compte rendu intégral

Présidence de M. Dominique Théophile

vice-président

Secrétaires :

M. Jean-Michel Arnaud,

Mme Catherine Conconne.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

3

Article additionnel après l'article 50 A - Amendement n° II-1385 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
Deuxième partie

Loi de finances pour 2024

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
Outre-mer

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2024, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution (projet n° 127, rapport général n° 128, avis nos 129 à 134).

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

seconde partie (suite)

Moyens des politiques publiques et dispositions spéciales

Outre-mer

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
Demande de priorité

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Outre-mer » (et articles 55 et 55 bis).

Demande de priorité

Outre-mer
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Article 55 (priorité) (début)

M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques.

Mme Micheline Jacques. Monsieur le président, je demande l’examen en priorité de l’article 55, ainsi que des amendements portant article additionnel qui s’y rapportent.

M. le président. En application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, je suis donc saisi par Mme Micheline Jacques d’une demande de priorité sur l’article 55 ainsi que sur les amendements portant article additionnel qui s’y rapportent, afin qu’ils soient examinés avant les crédits de la mission.

Quel est l’avis de la commission sur cette demande de priorité ?

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Favorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Favorable !

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.

Je mets aux voix la demande de priorité.

(La demande de priorité est adoptée.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Georges Patient, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le principal objectif des crédits de la mission « Outre-mer » est le rattrapage des écarts existant entre les territoires d’outre-mer et la métropole. Ces écarts, déjà forts et persistants, ont de surcroît tendance à s’accroître, et ce dans nombre de domaines : PIB, chômage, illettrisme, illectronisme ou encore espérance de vie.

En outre, de nouveaux enjeux se font jour pour les territoires d’outre-mer, dont les crédits de la mission devront tenir compte à l’avenir.

En effet, la crise sanitaire a souligné la très grande dépendance des territoires ultramarins aux importations alimentaires, tandis que la crise économique et l’inflation ont mis en exergue leur dépendance énergétique. Aussi l’autonomie alimentaire et la transition écologique constituent-elles, pour les outre-mer, deux défis majeurs de plus à relever dans les années à venir.

À cet égard, les annonces faites à l’issue du comité interministériel des outre-mer (Ciom) de juillet 2023 représentent une avancée notable, sans répondre néanmoins à toutes les attentes. Reste surtout à les concrétiser par des moyens budgétaires et par un réel suivi, régulier et exhaustif.

La question d’une réforme institutionnelle, ou d’une évolution statutaire, demande prégnante dans certains territoires d’outre-mer, n’a pas été abordée dans le cadre du Ciom, alors même que le Président de la République s’était déclaré ouvert à la discussion.

Par ailleurs, les enjeux sécuritaires, qui sont pourtant au cœur des préoccupations ultramarines, n’ont pas non plus été traités.

La tenue d’un « Oudinot du pouvoir d’achat » avait aussi été évoquée en septembre 2022. Force est cependant de constater que, si des annonces ont été faites en ce sens lors du Ciom, aucune mesure d’ensemble sur le pouvoir d’achat n’a été actée.

Ces remarques étant faites, je salue la hausse des crédits budgétaires de la mission : c’est un pas important qui est franchi en vue de la mise en œuvre des annonces du Ciom.

Pour ce qui est du programme 123, qui recense les crédits des politiques publiques en faveur de l’amélioration des conditions de vie dans les outre-mer, cette hausse porte sur trois domaines fondamentaux pour nos territoires.

Tout d’abord, un effort notable de près de 50 millions d’euros est consenti afin de poursuivre la dynamique lancée par le plan Logement outre-mer en développant et en rénovant l’habitat, mais aussi en résorbant l’habitat indigne.

Ensuite, les moyens alloués à la continuité territoriale sont renforcés de 22 millions d’euros.

Enfin, le projet de loi de finances pour 2024 maintient et renforce l’aide ciblée en direction de certains territoires au travers des contrats de redressement en outre-mer (Corom), pour 40 millions d’euros en autorisations d’engagement et 16 millions d’euros en crédits de paiement.

