M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à Mme Anne Souyris, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
Mme Anne Souyris. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi fera certainement œuvre utile, mais sans apporter de véritable réponse aux difficultés d’accès aux soins.
Mme la rapporteure l’avait souligné lors de la première lecture : depuis 2019, le Gouvernement préfère prendre des mesures éparses, plutôt que de déposer un projet de loi, pourtant nécessaire. Alors que la stratégie nationale de santé 2023-2033 est soumise à la consultation publique, je regrette qu’un projet de loi ne l’ait pas accompagnée, car cela aurait été l’occasion d’un débat de fond sur la politique de santé de notre pays.
Je me tourne désormais vers le texte qui nous réunit.
Tout d’abord, je regrette que les termes « démocratie sanitaire » disparaissent du code de la santé publique : les mots sont importants, et parfois même performatifs !
Pour le reste, les réformes prévues à l’article 1er vont dans le bon sens. Nous avions appelé à corriger la composition des conseils territoriaux de santé. S’il y a eu une opposition à inscrire cette composition dans la loi, j’invite le Gouvernement à prendre en compte nos remarques dans l’application de ce texte.
En ce qui concerne la régulation des installations de professionnels de santé, il y a quelques avancées, telle l’obligation d’informer les ARS d’une cessation d’activité sur un territoire. Mais, pour garantir l’accès aux soins, nous ne pourrons faire l’économie d’une véritable régulation, ni d’un effort massif vers les métiers du soin.
Il y a cette année près de 197 000 médecins actifs en France. Selon le Conseil national de l’ordre, ils seront moins de 188 000 dès l’année prochaine, et cette tendance perdurerait jusque 2031. Au contraire, les besoins de santé de la population française, vieillissante, augmentent. Nous manquons de professionnels de santé.
Si la suppression du numerus clausus permettra d’inverser partiellement la tendance, nous n’en verrons le résultat qu’à partir de 2030. De plus, cette réforme ne suffira pas à former le nombre de soignantes et de soignants dont nous avons besoin. Nos jeunes souhaitent s’orienter vers les métiers du soin, sans y parvenir, bloqués par Parcoursup et un système inadéquat.
Nous avions proposé de définir les capacités de formation en nous fondant sur les besoins de santé des territoires et de créer des écoles normales des métiers de la santé. Le Gouvernement et la commission s’y sont opposés.
Nous examinions la semaine dernière une proposition, malheureusement rejetée, visant à créer une allocation d’autonomie d’études. J’invite le Gouvernement à se saisir de ce sujet et à lancer, au moins, une mission sur une extension aux métiers du soin du dispositif dont bénéficient les écoles normales supérieures et l’École polytechnique. C’est une urgence.
Ensuite, l’organisation des soins doit être réformée, afin de mieux partager les activités et les compétences.
Au niveau des établissements, la création du GHT est un bon signe, tout comme celle du statut d’infirmier référent au niveau des professionnels. Je regrette cependant que notre proposition d’aligner les conditions de cumul d’activités des professionnels de santé territoriaux sur celles des hospitaliers n’ait pas été prise en compte ; les collectivités territoriales le demandaient.
Sur la permanence des soins, ce texte avance à tout petits pas, en donnant davantage de responsabilités aux ARS en dernier recours, mais sans proposer de véritable réforme.
Pour les débats importants que nous avons eus, je tiens à remercier l’auteur de la proposition de loi, notre collègue député M. Frédéric Valletoux, la rapporteure de la commission Mme Corinne Imbert et le Gouvernement. Il est dommage que cette montagne ait accouché d’une souris !
Pour conclure, nous ne pouvons nous contenter de rafistolages, quelle que soit leur utilité, car ils sont très insuffisants pour notre système de santé, dont les fragilités se multiplient chaque année.
C’est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, sans s’opposer aux mesures que comporte ce texte, s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Mme Céline Brulin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un compromis sur la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels a été trouvé.
Malheureusement, il n’y avait pas grand-chose dans ce texte fourre-tout au début de son examen et, malgré un accroissement important du nombre de ses articles, il n’y a toujours pas grand-chose pour améliorer l’accès aux soins !
Le titre de cette proposition de loi laisse à penser que c’est l’engagement territorial des professionnels de santé qui ferait défaut pour que chacun ait accès aux soins.
