Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 rectifié bis et 14 rectifié octies.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4 A, modifié.
(L’article 4 A est adopté.)
Article 4
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 23, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article 223-1-1 du code pénal, il est inséré un article 223-1-2 ainsi rédigé :
« Art. 223-1-2. – Est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende la provocation de toute personne atteinte d’une pathologie à abandonner ou à s’abstenir de suivre un traitement thérapeutique ou prophylactique, lorsque cet abandon ou cette abstention est présenté comme bénéfique pour sa santé alors qu’il est, en l’état des connaissances médicales, manifestement susceptible d’entraîner pour elle des conséquences graves pour sa santé physique ou psychique.
« Est punie des mêmes peines la provocation à adopter des pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique alors qu’il est manifeste, en l’état des connaissances médicales, que ces pratiques exposent à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente.
« Lorsque la provocation prévue aux deux premiers alinéas a été suivie d’effets, les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
« Les délits définis au présent article ne sont pas constitués lorsque la provocation s’accompagne d’une information claire et complète permettant de garantir la volonté libre et éclairée de la personne quant aux conséquences pour sa santé, susceptibles de survenir lorsqu’une telle provocation a été suivie d’effet.
« Lorsque ces délits sont commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. »
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Dans une logique de santé publique, il est essentiel de renforcer la répression de comportements pouvant porter gravement atteinte aux personnes.
Le présent amendement a donc pour objet de réintroduire l’article 4 du projet de loi. Face aux discours particulièrement préoccupants qui prospèrent, notamment sur les réseaux sociaux, il est nécessaire d’affermir notre arsenal pénal pour poursuivre les individus les plus dangereux.
En effet, le délit d’exercice illégal de la médecine ne concerne que les cas de colloque singulier. La jurisprudence l’a qualifié de délit d’habitude ; il faut donc une réitération des faits pour qu’il soit caractérisé. Ainsi, les discours tenus dans le cadre d’un collectif ou en ligne se trouvent le plus souvent en dehors du champ de cette incrimination. De plus, certains médecins déviants échappent eux aussi à cette qualification en raison de leur situation régulière d’exercice.
Par ailleurs, la présente rédaction introduit quatre critères cumulatifs nécessaires à la caractérisation de l’incrimination mentionnée au premier alinéa. Nous veillons ainsi à ne pas porter atteinte à la liberté d’expression de façon disproportionnée : premièrement, les personnes visées doivent être atteintes d’une pathologie ; deuxièmement, l’abandon du traitement doit être présenté comme bénéfique pour la santé ; troisièmement, les conséquences pour la santé doivent être graves ; quatrièmement, le risque pour la santé doit être avéré au regard des connaissances médicales.
La portée de cette incrimination nouvelle est circonscrite aux discours présentant un danger concret. Dès lors, celle-ci ne saurait être considérée comme une interdiction dans l’absolu de toute critique envers des traitements recommandés ou comme un obstacle à la controverse scientifique.
Il ressort de ce qui précède qu’il est nécessaire de se doter d’une nouvelle incrimination pour condamner des discours d’un genre nouveau, présentant un danger concret. La rédaction proposée ne porte pas atteinte aux droits et aux libertés fondamentales de façon disproportionnée au regard de l’objectif de santé publique recherché.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 1 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Cabanel, Daubet, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Masset et Roux et Mme Pantel.
L’amendement n° 29 est présenté par MM. Bitz et Mohamed Soilihi, Mme Schillinger, MM. Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Rohfritsch, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article 223-1-1 du code pénal, il est inséré un article 223-1-2 ainsi rédigé :
« Art. 223-1-2. – Est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende la provocation, résultant d’une recommandation, consultation ou injonction individuellement adressée, à abandonner ou à s’abstenir de suivre un traitement médical thérapeutique ou prophylactique, lorsque cet abandon ou cette abstention est présenté comme bénéfique pour la santé des personnes visées alors qu’il est, en l’état des connaissances médicales, manifestement susceptible d’entraîner pour elles, compte tenu de la pathologie dont elles sont atteintes, des conséquences graves pour leur santé physique ou psychique.
« Est punie des mêmes peines la provocation, résultant d’une recommandation, consultation ou injonction individuellement adressée, à adopter des pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique pour les personnes visées alors qu’il est, en l’état des connaissances médicales, manifeste que ces pratiques les exposent à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente.
