Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Briquet, sur l’article.

Mme Isabelle Briquet. En prévoyant une imposition minimale à hauteur de 15 % des bénéfices de près de 9 000 grandes entreprises, dont environ 250 possèdent leurs sièges en France, le second pilier de l’accord obtenu par l’OCDE entend mettre un coup d’arrêt à la course au moins-disant en matière d’imposition des sociétés. C’est une bonne nouvelle.

Nous devons sortir de la compétition à la baisse des taxations, quand bien même le taux de 15 % demeure relativement bas, loin de celui de 20 %, un temps envisagé, ou de la moyenne de ceux des pays de l’OCDE, c’est-à-dire 22,9 %.

Alors, que faut-il attendre de cette taxe ? Pour la France, les recettes potentielles supplémentaires sont évaluées à plusieurs milliards d’euros.

Cependant, les États et les entreprises adapteront leurs stratégies à l’aune des nouvelles règles. Les études disponibles ne le prennent pas en compte, ce qui prive leurs évaluations de toute portée.

En tant que mécanisme de lutte contre la localisation artificielle des bénéfices au sein des paradis fiscaux, ce pilier constitue une réelle avancée.

Toutefois, il est permis de s’interroger sur le prix de cette évolution, qui implique que la France renonce à une partie de sa souveraineté fiscale. En effet, l’accord doit permettre d’appliquer le taux minimal mondial à une assiette comptable commune à l’ensemble des États.

Outre les inquiétudes relatives aux ajustements comptables, figer une assiette à un taux universel comporte un risque réel, celui de préempter les capacités des États à utiliser le levier fiscal comme un outil puissant des politiques publiques.

Même si cette réforme de la fiscalité internationale est imparfaite à bien des égards, elle constitue un premier pas et pose les bases d’une taxation plus juste des multinationales. Ces nouvelles règles doivent orienter le comportement des grandes entreprises face aux défis que sont la transition écologique et la justice sociale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde, sur l’article.

Mme Christine Lavarde. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite appeler votre attention sur un point qui concerne le droit européen et la fiscalité des entreprises.

La directive du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale, dite Atad 1, adoptée voilà quelques années, est actuellement en vigueur. Elle prévoit notamment que les sociétés soumises à l’IS peuvent déduire leurs charges financières nettes dans la limite de 30 % du bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement (Ebitda) final. Si ces charges financières sont inférieures à 3 millions d’euros, elles sont déductibles dans leur totalité.

Or ce montant de 3 millions d’euros a été fixé en 2019, quand le taux directeur des banques centrales était proche de 0. Aujourd’hui, les taux d’intérêt ont considérablement augmenté, si bien que ce plafond n’a plus du tout la même signification pour les entreprises.

Le Gouvernement entend-il porter le sujet à l’échelon européen, afin que nous puissions entrevoir une modification de la directive ?

Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, sur l’article.

M. Rémi Féraud. Nous nous réjouissons que cet article mette en œuvre la directive européenne issue d’un important accord international au sujet de la taxation minimale des multinationales.

Toutefois, ce n’est pas suffisant en soi. Rappelons la réalité.

D’abord, 1 000 milliards de dollars de profits sont transférés par les grandes entreprises mondiales dans les paradis fiscaux – c’est impressionnant ! –, selon l’Observatoire européen de la fiscalité.

Ensuite, il convient de modérer les discours du Gouvernement : cet accord international ne fait pas suite au volontarisme français.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Si !

M. Rémi Féraud. La France l’a, bien entendu, heureusement accompagné, mais cet accord est en particulier dû au volontarisme américain à la suite de l’élection de Joe Biden. Restons modestes quant au rôle de nos dirigeants en la matière.

Je souhaite formuler deux remarques.

D’une part, il faut aller plus loin. Le Président de la République avait lui-même parlé de la perspective d’un impôt de solidarité sur la fortune (ISF) à l’échelon mondial, même si cela semble paradoxal de la part de celui qui a supprimé cet impôt à l’échelon national. Il s’était engagé à aborder le sujet lors du G20 qui s’est tenu en Inde, à Dehli, au mois de septembre dernier. Or nous n’avons rien entendu. J’espère qu’il ne s’agissait pas d’une phrase lancée au printemps dernier : il faut avancer sur la taxation internationale des gros patrimoines.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. C’est vrai !