Toutefois, il me semble nécessaire de renforcer encore ce dispositif, au regard du nombre de communes en difficulté. En effet, sur les cent vingt-neuf communes que comptent les départements et régions d’outre-mer (Drom), trente sont inscrites dans le réseau d’alerte sur les finances locales de la direction générale des finances publiques (DGFiP).

C’est pourquoi nous vous proposerons, mes chers collègues, d’augmenter par amendement les crédits alloués aux Corom de 18 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 6 millions d’euros en crédits de paiement, en sus de la hausse déjà votée par l’Assemblée nationale de 9 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 3 millions d’euros en crédits de paiement.

Il convient également de souligner que le soutien exceptionnel de l’État à la collectivité de Guyane est prolongé en 2024, à hauteur de 30 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

En revanche, les crédits alloués à l’appui à l’accès aux financements bancaires et au soutien en ingénierie diminuent, alors même que le besoin de financement des acteurs économiques locaux pourrait augmenter en 2024, dans un contexte de crise économique.

C’est pourquoi nous vous soumettrons, sur l’initiative de mon collègue Teva Rohfritsch, deux amendements visant à augmenter de 3 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 1 million d’euros en crédits de paiement, d’une part, les crédits alloués à la société de gestion des fonds de garantie d’outre-mer (Sogefom), qui garantit les crédits en faveur des TPE et PME intervenant dans les collectivités du Pacifique, d’autre part, les crédits alloués au fonds outre-mer aux fins de développer le soutien à l’ingénierie des communes et intercommunalités de Polynésie.

Ce second point comptait du reste au nombre des préconisations de notre rapport sur les Corom.

Quant au programme 138 « Emploi outre-mer », qui rassemble les crédits des politiques publiques en faveur de la compétitivité des entreprises, de l’amélioration de l’employabilité des jeunes et de la qualification des actifs ultramarins, il enregistre également une hausse substantielle. Cette hausse résulte essentiellement de celle des crédits consacrés aux exonérations de charges sociales, dans un contexte où la masse salariale en outre-mer augmente régulièrement depuis 2022 et la fin de la crise sanitaire.

Ces exonérations sont un outil indispensable au maintien et à la création des emplois.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous proposerons d’adopter les crédits de la mission « Outre-mer ».

Pour ce qui concerne l’article 55 rattaché, qui a suscité ces derniers jours de nombreuses réactions, nous nous montrerons ouverts à la discussion s’agissant de rechercher et de trouver des voies d’amélioration consensuelles. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue bien entendu, comme mon collègue Georges Patient, la hausse des crédits de la mission « Outre-mer ».

Il convient également de rappeler que ces crédits ont, de surcroît, été augmentés par plusieurs modifications apportées par l’Assemblée nationale.

Je pense notamment à la hausse du fonds exceptionnel d’investissement de 50 millions d’euros, dont 10 millions pour les investissements liés à la distribution de l’eau à Mayotte, mais aussi à l’abondement de 5 millions d’euros du fonds de secours pour l’outre-mer, qui prend partiellement en charge l’indemnisation des dégâts causés par les catastrophes naturelles, à l’ouverture de 10 millions d’euros de crédits destinés à l’Agence française de développement ou encore de plus de 2 millions d’euros destinés à l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom).

L’impact total de ces mouvements de crédits s’établit à 89 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 34 millions d’euros en crédits de paiement.

En sus des crédits budgétaires, les dépenses fiscales contribuent à la dynamisation de l’économie, à l’attractivité des territoires et à l’effort général de rattrapage de l’écart de niveau socioéconomique entre l’outre-mer et la métropole.

Les dépenses fiscales associées aux deux programmes de la mission devraient s’établir, en 2024, à plus de 5 milliards d’euros, soit deux fois plus que les crédits budgétaires portés par la mission elle-même.

