Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Jacques Fernique. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes au bout du cheminement parlementaire très rapide de cette proposition de loi visant à aménager, pour les bus de la RATP de Paris et de la petite couronne, leur « privatisation » – veuillez excuser ce gros mot ! –, ou plutôt leur « délégation de service public au privé ».
Je l’ai dit lors de l’examen en première lecture du texte, mon groupe et moi-même nous interrogeons sur les modalités de ce processus d’ouverture à la concurrence proposé au travers de ce texte, qu’il s’agisse de la préservation des conditions de travail des salariés, de l’intérêt des usagers ou de la continuité du service public.
La LOM prévoyait à l’origine ce changement pour le 1er janvier 2025. À un an de l’échéance, chacun s’accorde à le reconnaître, les conditions matérielles, économiques et sociales d’une telle transformation ne sont pas réunies.
La loi de 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires laissait aux AOM la possibilité de choisir entre une ouverture à la concurrence ou une régie publique régionale. Or l’option de la régie publique n’a jamais été sérieusement étudiée, ce qui est bien dommage ! Ce modèle n’aurait-il pas été adapté à l’ensemble multimodal interconnecté que constitue le réseau de la RATP ? En tout cas, la réglementation européenne ne l’aurait pas empêché.
Mettre en concurrence des éléments de cet ensemble multimodal, c’est toucher à un équilibre déjà bien fragile, et s’assurer des problèmes de coordination, de maintenance et de continuité de service.
Les syndicats tirent la sonnette d’alarme. Les quelque 19 000 agents concernés sont inquiets quant à leur transfert aux différents opérateurs. Le fameux « sac à dos social » qu’on leur promet ne les rassure pas, malgré la connotation boy-scout et sympathique de la métaphore.
Ils s’interrogent sur la capacité des acteurs à répondre aux attentes sociales. Alors même qu’il existe déjà de fortes difficultés structurelles en matière de recrutement, est-il nécessaire d’en ajouter ?
Je m’interroge par ailleurs sur l’échéance retenue. En effet, à un tel rythme, il sera difficile d’apaiser les tensions et de clarifier les zones d’ombre.
En effet, l’essentiel de ce texte réside dans l’article fixant l’échéance à tenir, lot après lot, à un rythme enlevé, sitôt les jeux Olympiques passés. Or il nous a été impossible, en tant que parlementaires, de proposer des alternatives, toute initiative en ce sens étant condamnée à être rejetée en application de l’article 40 de la Constitution !
L’autorité organisatrice de la mobilité a fait le choix de retenir le critère du prix comme premier élément de notation, à hauteur, si je ne me trompe, de 40 %. L’offre la moins-disante économiquement pourrait aussi être la moins-disante socialement, les opérateurs privés risquant de rogner d’abord sur la masse salariale.
Or nous devons garantir l’attractivité des transports publics du quotidien. Leur développement est un sujet majeur si nous voulons assurer un report modal vers les mobilités décarbonées.
Le défi est donc grand pour la région Île-de-France, qui s’apprête à absorber d’importantes charges d’exploitation supplémentaires et à entamer la nécessaire transition énergétique d’électrification des bus.
Outre la multiplication des opérateurs, qui sera source de complexité, l’attribution des lots pour cinq ans sera source d’instabilité. Quid du document d’allotissement dont nous ne pouvons mesurer la pertinence, puisque son contenu précis est inconnu à ce stade ? Jusqu’à la fin de 2026, tous les deux mois un lot nouveau est alloué. Il paraît difficile, à une telle cadence, de garantir à tous des conditions de transfert « équitables, justes et bénéfiques ». Avec douze lots ou treize lots et des lignes ou dépôts « éclatés », on peut se préparer à de sacrées complications. Ces lots seront-ils équilibrés et viables ? Cela n’a rien d’évident !
La compétence de l’Autorité de régulation des transports en matière de différends concernant le nombre de salariés transférés avait été supprimée à l’Assemblée nationale. Le Sénat a tenu à réintégrer l’ART comme autorité compétente. C’est fort bien, mais encore faudrait-il qu’elle soit dotée de moyens à la hauteur de l’ensemble de ses missions. M. le rapporteur a raison d’insister sur cette nécessité.