M. Rémi Féraud. D’autre part, on ne peut pas faire une chose et son contraire en habillant cela du « en même temps ». Avant la suspension de séance, nous avons supprimé un article qui conférait des avantages fiscaux exorbitants aux fédérations sportives pour favoriser l’installation de la Fifa en France.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Rémi Féraud. On ne peut pas à la fois vouloir davantage de taxation internationale et montrer le mauvais exemple.

Mme la présidente. L’amendement n° I-941, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 135 et 471

Remplacer le taux :

15 %

par le taux :

25 %

II. – Alinéa 471

Remplacer le taux :

16 %

par le taux :

25 %

et le taux :

17 %

par le taux :

25 %

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Mes chers collègues, après le prélèvement forfaitaire unique (PFU) en apéritif, voici l’impôt mondial des multinationales en guise de dessert.

Le taux d’imposition mondial moyen de l’impôt sur les sociétés était de 38 % en 1993, voilà trente ans, avant qu’une politique de concurrence fiscale très agressive entre les États du monde ne produise ses effets.

À l’ère de la globalisation financière, les droits de douane ont sauté. Le « tout marché » a fait voler en éclats les équilibres historiques concernant l’imposition mondiale des bénéfices.

Cette logique, nous dit-on, serait révolue : il conviendrait d’imposer les multinationales à un taux minimal de 15 %.

Nous proposons de rehausser ce taux à 25 %, conformément à ce que souhaitaient initialement Joe Biden et l’administration américaine voilà quelques années. Depuis, il y a dû y avoir quelques discussions, pour ne pas parler de « pressions »…

Dès 2005, l’Europe franchissait la barre symbolique d’un taux d’imposition sur les sociétés de 25 %, alors que le monde entier s’accordait encore en moyenne sur un taux de 28 %.

Entre 2000 et 2020, au sein de l’OCDE, ce taux a diminué dans 88 juridictions. Il est resté stable dans 15 juridictions, et a augmenté dans 6 d’entre elles.

À titre de comparaison, il aura fallu un mandat de Donald Trump pour baisser l’imposition sur les bénéfices de 35 % à 21 %. Chez nous, en France, son taux était ramené à 25 %.

En 2020, seulement 10 % des 108 juridictions de l’OCDE appliquaient un taux inférieur à 15 %. Non, il ne s’agit vraiment pas d’une révolution fiscale !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je souhaite rappeler quelques éléments.

Tout d’abord, cette négociation internationale constitue une véritable victoire. Je le rappelle, elle a été engagée sur l’initiative de la France, avec l’Allemagne.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Par la Fifa ! (Sourires.)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Il s’agit d’un véritable succès diplomatique international, qui s’est traduit par l’accord entre l’OCDE et le G20, ainsi que par une directive communautaire.

Monsieur Bocquet, le taux minimal de 15 % est bien un taux effectif, et non un taux facial. Il aurait été facile d’afficher un taux plus élevé en apparence ; mais si les exemptions et les niches avaient été multipliées, le taux effectif aurait été bien moindre.

Votre proposition n’est compatible ni avec le droit communautaire, qui traduit ce pilier 2, ni avec l’accord international de l’OCDE, qui prévoit un taux effectif de 15 %.

Comme il s’agit d’une victoire collective, je ne vois pas comment justifier de sortir du cadre international que nous avons nous-mêmes défendu, à peine après y être entrés. Avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-941.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° I-942, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéas 143, 636, 637, 639 et 640

Remplacer le montant :

750 millions d’euros

par le montant :

50 millions d’euros

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Le groupe CRCE – K souhaite abaisser le seuil de chiffre d’affaires déterminant quelles entreprises sont éligibles à l’accord d’imposition minimal.

À l’échelon mondial, l’OCDE estime que le pilier 2 dégagera 220 milliards de dollars de recettes fiscales supplémentaires chaque année, soit 9 % des recettes mondiales provenant de l’impôt sur les bénéfices des sociétés. Ce chiffre datant de 2018 mériterait d’être actualisé.

L’OCDE avance également que les recettes fiscales devraient augmenter dans tous les pays, à l’exception de quelques pôles d’investissements spécifiques.

Le pilier 1, concernant la répartition de cette imposition, est toujours dans les cartons. Nous verrons si les recettes de cet impôt profiteront aux pays dont les travailleurs, les ressources, voire les sous-sols sont exploités !