Dans la loi de finances pour 2023, plusieurs modifications bienvenues étaient intervenues pour prolonger, jusqu’en 2029, des dépenses fiscales dont le fait générateur allait s’éteindre. Je me souviens également d’un amendement adopté par le Sénat qui étendait le bénéfice de ces dispositions aux collectivités du Pacifique.

Nous estimons que ces dépenses fiscales sont un outil indispensable pour l’économie ultramarine, tout en reconnaissant qu’il est nécessaire de mieux les évaluer et, au besoin, de les modifier.

Dans ce contexte, les démarches entreprises ces dernières années vont dans le bon sens et doivent être poursuivies. Les évolutions envisagées devront néanmoins s’effectuer en concertation avec les acteurs et avec les élus locaux, mais aussi sur la base de consultations et à la lumière d’une évaluation préalable, et non à l’aveugle.

L’acceptabilité et la pertinence de ces réformes dépendront du dialogue qui sera mis en place. Les débats intervenus dans notre assemblée en première partie, notamment sur l’article 7 ter, témoignent de la nécessité d’adapter la méthode.

De surcroît, en complément des crédits portés par la mission « Outre-mer » et des dépenses fiscales associées, les territoires d’outre-mer bénéficient de crédits en provenance d’autres programmes du budget général. Ainsi le montant total des contributions budgétaires s’élève-t-il, dans le projet de loi de finances pour 2024, à 21 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 29 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 195 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 648 millions d’euros en crédits de paiement.

Ces crédits pluriministériels permettent, notamment, le financement de plusieurs plans thématiques importants pour nos territoires d’outre-mer : le plan d’actions pour les services d’eau potable et d’assainissement, le plan Séisme Antilles, le plan Sargasses, le plan Logement outre-mer et le plan Chlordécone. Nous saluons donc leur augmentation.

Enfin, les territoires d’outre-mer bénéficient des crédits du plan de relance et du fonds vert. Pour ce qui concerne le plan de relance, 1 milliard d’euros d’autorisations d’engagement environ avaient été consommés en outre-mer à la fin de 2022, soit 500 millions d’euros de moins que le montant d’ouverture initialement annoncé.

Cette sous-consommation, en deçà des attentes et en deçà des besoins, s’explique pour partie par la faiblesse de l’ingénierie en outre-mer et par d’autres contraintes locales, comme la difficulté à trouver du foncier disponible.

À titre d’exemple, en Polynésie française, certains dispositifs se sont révélés inadaptés au statut d’autonomie du pays. Faute de satisfaction de certains prérequis, comme la couverture du territoire par le système informatique pour le répertoire des entreprises et des établissements (Sirene), il n’a pas été possible d’y mettre en place le dispositif, pourtant très attendu localement, des conseillers numériques.

S’il en était besoin, la mise en œuvre du plan de relance, comme celle d’autres dispositifs auparavant, met en exergue l’absolue nécessité de tenir compte des spécificités territoriales et de développer des approches différenciées entre la métropole et les territoires d’outre-mer, mais également entre les territoires d’outre-mer eux-mêmes.

En d’autres termes, mes chers collègues, il s’agit tout simplement de tenir compte des lois organiques portant statut de nos territoires respectifs votées par le Parlement national.

Le fonds vert, pour sa part, a été fortement sollicité en outre-mer. Ainsi, 403 dossiers ont été déposés au 20 septembre 2023, le montant total des aides demandées s’élevant à plus de 220 millions d’euros ; 160 dossiers ont été sélectionnés, pour un montant total de 93 millions d’euros.

Au regard de ces chiffres, l’enveloppe budgétaire allouée pour 2023 ne permettra pas l’instruction de tous les dossiers déposés. Les porteurs de projet ont naturellement été invités à présenter leurs dossiers non retenus en 2023 à l’appel à candidatures pour 2024. Vous conviendrez que nous obérons, par ce biais, la mobilisation de nouveaux projets au cours de cette période.

