M. le président. La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lutte contre le terrorisme, contre la délinquance quotidienne, contre la cybercriminalité ou encore contre les feux de forêt… voilà donc une mission aux enjeux hétérogènes, mais sûrement pas hétéroclites !
Ces différentes actions n’ont finalement qu’un seul objet : garantir la sûreté dans notre Nation, ce qui constitue le préalable pour une société qui aspire à une vie paisible.
Le discours sur la sécurité est trop souvent l’objet de préjugés ou de confiscations par une partie de la classe politique. C’est un tort : l’État doit être le gardien de la liberté individuelle de chacun.
Et pour y parvenir, il est nécessaire qu’un nombre suffisant de femmes et d’hommes se mobilisent et se dévouent pour garantir la sécurité quotidienne de nos concitoyens.
Aussi, je vais partir d’une observation simple sur ce PLF pour 2024 : le budget alloué à la police nationale est en hausse, tout comme celui de la gendarmerie nationale ; cela nous convient.
Bien entendu, une telle augmentation était attendue après l’adoption de la Lopmi, qui intervient dans un contexte d’extrême sollicitation des forces de l’ordre, notamment dans le cadre de la préparation des jeux Olympiques de 2024.
Nous la saluons, d’autant plus que nous sortons de l’organisation de la Coupe du monde de rugby, qui, si elle ne s’est pas traduite par une victoire de nos Bleus sur le terrain,…
M. Bruno Belin, rapporteur spécial. À notre grand regret !
M. Michel Masset. … aura été un succès certain en matière de sécurité publique.
Les craintes étaient légitimes après les incidents au Stade de France – je parle du ballon rond cette fois-ci – lors de la rencontre entre Liverpool et le Real Madrid, au mois de mai 2022.
Réjouissons-nous que notre pays demeure capable d’accueillir de tels événements mondiaux ! Il ne reste plus qu’à espérer que cela se poursuive ainsi lors des jeux Olympiques et Paralympiques l’été prochain.
Il est donc prévu de renforcer les effectifs, notamment via le recrutement de nouvelles unités de force mobile, spécialisées dans la sécurisation des grands événements, ou encore d’augmenter ceux des réserves opérationnelles.
Ces recrutements me conduisent à aborder un sujet qui nous semble fondamental – les orateurs précédents l’ont évoqué –, celui de la formation des agents.
Je vais me faire le relais de l’excellent rapport d’information sur la formation initiale et continue des personnels de la police et de la gendarmerie nationales publié au mois de mars dernier par nos collègues Maryse Carrère et Catherine Di Folco. Elles y ont dressé un bilan tranché : les réseaux de formation sont sous pression constante depuis dix ans, notamment du fait de la réduction des infrastructures et de l’augmentation des recrutements et des besoins de formation.
À ce manque de moyens s’ajoutent d’autres carences. D’un côté, la formation initiale est confrontée à une baisse du niveau des élèves. De l’autre, la formation continue n’est pas suffisamment rapprochée des besoins des équipes de terrain.
Ainsi que vous l’aviez souligné lors de l’examen de la Lopmi, puis des crédits de cette même mission l’an dernier – comme je n’étais pas sénateur à cette époque, je prends le risque de vous répéter –, s’il est nécessaire d’augmenter le nombre d’agents pour répondre au surmenage des services, cette augmentation doit être accompagnée d’un gage de qualité ! Les agents doivent être correctement formés. Cela concerne tant la formation initiale que la formation continue, trop souvent délaissée au cours de la carrière. Je pense notamment à la formation au maintien de l’ordre.
J’ai commencé avec les policiers et gendarmes, mais ces remarques valent également pour les acteurs de la sécurité civile, en particulier nos sapeurs-pompiers.
Nous sommes satisfaits que le Gouvernement ait ajusté sa copie lors de l’examen de ces crédits devant l’Assemblée nationale au moyen d’un amendement visant à abonder le budget du programme 161 « Sécurité civile » de près de 215 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 145 millions d’euros en crédits de paiement. Nous aurions souhaité davantage, mais c’est déjà un très bon départ. Je rappelle le rôle essentiel des sapeurs-pompiers dans nos territoires, puisqu’ils exercent une mission de premiers secours.