À l’échelon national, avec un seuil de 750 millions d’euros, seules 574 entités redevables de l’IS seraient concernées par le pilier 2. Seules quarante-deux d’entre elles devraient s’acquitter d’un impôt complémentaire, pour une fourchette des recettes annuelles estimées, selon l’étude d’impact, entre 3 milliards d’euros et 4 milliards d’euros. Cela fera moins que l’ISF.

Le Conseil d’analyse économique a proposé un chiffrage alternatif qui ne prend pas en compte les déductions fondées sur la substance, les frais de personnel et les actifs incorporels. Il arrive à des gains estimés à 6 milliards d’euros à court terme, réduits à 2 milliards d’euros à long terme, car les paradis fiscaux sont « incités à relever leurs taux effectifs de taxation » et « une partie des activités demeure dans les paradis fiscaux ».

Voilà où est l’argent. Pour cette raison, nous vous demandons d’examiner l’abaissement du seuil de chiffre d’affaires des entreprises éligibles à cet accord minimal.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-942.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° I-2264, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 229

Remplacer les mots :

des articles 223 WN à 223 WN quinquies

par les mots :

de la sous-section 3 de la section VI

II. – Alinéa 257

Remplacer le mot :

ce

par le mot :

le

III. – Alinéa 267

Remplacer les mots :

au plus tard douze mois après

par les mots :

dans les douze mois suivant

IV. – Alinéa 545

Rédiger ainsi cet alinéa :

« « Art. 223 WC quater. – Lorsqu’un impôt complémentaire additionnel est affecté à une entité constitutive en application de la présente sous-section et des articles 223 WB ter et 223 WB quater, celle-ci est considérée comme une entité constitutive faiblement imposée pour l’application des sous-sections 2 et 3 de la section V.

V. – Alinéa 573

Remplacer les mots :

est déterminé conformément

par les mots :

de l’impôt national complémentaire est déterminé selon les modalités prévues

VI. – Alinéas 702 et 705

Supprimer les mots :

deux ou

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Faisons attention aux mots. Certes, ce qui s’est passé s’agissant de l’impôt minimal sur les sociétés est tout à fait utile et intéressant. Mais attendons un peu avant de parler de « victoire ».

Nous avons mis du temps à parvenir à un accord européen. La directive doit encore être adoptée dans tous les États membres. Surtout, les discussions avec les États-Unis et d’autres pays du monde qui, ayant signé l’accord, semblent traîner un peu des pieds pour le mettre en pratique se poursuivent.

Il fallait indiscutablement mener ce travail. L’évolution est positive. Comme toujours, il y a eu des négociations entre États et zones économiques, et l’accord contient des mesures qui ne vont pas toutes dans le même sens. (M. le ministre délégué en convient.)

Le texte, devenu extrêmement complexe, comporte des pièges ou, disons, des subtilités partout. J’ai passé une heure à lire cet article, et je n’ai pas compris toutes ses dispositions. Le mot « victoire » me paraît un peu excessif.

Si l’on pouvait ne serait-ce que freiner et limiter à l’échelon européen les tentatives de baisse d’impôts, cela serait un progrès substantiel.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Bien sûr !

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Nous n’en avons pas fini avec cette histoire. Nous en avons même encore pour plusieurs années.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-2264.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° I-943 rectifié, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéas 846 à 857

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Nous avons parlé du premier problème de cet accord, à savoir la faiblesse du taux d’imposition.

Un deuxième problème est constitué par les motifs d’exemption d’ores et déjà inscrits dans le texte.

Le premier motif concerne les « entités mères ultimes », c’est-à-dire celles situées en haut de la pyramide, c’est-à-dire précisément celles qui sont visées par cette imposition mondiale.

Ces « entités mères ultimes » sont exonérées « au titre des cinq premiers exercices de la phase de démarrage des activités internationales ». Un impôt mondial qui exonère les activités internationales d’un groupe ? Allez comprendre…

Ensuite, l’« entité mère ultime » est exonérée « au titre des cinq premiers exercices à compter de celui au titre duquel » elle « entre pour la première fois dans le champ d’application de l’impôt ». Par analogie, un ménage jusqu’alors non soumis à l’impôt sur le revenu, mais y devenant éligible pour une raison ou pour une autre, serait exonéré d’impôt les cinq années qui suivent. Entrer dans l’impôt sans le payer : reconnaissez qu’il faut un peu s’accrocher…

Les catégories cumulatives pour appartenir à l’une ou l’autre catégorie sont particulièrement lâches et ridicules.

