en juin, le Premier ministre Gabriel Attal, alors ministre de l’éducation nationale, et moi-même avions pour objectif de réduire ce que l’on nomme « l’effet lycée ».
L’inspection générale de l’éducation nationale, du sport et de la recherche doit nous faire des propositions sur ce point, en agissant sur plusieurs leviers. Nicole Belloubet et moi-même sommes déterminées à agir au lycée, afin de proposer davantage de transparence sur les écarts de notation. Nous sommes également décidées à agir sur l’harmonisation des notes, au sujet de laquelle les recteurs joueront un rôle d’impulsion et assureront un suivi renforcé.
L’équité suppose également d’agir concrètement et positivement pour faciliter l’accès à l’enseignement supérieur de tous les lycéens, parmi lesquels figurent les boursiers ou les élèves en cordées de la réussite.
Parcoursup a également pour fonction de mieux accompagner les lycéens professionnels et technologiques dans leur poursuite d’études, aussi bien pour accéder aux STS qu’aux IUT. Les résultats produits par cet accompagnement sont publics.
Troisième et dernier objectif : l’orientation. Nous savons que les familles attendent un accompagnement de proximité, assuré par des enseignants mieux outillés pour informer leurs élèves. Pour cette raison, nous avons permis aux élèves de seconde et de première de créer leur compte Parcoursup, ce qui devrait leur donner le temps d’élaborer progressivement leurs choix.
Nous travaillons aussi sur le terrain avec des équipes éducatives, l’Onisep, chercheurs et lycéens, afin que les données de Parcoursup aboutissent à des conseils d’orientation personnalisés.
Je crois en un accompagnement humain, de proximité, assuré par les enseignants, tout simplement parce que cette réponse rassure, qu’elle peut donner confiance aux jeunes et constitue un vecteur efficace pour lutter contre l’autocensure et les déterminismes qui, trop souvent, entravent notre jeunesse. Nous continuerons d’avancer dans cette voie. (Mme Anne Ventalon, MM. Martin Lévrier et David Ros applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe auteur de la demande.
M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je vous remercie de la qualité de ce débat. Je souhaite dégager certains éléments de convergence de nos discours, qui me semblent très utiles pour bâtir ensemble un meilleur accompagnement vers l’enseignement supérieur, ce que chacun appelle de ses vœux.
Bien évidemment, les candidats sont très angoissés, parce que cette période de la vie est par nature très angoissante. Mais, en lui-même, le système français est angoissant, car il ne prévoit que très peu de passerelles. Lorsqu’ils formulent leurs vœux sur Parcoursup, les candidats ont le sentiment de jouer leur vie et leur avenir professionnel à long terme.
Nous ne disposons pas d’un système de remédiation similaire à celui qui prévaut en Allemagne, lequel permet à des salariés de recommencer une formation professionnelle ou de revenir vers l’université.
Ce gros défaut de notre système explique le surinvestissement émotionnel dans Parcoursup, qui est dommageable. Même si cette plateforme était totalement transparente – ce qu’elle n’est pas tout à fait –, on ne pourrait pas faire disparaître cette angoisse liée au fonctionnement très particulier du système français, sur lequel nous devrons nous pencher.
Tout le monde l’a indiqué : nous souhaitons, à l’instar du sénateur Jacques Grosperrin, qu’un travail soit mené et qu’il conduise à une véritable transparence des critères de préclassement des vœux.
Selon la Cour des comptes, 20 % des filières en tension recourent au critère du lycée d’origine : cela n’est pas acceptable. J’ai bien entendu votre engagement, madame la ministre, même si votre propos était nuancé : vous voulez supprimer les effets dommageables de ce critère – j’aurais préféré que vous supprimiez le critère lui-même.
La solidarité gouvernementale vous empêche de le reconnaître, mais nous avons tous souligné que l’investissement de l’éducation nationale dans Parcoursup n’a pas été à la hauteur des enjeux. Le manque d’information est la conséquence de ce manque d’implication dans les établissements. Comme l’indiquait justement Max Brisson, il est essentiel de former les formateurs.
Madame la ministre, je n’ai pas relevé dans votre discours la présence d’éléments chiffrés permettant d’affirmer que le niveau de ségrégation a baissé depuis la fin du dispositif APB.
Certes, les boursiers sont un peu plus nombreux à accéder à l’enseignement supérieur. Nous aimerions toutefois pouvoir mesurer le processus de métropolisation : a-t-il été accéléré par Parcoursup ? Les meilleurs étudiants désertent-ils les universités de taille moyenne pour intégrer les universités de plus grande taille ?
Cela serait très préjudiciable à notre système éducatif. Je pense à cet égard à la première année commune aux études de santé (Paces), pour laquelle la très forte ségrégation n’a quasiment pas diminué. Nous aimerions savoir si la géographie des bassins de recrutement des universités a évolué.
J’ai noté les progrès que vous observiez pour les bacheliers technologiques et professionnels. Malheureusement, beaucoup d’entre eux continuent d’entamer des cursus à l’université et de s’inscrire en licence sans vraiment le désirer. Les taux d’échec sont alors catastrophiques, comme vous le savez. Nous devons mieux accompagner ces étudiants et les orienter vers des filières compatibles avec leurs compétences. Il faut là encore associer l’éducation nationale : la réforme du baccalauréat technologique doit être pensée en fonction du continuum bac–3/bac+3.
Vous avez parlé de « maquis » à l’évocation de l’essor d’un certain nombre de formations privées. Madame la ministre, méfiez-vous : dans les maquis, il y a parfois des îlots de résistance… (Sourires.) Vous savez très bien que les officines privées ont bénéficié d’une manne au travers des aides à l’apprentissage. Le coût de ce dispositif est énorme, et je ne suis pas sûr que leur modèle économique soit pérenne. Le maquis pourrait prendre feu, et il faudra alors sauver des étudiants en grande difficulté, face à des officines qui pourraient déposer le bilan.
Les critères que vous avez annoncés sont les bienvenus : la création d’un label « Éduscore » est nécessaire si l’on veut effectivement que les familles soient parfaitement informées.
Madame la ministre, mes chers collègues, je vous remercie. Nous continuerons à suivre ce dossier tous les ans, ainsi que nous le faisons depuis six ans. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes SER, RDSE, INDEP, UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Équité et transparence de Parcoursup à la frontière du lycée et de l’enseignement supérieur ».
5
Enseignement privé sous contrat : quelles modalités de contrôle de l’État et quelle équité des moyens vis-à-vis de l’enseignement public ?
Débat organisé à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, sur le thème : « Enseignement privé sous contrat : quelles modalités de contrôle de l’État et quelle équité des moyens vis-à-vis de l’enseignement public ? ».
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
Dans le débat, la parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre Monier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la polémique de ce début d’année au sujet de l’établissement Stanislas a mis en lumière une vérité qui, jusqu’ici, s’énonçait à bas bruit.
Oui, faute de régulation suffisante, l’enseignement privé sous contrat est confronté à un certain nombre de dérives. Oui, il est temps d’y mettre un terme.
Comment concevoir que des établissements financés à hauteur de 73 % par de l’argent public n’acceptent pas de se soumettre aux règles qu’elles doivent respecter pour bénéficier d’un contrat d’association avec l’État ?
Lorsque nous avons examiné, en 2021, le projet de loi confortant le respect des principes de la République, le Sénat s’était prononcé en faveur d’un contrôle accru de l’instruction en famille au nom de la lutte contre le séparatisme et de la défense de nos idéaux républicains. Nous avons eu raison de le faire. Faisons preuve aujourd’hui du même courage pour lutter contre le séparatisme à l’œuvre au sein de certains établissements privés sous contrat !
Les exemples révélés par des enquêtes publiées notamment dans les journaux Libération et Le Monde ne manquent pas.
Ici, un enseignant en Auvergne est contraint de lutter avec son équipe de direction pour ne pas assister à une messe. Là, dans un établissement toulousain, on refuse à l’équipe éducative d’organiser la venue du planning familial. Dans un lycée de Compiègne, la direction s’oppose à l’organisation d’une sortie pour voir un film consacré à la vie de Simone Veil. Plusieurs établissements imposent des temps religieux à leurs élèves, comme le catéchisme ou la messe, alors que la loi prévoit leur caractère optionnel.
Si les langues se délient peu à peu, l’omerta reste de mise, frappant aussi bien les équipes éducatives que les élèves ou les parents. Il s’agit d’un « pas de vague à la puissance 10 », pour citer un professeur exerçant dans le privé.
Il est nécessaire de mieux objectiver l’ampleur de ce phénomène, en commençant tout d’abord par étendre le système de signalement d’atteinte à la laïcité. Récemment interrogé à ce sujet, le ministère de l’éducation nationale a réaffirmé que seul le secteur public était concerné par ce dispositif.
Il faut également obliger les chefs d’établissement de l’enseignement privé à signaler aux rectorats tous les problèmes graves survenus dans leur établissement, ce qu’ils ne sont pas tenus de faire, contrairement à leurs homologues du public, ainsi que le fait remarquer le rapport de la Cour des comptes publié en juin 2023.
J’en viens à la question du financement, particulièrement sensible, alors que l’on reproche à l’école publique, fragilisée faute de moyens, d’être moins attractive que sa concurrente du privé. En matière financière, les soupçons d’opacité et de contournement concernent les établissements privés, mais aussi, et surtout, les établissements publics. Cela doit nous interpeller, compte tenu de l’importance des sommes dont il est question – il s’agit de 8 milliards d’euros par an pour l’État.
Ce montant correspond pour l’essentiel aux rémunérations des 142 000 enseignants, qui sont, rappelons-le, des agents du public chargés de délivrer l’enseignement « selon les règles et programmes de l’enseignement public », pour reprendre les termes exacts de la loi Debré. Or les rapporteurs de la mission d’information sur le financement public de l’enseignement privé sous contrat, créée à l’Assemblée nationale, ont été alertés au sujet du rabotage d’heures de cours obligatoires pour mettre en place d’autres activités, comme l’initiation aux langues régionales ou des activités artistiques.
M. Max Brisson. Ce qui est très bien !
Mme Marie-Pierre Monier. Autre anomalie, la presse régionale et locale documente le fait que des chefs d’établissement n’effectuent pas les heures de cours qu’ils sont censés assurer et pour lesquels ils sont rémunérés. Quand ces heures de cours ont bien lieu, leur contenu pédagogique pose parfois question : cours de sciences de la vie et de la terre (SVT) où l’on promeut l’abstinence, cours de français où l’on consacre plusieurs mois à l’étude de la Bible.
Je n’oublie pas non plus l’argent versé par les collectivités et, en premier lieu, par nos communes. Le forfait d’externat contraint celles-ci à allouer des sommes importantes aux établissements d’enseignement privé sous contrat. Ces sommes doivent servir à rémunérer les personnels non enseignants et à financer les dépenses de fonctionnement, et ce alors que les communes ne disposent pas toujours d’une visibilité sur la façon dont ces fonds sont utilisés, en dépit des dispositions prévues par les textes.
Cette problématique financière est encore aggravée par la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, qui oblige les communes à reverser aux maternelles privées des sommes équivalentes à celles qui sont données à l’école publique.
La chambre des territoires ne peut qu’être sensible à cette question, quand nos communes peinent de plus en plus à maintenir l’équilibre de leurs finances.
Le rapport de la Cour des comptes indique également que la répartition trop centralisée des moyens alloués sur le territoire se conclut sans les représentants des recteurs. Insuffisamment associés, les rectorats se retrouvent contraints d’accepter des ouvertures de classes, qui leur semblent difficilement compréhensibles au regard de l’évolution de l’effectif global des élèves. À l’heure où les mobilisations se multiplient partout en France pour lutter contre les fermetures de classes dans les établissements publics, ce fonctionnement n’est pas acceptable.
On nous reproche toujours, lorsque nous mettons en cause l’enseignement privé sous contrat, de vouloir déclencher de nouveau la guerre scolaire. Cet argument vise à faire oublier que le cadre légal d’ores et déjà en place n’est pas respecté, faute d’une volonté suffisante de la part des pouvoirs publics.
M. Pierre Ouzoulias. Tout à fait !
Mme Marie-Pierre Monier. La Cour des comptes recourt d’ailleurs, dans son rapport, à des formules cinglantes pour l’expliciter. Le contrôle financier y est qualifié de « largement inappliqué » et le contrôle pédagogique de « minimaliste » ; quant au contrôle administratif, il n’est organisé que « de manière ponctuelle ».
Je ne reviens pas sur le sort longtemps réservé au rapport de l’inspection générale sur Stanislas, car le problème ne se limite pas à ce seul établissement. Même lorsque les inspections ont lieu, quelle garantie avons-nous que les rapports soient lus et, surtout, pris en compte ? Une fois de plus, l’enseignement privé ne semble pas soumis aux mêmes obligations que l’enseignement public.
Je conclurai mon propos en évoquant les questions du recrutement scolaire et de la mixité sociale, en net recul depuis vingt ans dans l’enseignement privé. Selon les chiffres de la Cour des comptes, l’enseignement scolaire privé sous contrat du second degré accueille désormais une majorité – 55 % – d’élèves issus de milieux favorisés ou très favorisés, soit 23 points de plus que dans le public, et de moins en moins d’élèves de milieux défavorisés. Cette ségrégation rejaillit en miroir sur l’enseignement public.
Pour citer le seul exemple de Paris, où cette logique est exacerbée, Julien Grenet, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et spécialiste de la mixité sociale, constate que les écoles privées sous contrat comptent en moyenne 3 % d’élèves issus de familles socialement défavorisées, quand les effectifs des écoles publiques sont composés en moyenne de 24 % de ces élèves.
Pourtant, la loi Debré prévoit bien que « tous les enfants sans distinction d’origine, d’opinions ou de croyances » peuvent accéder à l’enseignement privé. Faute de transparence, les établissements privés n’appliquent manifestement pas cette logique et ne témoignent pas d’une véritable volonté d’ouverture dans leur recrutement. Là encore, la Cour des comptes appelle à mieux prendre en considération la composition sociologique et le niveau scolaire des élèves accueillis pour définir les moyens alloués par l’État.
Madame la ministre, l’enseignement privé sous contrat ne peut demeurer un État dans l’État. Nous attendons de votre part des réponses précises et concrètes. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Monier, la liberté de l’enseignement constitue l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, auxquels la Constitution de 1958 a conféré valeur constitutionnelle.
Il en résulte que, si l’organisation d’un enseignement public gratuit et laïque est évidemment un devoir de l’État, cela ne saurait exclure l’existence de l’enseignement privé, non plus que l’octroi d’une aide de l’État à celui-ci. C’est ce qu’a indiqué le Conseil constitutionnel dans une décision bien connue de 1977.
Je remercie donc le groupe SER d’avoir pris l’initiative de l’organisation de ce débat, qui doit nous permettre de clarifier un certain nombre de points relatifs aux moyens et aux modalités de contrôle des établissements d’enseignement privé sous contrat. Ce sujet est important. Il fait parfois l’objet de polémiques, avec des développements tantôt réalistes, tantôt approximatifs, tantôt excessifs. Il convient donc d’objectiver – c’est le mot que vous avez utilisé, madame la sénatrice – l’ensemble des données.
Donc la liberté d’enseignement existe, mais cette liberté n’est pas absolue : elle s’exerce, bien entendu, dans le respect de la Constitution, de la loi et de principes essentiels, tels que celui du droit de l’enfant à l’instruction. Le contrôle des établissements ayant passé un contrat avec l’État est ainsi prévu par le code de l’éducation et s’exerce sur le plan tant pédagogique que financier.
Alors que des financements publics profitent à l’enseignement privé sous contrat et que les enseignants y sont dans leur immense majorité des agents de l’État, il est en effet normal que ce dernier veille à ce que les engagements pris soient respectés.
Au cours des dernières années, nous avons souhaité renforcer ce contrôle sur les établissements privés sous contrat, afin d’en assurer l’effectivité. Cela était, me semble-t-il, attendu, et l’organisation de ce débat nous rappelle justement l’exigence démocratique en la matière. Cette démarche, qui est destinée à conforter ce contrôle et doit être poursuivie, se traduit de manière très concrète. Nous avons ainsi constitué, en 2023, un renfort de 60 équivalents temps plein (ETP) dans les académies, pour permettre la montée en puissance du contrôle des établissements sous contrat. Cet effort n’est pas faible.
Le contrôle que nous assurons sur ces établissements est assuré par des hommes et des femmes qui veillent d’abord au respect des exigences pédagogiques. Celles-ci doivent être évaluées dans des conditions comparables à celles qui existent pour l’enseignement public. En outre, ces hommes et ces femmes veillent aussi au respect de la liberté de conscience des élèves – vous y avez fait allusion –, qui doit demeurer absolument garantie. Nous sommes, de manière générale, particulièrement attentifs au bien-être et à l’épanouissement des élèves, dans l’enseignement tant public que privé ; en ce sens, l’enseignement privé doit aussi agir en matière de prévention et de lutte contre le harcèlement. En un mot, nos inspecteurs s’assurent que le contrat soit bien respecté, et je tiens d’ailleurs à saluer ici leur engagement.
Ce contrôle par la puissance publique est d’autant plus nécessaire que l’enseignement privé bénéficie lui aussi de financements de la part de l’État. C’est un principe ancré dans notre système scolaire depuis la loi dite Debré du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l’État et les établissements d’enseignement privés, dans le respect d’un principe de parité avec l’enseignement public.
Aussi, en réaction à l’intitulé de votre débat, qui mentionne d’équité des moyens, permettez-moi de rappeler simplement quelques chiffres, que vous avez d’ailleurs repris en partie. En 2023, les dotations de l’État représentaient 55 % des ressources financières des écoles privées du premier degré et 68 % de celles des écoles du second degré. En comparaison, 59 % des financements des écoles primaires publiques et 74 % de ceux des collèges et lycées publics proviennent de l’État.
Dans les classes sous contrat simple ou d’association, l’État prend en charge – je me contenterai d’une brève énumération – la rémunération et la formation continue des enseignants, les aides directes aux élèves, comme les bourses et le forfait d’externat, ou encore certaines dépenses de fonctionnement.
Le financement des établissements privés fonctionne selon un principe de parité dit « 20-80 ». Le nombre d’élèves scolarisés dans les classes sous contrat représentant environ 20 % de l’ensemble des effectifs scolarisés – c’est en réalité un peu moins, 17 % –, on retient un taux de financement de 20 %, calqué sur ce ratio. Cela correspond au rapport démographique constaté entre l’enseignement privé et l’enseignement public depuis maintenant plusieurs rentrées.
Ces crédits, qui relèvent du programme 139 « Enseignement privé du premier et du second degrés » du budget de l’État, s’élèvent dans la loi de finances initiale pour 2024 à 9 milliards d’euros. Nous veillons de près à ce que ces fonds publics soient utilisés uniquement dans l’intérêt des élèves et dans le respect absolu des principes de la République.
Je souhaite également, comme vous, madame la sénatrice, dire un mot de l’exigence de mixité sociale et scolaire, qui est l’un des objectifs assignés au service public de l’éducation. Nous le voyons en comparant les indices de position sociale (IPS) des deux secteurs, les différences en la matière restent très nettes entre privé et public. Ainsi, à la rentrée scolaire de 2023, l’IPS moyen des collégiens dans le public, hors réseaux d’éducation prioritaire (REP), s’élevait à 106,1, alors qu’il était de 124,1 dans le privé sous contrat ; en outre, cet écart – il faut bien le constater – s’accroît depuis quelques années.
M. Pierre Ouzoulias. C’est bien de le reconnaître…
Mme Nicole Belloubet, ministre. Mais je dis les choses telles qu’elles sont, monsieur le sénateur.
Ce n’est toutefois pas une fatalité, c’est pourquoi nous nous travaillons sans relâche en faveur de la mixité, notamment en la prenant en compte dans la répartition interacadémique des moyens pour le privé. À ce titre, le protocole d’accord sur la mixité signé en mai 2023 par mon prédécesseur, M. Pap Ndiaye, décline un ensemble d’actions qui sont en cours de mise en œuvre et qui seront prochainement évaluées. Cela est essentiel, car la France reste l’un des pays de l’OCDE où les déterminismes sociaux pèsent le plus sur la réussite scolaire des élèves.
Enfin, disons-le clairement, contrairement à ce qui peut être lu ici ou sous-entendu là, l’État ne favorise pas l’enseignement privé par rapport à l’enseignement public. J’en veux pour preuve l’ensemble des actions et des indicateurs que nous mettons en œuvre : citons par exemple l’amélioration constante de la qualité de l’encadrement dans le secteur public, sous l’effet des politiques volontaristes menées par le Gouvernement et la majorité, ou encore le développement d’offres de formation attractives dans de nombreux établissements publics, notamment dans des secteurs défavorisés, ce qui permet de faire progresser l’IPS des établissements concernés. Je pense par exemple à des sections internationales de collèges implantés en REP, qui permettent des évolutions positives, ou encore au dédoublement des classes.
Voilà ce que je souhaitais vous dire en propos liminaire, mesdames, messieurs les sénateurs. Le Gouvernement est extrêmement attentif à la parité du financement comme à l’exercice effectif des contrôles.
(M. Dominique Théophile remplace Mme Sylvie Robert au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Dominique Théophile
vice-président
Débat interactif
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.
Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente. Il aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de répondre à une réplique pendant une minute. L’auteur de la question disposera alors, à son tour, du droit de répondre pendant une minute.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. S’il est un objectif que nous partageons tous, c’est bien la lutte contre les inégalités de destin. Vous avez d’ailleurs récemment affirmé, madame la ministre, que vous refuseriez tout système de tri social dans notre école ; je salue vos propos. En effet, l’une des conditions pour que notre école fonctionne, pour que nos élèves non seulement acquièrent un savoir académique, mais encore apprennent à construire des liens sociaux, c’est que la mixité sociale soit garantie.
Une note d’analyse de France Stratégie révélait récemment : « Dès la petite enfance, on observe une empreinte massive des caractéristiques “héritées” sur les acquis et les performances, empreinte que n’effacent ni l’accueil des jeunes enfants ni le passage par l’école primaire. Au collège se produisent les premières bifurcations de trajectoires. Puis les orientations en fin de troisième amplifient [l]es divergences. […] Aux inégalités d’accès et de niveau de diplôme se superposent au lycée des inégalités liées à la nature et aux spécialités des formations, dont les choix sont eux-mêmes fortement dépendants de l’origine sociale et du genre des élèves. »
Si l’enseignement privé sous contrat doit justifier en toute transparence l’utilisation des subventions ou du forfait d’externat, par la mise en place d’une comptabilité analytique spécifique, par l’obligation de faire valider ses comptes par un commissaire aux comptes ou encore en communiquant l’ensemble du bilan et du compte d’exploitation à la préfecture pour publication, son implication dans la mixité sociale ne paraît pas aujourd’hui soumise à de tels outils de contrôle ou d’évaluation.
S’il est vrai que certains établissements privés sous contrat font le choix d’une forme d’élitisme, au même titre d’ailleurs que certains établissements publics, la grande majorité d’entre eux s’implique fortement dans cette volonté d’accueil de tous, voire des plus fragiles. Pour avoir été secrétaire général d’un lycée privé sous contrat pendant trente ans, je sais combien cette volonté est nationale et s’inscrit dans le projet pédagogique de l’immense majorité des établissements.
Ma question, madame la ministre, est donc simple : comment agir pour que la mixité sociale soit une réalité et comment proposer des critères objectifs, qui permettront une plus grande transparence des efforts des uns et des autres dans cette démarche d’accueil de tous nos jeunes ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Lévrier, en effet, nous pensons que l’ensemble des établissements privés, qu’ils soient confessionnels ou laïques, est concerné par les enjeux de mixité sociale et scolaire.
Depuis plusieurs années, le ministère développe avec ses différents réseaux une politique que nous souhaitons très active en faveur de cette mixité. En particulier, le travail conduit avec le secrétariat général à l’enseignement catholique (Sgec), qui représente 96 % des établissements sous contrat, a conduit cet organisme à attribuer aux établissements les plus actifs en matière de mixité une dotation horaire complémentaire. Il a également doté son plan pour les réussites éducatives de plusieurs dizaines d’emplois.
L’État s’est par ailleurs engagé avec le Sgec, comme je le disais à l’instant à la tribune, dans une politique volontariste pour renforcer la mixité sociale. Le protocole signé en 2023 dont j’ai parlé prévoit plusieurs axes, dont les trois principaux sont : améliorer l’information des parents d’élèves sur les caractéristiques des établissements privés sous contrat ; renforcer la mixité sociale, en favorisant notamment la modulation des tarifs en fonction des revenus des parents – 50 % des établissements relevant de l’enseignement catholique devront ainsi proposer sur cinq ans des tarifs modulés – ; enfin, renforcer l’accueil des élèves à besoins éducatifs particuliers. Nous aurons les premiers résultats de la mise en œuvre de ce protocole au mois de septembre prochain, comme le Sgec s’y est engagé.
En outre, la méthode d’allocation des moyens publics aux académies en matière d’enseignement privé est fondée sur la prise en compte des taux d’encadrement, des évolutions d’effectifs et de l’indice de position sociale, avec une forte pondération qui permet de favoriser les académies qui présentent les IPS les plus bas.
Au fond, cette méthode de répartition interacadémique des moyens correspond au modèle utilisé pour l’enseignement public ; elle prend non seulement en compte les besoins des académies, mais aussi les indicateurs de mixité sociale.
Voilà quelques éléments issus de l’ensemble des actions conduites par le ministère pour parvenir aux fins que vous évoquez, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Adel Ziane. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Adel Ziane. Madame la ministre, l’enseignement privé sous contrat est tenu par un contrat d’association qui garantit en théorie des engagements de sa part, en contrepartie d’un large financement de la part de l’État, vous l’avez rappelé. Ce contrat prévoit d’importantes prérogatives en matière de contrôle sur l’utilisation de l’ensemble des moyens accordés.
Toutefois, la Cour des comptes, dans son rapport de juin 2023 portant sur l’enseignement privé sous contrat, a dressé un constat alarmant : les mécanismes de contrôle de l’État sont pour le moins limités, voire inexistants.
J’évoquerai à ce titre les trois types de contrôle.
Tout d’abord, le contrôle financier de l’État, censé être assuré par les directions départementales et régionales des finances publiques, est pointé du doigt, car il est largement inappliqué. Rares sont les établissements qui adressent leurs comptes aux directions territoriales des finances publiques dans les trois mois qui suivent la clôture de leur exercice et ces directions ont indiqué, dans le cadre de l’enquête de la Cour, que leurs services n’effectuaient pas ces contrôles.
Ensuite, le contrôle pédagogique réalisé par des inspecteurs académiques est jugé « minimaliste » par la Cour des comptes. Les professeurs délégués, équivalents des professeurs contractuels du public, représentent 17 % des enseignants sous contrat, mais ils sont rarement inspectés, ce qui compromet la qualité de l’enseignement dispensé. Par ailleurs, aucun inspecteur du second degré n’est chargé de vérifier les emplois du temps des élèves.
Enfin, le contrôle administratif, qui relève de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) et des recteurs, est trop sporadique pour être efficace. Un contrôle est destiné, par exemple, à vérifier qu’un professeur rémunéré par l’État n’enseigne pas sur son temps de service à des élèves d’une classe hors contrat, ou encore que les emplois du temps des élèves respectent les termes du contrat.
J’en viens à un dernier point : la Cour des comptes note que le suivi des contrats se révèle peu rigoureux, certains rectorats ne possédant même pas les documents sur la base desquels les sommes, pourtant importantes, sont versées.
Madame la ministre, le Gouvernement doit mettre en œuvre, à l’échelon des rectorats, un programme de contrôle des établissements sous contrat, en lien avec les directions régionales ou départementales des finances publiques. De surcroît, les responsables de l’enseignement privé se montrent favorables au contrôle prévu par la loi. Que compte donc faire le Gouvernement pour mettre en place, dans les plus brefs délais, les contrôles dans l’enseignement privé sous contrat, contrôles déjà strictement encadrés par plusieurs articles détaillés du code de l’éducation ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui pointe de réelles difficultés.
Je l’ai dit précédemment, nous progressons dans la mise en œuvre de ces contrôles et, comme je l’indiquais, en 2023, nous avons recruté 60 équivalents temps plein à cette fin.
Vous avez raison, il y a essentiellement trois types de contrôles. Le contrôle financier est a priori exclu du champ de compétences du recteur ; toutefois, en application de l’article R. 442-15 du code de l’éducation, les « inspecteurs généraux de l’éducation, du sport et de la recherche disposent des pouvoirs d’investigation financière nécessaires ». Nous mettons en œuvre ce contrôle de manière progressive lorsque nous prenons en charge le contrôle d’un établissement. Les contrôles augmentent, comme vous l’avez peut-être constaté dans l’actualité.
Quant aux contrôles pédagogiques, ils sont mis en œuvre essentiellement autour des rendez-vous de carrière des enseignants, puisque cette obligation s’impose au privé comme au public. C’est dans le cadre de ces rendez-vous, imposés pour le suivi de ces enseignants, que nous effectuons ces contrôles.
En ce qui concerne les contrôles financiers – j’aurais pu le préciser tout à l’heure –, nous commençons à mettre en place une programmation. Pour l’année 2023, une dizaine de contrôles sont programmés.
En matière de contrôle pédagogique, je précise que nous avons élaboré un vade-mecum pour donner des éléments très précis à nos corps d’inspection, afin qu’ils puissent effectuer très concrètement ces contrôles.
Enfin, le contrôle administratif est également mis en œuvre de manière progressive. Comme je vous le disais tout à l’heure, il faut sans doute faire monter en puissance l’ensemble des contrôles. De ce point de vue, nous entendons prendre pleinement nos responsabilités et assumer nos prérogatives.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Mes chers collègues, l’intervention de Mme Monier m’a fait un petit peu de peine (Oh ! sur les travées du groupe SER.), parce que j’ai pour elle beaucoup de respect et que j’ai souvent apprécié de travailler avec elle.
Pour réduire un peu la caricature, je veux prendre l’exemple des Pyrénées-Atlantiques. Dans ce département, dont je suis élu, parmi les dix collèges présentant l’IPS le plus bas, cinq sont des établissements privés catholiques sous contrat.
M. Pierre Ouzoulias. Ce n’est pas le cas chez moi…
M. Max Brisson. Dans ce département, sur les dix lycées présentant l’IPS le plus bas, trois sont des établissements privés catholiques sous contrat.
M. Pierre Ouzoulias. Là non plus…
M. Max Brisson. Voilà qui tempère quelque peu la caricature souvent entendue… Oui, les situations sont très différentes d’un département à l’autre. Tout n’est pas tout noir ou tout blanc.
Madame la ministre, pour ma part, je n’ai jamais conçu les différentes formes d’enseignement comme une menace pour l’enseignement public, tant je suis convaincu, comme Victor Hugo en son temps, de la hauteur du principe républicain de la liberté d’enseignement, à condition que l’école publique soit belle.
Dans le respect de tous, ne croyez-vous pas que l’on pourrait tous s’améliorer en s’inspirant des réussites des uns et des autres ? Ne serait-il pas temps de mettre un terme, pour de bon, à une certaine caricature et de réaffirmer enfin avec force le principe fondateur de la liberté d’enseignement ? Ne serait-il pas temps d’étudier avec objectivité les modalités de réussite de l’enseignement privé sous contrat ? Alors, sans idéologie ni dogmatisme, nous y trouverions peut-être quelques clés qui pourraient profiter à notre enseignement public. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Brisson, vous évoquez la situation de l’enseignement privé dans le département dont vous êtes élu. Il se trouve que, ayant été rectrice de l’académie de Toulouse, j’ai pu aussi mesurer la diversité des situations, tant dans l’enseignement public que dans l’enseignement privé. Il est vrai que certains établissements privés accueillent des élèves dans des situations scolaires ou sociales parfois difficiles, nous pouvons nous accorder sur ce point.
Notre souci, c’est de traiter ces établissements, comme je le précisais tout à l’heure, de manière paritaire en matière de financement. Les règles que j’ai exposées, fondées sur le rapport 20-80, nous donnent des éléments d’appréciation objectifs. Notre souci est aussi d’assurer le contrôle pédagogique – je le disais précédemment –, comme nous le faisons pour les établissements d’enseignement public.
Toutefois, il est vrai qu’il existe dans l’enseignement privé des innovations qui méritent d’être regardées avec intérêt, d’être promues ou d’être soulignées, en vue d’un potentiel déploiement. De ce point de vue, je reconnais avoir pu constater, plusieurs fois, que des établissements privés sous contrat mettaient en œuvre des pratiques pédagogiques innovantes.
En tout état de cause, j’y insiste, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne veux en aucun cas opposer les secteurs d’enseignement. Je m’inscris complètement dans le cadre du respect de la liberté d’enseignement, principe à valeur constitutionnelle, je le répète. Nous nous attachons à appliquer le principe de parité en vigueur, tant pour les moyens que pour le contrôle ; c’est ainsi que nous pourrons garantir l’efficacité de notre système éducatif. Nous sommes très attentifs au fait de traiter tous les établissements de manière équitable, en tenant compte des spécificités de chaque régime, mais en veillant à ce que les élèves bénéficient des meilleurs enseignements possible.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.
M. Max Brisson. Nous progressons, même si ce n’est peut-être pas dans le sens souhaité par les auteurs de cette demande de débat…
Oui, nous pouvons nous inspirer de ce qui se fait de bien dans les différents systèmes. Oui, l’enseignement privé sous contrat contribue aussi, dans certains territoires, à la mixité sociale et à une offre scolaire de proximité.
Merci, madame la ministre, d’avoir rétabli certains équilibres.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.
Mme Marie-Claude Lermytte. Madame la ministre, lorsque des enfants sont scolarisés dans une école privée sous contrat d’association, la commune a l’obligation de participer aux dépenses de fonctionnement de l’école.
Le principe de parité entre l’enseignement privé et l’enseignement public mentionné à l’article L. 442-5 du code de l’éducation implique la prise en charge obligatoire des dépenses de fonctionnement des classes élémentaires et maternelles des établissements d’enseignement privé sous contrat « dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l’enseignement public ». Ainsi, les communes doivent verser aux écoles privées sous contrat un forfait égal au coût moyen d’un élève scolarisé dans une école publique.
Souvent, en se fondant sur des estimations erronées, les organismes de gestion de l’enseignement catholique (Ogec) réclament des montants bien plus importants que les montants alloués à l’enseignement public. À titre d’exemple, la commune de Beaucamps-Ligny, qui compte 857 habitants, contribue, pour le public, à hauteur de 240 euros pour un élève en classe élémentaire et de 700 euros pour un élève en classe maternelle, contre 2 000 euros par élève dans le privé. Annuellement, le forfait s’élève donc à 100 000 euros, alors que la commune dispose d’un budget de 500 000 euros ; cela se passe de commentaires…
Je tiens également à souligner le grand changement opéré en matière de finances publiques depuis la fixation de l’obligation de scolarisation dès l’âge de 3 ans. Jusqu’en 2019, le forfait communal était appliqué pour les seules classes élémentaires. L’intégration des classes maternelles a fait s’envoler le montant du forfait et les communes, en particulier les plus petites, se trouvent dans une situation budgétaire fragilisée et de moins en moins soutenable.
Aussi, madame la ministre, envisagez-vous de modifier les règles de participation des communes aux frais de fonctionnement des écoles privées sous contrat accueillant des enfants résidant dans leur territoire ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour garantir véritablement le respect du principe de parité dans le calcul du forfait communal ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Lermytte, nous avons parlé du principe de parité, je n’y reviens pas.
Les classes sous contrat d’association au service public de l’éducation doivent être prises en charge dans les mêmes conditions que les classes correspondantes de l’enseignement public. La participation de la commune est calculée par élève et par an, en fonction du coût de fonctionnement relatif à l’externat des écoles publiques ; en cas d’absence d’école publique dans la commune, sa contribution est égale au coût moyen dans les classes publiques du département.
Il me paraît important de préciser que seules les dépenses de fonctionnement sont prises en compte et non les dépenses d’investissement, qui, vous le savez, sont exclues du forfait communal. Il appartient aux communes de rappeler ces règles et ces principes aux établissements privés sous contrat qui souhaiteraient obtenir des financements plus importants que ceux qui sont prévus par les textes.
Je rappelle également que c’est la collectivité qui fixe, par une délibération, le montant du forfait, conformément à la loi. Il existe donc une délibération de l’organe délibérant.
Aussi, madame la sénatrice, il me semble qu’il faut non pas nécessairement modifier la règle, mais plutôt vérifier le respect de son application. Votre exemple m’a quelque peu étonnée. Vous le citez, il est donc véridique, mais je ne comprends pas très bien comment a été obtenu un tel montant, si ce n’est par une délibération de l’organe délibérant. Comment en arriver là, autrement ?
S’il y a un désaccord avec l’Ogec, la préfecture peut intervenir au titre de son contrôle de légalité. Il est aussi possible de prendre attache avec les services du ministre de l’intérieur pour sensibiliser les préfets à ce sujet, si vous pensez que nous devons le faire.
Vous avez évoqué l’instruction obligatoire dès l’âge de 3 ans et la surcharge financière que cela induirait pour les communes. Ces mesures sont issues de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance. Je rappelle que l’État s’est engagé à compenser les surcoûts pour les communes, à condition que celles-ci puissent justifier d’une augmentation des dépenses et du nombre d’élèves. L’instruction des demandes est faite par les rectorats. En cas de contestation, nous pouvons reprendre cette instruction à l’échelon central, au ministère. Ainsi, 46 millions d’euros sont prévus en 2024 pour cette prise en charge spécifique.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Annick Billon. Madame la ministre, les établissements privés sous contrat sont subventionnés à 73 % par l’État. Ils bénéficient également du financement des collectivités territoriales. Un élève dans le privé sous contrat est source d’économies pour les comptes publics. Comment ? Dans le premier degré, l’élève du privé coûte à l’État 55 % du coût d’un élève du public et, dans le second degré, 68 %.
Outre ce constat, des inégalités importantes de moyens persistent entre le public et le privé sous contrat. Si certaines peuvent s’entendre, d’autres ne sont absolument pas acceptables, d’autant qu’elles peuvent avoir des conséquences graves sur l’élève et sa santé.
Plusieurs chefs d’établissements vendéens m’ont récemment fait part des difficultés qu’ils rencontrent. Je vous livre un exemple : un élève du public ayant besoin de faire un bilan psychométrique sera pris en charge par le psychologue scolaire. Dans le privé sous contrat, sa famille devra débourser entre 300 et 400 euros. Ce coût pousse certaines familles à y renoncer.
Plus largement, en 2011, lors de son audition par la Cour des comptes, la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) a reconnu qu’en matière de médecine scolaire l’enseignement privé sous contrat constituait une sorte d’« angle mort des politiques publiques ».
Plus de dix ans après, un rapport parlementaire de 2023 sur la médecine scolaire et la santé à l’école précise que le ministère de l’éducation nationale ne dispose toujours pas de données sur la couverture médicale de ces établissements.
