Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le rapporteur spécial.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial. Je conclurai en évoquant le programme 147, « Politique de la ville », qui porte des crédits d’un montant de 634 millions d’euros pour 2024. La hausse est de 37 millions d’euros, ce qui correspond à la contribution de l’État au nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). Mais elle risque de ne pas suffire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Bernard Delcros, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient d’évoquer la partie à dominante rurale de cette mission.
Elle concerne le programme 112, « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », et le programme 162, « Interventions territoriales de l’État », qui rassemblent notamment les crédits du fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT).
Au total, les crédits de ces deux programmes s’élèvent à 468 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 371 millions d’euros en crédits de paiement (CP), auxquels s’ajoutent plus de 700 millions d’euros au titre des dépenses fiscales, incluant notamment les futures zones France Ruralités Revitalisation.
Ces crédits ont en réalité un fort effet levier sur de nombreux financements rattachés à d’autres missions, qui ont des conséquences concrètes sur le développement local.
Les crédits pour 2024 de cette mission me conduisent à évoquer plus particulièrement deux sujets.
En premier lieu, l’État poursuit sa politique contractuelle avec les territoires, notamment au travers du programme 112, dont les crédits augmentent de 17,8 % en AE et de près de 30 % en CP. Nous soutenons cette stratégie.
Tout d’abord, en ce qui concerne les contrats de plan État-région (CPER) et les contrats de plan interrégionaux État-régions (CPIER) pour la période 2021-2027, la plupart des protocoles ont été signés. Au total, la contractualisation mobilisera près de 28 milliards d’euros apportés par l’État.
Ensuite, j’évoquerai plusieurs programmes nationaux territorialisés et contractualisés à l’échelle locale, lesquels sont pilotés par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), au travers de la subvention pour charges de service public (SCSP).
Je pense aux programmes Action cœur de ville, qui se poursuit en 2024 pour renforcer l’attractivité des villes dites moyennes, et Petites Villes de demain, qui concerne 1 600 communes de plus petite taille jouant un rôle central dans leurs territoires. Ce programme s’accompagne de la mise en place des opérations de revitalisation de territoire (ORT), dont le déploiement se poursuit.
Il s’agit également des programmes Fabrique de territoires, lequel soutient la mise en place de tiers lieux, et Territoires d’industrie, qui a permis de labelliser 127 sites industriels.
Je salue la création cette année d’un nouveau programme destiné aux communes de plus petite taille, intitulé Villages d’avenir, qu’a annoncé la Première ministre en juillet dernier lors de la présentation du plan France Ruralités. Il se traduira dans un premier temps par l’installation dans les préfectures ou sous-préfectures de cent agents de l’État destinés à l’accompagnement des projets des petites communes retenues au titre du programme villages d’avenir, ainsi que par un renforcement des crédits d’ingénierie confiés à l’ANCT.
Cette belle avancée, que nous réclamions, s’inscrit véritablement en cohérence avec la politique de soutien aux territoires ruraux : petites villes, bourgs centres et, désormais, villages d’avenir.
Toutefois, au-delà du nécessaire soutien à l’ingénierie – il est aujourd’hui bien structuré, et ses crédits, doublés pour 2024, atteindront 40 millions d’euros –, nous devrons ouvrir de nouvelles perspectives pour financer les investissements des collectivités inscrits dans ces programmes nationaux, sans pour autant bien sûr pénaliser les autres collectivités.
Je pourrais aussi évoquer les programmes Volontariat territorial en administration, ou encore les conseillers numériques, qui sont prorogés.
En second lieu, le programme 112 comporte les crédits finançant les 2 600 maisons France Services – il y en aura 2 700 d’ici à la fin de l’année –, fixes ou mobiles, auxquelles sont affectés 55,7 millions d’euros, soit une hausse de 4 millions d’euros par rapport à 2023, et même de 53 % par rapport à la loi de finances initiale de 2023. Ce programme est lui aussi piloté par l’ANCT.
Je me réjouis de trouver dans ce budget 2024 la concrétisation de plusieurs propositions que nous avons formulées dans notre rapport France Services, une nouvelle étape vers un « service universel ». Je pense notamment à l’entrée au 1er janvier prochain de nouveaux opérateurs pour enrichir l’offre de services ; d’autres devraient les rejoindre en cours d’année.
Il s’agit également de la formation et du référencement des conseillers France Services, de la hausse du forfait par cet organisme, qui tiendra aussi compte des spécificités des territoires, ou encore de la désignation dans chaque département d’un chargé de mission à temps complet pour animer le réseau départemental.