L’ouverture à la concurrence risque enfin, au vu de ses conditions de mise en œuvre, d’amplifier la discrimination territoriale. Elle a débuté dès 2019 pour le réseau de l’Organisation professionnelle des transports d’Île-de-France (Optile). Or certaines communes souffrent aujourd’hui d’un manque de bus. La dégradation des conditions de travail et de la qualité de l’offre est visible dans ces secteurs. Pourquoi ne pas avoir tiré les leçons de ces dysfonctionnements ?
L’expérience le montre, l’ouverture à la concurrence occasionne des problèmes. Pourrons-nous les surmonter en nous empressant, sitôt passés les jeux Olympiques ? Pour toutes ces raisons, notre groupe ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Barros, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
M. Pierre Barros. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner la proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP.
Le Sénat et l’Assemblée nationale ont proposé des dizaines d’amendements à ce texte ; malheureusement, tous ont été rejetés. Je regrette que nos propositions de bon sens n’aient pas été entendues dans le cadre d’une procédure bizarrement accélérée.
Dans le même temps, à quelques mois des jeux Olympiques, les Franciliens ont connu ces dernières semaines des conditions de transport déplorables.
IDFM et sa présidente, Mme Valérie Pécresse, ont ainsi déploré une « nouvelle dégradation des services de transport » et ont rappelé à la RATP et à la SNCF la « nécessité de remonter la pente ». Tous ceux qui prennent les transports en commun en Île-de-France peuvent être d’accord avec ce constat. Malheureusement, la situation ne devrait pas s’arranger avec l’adoption de ce texte, et Mme Pécresse ne devra pas échapper à sa responsabilité.
En effet, l’idée brillante, originale et inédite de la présidente de la région, du Gouvernement et, plus récemment, des majorités parlementaires, c’est qu’une ouverture à la concurrence, soit une privatisation de la RATP, devrait régler une telle situation.
Rappelons-le, la RATP a été créée en 1949 pour répondre à la désorganisation totale du réseau de transports, alors géré par plusieurs entreprises privées. Cette proposition de loi nous ramène ainsi tout droit à la fin du XIXe siècle. Au moins, avec ce texte, vous aurez réussi à inventer la machine à remonter le temps !
Le risque est donc d’accentuer encore davantage – oui, c’est possible ! – la galère dans les transports.
En effet, les exemples d’échecs d’une ouverture à la concurrence sont multiples. Dans le secteur de l’énergie, plus de vingt ans après la première dérégulation, les tarifs ont augmenté en même temps que la précarité énergétique.
Dans le secteur du fret ferroviaire, la part du rail dans le transport de marchandises a été divisée par deux entre 2006 et 2019, au profit des transports routiers, bien plus polluants. À l’étranger, même le Royaume-Uni fait marche arrière et en revient à une gestion publique.
Mes chers collègues, l’ouverture à la concurrence des réseaux de bus franciliens ne fera malheureusement pas exception. Les leçons de la privatisation du réseau Optile n’ont pas été tirées.
Voilà deux ans, pour remporter les appels d’offres, les sociétés de transport ont rogné sur les acquis sociaux et les conditions de rémunération.
Je le rappelle, dans le secteur du transport, la masse salariale et les cotisations sociales représentent 70 % du prix de production.
Dans le département du Val-d’Oise, il aura fallu des grèves dans plusieurs dépôts – Saint-Ouen-l’Aumône, Beauchamp, Argenteuil, Saint-Gratien, Genainville ou Magny-en-Vexin – pour arracher des accords sociaux encore insatisfaisants.
Aujourd’hui, ces mêmes sociétés alertent : la maquette économique n’est pas réaliste. Elles demandent à revoir les conditions de rémunération du personnel à la hausse, tout simplement pour trouver des chauffeurs.
Élu du Val-d’Oise, je mesure déjà les conséquences de ce choix pour les territoires de la grande couronne et pour le personnel de la RATP.
Nous le savons déjà, cette ouverture à la concurrence entraînera moins de bus, des lignes supprimées et une colère encore plus forte de la part des usagers des transports en commun, tant le réseau de bus est primordial pour garantir le droit à la mobilité et limiter le nombre de voitures sur nos routes.
Encore une fois, les maires de nos communes devront faire le service après-vente, seuls et abandonnés. Mais nous avons l’habitude !