Or le premier problème est qu’ils ne sont pas suffisamment nombreux dans nos territoires. Cela demande une véritable politique de santé publique assortie de moyens humains et financiers, faute de quoi nous sommes condamnés à appliquer des rustines. Et les Français, dont les principales préoccupations sont actuellement leur pouvoir d’achat et leur accès à la santé, ne s’en satisferont pas.
Le texte n’esquisse même pas l’ombre d’un début de régulation de l’installation des praticiens pour lutter contre la désertification médicale. Nous sommes pourtant de plus en plus nombreux à le proposer, pour répondre aux besoins de nos concitoyens sans médecins généralistes ou confrontés à des délais de rendez-vous indécents.
De même, sur la question des dépassements d’honoraires, majorité sénatoriale et camp présidentiel sont main dans la main : nous avons proposé d’encadrer ces dépassements, vous l’avez refusé.
L’étude publiée il y a quelques jours par l’UFC-Que Choisir montre pourtant les effets délétères de leur développement incontrôlé : en 2021, plus de 70 % des gynécologues, 66 % des ophtalmologues et 48 % des pédiatres pratiquaient des dépassements. Ces proportions ont augmenté d’une dizaine de points en cinq ans.
Sur la permanence des soins, on nous annonçait des progrès. Mais, là encore, quelle déception ! Les hôpitaux publics continueront d’assumer seuls les gardes de nuit et le week-end, les cliniques privées étant sollicitées seulement après le constat d’une carence et de sa persistance. Ce n’est qu’alors que l’ARS demandera aux établissements privés d’y participer, sans qu’on sache vraiment s’ils y seront contraints.
En pleine renégociation de la convention entre médecins libéraux et sécurité sociale, il eût été judicieux d’imposer, en contrepartie de la revalorisation des tarifs, des conditions de permanence des soins les soirs et les week-ends.
Lorsque l’exercice libéral n’est pas, ou n’est plus, en mesure d’assurer l’accès aux soins de nos concitoyens, la puissance publique doit reprendre la main. Il ne peut y avoir, dans notre République, de citoyens de seconde zone, dont la santé serait moins importante que celle des autres.
Certes, quelques mesures vont dans le bon sens, comme la création d’un indicateur territorial régulièrement actualisé et l’accès au CESP dès la deuxième année.
Le CESP peut être un outil pour démocratiser les études de santé et permettre à des jeunes de familles modestes de s’engager dans des études de médecine, mais il est injuste que seuls ceux-ci aient des contraintes d’installation. D’ailleurs, en deuxième année, ils ne savent pas forcément encore vers quelle spécialité ils voudront ou pourront se diriger.
Nous l’avons dit durant nos débats, il est nécessaire de former dès à présent beaucoup plus de professionnels de santé pour faire face aux besoins de la société. Il faut donner aux universités et aux instituts de formation les moyens d’augmenter le nombre d’étudiants et de tuteurs, de formateurs, de terrains de stage. En attendant que les futurs professionnels de santé soient formés, il faut mettre fin à la démission massive des personnels, en revalorisant les carrières, les rémunérations et surtout les conditions de travail à l’hôpital.
Je pense également aux Padhue, indispensables aujourd’hui dans nos hôpitaux, mais qui ne sont ni rémunérés ni reconnus à la hauteur de leurs compétences.
L’inquiétude est évidemment très forte pour ceux qui risquent de se retrouver sans contrat le 31 décembre prochain, donc sans droits. Alors que 6 millions de concitoyens n’ont pas de médecin généraliste, que les services d’urgences sont débordés, nous ne pouvons pas nous passer de ces professionnels formés. Il faut en tirer toutes les conséquences.
Pour l’ensemble de ces raisons, notre groupe CRCE-K ne soutiendra pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en octobre, nous avions entamé avec scepticisme – c’est peu dire – les débats sur cette proposition de loi.
Sur le fond, nous avions plusieurs motifs d’inquiétude. Le calendrier d’examen était aussi regrettable, juste avant le PLFSS et la reprise des négociations conventionnelles.