Je salue le travail de grande qualité mené par l’ANCT pour déployer et coordonner le programme France Services. Il contribue à la réussite de ce programme aujourd’hui reconnu par tous les acteurs locaux.
L’ANCT voit ses missions et ses moyens renforcés. Ainsi, le plan France Très Haut Débit est désormais porté par cette agence, qui gère à ce titre un total de 423 millions d’euros, dont 800 000 euros sont rattachés au programme 112 pour la gestion de ce plan. De plus, la subvention pour charges de service public est portée à 81,5 millions d’euros, en hausse de 30 %. Enfin, le plafond d’emplois est rehaussé à 379, contre 375 en 2023.
Le programme 162, « Interventions territoriales de l’État », est doté de 80,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 33,1 millions d’euros en crédits de paiement. Les huit actions inscrites en 2023 sont reconduites, tout en enregistrant une diminution des crédits de 6 % en AE et de 46 % en CP.
Toutefois, il est toujours difficile d’avoir une bonne visibilité sur les crédits réellement affectés au programme 162, car près de la moitié sont opérés par des transferts de gestion en cours d’exercice. Aussi, au moment du vote du projet de loi, nous n’avons pas une bonne visibilité sur les crédits qui ont été réellement affectés.
En conclusion, nous sommes globalement favorables aux avancées et aux crédits des programmes 112 et 162, que je viens de présenter brièvement.
Toutefois, le vote porte sur l’ensemble des crédits de la mission et non seulement sur ces deux programmes. Aussi, la commission des finances a décidé de proposer le rejet des crédits de la mission pour ne pas avoir à voter ceux qui sont relatifs à la politique de la ville, comme l’a expliqué M. le rapporteur spécial Jean-Baptiste Blanc.
En conséquence, la commission des finances a émis un avis défavorable sur tous les amendements déposés sur la mission, même si certains d’entre eux, notamment ceux qui ont pour objet les programmes 112 et 162, avaient mérité d’être retenus. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne Chain-Larché, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les trois programmes consacrés au logement augmenteront globalement de 8,2 % en euros courants en 2024.
Ces hausses de crédits permettront notamment le développement des aides à la rénovation énergétique des logements privés et sociaux. Les moyens du dispositif MaPrimeRénov’ s’accroîtront fortement, et une enveloppe sera débloquée au profit des logements sociaux, comme cela a été annoncé.
On doit également souligner que plusieurs dispositifs seront améliorés conformément aux préconisations de la commission d’enquête du Sénat sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique pour accélérer les travaux et mieux accompagner les ménages. C’est une très bonne chose.
Cette tendance pourrait nous satisfaire, si elle reflétait la politique du Gouvernement dans son ensemble. Mais ces crédits, que nous examinons en seconde partie du projet de loi de finances, ne doivent pas pallier la volonté persistante du Gouvernement de diminuer son soutien au secteur, qui est pourtant en pleine crise.
Cette crise, à la fois conjoncturelle et structurelle, affecte le secteur en profondeur : les niveaux de constructions neuves sont plus faibles qu’au moment de la covid-19.
Malgré cela, le Gouvernement reste obnubilé par sa vision purement comptable et par son objectif de faire des économies, comptant sur la baisse des prix pour assurer l’ajustement et la relance du secteur. En agissant ainsi, il a oublié que le logement est non pas une marchandise comme les autres, mais un bien essentiel.
Dans l’édition 2022 de son étude sur le logement social, Perspectives, la Caisse des dépôts et consignations estime que les bailleurs seront capables de construire seulement 66 000 logements neufs par an à l’avenir, soit la moitié de l’objectif officiel et bien moins que les besoins estimés. C’est tout simplement catastrophique.
Monsieur le ministre, avec un tel nombre de constructions neuves, la marche vers un modèle résiduel est inéluctable.
La situation de la promotion immobilière privée n’est pas meilleure : près de 300 000 emplois sont en jeu dans les deux ans à venir.
Le blocage généralisé du marché immobilier auquel nous assistons est une crise autant du parcours résidentiel et de l’accession à la propriété que de l’investissement locatif. Il est peut-être temps de remettre l’église au milieu du village, si j’ose dire ! Loger les touristes pour les jeux Olympiques et Paralympiques est sans doute nécessaire, mais il me paraît plus important de loger les travailleurs essentiels et d’offrir un habitat digne et abordable à tous nos concitoyens !