Par le passé, la hausse des crédits restait relativement limitée, en raison à la fois du contexte inflationniste, mais aussi de l’augmentation incessante du nombre d’interventions du Sdis.
Nous nous réjouissons donc que les crédits du programme 161, à l’instar de ceux des autres programmes 176 « Police nationale » et 152 « Gendarmerie nationale », augmentent.
Aussi, mes chers collègues, vous aurez compris que le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen votera en faveur de l’adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et UC.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. Olivier Bitz. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec l’examen des crédits alloués à la mission « Sécurités », nous sommes au cœur de l’exercice par l’État de ses fonctions régaliennes.
Au préalable, il me semble nécessaire de rappeler l’architecture financière globale des ressources accordées à ces fonctions régaliennes.
Mes chers collègues, vous le savez bien, les missions permettant à l’État d’assurer ses fonctions ont été fortement négligées par les majorités qui se sont succédé depuis une trentaine d’années. Nos armées ont été budgétairement asphyxiées, et leurs capacités opérationnelles considérablement réduites. Les conditions d’exercice de la justice n’étaient pas dignes d’un grand pays comme le nôtre. Nos forces de sécurités intérieures, quant à elles, ont été confrontées à une carence en moyens humains et matériels, que seul un engagement exceptionnel des policiers et des militaires de la gendarmerie est venu en partie compenser, alors même que les tensions au sein de la société étaient déjà grandissantes. Enfin, les défis représentés par l’évolution des risques liés à sécurité civile liés au changement climatique n’étaient tout simplement pas pris en compte.
Ce quinquennat sera celui de la reprise en main par l’État de ses fonctions régaliennes. Ainsi, avec le soutien du Parlement, et en particulier de la Haute Assemblée, auront pu être adoptées : la loi relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030, qui consacre 118 milliards d’euros supplémentaires au budget de la défense ; la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, qui augmente ses crédits de plus de 60 % ; la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, qui augmente de 15 milliards d’euros supplémentaires son budget sur cinq ans.
Au total, ce quinquennat sera celui de la restauration de la capacité de l’État à asseoir son autorité, dans un contexte que nous savons de plus en plus complexe.
En ce qui concerne plus particulièrement les crédits de la mission « Sécurités », nous constatons avec satisfaction que, pour la deuxième année consécutive, les engagements pris par la Gouvernement dans le cadre de la Lopmi trouvent leur traduction budgétaire, en espèces sonnantes et trébuchantes, dans le PLF.
En 2024, pour les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale », les crédits augmentent de 1,16 milliard d’euros en autorisations d’engagement et d’un peu plus de 1 milliard d’euros en crédits de paiement. Les effectifs sont sensiblement renforcés, sous l’effet de la création de 1 139 emplois dans la police nationale et de 1 045 emplois dans la gendarmerie. Ces moyens supplémentaires permettront de mieux assurer la sécurité de nos concitoyens.
Permettez-moi de me réjouir tout spécialement de la création de 239 brigades de gendarmerie, qui viennent conforter le maillage territorial, essentiellement en zone rurale.
La création de ces nouvelles brigades va toutefois remettre en perspective la politique immobilière de la gendarmerie. À cet égard, le système en vigueur actuellement n’est pas satisfaisant. Les collectivités locales sont en effet beaucoup trop sollicitées pour ce qui relève d’une compétence régalienne.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Olivier Bitz. Sans même évoquer le contexte inflationniste, les évolutions décidées par l’État des normes sécuritaires et environnementales ont considérablement renchéri les coûts des projets de caserne. Aussi, les collectivités doivent de plus en plus mettre la main à la poche.
