Mme la présidente. L’amendement n° II-256 rectifié, présenté par M. Cardon, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1322
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Taux de satisfactions des demandes de logements étudiants (231)
La parole est à M. Rémi Cardon.
M. Rémi Cardon. Mes chers collègues, 100 euros et deux strapontins pour les jeux Olympiques : telle est compensation gracieusement offerte aux étudiants qui, l’été prochain, seront expulsés des Crous, ces mêmes jeunes qui côtoient parfois les cafards dans des lieux sales, voire insalubres ! (Marques d’agacement sur les travées du groupe Les Républicains.)
Madame la ministre, alors que la tension dans l’attribution des logements Crous n’a jamais été si forte, vous vous apprêtez à expulser tous ces étudiants précaires d’Île-de-France.
Au sein des résidences étudiantes, le Gouvernement promet la construction ou la rénovation complète de 35 000 logements d’ici à la fin du quinquennat. Mais, en la matière, il est loin d’avoir tenu ses promesses lors du mandat précédent.
Vous l’avez compris : nous sommes inquiets. Nous ne demandons qu’un peu de visibilité quant à l’attribution des logements Crous pour les boursiers, à chaque rentrée. Dès lors, vous n’aurez plus lieu de dénoncer les chiffres fournis par les organisations syndicales étudiantes, en les accusant de malhonnêteté…
Ce que je vous propose, c’est la création d’un indicateur de performance, tout simplement. Nous comblerons ainsi une véritable lacune.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial. Cher collègue, permettez-moi de vous dire que vous n’êtes pas très « sport »…
Mme Dominique Estrosi Sassone. Exact !
Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial. Le logement étudiant fait d’ores et déjà l’objet de deux sous-indicateurs du programme 231 : le premier porte sur l’accès des étudiants boursiers au logement, le second sur la satisfaction des étudiants au titre du logement étudiant.
Il ne me semble pas nécessaire d’ajouter un troisième indicateur. Dès lors, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sylvie Retailleau, ministre. Monsieur le sénateur, j’abonde dans le sens de Mme le rapporteur spécial au sujet de l’indicateur.
Je me contenterai donc de vous répondre au sujet des jeux Olympiques. On peut polémiquer sur tout en se gardant d’apporter la moindre solution… Pour notre part, nous avons pris en main cette question.
La vocation des professionnels de l’enseignement supérieur et de la recherche est précisément de s’occuper des étudiants. À ces derniers, nous proposons un logement de remplacement à proximité et sans surcoût. Les 100 euros que vous évoquez sont destinés à couvrir leurs frais de déménagement.
Nous les accompagnons un an avant cette échéance, en leur donnant des informations parfaitement transparentes pour qu’ils puissent s’organiser. Nous sommes en train de les contacter un à un, pour savoir à quel moment nous les dérangerions le moins. En effet, la fin d’année universitaire est une importante période d’examens ; nous sommes bien placés pour le savoir.
Nous leur proposerons un nouvel hébergement sans frais supplémentaires. Nous leur proposerons évidemment de retrouver leur logement par la suite. Et nous participerons tous – dois-je vous le rappeler ? – à un événement planétaire, que la France aura le plaisir et l’honneur d’accueillir, à savoir les jeux Olympiques ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Laure Darcos et Mme Sylvie Vermeillet applaudissent également.)
M. Max Brisson. Très bien !
Mme la présidente. Monsieur Cardon, l’amendement n° II-256 rectifié est-il maintenu ?
M. Rémi Cardon. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-256 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. J’appelle en discussion l’article 55 quinquies, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Article 55 quinquies (nouveau)
Après le mot : « exercer », la fin du cinquième alinéa de l’article L. 822-1 du code de l’éducation est ainsi rédigée : « l’ensemble des activités d’une centrale d’achat, au sens du code de la commande publique, pour satisfaire les besoins d’autres acheteurs publics ou privés à but non lucratif, soumis ou non au même code, en fournitures, en services ou en travaux destinés au fonctionnement de services de restauration ou d’hébergement. Lorsqu’il exerce ces activités, celles-ci bénéficient en priorité aux acheteurs dont les services sont offerts au moins en partie à des étudiants. »
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 55 quinquies.
(L’article 55 quinquies est adopté.)