C’est pour l’ensemble de ces raisons que la commission a décidé de donner un avis défavorable sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Viviane Artigalas, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement présente cette année un budget en hausse de 6,2 % pour le programme 147, « Politique de la ville ». Mais l’augmentation des crédits et la politique de la ville qui est actuellement menée sont-elles à la hauteur des enjeux, tout particulièrement après les émeutes urbaines de l’été dernier ?
La hausse des crédits est en partie en trompe-l’œil. En effet, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) en bénéficie quasi exclusivement ; les moyens consacrés aux autres actions diminueront en euros constants, puisqu’ils augmenteront moins vite que l’inflation.
En outre, la contribution de l’État à l’Anru suscite trois sujets d’inquiétude.
Premièrement, l’État est loin du compte, si je puis dire, car l’essentiel de la charge financière a été reporté au prochain quinquennat.
Deuxièmement, à la suite de la hausse des coûts, les communes pauvres auraient besoin d’un soutien particulier, puisque le NPNRU est une enveloppe fermée.
Troisièmement, nous sommes inquiets de l’incapacité de l’État à augmenter sa contribution à l’Anru, de même qu’à d’autres actions, comme les cités éducatives, qui risquent de mettre en péril leur avenir. Le renouvellement urbain ne peut produire des résultats que s’il est suivi d’une politique tout aussi déterminée d’accompagnement humain.
Par ailleurs, au regard des émeutes de l’été, je trouve la réponse du Gouvernement tardive et inconstante.
Elle est tardive, parce que le comité interministériel des villes (CIV), qui était attendu de longue date après avoir été repoussé plusieurs fois, n’a fait qu’entériner des propositions souvent anciennes. Certes, le Président de la République a annoncé la généralisation des cités éducatives, mais il s’agissait d’une proposition du rapport de Jean-Louis Borloo sur la situation des quartiers prioritaires de la politique de la ville, qu’il a lui-même rejeté voilà cinq ans.
Mme Borne a annoncé la future publication du décret relatif aux résidences à enjeu de mixité sociale, mais celle-ci était attendue depuis plus de deux ans, pour mettre en œuvre cette disposition imposée par le Sénat dans la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS. Que de temps perdu !
Je trouve aussi que la réponse du Gouvernement est inconstante. En effet, les émeutes ont souligné le besoin d’éducateurs et de médiateurs le soir et le week-end dans les quartiers.
Comment, dès lors, expliquer l’arrêt des bataillons de la prévention, dispositif pourtant conforté lors du précédent CIV et dont j’ai vu les effets positifs à Nice ou à Reims ? Comment se satisfaire des difficultés de financement persistantes des petites associations, à l’instar de celles que rencontre l’association que j’ai visitée à Vaulx-en-Velin, dont l’action pour prévenir les rodéos urbains est remarquablement efficace ?
En conclusion, malgré la hausse des crédits, je ne trouve pas dans la politique menée la cohérence et l’ambition qui sont nécessaires pour répondre aux enjeux des quartiers prioritaires, laquelle passe par une programmation d’action et des moyens crédibles à moyen terme.
Aussi, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires ». (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Fabien Genet applaudit également.)
Mme Nadia Sollogoub, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme 177, « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », comporte les crédits budgétaires de la politique publique de lutte contre le sans-abrisme.
À ce sujet, mes auditions m’ont permis de dresser un constat sans appel : la situation est dramatique et elle s’aggrave. Le 2 octobre 2023, quelque 8 350 personnes ont appelé le 115, lequel n’a pas pu leur trouver de solution d’hébergement pour la nuit. Parmi elles, il y avait plus de 2 800 enfants. Et c’est sans compter ceux qui n’ont pas contacté le numéro d’urgence, pour diverses raisons. Le taux de non-recours pourrait être de 70 % ! On ne voit donc que la partie émergée de l’iceberg.
La hausse du coût de la vie fragilise les ménages et les expulsions locatives se multiplient. On parle non plus de « crise migratoire », mais d’un « flux continu ».
En conséquence, des millions de ménages sont bloqués dans des hébergements d’urgence ou attendent de se voir attribuer un logement social, qui n’est même pas en construction. Pourtant, l’hébergement d’urgence n’a de sens que s’il est suivi d’un accès au logement. Pendant ce temps, ceux qui sont à la rue restent bloqués dans le sans-abrisme.