Et quel destin pour les salariés de la RATP ? Dans la perspective de l’ouverture à la concurrence en 2025, ils ont vu leurs acquis sociaux démantelés, leurs rémunérations comprimées, leur temps de travail allongé. Une telle dégradation est à l’origine d’une hémorragie des effectifs qui détériore le service. Il manque aujourd’hui 1 700 emplois de chauffeurs de bus.
Face à cette situation, Mme Valérie Pécresse a annoncé un « sac à dos social » préservant certains acquis. Toutefois, il ne s’appliquera pas à tous les agents de la RATP. Ainsi, les opérateurs de maintenance n’y ont pas droit, ce qui crée d’emblée d’importantes inégalités.
Enfin, telle que rédigée actuellement, votre proposition de loi n’apporte pas de réponse à la suppression de la double garantie d’emploi et de retraite, pour les agents statutaires de la RATP. La perte de ces garanties issues de la loi LOM serait préjudiciable pour la suite de la carrière des salariés concernés.
L’ouverture à la concurrence aura également des conséquences financières dramatiques pour IDFM. Pourtant, vous tenez toujours le même discours, selon lequel la privatisation serait source d’économies. Mais où seront-elles ? IDFM devra trouver 4,9 milliards d’euros pour racheter les biens de la RATP. Comme toujours, on nationalisera les pertes et on privatisera les profits ! Toute cette opération est financièrement très approximative et bien mal préparée.
Pour preuve, la région a décidé d’étaler l’ouverture à la concurrence entre le 31 décembre 2024 et le 31 décembre 2026. Personne n’est dupe d’une telle manœuvre : il s’agit de reporter une contestation sociale d’ampleur après les jeux Olympiques.
Avec les sénateurs du groupe CRCE-K, nous pensons qu’une autre voie est possible. Nous déposerons prochainement une proposition de loi visant à reporter l’ouverture à la concurrence, faciliter la création d’une régie régionale et recentrer les activités de la RATP.
Nous voterons donc contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ahmed Laouedj, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Ahmed Laouedj. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la RATP a longtemps été l’un des seuls acteurs sur le marché du transport en commun en Île-de-France, créant ainsi un quasi-monopole peu propice à l’innovation et à l’amélioration continue des services.
L’ouverture à la concurrence des services de bus francilien est un processus initié par le droit européen et anticipé par le législateur français depuis plus de quinze ans. Mais ces dernières années ont été marquées par des événements qui nous ont contraints à réviser le cadre légal et le calendrier établi au début du projet.
L’ouverture à la concurrence d’un monopole historique d’État est un sujet qui suscite toujours de nombreux débats. Certains y voient une opportunité de modernisation, d’innovation et d’amélioration du service public, d’autres une menace pour les acquis sociaux des salariés, sans compter les inquiétudes légitimes des usagers, qui redoutent la dégradation de l’offre de service.
Nous avons donc été confrontés à un défi technique, opérationnel et social d’une ampleur inédite. Il s’agissait de garantir la continuité du service public des transports, tout en permettant à de nouveaux acteurs d’entrer sur le marché dans les meilleures conditions possible. Cela a nécessité une approche prudente, réfléchie et progressive.
Le travail de nos deux assemblées, réunies en commission mixte paritaire, a permis d’améliorer le texte, dans l’intérêt des voyageurs, des salariés et du service.
Face à des agents de la RATP inquiets quant à l’avenir de leurs conditions de travail et des usagers attentifs au devenir d’un service public essentiel dans leur quotidien, il fallait relever le défi de proposer un texte pragmatique tenant compte des intérêts de chacun.
J’avais, pour ma part, proposé un amendement visant à faire en sorte que les salariés de la RATP concernés par le changement d’exploitant ne perdent pas l’accès à leur plan d’épargne entreprise. Cet amendement, bien qu’attendu par les agents de la RATP, n’a malheureusement pas été retenu par notre assemblée.
L’une des principales décisions prises dans le cadre de l’examen du texte a été l’échelonnement du processus d’ouverture à la concurrence. Cette décision, loin d’être une fuite en avant, est au contraire un gage de réalisme et de responsabilité. Elle permettra de prendre le temps nécessaire pour accompagner les salariés de la RATP dans cette transition, pour garantir la continuité du service public et pour permettre à de nouveaux acteurs de se préparer à entrer sur le marché.
