M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Certes, en la matière, il faut aller vite, il faut simplifier, mais sans oublier que l’expropriation est une atteinte forte au droit de propriété.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Bien sûr !

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. J’y insiste : n’oublions pas nos fondamentaux.

L’expropriation doit se justifier par un motif d’intérêt général et être précisément encadrée. Pour cette raison, le Conseil d’État a logiquement et fortement insisté, dans l’avis qu’il a rendu sur ce projet de loi, sur la nécessité de prouver une carence persistante du propriétaire ou de la copropriété.

Seule la répétition d’une telle carence, prouvée par la non-réalisation par le propriétaire des mesures prescrites par un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité – et ce au moins par deux fois, comme le prévoit le texte –, doit donc pouvoir justifier l’engagement de la procédure d’expropriation.

J’ajoute que la période de référence de dix ans est au contraire à l’avantage de la collectivité qui souhaite exproprier : plus cette période est longue, plus il y a de chances que soient pris les deux arrêtés requis.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Je partage là encore l’argumentaire de Mme la rapporteure. Je vais malgré tout préciser la position du Gouvernement, mesdames les sénatrices, afin que la discussion puisse s’engager.

La mise en œuvre de la procédure d’expropriation à titre remédiable est subordonnée, dans les termes prévus à l’article 3, à la double condition que l’immeuble ait fait l’objet d’au moins deux arrêtés de traitement de l’insalubrité ou de mise en sécurité non mis en œuvre au cours des dix années civiles précédentes. Je précise que cette durée de dix ans est une durée maximale : les conditions de déclenchement de la procédure peuvent donc tout à fait être réunies dans un laps de temps plus court, par exemple sur deux ou cinq ans.

Cette double condition est nécessaire pour justifier l’inaction répétée du propriétaire et la dégradation progressive de l’immeuble, toutes procédures confondues.

C’est cet équilibre, trouvé au terme de longs échanges, notamment avec le Conseil d’État, comme l’a rappelé Mme la rapporteure, qui permet de préserver la sécurité juridique du dispositif, lequel porte dès lors une atteinte proportionnée au droit de propriété.

L’adoption des amendements nos 67 et 83 rectifié, qui visent à remplacer cette double condition – au moins deux arrêtés pris au cours des dix années civiles précédentes – par une autre – un arrêté pris dans un délai minimal de trois ans –, remettrait en cause cet équilibre sans forcément faciliter la mise en œuvre du dispositif, comme je viens de le démontrer.

Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.

Mme Audrey Linkenheld. Tout d’abord, comme ma collègue Corinne Narassiguin, je tiens à m’associer à l’hommage qui a été rendu à Claude Dilain, avec lequel j’ai eu le plaisir et le bonheur de rapporter, en son temps, la loi Alur.

J’insiste par ailleurs, comme l’a fait ma collègue, sur le fait que, pour nous, cet amendement est un amendement de repli.

En première analyse, le texte initial, c’est-à-dire le principe d’une durée de dix ans pendant laquelle sont pris deux arrêtés, nous convenait. Simplement, quand on confronte cette rédaction à la réalité vécue par les élus locaux, notamment à celle de Mathieu Hanotin, le maire de Saint-Denis, qui a beaucoup travaillé sur le sujet, on s’aperçoit que le dispositif est inopérant.

Pour le rendre opérant, il eût fallu, non pas forcément raccourcir la durée prévue ni même réduire le nombre d’arrêtés requis, mais proposer une condition de cumul différente pour ces deux arrêtés.

C’est ce que nous proposions dans l’un des amendements que nous avons déposés : soit le cumul de deux arrêtés de mise en sécurité, l’un d’urgence et l’autre ordinaire, soit le cumul de deux arrêtés de traitement de l’insalubrité. Malheureusement, la commission des finances a considéré que l’adoption de cet amendement conduirait à élargir le champ de l’expropriation et, par conséquent, serait coûteuse pour les finances publiques.

Si le Gouvernement souhaite rendre opérante cette disposition à laquelle, comme nous, il est attaché, je lui suggère de réfléchir aux moyens par lesquels il pourrait faire ce que l’article 40 de la Constitution nous empêche, nous, de proposer.