Après l’article 55 quinquies
Mme la présidente. L’amendement n° II-370 rectifié, présenté par MM. Milon, Khalifé et Somon, Mmes Lassarade, Gruny et Aeschlimann et MM. J.B. Blanc et Sol, est ainsi libellé :
Après l’article 55 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 321-3 du code de la recherche est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les établissements à caractère scientifique et technologique concourant à des missions du service public de la recherche en santé peuvent être soumis à une part de financement sur fonds propres.
« Un décret du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche fixe la liste des établissements concernés et la part de financement minimale appliquée. »
La parole est à M. Laurent Somon.
M. Laurent Somon. Mes chers collègues, nos débats le montrent : la recherche publique française reste en difficulté. En effet, son financement demeure insuffisant : dans notre pays, il ne représente que 2,21 % du PIB, contre 2,79 % aux États-Unis et 3,04 % en Allemagne.
La chute des crédits publics de recherche et développement pour le seul secteur de la santé est tout à fait significative : entre 2011 et 2018, ces budgets ont chuté de 28 % en France, alors qu’ils augmentaient de 11 % en Allemagne et de 16 % en Grande-Bretagne.
La crise sanitaire n’a fait que confirmer notre indigence en la matière – je ne rappellerai pas l’épisode de l’élaboration des vaccins…
Enfin, les liens entre les recherches publique et privée sont insuffisants.
Pour éviter ces écueils, qui menacent notre recherche et, à terme, notre souveraineté, il est nécessaire de renforcer les financements de la recherche publique, en favorisant les liens avec les acteurs privés. En ce sens, nous proposons d’abonder les financements sur fonds propres des grands organismes de recherche publique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. Mon cher collègue, je comprends le sens de ces dispositions, mais les financements que vous souhaitez développer représentent d’ores et déjà une part significative des crédits de certains organismes.
Je pense notamment à Inserm, dont le budget, de 1,2 milliard d’euros, est composé à 38 % de ressources externes. D’autres établissements se trouvent sans doute dans une situation plus difficile, mais on assiste malgré tout à la naissance d’écosystèmes tout à fait prometteurs.
À cet égard, permettez-moi de vous renvoyer au rapport d’information que j’ai consacré aux instituts hospitalo-universitaires (IHU). Certaines de ces structures font preuve d’un dynamisme remarquable au titre de leurs ressources propres ; d’autres ont manifestement besoin d’être aidées davantage, compte tenu de leur domaine de recherche. Au sein d’un même IHU, on observe également un certain nombre de différences.
Il me semble difficile de modifier le code dans le sens que vous suggérez. Il est bien sûr indispensable de bâtir des ponts entre la recherche fondamentale, les expérimentations futures et leurs différents développements, mais laissons aux outils écosystémiques qui ont déjà été créés le temps de se développer tranquillement.
Pour ces raisons, je sollicite le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sylvie Retailleau, ministre. Monsieur le sénateur, nous approuvons votre objectif, mais tous les outils existent déjà, qu’ils relèvent de la LPR ou du plan France 2030, assurant le développement des pôles universitaires d’innovation (PUI) ou encore des instituts Carnot. Il faut bel et bien développer les ressources propres de ces organismes. Nous continuons précisément le travail en ce sens.
Le Gouvernement sollicite donc à son tour le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Somon, l’amendement n° II-370 rectifié est-il maintenu ?
M. Laurent Somon. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour explication de vote.
Mme Marie-Do Aeschlimann. M. Somon a raison de maintenir son amendement : nous proposons une mesure qui – une fois n’est pas coutume ! – ne coûte rien aux finances publiques, mais permettra de véritables synergies. Elle facilitera notamment les partenariats entre la recherche publique et l’écosystème des start-up.
Madame la ministre, je regrette sincèrement que vous n’apportiez pas votre soutien à cette initiative qui est tout à fait bienvenue.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre. Madame la sénatrice, je le répète, l’intention est bonne, mais cette dynamique est engagée grâce aux outils que nous avons créés et au portage garanti par la LPR, laquelle consacre un peu plus de 140 millions d’euros aux instituts Carnot.
M. le rapporteur spécial a mentionné les IHU : ils s’inscrivent pleinement dans ce cadre.
Il ne me semble pas judicieux de fixer des seuils : chaque situation est singulière, car tout dépend de la structure et de la discipline considérées, qui, par définition, suivent leurs propres orientations.