Alors que 2 millions d’élèves sont scolarisés dans l’enseignement privé sous contrat, devrons-nous attendre dix ans de plus avant d’obtenir des données consolidées sur la prise en charge de leur santé ? Comment le ministère compte-t-il enfin répondre à cette distorsion et rééquilibrer les moyens d’accompagnement alloués à la santé scolaire dans les établissements privés sous contrat ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. En effet, madame la sénatrice Billon, j’en conviens, nous n’avons pas de données consolidées sur les questions de santé scolaire pour les élèves des établissements privés sous contrat.
Les obligations de l’État concernant la médecine scolaire sont fixées par la loi. La mission de protection et de promotion de la santé en milieu scolaire incombe au ministère de l’éducation nationale. En l’absence de distinction entre les établissements publics et privés, les élèves qui sont inscrits au sein d’un établissement privé sont également inclus dans ce dispositif global de promotion et de protection de la santé en milieu scolaire, au même titre que les élèves des établissements publics.
Par ailleurs, la circulaire du 12 janvier 2001 relative aux orientations générales pour la politique de santé en faveur des élèves, qui a pour objet de fixer le cadre de cette politique, prévoit une application à l’ensemble des élèves scolarisés dans les écoles, les établissements publics d’enseignement, les établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) et les établissements privés sous contrat. Le recteur doit définir les objectifs et les modalités de mise en œuvre de cette politique dans son académie, en tenant compte des axes définis à l’échelon national et, bien sûr, du contexte local.
Bien évidemment, des personnels médicaux de l’éducation nationale interviennent ponctuellement dans les établissements privés sous contrat, notamment dans le cadre des bilans obligatoires, des campagnes de vaccination obligatoire ou bien à la demande des chefs d’établissement en cas de difficulté particulière nécessitant l’intervention d’une équipe pluridisciplinaire.
Les établissements privés sous contrat peuvent toutefois disposer de personnels médicaux de droit privé, sur lesquels nous n’avons pas de visibilité. Pour être parfaitement honnête avec vous, madame la sénatrice, j’ai actuellement en tête les difficultés de la médecine scolaire, dans sa globalité. Nous sommes en train d’élaborer un plan visant à renforcer la médecine scolaire et l’attractivité de ces métiers. Ce dispositif concernera bien évidemment les établissements tant publics que privés.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.
Mme Annick Billon. Je vous remercie, madame la ministre, de cette réponse sincère concernant aussi bien les constats que les réponses à apporter. Vous l’avez confirmé, il n’existe pas de données consolidées en la matière.
La caricature dessinée précédemment sur cette question était loin de décrire la réalité des établissements privés sous contrat.
M. Pierre Ouzoulias. Non !
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Les faits décrits dans le rapport d’inspection concernant l’établissement Stanislas sont préoccupants, et tout d’abord pour les enfants scolarisés dans cet établissement. Surtout, il frappe par l’opacité de la procédure, ce qui suscite de nombreuses inquiétudes pour tous les établissements privés sous contrats.
Pour que ces faits nous parviennent, il aura fallu un rare alignement des planètes.
Il aura d’abord fallu la résolution personnelle d’un ancien ministre de l’éducation, Pap Ndiaye, pour mettre en place une enquête administrative. Est-il d’ailleurs pertinent que cette décision d’enquête dépende du ministre lui-même, alors qu’il existe 4 870 écoles privées sous contrat et 2 870 établissements secondaires, qui nécessiteraient des contrôles ?
Il aura fallu ensuite la scolarisation des enfants de la ministre de l’éducation dans ce même établissement.
Il aura fallu enfin un enchaînement médiatique et la publication du rapport d’inspection, par voie de presse !
In fine, le maire de Paris a pu prendre connaissance de ce rapport et suspendre ses financements, en attendant que la direction de cet établissement prenne les mesures nécessaires, comme la loi le prévoit. Aussi ai-je demandé à la commission de la culture du Sénat une commission d’enquête visant à mesurer l’efficacité du contrôle de l’État sur le respect des obligations des établissements scolaires privés sous contrat.
Vous avez affirmé tout à l’heure, madame la ministre, que vous aviez progressé pour ce qui concerne les contrôles. Pouvez-vous nous dire comment ces contrôles sont décidés ? Y a-t-il une procédure de contrôle précisément définie de ces établissements, avec publicité des enquêtes, transmission aux collectivités qui financent, transmission au procureur en cas d’infraction pénale et engagement d’une procédure de déconventionnement ? Avez-vous prévu de consolider certaines mesures spécifiques, afin de revoir les modalités des contrôles et de les renforcer ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice de Marco, vous évoquez l’ensemble des événements récents concernant l’établissement Stanislas. Même si je n’étais pas en fonction à ce moment-là, je ne peux pas ignorer ce qui s’est passé.
En ce qui concerne ce collège, une enquête administrative a été diligentée, vous le savez, par l’inspection générale et les autorités, en raison des alertes données et des dysfonctionnements observés. Les conclusions de cette enquête ne constituent pas une mise en demeure, mais elles présentent un ensemble de recommandations extrêmement précises à suivre. Nous les suivons pas à pas. En l’occurrence, il me semble que nous avons exercé le contrôle que nous devions exercer.
Pour ce qui concerne la généralisation de ces contrôles, comme je le disais tout à l’heure, un effort considérable a été accompli. J’ai évoqué des recrutements de personnel, à hauteur de 60 ETP, ainsi que la transmission d’un vade-mecum aux inspecteurs, afin que le contrôle soit systématisé et effectué sur le fondement d’un ensemble de critères objectifs.
Vous avez également affirmé que la procédure était opaque. Je ne le pense pas. Ce que je viens de vous indiquer – les recrutements et l’établissement du vade-mecum – montre que ce n’est pas vrai.
Vous avez en outre évoqué les conséquences de ces procédures de contrôle : les rapports sont-ils publiés ? sont-ils transmis à la collectivité qui finance ou au procureur ? Outre le programme courant d’inspections, les inspections sont systématiquement diligentées en cas de signalement. Du reste, nous n’hésitons pas à appliquer l’article 40 du code de procédure pénale s’il y a des faits pénalement répréhensibles. Dans ce cadre, il y a transmission au procureur, si cela s’avère nécessaire.
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre. Nous ne sommes donc absolument pas dans une optique d’entre-soi ou de refus de transparence. Tout au contraire, ce processus de contrôle mérite la plus grande transparence.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, ma question s’adresse à la ministre, mais également à l’ancienne professeure de droit public que vous êtes.
L’article 1er de la loi Debré éclaire la situation : « L’établissement sous régime du contrat est soumis au contrôle de l’État. L’établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner son enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. » Ces dispositions sont reprises à l’article L. 442-1 du code de l’éducation, selon lequel l’enseignement est dispensé « selon les règles et programmes de l’enseignement public ».
La difficulté d’ordre juridique et presque philosophique réside dans l’articulation entre les obligations de service public et cette notion de « caractère propre », qui n’est pas définie par la loi.
L’enseignement catholique, dans son statut de 2013, en a une définition extensive. Permettez-moi d’en citer l’article 30, selon lequel « l’école catholique […] constitue en elle-même une société ». Aux termes de son article 183, « la tutelle veille à ce que les projets éducatifs soient explicitement fondés sur l’Évangile ». Certains établissements confessionnels demandent même aux parents de signer une charte par laquelle ils acceptent que « le message de l’Église catholique soit présenté et promu comme chemin de croissance et de vérité auprès des élèves ».
La catéchèse est parfois complètement incluse dans le cursus et présentée comme comparable aux enseignements sur le fait religieux du programme national, qui sont fondamentalement critiques, au sens de la critique historique.
Ma question, peut-être un peu complexe, madame la ministre, est la suivante : comment pouvez-vous nous garantir que le « caractère propre » de ces établissements n’entre pas en conflit avec le respect de la laïcité et de la liberté de conscience des élèves et des enseignants ? Pouvez-vous nous donner l’assurance que l’État ne subventionne pas des tâches relevant du caractère propre de l’établissement, ce qui entrerait en totale contradiction avec le principe de la séparation des Églises et de l’État ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Pierre Ouzoulias, vous le savez, la liberté de l’enseignement est un principe à valeur constitutionnelle, qui fonde l’existence de l’enseignement privé.
Le caractère propre des établissements privés, notamment pour ceux qui revendiquent un caractère propre confessionnel, est bien reconnu par la loi. L’article L. 442-1 du code de l’éducation, que vous avez cité, y fait référence, en établissant que les établissements scolaires privés sous contrat, tout en conservant leur caractère propre, sont tenus de faire preuve d’une certaine neutralité et doivent respecter les programmes de l’éducation nationale et les valeurs de la République. Je le dis ici clairement, les valeurs de la République sont premières ; le caractère propre est un élément qui caractérise l’établissement, mais, au sein de celui-ci, les valeurs de la République sont premières.
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
Mme Nicole Belloubet, ministre. Les écoles et les établissements scolaires privés sous contrat sont donc tenus de faire partager à leurs élèves les valeurs de la République, parmi lesquelles figure la laïcité, que les élèves de tous ces établissements doivent apprendre à respecter. Peuvent s’y ajouter des options autour de ce que le caractère propre d’établissement confessionnel peut porter.
La loi du 2 mars 2022, qui vise à combattre le harcèlement scolaire, a désormais inscrit à l’article L. 111-6 du code de l’éducation une obligation de moyens de lutte contre le harcèlement dans tous les établissements d’enseignement privé ; cela a à voir avec ce dont nous parlons. De manière très concrète, le double respect du caractère propre de l’établissement et des valeurs de la République conduit par exemple à ne pas imposer l’affichage de la charte de la laïcité dans les établissements privés sous contrat, puisque cela relève de la vie scolaire. Toutefois, les établissements doivent respecter, je le répète, les valeurs de la République ; c’est pour moi tout à fait essentiel.
En matière de signes d’appartenance religieuse, c’est le chef d’établissement et le règlement intérieur de l’établissement qui pourront être utilisés pour tolérer ou, au contraire, prohiber certains signes en fonction du caractère de l’établissement.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Le lundi 16 octobre 2023, à 11 heures, j’avais un rendez-vous pris longtemps à l’avance dans un collège privé sous contrat de mon territoire. Or il se trouve que, ce jour-là, était prévu un hommage, à 14 heures, au professeur Dominique Bernard, disparu trois jours auparavant. Je me suis enquis auprès du personnel de cet établissement des conditions dans lesquelles cet hommage national serait rendu. On m’a répondu qu’il n’aurait pas lieu parce qu’il avait été remplacé par une prière le matin même. Je souhaite donc savoir si ce type d’initiatives prises de bonne foi, pour ainsi dire (Sourires sur les travées des groupes RDSE et SER.), est connu, courant, recensé et accepté.
Pour ma deuxième question, je souhaite revenir sur le financement par les communes des écoles privées installées sur leur territoire et sur la contribution par élève, fondée sur la moyenne des dépenses des élèves scolarisés dans le public. Lorsqu’une petite commune voit partir des élèves des classes de l’école publique vers l’établissement privé, pour des raisons qui peuvent ne pas dépendre d’elle – je pense par exemple à de l’absentéisme non remplacé, ce que les membres du Gouvernement peuvent comprendre –, la commune est immédiatement et mathématiquement pénalisée, puisque les charges sont alors divisées par un nombre moins important d’élèves. Or le coût du chauffage, qu’il y ait 20 élèves ou 25 élèves dans une classe, reste le même ! La commune subit donc une double peine : elle paie pour davantage d’élèves et, surtout, elle paie plus cher par élève. Ne pourrait-on pas réviser le mode de calcul, en se fondant sur le nombre de places proposées par l’école et non sur le nombre de places occupées ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Techniques, ces dernières questions…
M. Pierre Ouzoulias. Vous êtes au Sénat, madame la ministre ! (Sourires.)
Mme Nicole Belloubet, ministre. Absolument, je reconnais bien là la technicité des sénateurs et sénatrices !
En évoquant la façon dont un établissement privé a rendu hommage à Dominique Bernard, vous soulevez la question de ce qui relève du caractère propre d’un l’établissement. Le ministère a diffusé à l’ensemble des réseaux d’enseignement privé sous contrat des recommandations pour organiser un temps de recueillement et d’hommage à Dominique Bernard, comme dans les établissements publics. Toutefois, en vertu de leur caractère propre, les établissements privés sous contrat peuvent bien entendu s’exprimer librement sur tout ce qui ne relève pas du strict respect des programmes scolaires ou des valeurs de la République. Tel est le sens de la loi Debré. Par conséquent, ils ne pouvaient pas être juridiquement contraints d’organiser un hommage national à Dominique Bernard selon les modalités que nous précisions dans nos recommandations. Dans ce cadre, la prière ne pouvait pas avoir lieu sur les temps d’enseignement, car le contrat n’eût alors pas été respecté, elle ne pouvait être organisée que dans le cadre du caractère propre, donc optionnel, lié à l’enseignement religieux. Telle peut être la ligne de partage.
Les écoles et établissements scolaires, qu’ils soient publics ou privés, sont évidemment tenus de faire partager à l’ensemble de leurs élèves, je l’ai dit tout à l’heure, les valeurs de la République, dont la laïcité, que tous ces élèves doivent apprendre à respecter. Ils sont tenus de le faire dans le cadre des enseignements qu’ils doivent dispenser. Les établissements sont également dans l’obligation de veiller au respect de la liberté de conscience, ce qui signifie que cette prière ne pouvait être que facultative, l’instruction religieuse devant toujours rester facultative.
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.
M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Karine Daniel. Ma question s’inscrit dans la droite ligne des interventions de mes collègues Lermytte et Fialaire, ce qui permettra de répondre, madame la ministre, sur le problème du financement par les communes des écoles privées.
Le code de l’éducation prévoit la participation des communes aux frais de fonctionnement des écoles privées sous contrat avec l’État. Cette participation financière est calculée en fonction du coût par élève, que nous avons précédemment évoqué.
Il a été évoqué pour ce qui concerne les situations particulières en matière de niveau, mais je veux pour ma part insister, comme mon collègue Fialaire, sur les difficultés qu’entraîne ce mode de calcul au regard de la dynamique, à un moment où les effectifs baissent dans certaines écoles publiques, en raison d’effets démographiques ou du transfert du public vers le privé de certains élèves. Par conséquent, le coût par élève augmente, sous le double effet de l’augmentation des charges de fonctionnement et de la baisse des effectifs. Ce n’est pas technique, c’est une simple histoire de dénominateur et de numérateur, et de proportionnalité !
Or les communes subissent ces choix ! Vous avez dit qu’elles adoptent des délibérations, mais celles-ci sont totalement contraintes, puisqu’elles sont liées aux coûts de fonctionnement, qui s’imposent à elles ; je pense notamment au coût de l’énergie, sur lequel les communes n’ont pas de prise.
Pour les communes qui n’ont pas d’école publique, la dotation est calculée sur le fondement d’un coefficient départemental, mais les maires et les fonctionnaires de l’éducation nationale nous expliquent que ce calcul est inadapté.
Madame la ministre, nous attendons des réponses à ce sujet. J’ai compris qu’elles ne seraient pas forcément données ce soir, car tout n’est peut-être pas encore au point, mais vous serez obligée de reconsidérer cette question, notamment en raison de la dynamique démographique, notamment dans les communes rurales. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, je suis parfaitement au point, même si, parfois, je peux évoluer en fonction des préconisations que vous faites.
Pour ce qui concerne le financement de l’enseignement privé par les collectivités, nous nous appuyons sur le principe de parité, selon lequel la participation de la commune est calculée par élève et par an en fonction du coût de fonctionnement de l’externat des écoles publiques.
Je l’ai dit précédemment et je le répète, seules les dépenses de fonctionnement sont prises en compte, non les dépenses d’investissement. Par ailleurs, les avantages consentis par les collectivités pour le fonctionnement des classes sous contrat ne peuvent pas être supérieurs à ceux qui sont consentis par les mêmes collectivités et dans le même domaine aux classes de l’enseignement public.
Pour répondre directement à votre question, mais également à celle de M. le sénateur Fialaire, s’il est vrai que certaines dépenses sont directement corrélées au nombre d’élèves et de classes, d’autres, en revanche, ne le sont pas. Je pense notamment aux dépenses de chauffage.
Dès lors, les variations d’effectifs à la hausse ou à la baisse au sein de l’enseignement public d’une commune peuvent conduire selon les années à une diminution ou à une augmentation du coût moyen par élève. Il me semble que ces variations peuvent engendrer un effet pervers, comme l’a pointé M. Fialaire, avec une augmentation du forfait par élève du fait du moindre nombre d’élèves dans le public. Toutefois, cet effet pourrait aussi jouer en sens inverse.
Dès lors, l’équilibre trouvé pour le calcul du forfait me paraît difficile à remettre en cause. Cependant, je suis prête à rediscuter de ce sujet avec vous, pour mieux comprendre les éléments que vous avancez.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti.
Mme Catherine Belrhiti. Madame la ministre, le thème du débat de ce jour me touche particulièrement. Ayant enseigné au sein d’établissements privés sous contrat pendant trente-cinq ans, j’en connais les avantages et les inconvénients, tout comme les critiques dont le modèle peut faire l’objet.
Il faut, je le crois, rappeler d’emblée une évidence : l’enseignement privé sous contrat est un acteur essentiel du service public de l’éducation de ce pays. Représentant près de 20 % des effectifs scolarisés, il offre une liberté de choix aux parents qui souhaitent, pour des raisons qui leur sont propres, scolariser leurs enfants dans un établissement plutôt que dans un autre.
Notons que la proportion d’enfants scolarisés dans le privé est stable depuis quelques années, tout comme d’ailleurs le financement de ces établissements. Le débat, à mon sens, porte donc non pas sur les moyens investis par l’État, mais véritablement sur les obligations qui incombent à ces établissements, en contrepartie de ces moyens.
J’insiste souvent, au sein de la commission de la culture et de l’éducation, sur le fait que, en tant que citoyens français, nos droits sont nécessairement complétés par des devoirs. C’est là, je le pense, la condition du maintien de notre équilibre démocratique et social. La situation de l’enseignement privé sous contrat doit s’analyser au travers du même prisme. La loi du 31 décembre 1959, dite loi Debré, n’a cherché ni à priver l’État d’un droit de regard ni à priver les établissements privés de devoirs.
L’objectif du contrat d’engagement était au contraire de dégager un compromis permettant de maintenir la liberté d’enseignement tout en instaurant un véritable contrôle de l’État. À l’aune de ce débat, c’est bel et bien ce contrôle qui semble défaillant. À la suite des récents événements, je vous demande donc, madame la ministre, quelles mesures entend prendre concrètement le Gouvernement pour renforcer le contrôle des établissements privés sous contrat, afin de les maintenir dans le cadre légal et les valeurs instaurées par la loi Debré.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. Je serai sans doute conduite à me répéter, dans la mesure où vous avez évoqué l’insuffisance des contrôles, en insistant sur les obligations résultant du contrat d’association.
Je rappelle d’ailleurs ici que ce contrat, très souvent, n’est pas matérialisé : il s’agit non pas d’un papier signé, mais de l’application de la loi.
Selon vous, notre système de contrôle est insuffisant. Je le répète, nous avons pris conscience de ces difficultés, nous avons recruté des agents, en leur donnant des objectifs clairs matérialisés dans un vade-mecum et nous avons des programmes d’inspection. En outre, je le précise, les établissements privés sous contrat sont évalués par le Conseil d’évaluation de l’école. Ce système d’évaluation complète ainsi l’ensemble du dispositif.
Nous sommes donc en train de faire monter ces contrôles en puissance, que nous souhaitons développer dans les trois champs que nous avons évoqués précédemment : financier, administratif et, surtout, pédagogique. J’ajoute également le champ des valeurs de la République, qui relèvent d’obligations importantes.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour la réplique.
Mme Catherine Belrhiti. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Nous suivrons avec intérêt une telle évolution.
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Yan Chantrel. Tout le monde finance l’enseignement privé par ses impôts, mais, les chiffres l’indiquent, tout le monde n’y a pas accès.
La proportion d’élèves très favorisés dans les collèges privés est de 40 %, soit le double de ce qu’elle est dans le public. L’écart s’est creusé de près de dix points en vingt ans, alors même que les effectifs sont stables. La part des élèves boursiers dans le secondaire est trois fois plus faible dans le privé que dans le public. Il y a là un véritable séparatisme, contre lequel nous devons lutter avec acharnement.
Pis, une étude de 2014 menée par trois chercheurs au moyen d’une expérience contrôlée, inspirée de la méthode du testing, a démontré qu’il existe à l’entrée des établissements scolaires privés une sélection ethnique. Malgré tous les protocoles, rien ne change. De fait, nous n’avons pas, aujourd’hui, les moyens de savoir comment les établissements privés sélectionnent leurs élèves ni de contrôler les efforts qu’ils font, ou pas, en faveur d’une plus grande mixité.
L’extension de l’application Affelnet ou la mise en place d’une plateforme d’inscription dans les établissements privés, à l’entrée en sixième et en seconde, permettrait d’avoir des données précises sur le profil des élèves qui se portent candidats et sur celui de ceux qui sont effectivement retenus par les établissements privés. Une telle plateforme donnerait aussi les moyens à l’État de contraindre l’enseignement privé sous contrat à respecter ce contrat, en accueillant tous les enfants sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyance.
Madame la ministre, y êtes-vous favorable ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. J’y suis bien sûr favorable, monsieur le sénateur !
Le constat est partagé : je rappelais dans mon propos introductif les IPS des établissements privés sous contrat, qui sont effectivement plus élevés que ceux des établissements publics hors REP. Cela n’est pas contradictoire avec ce que j’indiquais précédemment à M. Brisson, puisqu’il existe des établissements privés qui accueillent des élèves dont les parents appartiennent à des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) défavorisées. Néanmoins, nous partageons le constat d’un écart entre les IPS.
Certes, le principe de la liberté de choix des familles existe, il découle des exigences liées à la liberté d’enseignement, mais il ne saurait y avoir de ségrégation ethnique. Un établissement ne peut pas refuser d’accueillir un candidat pour des motifs tenant à je ne sais quel critère. Si une telle ségrégation existait, elle serait pénalement répréhensible. Je crois d’ailleurs savoir que certains établissements ont été condamnés pour avoir refusé d’accueillir des élèves qui présentaient un profil refusé par le chef d’établissement. Nous devons être extrêmement vigilants sur ce sujet.
Je ne reviens pas sur ce que j’ai indiqué précédemment sur le protocole lié à la mixité.
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour la réplique.
M. Yan Chantrel. Il y a pourtant une recherche, menée par des chercheurs sérieux, qui montre l’inverse ! Avec ce que je propose, vous avez la possibilité d’exiger de telles données.
Je tiens à le rappeler, la France est le seul pays, avec le Chili de l’ère Pinochet – inspiré par l’école ultralibérale de Chicago –, à subventionner les écoles privées sans exiger aucune contrepartie de mixité sociale scolaire.
À un moment, il faut agir ! Or vous avez la possibilité de contraindre les établissements privés, en exigeant ces données. Dès lors, vous ne pourrez plus dire que vous ne savez pas ou que cela n’existe pas. Je vous le dis, cela existe ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une contrainte, le premier point du protocole sur la mixité conclu avec l’enseignement catholique porte sur la constitution d’une base de données partagée. J’ai eu l’occasion de rencontrer très récemment le secrétaire général de l’enseignement catholique. La base est constituée, elle sera opérationnelle à compter du mois de septembre prochain. Nous disposerons alors des éléments incluant les indicateurs que vous avez évoqués et que nous contribuerons à renseigner au sein du ministère de l’éducation nationale.
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. C’est un de vos prédécesseurs, M. Pap Ndiaye, qui l’a mis en place.
Vous vous engagez à nous communiquer des données que nous pourrons partager avec le monde universitaire, afin que les chercheurs puissent les exploiter : oui, la publicité de ces informations est indispensable. Nous pourrons ensuite revenir vers vous pour vous demander, sur le fondement de telles données, de prendre des mesures à l’endroit de l’enseignement privé,…
M. Yan Chantrel. … c’est-à-dire de le contraindre à respecter la trajectoire définie. Nous savons déjà, en effet, que telle sera la conclusion de ce cheminement, car nous disposons d’ores et déjà des informations utiles, grâce aux recherches menées sur le sujet. Je les partagerai volontiers avec vous, d’ailleurs : vous y trouverez de quoi appuyer les décisions que vous serez conduite à prendre. Ainsi pourrez-vous cette fois faire pleinement respecter le protocole d’accord en y contraignant les établissements ; car il ne sert à rien de signer des protocoles si, au bout du compte, on s’assoit dessus, s’il ne se passe jamais rien, si la mixité n’est jamais au rendez-vous.
Nous comptons sur vous, madame la ministre. (Mme Colombe Brossel applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon.
Mme Anne Ventalon. Madame la ministre, au mois de décembre dernier, Gabriel Attal annonçait, pour la rentrée 2024, la mise en place de trois groupes de niveau en français et en mathématiques pour les élèves de sixième et de cinquième. Cette réforme nécessite de recruter de nouveaux professeurs. Pour ce qui est de l’enseignement public, la création de 2 330 postes a été annoncée. Qu’en est-il pour l’enseignement privé ? Aucune dotation n’est prévue pour le moment, alors que ses établissements scolarisent, comme vous l’avez dit, près de 20 % des élèves.
Seule la suppression de l’heure de sixième actuellement dédiée à l’approfondissement du français et des mathématiques contribuera au financement, ce qui est loin de couvrir les besoins. Et ce sont donc les moyens ordinaires consacrés par le privé à la création d’options ou de filières ou à des ouvertures de classes qui devront être utilisés ; voilà qui n’est pas acceptable.
Madame la ministre, comment financerez-vous les groupes de niveau dans le privé ?
Par ailleurs, depuis l’entrée en vigueur de la loi dite Debré de 1959, les chefs d’établissement et leurs équipes définissent ensemble leur organisation et un projet éducatif spécifique, pourvu qu’ils respectent les programmes de l’éducation nationale. Pour ce qui concerne les groupes de niveau, les établissements semblent donc les mieux à même de définir leurs besoins. Je rappelle que, dans le privé sous contrat, les collégiens en difficulté en français représentent 15 % des effectifs de sixième, contre, dans le public, 25 % hors éducation prioritaire et 52 % en éducation prioritaire renforcée. On ne saurait donc appliquer la même règle à tous.
Aussi ma deuxième question est-elle la suivante : les établissements privés sous contrat conserveront-ils, en vertu du principe d’autonomie, leur liberté de choix dans l’application de la réforme ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question. J’ai eu l’occasion de le dire, nous partageons, avec le Premier ministre et avec l’ensemble du personnel éducatif, privé ou public, une ambition, celle d’élever le niveau scolaire de nos élèves. Nous considérons qu’à cet égard la possibilité de travailler en groupe, en sixième et en cinquième, sur les matières fondamentales que sont le français et les mathématiques constitue l’une des méthodes pédagogiques qui permettent d’élever le niveau de tous les élèves, mais également de prendre en compte la spécificité de chacun d’entre eux.
Pour ce qui est du financement de ces groupes en sixième et en cinquième, nous avons adopté pour le privé la même méthode de répartition que pour le public : d’une part, nous avons redéployé la vingt-sixième heure, dans le privé comme dans le public ; d’autre part, nous avons considéré qu’en fonction des situations propres à chaque établissement des dotations supplémentaires pouvaient ou non être accordées.
Je le disais, j’ai rencontré le secrétaire général de l’enseignement catholique voilà quelques jours. Nous avons évoqué ensemble les difficultés que les établissements qui relèvent de cet enseignement peuvent rencontrer ici et là ; ce sont à peu près les mêmes que dans l’enseignement public. Je veillerai à ce que, dans un cas comme dans l’autre, les groupes puissent être mis en place, car ils sont l’un des éléments qui permettront de garantir le respect et l’effectivité des programmes, dans le privé comme dans le public.
Madame la sénatrice, vous évoquez la liberté des établissements privés, sujet dont il a été beaucoup question cet après-midi. Ma conviction, je le répète, est que le privé et le public partagent une ambition, celle de mieux faire réussir nos élèves. Dès lors, les groupes doivent absolument remplir leur office dans tous les établissements, aussi bien publics que privés, donc être partout mis en place ; je m’y attache résolument.
M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon, pour la réplique.
Mme Anne Ventalon. Je vous remercie, madame la ministre. Peut-être ces groupes de niveau pourraient-ils devenir des « groupes de besoin », selon la situation des établissements, afin que la même règle ne s’applique pas à tous, mais qu’au contraire, le cas échéant, les spécificités de leurs publics soient prises en compte.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre. Dans le privé comme dans le public, je fais confiance aux établissements, c’est-à-dire aux équipes pédagogiques : je souhaite évidemment que tous puissent disposer, en fonction des réalités locales, d’un peu de souplesse pour mettre en place ces groupes. Reste que ceux-ci doivent absolument être mis en place ; nous y veillerons.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. N’en déplaise à certains, dans notre pays, plus de 2 millions d’enfants sont scolarisés dans les établissements privés du premier et du second degré, soit environ un élève sur six.
Nous n’en avons pas beaucoup parlé cet après-midi, mais certains établissements font le choix de rester sous le régime des établissements privés hors contrat, qui avait fait l’objet, en 2018, sur l’initiative de notre collègue Françoise Gatel, d’une loi visant à mieux encadrer leur ouverture et leur contrôle.
D’autres, en revanche, saisissent la possibilité, après un minimum de cinq années d’existence, de solliciter un contrat avec l’État, soit sous la forme d’un contrat simple soit sous celle d’un contrat d’association.
Quelle est la nature exacte de ce contrat ? Celui-ci produit des droits, à savoir essentiellement le paiement des salaires des enseignants par l’État et la participation des collectivités territoriales, à des degrés divers, selon la forme du contrat, aux dépenses de fonctionnement. Mais il impose aussi des devoirs, en particulier celui de dispenser les enseignements par référence aux règles et aux programmes de l’enseignement public, ou encore celui d’accueillir les enfants sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyance.
Dès lors, nonobstant certaines réactions – il faut le dire – un peu épidermiques et quelques névroses idéologiques que le temps a décidément bien du mal à soigner, ce contrat repose sur un équilibre qui concilie confiance entre les acteurs et contrôle par l’État. Nous savons, du reste, que le contrôle des établissements sous contrat – simple ou d’association – est particulièrement strict ; il inclut par exemple l’évaluation des enseignants, organisée à peu près de la même façon que dans l’enseignement public, ainsi que, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 24 août 2021, la garantie du respect des valeurs de la République.
Je n’ai aucun doute sur les faits que d’éventuels manquements à ces engagements puissent être identifiés et signalés, dans le privé comme ailleurs.
Madame la ministre, vous avez plusieurs fois fait état, durant ce débat, des moyens dont dispose votre ministère pour effectuer ces contrôles selon une périodicité raisonnable. Pouvez-vous nous communiquer des chiffres un petit peu plus précis quant aux manquements identifiés dans l’exercice des fonctions des enseignants et des directeurs d’établissement de l’enseignement privé au cours des dernières années ? Pouvez-vous nous indiquer également, le cas échéant, de quelle nature sont lesdits manquements ?
M. Pierre Ouzoulias. Il n’y a aucune remontée des chiffres !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur, pour information, et bien qu’en effet cela ne soit pas le sujet de notre débat, je vous signale qu’en matière de contrôle des établissements hors contrat nous avons beaucoup progressé : ces établissements sont désormais systématiquement contrôlés la première année. Le nombre de contrôles y a été multiplié par trois en cinq ans. L’effort est donc massif et 20 % des contrôles débouchent sur des mises en demeure, qui peuvent donner lieu à fermeture administrative, comme récemment à Nice.
Pour ce qui est du contrôle des établissements privés sous contrat, je ne reviens pas sur tout ce que j’ai dit, car je craindrais de vous lasser. Je vais en revanche vous décevoir : je ne dispose pas de données chiffrées sur les manquements relevés dans le cadre des enseignements dispensés dans ces établissements. Je ne sais d’ailleurs même pas si mon ministère est en possession de tels chiffres ; il faudrait interroger les académies, ce que nous n’avons pas fait : nous n’avons pas centralisé les données qui remontent des académies.
Je ne peux donc pas vous répondre, monsieur le sénateur ; j’en suis confuse. Cette centralisation des informations peut sans doute être organisée, mais, au moment où je vous parle, elle fait défaut.
M. le président. La parole est à Mme Sabine Drexler.
Mme Sabine Drexler. Alors que nous occupent cet après-midi les sujets du contrôle de l’enseignement privé et de l’équité des moyens entre celui-ci et l’enseignement public, la question que pour ma part je me pose, et que d’autres se posent avec moi, est plutôt de savoir si l’engouement croissant pour les écoles privées, dont nous parlons depuis l’ouverture de notre débat, n’est pas le miroir des faiblesses actuelles de l’école publique.
M. Pierre Ouzoulias. Bien sûr !
Mme Sabine Drexler. Madame la ministre, tant que l’État n’investira pas davantage dans son école publique, tant que l’on continuera à fermer des classes sans apporter de réponses claires et fermes aux crises successives que vivent trop d’établissements, les familles seront toujours plus nombreuses à se poser la question du public ou du privé et à faire le choix de scolariser leurs enfants en école privée.
Il est question, dans ce débat, d’équité et de moyens ; mais qu’en est-il de l’équité territoriale ? La ruralité, quant à elle, ne peut pas se payer le luxe de la guerre scolaire, comme le rappelle souvent Max Brisson ; or toutes les politiques publiques qui s’y rapportent se fondent sur des logiques comptables qui ne tiennent pas compte de ses spécificités. Depuis quelques années, on y ferme un à un tous les services publics et une à une toutes nos classes, jusqu’à l’abandon pur et simple de nos écoles de campagne. On crée des regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI), qui sont bientôt fusionnés à leur tour pour créer des regroupements pédagogiques concentrés (RPC), des établissements neufs, rationalisés, dans lesquels on continue pourtant encore et toujours à fermer des classes.
Comment, dans ce contexte, ne pas se poser la question de la fiabilité de ce modèle ? En éloignant l’école des habitants, on a petit à petit porté atteinte à la qualité de vie dans nos campagnes et réduit l’attractivité de nos territoires.
Afin de répondre aux attentes des Français, qui sont plus attachés que jamais à leur ruralité, et face au désengagement de l’État, beaucoup de maires prennent aujourd’hui position pour recréer en milieu rural une offre scolaire de proximité, privée ou associative, car ils savent que c’est essentiel pour donner à leurs jeunes l’envie d’y rester et d’y faire leur vie.
Madame la ministre, ma question est simple : que comptez-vous faire pour rapprocher l’école rurale publique des habitants de ces territoires ? (Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Drexler, le Gouvernement est particulièrement attaché à la place de l’école dans la ruralité. Lorsque j’étais rectrice de l’académie de Limoges – c’était il y a très longtemps –, cette question comptait parmi mes préoccupations majeures.
À la rentrée 2023, près de 18 % des élèves français étaient scolarisés dans 14 800 écoles publiques situées en zone rurale ; ces chiffres vous donnent une idée de la densité de notre maillage scolaire territorial. Les taux d’encadrement y sont favorables et s’améliorent d’année en année, en raison de la déprise démographique. Le nombre moyen d’élèves par classe est à ce jour de 19,4 dans les communes rurales éloignées et de 21,5 dans les autres communes rurales ; ces chiffres sont bas, inférieurs au ratio national, qui est, hors éducation prioritaire, de 22,7 élèves par classe.
Des politiques dédiées aux écoles rurales sont mises en œuvre ; elles ont été renforcées depuis 2018.
Je tiens ici à rappeler que le Président de la République s’est engagé à ce qu’aucune école rurale ne soit fermée sans l’accord du maire de la commune.
M. Jean-Michel Arnaud. L’engagement portait sur les fermetures de classes !
Mme Marie-Pierre Monier. Non, sur les fermetures d’écoles.
Mme Nicole Belloubet, ministre. L’engagement du Président de la République a bien trait aux fermetures d’écoles.
Je pense également au développement des regroupements pédagogiques intercommunaux – vous les avez cités, madame la sénatrice – ou des réseaux d’écoles. Nous avons pris un certain nombre d’engagements qui tous visent à maintenir la présence des écoles dans la ruralité.
Je rappelle en outre qu’un plan d’action pour notre école dans les territoires ruraux a été lancé par Élisabeth Borne et confirmé via le déploiement du plan France ruralités. C’est dans ce cadre qu’a été créée une instance de dialogue et de coordination entre l’État et les élus, l’Observatoire des dynamiques rurales.
Bref, un véritable effort est consenti pour maintenir la place de l’école publique dans les territoires ruraux. Nous devons bien entendu continuer et je veillerai notamment à ce que, dans les années à venir, les procédures de carte scolaire soient mieux préparées et fassent l’objet d’une anticipation de plus long terme, afin de prévenir les difficultés que vous évoquez.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Cela a été dit, au cours des derniers mois, plusieurs dysfonctionnements au sein de certains établissements privés sous contrat ont été mis au jour. Cette réalité ne doit pas être éludée : s’il existe des torts, il faut les redresser, sans tomber dans la caricature ni relancer la guerre scolaire.
L’intitulé de ce débat est optimiste : s’interroger sur les modalités de contrôle de l’État, c’est déjà admettre que ce contrôle existe. Le code de l’éducation le prévoit, certes, mais ce contrôle est-il bien effectif partout ? Il semble que non ; or, pour beaucoup, cette situation suffit à instruire sans nuance le procès de l’enseignement privé.
Pourtant, ses établissements n’ont jamais refusé de se prêter à un tel contrôle, comme l’a récemment rappelé le secrétaire général de l’enseignement catholique. De surcroît, les éléments comptables utiles sont à la disposition des élus locaux, le code de l’éducation disposant que des représentants de la collectivité locale compétente siègent au conseil d’administration.
Or, dans son rapport de juin 2023, la Cour des comptes relevait que ce contrôle reste « largement inappliqué ». Les responsabilités sont probablement partagées, et les établissements qui ne respectent pas leurs obligations doivent être rappelés à l’ordre. Il y a aussi matière, sans doute, à améliorer le recrutement des chefs d’établissement pour le rapprocher des exigences qui prévalent dans le public.
Quoi qu’il en soit, il faut traiter les défaillances. Renforcer le contrôle permettra certainement de démontrer aussi que de nombreux établissements peinent à joindre les deux bouts, qu’ils consentent des efforts importants en faveur de l’inclusion et contre le décrochage scolaire, que certains d’entre eux ont déjà créé des caisses de solidarité pour accueillir tous les élèves ou instauré une modulation de la contribution des familles en fonction du revenu des parents pour respecter leurs obligations d’accueil.
Au total, le coût pour l’État d’un élève du privé représente la moitié de celui d’un élève du public. Autrement dit, sans les établissements privés sous contrat, la charge publique supplémentaire serait supérieure à 9 milliards d’euros.
Le contrôle est la contrepartie de la liberté d’enseignement et de l’autonomie reconnue à ces établissements, qui concourent sans but lucratif au service public de l’éducation. Madame la ministre, comment comptez-vous renforcer ce contrôle pour rénover le partenariat entre l’État et les établissements privés, qui est fondé à la fois sur le respect de leur engagement et sur une relation de confiance réciproque ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question. Je crains vraiment de vous lasser, car j’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de le dire : nous allons renforcer les contrôles financiers et pédagogiques. Nous souhaitons, afin d’organiser leur montée en puissance, programmer un plan d’inspections.