« Lorsque la provocation prévue aux deux premiers alinéas a été suivie d’effets, les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
« Lorsque ces délits sont commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. »
La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié.
Mme Nathalie Delattre. Comme je l’indiquais lors de la discussion générale, cet amendement a pour objet de rétablir l’article 4 du projet de loi.
La suppression de cet article a été décidée en tenant notamment compte des remarques du Conseil d’État sur les risques d’atteinte excessive aux libertés et aux droits constitutionnels. Celui-ci avait également souligné que « la légitimité de l’objectif poursuivi par le projet de loi est incontestable ». Aussi, même si je comprends les contraintes de temps, je regrette le choix d’une simple suppression en lieu et place d’une réécriture de l’article.
Ce dispositif répond aux transformations qu’ont connues les mouvements sectaires ces dernières années au travers du numérique, notamment à la suite de la crise sanitaire. Chacun a observé la multiplication de petites structures et l’émergence de gourous dans le domaine de la santé et du bien-être, dont l’influence se propage via les réseaux sociaux sur lesquels ils recommandent des pratiques ou des comportements souvent gravement dommageables.
Il faut impérativement lutter contre ces nouvelles dérives. Dès l’examen en commission, nous avions déposé un amendement visant à aménager le dispositif de l’article 4 et à en limiter l’étendue. Il s’agissait ainsi de donner suite aux remarques du Conseil d’État.
De même, cet amendement vise à réintroduire l’article 4 dans une rédaction remaniée. Il ne serait tenu compte que des seuls cas où la provocation résulterait « d’une recommandation, consultation ou injonction individuellement adressée » et non d’un discours général. Cette formulation répondrait aux demandes des homéopathes et d’autres praticiens, qui nous ont largement interpellés ces dernières semaines.
Pour conclure, je rappelle que le Conseil national de l’ordre des médecins a exprimé un avis positif sur l’article 4.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Bitz, pour présenter l’amendement n° 29.
M. Olivier Bitz. Une fois de plus, je fais cause commune avec Mme Delattre. Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain !
Il convenait peut-être d’apporter des améliorations à la rédaction de cet article, supprimé en commission. Toutefois, il me semble totalement inopportun de ne pas doter notre arsenal législatif d’un nouvel outil afin de s’attaquer à des situations qui ne constituaient pas, sinon à la marge, un sujet au moment de l’adoption de la loi du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales.
Ces phénomènes représentent désormais 25 % des saisines de la Miviludes en matière de santé et de pratique de soins non conventionnels.
Cet article a obtenu les faveurs non seulement – Mme Delattre l’a rappelé – des médecins, mais aussi des acteurs du mouvement associatif qui agissent tous les jours dans ce domaine ainsi que des policiers spécialisés. Je regrette que notre assemblée soit complètement en retrait d’évolutions de notre société dans le champ des mouvements sectaires. Pourtant, ces derniers frappent chaque année des dizaines de milliers de nos concitoyens.
À un moment donné, même si la rédaction de l’article peut être imparfaite, il faut avoir le courage de se saisir de la question. Avec l’état d’esprit qui préside aux débats sur ce texte, j’ai l’impression que la loi About-Picard elle-même n’aurait pas été adoptée…
Nous rencontrons actuellement de grandes difficultés, dans notre assemblée comme dans la société, à rendre des arbitrages. Une partie des responsables publics semblent éprouver de la peur. Il est pourtant essentiel de doter la justice des outils indispensables pour se saisir de ces nouveaux comportements.
Nous proposons une rédaction améliorée de l’article 4, qui tient compte des observations du Conseil d’État.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Lauriane Josende, rapporteure. Le courage, c’est aussi de ne pas légiférer pour légiférer.
M. Olivier Bitz. Il y a un sujet !
Mme Lauriane Josende, rapporteure. Il faut être responsable et respecter l’État de droit.
M. Thomas Dossus. Vous entendre dire ça ce soir…
Mme Lauriane Josende, rapporteure. Ces trois amendements visent à rétablir dans son économie générale l’article 4 du projet de loi. Nous ne pouvons que saluer la recherche par le Gouvernement, comme par les groupes RDPI et RDSE, de solutions pour améliorer le dispositif.
Toutefois, je suis au regret de dire que les rédactions retenues ne sauraient en l’état nous satisfaire.