Nous avons pris soin d’adresser un message clair par le biais de la LPR. Nous avons créé les sociétés d’accélération du transfert de technologies (Satt), ainsi que les incubateurs. Nous venons d’y ajouter les pôles universitaires d’innovation.
Variant considérablement selon les régions et les disciplines, les seuils que vous proposez auraient un effet démobilisateur. Ils reviendraient à établir une typologie d’institutions et de laboratoires. Bien loin de susciter une dynamique, ils nous feraient basculer dans une logique normative et mettraient un frein à bon nombre d’initiatives. J’y insiste, les territoires et les instituts ont, tous autant qu’ils sont, des profils et des projets spécifiques.
Vous le savez, un excès de mesures normatives peut nous empêcher d’avancer. Veillons à préserver cette pluralité qui est le propre de la recherche et de l’innovation.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-370 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-493 rectifié, présenté par MM. Patient, Buis et Buval et Mmes Cazebonne, Duranton et Schillinger, est ainsi libellé :
Après l’article 55 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du premier alinéa de l’article 1er de la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ces objectifs de dépenses s’appliquent pleinement dans les collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution. »
La parole est à M. Frédéric Buval.
M. Frédéric Buval. D’après une récente étude thématique de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (Iedom), les dépenses intérieures de recherche et développement restent très faibles en outre-mer, comparativement aux autres régions françaises : dans ces territoires, elles représentent 0,5 % du PIB, contre 2,2 % à l’échelle nationale.
En outre, les effectifs dédiés à la recherche n’y regroupent que 0,6 % des effectifs nationaux. À titre de comparaison, la population ultramarine représente 4,1 % de la population nationale.
Or les territoires ultramarins offrent à la recherche des perspectives de premier ordre. Les défis de la lutte contre le dérèglement climatique, la préservation des ressources naturelles, la réduction des inégalités, ou encore la lutte contre les maladies infectieuses et émergentes sont autant d’enjeux mondiaux qui justifient le développement de la recherche française outre-mer.
La loi de programmation de la recherche fixe, pour l’État, un objectif national de dépenses intérieures de recherche et développement de 3 % du PIB. Il convient selon nous de préciser que cet objectif vaut également dans les outre-mer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. Mon cher collègue, ce sont non pas les déclarations, mais les actes qui changent les statistiques !
J’ajoute que l’outre-mer entre naturellement dans le champ de la LPR. N’oublions pas qu’une partie de la recherche nationale est produite dans les territoires ultramarins, en particulier au centre spatial de Kourou.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sylvie Retailleau, ministre. Monsieur le sénateur, soyez assuré que je m’associe pleinement aux préoccupations que vous exprimez.
L’outre-mer recèle nombre de terrains de recherche spécifiques, auxquels les universités consacrent un certain nombre de travaux. Ainsi, deux projets d’excellence portant sur le développement de la biodiversité, l’un en Guyane, l’autre en Polynésie, ont été acceptés.
Dans le cadre du plan France 2030 et des programmes d’investissements d’avenir (PIA), nous avons également développé de nouveaux projets relatifs aux grands fonds marins, financés à hauteur de 130 millions d’euros. En parallèle, un projet prioritaire de recherche englobant l’ensemble des outre-mer a été confié à l’Institut de recherche pour le développement (IRD).
Ce sont là autant d’actions que nous menons grâce aux organismes de recherche et aux universités implantés outre-mer. Les deux projets d’excellence que j’évoquais ont été validés et financés à 100 %. Quant aux projets relevant de l’IRD, ils portent réellement sur des priorités des territoires ultramarins.
J’y insiste, nous portons une attention toute particulière à la recherche menée outre-mer, qui sera développée comme il se doit. À mon tour, je sollicite le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Buval, l’amendement n° II-493 rectifié est-il maintenu ?