L’un des éléments qui nous permettront de mieux prendre en compte la situation réelle des établissements découle du protocole d’accord qui a été signé avec le secrétaire général de l’enseignement catholique sur la mixité sociale des établissements d’enseignement privés sous contrat. La mise en œuvre de ce protocole va en effet nous doter d’une base de données partagée ; nous devrions pouvoir, dès le mois de septembre prochain, obtenir des informations sur les modalités de différenciation des contributions demandées par ces établissements aux familles ou sur les mesures à caractère social qu’ils mettent en œuvre. Nous disposerons également d’un état des lieux relatif aux indicateurs de mixité.
Nous partagerons toutes ces données – je m’y suis engagée auprès de M. le sénateur Chantrel ; elles nous permettront non pas, en l’espèce, de contrôler, mais de mieux savoir, sur la base d’éléments objectifs, ce que sont et ce que font les établissements privés sous contrat.
La mise à disposition des données dont je vous parle s’ajoute donc au déploiement et au développement des contrôles ; ces deux mesures fortes vont nous permettre d’objectiver la situation de ces établissements.
M. le président. La parole est à M. Jean Hingray.
M. Jean Hingray. M. le Premier ministre était, il y a quelques jours, dans le département des Vosges. Au cœur de son déplacement : le travail, le mérite, l’envie d’apprendre, d’apprendre à l’école, comme le voulait Jules Ferry ; ce n’est d’ailleurs pas pour rien que M. le Premier ministre s’est arrêté à Saint-Dié-des-Vosges pour rendre hommage à ce célèbre Vosgien.
Et pourtant, non loin de là, comme dans de nombreuses communes rurales et de montagne, à Girmont-Val-d’Ajol, l’école a fermé il y a bientôt vingt ans, et ce malgré l’action des municipalités successives. S’agit-il désormais d’une enclave sans école ? Non, car un projet d’école alternative a vu le jour depuis lors. Cette école n’est pas reconnue par l’État, mais elle respecte scrupuleusement les programmes académiques. Elle ne reçoit pas un centime de subvention, mais elle permet à de nombreux enfants de retrouver le chemin de l’enseignement.
Une étude de 2018 du Centre national d’étude des systèmes scolaires (Cnesco) sur les inégalités scolaires d’origine territoriale met en lumière l’inégalité d’accès à l’école due aux temps de transport : des temps de trajet trop longs peuvent être préjudiciables à la réussite scolaire.
Ainsi, madame la ministre, en application du principe de continuité du service public et compte tenu de la nécessité de maintenir une offre scolaire de proximité, ne faudrait-il pas envisager d’adapter la carte scolaire aux réalités territoriales, notamment dans les zones de montagne ? Pouvons-nous envisager la mobilisation de la loi Montagne (loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, modifiée par la loi du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne) pour éviter la suppression de postes et de classes dans ces zones ?
Je me permettrai pour conclure, madame la ministre, de relayer une proposition de l’Association des maires ruraux de France, qui préconise, au nom des principes d’égalité et d’inclusion, la création dans les communes de moins de 3 500 habitants de réseaux d’éducation prioritaire ruraux dotés de classes de plusieurs niveaux et disposant des mêmes droits que les réseaux d’éducation prioritaire. Qu’en dites-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Sabine Drexler applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Hingray, c’est un paradoxe que nous vivons : il y a quelque 35 000 communes et nous avons 48 220 écoles. Évidemment, à lire ces chiffres, on a le sentiment que l’adéquation pourrait être atteinte en matière de répartition des établissements. Pourtant, vous avez raison de le souligner, l’accès à l’enseignement dans les zones rurales et de montagne est un enjeu auquel nous devons nous montrer attentifs.
Des réponses adaptées aux territoires ruraux, qui ne sont certes pas complètement parfaites, ont été élaborées au cours des dernières années. Je pense notamment – j’en parlais tout à l’heure – à l’allocation progressive des moyens, qui tient compte de l’indice d’éloignement ; je pense également au programme Territoires éducatifs ruraux, dont bénéficient des écoliers et des collégiens ; je pense enfin – j’y reviens – à l’engagement du Président de la République. Voici ce qu’a déclaré Emmanuel Macron lors d’une conférence de presse le 25 avril 2019 : « Nous devons […] ne plus avoir, d’ici à la fin du quinquennat, de nouvelles fermetures, ni d’hôpitaux ni d’écoles, sans l’accord du maire. » Il y a là autant de mesures de soutien à la ruralité et aux zones de montagne.
Je rappelle également que, toujours au bénéfice de la ruralité, nous avons requalifié 3 000 places d’internat pour faciliter la scolarisation des élèves habitant dans les zones les plus reculées du territoire. Du reste, la loi Montagne prévoit des modalités spécifiques d’organisation scolaire dans les départements qui comprennent des zones de montagne.
Nous travaillons donc, dans chaque département concerné, à identifier les écoles ou les réseaux – vous en parliez, monsieur le sénateur, et votre proposition me semble tout à fait intéressante – qui justifient, parce qu’ils se situent en zone rurale ou de montagne, l’application de modalités spécifiques d’organisation ou l’allocation de moyens spécifiques.
C’est ainsi que nous essayons – avec, je l’espère, quelque chance de succès – de garantir l’égalité des chances entre l’ensemble des élèves.
Conclusion du débat
M. le président. En conclusion du débat, la parole est à Mme Colombe Brossel, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Mme Colombe Brossel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. En définitive, madame la ministre, pourquoi les élus socialistes ont-ils pris l’initiative de ce débat de contrôle ? Parce que l’opacité règne sur le financement de l’enseignement privé sous contrat ; et pourtant, l’État le finance bel et bien. Cela a été rappelé, les fonds publics représentent 76 % des financements de l’enseignement privé.
Dans son rapport de 2023, sur lequel je veux revenir, la Cour des comptes pointait un contrôle financier « largement inappliqué », un contrôle pédagogique « minimaliste » et un contrôle administratif qui n’est organisé par l’État que « de manière ponctuelle ». Que la Cour se montre aussi sévère, cela n’arrive pas tous les jours…
L’État ne contrôle donc pas assez au regard de ses obligations légales.
Madame la ministre, vous nous avez annoncé une montée en puissance des contrôles ; nous nous en félicitons. Mais vous avez fait état de dix contrôles financiers conduits en 2023, alors qu’il y a 7 500 établissements privés sous contrat dans notre pays : vous voyez bien que l’on n’est pas à la hauteur des enjeux.
Les nombreuses affaires médiatiques récentes ont mis en lumière des dérives dont on peut penser qu’elles présentent un caractère systémique. Bien sûr, je pense à l’établissement Stanislas et au rapport accablant de l’inspection générale de l’éducation nationale, où sont pointées de nombreuses dérives dans l’application du contrat avec l’État : obligation de suivre des heures d’enseignement catholique, classes non mixtes, activités séparées et genrées pour les filles et pour les garçons, jusqu’à des « faits susceptibles d’être qualifiés pénalement ».
Stanislas n’est toutefois qu’un exemple de ces dérives que nous finançons. Déjà, en 2022, la fédération de la formation et de l’enseignement privés de la CFDT (FEP-CFDT) alertait sur la réduction du temps consacré aux disciplines obligatoires au profit d’activités diverses ou à caractère religieux.
Vous nous avez dit que la proportion d’élèves scolarisés dans l’enseignement privé, donc l’équité du financement, n’avait pas changé depuis des années – c’est vrai – et qu’il n’y aurait donc pas matière à s’alerter. Il faut bel et bien admettre néanmoins que, depuis les années 2000, la ségrégation croissante dans l’enseignement privé est devenue une sorte de bombe à fragmentation sociale.
M. Pierre Ouzoulias. Absolument !
Mme Colombe Brossel. Alors que la loi Debré précise que tous les enfants, sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyance, peuvent avoir accès à l’enseignement privé, la ségrégation se renforce. J’y reviens, les chiffres des indices de position sociale que le Gouvernement a publiés en 2022 – après y avoir été contraint, faut-il le rappeler, par une décision de justice – ont mis en lumière le fossé social qui s’est creusé entre enseignement public et enseignement privé sous contrat : l’IPS moyen est de 74 dans les collèges classés REP+, de 106 dans les collèges publics hors éducation prioritaire, de 124 dans les collèges privés. Dans l’enseignement privé, les élèves issus de milieux favorisés ou très favorisés sont désormais majoritaires ; la part de ceux qui sont issus de milieux défavorisés a quant à elle diminué pour s’établir à 16 %.
C’est cette ségrégation, constitutive d’une forme de distorsion de concurrence vis-à-vis de l’enseignement public, qui s’impose aujourd’hui à notre attention.
Nous avons reçu de votre part quelques engagements, madame la ministre, mais non toutes les réponses que nous attendions.
Vous nous annoncez le recrutement de 60 ETP supplémentaires pour effectuer les contrôles ; mais il y a 30 académies dans notre pays ! En Normandie, par exemple, il y a un seul inspecteur académique pour contrôler quatre-vingt-neuf lycées et quatre collèges ; comment voulez-vous que les contrôles ne soient pas « ponctuels » ?
La question est la suivante : quand allez-vous enfin mettre en œuvre une véritable équité de traitement entre enseignement public et enseignement privé sous contrat ? Vous annoncez de nouvelles fermetures de classes et la baisse des dotations horaires globales (DHG) partout dans l’enseignement public, alors même que l’enseignement privé sera une fois de plus largement préservé. Pour quelle raison l’enseignement public absorberait-il seul la baisse démographique ?
M. Pierre Ouzoulias. Très bonne question !
Mme Colombe Brossel. Je ne vous ferai pas l’injure, madame la ministre, de vous renvoyer à la lecture de l’édition d’hier du journal Le Monde : on y trouve un compte rendu du bilan de l’impact à Paris de la réforme de la procédure d’affectation des lycéens, assorti des explications de l’un de ses auteurs, Julien Grenet, qui n’est quand même pas n’importe qui. Oui, le public est actuellement le seul à être mis à contribution : le privé, lui, ne l’est pas, et il s’agit d’une décision politique.
Il a beaucoup été question de ségrégation cet après-midi. Or cette absence d’équité pèse aussi financièrement sur les collectivités territoriales ; il va falloir avancer sur cette question, et, à cet égard, madame la ministre, nous avons pris comme un engagement les réponses que vous avez données à nos collègues de toutes les travées. Il y a un problème, c’est incontestable, et l’État ne peut pas continuer – pardonnez-moi de vous le dire ainsi – d’opposer aux collectivités territoriales la baisse démographique quand cela l’arrange tout en les laissant seules à gérer les difficultés financières qui découlent de cette baisse ; Karine Daniel et Bernard Fialaire l’ont parfaitement dit avant moi.
Un chiffre illustre parfaitement l’absence d’équité : selon le rectorat, un élève sur cinq scolarisé dans les collèges et lycées privés parisiens n’habite pas à Paris ; pourtant, le financement afférent pèse bel et bien sur la Ville.
J’en viens au « choc des savoirs », largement décrié par l’ensemble des communautés éducatives. Vous nous dites que vous ne laisserez pas l’enseignement privé sous contrat ne pas appliquer les réformes du Gouvernement ; compte tenu du refus exprimé publiquement par ses représentants de mettre en œuvre les mesures du choc des savoirs, je comprends que vous aurez une politique spécifique de contrôle, à la rentrée prochaine, pour garantir l’égalité de traitement et je vous remercie d’en avoir pris l’engagement !
M. Pierre Ouzoulias. Bien !
Mme Colombe Brossel. Madame la ministre – je l’ai dit –, à défaut d’avoir répondu à toutes nos questions, vous avez formulé quelques engagements. Vous vous êtes engagée à continuer de travailler à ces questions, mais ce sont surtout des actes que nous attendons. L’école publique a besoin de vous ; elle a besoin de moyens supplémentaires et elle a besoin de la confiance de l’État ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme Marie-Pierre Monier. Bravo !
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Enseignement privé sous contrat : quelles modalités de contrôle de l’État et quelle équité des moyens vis-à-vis de l’enseignement public ? »
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Statut de l’élu local
Suite de la discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local (proposition n° 263, texte de la commission n° 367, rapport n° 366).
Dans la discussion du texte de la commission, nous sommes parvenus, au sein du titre Ier, à l’article 2.
TITRE Ier (suite)
AMÉLIORER LE RÉGIME INDEMNITAIRE DES ÉLUS POUR RECONNAÎTRE LEUR ENGAGEMENT À SA JUSTE VALEUR
Article 2
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 2123-24 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi modifié :
– le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « Les adjoints au maire et les membres de délégation spéciale faisant fonction d’adjoint au maire perçoivent une indemnité de fonction fixée en appliquant au terme… (le reste sans changement). » ;
– la première ligne du tableau du second alinéa est ainsi rédigée :
« |
Population (habitants) |
Taux (en % de l’indice) |
» ; |
b) Le II est ainsi modifié :
– les mots : « maximum prévu au » sont remplacés par les mots : « montant calculé en application du » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Ce montant total est calculé sur la base du nombre maximal théorique d’adjoints que le conseil municipal peut désigner sur le fondement de l’article L. 2122-2 et, s’il en est fait application dans la commune, de l’article L. 2122-2-1, augmenté, le cas échéant, du nombre d’adjoints désignés sur le fondement de l’article L. 2122-3. » ;
– il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil municipal peut, par délibération, fixer une indemnité de fonction inférieure au barème ci-dessus, à la demande du maire. » ;
1° bis (nouveau) Le premier alinéa de l’article L. 2511-34 est ainsi modifié :
a) Le début est ainsi rédigé : « Les adjoints au maire et les membres de délégation spéciale faisant fonction d’adjoint perçoivent une indemnité de fonction égale à 72,5 %… (le reste sans changement). » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les conseils municipaux de Marseille et de Lyon peuvent, par délibération, fixer une indemnité de fonction inférieure à ce montant, à la demande du maire. » ;
1° ter (nouveau) L’article L. 2511-34-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– le début est ainsi rédigé : « Le maire ou le président de la délégation spéciale perçoit une indemnité de fonction égale à 192,5 %… (le reste sans changement). » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Le conseil de Paris peut, par délibération, fixer une indemnité de fonction inférieure à ce montant, à la demande du maire. » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
– le début est ainsi rédigé : « Les adjoints au maire ou les membres de la délégation spéciale perçoivent une indemnité de fonction égale à 128,5 %… (le reste sans changement). » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Le conseil de Paris peut, par délibération, fixer une indemnité de fonction inférieure à ce montant, à la demande du maire. » ;
2° L’article L. 3123-17 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– le début de la première phrase est ainsi rédigé : « Le président de conseil départemental perçoit une indemnité de fonction égale au terme de référence… (le reste sans changement). » ;
– après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le conseil départemental peut, par délibération, fixer une indemnité de fonction inférieure à ce montant, à la demande du président de conseil départemental. » ;
– au début de la seconde phrase, le mot : « Elle » est remplacé par les mots : « Cette indemnité » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
– le début est ainsi rédigé : « Les vice-présidents ayant délégation de l’exécutif du conseil départemental perçoivent une indemnité de fonction égale à l’indemnité maximale… (le reste sans changement). » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Le conseil départemental peut, par délibération, fixer une indemnité de fonction inférieure à ce montant, à la demande du président de conseil départemental. » ;
2° bis (nouveau) L’article L. 3632-4 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– le début de la première phrase est ainsi rédigé : « Le président du conseil de la métropole perçoit une indemnité de fonction égale au terme de référence… (le reste sans changement). » ;
– après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le conseil de la métropole peut, par délibération, fixer une indemnité de fonction inférieure à ce montant, à la demande du président du conseil de la métropole. » ;
– au début de la seconde phrase, le mot : « Elle » est remplacé par les mots : « Cette indemnité » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
– le début est ainsi rédigé : « Les vice-présidents ayant délégation de l’exécutif du conseil de la métropole perçoivent une indemnité de fonction égale à l’indemnité maximale… (le reste sans changement). » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Le conseil de la métropole peut, par délibération, fixer une indemnité de fonction inférieure à ce montant, à la demande du président de conseil départemental. » ;
3° L’article L. 4135-17 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– le début de la première phrase est ainsi rédigé : « Le président de conseil régional perçoit une indemnité de fonction égale au terme de référence… (le reste sans changement). » ;
– après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le conseil régional peut, par délibération, fixer une indemnité de fonction inférieure à ce montant, à la demande du président de conseil régional. » ;
– au début de la seconde phrase, le mot : « Elle » est remplacé par les mots : « Cette indemnité » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
– le début est ainsi rédigé : « Les vice-présidents ayant délégation de l’exécutif du conseil régional perçoivent une indemnité de fonction égale à l’indemnité maximale… (le reste sans changement). » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Le conseil régional peut, par délibération, fixer une indemnité de fonction inférieure à ce montant, à la demande du président de conseil régional. » ;
4° (nouveau) Le premier alinéa de l’article L. 5211-12 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les présidents et vice-présidents des communautés de communes, des communautés urbaines, des communautés d’agglomération et des métropoles perçoivent une indemnité de fonction dont le montant est déterminé par décret en Conseil d’État par référence au montant du traitement correspondant à l’indice brut terminal de l’échelle indiciaire de la fonction publique. L’organe délibérant peut, par délibération, fixer une indemnité de fonction inférieure au montant prévu par ce décret en Conseil d’État, à la demande du président.
« L’indemnité versée au président du conseil d’une métropole, d’une communauté urbaine de 100 000 habitants et plus, d’une communauté d’agglomération de 100 000 habitants et plus et d’une communauté de communes de 100 000 habitants et plus peut être majorée de 40 % par rapport au montant fixé en application de la première phrase du premier alinéa, à condition que ne soit pas dépassé le montant total des indemnités maximales susceptibles d’être allouées aux membres de l’organe délibérant hors prise en compte de ladite majoration.
« Les indemnités maximales votées par le conseil ou comité d’un syndicat de communes sont déterminées par décret en Conseil d’État par référence au montant du traitement correspondant à l’indice brut terminal de l’échelle indiciaire de la fonction publique. » ;
5° (nouveau) L’article L. 7125-20 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– la première phrase est ainsi rédigée : « Le président de l’assemblée de Guyane perçoit une indemnité de fonction égale à 145 % du terme de référence mentionné à l’article L. 7125-17. » ;
– après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « L’assemblée de Guyane peut, par délibération, fixer une indemnité de fonction inférieure à ce montant, à la demande du président de l’assemblée de Guyane. » ;
– au début de la seconde phrase, le mot : « Elle » est remplacé par les mots : « Cette indemnité » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Les vice-présidents ayant reçu délégation de l’exécutif de l’assemblée de Guyane perçoivent une indemnité de fonction égale à 57,6 % du terme de référence mentionné à l’article L. 7125-17. L’assemblée de Guyane peut, par délibération, fixer une indemnité de fonction inférieure à ce montant, à la demande du président de l’assemblée de Guyane. » ;
6° (nouveau) L’article L. 7227-20 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– la première phrase est ainsi rédigée : « Le président de l’assemblée de Martinique perçoit une indemnité de fonction égale à 145 % du terme de référence mentionné à l’article L. 7227-17. » ;
– après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « L’assemblée de Martinique peut, par délibération, fixer une indemnité de fonction inférieure à ce montant, à la demande du président de l’assemblée de Martinique. » ;
– au début de la seconde phrase, le mot : « Elle » est remplacé par les mots : « Cette indemnité » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Les vice-présidents perçoivent une indemnité de fonction égale à 72 % du terme de référence mentionné à l’article L. 7227-17. L’assemblée de Martinique peut, par délibération, fixer une indemnité de fonction inférieure à ce montant, à la demande du président de l’assemblée de Martinique. » ;
7° (nouveau) L’article L. 7227-21 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– la première phrase est ainsi rédigée : « Le président du conseil exécutif de Martinique perçoit une indemnité de fonction égale à 145 % du terme de référence mentionné à l’article L. 7227-17. » ;
– après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « L’assemblée de Martinique peut, par délibération, fixer une indemnité de fonction inférieure à ce montant, à la demande du président du conseil exécutif. » ;
– au début de la seconde phrase, le mot : « Elle » est remplacé par les mots : « Cette indemnité » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Les conseillers exécutifs perçoivent une indemnité de fonction égale à 72 % du terme de référence mentionné à l’article L. 7227-17. L’assemblée de Martinique peut, par délibération, fixer une indemnité de fonction inférieure à ce montant, à la demande du président du conseil exécutif. »
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, sur l’article.
M. Éric Kerrouche, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Avant d’aborder l’examen des amendements à l’article 2, je veux, madame la ministre, vous interpeller sur un point important.
Nous avons vu au cours d’un débat hier soir qu’il convenait de circonscrire au mieux les possibilités de baisse de l’indemnité des élus. Au cours des auditions que nous avons menées, une hypothèse a été évoquée par la direction générale des collectivités locales (DGCL), qui consisterait à créer trois enveloppes : l’une comporterait l’indemnité des maires ; une autre concernerait les adjoints ; une dernière s’adresserait uniquement aux conseillers délégués et aux conseillers municipaux.
Cette solution présenterait l’avantage de sanctuariser l’indemnité des maires, qui ne devraient plus diminuer leur indemnité pour augmenter celle des adjoints ; nous avons d’ailleurs trouvé une solution pour ce point particulier. En outre, cela apporterait une plus grande clarté sur cette question.
Quel est votre avis sur cette hypothèse de division, que nous n’avons pas pu mettre en œuvre en raison de l’application des règles que vous connaissez ? Le Gouvernement pourrait-il étudier cette difficulté particulière ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le rapporteur, vous évoquez l’idée que puissent être créées trois enveloppes – une pour les maires, une pour les adjoints, une pour les conseillers délégués et conseillers municipaux – et vous sollicitez mon avis à ce sujet. (M. le rapporteur le confirme.)
Pour ce qui me concerne, je suis pour que les conseillers municipaux, même sans délégation, puissent bénéficier d’un minimum partout en France. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – M. Laurent Burgoa applaudit également.)
Mmes Cécile Cukierman et Céline Brulin. Il faudra lever le gage sur les amendements !
M. Laurent Burgoa. Il faudra des sous ! Allez voir M. Le Maire !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Ne faisons pas le débat avant le débat, mesdames, messieurs les sénateurs ! Permettez-moi de répondre à l’interrogation de M. le rapporteur !
De même, je suis d’avis que les conseillers délégués puissent bénéficier d’une indemnité minimale liée au fait qu’ils portent une délégation du maire.
Vous m’interrogez en outre sur la constitution de trois enveloppes. Je dois vous avouer que je ne suis pas suffisamment compétente – surtout par rapport à vous, monsieur le rapporteur – sur l’opportunité de créer trois enveloppes plutôt qu’une seule.
Pour ma part, je suis assez favorable à l’existence d’un plafond pour le conseiller municipal, le conseiller délégué, l’adjoint et le maire. En l’absence de délégation, dans l’enveloppe qui couvrirait toutes ces indemnités – il ne s’agit pas de montants énormes –, tout le monde serait au plafond et ce n’est qu’au travers d’une délibération, donc avec l’accord du conseil municipal, que le maire pourrait réajuster les montants des différentes indemnités.
Pour revenir au mécanisme des trois enveloppes, je ne puis que m’engager à vous donner mon éclairage après avoir pris, comme vous vous en doutez, l’attache de la DGCL. En tout état de cause, ce mécanisme me paraît extrêmement compliqué. À l’heure où, je crois, nous essayons collectivement de simplifier les choses, je veux explorer les voies par lesquelles nous pourrions répondre à votre demande avec la souplesse que vous appelez de vos vœux tout en procédant à une simplification administrative.
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, sur l’article.
M. Simon Uzenat. J’ai écouté avec beaucoup d’attention votre réponse, madame la ministre ; elle va dans le sens de ce que je m’apprêtais à dire.
Dans le prolongement des débats intéressants que nous avons eus en séance hier soir – à propos notamment de l’amendement de notre collègue Joyandet, qui l’a finalement retiré –, on constate que, petit à petit, chacun finit par promouvoir le statut d’agent civique territorial que nous avons préconisé. En effet, votre réponse sur les plafonds automatiques pour les différentes catégories d’élus, madame la ministre, va, d’une certaine manière, dans cette direction. Bien évidemment, nous nous en réjouissons.
Au-delà de cela, si nous pouvons avoir des différences d’interprétation au sujet de l’indemnisation des élus, le fait que les élus ne sont pas rémunérés est une réalité objective : ils sont indemnisés. Et, dans un certain nombre de cas, ces indemnités ne sont pas considérées comme des revenus, en particulier par les organismes bancaires ; nous aurons l’occasion d’en reparler à l’occasion de l’examen d’un prochain article. Aussi, quand l’élu décide de diminuer son temps de travail ou, s’il est travailleur indépendant, de facturer moins, à due concurrence de l’indemnité perçue, les banques ne considèrent pas qu’il continue, globalement, de percevoir la même somme chaque mois ! Cela met alors en difficulté l’élu, sa famille et leurs projets. La réflexion sur le statut de l’élu et sur les revenus qu’il perçoit nécessite donc des évolutions significatives.
Par conséquent, madame la ministre, je prends acte de votre réponse ; j’espère qu’elle permettra de dessiner des évolutions plus ambitieuses.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l’article.
M. Ronan Dantec. Je me félicite que nous essayions d’avancer sur ce sujet, que nous avons commencé d’aborder hier soir.
Il y a en réalité deux débats différents.
Il y a d’abord un débat sur le niveau des indemnités et sur leur répartition éventuelle en plusieurs enveloppes ; j’ai entendu les propos de Mme la ministre à ce sujet.
Mais il y a ensuite un autre débat, qui a donné lieu hier soir à des échanges de grande qualité et à des interventions extrêmement claires et nourries d’exemples des travées centristes aux travées communistes, sur le fait de sortir ou non la question du niveau des indemnités du débat politique des élections municipales. Une majorité des sénateurs présents dans l’hémicycle y était résolument favorable, même si la voix des absents a fini par l’emporter ; c’est le jeu naturel du scrutin public, qui est de droit.
Hier soir, Mme la rapporteure a voulu nous rassurer, en soutenant que l’article 2 répondait à nos questions, mais ce n’est pas du tout le cas ! (Si ! au banc des commissions.) L’article 2 prévoit que, sur décision du conseil municipal, ces indemnités peuvent être réduites. Autrement dit, une liste pourra toujours faire campagne sur la réduction des indemnités !
Or ce n’est absolument pas ce que nous proposons, il faut être très clair ! Il peut, à la limite, y avoir un débat interne sur la répartition des indemnités entre les adjoints et le maire suivant la situation des uns et des autres, sans changer le montant global de l’enveloppe, mais celle-ci ne saurait en aucun cas être bougée ! Ce principe est extrêmement important.
Je crois que ce point recueillait, hier soir, l’assentiment d’une majorité des sénateurs présents dans l’hémicycle, mais, je le répète, ce n’est pas ce que permet l’article 2, tel qu’il est rédigé. Mon collègue Guillaume Gontard avait déposé un amendement tendant à supprimer cette possibilité de baisser le montant des indemnités, mais cet amendement est malheureusement tombé sous le coup de l’article 40 ; nous ne pourrons donc même pas en débattre.
En tout état de cause, entendez ce que nous avons dit hier soir, madame la ministre, et proposez-nous une dotation spécifique qui ne puisse être modifiée, afin de sortir la question des indemnités du débat politique. (M. Guy Benarroche applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, sur l’article.
M. Pierre-Alain Roiron. Cet article me semble marquer une évolution positive. En effet, la disparition des discussions de début de mandat sur le niveau des indemnités va dans le bon sens. Il faut dire les choses très clairement ! (Oui ! au banc des commissions.) De fait, ces discussions suscitent de véritables crispations, juste après celles qu’ont déjà engendrées les élections municipales.
Il conviendrait, comme cela vient d’être évoqué, de différencier plusieurs niveaux d’enveloppes, et, à tout le moins, de figer l’enveloppe globale, de l’empêcher d’être modifiée selon les volontés. À mes yeux, la situation actuelle ne sert vraiment pas la démocratie ; au contraire, elle alimente la démagogie.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Tout d’abord, madame la ministre, je veux répéter ce que j’ai déjà indiqué hier : l’article 40 de la Constitution nous empêche d’avoir un certain nombre de débats.
Je suis donc heureuse de vous entendre sur la question de l’opportunité d’indemniser les élus de manière proportionnelle et différenciée. Je crois que nous en sommes tous convaincus, mais, n’ayant pu déposer d’amendements sur ce sujet, nous ne pouvons en débattre…
Est-ce pertinent ? Faut-il une, deux ou trois enveloppes ? Quel est le montant approprié ? Telles sont les questions qu’il conviendrait de se poser.
Vous nous annoncez, ce soir, que vous êtes favorable à cette différenciation, mais on va en rester aux bonnes intentions et, un jour peut-être, nos descendants en verront la traduction législative…
Sans vouloir rouvrir le débat d’hier soir, je note que les interventions des uns et des autres paraissent avoir fait l’objet de mauvaises interprétations. Oui, il y a un débat. Pour ma part, je ne fais pas partie de ceux qui veulent fonctionnariser les élus. Cependant, nous sommes confrontés à une réalité : il existe, au moment de l’entrée dans le mandat, une discussion inacceptable sur le montant de l’indemnité au regard de l’engagement démocratique. À cette situation, madame la ministre, il nous faut, dans ce texte ou dans un autre, répondre concrètement et rapidement, pas dans dix ans ! Il faut le faire non pas pour nous, parlementaires, mais pour les élus locaux actuels et à venir.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, sur l’article.
M. Jean-Marie Mizzon. Alors que nous en sommes encore au début de l’examen de ce texte, qui ambitionne de favoriser l’engagement de nos concitoyens et de faire vivre la démocratie et qui va dans le bon sens, je veux rappeler que la proposition de loi ne parle pas à un certain nombre d’élus ou de candidats potentiels. Je pense en particulier à ceux que l’on appelle les travailleurs frontaliers et transfrontaliers.
M. André Reichardt. Tout à fait !
M. Jean-Marie Mizzon. Ces derniers ne sont pas du tout concernés par ce texte, puisque, je vous le rappelle, madame la ministre, ils ne bénéficient même pas des dispositions qui existent déjà ! C’est bien de s’occuper de l’avenir pour l’ensemble de la population, mais ceux-là n’ont rien, ni crédit d’heures ni autorisation d’absence. Or ils sont nombreux ! On en trouve dans beaucoup de départements, singulièrement dans le mien, qui est frontalier avec le Luxembourg et l’Allemagne. Et – ce n’est pas mon collègue Michaël Weber qui me démentira –, ces gens se sentent un peu oubliés.
Madame la ministre, c’est à vous et au Gouvernement qu’il appartient de prendre l’attache des pays concernés pour trouver des solutions. Ces pays, singulièrement le Luxembourg et l’Allemagne, ont prévu des droits pour leurs élus ; ils sont même parfois en avance sur nous. Il faudrait que nous obtenions pour nos travailleurs frontaliers des droits comparables ou au moins équivalents à ceux qui existent dans notre pays. Il y a là un vaste travail !
Madame la ministre, dans certaines communes de mon département, près de 90 % de la population travaille de l’autre côté de la frontière. Le risque est grand qu’en 2026 aucun candidat ne se présente dans ces communes ! Il est donc urgent de trouver une solution. (Applaudissements sur des travées du groupe UC. – M. Michaël Weber applaudit également.)
M. André Reichardt. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur, sur l’article.
Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Hier soir, au cours du débat important qui a eu lieu, nous avons dit que nous apporterions des réponses via l’article 2 ; notre collègue Éric Kerrouche le fera.
Sans doute, chacun doit pouvoir s’exprimer sur ce texte, qui est très important, et nous pouvons effectivement être frustrés de ne pas voir nos visions respectives l’emporter. Je rappelle néanmoins que nous avons 227 amendements à examiner et, même si, je n’en doute pas, nous serons nombreux demain voire vendredi pour continuer la discussion de cette proposition de loi, il me semble souhaitable que le plus grand nombre d’entre nous participe à l’ensemble des débats. Je rappelle qu’il y a notamment tout un volet du texte sur la responsabilité pénale.
Je veux pour ma part resituer le contexte de cette proposition de loi.
Chacun de vous sait que nous avons travaillé de manière transpartisane et œcuménique pour encourager, faciliter, sécuriser, donner envie. Une question se pose alors : devons-nous élaborer un statut de fonctionnaire pour les maires ? Le Sénat a fait le choix – c’est aussi la position des associations – de ne pas s’engager aujourd’hui dans cette voie. Comme je l’ai dit hier, si nous remplaçons les maires et les exécutifs par des fonctionnaires, il en résultera un coût de 3,5 milliards d’euros. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Personne n’a proposé cela, madame Gatel !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ce serait faire le choix de fonctionnaires extrêmement compétents, au lieu de l’engagement bénévole. Je respecte cette idée, mais ce n’est pas le parti que nous avons pris et qu’a validé la commission des lois.
Pour ce qui concerne, par ailleurs, les indemnités, nous avons voulu, mes chers collègues, apaiser votre anxiété, que je partage pour avoir été maire. De fait, il n’est pas acceptable que, lors du premier conseil municipal, l’opposition ridiculise ceux qui auront « osé » voter des indemnités ou dénonce ce vote comme honteux, espérant que la presse s’en fasse l’écho !
Nous proposons donc que l’indemnité du maire soit sacralisée, c’est-à-dire qu’elle ne soit pas discutable. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.) C’est clair ! Deuxièmement, nous proposons qu’il en soit de même pour les adjoints. (Marques d’approbation sur les mêmes travées.) Troisièmement, mes chers collègues, nous sommes tous ici des élus locaux et nous n’arrêtons pas de dire qu’il faut permettre aux élus locaux de s’administrer et de s’adapter à des différenciations. Je ne suis donc pas favorable à ce que l’on corsète et que l’on prévoie les mêmes règles pour les 35 000 communes de France !
Vous comme moi, nous avons entendu des maires qui ne souhaitent pas utiliser leur quota d’adjoints et préfèrent s’entourer d’élus délégués. Nous permettons donc au conseil municipal, et non simplement au maire, d’indemniser, s’il le souhaite, des conseillers délégués.
Vous jugerez tout à l’heure si nous répondons à votre préoccupation, mais je voulais vraiment vous rassurer sur la logique qui a été la nôtre.
Dernier point, même si je ne pensais pas le dire dès maintenant – ce sera fait –, madame la ministre, vous nous proposez que tous les élus municipaux soient indemnisés. Je le comprends. Pour notre part, nous avons mis en place des frais de garde et élargi les frais de déplacement, y compris pour les étudiants. Très sincèrement, je ne suis pas certaine que l’on pourra verser 40 euros par mois à tous les conseillers municipaux ni que cela leur donnera l’impression d’être reconnus !
Voilà ce que je voulais vous dire avant que nous ne passions à l’examen de l’article 2, qui répond, je crois, mes chers collègues, à vos questions. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Olivier Bitz applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, sur l’article.
Mme Nathalie Delattre. Mme la rapporteure a dit l’essentiel de ce que je souhaitais dire.
Je tenais à me féliciter du contenu de cet article 2.
Comme le groupe du RDSE l’a indiqué lors de la discussion générale, cette proposition de loi comporte des mesures qui visent à améliorer la vie des élus, mais ne crée pas encore un statut, malgré son intitulé.
Il n’en reste pas moins qu’une demande émane de plus en plus fortement du terrain pour que soit mis un terme à la discussion des indemnités de fonction. Personne ne discute en public de ses indemnités, personne ! Il n’y avait donc pas de raison que les élus le fassent, d’autant que les nouveaux élus étaient souvent très mal à l’aise avec ces questions. Certains ont même été poussés par l’opposition à renoncer à leurs indemnités, sans se rendre compte que leur fonction s’exercerait quasiment à plein temps et que ces indemnités étaient vraiment le minimum que l’on pouvait leur donner.
Je veux donc saluer tant l’article 2, qui a été proposé par Mme la ministre, que les amendements que nous allons examiner, qui permettent effectivement de répondre aux légitimes préoccupations de nos élus de terrain.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, sur l’article.
Mme Céline Brulin. Nous devons pouvoir avoir ces débats sur le statut et l’indemnisation des élus sans s’accuser de vouloir tout fonctionnariser.
Lorsque le groupe CRCE-K avait déposé une proposition de loi sur le statut de l’élu – c’était en juin 2019, me semble-t-il –, il avait déjà été victime, je m’en souviens, de cette accusation et il avait eu beaucoup de mal à faire entendre que l’on pouvait tout à fait travailler sur un statut de l’élu sans considérer que tous les élus devaient devenir des fonctionnaires. Je constate que, depuis lors, les choses ont cheminé. C’est très bien, même s’il est dommage que ce soit à la faveur des difficultés que connaissent nos élus aujourd’hui.
Nombre des amendements que nous avons présentés ont été déclarés irrecevables.
Notre collègue Uzenat a indiqué il y a quelques instants que les indemnités n’étaient pas considérées comme des revenus par les banques. À l’inverse, elles le sont pour l’étude des demandes de prestations sociales : un certain nombre d’élus sont ainsi privés des aides personnelles au logement (APL) ou de l’allocation aux adultes handicapés dès lors qu’ils perçoivent des indemnités. Une indemnisation, c’est un dédommagement pour un engagement. Ce n’est rien d’autre que cela ! Il me semble donc, madame la ministre, qu’il faudrait travailler pour que les élus qui ont droit à des prestations sociales puissent continuer de les percevoir.
Enfin, il me semble effectivement qu’il faut aller vers un dédommagement, une indemnité, pour tous les élus, y compris les conseillers municipaux. Cela coûterait peut-être un peu d’argent, madame la rapporteure, mais ces sommes doivent être à la discrétion des élus, qui, aujourd’hui, en sont de leur poche pour des tas de choses, comme un plein d’essence. (Mme le rapporteur le conteste.)
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Céline Brulin. Le législateur n’a pas à dire que l’on va rembourser les frais de garde et de transport. Les indemnités doivent être à la discrétion des élus, en fonction de leurs besoins. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains, qui couvrent la voix de l’oratrice.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.
M. Guillaume Gontard. Je souhaite revenir sur ce que nous a dit Mme la rapporteure.
En effet, nous avons eu, hier soir, un débat intéressant sur la question des indemnités du maire et des adjoints et sur leur fixité, en tout cas sur le fait que l’on ne puisse plus y revenir.
Vous nous avez expliqué, madame la rapporteure, que les dispositions de l’article 2 nous permettraient justement de répondre à ces demandes. Je vous ai écoutée attentivement il y a quelques instants et, à vous entendre, le problème serait réglé : le maire aura son indemnité fixée et l’on ne pourra plus y revenir.
Cependant, on voit bien que le dispositif de l’alinéa 11 de l’article 2 de la commission – « le conseil municipal peut, par délibération, fixer une indemnité de fonction inférieure au barème ci-dessous, à la demande du maire » – ne règle nullement le problème. Cette rédaction maintient la possibilité, pour les maires qui le peuvent – et ils en auront la tentation – de jouer sur cette indemnité, de la baisser et d’en faire un enjeu électoral. C’est tout le débat que nous avons eu hier soir. Il est donc vraiment dommage que nous ne puissions pas aller plus loin.