Pour faire passer la pilule, et parce que les loyers versés par l’État central sont bien souvent insuffisants pour couvrir les annuités des emprunts contractés, l’État local se voit de plus en plus fréquemment contraint de soutenir également les collectivités dans ces projets immobiliers par l’attribution de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), ce qui se fait évidemment au détriment des soutiens apportés aux projets soutenus par les collectivités. Une remise à plat du système nous semble aujourd’hui nécessaire. (Mme Nathalie Goulet acquiesce.)
Pourtant, l’État sait très bien faire ! Par exemple, au sein des services du ministère de la justice, grâce à l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (Apij), tout fonctionne normalement !
Mme Nathalie Goulet. C’est moins sûr… (Mme Dominique Vérien acquiesce.)
M. Olivier Bitz. Nous nous félicitons également de la création en 2024 de cinq unités de force mobile supplémentaires, qui seront notamment indispensables pour la sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques.
En ce qui concerne le programme 161 « Sécurité civile », les moyens budgétaires s’inscrivent en toute cohérence avec les annonces faites par le Président de la République après l’été 2022, puisque les crédits de paiement sont en hausse 23 % en un an. C’est considérable !
Mme la rapporteure pour avis Françoise Dumont, dont je tiens à saluer la qualité du travail, a d’ailleurs souligné que les crédits de paiement avaient augmenté de 76 % par rapport à la moyenne de la précédente décennie.
Cette hausse très importante est évidemment rendue indispensable par l’évolution des risques. L’État est particulièrement au rendez-vous budgétaire à propos des moyens nationaux de la sécurité civile.
Nous savons cependant que 80 % des sommes dédiées à la sécurité civile le sont par les services départementaux d’incendie et de secours, qui sont essentiellement financés par les collectivités. Certes, l’État est venu concrètement à leur soutien, au moyen du pacte capacitaire. Mais il faudra nécessairement revoir les modalités de leur engagement dans les années à venir.
Osons le dire : certains Sdis sont aujourd’hui sous-financés ; d’autres doivent encore prendre toute la mesure des évolutions à conforter ! Ainsi, l’évolution des risques doit également conduire, outre les seules questions opérationnelles, à une réforme du financement des Sdis, dont les enjeux financiers seront d’une tout autre ampleur.
La mission « Sécurités » du PLF 2024 apporte donc de très nombreuses satisfactions. Nous sommes convaincus que les budgets alloués permettront de faire face aux besoins.
Cependant, je ferai deux observations.
D’une part, l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques par la France aura, bien évidemment, des conséquences extrêmement lourdes quant à l’emploi des forces de sécurité et quant aux moyens alloués en la matière, non seulement pour sécuriser les jeux, mais également pour réduire les vulnérabilités dans tout le territoire national au même moment. Quelle que soit la qualité du travail de prévision budgétaire, celui-ci ne peut évidemment pas anticiper tous les besoins qui se font jour au fur et à mesure de l’avancement de l’organisation de l’événement.
D’autre part, quelles que soient la réalité et la force de la volonté politique, ainsi que l’inscription des crédits en PLF qui en découle, la possibilité d’exécuter la dépense risque d’être confrontée à la réalité du recrutement, en matière de ressources humaines, et aux capacités industrielles de production, en matière de matériels.
La capacité de l’outil industriel à répondre aux commandes est au cœur des préoccupations de la sécurité civile. Nous pouvons le constater aujourd’hui dans la mise en œuvre du pacte capacitaire avec des délais de livraison des matériels, pourtant financés et commandés, qui s’allongent terriblement.
Nous l’observons également à propos des moyens aériens. Je pense en particulier aux canadairs, dont la chaîne de production est à l’arrêt depuis maintenant de nombreuses années.
Dans un contexte mondial de reprise extrêmement forte des commandes d’aéronefs civils, comment mobiliser une chaîne de production spécifique pour un marché, qui – il faut bien le dire – est un marché de niche, même à l’échelon européen ?