Certes, une telle situation n’est pas propre aux territoires ultramarins : elle atteste l’ampleur des besoins d’investissement en faveur de la transition écologique et de la lutte contre le réchauffement climatique – je sais que vous y êtes sensible, monsieur le ministre.

Les outre-mer sont aux avant-postes de ces bouleversements et méritent un soutien accru sur ces questions.

Ce succès du fonds vert démontre que nos territoires d’outre-mer savent se montrer dynamiques face aux impératifs, dont la résonance est pour eux quotidienne, de transition écologique et de protection de l’environnement.

Comme mon collègue Georges Patient l’a indiqué, nous appelons à voter en faveur des crédits de la mission tout en restant bien entendu attentifs au débat que nous aurons sur l’article 55. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Girardin et MM. Bernard Buis et Frédéric Buval applaudissent également.)

Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a choisi de rendre un avis favorable sur les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2024.

Les crédits dédiés aux territoires ultramarins étant répartis au sein de trente-deux missions budgétaires, c’est peu dire qu’il n’est pas aisé d’apprécier dans sa globalité l’effort consenti par l’État en faveur du rattrapage de nos territoires ultramarins. Pour ce qui est des crédits du très restreint périmètre de la mission « Outre-mer », nous notons avec satisfaction que nombre des recommandations de notre assemblée, portant notamment sur le logement ou sur la continuité territoriale, ont été suivies dans le cadre de ce budget, ainsi que dans celui des annonces issues du comité interministériel des outre-mer.

Naturellement, beaucoup reste à faire ; mais, lorsque le Gouvernement reprend à son compte des propositions qui lui sont faites, il convient de le noter.

Cela dit, pour ce qui concerne la question du logement social, sur laquelle je souhaite insister, les résultats en matière de construction, de réhabilitation et de lutte contre l’habitat indigne demeurent très en deçà des ambitions affichées, année après année, par le Gouvernement.

Avec 2 729 logements livrés en 2022, nous avons atteint un point bas historique de la construction, alors que 80 % des ménages ultramarins sont éligibles au logement social.

Le rythme des réhabilitations, environ 2 000 par an, n’est pas non plus satisfaisant, au regard des besoins observés et du vieillissement de certaines populations que l’on entend maintenir à domicile.

Enfin, que dire de la lutte contre l’habitat indigne ? Près de 150 000 logements indignes sont recensés par la Fondation Abbé Pierre et près de trois Ultramarins sur dix seraient en situation de mal-logement ou confrontés à l’absence de logement personnel, ce qui témoigne, monsieur le ministre, de l’insuffisance de votre politique.

Face à ce constat, la commission note avec satisfaction que les crédits de la ligne budgétaire unique (LBU) augmentent assez substantiellement pour toutes les sous-actions. Il demeure toutefois indispensable d’accroître les moyens qui sont consacrés à la politique du logement.

Nous tenons par ailleurs à souligner l’existence d’un autre puissant frein à cette politique, celui de la mauvaise – pour ne pas dire inexistante – acclimatation des normes hexagonales aux territoires ultramarins.

Je citerai brièvement deux exemples : le sujet du marquage régions ultrapériphériques (RUP), pourtant identifié de très longue date, n’est toujours pas sérieusement traité ; quant au diagnostic de performance énergétique des logements, il se révèle inadapté aux territoires ultramarins, ce qui a pour conséquence très concrète d’exclure nos compatriotes du bénéfice de l’essentiel des aides du dispositif MaPrimeRénov’, dont les montants sont pourtant autrement plus importants que ceux des aides financées par les crédits LBU.

Il y a là deux exemples parmi tant d’autres de tout ce qui, en outre-mer, freine la construction et la réhabilitation des logements en augmentant les coûts que doivent supporter les bailleurs, les locataires et les propriétaires.

En conclusion, monsieur le ministre, je dis « oui » aux crédits, ils sont indispensables – et les montants alloués restent probablement insuffisants ; mais il est absolument nécessaire de s’attaquer dans le même temps à la question des normes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Girardin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Outre-mer » pour l’année 2024 sont en forte hausse par rapport à l’année précédente. Après l’engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le présent projet de loi de finances, l’augmentation s’élève à 9 % en autorisations d’engagement et à 5 % en crédits de paiement.