M. Frédéric Buval. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-493 rectifié est retiré.
L’amendement n° II-354 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Aeschlimann, MM. Allizard, Anglars, Bacci et Bas, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc, Bonhomme, Bonnus et Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Burgoa et Cambon, Mmes Canayer et Chain-Larché, M. Chaize, Mmes de Cidrac et Ciuntu, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Demas, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumont, Estrosi Sassone, Eustache-Brinio et Evren, MM. Favreau et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mme Gosselin, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Gueret et Hugonet, Mmes Jacques, Josende et Joseph, M. Klinger, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Le Rudulier, Lefèvre, de Legge et H. Leroy, Mmes Lopez, Malet et P. Martin, M. Meignen, Mme Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mmes Muller-Bronn et Nédélec, M. de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pernot et Perrin, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mme Puissat, MM. Rapin, Reichardt et Retailleau, Mme Richer, MM. Rojouan, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mme Ventalon, MM. C. Vial, J.-P. Vogel, Bouloux, Cuypers et Khalifé et Mme Petrus, est ainsi libellé :
Après l’article 55 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 719-4 du code de l’éducation est complétée par les mots : « , qui sont majorés pour les étudiants étrangers en mobilité internationale ».
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Cet amendement vise à inscrire dans la loi le principe de majoration des droits d’inscription universitaires pour les étudiants extracommunautaires. M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur, nous a expressément demandé de le déposer.
Ce régime différencié relève aujourd’hui d’un simple arrêté en date du 19 avril 2019. En le rehaussant au niveau législatif, nous enverrions un signal politique fort, tout en consolidant son assise juridique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial. Mon cher collègue, si je ne m’abuse, nous sommes le pouvoir législatif : nous sommes donc face à une dérive normative qui me semble incompréhensible.
En inscrivant dans la loi la majoration de droits d’inscription universitaire pour certains étudiants, nous dévierions à vitesse grand V. En tant que juriste, je suis réellement choquée par de telles dispositions.
En 2019, lorsque ces droits d’inscription différenciés ont été créés pour les étudiants internationaux extracommunautaires, de nombreuses universités se sont engagées à ne pas appliquer de frais supplémentaires.
En 2023, quarante-deux d’entre elles exonèrent encore l’intégralité des étudiants étrangers de la majoration applicable ; seize universités en dispensent une partie d’entre eux, sur des critères linguistiques, géographiques ou encore académiques ; seules treize universités appliquent intégralement les frais majorés.
À mon sens, il est nécessaire de conserver une telle souplesse. En témoigne cet exemple criant : si de telles dispositions étaient inscrites dans la loi, les étudiants ukrainiens ne pourraient plus être exonérés de cette majoration, comme c’est le cas aujourd’hui.
Aussi, je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sylvie Retailleau, ministre. Monsieur le sénateur, l’arrêté de 2019 précise les montants et les conditions d’application des droits d’inscription différenciés pour les étudiants extracommunautaires. En ce sens, votre demande est satisfaite.
Pour ce qui concerne la majoration des frais d’inscription des étudiants extracommunautaires, la réglementation est même plus précise que le texte de votre amendement.
En outre, j’appelle votre attention sur l’impact d’un tel amendement sur les collaborations universitaires internationales.
Ces dispositions seraient contraires à certains accords internationaux auxquels la France est partie, les montants annuels des droits d’inscription pour les diplômes nationaux dépendant de la nationalité de l’étudiant qui s’en acquitte.
Je pense en particulier aux accords que nombre de nos universités de recherche, et non des moindres, ont noués avec des pays où les études supérieures sont très coûteuses : grâce à ces relations de nature bijective, nous pouvons envoyer des étudiants français au MIT (Massachusetts Institute of Technology), à l’université McGill, au Canada, et dans bien d’autres établissements encore.
Sans ces exonérations bilatérales, bon nombre de mobilités étudiantes deviendront tout simplement impossibles : dans bien des cas, les frais d’inscription des grandes universités internationales sont beaucoup trop élevés. Il faut évidemment retravailler le texte de 2019, mais nous ne pouvons en aucun cas mettre en danger nos collaborations internationales.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Piednoir, l’amendement n° II-354 rectifié est-il maintenu ?
M. Stéphane Piednoir. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-354 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures cinq.)
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Cohésion des territoires » (et articles 50 D et 50 E).
La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre – monsieur le baron noir, devrais-je dire, si l’on en croit la presse du jour… (Sourires.) –, mes chers collègues, je vais vous expliquer pourquoi la commission des finances a proposé de rejeter les crédits de la mission « Cohésion des territoires », bien qu’ils augmentent de 1,3 milliard d’euros, pour atteindre 19,4 milliards d’euros.