Pourtant, la majorité de notre groupe a finalement voté ce texte en première lecture. Les débats ont en effet permis de l’améliorer, en supprimant certains irritants qui risquaient d’aggraver la baisse d’attractivité des métiers du soin, alors que c’est aujourd’hui le nerf de la guerre. Je salue donc le travail de la rapporteure Corinne Imbert, qui a permis d’aboutir à un texte plutôt consensuel.
Parmi les points de consensus figure l’expérimentation encourageant l’orientation de lycéens originaires de zones rurales vers les études de santé. On sait que l’autocensure est l’une des barrières à faire sauter pour diversifier les origines géographiques et sociales des étudiants en santé et favoriser ainsi les implantations en zones sous-dotées. Cette expérimentation est donc bienvenue, et la région Grand Est se déclare partante pour y participer, avec volontarisme, afin d’accélérer le déploiement d’un projet pour lequel j’avais commencé à mobiliser le rectorat et certains ministres.
Au contraire, une autre mesure, qui pourtant a fait consensus entre le Gouvernement et les deux assemblées, et que vous avez évoquée, madame la ministre, comporte des écueils sur lesquels je souhaite attirer votre attention : il s’agit de l’affiliation à l’institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (Ircantec), pour leur activité hospitalière, des praticiens hospitaliers universitaires (PHU). Cette disposition, introduite par amendement au Sénat, n’a pas reçu l’assentiment de tous les représentants des professionnels concernés.
Le rapport récent du professeur Uzan a bien mis en évidence l’injustice avérée du traitement des PHU en la matière, les rémunérations hospitalières étant exclues du calcul de la pension de retraite de l’État.
Pour réparer cette injustice et la désaffection de ces métiers, une réforme était attendue. Mais celle qui est inscrite dans ce texte va entraîner une baisse de rémunération pour les plus jeunes et ne sera pas applicable pour les PHU en poste. Je reconnais qu’elle agira sur la retraite, mais l’attractivité déjà faible de ces métiers, pourtant essentiels à la recherche française et à la qualité de notre médecine, mérite une attention toute particulière.
Madame la ministre, les jeunes PHU sont inquiets et un travail en profondeur avec eux est urgent pour relancer l’attractivité de leur profession, actuellement en berne.
Je me réjouis par ailleurs, pour les professionnels de santé libéraux, que le bon sens ait prévalu sur les CPTS : l’inscription automatique faisait partie des irritants majeurs de ce texte, en plus d’être contre-productive dans la poursuite de leur déploiement.
La participation des établissements privés à la permanence des soins va dans le bon sens. Elle devrait répartir la charge des gardes et astreintes sur un nombre plus important de praticiens. La rédaction finale retenue correspond à ce que notre groupe avait défendu.
J’ai un peu plus de réserves sur l’interdiction de l’intérim en début de carrière et le préavis obligatoire de six mois. Je crois en effet que nous parviendrons mieux à combattre l’intérim en travaillant sur l’attractivité des carrières hospitalières.
Concernant le préavis, dans l’immense majorité des cas, les professionnels se chargent de prévenir leurs patients de leur départ. L’ARS est bien au courant de la démographie médicale et du fait que près de la moitié des médecins ont plus de 55 ans. Je doute que cette mesure ait une quelconque efficacité, l’anticipation devant se faire plus en amont. Pour autant, ce n’est pas pour nous une ligne rouge, même si nous serons attentifs à l’évaluation.
J’en terminerai avec de bonnes mesures, que nous soutenons, comme l’extension à tout le territoire de l’expérimentation sur la réalisation des certificats de décès par les infirmiers, ainsi que la possibilité de désigner un infirmier référent pour les patients de plus de 16 ans en affection de longue durée.
Nous soutenons les mesures en faveur de la montée en compétences des professionnels. Elles devraient conforter le travail indispensable que ceux-ci font déjà sur les territoires et agir en faveur de l’attractivité des métiers. Mais j’insiste sur la nécessité de veiller à maintenir le rôle pivot du médecin généraliste, afin de ne pas déstabiliser le parcours de soins, et ce malgré la raréfaction des médecins sur nos territoires.
Par ailleurs, je salue, pour l’avoir défendue, la possibilité de désigner le médecin coordonnateur comme médecin traitant des résidents des Ehpad. Cette mesure améliorera l’accès aux soins et limitera, dans certains cas les allers-retours à l’hôpital des personnes âgées dépendantes.