Toutefois, cet échelonnement ne suffit pas. La commission a également veillé à ce que l’ouverture à la concurrence ne se traduise pas par une dégradation de la qualité du service public. Les usagers du réseau de bus francilien ont le droit de bénéficier d’un service de qualité, quel que soit l’opérateur chargé de leur ligne de bus.
L’ouverture à la concurrence doit être accompagnée de la mise en place d’organes de régulation et de contrôle. Elle doit être encadrée, afin de permettre la création, en Île-de-France, d’une offre de transports plus dynamique pour les usagers.
La grande majorité du groupe du RDSE votera en faveur de ce texte. (Applaudissements au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Nadège Havet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, adopté en première lecture ici même le 23 octobre dernier, puis à l’Assemblée nationale avec modifications, le texte d’initiative sénatoriale qui nous est présenté ce soir est le fruit d’un compromis intervenu en commission mixte paritaire voilà dix jours.
Je veux ici remercier les membres de cette CMP, qui se sont réunis le 7 décembre dernier pour parvenir à cet accord attendu. Je pense notamment aux deux rapporteurs, M. le sénateur Franck Dhersin et M. le député Bruno Millienne.
Mon groupe votera pour cette dernière version de la proposition de loi déposée par M. le sénateur Vincent Capo-Canellas au mois de septembre dernier.
Il s’agit, dans des délais contraints – mais le cadre initial l’imposait –, d’aménager et de reporter le calendrier d’ouverture à la concurrence du réseau des autobus et autocars franciliens de la RATP.
Plusieurs dispositifs sont intégrés pour qu’aucun des salariés n’y perde. Je pense au « sac à dos social » abordé ici même dans le cadre de l’examen de la loi LOM, chère à notre collègue Didier Mandelli.
Une transition réussie plutôt qu’une bascule chaotique : c’est un programme que le groupe RDPI soutient bien évidemment. Nous le rappelions en première lecture, ce texte vient traduire législativement les préconisations faites par la mission confiée par l’autorité organisatrice Île-de-France Mobilités à Jean-Paul Bailly et Jean Grosset.
Son objectif est de faciliter l’ouverture effective à la concurrence. En effet, notre législation, qui trouve ses racines dans le droit européen et la loi ORTF de transposition de 2009 (loi du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports), prévoit que le monopole de la RATP cessera au 31 décembre 2024, c’est-à-dire dans un an. Cela délai a été jugé trop court, en raison des difficultés opérationnelles et sociales précédemment évoquées.
Avec les jeux Olympiques et Paralympiques, qui se tiendront l’été prochain, le risque de désorganisation et de rupture de continuité du service était réel. Nos deux assemblées ont donc eu la volonté commune d’aboutir à un texte pragmatique, alors même que, dès le début, les convergences étaient nombreuses.
Accord déjà sur le report d’une échéance trop rapprochée, avec un échelonnement sur deux ans du calendrier d’ouverture à la concurrence. Accord ensuite sur la volonté d’offrir aux agents de la RATP les garanties sociales nécessaires pour répondre aux inquiétudes exprimées. Accord aussi sur la volonté d’un renforcement de la qualité du service rendu aux usagers.
Les articles 4 et 8 ont été adoptés conformes, la discussion en CMP ayant porté sur six articles. Les points de désaccord qui subsistaient étaient minimes. Les amendements adoptés par l’Assemblée nationale aux articles 5 et 6 ont été retenus. Par ailleurs, des modifications de nature rédactionnelle, sémantique et d’harmonisation légistique ont par ailleurs été intégrées.
En définitive, il ne subsistait qu’un seul point de désaccord : les modalités de règlement des différends éventuels liés au nombre de salariés transférés entre IDFM et la RATP. La LOM avait confié cette mission arbitrale à l’Autorité de régulation des transports. Pour le Sénat, il était important que l’ART continue de régler ces problématiques.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Très bien !
Mme Nadège Havet. Un point d’équilibre a été trouvé en maintenant la prérogative de l’autorité publique indépendante, mais en faisant courir le délai à compter de la saisine complète et en prévoyant qu’il puisse être étendu, sur décision motivée, de trois mois supplémentaires.
C’est par conséquent, sur ce point comme sur l’ensemble du texte, une solution pragmatique que nous nous apprêtons à voter, synthèse entre garanties sociales, équité concurrentielle et respect de nos engagements supranationaux.
