M. le président. L’amendement n° 45 rectifié, présenté par M. Rochette, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 511-19 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un article L. 511-19–…. ainsi rédigé :
« Art. L. 511-19 –…. – En cas de danger imminent manifeste, l’autorité compétente est exemptée de la demande d’autorisation au juge des libertés et de la détention pour procéder aux visites mentionnées à l’article L. 511-7 du présent code lorsque l’occupant s’y oppose ou que la personne ayant qualité pour autoriser l’accès aux lieux ne peut pas être atteinte. »
La parole est à M. Pierre Jean Rochette.
M. Pierre Jean Rochette. Le présent amendement est, comme le précédent, un amendement de simplification : il s’agit d’alléger la procédure applicable à la visite d’un bien occupé frappé d’un arrêté de péril.
Cet amendement tend à accélérer les démarches, ne serait-ce que parce que, parfois, l’urgence à agir est absolue, jusqu’à revêtir un caractère vital.
Je l’ai vécu dans ma commune : il est problématique de devoir attendre l’autorisation du juge – comme cela est obligatoire aujourd’hui – quand on sait qu’un bâtiment est à deux doigts de s’effondrer.
Je propose donc de permettre au maire, dans le cadre d’un arrêté de péril validé par le tribunal, de procéder à la visite du bien sans l’autorisation du juge.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Si le danger est imminent et manifeste, il n’y a en réalité pas besoin de faire procéder à une visite des locaux. Pour rappel, l’article L. 511-19 du code de la construction et de l’habitation prévoit l’activation de la procédure d’urgence en cas de danger imminent.
Surtout, la disposition ici proposée est excessivement attentatoire à la vie privée.
Voilà pourquoi la commission vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Je comprends l’urgence à agir que vous mentionnez à l’appui de votre argumentation, monsieur le sénateur.
De notre côté, il nous semble que votre souhait d’une action plus efficace est en réalité satisfait.
Ainsi, en cas d’extrême urgence, de danger immédiat, de situation grave et imminente, le maire doit déjà, quelle que soit la cause du danger, faire légalement usage de ses pouvoirs de police générale, et ce au titre de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. Il doit notamment procéder à l’évacuation des occupants, instaurer un périmètre de sécurité, prescrire l’exécution des mesures de sécurité nécessaires et appropriées sur un immeuble.
Par ailleurs, l’article 122-7 du code pénal protège l’autorité compétente amenée à procéder à une visite en cas de danger imminent et manifeste.
Aussi le droit existant satisfait-il votre demande. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. Monsieur Rochette, l’amendement n° 45 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le président, je ne retirerai pas cet amendement, car je suis de mauvaise humeur aujourd’hui. (Sourires.)
Il y a une différence entre l’arrêté de péril imminent et l’arrêté de péril tout court. Monsieur le ministre, votre description est juste pour ce qui concerne l’arrêté de péril imminent, mais non pour l’arrêté de péril, qui est soumis à la libre interprétation du juge.
Or, lorsque le maire d’une commune rurale doit faire à une situation d’urgence,…
M. Pierre Jean Rochette. … les subtilités que vous évoquez – et vous avez parfaitement raison de le faire – sont très éloignées de ce qu’il vit, seul sur le terrain avec sa secrétaire de mairie.
C’est dans un tel esprit que j’ai déposé cet amendement, en vue de faire gagner du temps aux maires via l’accélération de la procédure.
Cela étant dit, libre à chacun de voter comme il l’entend. À votre bon cœur ! (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 86 rectifié bis, présenté par Mmes Artigalas, Linkenheld et Carlotti, M. Kanner, Mme Brossel, MM. Féraud et Lurel, Mme Narassiguin, MM. Ros, Bouad, Cardon, Ziane, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 4° de l’article L. 511-11 du code de la construction et de l’habitation, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« …° Lorsque l’immeuble ou l’installation est occupé, toute mesure afin que le logement remplisse les conditions minimales de confort et d’habitabilité définies par décret. »
La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. L’expérience de la gestion de crise des périls et des évacuations montre que les conditions de réintégration ne sont pas toujours satisfaisantes. Des arrêtés d’interdiction d’occuper sont levés dès lors que les périls sont écartés, alors même que le logement ne respecte pas les conditions minimales de confort et d’habitabilité.