Nous ne contestons pas la bonne volonté dont le Gouvernement fait preuve en proposant un nouvel alinéa. Celui-ci vise à restreindre le champ de l’incrimination, qui ne trouvait pas à s’appliquer « lorsque la provocation s’accompagne d’une information claire et complète permettant de garantir la volonté libre et éclairée de la personne quant aux conséquences pour sa santé ».
Pourtant, cette nouvelle rédaction présente des écueils majeurs en ce qu’elle aboutit à un dispositif à la fois trop large et inefficace.
D’une part, elle ne règle pas l’atteinte à la liberté d’expression que cet article crée, s’agissant de discours généraux comme de discours tenus dans un cadre privé, voire familial. Il faut reconnaître cette lacune, sauf à rendre le remède pire que le mal.
D’autre part, la rédaction réduit très largement la portée de cette nouvelle incrimination. Elle permet paradoxalement aux gourous de se couvrir en manipulant l’information ainsi communiquée pour obtenir le libre consentement des personnes. Dès lors, il est évident que de simples précautions de formulation prémuniront de l’infraction les promoteurs de dérives sectaires, en général bien informés de l’état du droit et recevant de bons conseils. À l’inverse, une provocation dans un cadre privé ou familial, et ce indépendamment du niveau de connaissance médicale de l’auteur du propos, pourrait être sanctionnée, qu’elle soit suivie d’effets ou non.
Comme nous l’ont indiqué systématiquement les enquêteurs, les différents services du parquet et les magistrats du siège, il paraît particulièrement difficile – nous devons l’entendre – de réunir des preuves permettant de caractériser et d’établir une provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins, selon les conditions définies par cet article. De même, il semble compliqué de caractériser « l’information claire et complète » accompagnant la provocation à l’arrêt de soins.
Cette rédaction pose donc davantage de questions qu’elle n’apporte de réponses. Une réécriture à la hâte ne saurait être satisfaisante. Même si nous comprenons vos objectifs et soutenons le souhait d’améliorer l’article, l’adoption de cet amendement ne permettrait pas de répondre aux conditions de constitutionnalité.
De fait, la rédaction n’atteint manifestement pas un équilibre satisfaisant entre, d’une part, l’exercice de la liberté d’expression comme de la liberté de choisir et de refuser des soins, et, d’autre part, la protection de la santé publique. Il en va ainsi, a fortiori, lorsque d’autres incriminations moins attentatoires aux droits et aux libertés constitutionnellement garantis sont suffisantes pour atteindre ce dernier objectif.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. André Reichardt. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 1 rectifié et 29 ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Nous partageons bien évidemment la volonté de rétablir l’article 4, véritable pilier du projet de loi permettant d’appréhender directement le phénomène des dérives sectaires dans le champ de la santé. Il s’agit non pas de légiférer pour légiférer, mais de tenir compte du fait que 25 % des dérives sectaires touchent à ce domaine.
Quitte à citer les propos des magistrats et des différents services de la justice, citez aussi ceux des ordres des professions de santé ! D’après eux, cet article leur permettrait de résoudre une partie des problématiques auxquelles leurs membres sont confrontés.
La rédaction proposée dans ces deux amendements identiques restreint le champ du texte, précisant que la provocation doit résulter « d’une recommandation, consultation ou injonction individuellement adressée ». Je salue le souci de précision, notamment par un meilleur ciblage, mais cette restriction aurait pour effet de faire tomber l’infraction dans le champ de l’exercice illégal de la médecine. Or ce délit se limite aux cas de colloque singulier, c’est-à-dire de relation individualisée et répétée. L’amendement que je vous ai présenté va bien au-delà.
Je demande le retrait de ces amendements identiques au profit de celui que le Gouvernement a déposé ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. La comparaison avec le Mediator – je le répète – n’est pas recevable.
Dans cette affaire, un médecin avait constaté que le médicament en question non seulement n’avait pas l’effet thérapeutique escompté, mais causait la mort des patients ! Malgré vos critiques, le présent article n’a rien à voir : il concerne les personnes qui dissuaderaient les malades de poursuivre des traitements dont le résultat thérapeutique est avéré au profit d’autres, dont tout le monde sait qu’ils ne fonctionnent pas. Cette dissuasion relève plutôt – je suis désolé d’être cynique – du suicide assisté et donc du texte sur la fin de vie…
J’ai lu ces nouveaux amendements. Je comprends leur objet, mais le paragraphe ajouté neutralise le dispositif. En effet, vous considérez qu’apporter une information claire au patient suffirait pour éviter l’infraction.