En adoptant ces conclusions, nous exprimons notre volonté que l’ouverture à la concurrence se fasse dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et au banc des commissions. – MM. Vincent Capo-Canellas et Ahmed Laouedj applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)
M. Simon Uzenat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi d’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP n’est pas un texte anodin ; nous avons eu les uns et les autres, au cours du débat parlementaire, l’occasion de le souligner.
Je rappelle quelques chiffres clés : 19 000 salariés, 308 lignes de bus, 4 500 bus. Mais nous pensons surtout aux millions de nos concitoyens qui sont chaque jour en attente d’un service de qualité.
M. Franck Dhersin, rapporteur. Nous le sommes aussi !
M. Simon Uzenat. Nous n’allons pas rejouer les débats que nous avons déjà eus, en commission comme en séance, mais je souhaite une nouvelle fois pointer la procédure législative débridée, pour rester dans le champ lexical des transports, qui a présidé à l’examen de ce texte déposé le 29 septembre. Le véhicule législatif choisi, la proposition de loi, a permis de se passer d’une étude d’impact, document pourtant absolument nécessaire en l’espèce, et nous a empêchés de bénéficier de l’avis du Conseil d’État.
Cette démarche – chacun l’a rappelé, par-delà les divergences d’interprétation – est le fruit d’un accord assumé entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale, la présidente d’Île-de-France Mobilités revendiquant sa proximité avec cette dernière.
Nous le réaffirmons, et il n’y a là de notre part aucune posture, l’ouverture à la concurrence de ces services n’était pas une obligation européenne : il faut être très clair là-dessus.
La concurrence n’est pas une solution magique, au contraire, comme l’ont montré les expériences malheureuses du réseau Optile : dysfonctionnements très sérieux, problèmes économiques et financiers très importants pour les entreprises délégataires.
Cela a été rappelé, le débat sur la concurrence est tranché depuis longtemps. C’est vrai : il l’est depuis quinze ans. Mais qu’a-t-il été fait en quinze ans pour qu’à un an de l’échéance nous ne soyons toujours pas prêts ? Chacun doit s’interroger sur ses responsabilités à cet égard…
Pour ce qui est du calendrier, nous redisons que ce texte témoigne, de la part du Gouvernement et de la majorité sénatoriale, d’une précipitation visant à enjamber les jeux Olympiques et Paralympiques et à éviter un crash industriel. L’article 40 de la Constitution nous a empêchés d’aller plus avant dans cette voie, mais nous proposions une date postérieure à 2028.
Nous ne sommes pas opposés par principe aux délégations de service public. Dans le cadre des collectivités où nous siégeons, il nous arrive d’en voter ; encore faut-il que les conditions de réussite soient réunies. En l’occurrence, de notre point de vue, elles ne le sont pas.
Tout d’abord, et comme nous avons déjà eu l’occasion de le souligner, la dislocation du réseau historique en treize lots et la séparation afférente des modes de transport suscitent des interrogations très fortes. La façon dont seront gérés les incidents pose question, comme l’intermodalité, qui est aujourd’hui garantie par l’unicité du réseau. Chaque lot équivaudra à une métropole de la taille de Rennes ou de Nantes : cela ne s’improvise pas…
Concernant ensuite la soutenabilité financière, sujet sur lequel beaucoup de collègues ont insisté, IDFM fait face à un mur d’investissements et, malgré quelques évolutions annoncées, le compte n’y est pas.
De la même façon, pour ce qui est du rôle dévolu à l’Autorité de régulation des transports, nous soutenions évidemment la position selon laquelle il doit lui revenir de s’occuper des différends. Encore faut-il, là aussi, qu’elle en ait les moyens. Et nous espérons que l’accord ayant prévalu entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale permettra d’accélérer sur ce point.
Pour ce qui concerne enfin les garanties sociales, nos demandes n’ont pas été entendues – nous le regrettons très vivement – et le compte, là encore, n’y est pas, qu’il s’agisse des rémunérations, des retraites ou des recrutements. Les expériences liées à la mise en concurrence du réseau Optile démontrent que ces interrogations et ces inquiétudes sont parfaitement justifiées ; les organisations syndicales ont d’ailleurs rappelé aussi leur très forte préoccupation et leurs désaccords nombreux.
Nous le voyons bien avec cette proposition de loi, des risques très élevés d’embouteillage et même de carambolage pèsent sur la continuité et la qualité du service public rendu à des millions de nos concitoyens en région Île-de-France.