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Olivier Bitz. Nous débattrons plus tard de l’acquisition d’hélicoptères lourds. Le renouvellement de la flotte d’hélicoptères légers de la sécurité civile par l’obtention de H145 permettra, avec des ajustements relativement minimes, de conforter le maillage territorial, notamment en matière de lutte contre les feux de forêt.
M. le président. Veuillez conclure.
M. Olivier Bitz. Ce plan de court terme doit être développé. (M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mmes Nadia Sollogoub et Dominique Vérien applaudissent également.)
M. Jérôme Durain. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales interrogations concernant cette mission sont liées à l’application de la Lopmi, mais aussi, sans surprise – d’autres orateurs l’ont rappelé –, aux conséquences de l’organisation des jeux Olympiques.
Comme vous le savez, les sénateurs socialistes avaient fait le choix responsable de voter la Lopmi. Si tout ne nous allait pas dans ce texte, il nous semblait juste et utile de soutenir une politique budgétaire assumant une hausse des moyens consacrés à la sécurité. Ce vote ne valait pas pour nous quitus sur l’ensemble de nos différends avec le Gouvernement qui, s’il était besoin de le préciser, restent nombreux !
Cette Lopmi sous-tendait des hausses d’effectifs. Les créations de postes se poursuivront en 2024 avec l’annonce de 2 184 policiers et gendarmes supplémentaires. Pourtant, le diable se cache dans les détails.
Hasard du calendrier, le service public, dans Envoyé Spécial, sur France 2, traite ce soir du « Blues des bleus ». L’émission est ainsi présentée : « La police nationale subit une vague de démissions inédite et de grande ampleur. Confrontés à des missions de plus en plus violentes et à la détestation d’une partie de la population, les gardiens de la paix sont en proie à un profond mal-être. » En effet, la question du recrutement et de la formation du personnel est au cœur de nos débats.
La Cour des comptes, dans son rapport publié au printemps 2023 Analyse de l’exécution budgétaire 2022. Mission « Sécurités », relatif au projet de loi de finances 2022, souligne : « pour répondre à l’objectif politique d’un “recrutement massif de policiers et de gendarmes”, les responsables de programme sont contraints de dégrader la qualité des recrutements et des formations, d’autant que les viviers de recrutement s’assèchent peu à peu. »
De fait, les forces de l’ordre entrent en concurrence avec d’autres recruteurs, comme les polices municipales, les sapeurs-pompiers, la sécurité privée et les forces armées, dont les effectifs et agents sont également amenés à croître dans les prochaines années. À titre d’exemple, la même Cour des comptes, dans une note du mois de novembre 2021, relevait déjà que, de 2014 à 2020, le taux d’admission au concours de gardien de la paix était passé de 2 % à 18 % des candidats, tandis que les formations de gardien de la paix et d’officier avaient été raccourcies.
S’agissant de la formation, justement, le projet de loi de finances soulève des interrogations sur la réalité des moyens alloués, comme d’autres orateurs l’ont souligné. Un des objectifs de la Lopmi est d’augmenter de 50 % le temps de formation continue des policiers. Les indicateurs présentés dans les documents budgétaires font plutôt état d’une légère dégradation de l’effort de formation, puisque, de 2021 à 2022, le nombre d’heures de formation continue individuelle ou collective par actif est en diminution : 31,20 heures en 2021, 30,90 heures sur l’année 2022.
Pour inverser cette tendance et atteindre les objectifs fixés par la Lopmi, des moyens supplémentaires devront être mobilisés. Or les dépenses de formation du programme « Police nationale » connaissent une forte baisse de 31,5 %, puisqu’ils passent de 43,2 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2023 à 29,7 millions d’euros au projet de loi de finances 2024. Par ailleurs, les documents budgétaires évoquent en plusieurs occasions un « renforcement du nombre de formateurs » sans que nous en trouvions la traduction concrète, notamment financière.