De toute évidence, cette loi ne résoudra pas tous les problèmes, mais nous n’en attendions pas plus.
Nous avons largement débattu : des transformations plus structurelles – débat sur la grande sécurité sociale, lutte contre la financiarisation de la santé, accélération du virage de la prévention ou encore décentralisation plus aboutie – sont attendues.
D’ici là, notre groupe votera en faveur de cette version du texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et UC.)
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Martin Lévrier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier les deux rapporteurs de la loi à l’Assemblée nationale et au Sénat, Frédéric Valletoux et Corinne Imbert, ainsi que les différents membres de la commission mixte paritaire. Grâce à leur important travail de négociation, ils sont parvenus à un accord sur un texte qui propose des mesures en faveur de l’accès aux soins. Ce n’était pas gagné d’avance.
Je ne rappellerai pas combien cet accès est difficile. Je tiens, en revanche, à souligner que la majorité présidentielle et le Gouvernement se sont engagés pour son amélioration depuis maintenant six ans.
Nous avons légiféré pour transformer, simplifier et améliorer le modèle de soins, notamment par le développement des exercices coordonnés et des délégations de compétences, ainsi que par l’instauration de la quatrième année d’internat, afin de valider la spécialité de médecine générale. C’est dans la continuité de ces mesures que nous avons tâché, avec les rapporteurs, de proposer de véritables avancées.
Fruit de ce travail de coconstruction, ce texte pragmatique et méthodique changera l’accès aux soins pour nos concitoyens.
En premier lieu, nous souhaitons susciter des vocations chez les jeunes, afin qu’ils s’engagent dans les études de santé. C’est ainsi que nous avons retenu l’expérimentation permettant d’instaurer des options de santé dans les lycées. Cette mise en contact permettra, je n’en doute pas, de faire découvrir ces carrières et leurs réalités dès l’adolescence, et suscitera, souhaitons-le, moult vocations.
En second lieu, nous nous félicitons de la création du statut d’infirmier référent. Cette disposition, maintenue dans le texte issu de la CMP, crée un véritable triptyque autour du patient : aux côtés du médecin traitant et du pharmacien correspondant, l’infirmier référent jouera pleinement son rôle dans la prévention et le suivi du patient.
De plus, nous sommes parvenus à un compromis satisfaisant permettant d’engager la responsabilité collective des établissements de santé en matière de permanence des soins. Les cliniques et les hôpitaux seront mobilisés pour y participer.
Sans instaurer une obligation de garde, ce texte garantit aux directeurs généraux des agences régionales de santé des pouvoirs gradués leur permettant d’intervenir en cas de carence.
Nous nous félicitons également des limites qui sont posées à l’interdiction de l’intérim médical en début de carrière. Certes, le modèle intérimaire, nous l’avons affirmé, n’a pas vocation à supplanter celui d’une offre de soins stable, continue et garantie.
L’intérim permet toutefois aux étudiants de financer une partie de leurs études. Le dispositif proposé permettra de sécuriser les parcours de chacun, sans pour autant remettre en cause le principe que nous avions mis en place.
Le texte adopté en CMP est donc une version de compromis. Il conserve les mesures qui pallient le manque de professionnels en élargissant le partage des tâches, sans aller jusqu’à la coercition ; il responsabilise les professionnels de santé sans les contraindre ; il permet le développement de l’exercice coordonné sans pour autant enfermer les praticiens ; enfin, il concilie le droit à l’accès aux soins des patients et l’aspiration légitime des professionnels de santé à bénéficier de meilleures conditions de travail.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera en faveur de cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cela fait des années que le constat du manque d’accessibilité aux soins a été dressé.
Cela fait des années que nous vous alertons, toutes tendances politiques confondues, sur la désespérance de nos concitoyens face à la difficulté de trouver un médecin, des années que nous demandons une loi ambitieuse de réorganisation complète de notre système de santé pour garantir l’accès aux soins dans notre pays, partout et pour tous.
La situation est telle que, aujourd’hui, en France, 1,6 million de personnes renoncent chaque année à se faire soigner, s’exposant ainsi à une perte de chance aux conséquences parfois dramatiques.