Nous avions déposé un certain nombre d’amendements qui ont été « éjectés » au titre de l’article 40 de la Constitution, ce qui est très dommage.
Par conséquent, j’aimerais que Mme Gatel nous réexplique comment elle voit les choses, parce que ce n’est pas tout à fait ce qui est écrit dans le texte de la commission.
M. le président. Nous allons passer à l’amendement de la commission (Expressions de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.)
L’amendement n° 408, présenté par Mmes Eustache-Brinio et Gatel et M. Kerrouche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…°À la première phrase du I de l’article L. 2123-20-1, les mots : « de l’indemnité du maire » sont remplacés par les mots : « des indemnités du maire et des adjoints au maire » ;
II. – Alinéa 17
Après le mot :
maire
ajouter les mots :
de Paris
III. – Après l’alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…°Au premier alinéa de l’article L. 3123-15-1, après les mots : « de ses membres », sont insérés les mots : « , à l’exception des indemnités du président et des vice-présidents, » ;
IV. – Après l’alinéa 29
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…°L’article L. 3632-2 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « , à l’exception des indemnités du président du conseil de la métropole et des vice-présidents ayant délégation de l’exécutif du conseil de la métropole » ;
b) Au deuxième alinéa, après les mots : « de ses membres », sont insérés les mots : « , à l’exception des indemnités du président du conseil de la métropole et des vice-présidents ayant délégation de l’exécutif du conseil de la métropole, » ;
V. – Après l’alinéa 37
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Au premier alinéa de l’article L. 4135-15-1, après les mots : « de ses membres », sont insérés les mots : « , à l’exception des indemnités du président et des vice-présidents, » ;
VI. – Après l’alinéa 49
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…°Au troisième alinéa de l’article L. 5211-12, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « quatrième » ;
… Au quatrième alinéa de l’article L. 5211-12, après les mots : « de ses membres », sont insérés les mots : « , à l’exception des indemnités des présidents et vice-présidents des communautés de communes, des communautés urbaines, des communautés d’agglomération et des métropoles, » ;
… Au premier alinéa de l’article L. 7125-18, après les mots : « de ses membres », sont insérés les mots : « , à l’exception des indemnités du président et des vice-présidents ayant reçu délégation de l’exécutif, » ;
VII. – Après l’alinéa 56
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…°Au premier alinéa de l’article L. 7227-18, après les mots : « de ses membres », sont insérés les mots : « , à l’exception des indemnités du président et des vice-présidents, » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Je rappelle que cette proposition de loi a été construite collectivement, que nous avons essayé, pour chacune des mesures, de trouver celle qui nous semblait la plus opérationnelle, la plus concrète, pour traiter les situations du quotidien auxquelles sont confrontés les élus locaux.
Parmi ces solutions qui nous ont paru extrêmement pratiques, il y a celle qui vous est proposée à l’article 2.
Le présent amendement vise tout simplement à rendre opérationnel le principe selon lequel les indemnités de fonction des exécutifs locaux sont fixées, par défaut, à leur maximum légal. Bien entendu, il sera possible de les baisser (Protestations sur les travées du groupe GEST.), mais c’est une liberté des conseils municipaux.
À cet égard, je vous rappelle, mes chers collègues, que, lorsque nous avions privé les maires de cette latitude de baisser les indemnités, ce sont les associations d’élus elles-mêmes qui ont demandé un correctif.
M. Guillaume Gontard. Mais pour des raisons financières, évidemment !
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Je puis vous l’assurer, monsieur Gontard !
En l’espèce, il nous semble que cette solution est la plus opérationnelle. Elle permettra d’éviter d’avoir en début de mandat cette réunion – d’une grande intelligence… (Sourires.) – que nous connaissons tous et dont, effectivement, nous nous abstiendrions bien !
M. André Reichardt. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement. (Très bien ! sur le banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. M. le rapporteur a été extrêmement clair sur notre désaccord.
L’amendement que j’ai présenté hier soir…
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Nous n’allons pas y revenir encore !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Nous avons voté !
M. Ronan Dantec. … a été élaboré à la suite de plusieurs réunions avec les maires de la Loire-Atlantique, qui ont déclaré souhaiter être dégagés de ce débat politique.
Il n’est pas vrai qu’une majorité de maires veulent absolument garder une capacité à baisser la charge globale des indemnités dans les frais de fonctionnement.
Mmes Anne-Marie Nédélec et Pauline Martin. Si !
M. Ronan Dantec. Les indemnités pèsent trop lourd dans le débat. Une prime sera toujours donnée à la liste qui promettra de baisser la globalité de l’enveloppe. Il faut sortir de cette situation !
Mme la rapporteure Gatel nous a fait, hier, une proposition intéressante – voyez comme j’essaie d’être constructif, mes chers collègues –, on pourrait peut-être partir de cette base, madame la ministre : il s’agirait de faire en sorte que la dotation particulière relative aux conditions d’exercice des mandats locaux, dite « dotation particulière élu local » (DPEL), profite non plus seulement aux petites communes, mais à la totalité de celles-ci, avec un volant d’indemnité fixé. On pourrait laisser aux conseils municipaux le soin de répartir l’enveloppe entre les maires, les adjoints, les délégués, mais ce n’est pas du tout la même chose que de baisser l’enveloppe globale !
Un tel dispositif est envisageable, peut-être tout simplement en faisant évoluer la DPEL, mais, comme nous le disent les maires sur le terrain – ma proposition est le fruit de plusieurs réunions que nous avons organisées avec eux –, il faut absolument sortir du débat politique des élections municipales l’enveloppe globale des indemnités et des frais de fonction.
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
Un sénateur du groupe Les Républicains. C’est un dialogue de sourds !
M. Grégory Blanc. Je veux juste apporter un correctif.
La plupart des associations d’élus ont effectivement demandé de conserver la possibilité de revoir les indemnités du maire, voire des adjoints, mais dans le cadre de l’enveloppe, pour bénéficier d’une forme de souplesse à l’égard des conseillers délégués.
Cependant, ce que nous cherchons à faire, c’est à nous projeter vers un statut de l’élu « mieux disant » que celui qui est soumis au travers du présent texte. Comme le disait à l’instant mon collègue Dantec, le véritable enjeu est bien évidemment de pouvoir sortir cette question des indemnités du débat politique, voire politicien. Les associations d’élus demandent de la souplesse, mais sous réserve de rester dans le cadre d’une enveloppe. Nous devons absolument sortir du carcan actuel, raison pour laquelle nous devons supprimer cette possibilité de délibération.
Si cette proposition de loi est un « texte d’appel », il paraît juste que nous cherchions à nous projeter vers l’avenir et, pour aller vers l’avenir, il faut d’abord que l’on en arrête avec ces débats qui polluent l’entrée dans le mandat de chaque majorité.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 120 rectifié, présenté par MM. Somon et Khalifé, Mme Petrus, M. Klinger, Mmes Gosselin et Lavarde, MM. Burgoa, Gremillet et Cambon, Mme Deseyne, M. J.B. Blanc, Mme Joseph, M. Milon, Mme Belrhiti, M. Sautarel, Mmes Dumont et Gruny, M. Pernot, Mme Nédélec, MM. Belin, Brisson, Gueret et C. Vial, Mmes Lopez et Bonfanti-Dossat et M. Meignen, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 3 à 8
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéas 10 et 11
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Laurent Somon.
M. Laurent Somon. Cet amendement tend à supprimer l’extension aux adjoints du principe de fixation par défaut des indemnités de fonction au maximum légal, afin de garantir l’indemnisation des conseillers simples et délégués et de faciliter les discussions lors de l’adoption des délibérations indemnitaires.
Dans le contexte actuel, l’enveloppe indemnitaire globale, calculée en fonction du nombre maximum théorique d’adjoints, ne laisserait aucune marge de manœuvre pour indemniser les conseillers municipaux simples ou délégués lorsque le nombre maximum d’adjoints a été élu.
Si cet amendement était adopté, le maire ne craindrait plus de recourir au dispositif, ce qui faciliterait le fonctionnement du conseil municipal, valoriserait l’engagement citoyen et, surtout, éviterait de créer des tensions au sein du conseil municipal, assurant ainsi une unité plus favorable à son fonctionnement, dont notre collègue Karoutchi a souligné l’importance.
M. le président. L’amendement n° 33 rectifié ter, présenté par Mme Noël, MM. Paccaud, Houpert, H. Leroy et Genet, Mmes Berthet et Muller-Bronn, MM. Pellevat, D. Laurent et J.B. Blanc et Mmes Nédélec et Lopez, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Supprimer les mots :
et les membres de délégation spéciale faisant fonction d’adjoint au maire
II. – Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le I, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Les indemnités votées par les conseils municipaux pour l’exercice effectif des fonctions de membre de délégation spéciale faisant fonction d’adjoint sont déterminées en appliquant au terme de référence mentionné à l’article L. 2123-20 le barème suivant :
«
Population (habitants) |
Taux maximal (en % de l’indice) |
Moins de 500 |
4,95 |
De 500 à 999 |
5,35 |
De 1000 à 3 499 |
9,9 |
De 3 500 à 9 999 |
11 |
De 10 000 à 19 999 |
13,75 |
De 20 000 à 49 999 |
16,5 |
De 50 000 à 99 999 |
44 |
De 100 000 à 200 000 |
33 |
Plus de 200 000 |
36,25 |
» ;
La parole est à Mme Sylviane Noël.
Mme Sylviane Noël. Cet amendement vise à supprimer les membres de la délégation spéciale faisant fonction d’adjoint au maire de l’assiette du calcul des indemnités versées aux adjoints. En effet, un tel dispositif serait de nature à garantir une meilleure indemnisation.
M. le président. L’amendement n° 407, présenté par Mmes Eustache-Brinio et Gatel et M. Kerrouche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 6
Rédiger ainsi ces alinéas :
- le tableau du second alinéa est ainsi rédigé :
«
Population (habitants) |
Taux (en % de l’indice) |
Moins de 500 |
10,9 |
De 500 à 999 |
11,8 |
De 1 000 à 3 499 |
21,8 |
De 3 500 à 9 999 |
24,3 |
De 10 000 à 19 999 |
30,3 |
De 20 000 à 49 999 |
36,4 |
De 50 000 à 99 999 |
48,5 |
De 100 000 à 200 000 |
72,8 |
Plus de 200 000 |
80 |
» ;
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 120 rectifié et 33 rectifié ter.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. L’amendement n° 407 est défendu, monsieur le président.
Les dispositions de l’amendement n° 120 rectifié vont à l’encontre de la position que nous venons de défendre, à savoir fixer les indemnités à leur montant maximum. Eu égard à l’ensemble des débats que nous avons eus, la mesure retenue par la commission nous semble relever du bon sens.
En conséquence, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Quant à l’amendement n° 33 rectifié ter, son adoption aurait pour effet de réduire de moitié les indemnités de fonction versées aux membres d’une délégation spéciale faisant office d’adjoints au maire, ce qui, là encore, est contraire à notre objectif.
J’émets donc également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Les amendements nos 120 rectifié et 33 rectifié ter ne sont pas cohérents avec les dispositions que vous venez de voter, mesdames, messieurs les sénateurs. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 407, nous nous en remettons à la sagesse du Sénat.
M. Laurent Somon. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 120 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 33 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 163 rectifié, présenté par MM. Buval, Iacovelli, Patient et Théophile, Mme Schillinger et MM. Lemoyne et Mohamed Soilihi, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2024, un rapport afin d’étudier les voies et moyens pour ouvrir droit pour tous les élus locaux à une indemnité de fonction de base.
La parole est à M. Frédéric Buval.
M. Frédéric Buval. Au travers de cet amendement et de celui qui sera examiné dans un instant, nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur les voies et moyens qui permettraient à tous les élus locaux de recevoir une indemnité de fonction de base, à compter du prochain renouvellement municipal, soit en 2026.
Il s’agit d’un sujet essentiel pour la survie de la démocratie locale, dans un contexte de crise des vocations et de défiance envers les élus.
Nous invitons le Gouvernement et la représentation nationale à repenser l’indemnité de fonction de tous les élus locaux. À ce titre, nous nous fondons sur de nombreux travaux des délégations aux collectivités territoriales du Sénat et de l’Assemblée nationale, ainsi que sur le dispositif d’indemnité d’engagement citoyen prévu dans la proposition de loi portant réforme du statut de l’élu local de nos collègues députés Sébastien Jumel et Violette Spillebout.
Bien que nous soyons attachés au principe historique de gratuité des fonctions électives, qu’il convient de maintenir, il nous semble inéquitable que plus des deux tiers des élus exercent à titre totalement bénévole. En effet, un mandat local demande d’y consacrer du temps et entraîne des frais et des dépenses variables qui ne sont pas compensés.
La question de la rentabilité financière ne nous permet pas d’examiner la charge supplémentaire que représenterait toute amélioration du régime d’indemnité des élus locaux pour le budget des collectivités locales et, in fine, de l’État.
C’est pourquoi nous demandons que le Gouvernement consacre un rapport à cette question, lequel devra être remis avant le 31 décembre 2024 ou, à défaut, avant le 31 décembre 2025.
M. le président. L’amendement n° 270 rectifié, présenté par MM. Buval, Iacovelli et Patient, Mme Schillinger et MM. Fouassin, Lemoyne, Mohamed Soilihi et Théophile, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2025, un rapport afin d’étudier les voies et moyens pour ouvrir droit pour tous les élus locaux à une indemnité de fonction de base.
La parole est à M. Frédéric Buval.
M. Frédéric Buval. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Vous connaissez la jurisprudence constante de la commission sur les demandes de rapport, mon cher collègue…
Sur le fond, ces deux amendements visent à étudier la possibilité d’indemniser l’ensemble des élus locaux. Or, en l’état, nous avons privilégié des compensations différentes, comme la prise en charge des frais de transport ou de garde, ainsi que divers remboursements.
Nous garantissons 1 % d’indemnisation, ce qui correspond à 40 euros bruts par mois. Nous avons donc déjà répondu aux problèmes que vous soulevez, mais par une voie différente.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. En règle générale, le Gouvernement n’est pas favorable aux demandes de rapport, qu’il n’accepte qu’à titre exceptionnel, car ils sont consommateurs de temps et d’énergie et ne sont pas toujours exploités par la suite.
Je me suis déjà exprimée sur le sujet du versement d’une indemnité à tous les élus locaux pendant la discussion générale, mais aussi en marge de nos débats ; en la matière, il y a un certain nombre d’idées à explorer.
Cependant, par cohérence avec ce que le Sénat vient de voter et avec ce que j’ai exposé hier lors de la discussion générale, je vous demande de bien vouloir retirer ces amendements ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Pour ma part, je considère que ces amendements sont plutôt cohérents. Si nos collègues demandent au Gouvernement un rapport, c’est parce qu’ils n’ont pas d’autre choix !
J’avais moi-même déposé des amendements tendant au versement d’une indemnité de base à l’ensemble des élus locaux. Or ils ont été déclarés irrecevables, sur le fondement de l’article 40 de la Constitution.
Vous l’avez rappelé, madame la ministre : il faut avancer. C’est bien de le dire, mais c’est encore mieux de le faire ! Ainsi, il me semble indispensable de réfléchir à l’octroi d’une indemnité de base à tous les élus, notamment aux conseillers municipaux, qui, en plus d’officier dans les grandes ou les petites communes, siègent au sein du conseil communautaire d’une intercommunalité.
En effet, l’accomplissement de ces missions demande du temps et les élus concernés jouent souvent un rôle essentiel dans leurs communes. Il n’y a donc aucune raison de leur refuser une indemnité.
Bref, je regrette que nous débattions du statut de l’élu local sans pouvoir aborder ce sujet.
J’ai bien compris que la commission et le Gouvernement n’approuvaient pas ces demandes de rapport, mais, à un moment donné, il va falloir avancer ! Et Mme la ministre pourrait au moins nous indiquer comment progresser rapidement sur ces questions.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour explication de vote.
M. Pierre-Alain Roiron. L’indemnisation de tous les élus municipaux est une proposition qui va de soi ; nous devrions sincèrement y réfléchir.
Toutefois, je ne suis pas certain qu’un rapport supplémentaire soit une bonne idée. Il vaudrait mieux que la délégation aux collectivités territoriales formule des propositions et que le Gouvernement s’engage sur un calendrier.
M. Frédéric Buval. Je retire ces deux amendements, monsieur le président !
M. le président. Les amendements nos 163 rectifié et 270 rectifié sont retirés.
Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Après l’article 2
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 209, présenté par M. Benarroche, Mme Senée, M. G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase de l’article L. 2123-24-2 du code général des collectivités, les mots : « de 50 000 habitants et plus » sont supprimés.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. On dit toujours que les écologistes sont quelque peu utopistes.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ah, ça ! (Sourires.)
M. Guy Benarroche. Pour ma part, je pense que c’est une qualité. L’utopie implique simplement de prévoir ce qui est possible et de faire en sorte que cela se produise, dans les meilleures conditions – mes chers collègues, je vous renvoie à L’Utopie ou la mort ! de René Dumont.
Dans l’utopie qui était la nôtre, nous pensions que cette assemblée allait, dans sa grande majorité, voter des amendements du Gouvernement et de la commission tendant à attribuer des indemnités à tous les élus municipaux, sans que celles-ci puissent être révisées par les conseils municipaux. C’est d’ailleurs ce que semblait souhaiter Mme la ministre.
Selon nous, les règles applicables à certaines communes au-delà d’un seuil de population devraient être étendues à toutes les communes. On ne devrait pas pouvoir remettre en cause les indemnités dès lors qu’elles sont versées à tous les élus avec un montant déterminé, et cela qu’il s’agisse d’une, de deux ou de trois enveloppes.
Il nous semble normal que ces indemnités puissent être modulées en fonction de l’assiduité et de l’engagement des élus. Ainsi, les collectivités pourraient fixer un ordre du jour et des emplois du temps permettant à tous les élus, y compris ceux de l’opposition, de participer aux travaux de la municipalité.
Tel est le sens de cet amendement, que je tenais à présenter, même si je ne doute pas que la commission et le Gouvernement émettront un avis défavorable. Le versement d’une indemnité à tous les élus locaux finira par devenir la règle. Pourquoi ne pas le consacrer dès maintenant ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Lors de l’examen du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, nous avions tenu à maintenir le seuil de 50 000 habitants, pour offrir plus de souplesse aux petites communes. Nous souhaiterions précisément conserver la même souplesse s’agissant du présent texte.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. La position du Gouvernement est très légèrement différente de celle de la commission. Vous proposez de supprimer le seuil qui réserve la faculté de moduler les indemnités de fonctions des élus selon leur assiduité dans les communes de plus de 50 000 habitants.
Le Gouvernement partage votre constat. Par souci d’équité, il est essentiel que les collectivités, quelle que soit leur taille, puissent prévoir une telle modulation dans leur règlement intérieur.
Néanmoins, on pourrait rendre obligatoire une telle modulation dans les communes de plus de 100 000 habitants. En effet, l’indemnité des conseillers y est de droit, rapprochant ainsi les communes pour le compte desquelles ils officient des départements et des régions.
Eu égard à ces éléments, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 209.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3
I. – La sous-section 1 de la section 3 du chapitre III du titre VII du livre Ier du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 173-1-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 173-1-6. – Bénéficient de la prise en compte d’un trimestre supplémentaire par mandat complet pour la détermination du taux de calcul de la pension et la durée d’assurance dans le régime, les assurés ayant exercé les fonctions de :
« 1° Maire, président de délégation spéciale, adjoint au maire, membre de délégation spéciale faisant fonction d’adjoint au maire ;
« 2° Président et vice-président de conseil départemental et de conseil régional ;
« 3° Président et vice-président d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ;
« 4° Président et vice-président de la métropole de Lyon ;
« 5° Président et vice-président de l’assemblée de Corse ;
« 6° Président et membre du conseil exécutif de Corse ;
« 7° Président et vice-président de l’assemblée de Guyane ;
« 8° Président et vice-président de l’assemblée de Martinique ;
« 9° Président et membre du conseil exécutif de Martinique.
« Nul ne peut bénéficier au titre du présent article de plus de huit trimestres supplémentaires.
« En cas de cumul des mandats, seuls deux des mandats exercés simultanément peuvent être pris en compte pour le calcul des droits acquis en application du premier alinéa du présent article.
« Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application du présent article. Ce décret précise notamment le régime auquel incombe la charge de valider ces trimestres lorsque l’assuré a relevé successivement, alternativement ou simultanément de plusieurs régimes d’assurance vieillesse de base. »
II. – Après le premier alinéa du V de l’article L. 732-63 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les montants des pensions de droit servies à l’assuré et constituées au titre des dispositions prévues à l’article L. 2123-27 du code général des collectivités territoriales sont exclus de la base de calcul permettant d’établir ce dépassement. »
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guillaume Gontard. Nous entamons la discussion de l’article 3 relatif aux pensions de retraite des élus locaux.
L’accès de tous à la fonction d’élu est évidemment une priorité. Dans cette perspective, nous avions déposé un certain nombre d’amendements. Mais, une fois de plus, ils ont été déclarés irrecevables en application de l’article 40 de la Constitution.
L’un de ces amendements visait notamment à intégrer les crédits d’heures dans le calcul de la durée d’affiliation ouvrant droit à l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), de sorte que tout élu local, même non-membre d’un exécutif, puisse bénéficier d’une indemnité de chômage lorsqu’il quitte son mandat pour cause de non-réélection.
Cet amendement tendait d’ailleurs à reprendre l’une des propositions du rapport d’information sur le statut d’élu local des députés Jumel et Spillebout.
Nous proposions également de favoriser l’engagement des personnes allocataires dans la vie politique locale, et cela de deux manières : premièrement, en leur permettant, dans la limite du seuil de pauvreté, de conserver leur allocation si elles venaient à exercer une fonction d’élu local, car cela nous semble être un minimum ; deuxièmement, en les exemptant de l’obligation d’accomplir quinze heures d’activité hebdomadaires – cette mesure, que vous avez votée ici même, mes chers collègues, sera appliquée dès 2025 via le contrat d’engagement –, dans le cas où elles accéderaient à un mandat local.
Voilà qui permettrait de tenir compte de l’engagement que représente à lui seul l’exercice d’un mandat électif.
Les amendements que nous avions déposés relevaient du bon sens, puisqu’ils visaient justement à permettre à chacun d’accéder à une fonction élective : il est dommage que nous ne puissions pas en débattre ce soir.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, sur l’article. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Daniel Salmon. Madame la ministre, mes chers collègues, je profite de la discussion de l’article 3, visant à améliorer le régime de retraite des élus locaux, pour vous alerter sur une disposition qui a déjà été votée, mais qui peine à être pleinement appliquée.
En effet, plusieurs élus fonctionnaires m’ont indiqué que les règles de calcul relatives aux absences accordées aux élus locaux ne sont pas appliquées uniformément par l’ensemble des ministères.
Le code général des collectivités territoriales (CGCT) est clair : il prévoit bien que les temps d’absence autorisés aux élus, y compris lorsque cela ne donne lieu à aucune rémunération, sont assimilés à une durée de travail effectif pour la détermination des droits à prestations sociales.
Or des élus se sont vu répondre par leur administration que, si le crédit d’heures n’est pas rémunéré par l’employeur, la période concernée ne donnera pas lieu à cotisations et ne sera pas prise en compte, faute de texte législatif ou réglementaire le prévoyant explicitement au titre des droits à pension de l’État.
J’ai alerté à plusieurs reprises le ministre de la transformation et de la fonction publiques sur ce problème. Lors d’une séance de questions orales, il m’a répondu que les temps d’absence devaient être pris en compte pour la retraite au titre de la constitution des droits à pension et de la durée des services liquidables. Mais, depuis lors, rien n’a évolué !
Si je me satisfais des dispositions de l’article 3 instaurant un système de bonification de la retraite des élus locaux, j’insiste sur la nécessité de bien faire appliquer ce qui a été voté auparavant. Le respect des règles régissant le statut des élus est indispensable si tant est que nous voulions valoriser et promouvoir l’engagement politique.
Aussi, je compte sur vous, madame la ministre, pour faire en sorte que les modalités de calcul pour les élus fonctionnaires soient pleinement appliquées. Faire voter une nouvelle loi, c’est bien, mais encore faut-il l’appliquer ensuite – c’est même indispensable !
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, sur l’article. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Michaël Weber. Nous l’avons dit à plusieurs reprises : les conditions dans lesquelles s’exerce un mandat électif sont gratuites. Notre République doit assurer à chacun la possibilité d’y accéder, quelles que soient les conditions de sa citoyenneté.
Je voudrais vous parler de ces jeunes élus et vous faire part du témoignage qui est le mien. J’ai été élu maire à l’âge de 21 ans : je ne l’ai pas choisi, ce sont plutôt des circonstances particulières qui m’ont amené à exercer cette fonction.
Je pense que l’effort des jeunes élus n’est pas apprécié à sa juste valeur. Seul un trimestre est retenu pour un mandat de six ans, soit un trimestre sur vingt-quatre ou deux trimestres pour deux mandats. Ce mode de calcul n’est pas au niveau de leur engagement.
Je reconnais l’effort qui est fait au travers du présent texte pour prendre en compte le cumul d’une fonction d’élu avec l’accomplissement d’études supérieures. Toutefois, j’ai des réserves sur les conditions mises en avant.
Il faut garder à l’esprit les difficultés importantes rencontrées par les jeunes étudiants qui se lancent en politique, car, à ce moment-là, ils ne se préoccupent pas de leur retraite ni de l’impact que peut avoir leur engagement local sur leur CV. En effet, il peut leur être extrêmement difficile d’être recruté par la suite pour l’exercice d’une fonction professionnelle.
Je ne suis pas favorable à la fonctionnarisation du statut d’élu. Seulement, il faut donner aux individus les moyens de passer d’une fonction d’élu à une fonction professionnelle, sans que cela ait un impact sur leur vie.
Dans une République aboutie et digne de ce nom, il faudrait au minimum retenir deux trimestres dans le cadre d’un même mandat pour les droits à la retraite, comme nous l’avons proposé. Or tel n’est pas le cas.
M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, sur l’article.
M. Fabien Genet. Les articles 40 et 45 de la Constitution ne m’ayant pas permis de déposer des amendements, et craignant l’amendement du Gouvernement tendant à la suppression de l’article 3, je souhaiterais appeler l’attention de Mme la ministre sur un point important.
La plupart des élus locaux investissent leur temps et leur énergie sans compter les heures, parfois au détriment de leur vie professionnelle et familiale. Conjointement, on observe un véritable risque de désengagement des citoyens, notamment des plus jeunes, dans la prise de responsabilités politiques, ce qui, par voie de conséquence, fait pâtir notre système démocratique et sa représentativité.
La possibilité de bonifier la retraite des élus locaux sous la forme de l’attribution de trimestres supplémentaires, telle qu’elle est proposée par la commission, est une excellente idée. Les absences répétées du lieu de travail pour l’exercice d’un mandat électif peuvent entraîner des tensions et de l’incompréhension de la part des employeurs. Elles peuvent aussi contraindre les salariés concernés à recourir aux congés personnels ou à réorganiser leur temps de travail.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Tout à fait !
M. Fabien Genet. Quelquefois, ils se voient contraints de quitter leur emploi en raison de sollicitations trop nombreuses et d’un calendrier extrêmement chargé.
N’oublions pas non plus que l’engagement des élus locaux peut nuire à certaines perspectives. Les arguments présentés au soutien de votre amendement de suppression sont donc tout à fait inopérants, madame la ministre.
Par ailleurs, il me semble nécessaire de réaffirmer la non-interférence des pensions de l’institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (Ircantec) avec les autres régimes de retraite.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Nous sommes d’accord !
M. Fabien Genet. Ainsi, certains locaux cotisant à l’Ircantec ne peuvent pas accéder à une retraite progressive ou bénéficier du minimum contributif.
Il y a une semaine, je recevais une lettre d’une maire de mon département. Celle-ci m’indiquait que la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) lui refusait toujours le minimum contributif, au motif qu’elle cotisait à l’Ircantec.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
M. Fabien Genet. Cette maire se voit ainsi pénalisée, seulement parce qu’elle est élue. Nous ne pouvons l’accepter : il faut que nous puissions résoudre un problème tel que celui-ci !
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.
Mme Cathy Apourceau-Poly. L’article 3 est essentiel vu le contexte socioéconomique que la ruralité connaît ces dernières années et dont la crise agricole est le symptôme.
En 2020, nous avions voté la revalorisation des retraites agricoles de manière unanime sur ces travées. Or, près de quatre ans plus tard, la situation est loin de s’être améliorée. La retraite plancher que nous envisagions est en réalité devenue un plafond : en effet, tous les revenus sont pris en compte avant de savoir si la compensation est bien à hauteur de 85 % du Smic net.
Nous prenons acte de la reconnaissance légitime par la Nation de l’engagement des élus locaux au travers de l’article 3 de ce texte, mais celui-ci ne prévoit aucune mesure spécifique pour les retraites agricoles. Il nous faut l’admettre, cette revalorisation sera perdue.
Pourtant, dans la ruralité, très nombreux sont les maires qui étaient d’anciens exploitants agricoles. Dans le Pas-de-Calais, 750 communes comptent moins de 2 000 habitants ; les maires de ces collectivités sont donc particulièrement concernés par ces questions.
Tel était le sens de notre amendement, qui a été déclaré irrecevable en application de l’article 40 de la Constitution. Je regrette que cette réflexion sur la ruralité ait ainsi été évincée de nos débats.
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, sur l’article.
M. Simon Uzenat. Je dirai tout d’abord quelques mots de la fonctionnarisation du mandat d’élu local, qui revient souvent dans nos discussions. Encore une fois, le statut d’agent civique territorial que nous proposons de créer n’est pas une fonctionnarisation.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Si !
M. Simon Uzenat. Soyons clairs : un contrat à durée déterminée ne correspond en rien à une fonctionnarisation ; il apporte simplement des garanties à l’ensemble de nos concitoyens qui ont des difficultés à concilier leur vie professionnelle et leur engagement politique.
L’adoption de notre proposition permettrait de régler d’un seul coup tous les problèmes dont nous débattons ce soir, y compris en matière de retraite et de protection sociale des élus locaux. Nous défendons une mesure très claire de simplification.
Nous sommes d’accord, l’article 3 constitue une avancée. Mais, en l’état, elle reste nettement insuffisante. Le dispositif, dans sa rédaction initiale, profitait à l’ensemble des 500 000 élus de notre pays. Désormais, il a été réduit aux membres des exécutifs locaux.
La réaction des élus locaux est unanime lorsque nous leur présentons le détail de cette mesure. Mon collègue Weber l’a rappelé tout à l’heure : ne comptabiliser qu’un seul trimestre sur un mandat exécutif local de six ans n’est pas à la hauteur de l’engagement des élus.
Méditez cet exemple : une maire a fait l’objet de pressions de la part de son employeur pour signer une rupture conventionnelle ; elle a ainsi vu son parcours et ses garanties sociales futures fragilisées. Il faut le dire, ce genre de situation touche en particulier les femmes, qui ont déjà des carrières hachées.
On oppose souvent à la généralisation et au rehaussement de notre ambition des arguments sur le coût des mesures.
Oui, la démocratie a un coût : assumons-le face à nos concitoyens qui sont prêts à assumer des responsabilités locales dans les conditions proposées ! Or ils sont de moins en moins nombreux à y prétendre, ce que nous ne pouvons que regretter.
M. le président. L’amendement n° 382, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. J’ai pris bonne note de votre alerte, monsieur Salmon.
Le présent amendement tend tout bonnement à supprimer l’article 3. Monsieur Genet, je respecte le fait que vous jugiez nos motivations indécentes. Toutefois, permettez-moi de vous les rappeler.
Tout d’abord, vous le savez, nous venons de réformer et de rééquilibrer nos régimes de retraite. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Or l’article 3 crée pour ces régimes une charge nouvelle, qui ne serait pas bienvenue. Elle serait incomprise par l’ensemble de nos concitoyens, qui, eux, viennent de consentir d’importants efforts. Enfin, il existe selon nous d’autres manières de valoriser l’engagement des élus locaux, ce dont témoigne d’ailleurs votre proposition de loi. J’ai bien dit que j’étais favorable au cumul emploi-retraite, qui est un véritable sujet pour de nombreux d’élus.
Cependant, je mesure la nécessité de répondre aux soucis des élus qui justifient d’une perte de pension. Je suis donc prête à travailler avec vous sur ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Madame la ministre, j’en suis désolée, mais je me vois contraindre d’émettre un avis défavorable sur cet amendement tendant à supprimer la bonification de la retraite des élus locaux que nous proposons de créer au travers de l’article 3.
Je l’ai dit hier : la République n’a pas de prix, mais elle a un coût, et elle doit en plus être exemplaire. Dès lors, nous ne pouvons pas dire aux Français que l’engagement citoyen vaut bonification de leur retraite.
Nous devons veiller, dans le cadre du présent texte, à préserver un équilibre entre les droits et les devoirs des élus locaux. Je parle non pas de coûts, mais de la logique, partagée par les autres rapporteurs du texte, encourageant l’engagement politique. Gardons-nous de faire croire à nos concitoyens qu’il suffirait de devenir conseiller municipal pour réévaluer sa pension de retraite.
Avec tout le respect que j’ai pour les conseillers municipaux, certains d’entre eux s’absentent du conseil au fil du temps, sans que le maire puisse les contraindre à la démission. (Eh oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Or ils finiraient tout de même par profiter d’une bonification de leur retraite. Je ne promouvrai jamais ce genre de mesure, car elle revient à desservir les élus.
Aussi, nous proposons, de manière tout à fait responsable, de retenir un trimestre pour un mandat de six ans pour les titulaires de mandat exécutifs et les conseillers délégués, et deux trimestres pour deux mandats – ceux de conseiller municipal et président d’intercommunalité, par exemple –, avec un plafond de huit trimestres. Une telle mesure me semble juste et exemplaire.
Vous comprendrez que je ne puis approuver la suppression de cette excellente et juste idée de bonification des pensions, madame la ministre, car l’objet de nos discussions est précisément d’encourager et de valoriser l’engagement citoyen. Nous n’allons tout de même pas commencer à nous contredire vingt-quatre heures seulement après la discussion générale !
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour explication de vote.
M. Michaël Weber. Madame la ministre, vous qui êtes élue locale, vous ne pouvez être en phase avec l’amendement que vous venez de présenter.
Nos collègues sénateurs qui ont été titulaires de mandats locaux savent combien est faible la retraite des élus des communes de moins de 1 000 habitants, la pension versée par l’Ircantec étant réduite au minimum.
Les élus en viennent à demander à cotiser au fonds de pension des élus locaux (Fonpel) et à la Caisse autonome de retraite des élus locaux (Carel) pour bénéficier d’une retraite complémentaire, ce qui alourdit encore l’impact sur le budget communal, avec des taux qui peuvent atteindre à 8 %.
Vous affirmez que vous souhaitez favoriser le statut de l’élu et permettre à davantage de personnes d’y accéder, mais vous continuez à pénaliser leur carrière. Cette position n’est ni acceptable ni réaliste !
Ce n’est sans doute pas cela qui rendra la fonction d’élu plus attractive. Mais une telle reconnaissance est tout de même nécessaire.
Si nous voulons que notre République soit aboutie et que notre démocratie reconnaisse que les 36 000 élus – conseillers municipaux, maires, et tous les autres – sont une chance pour la cohésion des territoires, il faut leur donner les moyens d’agir et admettre que nous leur devons un soutien jusqu’à leur retraite, par le biais de ces trimestres bonifiés.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Nous sommes favorables à une bonification en termes de trimestres de retraite pour les élus, sans qu’elle soit nécessairement similaire pour l’ensemble des élus et des mandats ; en effet, les engagements diffèrent selon qu’on est conseiller municipal, président d’un exécutif ou maire.
Cependant, un point m’inquiète, madame la ministre : vous affirmez vouloir indemniser tous les élus, mais vous aviez l’occasion de le faire en proposant un amendement en ce sens, et vous ne l’avez pas fait. De plus, lorsque nous proposons ensemble une bonification de leur retraite, votre première réaction est de chercher à la supprimer, au motif qu’une telle mesure serait mal comprise par les Français !
Votre gouvernement a imposé à nos concitoyens deux années de travail supplémentaires ; je comprends donc votre malaise. Ce n’est pas notre cas : il y a un an, nous combattions cette réforme ici même, et nous la combattons toujours.
Au-delà de la reconnaissance légitime due aux élus, j’appelle votre attention sur un point : actuellement, plus de la moitié des maires sont des retraités, et cette proportion est encore plus élevée en milieu rural, car conjuguer vie professionnelle et mandat de maire ou d’élu est extrêmement compliqué.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Oui !
Mme Céline Brulin. Cette bonification est donc à nos yeux non seulement une juste reconnaissance, mais aussi un moyen d’assurer l’administration de nos communes dans les mois et les années à venir, car l’effet conjugué du report de l’âge de la retraite et de la difficulté à concilier mandat et profession risque d’accroître le manque de vocations que nous connaissons aujourd’hui.
Il faut accorder notre reconnaissance aux élus, mais cela doit être suivi d’effet : une telle mesure a été décidée en faveur des sapeurs-pompiers, mais, à ma connaissance, les décrets qui doivent la concrétiser ne sont toujours pas publiés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. C’est vrai !
M. Fabien Genet. Très bonne remarque !
M. Jean-François Husson. Prenez les décrets !
M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz, pour explication de vote.
M. Olivier Bitz. Le groupe RDPI ne suivra pas la proposition du Gouvernement (Exclamations amusées.), pour les raisons qui ont déjà été avancées.
Il nous semble absolument fondamental que l’engagement des élus soit reconnu au moment de leur retraite. La proposition contenue dans ce texte et soutenue par la commission me semble raisonnable ; avoir mené une réforme qui a permis de rééquilibrer le système des retraites doit nous permettre de reconnaître l’engagement citoyen des élus.
Faut-il rappeler – tout le monde le sait ici – que les élus sont mobilisables le soir, la nuit et les week-ends, ce qui entraîne évidemment une fatigue importante ? Il ne paraît pas illégitime d’en tenir compte au moment de leur départ à la retraite.
Disons-le, un engagement électif emporte des conséquences sur le niveau de la retraite perçue : les carrières ne se déroulent pas de la même façon ; les promotions, dans le privé comme dans le public, n’interviennent pas au même rythme. Cela se traduit, au moment du départ à la retraite, par des pensions souvent minorées par rapport à celles de personnes qui auraient décidé, ce qui n’est pas moins légitime, de consacrer leur temps exclusivement à leur activité professionnelle.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre l’amendement proposé par le Gouvernement et par Bercy. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Jean-François Husson. L’affaire est grave. Il faudrait une suspension de séance ! (Sourires.)