Nous n’avons pas abordé les déductions permises sur les bénéfices nets imposés sur la base des charges de personnel et de la valeur comptable des actifs corporels.

Par ailleurs, je me joins aux précautions demandées par le président de la commission des finances. En effet, aux États-Unis, le Congrès doit encore ratifier cet accord. Dans un an se tiendra la prochaine élection présidentielle américaine, et nous ne savons pas ce que cet accord deviendra. S’il ne se passe rien aux États-Unis, il ne se passera pas grand-chose dans le monde.

Mme la présidente. L’amendement n° I-944, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéas 849, 850, 851 et 852

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

deux

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport au précédent.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-943 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-944.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° I-945, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 876

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. À la fin de l’article, nous avons trouvé une habilitation à légiférer par ordonnance, assez dissimulée.

Pour la trouver, il fallait avoir lu 875 alinéas, avant de percevoir au 876e une petite fenêtre que le Gouvernement s’est ménagée pour modifier l’article en solitaire.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. En loucedé ! (Rires.)

M. Pascal Savoldelli. Je vous lis le champ de l’habilitation : le Gouvernement peut prendre par ordonnance « toute mesure relevant du domaine de la loi afin de préciser et de compléter toute disposition relative à la déclaration, au recouvrement, au contrôle et aux sanctions des impôts complémentaires dus au titre de la règle d’inclusion du revenu, de la règle des bénéfices insuffisamment imposés et de l’impôt national complémentaire tels qu’ils résultent de la présente loi ». En somme, il peut réécrire l’intégralité de l’article.

Franchement, cette méthode n’est pas convenable. L’évasion fiscale mérite que l’on prenne des mesures, mais pas à l’abri du Parlement ! Le Parlement est nécessairement un compagnon de route efficace et utile pour atteindre les objectifs.

Monsieur le ministre, vous nous direz peut-être ce que vous avez en tête avec cette habilitation. Si vous avez le pouvoir de modifier tout l’article par ordonnance, après avoir recouru au 49.3, et alors que vous envisagez de nouveau de passer par le 49.3 pour faire adopter définitivement le texte quelles que soient les mesures votées au Sénat, cela fait cher en fin de compte ! (Sourires au banc des commissions.)

Les multinationales continueraient à loger 35 % des profits réalisés à l’étranger dans des paradis fiscaux. Cela représente tout de même 1 000 milliards de dollars, sur 2 800 milliards de dollars de profits. L’évasion fiscale des particuliers, elle, a été divisée par trois.

Je trouve que cela mérite mieux qu’une petite habilitation à légiférer par ordonnance, cachée sous le tapis.

Nous sommes entre deux 49.3 et, en plus, vous glissez à l’alinéa 876 une habilitation à légiférer par ordonnance… Monsieur le ministre, vous pouvez reconnaître l’erreur.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. On ne nous dirait pas tout, selon notre collègue Savoldelli. (Sourires.)

Monsieur Savoldelli, si je ne partage pas souvent votre avis,…

M. Pascal Savoldelli. Pas assez ! (Sourires.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. … nous dénonçons comme vous certaines pratiques lorsqu’elles ne sont pas convenables.

En l’occurrence, je ne souscris pas à votre analyse. Sur certains sujets, il faut travailler les dispositifs, quitte à légiférer par ordonnance. De toute façon, le Gouvernement devra présenter les résultats devant la représentation nationale lors de l’examen des prochains textes financiers.

Je sais votre inquiétude sincère, mais la procédure prévue fournit une réponse à vos questionnements.

La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je vais tâcher de vous rassurer : il n’y a ni malice ni volonté de cacher quoi que ce soit.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Jamais ! (Sourires.)

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Ce serait bien la première fois ! (Nouveaux sourires.)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Les règles de calcul de l’assiette de l’impôt figurent dans le texte et ne changeront pas. Elles sont la traduction précise de l’accord international.

L’habilitation porte uniquement sur la mise en œuvre des obligations déclaratives, qui font encore l’objet de travaux. Elle porte uniquement sur ce champ-là. Nous ne réécrirons pas les règles de cet impôt minimal par ordonnance.

J’espère vous avoir rassuré.