Je le dis en toute sincérité, la rédaction que nous souhaitions présenter nous paraît la seule réellement opérante. Nous pouvons toujours nous faire plaisir – si je puis dire – en adoptant une autre rédaction, mais, dans les faits, nous n’aurons pas aidé ceux que nous cherchons à aider, c’est-à-dire nos élus locaux et les occupants des logements concernés.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 67 et 83 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 164, présenté par Mme Gacquerre, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 8, dernière phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Lorsque les arrêtés portent sur une partie privative dépendant d’un immeuble soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis, l’expropriation engagée sur le fondement du présent article ne porte que sur le lot de copropriété concerné.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de précision juridique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 164.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 103 rectifié est présenté par Mmes Linkenheld et Artigalas, M. Kanner, Mme Narassiguin, M. Ziane, Mme Brossel, MM. Féraud, Lurel, Ros, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 147 est présenté par MM. Buis, Buval, Fouassin, Patriat, Bitz et Mohamed Soilihi, Mmes Schillinger, Cazebonne, Duranton et Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Rohfritsch, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 10 et 12

Supprimer les mots :

ou d’utiliser

La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour présenter l’amendement n° 103 rectifié.

Mme Audrey Linkenheld. Voilà un petit amendement qui n’a l’air de rien ; je veux néanmoins en dire quelques mots.

Loin de nous l’idée selon laquelle il ne faudrait pas inclure les locaux utilisés, aux côtés des locaux occupés, dans le champ d’application de ce projet de loi ; mais l’amendement de coordination de la commission, qui a conduit à la réécriture des alinéas 10 et 12, nous semble créer davantage de complexité qu’il ne clarifie le texte, car il établit un parallèle, en matière de relogement, entre locaux d’habitation et locaux commerciaux.

Or chacun sait que le même droit ne s’applique pas de part et d’autre.

Nous estimons par conséquent qu’il vaudrait mieux nous en tenir au texte tel qu’il était initialement rédigé : il y était fait référence à l’utilisation des locaux sans pour autant que soit établi un parallèle qui, à notre avis, va poser d’énormes difficultés d’application et de jurisprudence.

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour présenter l’amendement n° 147.

M. Bernard Buis. Cet amendement a pour objet de ne pas imposer à l’expropriant de prévoir le relogement des occupants de locaux à usage autre que d’habitation pour pouvoir enclencher la procédure de l’article 3. En effet, une telle mesure pourrait limiter le caractère opérationnel du dispositif en prescrivant des contraintes inappropriées.

Il est du ressort de la nouvelle procédure d’assurer la protection des occupants des logements indignes et l’interdiction d’utiliser des locaux devenus dangereux.

Pour autant, cette protection ne va pas au-delà d’une telle interdiction d’utiliser. Les commerçants évincés des locaux dangereux pourront par ailleurs se voir proposer un local de remplacement dans le cadre de la procédure d’indemnisation ultérieure.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Pour rappel, la commission des affaires économiques a modifié l’article 3 afin d’inclure dans la procédure d’expropriation les locaux commerciaux et professionnels. Notre objectif était que ces derniers puissent être expropriés dans les mêmes conditions que les logements, en particulier pour ce qui est des modalités de fixation des indemnités d’expropriation, qui sont plus avantageuses pour l’expropriant. Il s’agissait, ce faisant, de faciliter la mise en œuvre de la nouvelle procédure.

Il nous semblait également légitime que les occupants de locaux professionnels et commerciaux puissent bénéficier, eux aussi, d’un relogement par l’expropriant.

Ces deux amendements visent à supprimer cette obligation de relogement lorsque les locaux commerciaux et professionnels sont frappés d’une interdiction temporaire d’utiliser, car cette obligation pourrait retarder la mise en œuvre de la procédure d’expropriation : il est vrai qu’il est plus difficile de trouver des locaux de substitution que des logements de substitution pour des habitants évincés.

Il ne s’agit pas de revenir sur la disposition sur laquelle les groupes politiques se sont entendus en commission, mais la réalité du terrain et le pragmatisme nous commandent de reconnaître que les choses sont parfois plus compliquées lorsqu’il s’agit de locaux commerciaux ou professionnels.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Avant que la commission des affaires économiques n’examine et ne modifie le texte, la procédure d’expropriation prévue à l’article 3 ne s’appliquait qu’aux locaux frappés d’une interdiction d’habiter.

Or la nouvelle procédure doit aussi pouvoir viser les locaux commerciaux ou professionnels devenus dangereux.

L’introduction par voie d’amendement, en commission, de la notion d’interdiction d’utiliser aux alinéas 10, 11, 12 et 23 était donc pertinente. Aussi, je ne suis pas favorable à leur suppression et j’émets un avis favorable sur ces deux amendements identiques, qui me semblent aller dans le bon sens.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 103 rectifié et 147.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 165, présenté par Mme Gacquerre, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 15, première phrase

Après le mot :

indemnité

insérer le mot :

provisionnelle

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de précision juridique, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 165.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 21 est présenté par Mme Guhl, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

L’amendement n° 77 est présenté par M. Brossat, Mmes Margaté et Corbière Naminzo, M. Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° 97 est présenté par Mmes Artigalas, Linkenheld et Narassiguin, MM. Ziane et Kanner, Mme Brossel, MM. Féraud, Lurel, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 18, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour présenter l’amendement n° 21.

Mme Antoinette Guhl. Cet amendement vise à supprimer la subrogation de l’expropriant dans les droits du propriétaire en cas d’expropriation d’un immeuble indigne à titre remédiable.

Nous considérons qu’une telle convention n’est pas justifiée et risque de perturber le processus d’action. Surtout, sa mise en œuvre allongerait les délais, ce qui n’est pas notre objectif.

Nous suggérons par conséquent d’en revenir au régime ordinaire défini à l’article L. 222-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, qui précise que « [l]’ordonnance d’expropriation éteint, par elle-même et à sa date, tous droits réels ou personnels existant sur les immeubles expropriés ».

Notre amendement est essentiel ; admettons que, dans le cadre d’une expropriation, un immeuble dispose d’un local commercial en rez-de-chaussée, et que seules deux des neuf années du bail se soient écoulées – le bail est donc encore en cours de validité –, il faudra attendre sept années supplémentaires pour éteindre les baux existants dans l’immeuble. Aux dix années prévues par le texte – cette durée que nos collègues socialistes voulaient réduire il y a tout juste quelques minutes –, il faudra donc ajouter la durée des baux existants au moment de l’expropriation.

Or, après dix-neuf ans – dix plus neuf –, il n’est plus question d’habitat indigne à titre remédiable, mais, plus vraisemblablement, d’habitat indigne à titre irrémédiable…

La Soreqa, la société de requalification des quartiers anciens, avec laquelle nous avons travaillé pour rédiger cet amendement, nous a indiqué que la prise en compte de cette dimension du problème était absolument capitale pour garantir l’efficacité des expropriations.

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour présenter l’amendement n° 77.

M. Ian Brossat. J’irai dans le même sens qu’Antoinette Guhl.

Aujourd’hui, une procédure d’expropriation met fin à tous les baux existants sur une parcelle ; autrement dit, les baux s’arrêtent au moment de l’expropriation et les locataires sont protégés et indemnisés.

La nouvelle procédure d’expropriation mise en place par ce projet de loi prévoit un transfert des baux existants au moment de l’expropriation aux nouveaux propriétaires, en général une collectivité territoriale ou un opérateur public.

Très concrètement, cela signifie que, si l’immeuble exproprié comprend un commerce en rez-de-chaussée, le bail commercial sera maintenu. Par exemple, si le bail court encore pour une durée de neuf ans, le commerce pourrait se maintenir neuf ans.

Comme l’a très justement souligné ma collègue, les acteurs de la lutte contre l’habitat indigne nous indiquent qu’un tel dispositif pourrait allonger considérablement les délais des opérations de requalification du bâti dégradé et mettre en péril leur équilibre.

Aussi proposons-nous de maintenir, dans la nouvelle procédure d’expropriation, le dispositif de droit commun qui met fin aux baux et qui protège les locataires.

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour présenter l’amendement n° 97.

Mme Viviane Artigalas. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Ces amendements visent à supprimer la subrogation de l’expropriant dans les droits du propriétaire, sur le modèle de ce qui existe actuellement dans le cadre de la procédure dite Vivien instituée par la loi tendant à faciliter la suppression de l’habitat insalubre.

Voilà qui serait évidemment plus simple à gérer pour la collectivité ou pour l’opérateur expropriant, mais moins protecteur pour les occupants.

La nouvelle procédure d’expropriation a justement été conçue pour permettre autant que possible aux occupants de rester dans leur logement, ce qui n’empêchera pas leur éviction temporaire, si nécessaire, le temps des travaux.

La commission a donc émis un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21, 77 et 97.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 127, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 25 et 29

Supprimer ces alinéas.

II. – Compléter cet article par neuf alinéas ainsi rédigés :

4° À l’article L. 311-8, après les mots : « des articles L. 242-1 à L. 242-7, » est insérée la référence : « L. 311-8-1, » ;

5° Après l’article L. 311-8, il est inséré un article L. 311-8-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 311-8-1. – L’occupant qui a payé à l’exproprié des sommes en contrepartie de l’occupation d’un logement frappé par un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité, en violation des dispositions de l’article L. 521-2 du code de la construction et de l’habitation, peut en demander la restitution devant le juge de l’expropriation dans le cadre de l’instance en fixation de l’indemnité d’expropriation.

« S’il fait droit à cette demande, le juge fixe le montant de la somme due à l’occupant, ordonne sa déduction de l’indemnité d’expropriation fixée au profit de l’exproprié et son versement à l’occupant, par l’expropriant, dans la limite du montant de l’indemnité d’expropriation.

« Le dispositif du jugement mentionne la créance de l’occupant, le montant de l’indemnité d’expropriation et, selon le cas, la somme restant due à l’exproprié après déduction du montant de la créance de l’occupant ou la somme restant due à l’occupant par l’exproprié après cette déduction.

« Cette condamnation vaut restitution au sens du même article L. 521-2. » ;

6° À l’article L. 311-9, après les mots : « L. 311-8 » sont insérés les mots : « L. 311-8-1 » ;

7° Après l’article L. 323-4, il est inséré un article L. 323-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 323-5.– Afin de permettre la saisie des fonds dont la confiscation est prévue par l’article 131-21 du code pénal, l’expropriant débiteur des indemnités fixées en application du présent titre envers une personne mise en cause pour l’une des infractions prévues aux articles 225-14 du code pénal, L. 511-22 et L. 521-4 du code de la construction et de l’habitation informe le procureur de la République du lieu de situation de l’immeuble de la date à laquelle il procédera à leur paiement ou à leur consignation. »

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Nous proposons, par cet amendement, deux mesures particulièrement nécessaires à la lutte effective contre les marchands de sommeil.

Une première mesure, inspirée des travaux de l’Assemblée nationale, permet de déduire du montant de l’indemnité d’expropriation les sommes correspondant au loyer que le locataire a continué de verser alors même que le logement faisait l’objet d’arrêtés de police de l’habitat.

Cet amendement tend ainsi à améliorer la rédaction actuelle du dispositif, en sorte que les fonds reviennent bien à l’intéressé.

La seconde mesure garantit une bonne articulation entre les procédures civiles et pénales, afin que les sommes débloquées par l’expropriant puissent être immédiatement saisies.

Il est en conséquence prévu de supprimer la mesure de séquestre pour la remplacer par une information systématique du procureur de la République par l’expropriant qui s’apprête à verser des indemnités à une personne mise en cause pour des faits d’habitat indigne. Cette disposition permettra au procureur de la République de procéder à la saisie immédiate de ces sommes dans le cadre de la procédure pénale.

Ces deux mesures sécurisent et renforcent le dispositif de l’article 3.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Il s’agit en effet de deux mesures de sécurisation juridique : avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 127.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement
Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 45 rectifié

Après l’article 3

M. le président. L’amendement n° 44 rectifié, présenté par M. Rochette, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article L. 511-17 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Si le propriétaire ou toute personne mentionnée à l’article L. 511-10 ne s’est pas, au moins en partie, acquitté de sa créance envers l’autorité compétente à l’expiration d’un délai de deux ans après la date de publication de l’arrêté de mise en sécurité, l’immeuble ou le logement concerné est automatiquement cédé à titre gracieux à cette même autorité. »

La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. Le présent amendement vise à apporter un soutien aux petites communes rurales, qui engagent des frais dans les procédures d’arrêté de péril.

Je propose que, s’ils n’ont pu être recouvrés, les frais engagés par les communes pour régler une situation dans laquelle un arrêté de péril a dû être pris donnent lieu à contrepartie : le cas échéant, et dans un délai de deux ans, la commune obtiendrait automatiquement la propriété du bien concerné. Dans ce genre d’affaires, les collectivités sont souvent confrontées à des propriétaires que je qualifierai, en restant courtois, d’inactifs…

Cet amendement tend tout simplement à prévoir la restitution du bien à la commune à l’échéance d’un délai de deux ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Il est vrai que les collectivités hésitent parfois à faire exécuter les travaux d’office sur un bâtiment frappé d’un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité, par crainte de ne pouvoir récupérer les fonds avancés.

Cela dit, il est déjà prévu que les frais avancés par la collectivité pour effectuer ces travaux d’office soient récupérés. En effet, le comptable public assure le recouvrement des créances émises, et il lui appartient de poursuivre ce recouvrement par tous moyens à sa disposition, selon les règles applicables du livre des procédures fiscales, y compris la saisie administrative sur les comptes bancaires du propriétaire débiteur ou sur les revenus ou créances de ce dernier sur des tiers.

Ces modalités de recouvrement ne sont peut-être pas parfaites, mais prévoir une cession gracieuse automatique de l’ensemble du bien, dont le montant excède parfois largement celui des travaux d’office réalisés, est sans doute disproportionné et exagérément attentatoire au droit de propriété.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous proposez que, dans l’hypothèse où une commune a pris en charge les frais de réparation et où le propriétaire ne s’est pas, au moins en partie, acquitté de sa créance envers elle dans un délai de deux ans, le logement concerné soit automatiquement cédé, à titre gracieux, à ladite commune.

C’est un peu radical… (Sourires.)

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Oui, un peu !

MM. Pierre Jean Rochette et Jean-Luc Brault. Non !

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Il se pourrait qu’un tel dispositif emporte un risque d’inconstitutionnalité.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Quant à moi, je voterai cet amendement.

Un délai de deux ans n’est certes peut-être pas suffisant, mais il nous faut agir pour que les choses avancent beaucoup plus rapidement.

La commune dont j’étais maire a pris plusieurs arrêtés de péril, retrouvé les propriétaires concernés et réalisé les aménagements nécessaires pour que les logements voisins ne soient pas dégradés. Or, après plusieurs années, aucune créance n’a encore été acquittée !

La commune doit pouvoir se rendre maîtresse des logements dont la dégradation altère les habitations qui leur sont contiguës.

M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour explication de vote.

M. Pierre Jean Rochette. Je vous remercie pour vos argumentaires, madame la rapporteure, monsieur le ministre ; je me dois néanmoins de faire observer que la disposition que je propose ne diffère pas, en pratique, de la façon dont s’applique actuellement le droit de la propriété : l’opération de recouvrement implique certes l’intervention du trésorier général, mais, en définitive, quand le titre est émis, le bien visé revient déjà à la commune. J’ai moi-même pratiqué cette procédure maintes fois dans ma commune.

Par ailleurs, je suis issu d’un territoire où le prix de l’immobilier est faible. Les travaux que nous réalisons pour le compte de nos communes rurales y sont d’un montant plus élevé que la valeur des biens.

Je le redis, le dispositif que je propose laisserait inchangé le droit de la propriété, puisque la procédure actuellement en vigueur aboutit au même résultat. (M. le ministre délégué se montre dubitatif.) Oui, le résultat est le même ! La seule différence, c’est qu’à l’heure actuelle le trésorier doit émettre un titre avant que le bien ne soit, pour finir, rendu à la commune. Je ne propose donc qu’une simple mesure de simplification, d’efficacité et d’accélération des démarches.

Or la simplification, l’efficacité et l’accélération sont précisément ce dont ont besoin, entre autres, les maires ruraux – tels sont les messages très clairs qui nous remontent du terrain.

M. Daniel Chasseing. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.

Mme Nadia Sollogoub. À titre personnel, je suis très sensible aux situations que vous décrivez, mon cher collègue : nous connaissons tous, dans nos communes rurales respectives, de tels cas inextricables.

En revanche, attention, la mesure que vous nous soumettez risque d’être un cadeau empoisonné ! Les bâtiments sont parfois dans un tel état que ce n’est vraiment pas un cadeau à faire aux communes, en particulier celles qui ont de petits budgets, que de vouloir les leur céder : ce serait même plutôt les grever d’une charge supplémentaire.

Je crains qu’un tel dispositif ne soit en réalité à double tranchant ; bien qu’étant très sensible à votre proposition, je ne voterai donc pas cet amendement.