En revanche, il serait intéressant de poursuivre la piste d’une réécriture de l’article L. 4161-1 du code de la santé publique, relatif à l’exercice illégal de la médecine. Ce dernier – vous l’avez dit très justement – ne concerne que le colloque singulier. Pourquoi ne pas élargir la définition ?
J’ajoute que cet article vient d’un texte de 2017. Or les réseaux sociaux n’avaient pas alors atteint le niveau de développement que nous connaissons aujourd’hui.
Mieux vaut modifier le code de la santé publique que le code pénal : ce serait de meilleure politique.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. À mon sens, la commission a fait preuve de sagesse en supprimant l’article 4.
Les dispositions dont il s’agit ont été vivement critiquées par le Conseil d’État : selon lui, la nouvelle incrimination prévue n’était ni nécessaire ni proportionnée. Cet article est même liberticide.
Pierre Ouzoulias a cité une lanceuse d’alerte, pour un médicament dont je tairai le nom. Il estime, à tort selon moi, que son cas ne serait pas recevable.
Cette lanceuse d’alerte a mené un combat contre l’inertie des autorités sanitaires ; l’antidiabétique dont il s’agit, et dont le principe actif s’appelait le benfluorex, était alors utilisé comme coupe-faim. Nombre de médecins l’ont prescrit pour cet usage. Pour ce qui concerne le laboratoire en question, le jugement du tribunal sera rendu demain matin, mercredi.
À mon sens, cette lanceuse d’alerte a joué un rôle très important. Or, si un tel texte avait existé à l’époque, on l’aurait accusée de dissuader les médecins de prescrire ce médicament, qui a pourtant fait des milliers de victimes, dont des centaines de morts.
Mes chers collègues, nous délibérons sous le regard de Portalis, qui disait : « Si vous voulez faire du bien au monde, votez de bonnes lois. » La science évolue ; la science est vivante ; la science n’est jamais figée et la vérité d’aujourd’hui n’est pas celle de demain.
M. Pierre Ouzoulias. Le charlatanisme n’est pas la science !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour explication de vote.
Mme Laurence Muller-Bronn. Bien sûr, nous sommes pour ce projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires. Bien sûr, il faut contenir certains excès, qui peuvent entraîner des souffrances. Toutefois, en adoptant l’article 4, nous ferions véritablement preuve d’ingérence dans le domaine de la santé.
De telles dispositions ne peuvent que nous interpeller. Les mêmes termes, « augmentation », « essor » ou « explosion », reviennent depuis près de vingt ans à propos des pratiques de soins non conventionnelles. On refuse volontairement de distinguer les dérives en santé, que nous devons combattre, et les dérives liées à des pratiques de soins non conventionnelles permettant une appréciation longitudinale fiable des évolutions dans le temps.
Ces constats ont conduit le collège universitaire des médecines intégratives et complémentaires à se tourner vers Mme Firmin Le Bodo, qui pilote, en sa qualité de ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, le comité d’appui technique à l’encadrement des pratiques de soins non conventionnelles.
Mme Laurence Muller-Bronn. Il lui a demandé qu’une expertise scientifique indépendante des données collectées et analysées par la Miviludes soit réalisée. On pourra ainsi garantir une information transparente et lisible, que ce soit par le public, les professionnels ou les politiques.
Devant une commission d’enquête sénatoriale dont le rapport a été publié en avril 2013 sous le titre Dérives thérapeutiques et dérives sectaires : la santé en danger, Mme Marie-Suzanne Le Quéau, alors directrice des affaires criminelles et des grâces, a confirmé la difficulté de disposer de statistiques fiables quant au risque de dérives sectaires en santé.
En effet, les termes « secte » et « dérives sectaires » ne figurent pas dans le code pénal. Mme Le Quéau suggérait avec force qu’un réel travail universitaire soit mené à ce titre afin que nous disposions d’une évaluation digne de ce nom.
Telles sont les difficultés auxquelles nous nous heurtons aujourd’hui…
Mme la présidente. Merci, chère collègue.
Mme Laurence Muller-Bronn. L’« explosion » dont on nous parle n’est pas confirmée ; voilà pourquoi nous attendons des chiffres fiables.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Mes chers collègues, il se trouve que j’étais vice-présidente de la commission d’enquête que la Haute Assemblée a consacrée au Mediator, sous la présidence de François Autain. Nous avons abouti à une conclusion sans appel : ce médicament a fait l’objet d’un mésusage.