Certes, le Gouvernement a souhaité maintenir les hébergements d’urgence à un niveau historique de 203 000 places ouvertes sans condition de saisonnalité, mais cet effort, que je souligne, reste insuffisant face à l’augmentation des besoins.
Les associations, qui sont en première ligne sur le terrain, confirment que les personnes hébergées en urgence n’ont pas de solution de sortie. Par ailleurs les publics évoluent : ils sont de plus en plus fragiles, parfois sans situation administrative ; les familles ont remplacé les hommes seuls. Les besoins d’accompagnement devraient être pris en charge spécifiquement.
Le deuxième plan Logement d’abord prévoit le recrutement de 500 ETP, ce qui est une excellente disposition, mais elle est pour l’instant aléatoire, tant le secteur peine à recruter.
Les structures associatives sont très fragilisées, précisément à cause du fonctionnement du programme budgétaire dont nous débattons aujourd’hui.
Les crédits votés en début d’exercice n’intègrent pas les hausses de charge, ils sont sous-calibrés et fonctionnent en stop and go, ce qui induit d’énormes difficultés de trésorerie et une situation chroniquement aléatoire. La recherche de financements se fait au détriment du travail social, qui est chronophage et anxiogène. Lorsqu’un système est financièrement en tension, ce sont les humains qui craquent, à l’instar de ce qui s’est passé dans les hôpitaux.
Paradoxalement, on demande aux structures de signer des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM), dont les programmations sont pluriannuelles, alors que les engagements financiers de l’État sont de très court terme.
Monsieur le ministre, le logement, c’est à la fois la trappe par laquelle on chute lorsqu’on le perd et la porte d’entrée vers la vie sociale lorsqu’on le retrouve.
Reconnaissant les efforts qui sont faits, et en espérant donner ainsi un minimum de visibilité aux associations, je vais proposer, au nom de la commission des affaires sociales, de voter les crédits de ce programme.
Cependant, le compte n’y est pas, et nous le savons. Aujourd’hui, les services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO) mettent en place ce que l’on appelle des critères de priorisation, lesquels sont en fait des critères de tri des publics accueillis.
Monsieur le ministre, les enfants qui dorment dans la rue ne sont pas des statistiques ! Confrontés à l’amplification de ce phénomène, les maires sont démunis et n’ont pas les outils.
Aussi, monsieur le ministre, faites plus, c’est urgent. Nous ne pouvons pas nous habituer à une telle situation. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Sébastien Fagnen, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les enjeux d’aménagement numérique du territoire sont au centre de la politique assurant la cohésion de nos territoires.
À ce titre, je tiens à aborder la question du déploiement de la fibre optique. Près de 83 % de nos concitoyens y sont désormais raccordables, mais des disparités demeurent. Les opérateurs ont en effet freiné leur rythme de déploiement, qui est jugé « très insuffisant » par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), notamment dans les zones d’appel à manifestation d’intention d’investissement, dites zones Amii.
Nous constatons toutefois que, dans les zones d’initiative publique, là où les collectivités territoriales installent elles-mêmes la fibre, le dynamisme des raccordements est élevé. Saluons donc leur esprit d’initiative et leur engagement sans faille au service de nos concitoyens.
Je souhaite en outre vous alerter sur un cas unique : à Mayotte le déploiement de la fibre n’a pas commencé ! L’État n’a pas prévu les crédits nécessaires. Cet oubli est un manquement criant à l’impératif d’égalité des territoires. La commission de l’aménagement du territoire a donc déposé un amendement visant à corriger cette regrettable anomalie.
Par ailleurs, il apparaît plus que jamais nécessaire d’évoquer l’enjeu de la résilience des réseaux. Dans un contexte de dérèglement climatique, donc de multiplication d’événements météorologiques extrêmes, il me semble opportun d’entamer sans attendre une réflexion collective sur ce point.
Je ne puis m’empêcher d’aborder le sujet de la qualité du raccordement. Le Gouvernement compte-t-il enfin agir et inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale la proposition de loi, adoptée à l’unanimité au Sénat, de notre collègue Patrick Chaize visant à assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, dont je salue l’initiative ? (Mme Sophie Primas applaudit.)
J’insiste tout particulièrement sur ce sujet, car il nous faut agir vite : le réseau cuivre entame en 2024 sa fermeture progressive, qui va durer jusqu’à la fin de la décennie. Nous ne pouvons pas couper l’ADSL à nos concitoyens et les renvoyer vers une infrastructure de mauvaise qualité.