Nous nous félicitons de cette augmentation notable des crédits, qui intervient dans un contexte encore incertain pour les territoires ultramarins, marqué par une inflation persistante, une aggravation des inégalités et une multiplication des tensions sociales.

Ces crédits supplémentaires permettront, tout d’abord, de financer la construction de logements et la lutte contre l’habitat indigne, qui constituent un enjeu majeur. Vous le savez, les logements insalubres représentent en moyenne 18 % des logements en outre-mer.

Ces crédits permettront, ensuite, le renforcement de la continuité territoriale, notamment grâce à l’élargissement des publics éligibles à l’aide à la continuité territoriale.

Les ouvertures de crédits ont également vocation à renforcer l’insertion professionnelle, via par exemple la poursuite du déploiement du plan SMA 2025+, qui vise à améliorer le service militaire adapté, dont l’efficacité n’est plus à prouver.

Quant au soutien aux collectivités territoriales, il sera renforcé : en témoignent la pérennisation des contrats de redressement en outre-mer et le financement de nouveaux contrats de convergence et de transformation.

Si cette hausse des crédits est bienvenue, je souhaiterais toutefois insister sur deux points.

Tout d’abord, il est indispensable de poursuivre cet effort budgétaire dans la durée, notamment dans le domaine du logement, afin de fournir un habitat décent à chaque citoyen ultramarin.

Ensuite, le pilotage budgétaire de la mission « Outre-mer » apparaît largement perfectible. Depuis plusieurs années, plusieurs ajustements ont été mis en œuvre pour améliorer ledit pilotage. Toutefois, la gestion de la mission reste marquée par une sous-consommation des crédits, qui concerne notamment la ligne budgétaire unique.

Compte tenu de l’ampleur des enjeux relatifs à l’habitat insalubre en outre-mer, il n’est pas acceptable que les crédits votés par le législateur ne soient pas exécutés en totalité pour améliorer la situation. A contrario, j’ai constaté une importante surexécution des crédits concernant la compensation des exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises ultramarines.

Enfin, le volume de restes à payer, qui est très élevé, représente un risque avéré pour la soutenabilité de la mission budgétaire.

La commission des lois appelle donc le Gouvernement à poursuivre l’amélioration du pilotage budgétaire de la mission.

En dépit de ces quelques faiblesses, et compte tenu des éléments positifs qui ont été relevés, la commission des lois a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Solanges Nadille. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Solanges Nadille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour 2024, les moyens financiers déployés en faveur de la mission « Outre-mer » s’élèvent à 2,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2,6 milliards d’euros en crédits de paiement à périmètre constant, soit des hausses respectives de 6,8 % et de 4,5 % par rapport à 2023.

Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants salue cette augmentation des moyens au service de nos concitoyens.

La mission « Outre-mer » répond à quatre grandes orientations budgétaires de la politique du Gouvernement.

La première a trait aux préoccupations quotidiennes des habitants de ces territoires et s’organise elle-même autour de trois grands axes : le logement, l’accès à l’eau et la lutte contre les sargasses.

Tout d’abord, pour ce qui concerne le logement, l’augmentation de la ligne budgétaire unique permettra de financer les grands défis de nos territoires, à savoir la construction de logements locatifs sociaux, la réhabilitation et l’adaptation au vieillissement du parc locatif privé et du parc locatif social, sans oublier la lutte contre l’habitat indigne.

Concernant ensuite l’accès à l’eau, nous saluons la pérennisation du soutien apporté au syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe, à hauteur de 20 millions d’euros. Nous saluons également tous les efforts qui sont accomplis pour Mayotte.

Un mot, enfin, de la lutte contre les sargasses, phénomène dont pâtissent nos concitoyens antillo-guyanais et qui met à mal certains secteurs de l’économie de ces territoires. Au sein de mon territoire, la Guadeloupe, les îles du sud de l’archipel sont particulièrement touchées.