Interpellé à ce sujet lors de son audition par la commission des lois de l’Assemblée nationale, le ministre Darmanin a contesté ces chiffres, affirmant : « Les crédits de formation en personnel ne baissent pas – soit il y a des coquilles dans le document budgétaire, soit il faudra le relire ensemble : ils sont passés de 23 millions en 2022 à 29 millions en 2023 et seront de 30 millions l’année prochaine, avec 4 500 équivalents temps plein et 72 ETP recrutés et créés, en sus des policiers qui basculent dans la formation. »
Si le chiffre pour 2024 est bien exact, soit 29,7 millions d’euros pour être précis, et non 30 millions d’euros, les documents budgétaires comprennent pour 2023 non pas 29 millions d’euros, comme l’indique le ministre, mais 43,3 millions. Les crédits alloués à la formation sont donc en baisse !
Quant aux soixante-douze ETP, le fait que le ministre les qualifie de « recrutés et créés » laisse entendre qu’il s’agit de postes déjà en place, et non de postes supplémentaires pour l’année à venir. D’ailleurs, les documents budgétaires pour 2024 n’évoquent pas ces soixante-douze ETP. Sur ces deux points, des éclaircissements de Mme la ministre seraient bienvenus !
À propos de cette mission « Sécurités », il convient de rappeler l’implication de la commission des affaires étrangères dans l’examen des crédits de la gendarmerie nationale. Ce programme est suivi par deux corapporteurs, Philippe Paul et Jérôme Darras, que je salue.
Sur cette question, les crédits de la mission semblent bien s’inscrire dans la trajectoire de la Lopmi, sous réserve d’évoquer plusieurs points de vigilance. En effet, l’accroissement des dépenses de personnel du titre 2, dont nous pouvons nous satisfaire, se fera au détriment des dépenses de fonctionnement et d’investissement.
L’immobilier était déjà un enjeu crucial pour la gendarmerie. Or les problèmes seront accentués par les besoins de logement des nouvelles brigades, fixes et mobiles, par les collectivités d’accueil. Par exemple, dans mon département, les solutions reposent beaucoup sur la bonne volonté du conseil départemental, même si le sujet dépasse ses compétences. Nous avons donc proposé des amendements, sur l’initiative notamment de notre collègue Olivier Jacquin, ayant pour objet cette problématique des casernes.
En outre, les dépenses de fonctionnement sont, elles aussi, en souffrance, avec une quasi-stabilité qui, compte tenu de l’inflation, constitue une baisse en valeur ; d’autres orateurs l’ont signalé. Par conséquent, si l’immobilier se trouve de plus en plus maltraité et si les équipements, notamment les véhicules, ne suivent pas, nous en arriverons paradoxalement à annuler les effets attendus des revalorisations indemnitaires et des recrutements des gendarmes.
Cette mission contient également le programme « Sécurité civile », dont les crédits sont en hausse de 2,9 % et s’établissent à 734 millions d’euros, contre 714 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2023.
Le renforcement des moyens aériens de la sécurité civile, dans le cadre notamment de la lutte contre les feux de forêt, est une des priorités du programme ; ce point a été de nombreuses fois mis en avant. Ce renforcement se met en œuvre au travers du plan pluriannuel de renouvellement de la flotte d’hélicoptères de secours – une commande de trente-six hélicoptères est programmée par la Lopmi, en plus des quatre déjà livrés – et de canadairs.
Dans le cadre du mécanisme RescUE, deux avions amphibies bombardiers d’eau seront acquis au printemps 2024. Après quelque 70 millions d’euros en 2023, ce sont 66 millions d’euros qui sont inscrits au budget 2024 pour financer le renouvellement de la flotte. Le groupe socialiste appelle cependant de ses vœux à un effort budgétaire supplémentaire pour accroître le soutien aux Sdis, qui se trouvent – d’autres orateurs l’ont indiqué – dans une situation financière complexe.