M. le président. Madame la ministre déléguée, l’amendement n° 382 est-il maintenu ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Qui ne demande rien n’a rien, monsieur le président ! Vous faites donc bien de poser la question. Pour autant, oui, je le maintiens. (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° 409, présenté par Mmes Eustache-Brinio et Gatel et M. Kerrouche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Conseiller des collectivités territoriales mentionnées aux 1° à 9° qui bénéficient d’une délégation de fonctions. »
II. – Alinéa 13
Supprimer les mots :
du premier alinéa
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement vise à élargir la bonification de trimestres de retraite à tous les élus municipaux bénéficiant d’une délégation de fonctions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Il est défavorable, par cohérence avec notre amendement précédent. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 117, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le Gouvernement remet un rapport au Parlement un an après la promulgation de la loi portant sur l’amélioration des dispositifs de retraites et de cotisations des élus locaux.
La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Les dispositifs de retraite des élus locaux sont aujourd’hui fortement éparpillés et inégalitaires. Si les élus des grandes collectivités bénéficient de mécanismes de cotisation et de pension acceptables au regard de leurs montants, la situation est différente pour les élus locaux qui ne disposent de presque aucun mécanisme efficace et lisible.
Cet amendement vise donc à demander au Gouvernement un rapport de clarification, d’évaluation et de proposition relatif au dispositif de cotisation des élus locaux, un an après la promulgation de cette loi.
Nous connaissons, comme vous, le caractère parfois artificiel d’une demande de rapport. C’est en partie le cas ici : bien sûr, cette proposition fait suite au rejet de notre amendement visant à élargir la bonification à l’ensemble des élus municipaux. Il nous apparaît toutefois qu’une clarification par l’administration des modalités de cotisation des élus locaux, ainsi que la formulation de propositions efficaces, constitue une mesure urgente pour répondre à cette question centrale pour nos élus dans un prochain texte.
Cette proposition de loi va clairement dans le bon sens, mais elle ne sera pas exhaustive.
M. le président. L’amendement n° 44 rectifié, présenté par MM. Roiron, Kerrouche, Cozic, Bourgi et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mmes Harribey et Linkenheld, MM. Redon-Sarrazy, Lurel et Gillé, Mme Narassiguin, MM. Uzenat et M. Weber, Mmes Bonnefoy, Brossel et Canalès, M. Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Kanner et Marie, Mmes Artigalas, Bélim, Blatrix Contat et Briquet, M. Darras, Mme Féret, MM. Jacquin et Mérillou, Mmes Monier et S. Robert, MM. Ros, Temal, Tissot, Vayssouze-Faure et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. - Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2025, un rapport évaluant les difficultés rencontrées par les élus locaux du fait de cotisations auprès de l’Ircantec ou de la perception d’une retraite de ce régime, et dressant les perspectives pour consolider le principe de non-interférence de l’Ircantec avec les autres régimes de retraite.
La parole est à M. Thierry Cozic.
M. Thierry Cozic. Cette disposition découle d’une difficulté rencontrée par des élus locaux. Il s’agit, par le biais d’un rapport réalisé à l’issue de la promulgation de la loi, de consolider le principe de non-interférence de l’institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (Ircantec) et de sa pension avec les autres régimes de retraite.
En effet, depuis plusieurs années, de nombreux élus se sont heurtés à de graves difficultés en raison de cotisations auprès de l’Ircantec ou de la perception d’une retraite de ce régime au titre de mandats locaux en cours ou échus.
Si certains cas ont été résolus, notamment pour les agriculteurs retraités, par une modification de la loi, certains élus, par ailleurs affiliés à des caisses de régimes spéciaux, font encore face à des difficultés qui n’ont pour effet que de créer une profonde lassitude face aux refus à répétition d’accès à la pension professionnelle à laquelle ils ont normalement droit.
À titre d’exemple, à ce jour, cotiser à l’Ircantec empêche d’accéder à une retraite progressive et fait obstacle au bénéfice du minimum contributif. De même, les élus qui sont par ailleurs avocats se retrouvent dans l’impossibilité de liquider leur retraite professionnelle, sauf à renoncer au bénéfice de leur indemnité ou à démissionner, et cela malgré les évolutions issues de la dernière réforme des retraites.
Par ailleurs, en 2023, les agriculteurs anciens élus, percevant la pension Ircantec, auraient été privés des aides de la politique agricole commune (PAC) pour la période 2023-2027 si cette situation n’avait pas été dénoncée auprès du Gouvernement.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. C’est vrai !
M. Thierry Cozic. En revanche, la pension agricole des anciens élus n’a pu être portée à un niveau minimal en raison de la prise en compte de la pension Ircantec.
Il apparaît donc aujourd’hui plus que nécessaire de sanctuariser dans la loi la non-prise en compte du régime Ircantec et de sa pension par d’autres régimes de retraite.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Des questions récurrentes nous sont en effet posées sur ce sujet.
Comme vous l’avez souligné, mon cher collègue, nous avons apporté, dans le cadre d’un projet de loi de finances, des améliorations pour les agriculteurs. Je tiens à saluer à ce sujet l’expertise remarquable de notre collègue Sylvie Vermeillet sur les retraites : c’est elle qui nous a alertés sur certains points et qui nous a aidés à y voir plus clair.
Concernant l’amendement de M. Szczurek, nous en avons discuté lors des débats sur les retraites : chaque situation est unique, car chaque personne accédant à la retraite a un parcours professionnel qui lui est propre. Il est donc difficile d’établir un rapport exhaustif. Nous avons conscience qu’il existe des situations extrêmement difficiles, qu’il faut régler, mais nous pouvons les identifier sans pour autant exiger un tel rapport.
Mes chers collègues Pierre-Alain Roiron et Thierry Cozic, vous soulevez un véritable problème concernant l’Ircantec et les conséquences que celui-ci emporte sur d’autres régimes de retraite. Nous l’avons bien cerné.
Prenons l’exemple de la caisse de retraite des avocats : si un élu est avocat, les particularités de son régime professionnel font qu’il ne peut bénéficier de sa retraite s’il n’a pas fait valoir ses droits dans tous les régimes qui le concernent. Nous sommes ainsi confrontés à des situations singulières qu’il nous faut identifier. Madame la ministre, j’ai observé que vous aviez pris des notes ; il est impératif que nous travaillions sur ces questions.
Pour autant, je suis défavorable à cette demande de rapport, car le Gouvernement aura l’occasion de nous rendre des comptes. Soyons réalistes : un rapport qui arriverait aux calendes grecques ne ferait pas avancer les choses, d’autant que nous avons déjà identifié les problèmes.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. En ce qui concerne l’amendement n° 117, pour les raisons qu’a invoquées Mme le rapporteur, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Je souhaite en revanche apporter quelques éléments sur l’amendement n° 44 rectifié.
Monsieur le sénateur Roiron, vous souhaitez limiter les interférences entre l’Ircantec, auquel sont affiliés les élus locaux, et leurs régimes professionnels. Cet objectif est partagé par le Gouvernement, qui a déjà pris différentes mesures, afin de ne pas pénaliser les retraités exerçant un mandat électif local.
En ce qui concerne les minima de pension, la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a prévu de ne pas tenir compte des droits en cours de constitution à l’Ircantec, afin de permettre aux élus concernés de bénéficier des minima de pension et des majorations de pension de réversion.
Néanmoins, le calcul de ces minima peut faire l’objet d’un écrêtement dont le plafond s’apprécie en prenant en compte l’ensemble des pensions de l’assuré, de base et complémentaires, françaises et étrangères. Les pensions de retraite de l’Ircantec perçues au titre d’un mandat d’élu local sont dès lors logiquement prises en compte. Le Gouvernement ne souhaite pas revenir sur cette règle précise.
S’agissant du cumul emploi-retraite, l’article 11 de ladite loi a sanctuarisé la possibilité pour les élus d’ouvrir des droits à l’Ircantec après la liquidation de leur pension. Néanmoins, des difficultés persistent, notamment au regard de la condition de subsidiarité exigeant la liquidation de l’ensemble des pensions dans le cadre du cumul emploi-retraite libéralisé.
Cette condition ne peut être remplie par des élus dont le mandat est en cours, du fait de droits demeurant ouverts à l’Ircantec. En effet, une lettre ministérielle de 1996 prévoit que les élus locaux ne peuvent pas liquider leurs droits à l’Ircantec avant la fin de leur mandat, alors qu’une telle liquidation permettrait à un élu de satisfaire à la condition de subsidiarité.
C’est pourquoi le Gouvernement s’engage à supprimer cette lettre ministérielle de 1996, afin qu’un élu local puisse justifier de la condition de subsidiarité exigée en liquidant ses droits à l’Ircantec sans avoir à interrompre son mandat ou à en attendre la fin.
Par ailleurs, le Gouvernement prévoit de déposer un amendement permettant de préciser les règles d’ouverture, de constitution et de liquidation des droits à l’Ircantec pour les élus locaux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’avez compris, nous sommes défavorables à cet amendement ; pour autant, nous allons travailler sur ce sujet, parce que celui-ci n’est pas pour autant dénué de sens.
M. le président. Monsieur Roiron, l’amendement n° 44 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre-Alain Roiron. Non, à la faveur des explications de Mme la ministre, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 44 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Après l’article 3
M. le président. L’amendement n° 383, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa des articles L. 2123-30, L. 3123-25, L. 4135-25, L. 7125-32 et L. 7227-33, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La Caisse des dépôts et consignations est autorisée à assurer la gestion de ces régimes, à recevoir les fonds y afférents et à verser les pensions de retraite, dans les conditions prévues par une convention prise selon les mêmes modalités que celles prévues à l’article L. 518-24-1 alinéa 2 du code monétaire et financier, ainsi que par une convention tripartite avec l’organisme auprès duquel les droits ont été constitués et les collectivités concernées. » ;
2° Au deuxième alinéa des articles L. 2123-30, L. 3123-25 et L. 4135-25, les mots : « à l’alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa ».
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Au cours des années 1960, de nombreux élus locaux, surtout départementaux, ont pris l’initiative de créer des régimes spécifiques de retraite. Ils ont ainsi constitué des droits auprès de ces régimes extra-légaux de retraite par répartition, portés juridiquement par de simples associations de loi 1901.
Le législateur a entendu mieux encadrer ces pratiques, en définissant un régime unifié de retraite pour les élus, via l’Ircantec, tout en mettant en extinction les régimes existants, dans l’article 32 de la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d’exercice des mandats locaux.
Les droits acquis au sein de ces régimes ont en outre été préservés : les pensions liquidées tout comme les droits acquis avant le 30 mars 1992 continuent d’être honorés. De plus, les élus en fonction, ou ayant déjà acquis des droits dans ces régimes avant le 30 mars 1992, ont été autorisés à continuer à cotiser, la collectivité devant alors apporter une contribution égale à celle de l’élu.
L’extinction progressive de ces régimes entraîne néanmoins, pour les associations concernées, des difficultés croissantes pour assurer leur gouvernance, leur fonctionnement et leur financement.
C’est pourquoi plusieurs départements ont transféré la gestion de ces régimes historiques à un acteur tiers, la Caisse des dépôts et consignations. Néanmoins, la gestion de ces régimes par cette dernière ne se fonde pas sur une base juridique suffisante, le code général des collectivités territoriales se contentant de mentionner la possibilité d’un transfert.
Or les dépenses des collectivités liées aux régimes de retraite des élus locaux ne font pas partie de celles que la Caisse des dépôts et consignations est autorisée à gérer en application de l’article L. 1611-7 du code général des collectivités territoriales et de l’article L. 518-24-1 du code monétaire et financier. Il convient donc d’en clarifier la possibilité dans la loi.
Tel est l’objet de cet amendement, au bénéfice des élus concernés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Dès lors qu’il s’agit ici de sécuriser des régimes de retraite volontaires, afin d’éviter que les fonds concernés ne se trouvent en déshérence, l’avis de la commission est tout à fait favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 285 rectifié est présenté par MM. Chasseing, Brault, Chevalier et Wattebled, Mmes Lermytte et L. Darcos, MM. A. Marc, Rochette, V. Louault, H. Leroy, Paccaud, Longeot, J.-P. Vogel, J.-B. Blanc, Laménie, Bonhomme, Levi et Bleunven, Mme Bonfanti-Dossat et MM. Delcros et Nougein.
L’amendement n° 346 rectifié ter est présenté par MM. Grosvalet et Roux, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Gold, Guiol, Guérini, Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Cabanel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le cadre de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale, le législateur veille à ce que les indemnités de fonction des élus locaux soient exclues du montant des ressources servant au calcul des allocations, aides ou prestations sociales.
La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 285 rectifié.
M. Daniel Chasseing. Pour l’octroi d’un certain nombre de prestations sociales, telles que l’allocation aux adultes handicapés (AAH), la pension d’invalidité, ou de bourses étudiantes sur critères sociaux, les indemnités de fonction d’un élu municipal sont prises en compte, au moins en partie, dans le montant des ressources qui sert de base au calcul.
Ainsi, les indemnités de fonction soumises à cotisation sont prises en compte pour calculer le montant de la pension d’invalidité d’un élu. Si la situation a évolué en avril 2022, ces indemnités continuent d’être comptabilisées pour l’application des règles d’écrêtement.
Concernant l’AAH, la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a apporté des améliorations, mais cette situation persiste.
Cet amendement vise à exclure totalement les indemnités de fonction du montant des ressources prises en compte pour ces dispositifs. Il n’est pas normal de souffrir un préjudice, même très partiel, en raison d’indemnités visant à compenser une mission élective au service de l’intérêt général.
M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l’amendement n° 346 rectifié ter.
M. Michel Masset. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Mes chers collègues, nous comprenons bien votre intention. Vous obtiendrez une réponse, qui vous paraîtra peut-être partielle, à l’article 13, mais, en l’état, le législateur ne peut pas se fixer à lui-même des obligations.
En revanche, cette question fait partie des recommandations pour le travail de réflexion et de recherche de solutions que nous avons invité le Gouvernement à entreprendre.
Je sollicite donc le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 285 rectifié et 346 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 140 rectifié bis, présenté par MM. Genet, Rojouan, Tabarot, Mandelli et Brisson, Mme Noël, MM. Paccaud et Houpert, Mme Muller-Bronn, MM. H. Leroy, Bouchet et Michallet, Mmes Petrus, Borchio Fontimp, Gosselin, Valente Le Hir et Dumont, MM. Bruyen et Piednoir, Mme Bellurot, MM. Sautarel et Belin, Mme Micouleau et MM. Paul et Klinger, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport examinant l’opportunité et les conditions de mise en œuvre d’une bonification de la retraite des élus locaux sous la forme de l’attribution de trimestres supplémentaires au bout de plusieurs années d’engagement, sur le modèle de la bonification accordée aux sapeurs-pompiers volontaires dans le cadre de la dernière réforme des retraites.
La parole est à M. Fabien Genet.
M. Fabien Genet. Il s’agissait d’un amendement assurantiel de type « ceinture et bretelles », afin de prévenir toute mauvaise manière qui aurait été faite à l’excellent travail de la délégation aux collectivités territoriales et de notre commission en matière d’octroi de trimestres supplémentaires.
Avant de le retirer, puisqu’il a été totalement satisfait par ce que nous venons de voter, je tiens à remercier Mme la ministre de ses explications sur la question de l’Ircantec, qui provoque de vraies souffrances aux élus concernés. L’espoir que vous faites naître ce soir est tout à fait positif.
Je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 140 rectifié bis est retiré.
Article 4
I. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 2335-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du I, le nombre : « 1 000 » est remplacé par le nombre : « 3 500 » ;
b) Le 1° du II est abrogé ;
2° (nouveau) À la deuxième ligne de la seconde colonne du tableau du second alinéa de l’article L. 2573-55, la référence : « n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 » est remplacée par la référence : « n° … du … portant création d’un statut de l’élu local ».
II. – Le I du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2025.
III. – Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 juin 2025, un rapport relatif aux coûts pesant sur les communes liés aux attributions exercées par les maires au nom de l’État.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Je salue le travail des rapporteurs et de nos collègues de la commission des lois comme de la délégation.
L’article 4 est consacré à la DPEL, qui existe depuis 1992 et qui bénéficie aux communes de moins de 1 000 habitants.
Toutes les communes de cette taille n’y étaient pas éligibles, mais la loi de finances pour 2024, sur l’initiative du Sénat et des rapporteurs spéciaux, Stéphane Sautarel et Isabelle Briquet, a supprimé les conditions de potentiel financier à compter du 1er janvier 2024. Le montant total de cette dotation s’élève à environ 110 millions d’euros.
Le rapport d’information de Françoise Gatel, François Bonhomme et Éric Kerrouche de novembre 2023, Indemnités des élus locaux : reconnaître l’engagement à sa juste valeur, recommandait d’étendre cette dotation à l’ensemble des communes de moins de 3 500 habitants, ainsi qu’aux communes de moins de 10 000 habitants, au travers d’une majoration dédiée à la protection fonctionnelle.
Un second point concerne la remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport relatif aux coûts qui pèsent sur les communes, liés aux attributions exercées par les maires au nom de l’État, dans de nombreux domaines : publication et exécution des lois, règlements, charges d’officier de police judiciaire ou d’état civil, organisation des élections et tenue des listes électorales.
Ces mesures vont dans le bon sens. Je soutiendrai donc cet article.
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, sur l’article.
M. Grégory Blanc. Cet article 4 vise à renforcer l’engagement de l’État envers les communes, qui sont, selon l’exposé des motifs de cette proposition de loi, « confrontées à une érosion constante de leurs ressources financières ».
Nous avons tous connaissance de communes qui se portent bien, voire très bien, et qui ne sont pas confrontées à une telle érosion financière. Ce n’est pas la taille de la commune qui détermine sa capacité budgétaire, mais plutôt son histoire et son développement.
Ce texte a été élaboré dans le cadre d’une économie où l’on continue de fonctionner avec une enveloppe dédiée aux indemnités. Ce point a été abordé, notamment, lors de l’examen de l’article 2.
Selon cet article 4, cela implique que, dans les communes de plus de 3 500 habitants qui peuvent bénéficier de dotations de péréquation, dotation de solidarité rurale (DSR) ou dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU), le débat sur le montant des indemnités restera beaucoup plus prégnant que dans les communes comptant entre 1 000 et 3 500 habitants.
Les communes de plus de 3 500 habitants ne bénéficieront en effet ni de la DPEL ni d’une dotation de l’État spécifique liée à ces indemnités, et la péréquation ne joue pas pleinement son rôle, car elle est insuffisante – tout le monde en conviendra.
J’insiste sur ce point, car la question du nombre d’habitants est abordée dans cet article 4. Nous en discuterons demain lors des débats sur la question des frais de garde et sur la manière dont l’État peut les prendre en charge, notamment dans les communes de plus de 10 000 habitants, particulièrement pour les communes de banlieue.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Grégory Blanc. Je le répète, la formulation de l’article 16 à ce sujet est insupportable et celle de l’article 4 est problématique. Je suis convaincu que nous devons nous inscrire non pas dans une logique fondée sur le nombre d’habitants, mais dans une perspective de péréquation.
M. le président. L’amendement n° 384, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Il s’agit d’un amendement de suppression de l’article 4, lequel vise à modifier les modalités de calcul de la DPEL et à prévoir un rapport relatif au coût des compétences exercées au nom de l’État avant le 30 juin 2025.
Je rappelle tout d’abord que la loi de finances pour 2024 vient de procéder à une revalorisation de la DPEL de 15 millions d’euros. En 2019, la DPEL était à 65 millions d’euros ; dans le PLF pour 2024, elle est à 130 millions d’euros.
Cette revalorisation vise à couvrir, tout d’abord, une meilleure prise en compte du coût de la protection fonctionnelle des élus pour les communes de 3 500 à 10 000 habitants, qui deviennent éligibles à la majoration dédiée de la DPEL, jusqu’alors réservée aux seules communes de moins de 3 500 habitants ; ensuite, la suppression de la condition de potentiel financier pour l’éligibilité des communes de moins de 1 000 habitants. Cela ne vous avait pas échappé, mais j’ai plaisir à vous le rappeler.
Les communes de moins de 3 500 habitants perçoivent en outre d’ores et déjà une fraction de DPEL pour le financement de la garde d’enfants et de la protection fonctionnelle.
Au demeurant, le relèvement du seuil d’éligibilité de la DPEL de 1 000 à 3 500 habitants aurait pour conséquence d’y rendre éligibles près de 32 000 communes, emportant des conséquences lourdes sur la soutenabilité financière de cette dotation. Une telle évolution aurait aussi pour effet de réduire mécaniquement le soutien apporté aux plus petites communes, sur lequel le Gouvernement souhaite pourtant en concentrer le bénéfice.
S’agissant du rapport relatif au coût d’exercice par les maires de missions de l’État, il convient de rappeler qu’il s’agit de missions historiques, pour la plupart d’entre elles, assurées depuis la création de la commune, avant même la décentralisation, et qui ne sauraient donc bénéficier du régime juridique des compensations liées au transfert de compétences.
Compte tenu de ces éléments, je propose la suppression de l’article 4.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Madame la ministre, cela ne va pas du tout ! (Sourires.)
Nous avons passé une heure à débattre hier et nous étions tous d’accord pour reconnaître la nécessité d’encourager et de faciliter l’engagement des élus locaux. Les mesures que nous proposons à ce titre sont sérieuses, raisonnables et frugales. Et voilà que vous nous invitez à les supprimer. Vous vous doutez bien de mon avis !
Certes, je vous félicite de la revalorisation de la DPEL prévue en 2024. C’est une excellente nouvelle, mais ne nous y trompons pas : elle ne fait que rattraper un retard accumulé. Aujourd’hui, nous parlons de l’avenir. Comment allons-nous susciter et entretenir la vocation d’élus prêts à gouverner nos communes ? Vous conviendrez que le sujet est sérieux, et je sais que vous partagez cette préoccupation.
Aussi, madame la ministre, vous comprendrez qu’il m’est impossible d’acquiescer à une suppression pure et simple. Mon avis est donc résolument défavorable.
Par ailleurs, permettez-moi de vous rappeler que, d’après nos estimations, un maire consacre en moyenne 32 heures par semaine à sa fonction et un adjoint 16 heures. Nos calculs montrent qu’environ 10 % de ce temps sont dédiés à des missions relevant de l’État, telles que l’organisation des élections, l’urbanisme ou encore la police, sans qu’il s’agisse pour autant de délégations de compétences.
Aussi, puisque toute règle souffre une exception, nous vous demanderons de produire un rapport démontrant que notre analyse est erronée.
C’est donc avec regret, mais aussi avec une profonde conviction, que je vous confirme l’avis défavorable de la commission sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 364, présenté par MM. Durox, Hochart et Szczurek, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer le nombre :
3500
par le nombre :
10 000
II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
III. - La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. La DPEL a été instaurée afin de garantir aux communes rurales les ressources indispensables à l’application de la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d’exercice des mandats locaux.
Cette dotation vise principalement à compenser les dépenses obligatoires résultant des dispositions législatives relatives aux autorisations d’absence, aux frais de formation des élus locaux et à la revalorisation des indemnités des maires et des adjoints. Elle est prélevée sur les recettes de l’État pour assurer le bon fonctionnement de la démocratie locale.
Ces difficultés que connaissent de plus en plus de petites communes sont de votre responsabilité, madame la ministre, car elles résultent des réductions successives des dotations, année après année.
Cet amendement vise à étendre ce dispositif aux communes de moins de 10 000 habitants. Celles-ci sont affectées de plein fouet par vos décisions, notamment par les baisses de dotations et les transferts de charges toujours plus substantiels qu’elles emportent.
Le véritable sujet, madame la ministre, c’est d’allouer suffisamment de moyens au dispositif prévu à l’article 4 pour financer les communes.
M. le président. L’amendement n° 115 rectifié, présenté par M. Cambier, Mme Romagny, MM. Henno, Longeot et Daubresse, Mme Sollogoub, M. Maurey, Mme Gacquerre, MM. Delahaye, J.-B. Blanc, Kern et Pillefer, Mme Saint-Pé, MM. Courtial, Hingray et Levi, Mme Antoine et M. Bleunven, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer le nombre :
3 500
par le nombre :
2 000
II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Guislain Cambier.
M. Guislain Cambier. Par cet amendement, je souhaite appeler l’attention de la commission et du Gouvernement sur les difficultés rencontrées par les plus petites communes pour indemniser les maires et leurs adjoints.
En effet, les budgets des communes de très petite taille sont de plus en plus contraints, si bien que de nombreux maires doivent renoncer, non pas seulement à revaloriser l’indemnisation de leurs élus, mais à indemniser ces derniers.
C’est le cas par exemple de la commune d’Amfroipret, dans le Nord, qui compte 234 habitants, ou encore de Saint-Rémy-du Nord, mais je pourrais citer de nombreux autres exemples de ce qui constitue une véritable anomalie dans le fonctionnement de notre démocratie locale, mes chers collègues.
Nos débats ont du reste montré que, lorsque les indemnités et les compensations des élus des communes rurales ne sont pas trop modestes, elles sont inexistantes, car les élus sont contraints d’y renoncer.
Cet amendement vise donc à étendre le versement de la DPEL, actuellement réservée aux communes de moins de 1 000 habitants, aux communes de moins de 2 000 habitants. Dans sa rédaction actuelle, le texte prévoit que toutes les communes de moins de 3 500 habitants pourront percevoir cette dotation. Qui peut le plus peut le moins ! Cet amendement peut donc être satisfait.
Permettez-moi toutefois, madame la ministre, d’attirer votre attention sur la nécessité d’augmenter significativement ces dotations et d’en simplifier l’accès, pour qu’elles puissent bénéficier au plus grand nombre de nos communes, en particulier aux plus petites d’entre elles, et cela dès la prochaine loi de finances.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je souscris pleinement à la fin de votre intervention, mon cher collègue Cambier : certaines dispositions que nous appelons de nos vœux, telle que l’augmentation de la DPEL que nous proposons, ne pourront être inscrites que dans le prochain projet de loi de finances.
Vous êtes nombreux à évoquer les seuils, mes chers collègues. Faut-il les fixer à 1 000, 3 000 ou 10 000 habitants ? La DPEL ayant vocation à soutenir les plus petites communes, j’estime que notre proposition est raisonnable, sachant qu’il faudra augmenter cette dotation.
Au bénéfice d’un rendez-vous lors de l’examen du prochain projet de loi de finances, je sollicite donc le retrait de ces amendements ; à défaut, mon avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Cambier, l’amendement n° 115 rectifié est-il maintenu ?
M. Guislain Cambier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 115 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 364.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 121 rectifié quater, présenté par M. Delcros, Mme Gacquerre, MM. Henno, Longeot, Folliot et Canévet, Mmes Perrot et Doineau, MM. Kern, P. Martin et Duffourg, Mmes Billon et Saint-Pé, M. Courtial, Mme Romagny et MM. Bleunven, Cambier et Chauvet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Le même I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’attribution des deux parts de cette dotation prévues au 1° et 2° du I de l’article R. 2335-1 du code général des collectivités territoriales est déterminée en fonction d’un coefficient multiplicateur égal à 1,5 pour les communes de moins de 1 000 habitants. » ;
La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Le présent article étend le bénéfice de la DPEL des communes de moins de 1 000 habitants aux communes de moins de 3 500 habitants.
Tout en me félicitant de cette évolution, par cet amendement, je souhaite appeler votre attention, mes chers collègues, sur les difficultés que pourront rencontrer les plus petites communes à faire bénéficier leurs élus des indemnités, notamment de l’augmentation que nous avons votée.
Cette hausse emportera un coût annuel de 30 000 euros pour les onze conseillers municipaux et les trois adjoints que compte une commune de moins de 500 habitants. Nous le savons, les plus petites communes, dont certaines ne sont déjà pas en mesure de verser d’indemnités, ne pourront assumer une telle charge financière.
Par cet amendement, je propose donc de revaloriser les deux parts de la DPEL de 50 % pour les communes de moins de 1 000 habitants, soit de 1 000 à 3 000 euros en fonction de la taille de la commune. Le coût d’une telle disposition serait somme toute assez modeste, mais elle permettrait aux petites communes concernées d’assumer l’augmentation que nous avons votée, mes chers collègues.
M. le président. L’amendement n° 122 rectifié quater, présenté par M. Delcros, Mme Gacquerre, MM. Henno, Longeot, Folliot et Canévet, Mmes Perrot et Doineau, MM. Kern, P. Martin et Duffourg, Mmes Billon et Saint-Pé, M. Courtial, Mme Romagny et MM. Bleunven, Cambier et Chauvet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Le même I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’attribution de la deuxième part de cette dotation prévue au 2° du I de l’article R. 2335-1 du code général des collectivités territoriales est déterminée en fonction d’un coefficient multiplicateur égal à 1,5. »
La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Cet amendement de repli vise à réserver l’augmentation de 50 % à la deuxième part de la DPEL et aux communes de moins de 500 habitants.
En effet, comme vous le savez, mes chers collègues, le montant de la DPEL n’est pas le même pour les communes de moins de 200 habitants et pour les communes qui comptent entre 200 et 499 habitants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Personne ne conteste le bien-fondé de la bonification particulière pour les petites communes que vous proposez, mon cher collègue Delcros. Mais, en l’état actuel des choses, celle-ci reviendrait à écraser la dotation des autres communes, car nous ne disposons que d’une enveloppe fermée.
Je vous invite donc à faire valoir vos arguments lors de l’examen du prochain projet de loi – en tant que membre de la commission des finances, je ne doute pas que vous y serez particulièrement vigilant.
Il reste que, à ce stade, je ne puis souscrire à une disposition qui aurait pour effet de défavoriser une catégorie de communes, alors même que celles-ci ne s’y attendent pas.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. Laurent Burgoa. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour explication de vote.
M. Pierre-Alain Roiron. Si vos propos sont marqués au coin du bon sens, mon cher collègue Delcros, Mme le rapporteur a rappelé que nous sommes contraints par une enveloppe fermée.
Nous ne pouvons pas voter un amendement dont l’adoption emporterait une baisse de moyens pour certaines communes. C’est donc un sujet qu’il nous faudra aborder lors de l’examen du projet de loi de finances.
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. Une chose m’échappe sans doute, mais je ne comprends pas que, avec une même enveloppe fermée, il soit à la fois possible d’étendre le bénéfice de la DPEL des communes de moins de 1 000 habitants aux communes de moins de 3 500 habitants et impossible d’augmenter de 1 500 euros la DPEL des communes de moins de 200 habitants. Il faudrait tout de même me l’expliquer !
M. Guy Benarroche. C’est vrai !
M. Bernard Delcros. Je maintiens que la hausse de la DPEL dans les toutes petites communes ne se ferait pas au détriment des autres, de la même manière que l’extension du périmètre du bénéfice de la DPEL des communes de moins de 1 000 habitants aux communes de moins de 3 500 habitants ne défavorisera pas les communes qui ne sont pas concernées.
M. Laurent Burgoa. Si !
M. François Bonhomme. C’est pourtant certain !
M. le président. La parole est à M. Alain Duffourg, pour explication de vote.
M. Alain Duffourg. Je souhaite abonder dans le sens de Bernard Delcros. Sans cette augmentation pour les communes de moins de 500 habitants, nous ne trouverons pas de candidats en 2026 pour représenter ces communes et faire vivre la démocratie.
Nous devons aider les communes de moins de 500 habitants à assumer l’augmentation que nous avons votée à l’article 1er.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 121 rectifié quater.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 122 rectifié quater.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 100, présenté par MM. G. Blanc et Benarroche, Mme Senée, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les communes nouvelles reçoivent également cette dotation. » ;
II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Grégory Blanc.
M. Grégory Blanc. Les communes nouvelles résultant de la fusion de plusieurs communes volontaires peuvent dépasser le seuil des 3 500 habitants, ce qui les privera, à terme, de la DPEL, alors que leurs charges resteront inchangées.
Cet amendement vise donc à soutenir la création de communes nouvelles, du reste encouragée par l’État. Dans mon département, le Maine-et-Loire, nombreuses sont les communes qui se regroupent ainsi. J’estime que nous leur enverrions un signal positif en leur permettant de conserver durablement le bénéfice de la DPEL.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Vous connaissez mon attachement aux communes nouvelles, mon cher collègue. Nous avons du reste considérablement sécurisé leur statut dans la dernière loi de finances.
J’estime qu’il convient désormais de faire porter nos efforts, non pas sur le périmètre de la DPEL, que nous avons élargi, mais sur l’augmentation du montant de celle-ci.
C’est donc à regret, mais aussi avec beaucoup de conviction, que je suis défavorable à votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je partage l’intérêt de Mme Gatel pour les communes nouvelles. Par ailleurs, mon avis sur cet amendement est tout aussi défavorable.
M. le président. L’amendement n° 99, présenté par MM. G. Blanc et Benarroche, Mme Senée, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les communes occupant les 500 premiers rangs au classement des bénéficiaires de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale majorée reçoivent également cette dotation. » ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Grégory Blanc.
M. Grégory Blanc. Comme je l’ai rappelé au cours de la discussion générale, lors des graves émeutes que notre pays a connues au mois de juillet dernier, certains élus de communes de plus de 5 000 habitants ont été sur le front jour et nuit.
Dans ces communes, l’effet péréquateur des dotations n’est pas à la hauteur des besoins. Alors que certaines communes de moins de 3 000 habitants vont bien et bénéficieront bientôt de la DPEL, l’État n’a pas fait le moindre geste pour ces communes qui peuvent être le théâtre d’explosions urbaines, comme en juillet dernier, et dont les élus s’investissent plus qu’ailleurs.
J’estime qu’il convient de reconnaître symboliquement l’engagement de ces élus et de les encourager dans l’exercice de leurs missions.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Mon cher collègue Grégory Blanc, je ne partage pas l’appréciation selon laquelle la charge de travail des élus serait proportionnelle à la taille des communes. Dans les départements qui ont récemment été touchés par des inondations, les maires, voire l’ensemble des élus des petites communes, ont été présents. Gardons-nous d’opposer le rural et l’urbain ! (MM. François Bonhomme, Jean-Michel Arnaud et Vincent Louault applaudissent.)
Du reste, les communes urbaines que vous pointez perçoivent déjà la DSU.
Certains souhaitent augmenter le montant de la DPEL pour les communes de moins de 500 habitants. Vous entendez pour votre part élargir le périmètre de son bénéfice aux communes qui perçoivent la DSU. Je ne puis faire de miracle !
Le système n’est sans doute pas totalement satisfaisant, mais en l’occurrence, j’estime que la réponse à la difficulté que vous soulevez tient davantage à l’augmentation du montant de la DSU qu’à l’élargissement du périmètre de la DPEL. Ne mélangeons pas tout !
Tout en convenant que vous posez une question légitime, mon cher collègue, je sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Bravo !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
TITRE II
FACILITER L’ENGAGEMENT DES ÉLUS LOCAUX ET AMÉLIORER LES CONDITIONS D’EXERCICE DU MANDAT
Chapitre Ier
Améliorer les conditions matérielles d’exercice du mandat au quotidien
Avant l’article 5
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 345, présenté par Mme Daniel et MM. Roiron, Fagnen, M. Weber, Lurel, Tissot, Ros, P. Joly et Pla, est ainsi libellé :
Avant l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2024, un rapport sur les axes d’amélioration pour mieux évaluer et prendre en considération la santé des élus municipaux. Le rapport formule des propositions pour résoudre les difficultés, notamment pour lutter contre les risques psychosociaux.
La parole est à Mme Karine Daniel.
Mme Karine Daniel. Par cet amendement, je souhaite évoquer les impensés de la vie des élus locaux que constituent leur santé et leurs relations avec l’assurance maladie.
Le groupe socialiste a déposé plusieurs amendements qui ont été déclarés irrecevables sur le fondement de l’article 40 de la Constitution. Ils visaient notamment à prendre en compte les visites médicales des élus qui, n’étant pas salariés, n’en ont pas par ailleurs, ou à majorer l’indemnité de l’adjoint qui remplace le maire en cas d’empêchement ou d’arrêt maladie.
Au-delà de ces considérations, la surexposition des élus aux maladies et aux risques, notamment cardiovasculaires ou psychosociaux, est insuffisamment prise en compte.
Certaines études déjà disponibles ou en cours devraient pourtant nous interpeller. Sous l’égide de l’Agence nationale de la recherche (ANR), Didier Demazière mène notamment une vaste étude sur la santé des élus en s’appuyant sur des analyses fondées tant sur la science politique que sur la sociologie du travail. L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) et l’Association des maires ruraux de France (AMRF) suivent ces travaux de près.
Par cet amendement, je propose donc, mes chers collègues, que le Gouvernement remette un rapport sur ces premiers éléments d’enquête et d’analyse, en vue de nous doter, demain, d’indicateurs susceptibles d’améliorer la prise en compte de ces enjeux majeurs pour le bon exercice et la continuité de l’exercice des mandats de nos élus locaux.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 12 rectifié bis est présenté par Mme Chain-Larché, M. Cuypers, Mme Dumont, M. Lefèvre, Mme Noël, MM. Burgoa, Houpert et D. Laurent, Mmes Micouleau et Belrhiti, MM. Reynaud, Saury, Paul, Belin, E. Blanc, Tabarot, Reichardt, H. Leroy et Anglars, Mmes Garnier et Muller-Bronn, M. Sido, Mme Drexler, M. Chaize et Mmes Bellurot et Borchio Fontimp.
L’amendement n° 349 rectifié bis est présenté par MM. Grosvalet, Roux, Laouedj, Bilhac et Guérini, Mmes M. Carrère et Pantel et MM. Masset, Gold, Guiol et Cabanel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2024, un rapport sur les axes d’amélioration pour mieux évaluer et prendre en considération la santé des élus municipaux. Le rapport formule des propositions pour résoudre les difficultés.
La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour présenter l’amendement n° 12 rectifié bis.
Mme Anne Chain-Larché. Au travers de cet amendement, il est proposé que, avant le 31 décembre 2024, le Gouvernement remette au Parlement un rapport portant sur les axes d’amélioration de l’évaluation et de la prise en compte de la santé des élus municipaux. Ce rapport devra également formuler des propositions pour résoudre les difficultés identifiées.
Notre proposition part du simple constat qu’il n’existe, à ce jour, aucune étude ou prise de données spécifiques de l’assurance maladie sur la santé des élus.
Or des cas de burn-out ou d’accidents vasculaires cérébraux (AVC), probablement liés à des risques médicaux accrus au regard des conditions d’exercice du mandat, mériteraient d’être mieux documentés, de manière à élaborer des réponses adéquates.
M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l’amendement n° 349 rectifié bis.
M. Michel Masset. Le rapport de la mission d’information sénatoriale sur l’avenir des communes et du maire en France, publié le 12 juillet dernier, souligne que « la crise des vocations des élus municipaux s’aggrave : les démissions de maires – 1 078 – et de conseillers municipaux – 29 214 –, s’accélèrent par rapport au mandat 2014-2020. » Selon le journal Le Monde, ces démissions seraient en augmentation de près de 30 %.
Risques d’incivilités ou d’agressions, sentiment que la charge est trop lourde, difficultés à concilier leur mandat avec leur vie professionnelle et personnelle : le mal-être des élus locaux est bien identifié aujourd’hui.