Les moyens des groupements d’intérêt public dits GIP « sargasses » seront renforcés, l’enveloppe atteignant 1,4 million d’euros. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous remercier personnellement de votre présence à Dubaï où, en marge de la COP28, vous avez lancé une initiative visant à faire reconnaître cette catastrophe sur le plan international. (M. le ministre délégué hoche la tête en signe de remerciement.)

La deuxième orientation du budget vise à accompagner la mobilité des Ultramarins.

Rappelons le contexte : les Ultramarins pâtissent d’une hausse substantielle et continue du prix des billets d’avion depuis deux ans. En effet, l’analyse de l’indice des prix du transport aérien de passagers révèle qu’au cours des dix premiers mois de l’année 2023 le coût des trajets depuis l’Hexagone vers l’outre-mer a augmenté de 22,3 %, tandis que celui des liaisons entre l’outre-mer et l’Hexagone a progressé de 18,3 %.

Une augmentation de 57,5 % du tarif des billets d’avion a même été enregistrée au départ de la Martinique en mars 2023, selon la direction générale de l’aviation civile (DGAC).

C’est pourquoi le Gouvernement propose une augmentation historique de 22 millions d’euros des moyens consacrés à la continuité territoriale. Merci !

Ces moyens supplémentaires permettront de relever le seuil d’éligibilité aux aides de Ladom – merci pour les étudiants et merci pour tous ceux qui partent en formation !

Il nous reviendra également d’examiner l’évolution des dispositifs d’accompagnement des professionnels à la mobilité. Or je sais pouvoir compter sur l’engagement et la mesure de la Haute Assemblée pour aboutir à la meilleure solution pour nos outre-mer.

La troisième orientation fixée par le Gouvernement pour la mission « Outre-mer » consiste à favoriser le développement économique et la création d’emplois dans chaque territoire. Là encore, l’effort budgétaire consenti par l’État doit être relevé : les moyens alloués aux contrats de convergence et de transformation passent de 1,9 milliard d’euros pour la génération de contrats conclus entre 2019 et 2022 à 2,3 milliards d’euros pour ceux qui seront signés entre 2024 et 2027, tous ministères confondus.

Les préoccupations des Ultramarins dans le Pacifique trouvent également un écho dans le présent projet de loi de finances, grâce – par exemple – au financement de dispositifs comme les chantiers de développement local, qui favorisent l’insertion professionnelle en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

Pour ce qui concerne le soutien aux entreprises, les rapporteurs spéciaux Teva Rohfritsch et Georges Patient présenteront, au nom de la commission des finances, un amendement qui vise à renforcer la dotation de la Sogefom, seul instrument de garantie des crédits des TPE et des PME dans les trois collectivités territoriales du Pacifique, amendement que je vous invite à soutenir, mes chers collègues.

J’en viens à la dernière orientation de cette mission, à savoir le soutien aux collectivités territoriales.

Les contrats Corom, qui ont donné entière satisfaction, seront pérennisés via le lancement d’un nouvel appel à candidatures pour la période 2024-2026.

Je note toutefois que ce dispositif n’est pas accessible aux communes dans le Pacifique. C’est pourquoi je salue l’amendement déposé par Teva Rohfritsch pour soutenir les communes polynésiennes.

En outre, dans la continuité de ses efforts budgétaires, l’État poursuit son accompagnement à la collectivité territoriale de Guyane.

Pour ce qui est des moyens du fonds outre-mer, ils sont également augmentés pour financer l’ingénierie nécessaire aux collectivités ultramarines, ce poste de dépenses leur coûtant très cher.

L’État se doit d’être à la hauteur des défis auxquels nos territoires sont confrontés ; dans certains d’entre eux, la situation est tout simplement alarmante.

Aussi, j’appelle à une rapide mise en œuvre des mesures annoncées dans le cadre du Ciom : il faut des résultats – et il faut un contrôle !

Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)