Enfin, il me semble difficile de ne pas évoquer les jeux Olympiques et leurs conséquences financières. Des syndicats de policiers se font très pressants envers le ministère, certains évoquant même un ultimatum. Au-delà de ce climat social, qui fait couler beaucoup d’encre, cela soulève quelques questions s’agissant de la sincérité du budget proposé. Au moment où on nous annonce pour le 1er décembre prochain l’ouverture d’un premier cycle de négociations entre le ministère et les agents concernés, pourriez-vous nous donner, madame la ministre, de la visibilité sur l’incidence de ces négociations sur le projet de loi de finances ? Face aux difficultés de recrutement d’agents privés et au nombre limité de forces de l’État à engager, quelles sont les pistes envisagées par le Gouvernement ? Nous attendons des éclaircissements sur ces points.
Le groupe socialiste, en cohérence avec sa position sur la Lopmi, votera, malgré tout, ces crédits. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
M. André Reichardt. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au mois de juillet 2023, la Cour des comptes intitulait une note relative au budget de la sécurité pour la même année : Les forces de sécurité intérieure : des moyens accrus, une efficience à renforcer. À l’aube de 2024, il nous paraît important de rappeler ce travail.
Comme cela a déjà été dit, les crédits pour 2024 de la mission « Sécurités » connaîtront une croissance de 1,16 milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 1,04 milliard en crédits de paiement, représentant une progression de l’ordre de 5 % de la dotation en crédits de paiement de chacune des forces.
Pour la deuxième année de mise en œuvre de la Lopmi, nous saluons la conformité globale des crédits à la programmation adoptés par le Parlement le 24 janvier dernier. Les moyens alloués à ceux qui nous protègent doivent être à la hauteur de l’exigence et de la difficulté de leur mission au service de nos concitoyens.
Toutefois, à la lumière de l’exécution du budget pour 2023, les pistes d’économies suggérées par la Cour des comptes nous semblent insuffisamment prises en compte.
Ainsi en est-il de la répartition des zones police et gendarmerie. À l’instar de la Cour, nous regrettons que la mutualisation des moyens entre police et gendarmerie ne soit pas assez aboutie, notamment en ce qui concerne les logiciels de rédaction des procédures, la police technique et scientifique ou encore la cybercriminalité, où l’on recense un certain nombre de doublons.
De même, l’action des forces de police et de gendarmerie doit se concentrer sur les formes les plus graves de criminalité et d’atteinte à l’ordre public, sans préjudice d’une meilleure association des quelque 35 000 agents de police municipale, dont le rôle est, au fil du temps, devenu fondamental.
Nous sommes également très favorables au fait de privilégier des leviers non salariaux pour améliorer l’attractivité et la fidélisation des agents – nous en avons déjà parlé précédemment –, qui seront, à n’en pas douter, soumis à rude épreuve ces prochains mois.
Il y aura un après-jeux Olympiques et Paralympiques 2024. Nous ne pouvons pas nous permettre de mettre en péril la sécurité des Français à leur issue ! Il nous semble donc indispensable de mettre l’accent sur des mesures d’économies, a fortiori dans un contexte inflationniste aigu qui pèse sur les dépenses de fonctionnement du ministère de l’intérieur. Je pense notamment à l’important coût de l’essence et de l’énergie.
Par ailleurs, des inquiétudes légitimes, nous semble-t-il, demeurent quant au contexte sécuritaire inédit de l’année qui s’annonce ; cela a été relevé. À cet égard, nous souhaiterions savoir, madame la ministre, à quel coût le Gouvernement estime la sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.
Dans un autre registre, la recrudescence des incendies en période estivale nous inquiète également, puisque, comme le soulignait notre collègue rapporteure pour avis Françoise Dumont dans sa précédente intervention, de lourdes interrogations demeurent quant au calendrier de livraison des futurs canadairs, au regard des capacités de la chaîne de production canadienne, qui est à l’arrêt.
Si les moyens aériens légers ont été renforcés, il ne faut pas oublier que la France a été forcée ces dernières années de recourir à la location au travers des sociétés privées, et ce à des conditions tarifaires peu favorables.