J’en viens maintenant aux enjeux relatifs aux usages du numérique. Nous estimons à 14 millions le nombre de nos concitoyens qui souffrent aujourd’hui d’illectronisme, c’est-à-dire qui ont des difficultés à utiliser des appareils numériques. Ce fléau touche toutes les générations.
Le Gouvernement a ainsi annoncé poursuivre pour trois ans le dispositif des conseillers numériques France Services.
Cependant, le soutien financier de l’État sera moins élevé qu’auparavant pour les collectivités, qui doivent, encore une fois, faire face à un transfert de charges pernicieux. Elles créent des postes avec le soutien de l’État. Cette offre suscite des attentes chez nos concitoyens. Puis, les financements de l’État diminuent, mais la demande, elle, ne faiblit pas.
Mes chers collègues, l’aménagement numérique du territoire est aujourd’hui à la croisée des chemins. Du côté aussi bien des infrastructures que des usages, une nouvelle ambition est nécessaire pour assurer la qualité et la pérennité des réseaux, ainsi que l’égal accès des pratiques à tous nos concitoyens, sans exception.
En prenant en compte les alertes évoquées dans mon intervention, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a rendu un avis favorable sur les crédits relatifs au volet de l’aménagement numérique de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’abstiendra sur les crédits des programmes 112 et 162, considérant que le renforcement de l’ingénierie dans le cadre du plan France Ruralités ne pourra soutenir efficacement l’investissement local si, en parallèle, les dotations d’investissement restent quasiment constantes.
La création de l’ANCT n’a pas conduit à la fusion de l’ensemble des opérateurs de l’aménagement du territoire : cinq d’entre eux subsistent, avec lesquels un dispositif de coordination a été constitué. Il est même rare que ces opérateurs citent l’agence dans leurs exposés.
Heureusement, les conventions de coordination de deuxième génération avec ces opérateurs, signées en novembre 2023, semblent prendre en compte les alertes du Sénat quant au manque de lisibilité d’une action publique morcelée. Nous pouvons nous en féliciter.
Il faut aujourd’hui aller plus loin. Quatre ans après la création de l’agence, il me paraît nécessaire de commencer à s’interroger sur les périmètres respectifs de l’ANCT et de ses partenaires, afin de renforcer la cohérence de l’action de l’État.
Ensuite, concernant les contrats de réussite pour la transition écologique (CRTE), je partage leur ambition : ils ont vocation à rationaliser la contractualisation locale. Pour autant, je constate qu’ils n’ont que partiellement rempli leur objectif.
Les CRTE sont encore en concurrence avec d’autres dispositifs contractuels, tandis que la sélection des projets s’est trop souvent résumée à une agrégation d’investissements de la part des communes, sans logique de priorisation.
Nous souhaitons que les CRTE de deuxième génération jouent enfin pleinement leur rôle de contrats intégrateurs.
Je terminerai en évoquant la question des ouvrages d’art des collectivités, et plus particulièrement des ponts routiers. Notre commission a publié deux rapports sur le sujet, l’un en 2019, signé par Hervé Maurey, Patrick Chaize et Michel Dagbert, l’autre en 2022, par Bruno Belin.
Aussi, nous examinerons tout à l’heure des amendements visant à acter un soutien financier de l’État aux collectivités territoriales pour le recensement et le diagnostic de ces ponts, mais aussi, et surtout, à les accompagner dans la réparation des ouvrages posant des problèmes de sécurité.
Le programme national Ponts du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) offre une première réponse intéressante. Les amendements du rapporteur général au deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2022 et, plus récemment, au projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023, ont eu pour objet de l’amplifier.
Il convient de poursuivre cette montée en puissance, car les besoins de financement en matière de travaux de réparation représentent entre 2 milliards d’euros et 3 milliards d’euros, uniquement pour les ponts appartenant au bloc communal.
Vous le voyez, monsieur le ministre, le chantier est colossal. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Ronan Dantec. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Ronan Dantec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, articulée autour de programmes relatifs aux politiques d’hébergement, du logement, de l’urbanisme et de la ville, qui sont autant d’enjeux majeurs pour notre pays, la mission « Cohésion des territoires » connaît une réévaluation de ses crédits de paiement pour 2024 de 5 % en euros constants.
La question qui nous est posée est la suivante : est-ce suffisant ? La réponse est non, évidemment, les rapporteurs qui se sont succédé à la tribune l’ont montré.
Permettez-moi de souligner à quel point les difficultés d’accès au logement, qui varient selon les territoires ou les types d’offres de logement, sont en train de déstabiliser profondément la société française.