En cohérence avec les positions déjà exprimées en première lecture par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, en commission comme en séance publique, nous voterons contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions. – M. Vincent Capo-Canellas et Mme Nadège Havet applaudissent également.)
M. Franck Dhersin, rapporteur. On finit en beauté !
M. Didier Mandelli. Le meilleur d’entre nous !
M. Philippe Tabarot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que la plus attendue des commissions mixtes paritaires tient actuellement sa réunion à quelques minutes d’ici, il nous revient de rendre compte de l’une de ses « petites sœurs » du jour, j’ai nommé la CMP chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP.
Certes, cette proposition de loi ne truste pas le box-office des conclusions parlementaires de la semaine ni n’a battu le record de la CMP la plus longue de la Ve République, qu’à l’heure actuelle nous détenons, mes chers collègues, avec la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et résilience, mais elle n’est pas pour autant secondaire.
En plus de laisser la possibilité à Île-de-France Mobilités de reporter l’ouverture à la concurrence des bus du 31 décembre 2024 au 31 décembre 2026, cette proposition de loi déposée par notre collègue Vincent Capo-Canellas apporte des solutions concrètes aux obstructions opérationnelles rencontrées dans le cadre du processus d’ouverture à la concurrence, tout en confortant les garanties sociales des personnels transférés aux nouveaux opérateurs.
Le travail de nos deux assemblées a permis d’améliorer le texte, dans l’intérêt des voyageurs, du service et des salariés.
Cette proposition de loi consacre la place de l’initiative parlementaire, montrant qu’un problème peut être résolu en amont lorsqu’on procède selon une logique contraire à celle qui prévaut habituellement, celle d’un État impotent aveugle à tout ce qui permet d’assouplir les règles bureaucratiques.
Au vu de l’envergure européenne de ce territoire et à l’approche des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, on doit bien reconnaître, même sans être ni Parisien ni Francilien, que la région Île-de-France méritait que l’on se penche sur l’organisation d’un grand service public des mobilités.
Mme Cathy Apourceau-Poly. On se demande où il est, ce grand service public !
M. Philippe Tabarot. Oui, mes chers collègues, je dis bien un grand service public, et non, comme nous avons pu l’entendre à l’Assemblée nationale, une prestation privatisée laissée aux mains de vils et assoiffés libéraux.
Je sais que ce texte n’a pas vocation à trancher la question de savoir si l’ouverture à la concurrence doit se faire ou non. La concurrence n’est pas une option : c’est une réalité.
Sur ce sujet, ma religion est faite depuis longtemps : ce que certains appellent une concurrence à marche forcée est en réalité une délégation de service public régionalisée, placée sous l’autorité d’Île-de-France Mobilités.
Ce que l’on n’explique pas assez à nos concitoyens, c’est que la concurrence peut être une émulation, une école d’humilité.
Ce que l’on n’explique pas assez à nos concitoyens, c’est que le challenge fait grandir, car il est spontanément généreux. Il l’est pour les usagers, qui connaîtront, à n’en pas douter, un accroissement de la qualité de l’offre ; pour les nouveaux entrants, qui pourront développer leurs services ; pour les opérateurs historiques, qui bénéficieront du développement du marché.
Nous avons tous eu à cœur d’aboutir à un texte pragmatique et équilibré, en prévoyant le report d’une échéance qui était trop proche.
Par la progressivité calendaire de sa mise en œuvre, ce texte prend en compte la réalité de la taille du réseau et des effectifs concernés.
Par les réponses sociales tangibles qu’il apporte, il permet des avancées tangibles, offrant aux agents de la RATP les garanties nécessaires pour éteindre leurs inquiétudes.
La qualité du service rendu aux usagers devrait s’en trouver renforcée. (M. Pascal Savoldelli ironise.)
La navette parlementaire a permis de clarifier et d’enrichir le texte, avec, en point d’orgue, en fin de course parlementaire, le retour du phénix qu’est l’Autorité de régulation des transports, régulateur et gendarme des transports. Monsieur le ministre, pour mener à bien en toute indépendance son importante mission, celle-ci doit bénéficier de moyens renforcés, ainsi que nous le proposons, au Sénat, à chaque projet de loi de finances. (M. Pierre Barros éternue.) L’un de nos collègues est allergique à l’ouverture à la concurrence ! (Rires.)