Pourtant, le texte que nous examinons aujourd’hui n’a pas la portée nécessaire pour répondre à cette situation.
Certes, nous avons soutenu un certain nombre de mesures : celles qui visent à limiter le nomadisme médical, la possibilité de signer dès la deuxième année de premier cycle un contrat d’engagement de service public, ainsi que son élargissement aux étudiants en maïeutique et en pharmacie, ou encore la consécration du statut d’infirmer référent pour les patients en affection de longue durée.
Toutefois, ces mesures nous semblent insuffisantes. Certaines questions, pourtant majeures, sont absentes de cette proposition de loi. Ainsi, ni la problématique de l’attractivité de la médecine générale ni la formation des médecins ne sont abordées. Ces leviers sont pourtant fondamentaux pour mettre fin à la situation de pénurie et pour lutter contre la désertification médicale.
La question de l’exercice coordonné de la médecine en équipe de soins pluriprofessionnelle de proximité n’apparaît pas non plus dans le texte, malgré les préconisations de l’ordre des médecins en ce sens.
Une organisation des soins coordonnée et centrée sur la répartition des actes entre le médecin traitant et les autres professionnels de santé au travers d’un protocole dûment établi par l’équipe permettrait pourtant de dégager du temps médical en priorité pour les patients sans médecin traitant ou en affection de longue durée (ALD).
De plus, de nombreuses mesures semblent inefficaces et ne sont pas à la hauteur des enjeux.
Tout d’abord, la création de conseils territoriaux de santé sans aucun pouvoir de décision nous apparaît comme un échelon supplémentaire inutile. Elle n’est pas de nature à favoriser la démocratie sanitaire que nous appelons tous de nos vœux.
De même, l’obligation pour les médecins de déclarer six mois à l’avance leur départ à la retraite n’est assortie d’aucune contrainte et n’a donc pas de portée.
Nous déplorons également l’absence d’obligation de participer à la PDSA pour les médecins libéraux ou à la PDSES pour les établissements privés.
La mise en place du volontariat a entraîné la dégradation de la permanence des soins, qui a pour effet direct l’engorgement des urgences. Il était indispensable de rétablir la PDSA obligatoire et de l’organiser par territoire. Là encore, toutefois, le texte manque cruellement d’ambition.
Le mercenariat que pratiquent aujourd’hui certains médecins à l’hôpital est indécent. Nous partageons donc la nécessité de lutter contre cette dérive. Pour autant, la mesure préconisée ne concernera que les jeunes médecins en fin d’études, d’où une discrimination par l’âge qui n’est pas souhaitable.
Enfin, nous regrettons la disparition, dans ce texte, du nouvel indicateur territorial de l’offre de soins, construit comme un véritable outil dans l’élaboration des politiques de santé.
De toute évidence, ce texte manque cruellement de vision quant au système de santé que nous voulons garantir à la population.
Aussi, le 21 novembre dernier, l’association UFC-Que Choisir a déposé un recours devant le Conseil d’État, pour dénoncer l’inaction du Gouvernement face aux inégalités croissantes d’accès aux soins et pour lui enjoindre d’agir.
« Après des années de négociations auprès des décideurs politiques qui restent sans réponse », explique l’association, l’UFC-Que Choisir saisit aujourd’hui le Conseil d’État « pour faire constater et sanctionner la coupable inaction gouvernementale » et pour « défendre le droit constitutionnel à la santé ».
Il appartient en effet à l’État d’apporter une réponse ambitieuse aux territoires abandonnés par le service public.
Madame la ministre, vous ne pouvez ignorer plus longtemps l’inquiétude de nos concitoyens. Elle suscite un sentiment d’abandon et alimente, malheureusement, l’abstention électorale ou le vote d’extrême droite.
Mme Sophie Primas. Et l’extrême gauche ?
Mme Émilienne Poumirol. Si l’État ne joue pas son rôle dans le domaine de la santé, la dérive de la financiarisation s’accélérera.
Partout en France, des centres de santé de soins primaires à but lucratif ouvrent leurs portes. Ils n’ont pas pour objectif d’assurer le suivi de patients tout au long de leur vie, mais plutôt de faire de la rentabilité financière.