Aussi proposons-nous, par cet amendement, que les arrêtés de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité pris dans le cadre de la lutte contre l’habitat indigne prescrivent explicitement les mesures requises afin que le logement, qui était régulièrement occupé, réponde aux normes de confort et d’habitabilité en sortie d’habitat indigne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. En commission, nous avons rejeté un amendement similaire, qui visait à permettre d’imposer la mise aux normes de décence pour lever un arrêté de police de l’habitat indigne. Nous avons estimé en effet que le respect des normes de décence ne relevait pas de la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, laquelle a vocation à protéger la santé et la sécurité des occupants et des tiers.
Le même argument s’applique au présent amendement : par principe, des normes qui ont trait au confort et à l’habitabilité des logements n’ont pas leur place dans un arrêté relevant de cette police spéciale.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.
Mme Audrey Linkenheld. Je comprends parfaitement l’argumentation de Mme la rapporteure, mais il se trouve que l’objet de cet amendement relève bien de la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, puisque c’est dans le cadre des arrêtés de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité que nous demandons le respect des normes de confort et d’habitabilité. Il y a bel et bien là exclusivement des normes dont, réglementairement parlant, rien n’empêche qu’elles soient couvertes par ces arrêtés.
Nous savons bien qu’il y a différentes polices, différents codes, différents règlements, par exemple le règlement sanitaire départemental. Il n’est évidemment pas question de prétendre imposer par un arrêté de police de l’habitat indigne le respect de normes qui dépendent d’un autre acte juridique.
C’est la raison pour laquelle nous avons pris la peine de préciser – y compris dans l’exposé des motifs – qu’une telle mesure de mise aux normes de confort et d’habitabilité s’inscrit bien dans le cadre de ce que peuvent couvrir les arrêtés de mise en sécurité et de traitement de l’insalubrité, et non de ce que couvre en général le règlement sanitaire départemental.
M. le président. L’amendement n° 66 rectifié, présenté par Mmes Margaté et Corbière Naminzo, M. Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au II de l’article L. 521-3-1 du code de la construction et de l’habitation, après les mots : « caractère définitif », sont insérés les mots : « ou d’évacuation à caractère temporaire si les travaux n’ont pas été réalisés dans les délais fixés par l’arrêté pris au titre de l’article L. 511-11 du même code ».
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre …
Renforcer la protection des occupants de l’habitat dégradé
La parole est à Mme Marianne Margaté.
Mme Marianne Margaté. Cet amendement vise à mieux prendre en compte la situation des résidents de logements dégradés, qui sont parfois temporairement relogés lorsque des travaux d’ampleur doivent être réalisés pour réhabiliter leur logement.
Dans ces cas précis, il arrive qu’un hébergement temporaire leur soit proposé le temps que les travaux se déroulent. Or nous savons parfaitement que, le cas échéant, la durée initialement prévue n’est pas toujours respectée, ce qui place les locataires dans une situation d’attente et d’instabilité.
Par ailleurs, en cas de relogement, l’hébergement prévu ne répond pas toujours aux besoins des locataires. Nous proposons donc que ces derniers soient relogés à titre définitif dès lors que la durée des travaux dépasse les délais prévus par arrêté.
Il peut de surcroît apparaître, au gré d’un tel dépassement des délais, que la nature des travaux à accomplir avait à l’origine été sous-estimée – peut-être involontairement – par le propriétaire, ce qui aurait pu justifier un relogement définitif dès le début du chantier.
Il s’agit donc également de corriger, lorsqu’il y a lieu, l’erreur manifeste d’appréciation qui a entaché la décision initiale et bénéficie au propriétaire, pour qui il peut être plus facile de trouver à son locataire un hébergement temporaire qu’un logement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Cet amendement a pour objet de transformer automatiquement l’obligation d’hébergement que doit le propriétaire au locataire, lorsque son logement est frappé d’une interdiction temporaire d’habiter, en obligation de relogement pérenne, dès lors que les travaux prescrits par l’arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité n’ont pas été réalisés dans le délai imparti.