Mes chers collègues, les nombreux défis qui se profilent nous obligent à faire preuve de responsabilité. C’est pourquoi je ne doute pas que la grande majorité de notre groupe votera en faveur de l’adoption des crédits de la mission « Sécurités » pour 2024.
Je terminerai en remerciant chaleureusement nos rapporteurs spéciaux, Bruno Belin et Jean Pierre Vogel, ainsi que nos rapporteurs pour avis, Françoise Dumont, Henri Leroy, malheureusement empêché ce soir pour des raisons de santé, Philippe Paul et Jérôme Darras, de la qualité de leur travail. Chacun a su apporter sa propre expertise en soutien, face aux forts enjeux qui dominent dans cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Jérôme Durain applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Olivier Bitz applaudit également.)
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans cette discussion générale, où j’arrive en dernier, tout a été dit ! Je tiens à exprimer notre profond soutien aux forces de police et de gendarmerie, comme aux sapeurs-pompiers.
Vous avez remarqué que, sur toutes les travées, nous parlons d’immobilier. Mon collègue Bitz, qui connaît très bien notre département de l’Orne, y a fait référence. Madame la ministre, il est tout de même assez injuste de devoir amputer la DETR dans le budget de nos départements pour construire des gendarmeries, alors qu’il s’agit tout de même d’immobilier d’intérêt général ! Il est absolument anormal de déstabiliser le pouvoir des communes rurales conféré par cette dotation pour un équipement d’intérêt national. Il faut vraiment que le ministère crée une ligne budgétaire spécifique. Nous ne pouvons pas continuer ainsi.
Je pense au cas, qui n’est pas unique, de la gendarmerie de Tourouvre-au-Perche. Même si nous avons poussé les murs et si le préfet a fait le maximum, les problèmes demeurent ! Il faut trouver une solution. La situation actuelle en matière de logement de nos gendarmes n’est pas tenable.
Je souhaite évoquer la direction nationale de la police aux frontières face au trafic d’êtres humains et de migrants.
Je suis affolée : dans le monde, 40 millions de personnes sont concernées, dont 25 millions en situation de travail forcé. Les revenus qui sont tirés de ces trafics s’élèvent à 150 milliards de dollars, dont 5 milliards à 7 milliards par an pour le passage de migrants. Les structures qui pratiquent ces trafics se placent au troisième rang des organisations criminelles en matière de chiffre d’affaires : trafic de migrants, travail forcé, trafic aux fins d’exploitation sexuelle et d’activités criminelles contraintes…
Parmi les dix priorités annoncées le 26 mai 2021 par le Conseil européen, trois concernent la lutte contre le trafic d’êtres humains. Madame la ministre, ce sujet est lié à l’immigration, mais pas sous l’angle dont la question est habituellement posée. En effet, je souhaite vous parler des victimes des réseaux.
L’enjeu me semble d’une importance capitale. Plus de 1 400 associations touchent des subventions multiples et variées, pour un montant de plus de 1 milliard d’euros ! L’année dernière, dans le rapport annexe du budget de la mission figuraient les données relatives aux trente associations principales bénéficiaires de subventions ; à présent, comme par hasard, y figurent seulement vingt d’entre elles !
Il me semble absolument fondamental de contrôler ces structures, parce qu’il existe autour des migrants un business qui est complètement insupportable et dont nous devons ensuite assumer les frais, du point de vue tant humain que sécuritaire et politique, puisque la question est un irritant. D’ailleurs, le ministre Darmanin est en ce moment même en train de se battre pour défendre son texte à l’Assemblée nationale.
Le sujet est essentiel, y compris pour les victimes. Votre ministère devrait engager une mission de contrôle sur ces associations. L’enjeu est à la fois humanitaire, pour les victimes des trafics, politique, pour les migrants qui arrivent de cette façon sur notre territoire, et économique, par les financements publics adressés à des associations que nous contrôlons finalement assez peu. Je compte sur vous : il faut s’assurer qu’aucun euro public ne contribue au trafic de migrants, ce qui serait une honte pour notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI, INDEP et Les Républicains.)