Nous attendons du Gouvernement et de l’ensemble des pouvoirs publics, y compris des collectivités territoriales, des réponses à la hauteur de cette déstabilisation. Or force est de constater que les crédits alloués ne sont pas à la hauteur des besoins que nous ressentons sur le terrain.
Je retiens quelques points importants.
Premièrement, nous faisons face à une urgence concernant le logement social. L’affaiblissement de la capacité des organismes HLM à produire suffisamment de logements sociaux a de multiples causes, mais les choix précédents, tels que la baisse des aides personnelles au logement (APL), en réduisant, par effet domino, leurs fonds propres, en sont l’une des raisons essentielles.
Les bailleurs sociaux considèrent que les différentes ponctions financières de l’État depuis 2017 ont grevé leurs budgets de 1,3 milliard d’euros. Il faut donc les consolider de nouveau et renforcer le Fonds national des aides à la pierre (Fnap). Il y a urgence à financer les nombreuses opérations de développement et d’amélioration du parc de logements locatifs sociaux nécessaire pour répondre à la demande.
Nous appelons à la mise en place d’un programme quinquennal de production de logements sociaux en France métropolitaine, via un abondement de 1 milliard d’euros par an. Je sais dans quel contexte nous allons travailler ce soir, mais une telle mesure est absente du projet de loi de finances qui nous est soumis.
Deuxièmement, en France, près d’un logement sur cinq est une passoire thermique. Sur les 700 000 rénovations par an annoncées par Emmanuel Macron en mars 2022 – MaPrimeRénov’ sera examinée lundi prochain –, moins de 10 % sont des rénovations globales, les seules capables de garantir le label « basse consommation », qui devrait s’appliquer à tout le parc de bâtiments en moyenne d’ici à 2050.
Les logements sociaux et très sociaux souffrent particulièrement de cette situation de précarité énergétique. À l’occasion du 83e congrès HLM, qui s’est tenu à Nantes du 3 au 5 octobre dernier, le Gouvernement a annoncé la création d’un fonds de 1,2 milliard d’euros, dédié à la rénovation du parc social pour les trois prochaines années, soit 400 millions d’euros par an. Cette disposition est bien incluse dans ce projet de loi de finances, mais à hauteur de 40 millions d’euros en crédits de paiement seulement, qui diffèrent donc grandement des autorisations d’engagement.
Si louable soit-elle, cette initiative gouvernementale ne suffira pas à couvrir les besoins financiers nécessaires à la rénovation du parc social, lesquels sont de l’ordre de 9 milliards d’euros par an, selon l’Union sociale pour l’habitat (USH).
C’est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, en cohérence avec la recommandation n° 17 du rapport de la commission d’enquête sur la rénovation énergétique que nous avons conduite cette année et dont Guillaume Gontard était le rapporteur, propose d’allouer une enveloppe de 1,5 milliard d’euros à la rénovation énergétique des logements sociaux.
Troisièmement, dans le contexte d’inflation et de réduction du reste à vivre que nous venons de connaître, le nombre de personnes en grande précarité a bondi. La première urgence est de leur fournir un toit, car il s’agit, là encore, d’un élément profond de déstabilisation de la société française.
Pour ce faire, nous proposons de créer 10 000 places d’hébergement d’urgence supplémentaires, 6 000 places pour conjurer le scandale que représentent les enfants à la rue et 1 000 places pour les femmes victimes de violences conjugales. En outre, nous souhaitons augmenter les crédits de l’hébergement d’urgence pour les personnes à mobilité réduite sur le territoire et les femmes sans-abri sortant de maternité.
Quatrièmement, sans vouloir être exhaustif, la mission « Cohésion des territoires » intègre quelques enjeux environnementaux.
Il importe ainsi d’affronter notre responsabilité collective dans le scandale environnemental et social du chlordécone, qui s’est poursuivi sous une succession d’acteurs et de gouvernements. Il nous faut donc allouer de nouvelles ressources à la recherche sur les impacts sanitaires de ce produit, qui a intoxiqué les Antilles, ainsi que sur ses effets sur la biodiversité. Nous proposerons d’augmenter le budget consacré à cette question.
Nous demanderons également la hausse des crédits du programme de lutte contre les algues vertes, en gardant à l’esprit que seule une mutation en profondeur du modèle agricole breton permettra de répondre à ce fléau.
Telles sont nos positions sur cette mission, dont il est toutefois probable que les crédits ne soient en définitive pas votés. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)