Madame la ministre, nos débats de ce soir nous prouvent à quel point ce sujet est important et combien il est dommage que ce texte soit frappé de la procédure accélérée.
Une véritable navette parlementaire, en nous épargnant de tels bricolages,…
M. Pierre Ouzoulias. Exactement !
Mme Nathalie Goulet. … nous permettrait d’aboutir à un texte construit. Pareil sujet l’exige : je demande au Gouvernement de revenir à la procédure normale.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Pour ce qui concerne les dérives sectaires en santé, l’étude d’impact est très claire : au total, 214 signalements ont été adressés à la Miviludes en 2015, contre 892 en 2021. On ne peut prétendre que l’augmentation n’est pas établie ni mesurée.
En outre, je tiens à formuler une mise au point. Certains influenceurs déconseillent telle ou telle prescription ; en parallèle, des professionnels de santé, ou non, d’ailleurs, demandent à des patients de ne pas prendre leur traitement. Ces incriminations ne sont pas sur le même plan ni de même gravité.
M. Pierre Ouzoulias. Tout à fait !
Mme la présidente. Monsieur Bitz, l’amendement n° 29 est-il maintenu ?
M. Olivier Bitz. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 29 est retiré.
Madame Delattre, l’amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nathalie Delattre. L’amendement du Gouvernement a été déposé tardivement et, pour ma part, je n’ai pas vraiment eu le temps de l’étudier. Aussi, je maintiens mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 4 demeure supprimé.
Article 5
Après l’article 11-2 du code de procédure pénale, il est inséré un article 11-3 ainsi rédigé :
« Art. 11-3. – Par dérogation au dernier alinéa du I de l’article 11-2, le ministère public informe sans délai par écrit les ordres professionnels nationaux mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique d’une condamnation, même non définitive, pour une ou plusieurs des infractions mentionnées à l’article 2-17 du présent code, prononcée à l’encontre d’une personne relevant de ces ordres, hors les cas où cette information est susceptible de porter atteinte au bon déroulement de la procédure judiciaire. Les II à V de l’article 11-2 sont alors applicables.
« Il informe également par écrit les ordres professionnels susmentionnés lorsqu’une personne est placée sous contrôle judiciaire pour une de ces infractions et qu’elle est soumise à une des obligations prévues aux 12° et 12° bis de l’article 138, hors les cas où cette information est susceptible de porter atteinte au bon déroulement de la procédure judiciaire. Les II à V de l’article 11-2 sont alors applicables. »
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Houpert, sur l’article.
M. Alain Houpert. Mes chers collègues, j’ai proposé en commission la suppression de cet article, mais mon amendement a été rejeté. Je me contenterai donc d’expliquer pourquoi je voterai contre l’article 5.
Le procureur a normalement le choix en opportunité de prévenir les administrations des poursuites qu’il engage. Il apprécie le bien-fondé de cette information. Or, en l’occurrence, la dénonciation est imposée sans que l’on mette en balance les intérêts de la personne poursuivie, à savoir le médecin, et la nécessité d’informer l’ordre.
Ces dénonciations pures et simples – c’est bien de cela qu’il s’agit – rappellent les tristes heures de la Terreur.
En sa qualité d’historien, Pierre Ouzoulias le confirmera : votée le 12 août 1793 sur l’initiative de Robespierre, la loi des suspects permettait l’arrestation immédiate, sans motif et sans preuve, de tous ceux qui n’avaient pas « constamment manifesté leur attachement à la Révolution » ou de ceux qui, « n’ayant rien fait contre la Liberté, n’[avaient] rien fait pour elle ».
La loi des suspects est un référentiel historique. Quant à ce projet de loi, qui – je le déplore à la suite de Nathalie Goulet – est soumis à la procédure accélérée, c’est un pur bricolage.
Cet article ne sert à rien : le procureur informera les ordres s’il le juge nécessaire. Nous n’avons pas besoin de le lui imposer.
Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Cabanel, Daubet, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Masset et Roux et Mme Pantel, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La promotion et la vente de biens et de services liés à des pratiques thérapeutiques non conventionnelles doivent faire l’objet d’un renvoi explicite vers une notice informative sur ces pratiques, élaborée par la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.
II. – La violation des dispositions prévues au I du présent article est punie d’un an d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende.
III. – Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État.
La parole est à Mme Nathalie Delattre.