Si nous n’y prenons garde, la santé deviendra un bien de consommation comme les autres, un investissement pour les grands groupes à but lucratif, dont l’unique objectif sera de rapporter des dividendes.
Ce n’est pas le modèle de santé que nous souhaitons. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain défendra toujours un service public de la santé garantissant l’accès aux soins partout et pour tous.
Aussi, malgré ses quelques avancées éparses, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Florence Lassarade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Les Républicains tient à saluer la qualité du travail de notre rapporteure Corinne Imbert, dont la détermination a permis de parvenir à une position commune en commission mixte paritaire.
Nous nous félicitons d’un accord qui reprend les principales orientations du Sénat.
Nous avons soutenu la suppression des mesures du texte initial qui étaient inutilement irritantes à l’endroit des professionnels de santé. Ainsi, nous nous réjouissons en particulier qu’ait été définitivement retirée l’obligation d’adhésion des professionnels de santé aux communautés professionnelles territoriales de santé, dont nous peinons à mesurer l’effet concret. Laissons les professionnels s’organiser dans les territoires !
Il en va de même de l’obligation de participer à la permanence des soins ambulatoires. Des dispositions de même nature ont été adoptées voilà quelques mois, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi de Mme Rist, devenue la loi du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé.
Elles n’ont même pas encore produit tous leurs effets, et il faudrait de nouveau légiférer ? Ce n’est pas très sérieux ! En outre, nous considérons que cette question relève de la négociation entre l’assurance maladie et les représentants des professionnels de santé.
Enfin, la suppression de l’indicateur territorial de l’offre de soins est justifiée : de nombreuses données statistiques permettent déjà de documenter les inégalités d’accès aux soins, et les ARS ont mieux à faire.
En parallèle, d’importantes avancées sont à mettre au crédit du Sénat.
En premier lieu, nous nous félicitons de l’adoption des dispositions permettant d’autoriser les infirmiers à signer les certificats de décès. Des retards préjudiciables et malvenus pour les familles endeuillées pourront ainsi être évités.
Le Sénat est aussi à l’initiative de la création du statut d’infirmier référent pour les patients âgés de 16 ans ou plus souffrant d’une affection de longue durée : ces personnes ont un besoin régulier et durable en soins infirmiers.
Nous sommes aussi favorables à l’expérimentation des antennes d’officine, en vue de maintenir une offre pharmaceutique dans des communes très faiblement peuplées qui en seraient, sinon, dépourvues.
En l’espèce, le texte de la CMP rejoint celui qui a été voté par notre assemblée. L’expérimentation sera certes encadrée – une seule antenne pourra être créée par le pharmacien titulaire d’une officine d’une commune limitrophe ou de l’officine la plus proche –, mais elle sera effective. Pour bon nombre de communes, c’est essentiel !
En matière d’accès aux soins, l’article 1er affiche l’objectif audacieux de consolider la démocratie sanitaire en s’appuyant sur les conseils territoriaux de santé (CTS).
Créés en 2016, les CTS regroupent les partenaires locaux professionnels, institutionnels et associatifs, afin de mieux cerner les besoins des territoires en matière de santé.
L’organisation de l’offre de soins dans les territoires souffre en effet d’une structuration complexe : la diversité des acteurs et la superposition des périmètres d’action suscitent un défaut de lisibilité et un émiettement des responsabilités.
Nous avons donc souhaité renforcer le rôle de ces instances, sans brider les initiatives des acteurs de l’offre de soins.
Ainsi, le texte du Sénat maintient la composition actuelle des conseils territoriaux de santé, centrée sur les acteurs du soin, en y ajoutant la participation des conseils des ordres professionnels.
La rédaction de compromis à laquelle nous sommes parvenus permet de renforcer les missions des CTS, en les associant à l’élaboration des projets territoriaux de santé.
Nous nous félicitons que le texte de la CMP ait conservé le recentrage opéré par le Sénat.
Nous espérons également que les guichets uniques départementaux, chargés d’accompagner les professionnels de santé dans l’ensemble de leurs démarches administratives avec le concours des collectivités et des caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), auront la capacité de mener à bien leur mission.
Ce guichet unique assistera notamment les professionnels de santé dans leurs démarches d’installation ou de remplacement.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)