Ce délai est trop court, car, lorsque le propriétaire n’achève pas les travaux dans le temps imparti, la collectivité peut les faire réaliser d’office, ce qui permet aux occupants évincés de réintégrer leur logement. Par définition, ces travaux d’office ne peuvent être ordonnés qu’à l’issue du délai prévu par l’arrêté.
Je rappelle en outre que la commission a déjà renforcé la protection des occupants en prévoyant que l’obligation d’hébergement se transforme en obligation de relogement – définitif – au bout de trois ans.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 66 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3 bis AA (nouveau)
Le I de l’article L. 521-3-1 du code de la construction et de l’habitation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Au-delà de trois ans, toute éviction est considérée comme définitive et le II du présent article est applicable. » – (Adopté.)
Après l’article 3 bis AA
M. le président. L’amendement n° 33 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme Guhl, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis AA
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la deuxième phrase du II de l’article L. 521-3-1 du code de la construction et de l’habitation, les mots : « à ses besoins et à ses possibilités » sont remplacés par les mots : « à ses besoins, ses possibilités, se situant à proximité du logement d’origine pour permettre aux occupants évincés de poursuivre leur vie personnelle, familiale, professionnelle et scolaire, et adaptée à la composition du foyer et le cas échéant aux personnes en situation de handicap. »
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Les drames liés à l’habitat dégradé se multiplient et la question du relogement, nous venons de le voir, est un enjeu clé.
Par cet amendement, le groupe écologiste entend répondre aux attentes relayées par de nombreuses associations, en particulier les collectifs en lutte contre le mal-logement et l’habitat indigne à Marseille, qui ont élaboré une charte destinée à mieux préciser ce qui détermine le caractère adapté du logement ou de l’hébergement qui doit être proposé aux occupants protégés.
Il s’agit donc de renforcer la protection des occupants lorsque l’interdiction d’habiter est prononcée à titre définitif et que le propriétaire est tenu d’assurer le relogement.
À cet effet, nous proposons de préciser que, pour que l’obligation de relogement soit satisfaite, l’offre de logement présentée à l’occupant doit correspondre « à ses besoins, à ses possibilités, se situant à proximité du logement d’origine pour permettre aux occupants évincés de poursuivre leur vie personnelle, familiale, professionnelle et scolaire, et adaptée à la composition du foyer et le cas échéant aux personnes en situation de handicap ».
Les victimes et leurs enfants, qui sont souvent dans la précarité, doivent pouvoir poursuivre leur vie scolaire et sociale. Il convient d’éviter de les éloigner de leur lieu de vie pour ne pas ajouter davantage de complexité à leur situation.
Ainsi souhaitons-nous mieux préciser les critères encadrant les conditions de relogement des personnes victimes de l’habitat insalubre.
La justice pouvant déjà faire valoir ces critères en cas de litige, lorsque l’occupant refuse des propositions de relogement, il s’agit non pas de complexifier le droit en les mentionnant, mais de s’assurer qu’il en est bien tenu compte dès la première offre de relogement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Si nous intégrons ces critères dans le texte, alors nous complexifierons bel et bien le droit.
Tous ces besoins, qu’ils soient relatifs à la vie personnelle, familiale ou scolaire ou à la situation de handicap, doivent être pris en considération – et ils le sont.
Vous l’avez dit vous-même, mon cher collègue : lorsqu’il y a litige concernant des propositions de relogement refusées par l’occupant évincé, le juge se prononce déjà selon ces critères.
Souhaitant ne pas introduire davantage de complexité – je reprends vos termes – dans la loi, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Monsieur le sénateur, en réalité, l’obligation de relogement pesant sur le propriétaire ou sur l’exploitant est satisfaite par la présentation à l’occupant d’une offre de logement correspondant « à ses besoins et à ses possibilités ».
Cette notion intègre d’ores et déjà les critères de la localisation du logement et de la situation familiale, professionnelle et scolaire des occupants ; elle permet la prise en compte des besoins particuliers de ces derniers. En ce sens, votre amendement est satisfait – vous l’avez d’ailleurs vous-même suggéré.
En détaillant plus avant dans la loi l’énumération de ces critères, on prend le risque de restreindre les possibilités de relogement et d’omettre des situations. L’adoption de cet amendement serait donc source de complexité et d’oubli de certains besoins. Je préfère que nous nous en tenions à une rédaction plus large, qui, du reste, répond aux besoins, plutôt que de prendre le risque, par excès de précision, de mettre des personnes en difficulté.
C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Monsieur le ministre, nombreux sont ceux qui, en pareils cas, rencontrent des difficultés pour obtenir d’être relogés ou, à tout le moins, se voient proposer des logements qui ne remplissent pas les critères que nous venons d’énumérer. Vous dites que mon amendement est satisfait par la loi – peut-être l’est-il…
En tout cas, les habitants qui nous font part de problèmes de ce genre, en particulier ceux qui, à Marseille, doivent être relogés définitivement après que leur immeuble a été déclaré insalubre et menacé de péril, nous disent exactement l’inverse : eux ne sont pas satisfaits, permettez-moi de vous le dire !
S’ils refusent une offre de logement, ils prennent un risque, car un juge doit alors se prononcer, ce qui peut prendre longtemps et donc les mettre dans une situation encore plus compliquée qu’elle ne l’est déjà. Dès lors qu’ils ont été chassés de leur logement à titre définitif, nous souhaitons qu’il soit tenu compte de tous les critères que j’ai cités dès la première offre visant à satisfaire à l’obligation de relogement.
À l’heure actuelle, certaines personnes demeurent dans des logements provisoires pendant très longtemps. Et eux, monsieur le ministre, ne sont pas du tout satisfaits que nous ne répondions pas à l’ensemble de leurs besoins, y compris scolaires et professionnels, ce qui arrive bel et bien à Marseille comme, je suppose, dans d’autres villes !
M. Pierre Jean Rochette. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 68 rectifié bis, présenté par Mmes Margaté et Corbière Naminzo, M. Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
I. - Après l’article 3 bis AA
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° Les mots : « de bonne foi » sont supprimés ;
2° Sont ajoutés les mots : « sauf mauvaise foi avérée ».
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre …
Renforcer la protection des occupants de l’habitat dégradé
La parole est à Mme Marianne Margaté.
Mme Marianne Margaté. Cet amendement vise à inverser la charge de la preuve en présumant que tous les locataires sont de bonne foi et en imposant au propriétaire souhaitant résilier le bail de prouver la mauvaise foi de son locataire.
En effet, cette notion de « bonne foi », juridiquement floue, permet au propriétaire de s’appuyer sur un défaut de paiement pour justifier la résiliation d’un bail.
Ce projet de loi contient des améliorations en matière de protection des locataires et des résidents. En adoptant cet amendement, nous ferions un pas de plus en faveur des locataires victimes de marchands de sommeil, tous ceux qui, après avoir été mal-logés pour des sommes indécentes, se retrouvent sans solution une fois leur bail résilié.
La crise du logement et l’inflation démesurée conjuguant leurs effets, il devient de plus en plus difficile pour certains locataires de changer de logement, et même de payer leur loyer. Notre amendement vise donc aussi à protéger les personnes qui ont vécu dans un habitat dégradé et n’ont pas les moyens de s’acquitter de leur loyer. Le propriétaire qui estime qu’elles ne sont pas de bonne foi devra désormais faire la preuve de leur mauvaise foi.
M. le président. L’amendement n° 89 rectifié bis, présenté par Mmes Artigalas, Linkenheld et Carlotti, M. Kanner, Mme Brossel, MM. Féraud et Lurel, Mme Narassiguin, MM. Ros, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis AA
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° Les mots : « de bonne foi » sont supprimés ;
2° Sont ajoutés les mots : « sauf mauvaise foi avérée ».
La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Les associations et collectifs réunis dans le mouvement de lutte contre le mal-logement à Marseille témoignent que de nombreux occupants en situation de précarité sociale se trouvent également sous le joug de marchands de sommeil. Ils jugent indispensable de lever les obstacles qui entravent la reconnaissance de leur situation et leur protection, afin qu’ils puissent déposer plainte et suivre les procédures de façon sereine.
Certains propriétaires indélicats parviennent à obtenir la résiliation judiciaire des baux en raison du défaut de paiement des loyers et des charges. Les occupants sont alors privés de leur droit au relogement et, éventuellement, de leur recours en indemnisation.
Pour renforcer la protection des occupants, nous proposons d’introduire à l’article L. 521-1 du code de la construction et de l’habitation une présomption de bonne foi de l’occupant. Ainsi le droit au relogement s’appliquerait-il, sauf en cas de mauvaise foi avérée de l’occupant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Ces deux amendements visent à créer une présomption de bonne foi pour les occupants.
L’expression « de bonne foi » n’a pas ici le même sens que dans le langage courant. Il s’agit d’un principe général du droit des contrats qui se trouve être plutôt protecteur pour les plus vulnérables, puisqu’il vise à prévenir l’abus de droit, y compris les clauses abusives au contrat.
La jurisprudence a à de nombreuses reprises précisé cette notion de bonne foi dans le cadre spécifique du droit au relogement : elle est extensive et très protectrice pour les occupants. Modifier le texte ainsi que le préconisent nos collègues nous ferait donc courir un risque d’insécurité juridique.
Vous souhaitez renforcer l’accompagnement des victimes des marchands de sommeil, et, comme nous avons eu l’occasion de le dire, nous partageons cette volonté, mais la solution que vous proposez ne nous paraît pas la plus adéquate.
Aussi la commission demande-t-elle le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 89 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3 bis A
L’article L. 615-10 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° À la première phrase du I, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « vingt » ;
2° Il est ajouté un VII ainsi rédigé :
« VII. – Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation, au plus tard six mois avant son terme. »
M. le président. L’amendement n° 92, présenté par Mmes Artigalas et Linkenheld, M. Kanner, Mme Brossel, MM. Féraud et Lurel, Mme Narassiguin, MM. Ros, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Pendant la durée de l’expérimentation prévue au I, lorsqu’un immeuble en copropriété se trouve dans la situation mentionnée à l’article L. 615-6, la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’habitat peut habiliter un opérateur mentionné au II du présent article à conclure avec le syndicat des copropriétaires une convention en vue de l’acquisition à titre onéreux du terrain d’assise de l’immeuble concerné, par laquelle il s’engage à revendre, à une date ultérieure, ledit terrain aux copropriétaires à un prix de vente limité à sa valeur initiale, actualisée selon des modalités définies par décret en Conseil d’État, et par laquelle les copropriétaires s’engagent à lui verser une redevance d’occupation, ou une convention en vue de l’acquisition à titre onéreux des parties communes et des équipements communs de l’immeuble, au sens de l’article 1er de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 précitée, par laquelle les copropriétaires conservent à leur endroit un droit réel de ré-accession et s’engagent à verser à l’acquéreur une redevance d’utilisation, en échange d’un engagement de l’acquéreur à mener des travaux de réhabilitation sur ces parties communes et ces équipements communs. »
La parole est à Mme Audrey Linkenheld.
Mme Audrey Linkenheld. Par cet amendement, notre groupe souhaite rétablir dans le projet de loi une disposition qui y avait été introduite lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale et a été malheureusement supprimée en commission au Sénat.
Il s’agit d’étendre une expérimentation qui était prévue dans la loi Alur : lors de son examen, l’adoption d’un amendement de votre serviteur avait permis la création du bail réel solidaire (BRS) et de son corollaire, les organismes de foncier solidaire (OFS).
Cette expérimentation a certes été prévue il y a dix ans, en 2014, mais elle portait sur des organismes et sur un type de bail tout à fait nouveaux, qui sont désormais – M. le ministre ne me contredira pas – très plébiscités. Ceux-ci se développent partout et d’aucuns plaident même pour les étendre, au-delà du seul logement à vocation sociale, au logement intermédiaire, voire au logement libre.
Ces outils semblent plaire tous bords politiques confondus ; il nous semble donc indispensable de prolonger cette expérimentation, qui n’a pas encore été mise en œuvre et est seulement en train de naître dans les territoires : il nous faut essayer de savoir si l’expropriation des seules parties communes d’un immeuble en état de carence est une bonne solution de rénovation et de lutte contre l’habitat dégradé.
Dans le cadre d’une telle expropriation des parties communes, les organismes de foncier solidaire doivent pouvoir organiser la dissociation du foncier et du bâti dans les copropriétés dégradées. Il est nécessaire que nous adoptions cet amendement pour que naisse enfin ce qui n’est qu’un test ; ainsi répondrions-nous à une demande qui s’exprime fortement sur le terrain.