Mme la présidente. Monsieur Savoldelli, l’amendement n° I-945 est-il maintenu ?

M. Pascal Savoldelli. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-945.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° I-2082 rectifié, présenté par MM. Cozic, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas et Lurel, Mmes Artigalas, Bonnefoy, Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Fichet et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet, M. Weber, Ziane, Fagnen et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

…. – Avant le 30 novembre 2024, le Gouvernement remet au Parlement une évaluation du montant des recettes prévues de l’impôt complémentaire et de l’impôt national complémentaire ainsi que du nombre d’entreprises redevables.

La parole est à Mme Isabelle Briquet.

Mme Isabelle Briquet. Même si cela ne correspond pas aux us de notre assemblée, il s’agit d’une demande de rapport.

L’article 4 transpose en droit interne les dispositions de l’accord entre l’OCDE et le G20 sur la taxation minimale des bénéfices des multinationales. Une fois n’est pas coutume, le Parlement n’a aucune idée du montant des nouvelles recettes. Le Gouvernement ne livre aucune information à ce sujet, ni dans l’exposé général des motifs, ni dans le dossier de presse, ni dans l’exposé des motifs du présent article.

Cela nous pose un double problème.

Tout d’abord, monsieur le ministre, si le Gouvernement ne dispose pas d’un ordre de grandeur, c’est sans doute que vous ignorez complètement l’impact de votre réforme, ce qui est de nature à susciter notre inquiétude.

Ensuite, si les recettes à venir étaient supérieures à 2,5 milliards d’euros, soit 0,1 % du PIB, cela pourrait fausser la prévision du solde budgétaire général.

Pour rappel, le Conseil d’analyse économique estimait au mois de juin 2021 que le pilier 2 des négociations augmenterait à court terme les recettes fiscales de la France « de près de 6 milliards d’euros ».

Cet amendement vise donc à donner davantage de transparence et de lisibilité dans les recettes à venir.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Je ne défends pas une demande de rapport pour le principe, mais il faudrait de la visibilité. Je partage l’avis du président de la commission des finances : ne crions pas victoire trop tôt, qu’il s’agisse du processus ou du résultat.

Ce n’est pas le groupe CRCE – K qui l’indique ; c’est l’Observatoire européen de la fiscalité. Ce dernier regrette dans son rapport intitulé Global Tax Evasion Report que la course aux subventions pour les producteurs d’énergie verte n’engloutisse les gains de l’imposition minimale, car le taux d’imposition minimum mondial « ne générerait qu’une fraction des recettes fiscales auxquelles on pourrait s’attendre en fonction des principes énoncés en 2021 », c’est-à-dire 3 % des recettes mondiales de l’impôt sur les sociétés, contre 9 % si le dispositif n’avait pas de nombreuses failles.

Attendons de voir les résultats. Mais tout le monde comprend bien que des recettes de 3 % ou de 9 % du montant de l’IS, ce n’est pas le même résultat financier.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-2082 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4, modifié.

(L’article 4 est adopté.)

Article 4
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
Article additionnel après l'article 4 - Amendements n° I-1135 rectifié et n° I-2085 rectifié

Après l’article 4

Après l’article 4
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° I-2057 rectifié bis

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° I-1135 rectifié est présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel.

L’amendement n° I-2085 rectifié est présenté par MM. Cozic, Jacquin, Ouizille, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas et Lurel, Mmes Artigalas, Bonnefoy, Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Fichet et Gillé, Mme Harribey, M. P. Joly, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet, M. Weber, Ziane, Fagnen et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 1° quater du 1 de l’article 39 du code général des impôts, il est inséré un 1° … ainsi rédigé :

« 1° quinquies. Au sein de chaque entreprise, il est déterminé un plafond de rémunération correspondant à vingt fois la rémunération moyenne du décile de salariés disposant de la rémunération la plus faible. Pour chaque salarié et associé, la fraction de rémunération supérieure à ce plafond n’est pas prise en compte pour le calcul des dépenses de personnel déductibles en application du 1° du présent 1. Il en va de même des charges sociales afférentes à cette fraction de rémunération supérieure au plafond précité. Le présent 1° quinquies s’applique à toutes les rémunérations directes et indirectes du salarié ou associé.

« Un décret fixe les modalités d’application du présent 1° quinquies. »

La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° I-1135 rectifié.