La question est moins celle du montant absolu des crédits que celle de leur utilisation et de la politique sous-jacente. Nous traversons en effet une crise historique du logement, que le Gouvernement persiste à ne pas vouloir affronter. C’est une bombe sociale majeure, mais, au travers de ce projet de loi de finances, il n’en a pas pris toute la mesure.
Cette crise est tout d’abord celle de l’offre. Il ne s’agit pas simplement d’une phase descendante d’un cycle économique, puisque les points bas des cycles précédents ont d’ores et déjà été dépassés sans qu’aucun signe annonce un redémarrage dans les mois, voire les années, à venir.
Nous le savons tous, le stock de logements est insuffisant ; les demandes de permis de construire sont en baisse, quand les mairies n’accordent pas de rabais – jusqu’à -66 %, dit-on – sur les droits à construire accordés. Le foncier se raréfie du fait du zéro artificialisation nette (ZAN) ; vous l’expliquez me prendrait des heures, mais je ne les ai malheureusement pas, monsieur le ministre.
Cette crise est ensuite celle des coûts de production et de la demande : les prêts accordés ont baissé de 51 % en un an seulement.
Cette crise est enfin celle de la confiance envers le secteur du logement, qui rapporte pourtant 97 milliards d’euros, pour 42 milliards d’euros investis, selon le rapport du compte du logement de 2022. Nous l’avons signalé en vain à M. le ministre Cazenave lors de l’examen de la première partie de ce projet de loi de finances.
Dans notre pays, il faudrait entre 460 000 et 580 000 logements nouveaux chaque année, même si ce chiffre fait débat, je le sais. En tout cas, nous en sommes loin ; la perspective du Gouvernement est de construire 100 000 à 150 000 logements neufs par an, alors que 3 millions à 4 millions de ménages sont mal logés et que 560 000 ménages attendent un logement locatif intermédiaire (LLI).
Par ailleurs, le logement social a atteint un niveau d’activité historiquement bas. Ses capacités financières sont rognées par la réduction de loyer de solidarité (RLS) et par la hausse du taux du livret A. Il ne joue plus son rôle contracyclique.
Près de 2,4 millions de Français attendent de se voir attribuer un logement, soit 170 000 personnes de plus en un an. Et c’est sans compter que le nombre de logements est bien trop faible dans certaines villes, alors que les besoins sont pourtant avérés. Et cette situation va s’aggraver.
Je pourrais aussi évoquer les effets de la loi Climat et résilience, qui exclut progressivement du marché les logements classés G, F, et E, soit près de 4,7 millions de logements, lesquels représentent près de 47 % du marché locatif privé.
Face à cette situation, on attendrait une réponse politique vigoureuse, car, sans un logement décent, il n’y a ni éducation ni emploi. Or le Gouvernement est sur la réserve et se contente de multiplier dans ce projet de loi de finances des mesures de faible ampleur, évitant ainsi de prendre le problème à bras-le-corps.
Ainsi, le Gouvernement parle de plein emploi, mais selon moi, les crédits du programme 177, « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », ne font qu’entraîner la hausse de la pauvreté, selon une tendance confirmée par l’Insee.
Le niveau du parc d’hébergements est au plus haut, puisqu’il compte 203 000 places. Pourtant, les associations ne cessent de nous alerter sur le nombre d’enfants ou de femmes enceintes à la rue, qui n’a jamais été aussi élevé.
À titre personnel, j’ai signé une tribune relayée notamment par la Fondation Abbé Pierre, qui révèle que 2 822 enfants – près de 700 d’entre eux ont moins de trois ans ! – sont refusés chaque soir par le 115, soit 41 % de plus en un an. Ils passent la nuit dehors avec leurs parents, dans une voiture ou sous une tente.
De plus, 12 % des étudiants renoncent à poursuivre leurs études pour des raisons liées au logement ; 87 000 d’entre eux sont sans domicile. L’accroissement du parc, qui compte 50 000 places de plus qu’il y a six ans, se fait surtout au travers de types d’hébergements, à l’instar des hôtels, depuis lesquels il est très difficile de basculer vers un logement stable. Et les demandes au numéro d’urgence 115 n’aboutissent pas, comme je l’ai indiqué.