Pour faire face aux violences psychologiques que subissent les élus, le Gouvernement a certes mis en place un numéro vert au mois de novembre dernier, mais il n’existe à ce jour aucune étude ou prise de données spécifiques de l’assurance maladie sur la santé des élus.
Sur les 130 élus interrogés par l’AMRF de Loire-Atlantique à l’été 2023, quelque 33 % ont déclaré avoir des insomnies et 20 % trouvent la pression trop forte, voire ingérable. Des témoignages d’AVC ont par ailleurs été relayés auprès des représentants de l’association.
Aucune politique rigoureuse de lutte contre le malaise des élus locaux ne peut se faire sans instrument de mesure ni enquête permettant de mieux appréhender l’ampleur du phénomène.
La demande d’un rapport au Gouvernement sur ce sujet n’en a que davantage de sens aujourd’hui.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Ces trois amendements tendent à demander un rapport sur la santé des élus, dont je conviens qu’elle constitue un angle mort des études portant sur la population élective.
Ma chère collègue Karine Daniel, sachez que nous avons reçu MM. Didier Demazière et Rémy Le Saout dans le cadre de la préparation de notre rapport et qu’ils nous ont fourni certains éclairages à ce sujet.
La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation aura intérêt à se pencher sur ce sujet. Il nous faut en effet disposer d’indicateurs permettant de mesurer les évolutions qui, nous le savons, ne sont pas très favorables.
Néanmoins, s’agissant de demandes de rapport, l’avis de la commission est défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 rectifié bis et 349 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 5
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 2123-18-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « peuvent bénéficier » sont remplacés par le mot : « bénéficient » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « peuvent également bénéficier » sont remplacés par les mots : « bénéficient également » ;
c) Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les communes de moins de 3 500 habitants, le remboursement auquel a procédé la commune est compensé par l’État dans les conditions prévues à l’article L. 2335-1. » ;
2° L’article L. 3123-19 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « peuvent recevoir » sont remplacés par le mot : « reçoivent » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « peuvent également bénéficier » sont remplacés par les mots : « bénéficient également » ;
3° L’article L. 4135-19 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « peuvent recevoir » sont remplacés par le mot : « reçoivent » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « peuvent également bénéficier » sont remplacés par les mots : « bénéficient également » ;
4° L’article L. 5211-13 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « peuvent être » sont remplacés par le mot : « sont » ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « peuvent également bénéficier » sont remplacés par les mots : « bénéficient également » ;
5° L’article L. 6434-5 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « peuvent recevoir » sont remplacés par le mot : « reçoivent » ;
b) Le même premier alinéa est complété par les mots : « ès qualité » ;
c) Au deuxième alinéa, les mots : « peuvent également bénéficier » sont remplacés par les mots : « bénéficient également » ;
6° L’article L. 7227-23 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « peuvent recevoir » sont remplacés par le mot : « reçoivent » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « peuvent également bénéficier » sont remplacés par les mots : « bénéficient également ».
M. le président. L’amendement n° 210, présenté par M. Benarroche, Mme Senée, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après les alinéas 3, 11, 14, 17 et 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le même premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces frais de transport incluent le covoiturage et les transports en commun. »
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Le département des Bouches-du-Rhône a la double particularité de compter très peu de communes et d’accueillir la très vaste métropole d’Aix-Marseille-Provence, qui regroupe quantité de communes, dont certaines sont très éloignées de la métropole et parfois même situées dans un autre département.
Parmi les nombreux élus avec lesquels j’ai échangé au sujet de la présente proposition de loi, Laurie Pons, maire du petit village de Saint-Pierre-de-Mézoargues, me confiait qu’elle regroupait ses réunions de manière à n’effectuer qu’une dizaine de déplacements mensuels à la métropole. Elle parcourt à ce titre 528 kilomètres, au titre desquels elle perçoit, selon le barème de la fonction publique, qui est plus bas que celui du privé, quelque 290 euros d’indemnités kilométriques, pour des frais qui s’élèvent à 368 euros.
Si le remboursement des frais de transport est bien prévu par la loi, et nous nous en félicitons, celle-ci ne mentionne que le remboursement des frais d’essence des voitures individuelles. Or certains élus de petites communes – parmi lesquels Laurie Pons, mais elle n’est pas la seule – se sont vu refuser le remboursement de frais de covoiturage ou de transports en commun, par exemple de bus.
Il paraît donc nécessaire de préciser, comme je le propose par cet amendement, que les élus peuvent bénéficier d’un remboursement des autres moyens de transport, en particulier des frais liés au covoiturage et aux transports en commun.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Par cet amendement, mon cher collègue, vous souhaitez prévoir explicitement le remboursement des frais liés aux transports en commun et au covoiturage.
Si l’amendement paraît satisfait, il semblerait que des élus se soient vu refuser la prise en charge de tels frais.
Aussi, sur cet amendement, j’émettrai un avis de sagesse à coloration positive. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je confirme à M. le sénateur Benarroche et à M. le rapporteur que cet amendement est satisfait sur le fond.
La prise en charge des frais de déplacement des élus s’effectue selon des modalités arrêtées pour les déplacements temporaires des personnels civils de l’État dans le décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006, qui inclut la possibilité de telles prises en charge.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur Benarroche ; à défaut, mon avis serait défavorable.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Peut-être l’amendement est-il satisfait, madame la ministre, mais les maires qui n’obtiennent pas le remboursement de leurs frais de transport au motif que ces derniers sont liés non pas à l’utilisation d’un véhicule individuel, mais au recours à du covoiturage ou à des transports en commun, eux, ne sont pas satisfaits !
Vous admettrez que l’ajout de la mention de ces deux autres modes de transport n’est pas gênant. Il simplifierait toutefois la tâche de ces élus qui peinent à obtenir un remboursement.
À défaut d’un avis favorable, je vous demande donc de bien vouloir vous en remettre à la sagesse du Sénat sur cet amendement, madame la ministre.
M. Guy Benarroche. Bravo !
M. le président. L’amendement n° 171 rectifié bis, présenté par M. Bas, Mme Di Folco, M. Le Rudulier, Mme Puissat, MM. Khalifé, Sautarel et Karoutchi, Mme Josende, MM. Grosperrin et J.P. Vogel, Mme Berthet, MM. Chaize, Sol, Laménie et Burgoa, Mme Canayer, MM. Frassa, Perrin et Rietmann, Mme Belrhiti, M. Lefèvre, Mmes Richer et Gruny, MM. Savin et Reynaud, Mme Jacques, MM. Anglars, J.-B. Blanc, Sido, Bouchet et Bonhomme, Mme Gosselin, MM. Pellevat, de Legge, Pointereau et Chevrollier, Mmes M. Mercier et Ventalon, MM. Darnaud et Milon, Mme Dumont, M. C. Vial, Mme Micouleau, M. Mouiller, Mme Bonfanti-Dossat et MM. Saury, D. Laurent, Rapin, Nougein, Panunzi et Cadec, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter l’alinéa par les mots :
et sont ajoutés les mots : « ,dont, notamment, celles des groupements de collectivités territoriales dont est membre la commune » ;
La parole est à Mme Catherine Di Folco.
Mme Catherine Di Folco. Cet amendement vise à permettre la prise en charge des frais causés par les membres en situation de handicap des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) lorsque des réunions ont lieu sur le territoire de leur propre commune et à éviter une application différente d’un territoire à un autre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Le présent amendement tend à étendre la prise en charge des frais spécifiques des élus qui sont en situation de handicap. Si l’amendement est a priori satisfait, des élus en situation de handicap se sont vu refuser le remboursement.
Telle est la raison pour laquelle je rendrai un avis de sagesse empreint d’une grande sympathie.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 402, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 5 et 6
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
c) À la fin du premier alinéa de l’article L. 2123-18-1, est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les autres dépenses de transport et de séjour engagées pour se rendre à des séances du conseil municipal ou des réunions des commissions et instances dont ils font partie ès qualités peuvent être remboursées selon des modalités fixées par délibération du conseil municipal. » ;
II. – Après l’alinéa 14
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
c) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les autres dépenses de transport et de séjour pouvant résulter de l’exercice de leur mandat peuvent être remboursées selon des modalités fixées par délibération de l’organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale mentionnés à l’article L. 5211-12. » ;
d) Au troisième alinéa, les mots : « au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « aux alinéas précédents » ;
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Cet amendement vise à compléter les dispositifs de remboursement de frais de transport prévus pour les communes et pour les EPCI.
L’article 5 tend notamment à rendre obligatoire le remboursement des frais de transport et de séjour engagés par les élus locaux lorsqu’ils représentent leurs collectivités. Il prévoit en outre, pour les communes de moins de 3 500 habitants, une compensation par l’État des remboursements des frais de déplacement.
Les élus ont déjà droit au remboursement de frais de transport, sous réserve des conditions prévues par le code général des collectivités territoriales, à savoir un critère matériel lié à la nature de la réunion et un critère géographique pour les élus municipaux et d’établissements publics de coopération intercommunale. Tout élu qui remplit ces deux critères a droit au remboursement de sa collectivité dès lors qu’il en fait la demande.
L’amendement que je vous soumets, mesdames, messieurs les sénateurs, tend à compléter les dispositifs déjà existants pour les communes et pour les EPCI.
L’organe délibérant pourra notamment prévoir le remboursement des frais de transport engagés par les élus municipaux pour se rendre aux réunions et séances qui ont lieu sur le territoire de la commune, ce qui couvrira certaines difficultés de remboursement rencontrées par les élus, par exemple pour leurs déplacements dans le territoire des communes nouvelles.
L’organe délibérant pourra également prévoir le remboursement des frais de transport engagés par les élus d’EPCI pour des déplacements autres que ceux qui sont visés à l’article L. 5211-13 du code général des collectivités territoriales.
Enfin, l’assouplissement que je vous propose permet de répondre à l’objectif qui sous-tend l’article 12 de la présente proposition de loi, en permettant à une commune de prendre en charge les frais de transport d’un élu étudiant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Si tout avait bien commencé, madame la ministre, car le début de la réécriture que vous proposez nous paraissait intéressant, vous proposez ensuite de supprimer la compensation des remboursements et des frais de garde pour les communes de moins de 3 500 habitants.
Par cet amendement, vous tendez donc à revenir sur une disposition que nous avons adoptée et que nous considérons comme une avancée.
L’avis de la commission est, par conséquent, défavorable.
M. le président. L’amendement n° 169 rectifié, présenté par M. Reichardt, Mme Noël, MM. Burgoa et Lefèvre, Mme Muller-Bronn, MM. Klinger et J.P. Vogel, Mmes Dumont et N. Goulet, MM. Daubresse, Houpert, Saury, Michallet, Kern, Reynaud, Duplomb et J.M. Boyer, Mme Micouleau, MM. Courtial, Frassa, Chatillon et Belin, Mmes Drexler et Romagny, MM. Laménie, Bouchet, H. Leroy et D. Laurent, Mmes Borchio Fontimp, Josende, Sollogoub et Imbert, MM. Anglars, Longeot, P. Martin, Maurey, Somon, Genet, Mizzon, Tabarot et Folliot, Mme Schalck, MM. Brisson, Paccaud, Henno et Pointereau, Mme Jacques, MM. Rojouan et Bonhomme, Mme Estrosi Sassone et MM. Bleunven et Sido, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au plus tard douze mois après la promulgation de la présente loi, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ou le ministre délégué chargé des collectivités locales, adopte par voie de circulaire un « Statut de l’élu local » rassemblant l’ensemble des dispositions statutaires applicables aux titulaires d’un mandat électif local.
La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Parce que cette proposition de loi porte sur des matières diverses et vise à modifier plusieurs codes, il serait particulièrement utile pour la bonne information des élus de rassembler toutes les dispositions applicables dans un seul document.
Le présent amendement a donc pour objet de confier au pouvoir réglementaire le rappel exhaustif des dispositions formant un statut de l’élu local au sens de la présente loi.
Mes chers collègues, nous savons tous combien il est difficile pour les élus locaux de prendre le temps de se pencher sur le CGCT, d’autant que les dispositions qui les concernent figurent dans plusieurs titres de ce code. Il me paraît donc utile pour la lisibilité de la loi que les mesures définissant leur statut figurent dans un seul document.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. La commission souscrit sur le fond à la position de M. Reichardt. Toutefois, elle considère qu’une circulaire n’est pas le bon véhicule pour la mettre en œuvre. Le Gouvernement devrait plutôt rassembler l’ensemble des mesures qui concernent le statut d’élu local dans un même titre spécifique du CGCT, sur le modèle de ce qui a été fait pour l’intercommunalité.
Nous demandons donc au Gouvernement d’agir en ce sens, même si la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je réponds favorablement à la demande que vient de formuler M. le rapporteur. Il faut en effet regrouper au sein du CGCT les divers articles portant sur le statut de l’élu local.
Sur cet amendement, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je remercie M. le rapporteur de la demande qu’il vient de formuler.
Toutefois, mes chers collègues, avez-vous déjà pris le temps de vous pencher sur un code ? Chaque article renvoie aux dispositions d’un autre code dans des allers-retours incessants, qui finissent par rendre le texte totalement incompréhensible… Ce qui m’importe, c’est la lisibilité du document : il faut que le dispositif soit simple.
Franchement, consacrer une partie du code au statut de l’élu ne suffira pas. Mieux vaudrait recourir au pouvoir réglementaire et produire une circulaire qui s’adresserait non seulement aux élus, mais également aux fonctionnaires chargés de la mettre en œuvre. Je maintiendrai donc mon amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Mizzon. Je soutiendrai l’amendement de notre collègue Reichardt. En effet, qu’attendent les élus, sinon que nous leur facilitions les choses ? Et ce texte a bien pour ambition de simplifier la vie des élus locaux.
Diable ! Le code général des collectivités territoriales a triplé de volume au cours des vingt dernières années. Il est très difficile de s’y retrouver. Nous devons donc soutenir cet amendement, qui vise à répondre aux attentes de nos collègues et amis élus locaux.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 5.
Article 6
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Avant le dernier alinéa de l’article L. 3123-19, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil départemental peut voter, sur les ressources ordinaires, des indemnités à son président pour frais de représentation. Une délibération du conseil départemental détermine les conditions de versement et les modalités de contrôle de l’utilisation de cette indemnité. » ;
2° Avant le dernier alinéa de l’article L. 4135-19, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil régional peut voter, sur les ressources ordinaires, des indemnités à son président pour frais de représentation. Une délibération du conseil régional détermine les conditions de versement et les modalités de contrôle de l’utilisation de cette indemnité. »
M. le président. L’amendement n° 212, présenté par M. Benarroche, Mme Senée, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
I – Alinéa 3
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
« Les modalités de remboursement sont fixées par délibération du conseil départemental. Les notes de frais de représentation peuvent être communiquées par tout moyen, selon les modalités fixées par l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration.
II – Alinéa 5
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
« Les modalités de remboursement sont fixées par délibération du conseil régional. Les notes de frais de représentation peuvent être communiquées par tout moyen, selon les modalités fixées par l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Il me faut rappeler la logique et la cohérence des amendements que nous présentons : les dispositions de l’amendement n° 212 s’inscrivent dans la suite d’un amendement n° 210, qui a été déclaré irrecevable alors qu’il visait simplement à ce que l’indemnisation des frais de représentation et de déplacement dont peut bénéficier le président d’un conseil départemental ou d’un conseil régional soit étendue au représentant chargé de le remplacer en cas d’absence.
Cette disposition ne créait aucune charge supplémentaire, ce qu’un simple calcul suffisait à établir, mais elle a tout de même été déclarée irrecevable…
Quant à l’amendement n° 212, il a pour objet de faire encadrer la prise en charge des frais de représentation des présidents de conseil départemental et de conseil régional par les départements et les régions, en prévoyant, d’une part, que les modalités de remboursement soient fixées par délibération des assemblées et, d’autre part, que les notes et les justificatifs de frais puissent être communiqués par tout moyen.
Le Conseil d’État, dans une décision du 8 février 2023, a jugé qu’un maire ne pouvait pas refuser de transmettre ses notes de frais de restauration et de représentation à tout citoyen qui en ferait la demande, puisqu’il s’agissait de documents administratifs.
Il est donc important, pour renforcer le principe de transparence de la vie publique, qui figure dans la loi, d’appliquer la même règle à l’encontre des présidents de conseil départemental et de conseil régional, en encadrant le montant des remboursements fixés par délibération en conseil départemental ou régional et en prévoyant une communication de ces documents.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Nous souhaitons tous favoriser la transparence : elle est d’ailleurs obligatoire, et le dispositif est sécurisé. Toutefois, il faut éviter de tomber dans une forme de défiance envers les élus locaux et de trop compliquer les choses.
Pour ce qui est de la communication des documents, le dispositif que nous proposons pour les conseils départementaux et régionaux est aligné sur celui qui s’applique aux maires et que vous connaissez tout comme moi.
La transparence et la régularité étant garanties, cet amendement est satisfait. J’en demande donc le retrait ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Benarroche, l’amendement n° 212 est-il maintenu ?
M. Guy Benarroche. Nous souhaitons que l’obligation de transmettre les documents soit inscrite dans la loi et ne soit pas laissée à l’appréciation des collectivités.
Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 186 rectifié, présenté par Mme Girardin, MM. Bilhac, Daubet, Fialaire, Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, M. Roux et Mme Pantel, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’application de ces dispositions à Saint-Pierre-et-Miquelon, la référence au conseil départemental est remplacée par la référence au conseil territorial. » ;
II. – Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’application de ces dispositions à Saint-Pierre-et-Miquelon, la référence au conseil régional est remplacée par la référence au conseil territorial. »
La parole est à Mme Annick Girardin.
Mme Annick Girardin. L’article 6 a pour objet de permettre la prise en charge des frais de représentation des présidents de conseil départemental et de conseil régional.
Cet amendement rédactionnel vise à réparer un oubli, en ajoutant la mention des présidents de collectivité territoriale. Ainsi, le dispositif pourra s’appliquer dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Telle était bien notre intention, et je vous remercie de votre vigilance, cher collègue !
La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Bien que certaines dispositions du CGCT prévoient expressément que, pour leur application à Saint-Pierre-et-Miquelon, la référence au conseil départemental et au conseil régional soit remplacée par la référence au conseil territorial, l’amendement que vous proposez n’est pas juridiquement adapté, madame la sénatrice.
En l’espèce, l’article qui vient en miroir des articles L. 3123-19 et L. 4135-19 du CGCT dans leur version applicable aux membres du conseil territorial de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon est l’article L. 6434-5 du CGCT. Par conséquent, l’application du dispositif à Saint-Pierre-et-Miquelon devrait être prévue à cet article.
En outre, la mesure que vous proposez concerne l’extension à Saint-Pierre-et-Miquelon de la possibilité pour le conseil territorial de voter des frais de représentation pour son président. Cette disposition portant sur les relations entre deux institutions de la collectivité, et non sur le régime indemnitaire d’un élu du conseil, elle devrait être inscrite dans une loi organique.
Pour toutes ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Madame Girardin, l’amendement n° 186 rectifié est-il maintenu ?
Mme Annick Girardin. Il est dommage que nous n’en ayons pas discuté auparavant ! Nous réglerons cela dans la suite de la navette, madame la ministre.
Je maintiens donc mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 410, présenté par Mmes Eustache-Brinio et Gatel et M. Kerrouche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au second alinéa de l’article L. 3123-19-1, les mots : « de l’avant-dernier » sont remplacés par les mots : « du cinquième » ;
II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
…° Au second alinéa de l’article L. 4135-19-1, les mots : « de l’avant-dernier » sont remplacés par les mots : « du cinquième ».
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 155 rectifié bis est présenté par MM. Buval, Patient, Fouassin, Théophile et Mohamed Soilihi et Mme Schillinger.
L’amendement n° 411 est présenté par Mmes Eustache-Brinio et Gatel et M. Kerrouche, au nom de la commission.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 7125-22 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’assemblée de Guyane peut voter, sur les ressources ordinaires, des indemnités à son président pour frais de représentation. Une délibération de l’assemblée de Guyane détermine les conditions de versement et les modalités de contrôle de l’utilisation de cette indemnité. » ;
…° L’article L. 7227-23 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’assemblée de Martinique peut voter, sur les ressources ordinaires, des indemnités à son président ainsi qu’au président du conseil exécutif. Une délibération de l’assemblée de Martinique détermine les conditions de versement et les modalités de contrôle de l’utilisation de cette indemnité. »
La parole est à M. Frédéric Buval, pour présenter l’amendement n° 155 rectifié bis.
M. Frédéric Buval. L’article 6 de la proposition de loi comble de manière bienvenue un vide juridique en même temps qu’il met fin à un traitement inéquitable de différentes catégories d’exécutifs locaux, en permettant aux présidents de département et de région de bénéficier du remboursement des frais de représentation.
Toutefois, il ne prévoit pas expressément le bénéfice de cette faculté pour le président de l’assemblée de Guyane, le président de l’assemblée de Martinique et le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique.
Le présent amendement vise donc à corriger cette lacune.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 411.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 155 rectifié bis et 411.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 143 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 225 rectifié est présenté par MM. Benarroche et Dossus, Mme Senée, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel.
L’amendement n° 244 rectifié est présenté par Mme Cukierman, M. Brossat, Mme Brulin, M. Lahellec et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 283 rectifié bis est présenté par Mme Brossel, M. Féraud, Mme de La Gontrie et M. Jomier.
L’amendement n° 385 est présenté par le Gouvernement.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 2511-33 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Les références : « , L. 2123-8, L. 2123-9 » sont remplacées par les références : « à L. 2123-10, L. 2123-11-1 » ;
2° Après les références : « L. 2123-15, », sont insérées les références : « L. 2123-18-1, L. 2123-18-2, ».
La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 225 rectifié.
M. Thomas Dossus. Nous avions déjà débattu de cette mesure lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024. Cet amendement a pour objet l’alignement des droits des élus d’arrondissement dans les grandes villes de Paris, Lyon et Marseille sur ceux des autres élus municipaux.
En effet, nous considérons que ces élus jouent un rôle important en tant qu’élus de proximité. Même si la plupart de leurs droits sont alignés sur ceux des autres élus municipaux, il reste quelques écarts que nous proposons de supprimer, notamment en garantissant la prise en charge des frais de garde, le bilan de compétences de fin de mandat et un meilleur accompagnement des élus d’arrondissement en situation de handicap.
Madame la ministre, nous avons modifié notre amendement pour qu’il soit identique à celui du Gouvernement, car le sujet nous paraît consensuel.
Toutefois, nous tenons à vous signaler d’autres manques, que nous avions mentionnés dans la rédaction initiale de notre amendement et qui portent sur la majoration du droit au détachement et sur la majoration du crédit d’heures. Ils pourront être comblés dans le cadre d’une autre proposition de loi, à moins qu’ils ne le soient au cours de la navette parlementaire.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 244 rectifié.
Mme Céline Brulin. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour présenter l’amendement n° 283 rectifié bis.
Mme Colombe Brossel. Pour compléter ce qu’a dit mon collègue, je crois qu’il est de notre devoir d’aligner les droits des élus d’arrondissement sur ceux des élus municipaux, alors que d’importants écarts subsistent de manière totalement injustifiée au regard du travail fourni au quotidien par les élus d’arrondissement – permettez-moi, d’ailleurs, de saluer l’ensemble de ceux de Paris.
Le Président de la République a annoncé vouloir revenir sur la loi du 31 décembre 1982 relative à l’organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale, dite loi PLM, pour en somme supprimer les mairies et les élus d’arrondissement.
Au travers de cet amendement, nous réaffirmons le rôle de proximité essentiel que jouent les mairies d’arrondissement au service des Parisiens et la légitimité qu’ont leurs élus à bénéficier strictement des mêmes droits que les autres élus municipaux.
Cet amendement, cosigné par les sénateurs socialistes parisiens et travaillé en concertation avec France urbaine, a également été rendu identique à celui du Gouvernement. S’il était adopté, ce serait une très bonne chose pour les conseillers d’arrondissement parisiens. Néanmoins, comme mon collègue l’a souligné précédemment, il manquerait encore des éléments importants comme la majoration des crédits d’heures ou la majoration d’indemnité au titre de ville chef-lieu de département.
Nous espérons que l’adoption de cet amendement contribuera à ouvrir d’autres pistes de travail. En effet, les conseillers d’arrondissement méritent que nous leur accordions toute notre reconnaissance.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée, pour présenter l’amendement n° 385.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. L’amendement du Gouvernement est identique à ceux qui viennent d’être présentés : il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je vous rassure, mes chers collègues, nous considérons que les élus, quelle que soit la taille de leur commune, ont tous du mérite, et cela justifie que nous examinions attentivement ce texte.
La commission soutient l’élargissement des droits et garanties dont bénéficient les conseillers d’arrondissement, notamment en matière de frais de transport et de frais de garde. Elle a donc émis un avis favorable sur tous ces amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 225 rectifié, 244 rectifié, 283 rectifié bis et 385.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 6.
Article 7
Après l’article L. 2121-7 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2121-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2121-7-1. – Le maire peut décider que les réunions des commissions convoquées en application de l’article L. 2121-22 se tiennent en plusieurs lieux, par visioconférence.
« Lorsque la réunion de la commission se tient entièrement ou partiellement par visioconférence, il en est fait mention dans la convocation.
« Le règlement intérieur fixe les modalités pratiques de déroulement des réunions en plusieurs lieux par visioconférence ainsi que les limites dans lesquelles il peut être fait usage de cette faculté. »
M. le président. L’amendement n° 101, présenté par MM. G. Blanc et Benarroche, Mme Senée, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces dispositions s’appliquent y compris pour les commissions d’appel d’offres.
La parole est à M. Grégory Blanc.
M. Grégory Blanc. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 101 est retiré.
Je mets aux voix l’article 7.
(L’article 7 est adopté.)
Après l’article 7
M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 128 rectifié, présenté par MM. Iacovelli, Patriat et Théophile, Mme Havet, MM. Rohfritsch, Fouassin et Buis, Mme Duranton, M. Omar Oili, Mme Schillinger, MM. Patient, Rambaud, Lévrier, Mohamed Soilihi et Haye et Mme Phinera-Horth, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le quatrième alinéa de l’article L. 2121-7 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque, pour un motif professionnel ou académique, un membre du conseil municipal n’est pas en mesure d’être présent à une réunion, sa participation est assurée par le recours à la visioconférence. »
La parole est à M. Stéphane Fouassin.
M. Stéphane Fouassin. Le présent amendement vise à ouvrir la possibilité de recourir à la visioconférence pour un membre du conseil municipal empêché professionnellement.
Cette mesure permettrait, par exemple, aux conseillers municipaux en déplacement professionnel loin de leur commune de continuer de participer aux réunions du conseil et donc de prendre part aux délibérations.
M. le président. L’amendement n° 17 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Fialaire, Guiol, Laouedj et Masset, Mmes Pantel et Girardin, MM. Gold et Grosvalet, Mme Guillotin et M. Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le quatrième alinéa de l’article L. 2121-7 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque, pour un motif professionnel, un membre du conseil municipal n’est pas en mesure d’être présent à une réunion, sa participation est assurée par le recours à la visioconférence. »
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Nous en avons discuté en commission et je connais déjà le sort de cet amendement, mais je tiens à le défendre tout de même. En effet, dans les communes rurales, les élus sont souvent des retraités, et nous devons chercher des gens en activité pour exercer ces fonctions, afin de garantir une mixité dans la représentation.
Or, dans certains cas, il faut tenir compte de contraintes professionnelles, comme l’obligation d’effectuer des déplacements, qui empêchera l’élu d’assister à telle ou telle réunion.
Nous avons tous constaté, pour l’avoir expérimenté notamment au Sénat, que le recours à la visioconférence permettait de dépasser certaines contraintes. Les élus en activité pourraient en profiter pour continuer à participer à la vie municipale.
Certes, le recours à la visioconférence doit rester exceptionnel, mais il faut ouvrir cette possibilité.
M. le président. L’amendement n° 236 rectifié bis, présenté par Mmes Pantel et N. Delattre et MM. Fialaire, Gold, Grosvalet, Laouedj et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Compléter cet article par quatre paragraphes ainsi rédigés :
…– Après le quatrième alinéa de l’article L. 2121-7 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il est régulièrement inscrit dans un établissement d’enseignement supérieur et qu’en raison de ses études un membre du conseil municipal n’est pas en mesure d’être présent à une réunion, sa participation est assurée par le recours à la visioconférence. »
…– Après le sixième alinéa de l’article L. 3121-9-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il est régulièrement inscrit dans un établissement d’enseignement supérieur et qu’en raison de ses études un membre du conseil départemental n’est pas en mesure d’être présent à une réunion, sa participation est assurée par le recours à la visioconférence. »
…– Après le sixième alinéa de l’article L. 4132-9-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il est régulièrement inscrit dans un établissement d’enseignement supérieur et qu’en raison de ses études un membre du conseil régional n’est pas en mesure d’être présent à une réunion, sa participation est assurée par le recours à la visioconférence. »
…– L’article L. 5211-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il est régulièrement inscrit dans un établissement d’enseignement supérieur et qu’en raison de ses études un membre de l’organe délibérant d’une métropole, d’une communauté urbaine, d’une communauté d’agglomération ou d’une communauté de communes n’est pas en mesure d’être présent à une réunion, sa participation est assurée par le recours à la visioconférence. »
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Cet amendement de Mme Pantel vise à faciliter la création d’un statut de l’élu étudiant, en autorisant le recours à la visioconférence.
Cette mesure permettrait aux étudiants de concilier leurs études avec un engagement en tant qu’élu local.
M. le président. L’amendement n° 338 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 105 rectifié bis, présenté par MM. Duffourg, Folliot, Henno, Houpert, Laugier, Joyandet et Wattebled, Mme Saint-Pé et MM. Courtial, Chasseing et Bleunven, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2121-7 du code général des collectivités territoriales est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le maire peut décider que certaines réunions du conseil municipal, à l’exception du vote du budget, se tiennent en visioconférence. Il s’assure alors de la publicité des séances en ligne.
« Lorsque la réunion du conseil municipal se tient entièrement ou partiellement par visioconférence, il en est fait mention dans la convocation. »
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. le président. L’amendement n° 127 rectifié bis, présenté par MM. Iacovelli, Patriat et Théophile, Mme Havet, MM. Rohfritsch, Fouassin et Buis, Mme Duranton, M. Omar Oili, Mme Schillinger, MM. Patient, Rambaud, Lévrier, Mohamed Soilihi et Haye et Mme Phinera-Horth, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le quatrième alinéa de l’article L. 2121-7 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le maire peut décider que la réunion du conseil municipal se tienne par visioconférence, dans les conditions prévues à l’article L. 2121-7-1. »
2° Après l’article L. 2121-7, il est inséré un article L. 2121-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2121-7-1. – Sur décision du maire, la réunion du conseil municipal peut se tenir totalement ou partiellement par visioconférence, notamment dans le cas où la convocation est émise dans un délai inférieur à un mois précédant la réunion.
» Lorsque la réunion se tient partiellement par visioconférence, le quorum est apprécié en tenant compte de la présence des membres dans le lieu de réunion et de ceux présents à distance.
« Les votes ont obligatoirement lieu au scrutin public. En cas d’adoption d’une demande de vote secret, le maire reporte le point de l’ordre du jour à une séance ultérieure, qui ne peut se tenir par visioconférence. Le scrutin public est organisé soit par appel nominal, soit par scrutin électronique, dans des conditions garantissant sa sincérité. En cas de partage, la voix du maire est prépondérante. Le maire proclame le résultat du vote, qui est reproduit au procès-verbal avec le nom des votants.
« Lorsque la réunion du conseil municipal se tient par visioconférence, il en est fait mention dans la convocation adressée par le maire.
« La réunion du conseil municipal ne peut se tenir par visioconférence pour l’élection du maire et de ses adjoints, pour l’adoption du budget primitif et pour l’élection des délégués aux établissements publics de coopération intercommunale et pour l’application des articles LO. 1112-1, L. 2121-33 et L. 2221-10 du présent code.
« Le règlement intérieur fixe les modalités pratiques de déroulement des réunions par visioconférence. À défaut de règlement intérieur, celles-ci sont fixées par une délibération du conseil municipal. »
La parole est à M. Stéphane Fouassin.
M. le président. L’amendement n° 26 rectifié bis, présenté par Mme Loisier, MM. Laugier, Longeot, Folliot, Courtial et J.M. Arnaud, Mme Perrot, M. Delcros, Mmes Jacquemet et de La Provôté, M. Kern, Mme Billon, M. Henno, Mmes Saint-Pé, Devésa et Romagny, M. Hingray, Mme Gacquerre, M. Levi, Mmes Antoine et Morin-Desailly et MM. Pillefer et Chauvet, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le quatrième alinéa de l’article L. 2121-7 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le maire peut décider que la réunion du conseil municipal se tienne partiellement par visioconférence, dans les conditions prévues à l’article L. 2121-7-1. » ;
2° Après l’article L. 2121-7, il est inséré un article L. 2121-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2121-7-1. – Le maire peut décider que la réunion du conseil municipal se tient en plusieurs lieux, partiellement par visioconférence.
« Le nombre de conseillers municipaux présents à distance ne peut alors excéder le quart du nombre total des membres du conseil municipal. Chaque membre du conseil municipal peut être présent à distance dans la limite de deux fois par an.
« Lorsque la réunion du conseil municipal se tient partiellement par visioconférence, le quorum est apprécié en fonction de la présence des membres dans le lieu de réunion, mais également de ceux présents à distance.
« Les votes ne peuvent avoir lieu qu’au scrutin public. En cas d’adoption d’une demande de vote secret, le maire reporte le point de l’ordre du jour à une séance ultérieure, qui ne peut se tenir partiellement par visioconférence. Le scrutin public peut être organisé soit par appel nominal, soit par scrutin électronique, dans des conditions garantissant sa sincérité. En cas de partage, la voix du maire est prépondérante. Le maire proclame le résultat du vote, qui est reproduit au procès-verbal avec le nom des votants.
« Lorsque la réunion du conseil municipal se tient partiellement par visioconférence, il en est fait mention dans la convocation adressée par le maire.
« La réunion du conseil municipal ne peut se tenir partiellement par visioconférence pour l’élection du maire et de ses adjoints, pour l’adoption du budget primitif et pour l’élection des délégués aux établissements publics de coopération intercommunale et pour l’application des articles LO 1112-1, L. 2121-33 et L. 2221-10 du présent code.
« Le règlement intérieur fixe les modalités pratiques de déroulement des réunions en plusieurs lieux par visioconférence. À défaut de règlement intérieur, celles-ci sont fixées par une délibération du conseil municipal. »
La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.
Mme Anne-Catherine Loisier. Cet amendement a pour objet que les élus des conseils municipaux aient accès à la visioconférence dans un cadre limité, sur le modèle de ce que prévoit la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite loi Engagement et proximité, dont le dispositif a d’ailleurs été étendu aux EPCI, aux conseils départementaux et aux conseils régionaux, dans le cadre de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration, dite loi 3DS.
En effet, les conseillers municipaux sont les seuls à ne pas pouvoir recourir à la visioconférence pour tenir leurs réunions. Ils avaient pourtant eu cette possibilité durant la période de l’épidémie de covid-19.
Or l’usage de la visioconférence est particulièrement adapté pour répondre aux problèmes de quorum dans les conseils municipaux.
Certes, il ne s’agit pas d’ouvrir la boîte de Pandore : le cadre de cet usage devra rester limité. Le nombre de conseillers présents à distance ne pourra excéder 25 % du nombre total des membres du conseil municipal, et chaque conseiller limitera son usage de la visioconférence à deux fois par an. Ce sont là, du moins, les conditions définies dans les lois Engagement et proximité et 3DS.
À l’heure où les petites communes rencontrent des difficultés pour réunir leur conseil municipal et où nous souhaitons moderniser le mandat de conseiller municipal pour le rendre plus attractif, à l’heure où le Sénat plaide pour renforcer la confiance accordée aux élus, comment pourrions-nous considérer que les élus municipaux ne soient pas assez responsables ou engagés pour faire un usage modéré de la visioconférence ? Celle-ci est un outil moderne susceptible de faciliter l’investissement dans la vie locale.
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par Mmes Borchio Fontimp et Demas, MM. Tabarot et C. Vial, Mme Aeschlimann, M. Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bouchet, Bruyen et Cadec, Mmes Dumont et Evren, MM. Gremillet et Gueret, Mmes Imbert et Joseph, MM. Khalifé et Laménie, Mmes Lopez et Micouleau et MM. Panunzi, Rapin, Reynaud, Sautarel, Savin, Sido, J.-P. Vogel, Bleunven, Courtial et Levi, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 2121-7 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2121-7-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2121-7-…. – Dans les communes, les conseillers municipaux peuvent solliciter l’organisation de leur présence en visioconférence à la réunion du conseil municipal.
« Cette sollicitation est accordée par le maire sous réserve de la réelle motivation de l’absence de l’élu concerné par un impératif personnel ou professionnel.
« Seulement 20 % des membres du conseil municipal peuvent prendre part au quorum en distanciel.
« Cette possibilité est limitée à dix utilisations par mandat.
« La caméra est toujours allumée et l’élu n’a pas l’autorisation de quitter son écran. La séance est systématiquement enregistrée ou seulement le quorum en visioconférence si les moyens de la collectivité ne le permettent pas. Les modalités d’application du présent alinéa sont fixées par décret.
« Cette possibilité n’est pas autorisée pour les séances dédiées aux budgets primitifs dans les collectivités.
« Lors de l’utilisation de la visioconférence en réunion du conseil municipal, le quorum est apprécié en fonction de la présence des conseillers dans les différents lieux par visioconférence.
« Les votes ne peuvent avoir lieu qu’au scrutin public. En cas d’adoption d’une demande de vote secret, le maire reporte le point de l’ordre du jour à une séance ultérieure, qui ne peut se tenir par visioconférence, ou peut refuser son utilisation pour la séance entière. Le scrutin public peut être organisé soit par appel nominal, soit par scrutin électronique, dans des conditions garantissant sa sincérité.
« Lorsque la réunion du conseil peut se tenir partiellement en visioconférence, il en est fait mention dans la convocation prévue à l’article L. 2121-10.
« Le règlement intérieur fixe les modalités pratiques de déroulement des réunions en plusieurs lieux par visioconférence. »
La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Cet amendement de notre collègue Belrhiti vise à étendre la possibilité de se réunir sous le format de la visioconférence aux bureaux communautaires et intercommunaux, comme c’est déjà possible pour les conseils départementaux et régionaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Nous savons tous que le recours à la visioconférence est une valeur ajoutée. Cependant, comme pour tout outil, il faut savoir la doser.
La commission considère que l’ouverture de cette possibilité aux conseils municipaux pourrait poser problème. D’ailleurs, qui envisagerait, au Sénat, que nous siégions en visioconférence pour la séance publique ?
Laissez-moi vous donner un exemple : dans les communes du littoral de mon département, les propriétaires déclarent très souvent leur résidence secondaire comme domicile principal, afin d’être inscrits sur les listes électorales de ces communes. Or, en réalité, ils habitent à Paris ou ailleurs.
Rien ne s’oppose à ce que ces personnes soient élues pour exercer un mandat de conseiller municipal. Toutefois, s’il faut à chaque fois recourir à la visioconférence pour tenir les conseils municipaux, il me semble que cela ne favorisera pas la vitalité de la commune et des débats.
Nous avons ouvert la possibilité du recours à la visioconférence pour les commissions municipales. En revanche, dans les conseils municipaux, où se prennent les décisions, l’utilisation de la visioconférence poserait un problème de nature démocratique et le règlement intérieur ne suffirait pas pour encadrer cet usage.
Il s’agit non pas de limiter l’accès à un outil moderne, mais de préserver la vitalité du débat démocratique. Par conséquent, je suis au regret de vous dire que la commission a émis un avis défavorable sur tous ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Comme vous avez été nombreux à le dire, il faut y aller, si vous me permettez l’expression ! Nous devons donner un signal pour encourager la possibilité de délibérer en visioconférence. (Protestations au banc des commissions.)
Cela étant, nous devons nous montrer prudents et travailler sur les aspects légaux de cet outil.
C’est pourquoi le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour explication de vote.
M. Pierre-Alain Roiron. Nous ne sommes pas favorables à l’utilisation de la visioconférence dans les conseils municipaux, parce qu’il nous semble important de continuer de travailler tous ensemble. Que nos réunions puissent se tenir en partie en présentiel et en partie en visioconférence serait encore plus regrettable.
Nous voterons donc contre ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. J’ai cosigné l’amendement n° 105 rectifié bis de notre collègue Duffourg, qui vise à ouvrir la possibilité de tenir certaines réunions du conseil municipal en visioconférence, dès lors que le cadre en serait fixé à l’avance.
Comme l’a souligné Mme le rapporteur, cela ne vaudrait pas pour le vote du budget ou pour des décisions importantes concernant la vie communale. Mais cette possibilité reste envisageable pour certaines réunions.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.
Mme Anne-Catherine Loisier. Nous sommes tous conscients des écueils de ce dispositif, et c’est la raison pour laquelle la plupart de ces amendements tendent à fixer des limites, qu’il s’agisse du nombre des conseillers municipaux, du nombre de séances ou du type de délibération concerné. En effet, la visioconférence ne pourra pas être utilisée dans le cadre de décisions majeures pour la vie de la collectivité.
En revanche, comment dire que les élus des conseils municipaux risqueraient de faire un usage abusif de la visioconférence, alors que ce ne serait pas le cas pour les conseillers départementaux, pour ceux des intercommunalités ou pour les conseillers régionaux ? Je ne puis l’entendre, et nos collègues élus locaux ne le comprendront pas non plus.
Oui à l’encadrement du dispositif, non à la discrimination au détriment des conseils municipaux !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Mizzon. Monsieur le président, sans être hors sujet, je voudrais revenir sur l’article 7, car je souhaitais prendre la parole, mais vous ne l’avez point vu. Or, les choses que j’avais à dire doivent être dites.
En effet, l’article 7 fait référence notamment à l’article L. 2121-22, qui ne s’applique pas en Alsace-Moselle.
M. André Reichardt. Tant mieux !
M. Jean-Marie Mizzon. Ce n’est pas une première. Je me souviens que, lorsque nous avions examiné la loi 3DS, il y avait également eu un oubli, qui interdit encore à ce jour aux maires d’Alsace-Moselle d’utiliser le numérique pour dématérialiser les convocations du conseil municipal… J’avais présenté un amendement afin de réparer cet oubli, mais il a été déclaré irrecevable par la commission des lois.
J’ai également déposé un amendement pour réparer un oubli dans ce texte, dont la rédaction actuelle ne fait pas référence au droit local, tel qu’il est prévu à l’article L. 2541-2 du CGCT. Or nous risquons encore une fois être oubliés.
Madame la ministre, madame le rapporteur, puisque cet oubli est désormais connu de tous, comment pouvons-nous le réparer séance tenante ?
M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, pour explication de vote.
M. Fabien Genet. J’ai bien entendu les arguments avancés, mais lorsqu’on voit le nombre et la longueur des amendements déposés et le luxe de détails et de précisions qu’il faut apporter pour y répondre, nous comprenons la complexité des choses.
Mes chers collègues, vous avez omis d’évoquer un aspect des choses : la proximité géographique. Si la visioconférence peut présenter des avantages à l’échelle départementale, régionale, voire intercommunale, je suis d’accord avec la commission sur le fait qu’il faut conserver une forme de proximité à l’échelle de la commune.
Comme beaucoup d’entre vous, je fais le tour des communes de mon département et les maires m’expliquent que, pour parvenir à réunir les conseillers municipaux, la perspective de se retrouver tous ensemble autour de la table du conseil municipal et après la tenue des réunions joue un rôle essentiel. Cela permet de maintenir une forme de cohésion.
C’est pourquoi il nous faut absolument suivre l’avis de la commission.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Bravo !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 128 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 143 :
Nombre de votants | 294 |
Nombre de suffrages exprimés | 276 |
Pour l’adoption | 63 |
Contre | 213 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 17 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 236 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 105 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 127 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de six amendements identiques.
L’amendement n° 52 rectifié quater est présenté par Mme Jacquemet, MM. Mizzon et Longeot, Mmes Sollogoub et Billon, MM. Cambier et Chauvet, Mmes Doineau, de La Provôté, Gacquerre et Romagny, MM. Canévet, Bleunven, Folliot, Duffourg, Delcros et Pillefer, Mme Saint-Pé, M. Courtial, Mme Antoine et M. Levi.
L’amendement n° 137 rectifié bis est présenté par MM. Genet, Rojouan, Mandelli, Tabarot, Brisson, Burgoa, Lefèvre et Joyandet, Mme Noël, MM. Paccaud, Houpert, H. Leroy, Bouchet, Michallet et Sido, Mmes Petrus, Borchio Fontimp, Gosselin et Valente Le Hir, M. Gremillet, Mme Dumont, MM. Bruyen, Savin et Piednoir, Mme Bellurot, M. Sautarel, Mme Lassarade, M. C. Vial, Mme Micouleau et MM. Paul et Klinger.
L’amendement n° 142 est présenté par Mme Florennes.
L’amendement n° 195 est présenté par M. Bitz, Mme Schillinger, MM. Mohamed Soilihi, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Rohfritsch, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 215 est présenté par M. Benarroche, Mme Senée, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel.
L’amendement n° 356 rectifié bis est présenté par Mme Belrhiti, MM. Khalifé, Henno et Daubresse et Mmes Jacques, Puissat, Berthet et Aeschlimann.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 5211-10-… ainsi rédigé :
« Art. L. 5211-10-…. – Le président peut décider que la réunion du bureau se tient en plusieurs lieux, par visioconférence.
« Lorsque la réunion du bureau se tient par visioconférence, le quorum est apprécié en fonction de la présence des membres du bureau dans les différents lieux par visioconférence.
« Le bureau se réunit en un seul et même lieu au moins une fois par semestre.
« Lorsque la réunion du bureau se tient entièrement ou partiellement par visioconférence, il en est fait mention dans la convocation. »
La parole est à Mme Annick Jacquemet, pour présenter l’amendement n° 52 rectifié quater.
Mme Annick Jacquemet. Les EPCI sont restés à l’écart des dispositions de la loi 3DS (loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale) qui prévoit la possibilité de réunir en visioconférence les organes délibérants, dont les commissions permanentes des conseils départementaux et régionaux.
Dans la mesure où aucun élément ne justifie une telle différence de régime, cet amendement vise à ouvrir aux bureaux des communautés de communes et des métropoles la possibilité de se réunir en visioconférence.
Dans mon département, de nombreuses communautés de communes atteignent les cinquante, soixante, voire soixante-dix communes. Aussi est-il parfois difficile pour les élus de se réunir sans avoir à parcourir de nombreux kilomètres. Donnons-leur les moyens de participer plus facilement et agréablement aux réunions !
M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, pour présenter l’amendement n° 137 rectifié bis.
M. Fabien Genet. Cet amendement vient d’être excellemment défendu par ma collègue.
J’ajoute que, pour le cas spécifique des intercommunalités, la dimension géographique diffère de celle des communes. Au sein des grandes intercommunalités, la distance à parcourir entre deux communes peut être élevée. Le recours à la visioconférence pourrait ainsi faciliter la vie des élus et améliorer le fonctionnement de ces collectivités.
M. le président. L’amendement n° 142 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Olivier Bitz, pour présenter l’amendement n° 195.
M. Olivier Bitz. Défendu !
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 215.
M. Guy Benarroche. Il est également défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour présenter l’amendement n° 356 rectifié bis.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je constate une forme d’engouement pour autoriser les intercommunalités à recourir à la visioconférence, mais nous avons privilégié, et la commission a entériné ce choix, une logique de bloc local. Autrement dit, les dispositions qui valent pour les conseils municipaux s’appliquent également aux conseils communautaires. Le recours à la visioconférence est donc possible selon les conditions définies par les conseils municipaux ou communautaires.
Toutefois, des décisions sont prises au sein des bureaux des conseils communautaires. De plus, je rappelle que nous avons tous déploré, en 2020 et 2021, l’absence de rassemblement des équipes municipales et des bureaux des conseils communautaires, ce qui empêchait les équipes de se former.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Tout à fait !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Voilà pourquoi la commission demande le retrait de ces amendements identiques ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Comme précédemment, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.
M. Simon Uzenat. Madame la ministre, je profite de la discussion de ces amendements pour m’adresser à vous, car nous recevons, dans mon département – et j’imagine qu’il en va de même pour mes collègues –, de nombreux témoignages déplorant que certains services de l’État exigent la présence des élus lorsqu’ils organisent des réunions, alors que lorsque les élus sont à la manœuvre, en particulier dans des territoires éloignés, les services de l’État sont les premiers à demander le recours à la visioconférence.
Aussi, je vous prie de bien vouloir faire passer le message aux services de l’État pour qu’ils fassent preuve d’un maximum de souplesse afin de faciliter la vie des élus.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 52 rectifié quater, 137 rectifié bis, 195, 215 et 356 rectifié bis.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas les amendements.)
M. le président. L’amendement n° 18 rectifié, présenté par MM. Gold et Guiol, Mme N. Delattre, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Grosvalet, Guérini, Laouedj et Masset, Mme Pantel, M. Roux et Mme Girardin, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la section 3 du chapitre III du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales, il est inséré une section 3 … ainsi rédigée :
« Section …
« Cocarde tricolore
« Art. L. 2123-24-… – Les maires sont autorisés à faire figurer sur leur véhicule une cocarde ou un insigne particulier aux couleurs nationales.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret. »
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Cet amendement d’Éric Gold a pour objet de permettre aux maires d’afficher leur fonction de manière plus visible auprès des citoyens en les autorisant à faire figurer une cocarde tricolore sur leur véhicule.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Selon nous, cette disposition relève du pouvoir réglementaire.
À moins que Mme la ministre nous dise que cela est possible, la commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Monsieur Cabanel, l’utilisation de la cocarde est encadrée par l’article 50 du décret n° 89-655 du 13 septembre 1989 relatif aux cérémonies publiques, préséances, honneurs civils et militaires. Cet article dresse une liste limitative des autorités autorisées à utiliser la cocarde aux couleurs nationales sur les voitures officielles.
Les élus locaux, dont les maires, ne font pas partie de cette liste et ne sont par conséquent pas autorisés à faire figurer la cocarde sur leur véhicule.
L’amendement est donc irrecevable au titre de l’article 41 de la Constitution, son objet relevant non pas du domaine de la loi, mais du domaine réglementaire.
Sur le fond, votre demande mérite réflexion. L’affichage d’un tel signe distinctif permettrait certes aux forces de l’ordre d’identifier le véhicule – sans pour autant constituer un passe-droit –, mais également à d’autres personnes, lesquelles ne seraient pas forcément bien intentionnées.
M. le président. L’amendement n° 25 rectifié bis, présenté par M. J.M. Arnaud, Mmes Devésa et Billon, MM. Mizzon, Canévet et Longeot, Mmes Romagny et Gacquerre, M. Cambier, Mmes O. Richard et Vermeillet, MM. Levi, Delahaye et Henno, Mme Antoine et MM. Courtial, Pillefer, Kern, P. Martin et Bleunven, est ainsi libellé :
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À la première phrase du 1° de l’article 81 du code général des impôts, le taux « 38,75 % » est remplacé par le taux : « 40 % ».
II. - La perte de recettes résultant pour l’État du I du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Michel Canévet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je regrette de devoir de nouveau émettre un avis défavorable. Dans le même esprit que ce que j’ai expliqué pour les retraites, il nous faut à la fois reconnaître l’engagement des élus et veiller à une équité entre ces derniers et les concitoyens. Revaloriser le montant de l’abattement fiscal spécifique aux élus locaux des communes de moins de 3 500 habitants pose difficulté.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Canévet, l’amendement n° 25 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Michel Canévet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 25 rectifié bis est retiré.
Madame la ministre déléguée, mes chers collègues, il est minuit quinze ; en accord avec la commission et le Gouvernement, je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à une heure trente afin d’avancer dans l’examen de ce texte. (Marques d’assentiment.)
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Chapitre II
Faciliter la conciliation du mandat avec l’exercice d’une activité professionnelle
Avant l’article 8
M. le président. L’amendement n° 304 rectifié ter, présenté par Mme Bourcier, M. Capus, Mme Lermytte et MM. Chasseing, Brault, A. Marc, V. Louault, Chevalier, Bleunven et Daubet, est ainsi libellé :
Avant l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le titre III du livre 1er de la première partie du code du travail est complété par un chapitre intitulé : « Garanties accordées aux élus municipaux dans l’exercice d’une activité professionnelle » qui comprend les articles L. 1621-1 à L. 1621-5 du code général des collectivités territoriales, qui deviennent les articles L. … à L. …. du code du travail ;
II. – Le titre II du livre VI de la première partie du code général des collectivités territoriales est abrogé.
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Cet amendement vise à déplacer la partie du code général des collectivités territoriales (CGCT) relative aux salariés vers le code du travail.
Un véhicule juridique unique serait bien entendu bienvenu, mais il n’en demeure pas moins que le CGCT est, par nature, le document juridique régissant les élus.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 304 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 376, présenté par MM. Durox, Hochart et Szczurek, est ainsi libellé :
Avant l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
La sous-section 8 de la section 2 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail est complétée par deux articles ainsi rédigés :
« Art. L. 3142-88-…. – L’employeur est tenu de laisser à tout salarié de son entreprise membre d’un conseil municipal le temps nécessaire pour se rendre et participer :
« 1° Aux séances plénières de ce conseil ;
« 2° Aux réunions de commissions dont il est membre et instituées par une délibération du conseil municipal ;
« 3° Aux réunions des assemblées délibérantes et des bureaux des organismes où il a été désigné pour représenter la commune.
« Selon des modalités fixées par un décret en Conseil d’État, l’élu municipal doit informer l’employeur de la date de la séance ou de la réunion dès qu’il en a connaissance.
« L’employeur n’est pas tenu de payer comme temps de travail le temps passé par l’élu aux séances et réunions mentionnées au présent article.
« Art. L. 3142-88-…. - I. – Indépendamment des autorisations d’absence dont ils bénéficient dans les conditions prévues à l’article L. 2123-1, les maires, les adjoints et les conseillers municipaux ont droit à un crédit d’heures leur permettant de disposer du temps nécessaire à l’administration de la commune ou de l’organisme auprès duquel ils la représentent et à la préparation des réunions des instances où ils siègent.
« II. – Ce crédit d’heures, forfaitaire et trimestriel, est fixé par référence à la durée hebdomadaire légale du travail. Il est égal :
« 1° À l’équivalent de quatre fois la durée hebdomadaire légale du travail pour les maires des communes d’au moins 10 000 habitants et les adjoints au maire des communes d’au moins 30 000 habitants ;
« 2° À l’équivalent de trois fois la durée hebdomadaire légale du travail pour les maires des communes de moins de 10 000 habitants et les adjoints au maire des communes de 10 000 à 29 999 habitants ;
« 3° À l’équivalent d’une fois et demie la durée hebdomadaire légale du travail pour les conseillers municipaux des communes de 100 000 habitants au moins et les adjoints au maire des communes de moins de 10 000 habitants ;
« 4° À l’équivalent d’une fois la durée hebdomadaire légale du travail pour les conseillers municipaux des communes de 30 000 à 99 999 habitants, de 60 % pour les conseillers municipaux des communes de 10 000 à 29 999 habitants et de 30 % pour les conseillers municipaux des communes de 3 500 à 9 999 habitants ;
« 5° À l’équivalent de 20 % de la durée hebdomadaire légale du travail pour les conseillers municipaux des communes de moins de 3 500 habitants.
« Les heures non utilisées pendant un trimestre ne sont pas reportables.
« Lorsqu’un adjoint ou un conseiller supplée le maire dans les conditions fixées à l’article L. 2122-17, il bénéficie, pendant la durée de la suppléance, du crédit d’heures fixé au 1° ou au 2° du présent II.
« Les conseillers municipaux qui bénéficient d’une délégation de fonction du maire ont droit au crédit d’heures prévu pour les adjoints aux 1°, 2° ou 3° du présent II.
« III. – En cas de travail à temps partiel, ce crédit d’heures est réduit proportionnellement à la réduction du temps de travail prévue pour l’emploi considéré.
« L’employeur est tenu d’accorder aux élus concernés, sur demande de ceux-ci, l’autorisation d’utiliser le crédit d’heures prévu au présent article. Ce temps d’absence n’est pas payé par l’employeur. »
La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Compte tenu des arguments qui viennent d’être avancés, je ne me fais pas beaucoup d’illusions sur le sort qui sera réservé à cet amendement.
Ce dernier vise à inscrire dans le code du travail deux dispositions qui figurent dans le CGCT, mais qui sont difficilement respectées : d’une part, l’obligation pour les employeurs d’appliquer le droit à des absences pour les employés élus municipaux afin que ceux-ci puissent exercer leur mandat ; d’autre part, le droit à un crédit d’heures pour les élus municipaux.
L’inscription de ces dispositions dans le code du travail pousserait les employeurs à se montrer davantage respectueux de la loi et à l’appliquer avec davantage de rigueur, alors qu’il est nécessaire de permettre aux salariés de s’engager dans un mandat local.
J’entends bien les arguments juridiques qui ont été avancés et cette mesure serait, je le concède, en grande partie symbolique, mais il s’agit avant tout d’une question de visibilité et de volonté politique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Même avis, défavorable, que précédemment, d’autant que les articles qui seraient déplacés auront été rendus obsolète par l’adoption de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 118 rectifié bis, présenté par MM. Lemoyne et Bitz, Mmes Schillinger et Duranton et M. Fouassin, est ainsi libellé :
Avant l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au II de l’article L. 237-1 du code électoral, les mots : « ou de ses communes membres » sont supprimés.
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous examinons du chapitre II de la proposition de loi qui a pour objet de faciliter la conciliation du mandat avec l’exercice d’une activité professionnelle. À cet effet, mon amendement vise à ajuster l’article L. 237-1 du code électoral qui rend incompatible la fonction de conseiller communautaire avec l’exercice d’un emploi salarié au sein de son EPCI ou de ses communes membres.
Si l’on comprend aisément l’incompatibilité entre un emploi salarié au sein d’un EPCI et la fonction de membre du conseil communautaire au sein de ce même établissement, elle ne va pas de soi pour ce qui concerne un emploi salarié au sein d’une des communes membres de cet EPCI. Cette mesure me semble disproportionnée et pénalise l’engagement de certains élus – je pense à des cas concrets.
Comme vous le savez, la loi NOTRe (loi portant nouvelle organisation territoriale de la République) a entraîné la création d’EPCI de taille XXL. Le maire ou l’adjoint au maire d’une commune peut donc très bien travailler pour les services techniques d’une commune voisine appartenant à la nouvelle intercommunalité. Or le code électoral, tel qu’il est actuellement rédigé, ne permet pas à ces salariés de participer à la vie communautaire.
Reconnaissez qu’il est compliqué pour un maire de renoncer à participer à la vie communautaire, compte tenu des nombreuses compétences désormais assumées par les EPCI.
Cet amendement vise donc à permettre ce cumul raisonnable et raisonné, dès lors que l’on n’est pas salarié de l’EPCI en question.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. L’amendement vise à supprimer l’incompatibilité entre un mandat communautaire et un emploi salarié au sein d’une des communes membres de l’EPCI.
Si cette question mérite d’être posée, il n’en demeure pas moins que la réponse proposée nous semble trop large, et serait inadaptée à certains cas spécifiques. Ainsi, le directeur général des services (DGS) d’une commune ou le directeur de cabinet d’un maire pourrait devenir conseiller communautaire.
Aussi, en dépit de l’intérêt du sujet, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. Olivier Rietmann. Cet amendement est très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, le sujet est intéressant, mais nous devons émettre un avis défavorable sur votre amendement. Avant de vous expliquer pourquoi de la façon la plus précise possible, je tiens à vous dire que je m’engage à travailler sur cette question.
À la différence de l’inéligibilité, l’incompatibilité ne fait pas obstacle à la candidature, mais elle implique un choix entre le mandat et la fonction incompatible. Le régime des incompatibilités a été conçu pour protéger la liberté de choix de l’électeur et l’indépendance de l’élu contre les risques de confusion et de conflit d’intérêts. Voilà la justification de l’incompatibilité entre le mandat de conseiller communautaire et un emploi salarié au sein de l’EPCI ou – c’est le cas visé par votre amendement – de ses communes membres.
Toute restriction apportée à l’exercice des fonctions publiques par la définition de l’incompatibilité visée par cet amendement doit être justifiée, conformément aux exigences de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, par la nécessité de protéger le libre choix de l’électeur et l’indépendance de l’élu. À ce titre, le Conseil d’État a estimé, dans une décision du 17 décembre 2014, qu’en instaurant cette interdiction prévue à l’article L. 237-1 du code électoral le législateur n’a pas excédé le strict nécessaire pour protéger la liberté de choix de l’électeur et prévenir tout risque de conflit d’intérêts, notamment en raison des compétences communales qui peuvent être déléguées à l’EPCI.
M. Olivier Paccaud. Explication bien compliquée…
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. J’ai écouté attentivement les arguments du rapporteur et de la ministre. Le Gouvernement évoque un risque de conflit d’intérêts. En réalité, dans le cas d’un poste de salarié dans une commune membre, ce risque n’existe pas.
M. Olivier Rietmann. Bien sûr !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Cet argument ne me semble donc pas insurmontable.
Monsieur le rapporteur, je suis disposé à poursuivre le travail pour aboutir à une rédaction plus restrictive. Pour cela, il convient d’adopter cet amendement afin que la disposition puisse être modifiée au cours de la navette parlementaire. (Mme Cathy Apourceau-Poly approuve.)
Je maintiens donc mon amendement et j’appelle mes collègues à l’adopter, car il traite un sujet réel, comme le confirment plusieurs voix sur diverses travées. Je le redis, le temps de la navette parlementaire sera l’occasion de le retravailler.
Madame la ministre, vous avez fait part de votre volonté de vous pencher sur ce sujet. Je vous en remercie, mais je ne voudrais pas que l’on rate le coche, car cette situation se rencontre dans d’autres territoires que l’Yonne.
M. Olivier Rietmann. Oui !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. De nombreux travaux ont été réalisés sur les secrétaires de mairie lors des derniers mois. Or beaucoup d’entre elles sont engagées dans leur commune comme conseillère municipale, adjointe ou maire. Elles pourraient se trouver empêchées de siéger au sein des conseils communautaires si, d’aventure, elles travaillaient comme secrétaire de mairie dans l’EPCI dont leur commune est membre.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Pour toutes ces raisons, je souhaite que cet amendement soit adopté afin que nous continuions d’y travailler au cours de la navette parlementaire.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Il devient insupportable de s’entendre dire que nos idées sont bonnes, mais qu’on va y réfléchir et qu’on y reviendra plus tard. Nous commençons à nous interroger sur ce que nous faisons ici… Sommes-nous vraiment en mesure de faire la loi ?
Nous marchons sur la tête. Je ne rouvrirai pas le débat que nous avions eu au moment de l’examen de la loi NOTRe, mais le nombre de communes au sein des intercommunalités a explosé. Sincèrement, j’aimerais qu’on m’explique où est le conflit d’intérêts lorsqu’un élu communautaire travaille en tant que policier municipal de la ville à côté de chez lui, la police municipale ne relevant pas de la compétence métropolitaine.
Peut-être faut-il en effet revoir la rédaction de cet amendement pour exclure des cas particuliers. (M. Jean-Baptiste Lemoyne acquiesce.) Cela tombe bien, le rapporteur, la ministre et chaque sénateur ont un droit de sous-amendement ! Comme nous ne découvrons pas cet amendement à l’instant, nous aurions pu prendre le temps de trouver la rédaction parfaite.
Puisque cet amendement reste perfectible, mais qu’il convient d’y travailler – chacun ayant le mot « simplification » à la bouche et appelant à faciliter l’engagement de nos concitoyens afin qu’ils puissent être candidats et élus –, votons-le ! Le temps de la navette permettra, je n’en doute pas, de l’améliorer et d’exclure certaines catégories de métiers pour faciliter la vie de milliers d’élus locaux dans notre pays.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour explication de vote.
M. Pierre-Alain Roiron. Il s’agit en effet d’un vrai problème, que l’on rencontre dans de nombreuses intercommunalités. Cet amendement n’est peut-être pas tout à fait satisfaisant, mais il a le mérite d’exister. En le votant, nous réglerions des problèmes que l’on rencontre au sein de certaines intercommunalités, plus ou moins grandes.
Comme cela a été dit, la loi NOTRe a entraîné la création de très grandes intercommunalités, au sein desquels des élus travaillent pour la mairie de l’une des communes qui les composent. Il faut remédier à ce problème. C’est pourquoi je suis favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Mizzon. Je voterai également cet amendement, qui est de bon sens. Ne pas l’adopter reviendrait à nous passer de compétences. Diable ! Ce que font les intercommunalités, les communes ne le font plus. Par définition, la réciproque se vérifie, puisque les compétences ont été transférées. Il n’y a donc pas de superposition de compétences. Aussi le risque de conflit d’intérêts est-il très faible.
Sur le terrain, nous constatons que de nombreux élus sont forcés de faire un choix et sont obligés de démissionner de leur mandat pour continuer d’exercer leur métier. Nous nous privons donc de leurs compétences. Le bon sens commande de voter en faveur de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Je répondrai à ce qui vient d’être dit en plusieurs points.
Tout d’abord, la rédaction actuelle de cet amendement pose des difficultés. Les employés de mairie continueront de constituer le vivier des élus, car ils sont des spécialistes des questions municipales.
Ensuite, comme l’a dit Cécile Cukierman, la disposition fonctionne pour certains métiers, mais pas pour d’autres.
Mme Cécile Cukierman. Je n’ai pas dit cela !
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Prenons le cas d’un employé municipal qui siégerait au sein d’une commission d’appel d’offres (CAO) concernant sa propre commune : on ne peut pas faire comme si cela ne posait pas problème.
Néanmoins, la question soulevée est intéressante. Aussi, en dépit de l’avis de la commission, les trois rapporteurs émettent-ils un avis de sagesse à titre personnel sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 8.
Article 8
L’article L. 3142-79 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3142-79. – Dans la limite de vingt jours ouvrables, l’employeur laisse au salarié le temps nécessaire pour participer à la campagne électorale lorsqu’il est candidat :
« 1° À l’Assemblée nationale ou au Sénat ;
« 2° Au Parlement européen ;
« 3° Au conseil municipal ;
« 4° Au conseil départemental ou au conseil régional ;
« 5° À l’Assemblée de Corse ;
« 6° Au conseil de la métropole de Lyon ;
« 7° Aux élections mentionnées à l’article L. 388 du code électoral. »
M. le président. L’amendement n° 387, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Le présent amendement vise à supprimer l’article 8 de la proposition de loi.
Cet article prévoit de porter à vingt, contre dix actuellement, le nombre maximum de jours d’autorisation d’absence dont peut bénéficier un candidat à une élection locale au titre du congé électif, dispositif qui a été étendu aux candidats aux élections territoriales et provinciales en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et en Nouvelle-Calédonie.
Le recours à un congé électif prolongé par les candidats aux élections locales est susceptible d’entraîner d’importants effets de bord économiques : 908 580 candidats – près d’un million, donc – se sont présentés aux élections municipales de 2020. Seuls 203 264 d’entre eux, soit 22,4 % des candidatures enregistrées, étaient retraités et n’auraient pas usé de cette faculté de demander un congé électif.
En reprenant les chiffres du renouvellement général de 2020, et si le présent article 8 venait à être appliqué, ce sont donc 705 316 candidats aux élections municipales qui seraient susceptibles d’accéder à vingt jours de congé électif, avec des conséquences potentiellement lourdes sur les entreprises avant la période du scrutin.
Pour ces entreprises, la gestion des jours d’absence peut en effet se révéler délicate, d’autant que le délai de prévenance prévu pour ce congé est de vingt-quatre heures.
Ce dispositif nous semble donc manifestement disproportionné.
Enfin, il convient de noter que la proposition de loi exclut les élections européennes en maintenant la durée du congé électif à dix jours pour ceux qui y sont candidats, alors même que la durée de la campagne électorale régie par l’article 15 de la loi du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen est similaire à celle prévue par l’article L. 47 A du code électoral.
Cette absence d’harmonisation n’est, elle non plus, pas justifiée. Elle est de nature à créer une rupture d’égalité entre les candidats au scrutin européen et les autres candidats, et complexifierait le droit existant.
Pour ces raisons, le Gouvernement vous propose la suppression de l’article 8 de la proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Madame la ministre, en vous écoutant, et au regard de mon âge, permettez-moi de vous dire que j’ai eu l’impression que, tout comme le monde devait s’arrêter de tourner lors du passage de l’année 1999 à l’an 2000, en raison du « bug », la France pourrait être mise à l’arrêt avec le passage à vingt jours du congé électif.
Votre argumentation est sinon spécieuse, à tout le moins erronée.
D’abord, l’article 8 tel que nous l’avons rédigé inclut dans son champ les élections européennes.
Ensuite, ce congé de vingt jours est une faculté offerte aux candidats.
Enfin, il s’agit d’harmoniser et d’unifier l’ensemble des calendriers de congés électifs, ce qui nous paraît une bonne chose.
L’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.
Mme Audrey Linkenheld. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera contre cet amendement.
Alors que, depuis maintenant plusieurs heures, nous nous interrogeons, à l’occasion de l’examen de ce texte, sur la meilleure manière d’encourager l’engagement citoyen, d’aider les candidats et les élus à concilier cet engagement avec leur vie professionnelle et leur vie familiale, il est particulièrement surprenant de s’entendre dire, au détour d’un amendement, que, comme vient de le dire le rapporteur Éric Kerrouche, leur accorder quelques jours supplémentaires de congé électif mettrait la France à l’arrêt !
De deux choses l’une, madame la ministre : ou bien l’on veut encourager les élus et les candidats à s’engager, auquel cas, par cohérence avec les autres dispositions que nous avons déjà adoptées, nous examinons celle-ci avec bienveillance ; ou bien l’on considère que tout cela n’est qu’une question d’argent – puisque nous comprenons bien les difficultés du moment, nous n’avons d’ailleurs pas adopté beaucoup de dispositions requérant des engagements financiers supplémentaires de l’État –, ce qui signifie alors que nos échanges manquent finalement de sincérité, si je puis dire les choses ainsi.
Je le répète, l’argument selon lequel l’attribution – facultative – de quelques jours supplémentaires de congé pour faire campagne pourrait mettre la France à l’arrêt est particulièrement spécieux.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Bien évidemment, l’ensemble des articles de cette proposition de loi sont pertinents, mais supprimer l’article 8 serait, me semble-t-il, une erreur, car son originalité vient du fait qu’il pose le continuum de l’engagement dès la candidature.
On peut parler autant qu’on le veut de la manière par laquelle il est possible de rendre plus facile l’exercice de leur mandat par les élus, mais le premier défi auquel nous serons confrontés dans la perspective des élections de 2026, c’est que les candidatures soient suffisamment nombreuses pour permettre aux conseils municipaux élus d’être entièrement pourvus.
Par ailleurs, pour qu’au moins un semblant de démocratie subsiste dans notre pays, il convient de s’assurer de la présence d’au moins deux listes dans les villes où c’est possible – le pluralisme, cela ne fait pas de mal.
Vos arguments, madame la ministre, ont, il est vrai, un côté « fin du monde ». Depuis hier, tout le monde souligne qu’un certain nombre d’élus sont des retraités – sans même parler de la question de l’engagement des étudiants. De fait, je ne suis pas certaine qu’en offrant la possibilité aux salariés candidats de demander un congé électif – encore faut-il qu’ils se sentent suffisamment à l’aise dans leur entreprise pour le faire –, on mette à mal l’économie de notre pays !
Comme je l’ai dit hier dans mon intervention en discussion générale, il conviendrait également de se demander si, à un moment donné, la richesse d’un pays, ce n’est pas aussi sa vitalité démocratique.
Je n’oppose pas les uns aux autres, mais nous avons aussi besoin de tenir ce discours, y compris à l’égard des acteurs économiques.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 112, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
vingt
par le mot :
trente
La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 112 est retiré.
L’amendement n° 340 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 187 rectifié bis, présenté par Mme Girardin, MM. Bilhac, Daubet, Fialaire, Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, M. Roux et Mme Pantel, est ainsi libellé :
Article 8
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
….- Après l’article L. 3422-1, il est inséré un article L. 3422-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 3422-1-…. – Pour l’application à Saint-Pierre-et-Miquelon de l’article L. 3242-79, les mots : “conseil départemental ou au conseil régional” sont remplacés par les mots : “conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon”. »
La parole est à Mme Annick Girardin.
Mme Annick Girardin. Depuis hier, article après article, nous améliorons les conditions d’exercice par les élus de leur mandat. Là, il est question d’accorder aux candidats quelques jours supplémentaires de congé.
Lors de l’examen du texte en commission, l’augmentation du nombre maximum de jours d’autorisation d’absence dont peut bénéficier un candidat à une élection locale au titre du congé électif a été étendue aux élections en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. Par cet amendement rédactionnel, je propose de boucler la boucle en intégrant Saint-Pierre-et-Miquelon au dispositif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Madame la sénatrice, l’article L. 1521-3 du code du travail prévoit que « les références au département ou à la région sont remplacées par celles de Saint-Pierre-et-Miquelon ». Par conséquent, votre amendement est satisfait. Cependant, le Gouvernement émet un avis de sagesse.
M. le président. L’amendement n° 213, présenté par M. Benarroche, Mme Senée, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 35 ter du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. 35…. – Lorsque le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds de commerce ou d’un établissement artisanal en concède la location à un gérant pour se consacrer à l’exercice d’un mandat électif local, la redevance résultant de la convention de location-gérance est prise en compte, pour l’imposition des bénéfices industriels et commerciaux, après application d’un abattement de 30 %. Le bénéfice de l’abattement est maintenu pendant toute la durée du mandat. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement, ainsi que ceux qui le suivent, vise à combler un manque dans ce texte – et même une réelle absence –, même si je sais combien il est difficile de trouver des solutions.
Nous en avons débattu en commission, je l’ai indiqué dans mon propos de discussion générale : si nous souhaitons rendre attractif et possible l’engagement dans la vie politique locale, il faut le faire pour l’ensemble des travailleurs, quelle que soit leur activité, quelle que soit leur profession.
De fait, si ce texte contient un certain nombre de mesures pour favoriser, en particulier, l’engagement des salariés ou des étudiants, il ne contient strictement rien à destination de ceux qui souhaiteraient s’engager parmi les travailleurs indépendants, les commerçants, les artisans, les paysans, les membres des professions libérales, qui constituent une part non négligeable de la population de nos territoires.
Lors de son audition, nous avons recueilli le témoignage du boulanger Stéphane Ravacley, qui, candidat aux élections législatives – il a failli être élu – a mis en péril ses revenus, sa famille et son activité pour s’engager dans la campagne électorale.
Je suis persuadé que beaucoup parmi vous sont sensibles aux difficultés que peuvent rencontrer les paysans, les artisans et les commerçants à s’engager dans la vie politique.
Certes, il n’existe pas de solution miracle. Par cet amendement, nous proposons simplement de mettre en place une aide financière à destination des travailleurs indépendants qui font le choix d’opter pour une location-gérance de leur fonds de commerce ou de leur établissement artisanal, le temps de la durée de ce mandat local.
Cette solution n’est pas parfaite, mais pour les mêmes raisons que celles qui ont été invoquées à l’occasion de la présentation d’autres amendements, en particulier par Cécile Cukierman,…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Guy Benarroche. … il est nécessaire de montrer que nous faisons un pas en direction de ces professions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Cet amendement, dont nous avons en effet débattu en commission, porte sur un point crucial : la situation des artisans, des commerçants et des indépendants qui exercent un mandat local. Le problème, c’est qu’il ne propose qu’une seule solution et n’offre qu’une seule perspective là où il faudrait envisager un éventail de solutions. D’où l’avis défavorable.
Cependant, j’invite Mme la ministre à traiter cette situation particulière.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je ne vais pas dire que nous allons travailler sur ce sujet, auquel cas Cécile Cukierman me reprocherait l’emploi, de nouveau, de cette formule ! (Sourires.)
Mme Cécile Cukierman. Jamais ! (Mêmes mouvements.)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Pour l’ensemble des raisons qu’a invoquées le rapporteur, le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable.
Néanmoins, je considère moi aussi que le sujet mérite d’être approfondi.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. J’entends les arguments qui ont été avancés : que je ne propose là qu’une solution partielle, que nous n’avons pas le temps d’en explorer d’autres, que la question mérite d’être approfondie… Toujours est-il qu’on peut se demander si une solution partielle n’est pas préférable à l’absence de toute solution !
Ce qui est certain, c’est que ces artisans, commerçants, ces paysans, ces professions libérales, ces indépendants attendaient tous, comme nous depuis des années, cette loi sur le statut de l’élu. Et je ne me fais guère d’illusion : il va leur falloir encore attendre pas mal de temps avant qu’ils ne puissent accéder, par quelque dispositif que ce soit, à des fonctions électives sans risque de mettre en péril leurs revenus, leur activité professionnelle et leur vie familiale.
Permettez-moi de vous le dire, monsieur le rapporteur, madame la ministre, vos réponses ne sont pas satisfaisantes.
Madame la ministre, vos responsabilités sont plus importantes que celles de M. le rapporteur et vous ne pouvez pas vous contenter de me dire qu’à ce jour aucune solution n’est prête. À un moment donné, on attend d’un gouvernement et des parlementaires qu’ils fassent avancer la question du statut de l’élu. Le présent texte ne contient aucune disposition en faveur des personnes visées dans mon amendement.
Certes, la solution que je propose n’est qu’une solution dans l’éventail de celles qui sont possibles, mais au moins elle permet une première amorce.