En outre, chaque année, les crédits prévus en loi de finances initiale sont insuffisants ; de nouveaux crédits doivent être ouverts en fin d’année. De nouvelles pratiques avaient été annoncées voilà quelques années, mais, en réalité, la politique d’hébergement d’urgence est toujours gérée dans une perspective de court terme.
Le programme 109, « Aide à l’accès au logement », porte la très grande majorité des crédits de la mission, soit 13,9 milliards d’euros pour 2024, mais il s’agit d’une dépense de guichet, à l’instar des aides au logement.
Sous le contrôle de M. le rapporteur général, je dirai que les aides au logement sont à peu près le poste de dépenses, dans l’ensemble du budget général, où des économies significatives ont été réalisées depuis 2017, puisque les dépenses ont diminué de 18,1 % en euros constants. Toutefois, cela résulte non pas de réformes structurelles des dépenses de l’État, mais de mesures de restriction budgétaire, dont le coût est supporté par les bénéficiaires – leurs prestations ont été réduites – et par les bailleurs sociaux, qui prennent à leur charge la réduction de loyer de solidarité.
Quant au programme 135, « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat », il porte le cœur de la politique du logement du Gouvernement et illustre ses insuffisances. Les crédits prévus pour 2024 sont de 1,539 milliards d’euros, soit quasiment le double de ceux qui ont été ouverts par la loi de finances initiale pour 2023, principalement en raison du triplement de la subvention versée à l’Agence nationale de l’habitat (Anah), pour la rénovation énergétique du parc de logements privés.
Je ne puis qu’approuver l’accent mis sur la rénovation des logements : la tâche est évidemment immense, car en France ce parc compte 30 millions de logements. Toutefois ces crédits ont un effet d’affichage : les objectifs de MaPrimeRénov’ ne sont toujours pas atteints, les crédits ouverts n’étant que partiellement utilisés. Surtout, la politique du logement ne peut se limiter à la rénovation.
Non seulement le Gouvernement n’a pas de politique du logement, mais il n’est pas à la hauteur des enjeux soulevés par cette question.
J’identifie au moins trois domaines qui illustrent sa mauvaise compréhension des enjeux, laquelle confine à l’idéologie. Nous vous interrogerons d’ailleurs à ce sujet, monsieur le ministre.
Les mesures proposées dans ce projet de loi de finances témoignent bien de votre volonté de favoriser la location plutôt que la propriété individuelle. Je le dis, ce gouvernement a un problème avec la propriété, tout comme il a un problème avec le logement pavillonnaire !
Le logement abordable n’est favorisé que dans le cadre de la location. Or les Français sont, à juste titre, attachés au modèle du propriétaire occupant, surtout lorsqu’ils ont des revenus modestes, car il s’agit d’une sécurité pour l’avenir. C’est, je crois, l’un des enseignements à retenir des votes du Sénat au cours de l’examen de la première partie de ce projet de loi de finances.
Monsieur le ministre, je vous suggère de faciliter la mobilité du logement pour tous, y compris pour les propriétaires. Je vous invite également à travailler sur la fiscalité de l’acquisition des biens immobiliers. Elle représente une part bien trop importante des prélèvements relatifs au logement, puisqu’elle s’élève à plus de 40 milliards d’euros, selon mes discussions avec le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO).
Vous avez aussi un problème avec logement neuf, que vous combattez. Mme Wargon l’avait affirmé publiquement ; vous le prouvez au travers des mesures que vous adoptez.
Or la société a changé, les familles se séparent et la population vieillit. Nous avons toujours besoin de construire de nouveaux logements, et la rénovation ne suffira pas. La lutte contre l’artificialisation des sols ne doit pas être un prétexte pour figer le parc immobilier, dont la taille n’est pas adaptée aux enjeux.
Enfin, pour atteindre ces objectifs, il est impératif que vous laissiez faire ceux qui sont au premier chef concernés par le logement : les collectivités territoriales et leurs élus. À la planification dite écologique, imposée d’en haut par ceux qui savent ce qui est bon pour tous, récemment illustrée par l’installation des COP régionales, j’opposerai le travail des acteurs des territoires, notamment les établissements publics fonciers (EPF).
L’une des clés sera la constitution de foncières, gérées à l’échelon local.