M. le président. L’amendement n° 216, présenté par M. Benarroche, Mme Senée, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 611-11 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 611-… ainsi rédigé :
« Art. L. 611-…. – Des aménagements dans l’organisation et le déroulement des études sont prévus par les établissements d’enseignement supérieur, dans des conditions fixées par décret, afin de permettre aux étudiants de participer à la campagne électorale lorsqu’ils sont candidats :
« 1° À l’Assemblée nationale ou au Sénat ;
« 2° Au Parlement européen ;
« 3° Au conseil municipal ;
« 4° Au conseil départemental ou au conseil régional ;
« 5° À l’Assemblée de Corse ;
« 6° Au conseil de la métropole de Lyon ;
« 6° Aux assemblées conseil de la métropole de Lyon ;
« 7° Aux assemblées prévues par l’article 73 de la Constitution ;
« 8° À l’assemblée de Polynésie. »
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Par cet amendement, nous essayons cette fois-ci de favoriser l’engagement des étudiants qui sont candidats à une élection.
Il était précédemment question du statut de l’étudiant élu, désormais inscrit dans ce texte, ce qui est une très bonne chose, et nous avons alors apporté tout notre soutien à la commission.
En l’espèce, nous proposons des aménagements dans l’organisation et le déroulement du cursus des étudiants candidats à une élection, comme nous le faisons pour les salariés ou pour tous ceux qui exercent une activité professionnelle.
Il est prévu que ces aménagements seront mis en œuvre dans les établissements d’enseignement supérieur – les entreprises ne sont pas concernées – dans des conditions fixées par décret.
Aujourd’hui, la part des étudiants ou élèves élus est de 0,69 %, chiffre bien en deçà de leur poids dans la population totale, à savoir 4,5 %. C’est pourquoi il faut faciliter leur participation aux campagnes électorales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Ce texte contient une avancée importante : la création d’un statut de l’élu étudiant.
Par ailleurs, j’aurais tendance à invoquer mon expérience professionnelle : on ne peut pas comparer les sujétions qui pèsent sur un salarié à celles qui pèsent sur un étudiant, dont les horaires, de fait, sont normalement plus flexibles.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Monsieur Benarroche, comme vous, nous sommes très favorables à ce qu’on accompagne les étudiants qui souhaitent s’engager dans un mandat local, comme en témoigne le soutien que nous apportons à l’objectif de l’article 12.
En revanche, il ne nous paraît pas souhaitable d’entrer dans une logique énumérative, comme le fait cet amendement. C’est pourquoi je vous invite plutôt à soutenir l’article 12, tel qu’il pourrait être modifié par les deux amendements que le Gouvernement a déposés, qui me semble répondre entièrement à votre préoccupation.
M. le président. L’amendement n° 214, présenté par M. Benarroche, Mme Senée, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de quatre mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les modalités d’aide financière attribuée pour les artisans et commerçants souhaitant s’investir dans un mandat électif local.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Nous avons déposé cet amendement, car nous nous doutions bien que les deux précédents, en particulier l’amendement n° 213, ne seraient pas votés.
Comme je l’ai indiqué à l’instant, il n’existe à ce jour aucun dispositif de soutien aux artisans, commerçants et indépendants qui sont installés à leur propre compte et qui souhaitent s’investir dans un mandat électif local.
Très souvent, il leur est impossible de concilier activité professionnelle et exercice d’un tel mandat. De fait, les possibles allers et retours entre activité professionnelle et mandat électif, qui devraient être facilités, ne le sont pas du tout.
Pour notre part, nous écologistes sommes partisans du non-cumul des mandats dans le temps. Aussi, si l’on aspire à ce que davantage de nos concitoyens s’investissent dans la sphère politique, il faut leur permettre, après un ou deux mandats, de reprendre leur activité antérieure. Or, à ce jour, nous n’avons aucune solution à leur proposer.
Puisqu’il semble impossible, à ce stade, de déployer des mécanismes pour favoriser ce mouvement, nous demandons, bien que notre assemblée ne prise guère ce type de requête, la remise par le Gouvernement au Parlement, dans un délai de quatre mois à compter de la promulgation de la présente loi, d’un rapport sur les modalités d’une aide financière qui pourrait être attribuée aux artisans, aux commerçants, aux paysans et aux indépendants souhaitant s’investir dans un mandat électif local.
Tant Mme la ministre que M. le rapporteur nous ont indiqué qu’il s’agissait là d’un sujet qui leur paraissait important, sans qu’on dispose pour autant d’une solution qui pourrait s’appliquer à l’ensemble de ces professions. Travaillons-y : c’est ce que nous demandons formellement au Gouvernement en prévoyant la remise de ce rapport.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Je reconnais bien là l’opiniâtreté de Guy Benarroche dès lors qu’il s’attache à traiter un sujet en particulier… Nous le savons bien, la représentation de certaines catégories sociales au sein de la population des élus entendue au sens large est problématique, et cette question est fondamentale, car elle conditionne l’avenir de notre démocratie.
Il n’en demeure pas moins que, conformément à une jurisprudence constante de la commission, cette demande de rapport sera malheureusement traitée comme les autres : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote. (Marques d’irritation sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guy Benarroche. Mes chers collègues, je vous promets de ne plus m’exprimer aussi longuement par la suite !
J’ai du mal à admettre cet argument selon lequel une demande de rapport devrait toujours essuyer un avis défavorable. Je me permets de rappeler qu’il est arrivé un bon nombre de fois au Sénat de voter la remise d’un rapport !
Monsieur le rapporteur, vous dites fort justement qu’il s’agit là d’un sujet particulièrement important pour notre démocratie. Disant cela, vous ne pouvez pas dans le même temps répondre que, par principe, le Sénat rejette les demandes de rapport ! Je suis désolé de vous le dire, mais si le sujet est particulièrement important, alors il faut déroger à ce principe.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 214.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 9
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 2123-1 est ainsi modifié :
a) Après le 3°, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :
« 3° bis Aux réunions organisées par les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre, par le département ou par la région, lorsqu’il a été désigné pour y représenter la commune ; » ;
b) Après le 4°, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Aux cérémonies publiques. » ;
c) Le sixième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce décret prévoit, pour les maires et les adjoints au maire, une procédure distincte et adaptée aux situations de crise ou d’urgence liées à leurs fonctions. » ;
1° bis (nouveau) La seconde phrase du second alinéa du III de l’article L. 2123-2 est ainsi rédigée : « L’employeur n’est pas tenu de payer ce temps d’absence comme temps de travail. » ;
2° Au dernier alinéa de l’article L. 2123-3, les mots : « une fois et demie » sont remplacés par les mots : « deux fois » ;
3° (nouveau) L’article L. 4135-1 est ainsi modifié :
a) Les deux dernières phrases du 3° sont supprimées ;
b) Après le 4°, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, l’élu doit informer l’employeur de la date de la séance ou de la réunion dès qu’il en a connaissance.
« L’employeur n’est pas tenu de payer comme temps de travail le temps passé par l’élu aux séances et réunions précitées. »
M. le président. L’amendement n° 388, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 2123-1 est ainsi modifié :
a) Après le 4°, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« 5° Aux cérémonies publiques ;
« 6° Aux missions accomplies dans le cadre d’un mandat spécial. » ;
b) Au sixième alinéa, les mots : « de la séance ou de la réunion » sont remplacés par les mots : « de ces absences » ;
c) Au septième alinéa, les mots : « le temps passé par l’élu aux séances et réunions précitées » sont remplacés par les mots : « ces temps d’absence » ;
2° L’article L. 2123-3 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, les mots : « de leur participation aux séances et réunions » sont remplacés par les mots : « des autorisations d’absence dont ils bénéficient dans les conditions prévues à l’article L. 2123-1 » ;
b) Au quatrième alinéa, le mot : « soixante-douze » est remplacé par le mot : « cent » ;
3° L’article L. 3123-1 est ainsi modifié :
a) Après le 4°, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« 5° Aux cérémonies publiques ;
« 6° Aux missions accomplies dans le cadre d’un mandat spécial. » ;
b) Au sixième alinéa, les mots : « la séance ou de la réunion » sont remplacés par les mots : « ces absences » ;
c) Au septième alinéa, les mots : « le temps passé par l’élu aux séances et réunions précitées » sont remplacés par les mots : « ces temps d’absence » ;
4° Après le 4° de l’article L. 4135-1, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« 5° Aux cérémonies publiques ;
« 6° Aux missions accomplies dans le cadre d’un mandat spécial.
« Selon des modalités fixées par un décret en Conseil d’État, l’élu doit informer l’employeur de la date de ces absences dès qu’il en a connaissance.
« L’employeur n’est pas tenu de payer comme temps de travail ces temps d’absence. » ;
5° L’article L. 7125-1 est ainsi modifié :
a) Après le 4°, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« 5° Aux cérémonies publiques ;
« 6° Aux missions accomplies dans le cadre d’un mandat spécial. » ;
b) Au sixième alinéa, les mots : « de la séance ou de la réunion » sont remplacés par les mots : « de ses absences » ;
c) Au septième alinéa, les mots : « le temps passé par l’élu aux séances et réunions précitées » sont remplacés par les mots : « ces temps d’absence » ;
6° L’article L. 7227-1 est ainsi modifié :
a) Après le 5°, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« 6° Aux cérémonies publiques ;
« 7° Aux missions accomplies dans le cadre d’un mandat spécial. » ;
b) Au septième alinéa, les mots : « la séance ou de la réunion » sont remplacés par les mots : « ses absences » ;
c) Au huitième alinéa, les mots : « le temps passé par l’élu aux séances et réunions précitées » sont remplacés par les mots : « ces temps d’absence » ;
7° La dernière phrase du dernier alinéa des articles L. 2123-2, L. 3123-2, L. 4135-2 et L. 7125-2 et la dernière phrase de l’avant-dernier alinéa des articles L. 7124-9 et 7226-9 est ainsi rédigée : « L’employeur n’est pas tenu de payer comme temps de travail ce temps d’absence. ».
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. L’article 9 de la présente proposition de loi renforce les garanties accordées aux élus exerçant une activité professionnelle salariée. Par le présent amendement, nous en proposons une nouvelle rédaction, sans en modifier les objectifs.
Le 1° ajoute aux temps d’absence que l’employeur est tenu d’accorder à son salarié pour les cérémonies publiques, comme le prévoit l’article 9, les missions accomplies dans le cadre d’un mandat spécial.
La mention de ce mandat spécial exclut les activités courantes de l’élu. Elle permet de couvrir des opérations déterminées de façon précise et accomplies dans l’intérêt de la collectivité, par exemple une manifestation de grande ampleur ou un surcroît de travail momentané et exceptionnel pour la collectivité. Cette hypothèse comprend, par exemple, le cas de catastrophe naturelle.
Cette notion est à la fois souple, puisqu’aucune liste n’est a priori définie, tout en visant des opérations indispensables et inhabituelles dans l’exercice d’un mandat, ce qui permet de limiter les contraintes induites pour l’employeur.
L’attribution d’un mandat spécial exige par ailleurs nécessairement une délibération, ce qui permet de justifier la nécessité de l’absence de l’élu. Un mandat spécial peut également être attribué dans des conditions d’urgence, la délibération prise à cet effet pouvant alors être postérieure à l’exécution de la mission. Cela permet à l’élu de s’absenter en cas de circonstances exceptionnelles.
Ce dispositif rejoint ainsi l’objectif de l’article 9 dans sa rédaction initiale, à savoir mettre en place une procédure dérogatoire d’absence en cas de crise ou d’urgence.
Le présent amendement étend ces nouvelles autorisations d’absence aux élus municipaux, départementaux et régionaux, aux conseillers à l’assemblée de Guyane et aux membres de l’assemblée de Martinique et du conseil exécutif de Martinique. Il modifie en conséquence la rédaction des articles concernés et les harmonise, en complétant notamment l’article relatif aux conseillers régionaux.
Le 2° reprend l’apport de la commission qui prévoit la faculté pour l’employeur de rémunérer les temps d’absence liés à l’utilisation des crédits d’heures et l’étend à tous les élus bénéficiant de ce dispositif. (M. Olivier Rietmann s’impatiente.)
Le 3° augmente le nombre d’heures susceptibles d’être compensées par la commune pour les élus municipaux qui exercent une activité professionnelle, salariée ou non, et qui ne perçoivent pas d’indemnités de fonction.
En effet, les périodes de temps garanties aux élus locaux par le mécanisme des autorisations d’absence et du crédit d’heures ne sont pas nécessairement rémunérées par les employeurs. Elles occasionnent ainsi une perte de revenus particulièrement sensible pour les élus ne touchant pas d’indemnités de fonction.
C’est pourquoi l’article L. 2123-3 du code général des collectivités territoriales permet à la commune de compenser ces pertes dans la limite de soixante-douze heures par élu et par an. Chaque heure ne peut être rémunérée à un montant supérieur à une fois et demie la valeur horaire du Smic, soit 17,47 euros, ce qui fait un montant maximal brut par an de 1 257,84 euros par élu.
Ce dispositif n’a pas fait l’objet de revalorisation depuis 2002, la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité ayant porté de vingt-quatre à soixante-douze le volume d’heures pouvant être compensées par la commune. (Marques d’impatience sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
C’est pourquoi le présent amendement tend à fixer ce volume à cent heures, portant ainsi le montant maximal brut de la compensation à 1 747 euros par élu, soit une augmentation de 39 %.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Madame la ministre, nous avons particulièrement apprécié le caractère sucré-salé de cette réécriture de l’article 9 par le Gouvernement. En effet, vous nous proposez au travers de votre amendement des mesures intéressantes, mais, ce faisant, vous « écrasez » deux dispositions qui sont pour nous fondamentales.
D’une part, l’élargissement des autorisations d’absence, auxquelles vous substituez les absences pour « les missions accomplies dans le cadre d’un mandat spécial » – sans compter que cette formulation pose problème au vu de la jurisprudence du Conseil d’État sur la définition même d’un mandat spécial. C’est pourquoi la commission préfère s’en tenir à sa rédaction.
D’autre part, l’amendement du Gouvernement « écrase » une autre mesure à laquelle nous tenons, à savoir la procédure dérogatoire de déclaration d’absence auprès de l’employeur en cas de crise ou d’urgence, véritable innovation de ce texte, dont nous avons précisé le champ en commission.
Comme vous vous en doutez, l’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour explication de vote.
M. Pierre-Alain Roiron. Je rejoins ce que vient de dire M. le rapporteur : cet amendement est ambigu.
D’un côté, madame la ministre, vous nous proposez un « mieux-disant », à savoir porter de soixante-douze à cent le nombre d’heures annuelles susceptibles d’être compensées par la commune.
Mais, de l’autre, vous supprimez des éléments positifs comme les autorisations d’absence pour assister aux réunions organisées par les EPCI.
Nous voterons contre cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. J’accueille cet amendement avec grand intérêt.
Le département dont je suis l’élue, le Pas-de-Calais, a été très fortement touché par les inondations, 350 de ses communes ayant été affectées. Madame la ministre, vous dites vouloir accorder des facilités d’absence aux élus. Lundi, certains de ceux que j’ai rencontrés sur place me disaient n’avoir plus aucune journée à poser cet été après avoir été obligés de prendre jusqu’à un mois et demi de congés personnels pour faire face à ces inondations.
Vous avez évoqué le fait que la commune pourrait compenser ces absences à hauteur de soixante-douze à cent heures. Mais pensez-vous réellement qu’une commune comptant 100, 150 ou 200 habitants, comme l’on en dénombre en quantité dans mon département, disposera d’un budget suffisant pour ce faire, alors que les élus n’arrivent même pas à faire face au reste ?
Aussi, je voudrais que vous me disiez comment les toutes petites communes, de moins de 1 000 habitants, vont s’y prendre pour compenser ces absences. Elles n’en ont tout simplement pas les moyens !
Quand de telles catastrophes se produisent, je préférerais plutôt que l’État débloque une enveloppe exceptionnelle pour compenser le temps passé par ces élus pour y faire face afin qu’ils puissent se voir attribuer une indemnité.
M. le président. Je suis saisi de sept amendements identiques.
L’amendement n° 55 rectifié bis est présenté par MM. Mizzon, Henno, Laugier, Levi, Duffourg et J.B. Blanc, Mme Sollogoub, MM. Cambier, J.M. Arnaud, Capo-Canellas, Chauvet et Folliot, Mme Romagny, MM. Kern, Pillefer et Khalifé, Mme Belrhiti et M. Bleunven.
L’amendement n° 96 rectifié est présenté par MM. Dantec et Benarroche, Mme Senée, MM. G. Blanc, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel.
L’amendement n° 182 rectifié est présenté par M. Bitz, Mme Schillinger, MM. Mohamed Soilihi, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Rohfritsch, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 252 rectifié est présenté par Mme Cukierman, M. Brossat, Mme Brulin, M. Lahellec et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 282 rectifié ter est présenté par Mmes Aeschlimann, Jacques, Petrus et Berthet, MM. Panunzi, Cadec, Burgoa, Milon et Bonhomme, Mme Malet, MM. Rojouan, Bruyen, Sido et Sautarel, Mmes Lassarade et Ventalon et M. Klinger.
L’amendement n° 305 rectifié quater est présenté par Mme Bourcier, MM. Capus, Chasseing, V. Louault, Brault et Chevalier, Mme Lermytte et MM. A. Marc et Daubet.
L’amendement n° 350 rectifié quinquies est présenté par MM. Grosvalet, Roux et Bilhac, Mme Pantel et MM. Masset, Gold, Cabanel, Guiol et Guérini.
Ces sept amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Aux missions accomplies dans le cadre d’un mandat spécial. » ;
La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour présenter l’amendement n° 55 rectifié bis.
M. Jean-Marie Mizzon. Défendu !
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 96 rectifié.
M. Ronan Dantec. Mme la ministre, sur ce point précis, a parfaitement défendu cet amendement…
M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz, pour présenter l’amendement n° 182 rectifié.
M. Olivier Bitz. Défendu.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 252 rectifié.
Mme Cécile Cukierman. Défendu.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour présenter l’amendement n° 282 rectifié ter.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Défendu.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 305 rectifié quater.
M. Daniel Chasseing. Défendu.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 350 rectifié quinquies.
M. Henri Cabanel. Défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Initialement, la commission avait émis un avis défavorable sur une première version de ces amendements. Au fil du temps, ils ont été rectifiés à de multiples reprises, jusqu’à devenir compatibles avec le texte adopté par la commission. Aussi, l’avis est désormais favorable, car ces amendements prévoient une latitude supplémentaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. En cohérence avec l’amendement que nous avions déposé, le Gouvernement demande le retrait de ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 55 rectifié bis, 96 rectifié, 182 rectifié, 252 rectifié, 282 rectifié ter, 305 rectifié quater et 350 rectifié quinquies.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 257 rectifié, présenté par M. Fouassin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Après le 4° il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de déclenchement d’une alerte rouge par le préfet sur le territoire de la commune, les membres du conseil municipal exerçant une fonction dans le secteur privé et les membres du conseil municipal occupant une fonction dans le secteur public bénéficient d’un forfait temps de repos de 24 heures. Durant cette période, tout rappel professionnel et convocation lié à leur activité privée est suspendu, afin de permettre un temps de repos avant la reprise de leurs activités. »
La parole est à M. Stéphane Fouassin.
M. Stéphane Fouassin. L’amendement vise à améliorer la gestion des situations d’urgence au sein des collectivités territoriales.
L’introduction d’une disposition spécifique au sein de l’article L. 2123-1 du code général des collectivités territoriales a pour objet d’offrir un cadre adapté aux membres du conseil municipal exerçant, en plus de leurs fonctions électives, des responsabilités dans le secteur privé ou la fonction publique.
Lorsqu’une alerte rouge est déclenchée par le préfet, la sécurité de nos concitoyens devient une priorité. Certains membres du conseil municipal cumulent cependant leurs responsabilités avec une activité professionnelle dans le secteur privé.
Pour assurer leur disponibilité lors de ces moments critiques, l’amendement a pour objet d’instaurer un forfait temps de repos de vingt-quatre heures après la levée de l’alerte rouge. Durant cette période, toute sollicitation professionnelle serait suspendue, afin de permettre aux membres du conseil de se reposer avant de reprendre leurs fonctions professionnelles.
Cette mesure simple tend à garantir une participation effective des membres du conseil municipal à la situation d’urgence. En leur offrant ce temps de repos, nous nous assurons que ces derniers puissent répondre de manière optimale aux enjeux de sécurité et aux mesures d’urgence, en contribuant à une gestion efficiente des crises et en démontrant leur engagement en faveur de la sécurité de la population.
Par cet amendement, nous voulons faire un pas concret pour améliorer la préparation et la réactivité de nos élus locaux lors d’événements critiques. Son adoption renforcerait notre capacité collective à faire face aux défis urgents et à assurer la protection de nos concitoyens. Je vous invite donc à soutenir cette initiative, pour le bien-être et la sécurité de nos communautés.
Un simple exemple : lors du passage du cyclone Belal à La Réunion, un élu de la ville des Avirons a tenu une permanence dans un centre d’accueil d’urgence, et n’a pas dormi pendant plus de vingt-quatre heures. À la fin de l’alerte rouge, il a repris son métier de chauffeur du bus dans les transports publics. Les risques étaient importants, tant pour lui-même que pour les personnes transportées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. L’amendement vise à instaurer un forfait de repos de vingt-quatre heures pour un élu municipal salarié en cas de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. La commission estime que ce dispositif serait disproportionné. Pour cette raison, elle a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 218, présenté par M. Benarroche, Mme Senée, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer les mots :
, pour les maires et les adjoints au maire,
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à élargir à l’ensemble des élus locaux la procédure dérogatoire au régime de déclaration préalable des autorisations d’absence en cas de crise ou de situation exceptionnelle.
Les rapporteurs, lors de l’examen du texte en commission, ont restreint cette procédure aux seuls maires et adjoints. Mais les petites communes ont besoin de l’ensemble de leurs équipes lorsqu’un événement climatique a lieu, comme un incendie ou des inondations, ou même en cas d’émeutes, pour aider les habitants et soutenir le maire et ses adjoints. Nous savons tous qu’en cas de crise, l’ensemble des conseillers municipaux sont mobilisés, qu’ils aient ou non reçu une délégation.
Nous demandons donc que la procédure soit maintenue pour la totalité des conseillers municipaux, et non seulement pour les maires et les adjoints.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 271 rectifié bis est présenté par Mmes M. Jourda et Di Folco.
L’amendement n° 412 est présenté par Mmes Eustache-Brinio et Gatel et M. Kerrouche, au nom de la commission.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
et les adjoints au maire
par les mots :
, les adjoints au maire, les conseillers municipaux ayant reçu délégation ou ayant été désignés par arrêté municipal pour assurer une astreinte
La parole est à Mme Muriel Jourda, pour présenter l’amendement n° 271 rectifié bis.
Mme Muriel Jourda. Cet amendement vise à étendre le régime dérogatoire en cas de situation de crise ou d’urgence aux conseillers municipaux délégués ou désignés d’astreinte.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 412 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 218.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. L’amendement n° 412 est défendu.
Cette proposition de loi vise à trouver un chemin de crête entre les droits accordés aux élus et les devoirs qui sont les leurs. Il faut aussi tenir compte de la manière dont la population pourrait interpréter ces droits spécifiques.
Nous avons restreint la procédure dérogatoire aux élus qui exercent une fonction exécutive, car en cas de difficulté, ce sont eux qui sont principalement concernés. La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement de M. Benarroche.
En revanche, l’amendement présenté par Mme Jourda, qui est identique au nôtre, a pour objet d’étendre cette dérogation aux élus désignés pour assurer une astreinte. La rédaction proposée initialement par la commission, corrigée par ces deux amendements identiques, nous semble suffisante.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Lors de la présentation de son amendement, M. Benarroche a mentionné les incendies et les inondations, mais la neige constitue un autre risque.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Bien sûr !
M. Olivier Paccaud. Dans certains villages de l’Oise, des élus locaux qui ne sont ni adjoints ni maires possèdent un tracteur qui peut être utilisé pour dégager les routes. Ils ne sont pas toujours agriculteurs, et travaillent parfois dans des entreprises. Heureusement qu’ils sont là pour déneiger les routes et assurer la sécurité des habitants des communes !
L’amendement de M. Benarroche relève, me semble-t-il, du bon sens.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Je soutiens l’amendement de M. Benarroche, qui relève en effet du bon sens. En cas d’inondations, comme celles que le Pas-de-Calais a connues, ou lors d’autres phénomènes comme des chutes de neige ou des feux, il faut que l’ensemble du conseil municipal soit mobilisé.
Les élus, maires, adjoints et conseillers sont eux-mêmes touchés par ces événements, mais ils pensent avant tout à aider la population de leur commune. Le maire de La Calotterie me disait que, deux mois après les inondations – le niveau d’eau n’est toujours pas descendu –, il n’habite toujours pas chez lui ! C’est parce qu’il pense à ses habitants avant de penser à lui-même. Il en va de même pour les adjoints et les conseillers municipaux.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je comprends l’intention de Mme Jourda et des rapporteurs, mais, on le sait, tous les élus sont concernés lorsque ce genre d’événement survient, et non seulement ceux qui ont une délégation ou qui sont d’astreinte.
Dans la réalité, les élus ne se posent pas la question de savoir s’ils ont ou non reçu une délégation ou s’ils sont ou non d’astreinte pour intervenir en cas d’inondations ou d’incendie !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Bien sûr !
M. Guy Benarroche. Sincèrement, je vous incite, mes chers collègues, à franchir le pas. Je ne vois pas où se situe la ligne de crête mentionnée par le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour explication de vote.
M. Pierre-Alain Roiron. Comme l’a indiqué M. Benarroche, lorsque ce genre d’importants problèmes se pose, tous les conseillers municipaux sont présents pour aider, qu’ils soient maires, adjoints ou conseillers délégués. Je pense notamment aux communes du sud de la France, où des incendies ont régulièrement lieu, et où les élus sont toujours disponibles.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Mes chers collègues, il me semble que nous visons la même chose. Toutefois, en cas d’incident ou d’accident pendant que des élus municipaux vaquent à ce qui leur semble, à juste titre, être leur devoir, un problème de responsabilité peut se poser. Soyons attentifs !
Un élu d’astreinte est missionné par le maire pour soutenir et prendre soin des habitants. Mais le maire n’est pas obligé de nommer un seul élu d’astreinte : il peut déclarer que tout le conseil municipal est d’astreinte.
Des problèmes relatifs à la responsabilité peuvent se poser, par exemple si un salarié ne se rend pas chez son employeur. Je comprends l’intention de M. Benarroche, mais l’amendement de Mme Jourda me paraît plus sécurisé, clair et transparent.
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour explication de vote.
Mme Ghislaine Senée. Peut-être les amendements de Muriel Jourda et des rapporteurs sont-ils des amendements de repli. Mais la réalité, c’est que, lors de chutes de neige, les employeurs comprennent qu’il y a urgence. Tout le monde sait que l’ensemble du conseil municipal est alors mobilisé. Personne ne se pose de question !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Si, les assureurs !
Mme Ghislaine Senée. Dans les situations d’urgence, l’employeur comprend que le maire puisse signer une autorisation d’absence.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Nous avons tous vécu ce genre de situation. Lors du passage de la tempête Klaus dans les Landes, tous les élus étaient effectivement sur le pont.
Cela étant, la proposition que Muriel Jourda et nous-mêmes vous proposons vise à sécuriser la situation des élus.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Assurément !
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Nous comprenons parfaitement que tous les élus cherchent à s’engager pour leurs communes lors de ces situations. Mais, j’y insiste, il s’agit de sécuriser la position des élus par rapport à leurs employeurs. En cas de problème, l’élu risque de ne pas être couvert par son assurance. C’est aussi simple que cela ! Il ne nous semble pas compliqué, pour le maire, de désigner plusieurs élus d’astreinte.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Effectivement, cela relève de la vie locale !
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. J’ai été vice-président chargé des risques d’une agglomération : les choses fonctionnent dans l’autre sens ! Si l’on veut sécuriser les élus pour leur permettre d’agir dans la demi-heure, avant parfois même que le maire n’intervienne – il peut lui-même être bloqué par la neige ou les inondations –, il faut ouvrir la dérogation à l’ensemble du conseil. C’est la proposition de la commission qui les insécurise !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Mais non !
M. Ronan Dantec. Je ne comprends pas l’argumentaire du rapporteur. En situation d’urgence, les élus font ce qu’ils pensent devoir faire. Il ne faut surtout pas limiter la liste des élus concernés, car ils doivent agir dans un délai très court. Je le redis, restreindre cette liste, c’est insécuriser les élus.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. J’insiste, car il s’agit d’une question extrêmement grave de responsabilité.
Lors d’incendies en Bretagne, des agriculteurs sont spontanément venus avec des tonnes à lisier pour lutter contre les flammes. Un accident a eu lieu, mais l’assureur a refusé de le couvrir.
Nous préférons que le dispositif soit réservé aux élus d’astreinte. Rien n’empêche le maire de désigner quinze conseillers municipaux d’astreinte ! Il lui suffit de prendre un arrêté municipal, ce qui peut être fait très rapidement.
Mes chers collègues, nous avons un véritable problème de responsabilité et d’assurance. Les élus qui se déplacent lors de tempêtes courent le risque qu’un arbre leur tombe sur la tête. Nous les exposons à d’éventuels refus de prise en charge par leur assureur.
Nous visons la même chose : la sécurité des maires et des élus. Il ne faut pas mettre tout le monde en danger. Tous ceux qui ont été maires le savent : en cas de risque d’accident sur une route, un arrêté permet d’y interdire le passage. C’est la même chose dans ces situations : il suffit de prendre un arrêté pour nommer quinze personnes d’astreinte.
Je le dis sérieusement, mes chers collègues : en n’adoptant pas les amendements de Muriel Jourda et de la commission, qui permettent de répondre à votre demande, nous faisons courir des risques aux maires.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 271 rectifié bis et 412.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 290 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Brault, Chevalier et Wattebled, Mme Lermytte, MM. A. Marc et Rochette, Mme Bourcier et MM. V. Louault, Capus, H. Leroy, Paccaud, Longeot, J.P. Vogel, J.B. Blanc, Lemoyne, Laménie, Bonhomme, Levi, Bleunven et Delcros, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce temps d’absence sera mentionné comme « absence d’élu de la République » sur le bulletin de paie du salarié.
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement vise à donner instruction aux différents développeurs de logiciel de paie de créer une nouvelle dénomination dans la catégorie des absences, permettant de renommer une absence non rémunérée en « absence d’élu de la République » afin de matérialiser et valoriser l’engagement des salariés élus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. L’amendement vise à faire figurer la mention « absence d’élu de la République » sur le bulletin de paie des salariés bénéficiant d’une autorisation d’absence légale.
Nous comprenons l’intention des auteurs, qui veulent valoriser l’engagement des élus et faire en sorte que ces derniers ne soient pas stigmatisés en raison de leurs absences. Néanmoins, par définition, le bulletin de paie est personnel. Cette mesure ne nous semble pas relever de la compétence du législateur. La commission s’en remet, sans enthousiasme, à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 69 rectifié bis, présenté par MM. Fargeot et Courtial, Mme Billon, M. Henno, Mme Romagny et M. Bleunven, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Daniel Fargeot.
M. Daniel Fargeot. Selon l’alinéa 9 de l’article 9, le plafond de remboursement ouvert aux conseillers municipaux ne percevant pas d’indemnités de fonction serait porté à deux fois le montant du Smic horaire, au lieu d’une fois et demie actuellement, avec un maximum de soixante-douze heures par an.
Ces conseillers municipaux pourraient ainsi être davantage indemnisés que nombre de conseillers délégués indemnisés et chargés d’une mission. Pour cette raison, l’amendement vise à supprimer cet alinéa.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 148 rectifié ter est présenté par MM. Uzenat et Bourgi, Mme Carlotti, M. Lurel, Mme Briquet, MM. Féraud et Gillé, Mmes Bonnefoy et Canalès, MM. Fagnen, M. Weber, P. Joly et Cardon, Mme Espagnac, M. Tissot, Mmes Monier et Le Houerou et MM. Montaugé, Ros, Pla, Vayssouze-Faure et Jacquin.
L’amendement n° 419 est présenté par Mmes Eustache-Brinio et Gatel et M. Kerrouche, au nom de la commission.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 9
Après la référence :
L. 2123-3,
insérer les mots :
le mot : « soixante-douze » est remplacé par les mots « cent » et
La parole est à M. Simon Uzenat, pour présenter l’amendement n° 148 rectifié ter.
M. Simon Uzenat. En écho à l’élargissement du périmètre des autorisations d’absence, et en plus de l’augmentation du montant des indemnités de 1,5 Smic horaire à 2 Smic horaire, nous proposons de faire passer le plafond de remboursement de 72 heures à 100 heures.
Le montant annuel des compensations passerait ainsi de 108 Smic horaire à 200 Smic horaire. Cela représenterait une avancée pour les conseillers municipaux sans délégation, parfois plus oubliés que les autres élus, alors qu’ils sont en activité et ne perçoivent pas d’indemnités de fonction.
Je regrette que l’amendement que nous avions déposé au sujet de l’augmentation du crédit d’heures ait été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.
De toute évidence, le crédit d’heures n’est pas suffisant, en particulier pour les maires des petites communes. Nous proposions de le faire passer à 4,5 fois la durée hebdomadaire légale du temps de travail, soit 157,5 heures, et avions prévu également une augmentation du crédit d’heures pour les conseillers municipaux.
Le crédit d’heures permet notamment de faire face à la hausse des charges de travail liées à l’intercommunalité. Vous devez entendre comme moi, mes chers collègues, de nombreux élus, en particulier des maires de petites communes, se plaindre de la lourdeur représentée par l’échelon intercommunal, notamment lorsqu’ils y sont les seuls représentants de leurs communes.
Un élu de mon département me confiait avoir si peu de temps pour préparer ces réunions très complexes qu’il ne pouvait qu’y « faire oui de la tête comme le chien en peluche sur la plage arrière d’une voiture ». Cette image me semble éloquente : il faut nous interroger sur le fonctionnement de nos intercommunalités, et renforcer le crédit d’heures dont nos élus, et en particulier nos maires, doivent disposer.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 419 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 69 rectifié bis.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. L’amendement n° 419 est identique à l’amendement no 148 rectifié ter. Ces deux amendements visent à augmenter, de soixante-douze à cent heures, le plafond d’heures susceptibles d’être compensées par la commune pour les élus municipaux qui exercent une activité professionnelle, mais ne perçoivent pas d’indemnité de fonction.
L’amendement de M. Fargeot vise à supprimer l’augmentation du plafond de compensation à deux fois le montant du Smic horaire. Cette mesure est contraire à ce que nous proposons et à l’esprit de la proposition de loi : la commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 148 rectifié ter et 419.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 217, présenté par M. Benarroche, Mme Senée, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. L’article 9 tend à faciliter le recours aux autorisations d’absence pour les élus locaux.
Lors de l’examen du texte en commission, un alinéa a été ajouté pour préciser que l’employeur n’est pas tenu de payer les autorisations d’absence des élus salariés. Je souhaite quelques explications, car cette précision me semble superfétatoire. À ma connaissance, l’obligation de rémunérer les autorisations d’absence des salariés n’existe nulle part dans notre législation. Pourquoi alors préciser cette absence d’obligation par un alinéa de cet article ?
Le seul effet de cette précision pourrait être d’inciter les employeurs, qui peuvent ou non rémunérer les absences d’élus salariés, à ne pas les rémunérer. Notre amendement vise donc à supprimer cet alinéa, dans l’esprit général de la proposition de loi et du travail des rapporteurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Monsieur Benarroche, vous surinterprétez cette correction légistique, qui n’a pas le sens que vous lui attribuez. Ne vous inquiétez pas ! La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Toujours par cohérence avec l’amendement que nous avions présenté, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 91 rectifié bis, présenté par Mme Aeschlimann, M. Sautarel, Mmes Jacques, Petrus et Berthet, MM. Panunzi, Cadec, Burgoa et Milon, Mmes Ventalon et Lassarade, MM. Sido et Rojouan, Mme Malet et MM. Piednoir et Klinger, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – À l’article L. 3142-83 du code du travail, les mots : « s’il justifie d’une ancienneté minimale d’une année chez l’employeur à la date de son entrée en fonction » sont supprimés.
La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai cet amendement en même temps que l’amendement n° 92 rectifié bis, qui est un amendement de repli.
M. le président. L’amendement n° 92 rectifié bis, présenté par Mme Aeschlimann, M. Sautarel, Mmes Jacques, Petrus et Berthet, MM. Panunzi, Cadic, Burgoa, Milon, Bonhomme et Piednoir, Mme Malet, MM. Rojouan et Sido, Mmes Lassarade et Ventalon et M. Klinger, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – À l’article L. 3142-83 du code du travail, les mots « minimale d’une année » sont remplacés par les mots « supérieure à la durée de la période d’essai, renouvellement compris ».
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Marie-Do Aeschlimann. L’amendement n° 91 rectifié bis vise à faciliter la mise en œuvre du congé de maternité des maires, en modifiant les modalités de leur remplacement temporaire.
Le cas de la maire de Poitiers a récemment illustré les difficultés que pouvait poser ce remplacement par un adjoint salarié, lorsque l’employeur de ce dernier refuse la suspension de son contrat de travail.
En l’état du droit, les articles L. 3142-83 et L. 3142-88 du code du travail permettent à un salarié membre de l’Assemblée nationale ou du Sénat, maire ou adjoint au maire, président ou vice-président d’un conseil régional ou départemental, de suspendre son contrat de travail jusqu’à l’expiration de son mandat.
Mais cette possibilité est limitée aux salariés justifiant une ancienneté minimale d’un an. Cette condition d’ancienneté paraît déraisonnable, car elle excède largement la durée maximale de la période d’essai, y compris si cette dernière est renouvelée.
Aussi l’amendement n° 91 rectifié bis vise-t-il à supprimer cette condition d’ancienneté d’un an, tandis que l’amendement n° 92 rectifié bis le porte à la durée maximale de la période d’essai, renouvellement compris.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. L’obligation d’ancienneté d’un an a pour objet d’éviter qu’un salarié ne demande la suspension de son contrat de travail juste après l’avoir signé. Elle tend aussi à garantir au salarié installé dans un emploi qu’il ne perdra pas ce dernier du seul fait de son élection.
Nous souhaitons conserver un équilibre entre droits et devoirs. Le chemin est ténu, mais conserver cette obligation relève du bon sens. La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 91 rectifié bis et 92 rectifié bis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Do Aeschlimann. Je retire les deux amendements, monsieur le président !
M. le président. Les amendements nos 91 rectifié bis et 92 rectifié bis sont retirés.
Je mets aux voix l’article 9, modifié.
(L’article 9 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, je vais lever la séance. Nous avons examiné 86 amendements au cours de la journée ; il en reste 141 à examiner sur ce texte.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 7 mars 2024 :
À dix heures trente :
Questions orales.
À quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :
Suite de la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local, présentée par Mme Françoise Gatel, MM. Mathieu Darnaud, François-Noël Buffet, Bruno Retailleau, Hervé Marseille, Patrick Kanner, François Patriat, Mme Cécile Cukierman, M. Claude Malhuret, Mme Maryse Carrère et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission n° 367, 2023-2024).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 7 mars 2024, à une heure trente.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER