M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Par cet article, il s’agit d’intégrer dans le forfait forestier les bénéfices, pour l’exploitant forestier, des conséquences du label bas-carbone. Il ne s’agit pas d’aider les entreprises les plus polluantes ni de remettre en question nos engagements dans le cadre de l’accord de Paris.
Il faut que cela soit clair, cette disposition, qui permet de lisser le mécanisme de compensation, est très favorable aux exploitants forestiers. Or, dans le cadre de la défense de votre amendement, j’ai cru comprendre que votre analyse ne s’inscrivait pas dans cette lecture.
Cette disposition a été adoptée par l’Assemblée nationale, afin que les exploitants forestiers puissent bénéficier de l’étalement du forfait forestier.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. L’amendement n° I-520 rectifié, présenté par Mme Loisier, MM. Gremillet, Bonnecarrère, Haye, de Nicolaÿ et P. Martin, Mmes Pluchet et Romagny, MM. Vanlerenberghe et Rietmann, Mmes N. Delattre, O. Richard et Morin-Desailly, M. Bacci, Mme Demas, M. Henno, Mmes Berthet et Sollogoub, M. Levi, Mme Guidez, M. Bouchet, Mmes Dumas et Vermeillet, MM. Anglars, Hingray et Wattebled, Mme Billon, MM. Savin, Canévet, Chatillon et Bleunven, Mme Vérien et M. Lemoyne, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Supprimer les mots :
et qui sont mis en œuvre pour assurer le boisement ou la reconstitution de peuplements forestiers dégradés
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. À l’heure actuelle, il n’existe que trois méthodes pour évaluer le label bas-carbone. Or, on le voit bien, il s’agit d’un secteur en pleine évolution. Il est donc nécessaire d’intégrer un certain nombre d’autres dispositions, tant il est vrai que l’objectif de la labellisation carbone doit être largement encouragé, afin d’atteindre les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés lors de l’accord de Paris et des autres COP.
Nous connaissons l’importance de la forêt en la matière. Il convient donc d’accompagner en ce sens le plus grand nombre possible d’initiatives. C’est pourquoi cet amendement vise à offrir un peu de liberté, afin que les initiatives concernant la foresterie puissent se développer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° I-461 rectifié n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l’article 3 ter, modifié.
(L’article 3 ter est adopté.)
Après l’article 3 ter
M. le président. L’amendement n° I-1019 rectifié, présenté par MM. Rietmann et Bacci, Mme Loisier, MM. P. Martin et Perrin, Mme Ventalon, M. Darnaud, Mmes Schalck et Primas, MM. Favreau et Longeot, Mme P. Martin, MM. Lefèvre, Genet, Klinger, Laugier, Pellevat, Bonnus et D. Laurent, Mme Demas, MM. Bruyen, Pointereau, Sautarel et Bouchet, Mmes Dumas, Vermeillet et Richer, MM. Piednoir, H. Leroy, Panunzi, Burgoa et Grosperrin, Mme Pluchet, M. Levi, Mme Lassarade, MM. Bouloux et Belin, Mmes Gosselin, Devésa, Borchio Fontimp et Gruny, MM. J.B. Blanc et Houpert, Mme Joseph, M. Hingray, Mmes Belrhiti et Vérien et MM. Mandelli, Gremillet et Sido, est ainsi libellé :
Après l’article 3 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 34° du II de la section 5 du chapitre Ier du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts, est insérée une section ainsi rédigée :
« … : Crédit d’impôt pour dépenses de travaux de débroussaillement
« Art. 200 … – Les contribuables, personnes physiques, fiscalement domiciliés en France au sens de l’article 4 B, bénéficient d’un crédit d’impôt au titre des dépenses engagées pour des travaux réalisés en application des obligations de débroussaillement et de maintien en l’état débroussaillé résultant du titre III du livre Ier du code forestier. Le bénéfice du crédit d’impôt est subordonné au respect des mêmes obligations.
« Les dépenses définies au premier alinéa du présent article s’entendent des sommes versées à un entrepreneur certifié dans des conditions définies par décret, ayant réalisé les travaux de débroussaillement.
« Le crédit d’impôt est égal à 50 % des dépenses effectivement supportées et retenues dans la limite de 2 000 euros par foyer fiscal.
« Le crédit d’impôt est imputé sur l’impôt sur le revenu après imputation des réductions d’impôt mentionnées aux articles 199 quater B à 200 bis, des crédits d’impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires. S’il excède l’impôt dû, l’excédent est restitué. »
II. – Le I n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Olivier Rietmann.
M. Olivier Rietmann. Cet amendement reprend les termes de la disposition que mes collègues Jean Bacci, Anne-Catherine Loisier, Pascal Martin et moi-même avions incluse à l’article 10 de la loi du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie, notamment pour ce qui concerne les OLD, les obligations légales de débroussaillement, qui sont le meilleur moyen, lorsqu’elles sont bien réalisées, de protéger les biens et les personnes en cas de feu de forêt. Elles permettent également d’éviter la concentration de moyens de protection, comme des véhicules ou des équipages de pompiers, derrière chaque maison.
Au travers de cet amendement, je propose de créer un crédit d’impôt limité à 50 % des dépenses, dans la limite de 2 000 euros de dépenses, de manière à créer un choc psychologique auprès des personnes concernées par les OLD.
En effet, ces dernières sont insuffisamment réalisées. Comme en témoigne le rapport, seulement 30 % des OLD sont réalisées là où elles seraient nécessaires.
Vous me répondrez, monsieur le ministre, que l’on ne peut pas créer un crédit d’impôt pour demander aux gens de respecter la loi, mais, en l’occurrence, il s’agit plutôt d’une forte incitation psychologique. Si nous comparions le coût de ce dispositif avec ce qui serait sauvé par la réalisation de ces OLD, nous constaterions à quel point celles-ci permettraient de réaliser des économies.
M. Laurent Somon. Tout à fait !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Lors de la dernière session, le Sénat a voté en faveur de ce dispositif. À titre personnel, je pense que cet outil n’est pas idéal, mais je dois me faire l’écho d’un souhait majoritaire, clairement exprimé lors de la dernière session.
Il convient surtout de tenir dans le temps ce type de dispositif. En effet, c’est le comportement de nos concitoyens qui doit changer. Pour ce faire, les plans d’action permettront d’avancer, bien mieux que ce type de dépense fiscale.
C’est pourquoi, sur cet amendement, la commission s’en remet à la sagesse de Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je vous félicite de votre réponse par anticipation concernant la position du Gouvernement !
Je rejoins en effet M. le rapporteur général. On ne peut pas systématiquement associer toute nouvelle évolution de la réglementation à une niche fiscale. Tout au long de la discussion du projet de loi de finances, j’aurai une position assez ferme sur les créations d’exonérations fiscales. En effet, nous en possédons d’ores et déjà beaucoup. L’enjeu, c’est au contraire de les réduire, pour redresser les finances publiques. Il existe d’autres leviers pour atteindre ces objectifs. En matière de niches fiscales, il convient de rester assez sobre.
Par conséquent, le Gouvernement est, comme vous l’avez anticipé, monsieur le sénateur, défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le ministre, est-ce que je vous ai bien entendu ? Vous avez dit : « Il convient de rester sobre quand on propose des niches fiscales », n’est-ce pas ?
J’ai le regret de vous le dire, vous-même n’avez pas fait preuve de sobriété dans ce projet de loi de finances, puisque vous proposez 62 niches fiscales…
M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.
M. Olivier Rietmann. Je souhaite recentrer les débats sur le sujet lui-même, monsieur le ministre.
Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas eu « tellement » d’incendies de forêt l’été dernier qu’il faut oublier le sujet. Rappelez-vous 2022 : plus de 80 000 hectares ont brûlé en France.
J’y insiste, pour protéger les biens et les personnes, le meilleur et le seul moyen de protection efficace réside dans les OLD. Quand on regarde les photos aériennes des feux de 2020 ou de 2021 à Gonfaron dans le Var, on se rend compte que les seuls espaces qui n’ont pas brûlé correspondent aux endroits où les OLD avaient été correctement effectuées.
Mon amendement est bien cadré. Il vise à soutenir les personnes à revenus modestes, puisque le dispositif s’applique à une dépense maximale de 2 000 euros et porte sur 50 % de la dépense.
Par ailleurs, je le rappelle, les OLD sont aujourd’hui réalisées à hauteur de seulement 30 %. Même si l’on se contente de doubler ce montant, on économise des milliards d’euros en termes de dégâts matériels. Et je n’ose même pas parler du coût des vies sauvées !
N’oublions donc pas les larmes versées en 2022 sur les incendies de forêt ! Bien qu’il y en ait eu beaucoup moins en 2023, le changement climatique, on le sait très bien, intensifiera énormément ces feux. Par conséquent, prêtons attention à cette mesure.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3 ter.
L’amendement n° I-1821, présenté par MM. Salmon, G. Blanc et Dossus, Mme Senée, MM. Benarroche, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 3 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 30° du II de la section V du chapitre premier du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts, il est inséré une subdivision ainsi rédigée
« …° Crédit d’impôt au titre des cotisations versées aux organismes nationaux à vocation agricole
« Art. … – I. – Les contribuables, personnes physiques, qui ont leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4 B et qui exercent une activité dont les revenus sont imposés dans la catégorie des bénéfices agricoles bénéficient d’un crédit d’impôt au titre des dépenses engagées pour les cotisations les cotisations versées aux organismes nationaux à vocation agricole au sens des articles L. 820-2 et L. 820-3 du code rural et de la pêche maritime.
« II. – Le crédit d’impôt est égal à 66 % des dépenses mentionnées au I et effectivement supportées, et est plafonné à 1 500 euros. Le crédit d’impôt est accordé au titre de l’année 2024, 2025, ou 2026 au cours de laquelle les dépenses ont été engagées.
« Lorsque l’activité dont les revenus sont imposés dans la catégorie des bénéfices agricoles est exercée dans un groupement agricole d’exploitation en commun, le plafond du crédit d’impôt est multiplié par le nombre d’associés que compte le groupement, dans la limite de quatre. Le plafond du crédit d’impôt dont bénéficie un associé de groupement agricole d’exploitation en commun ne peut toutefois pas excéder le plafond du crédit d’impôt bénéficiant à un exploitant individuel.
« III. – Le crédit d’impôt est imputé sur l’impôt sur le revenu après imputation des réductions d’impôt mentionnées aux articles 199 quater B à 200 bis, des crédits d’impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires. S’il excède l’impôt dû, l’excédent est restitué.
« IV. – Le bénéfice du crédit d’impôt au titre des dépenses engagées entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2026 est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1408/2013 de la Commission, du 18 décembre 2013, relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis dans le secteur de l’agriculture.
II. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Grégory Blanc.
M. Grégory Blanc. Le débat que nous venons d’avoir est symptomatique des enjeux qui seront évoqués dans le cadre de ce projet de loi de finances.
L’enjeu est non pas de réduire les niches fiscales pour réduire les niches fiscales, mais de faire évoluer notre fiscalité, afin de mieux soutenir ce qui concourt à l’action verte et, parallèlement, de « malusser » les dépenses brunes ou les niches qui soutiennent l’action brune.
Je partage absolument ce que vous venez dire, mon cher collègue Rietmann. Cet amendement s’inscrit d’ailleurs dans la même tonalité, puisqu’il vise à créer un crédit d’impôt pour mieux soutenir ce qui concourt à des dépenses vertueuses en matière d’innovation agricole.
La loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a créé les Onvar, les organismes nationaux à vocation agricole et rurale, qui permettent une mutualisation entre agriculteurs, des échanges de savoir-faire, de l’innovation immatérielle, et pas uniquement des échanges ou de l’investissement à caractère matériel.
Nous souhaitons encourager davantage les Onvar, qui sont dans l’air du temps et qui représentent un moyen de développer toutes les innovations agricoles, ce qui n’est pas suffisamment le cas aujourd’hui.
Ouvrant ce matin le journal local de Maine-et-Loire, j’y ai découvert que pour la première fois un vin d’Anjou était classé parmi les cent meilleurs du monde. Une telle réussite est précisément le fruit de cette mutualisation des innovations et des savoir-faire que nous devons aux Onvar. Lorsque des dispositifs font la preuve qu’ils permettent d’accroître l’efficacité économique dans nos territoires, il faut les encourager davantage.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mon cher collègue, vous venez d’en faire vous-même la démonstration : en l’espèce, il n’est pas indispensable de créer une niche fiscale, puisqu’un produit, manifestement de qualité, issu du vignoble de votre territoire fait en effet son entrée parmi les cent meilleurs du monde sans qu’il y ait eu besoin pour cela de niche fiscale. (M. Arnaud Bazin applaudit.)
Cette observation est en elle-même une façon de promouvoir le produit dont il est question, lequel se passe très bien de la mobilisation – inutile – d’une nouvelle dépense publique.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette niche en forme de tonneau ? (Sourires.)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Mon avis est le même, exactement, qu’à propos du débroussaillement : je pense qu’il ne faut pas créer de nouvelle niche fiscale. Les Onvar bénéficient déjà d’un certain nombre d’aides et de dispositifs du ministère de l’agriculture. Il n’y a pas besoin d’une nouvelle exonération fiscale pour encourager leur travail : avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° I-1819, présenté par MM. Salmon, G. Blanc et Dossus, Mme Senée, MM. Benarroche, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 3 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La section II du chapitre IV du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est complétée par une sous-section ainsi rédigée :
« … : Crédit d’impôt mécanisation collective
« Art. 244 quater Z. – I. – Les exploitations agricoles redevables de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu peuvent bénéficier, pour les dépenses engagées au titre des années 2023 à 2026, d’un crédit d’impôt annuel assis sur les dépenses d’utilisation de matériel agricole qui leur sont facturées par la coopérative d’utilisation de matériel agricole dont ils sont coopérateurs.
« II. – Le crédit d’impôt annuel est égal à 20 % des dépenses d’utilisation des biens des coopératives d’utilisation de matériel agricole effectuées par l’exploitation agricole.
« III. – Le crédit d’impôt annuel est plafonné à 3 000 € pour chaque exploitant agricole. Pour les exploitants agricoles qui exercent leur activité depuis moins de trois ans, le crédit d’impôt n’est pas plafonné.
« IV. – Un décret définit les modalités d’application du présent article. »
II. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Ghislaine Senée.
Mme Ghislaine Senée. Cet amendement vise à créer un crédit d’impôt pour inciter les agriculteurs à la mutualisation du matériel agricole.
À l’heure actuelle, la fiscalité agricole incite fortement les agriculteurs à investir individuellement toujours plus dans l’acquisition de matériels toujours plus lourds et toujours plus coûteux.
Pareils investissements peuvent fragiliser l’exploitation en l’exposant aux aléas économiques : celle-ci peut se retrouver en difficulté pour faire face à ses charges de mécanisation. Cette incitation pousse en outre à l’agrandissement des fermes, ce qui nuit à l’installation, et compromet la transition écologique.
L’alerte était donnée dans une lettre de mission adressée en 2020 par le ministère de l’agriculture au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux : « La compétitivité des exploitations françaises est handicapée par un suréquipement conduisant à des charges de mécanisation excessives. » Pourtant, le présent projet de loi de finances, en son article 12, renforce encore les incitations à l’achat individuel de matériel agricole.
À rebours de cette dynamique, la mutualisation des équipements, via les coopératives d’utilisation de matériel agricole (Cuma) notamment, est vertueuse ; elle renforce les exploitations et leur autonomie, limite les charges de mécanisation, contribue au lien social agricole et rural. Les Cuma sont pourtant peu soutenues par les pouvoirs publics.
Nous proposons donc, par cet amendement, la création d’une réduction d’impôt plafonnée à 3 000 euros par an pour l’utilisation du matériel mutualisé via les Cuma. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous venez à juste titre, ma chère collègue, de faire la promotion de l’outil principal qui existe dans le monde agricole pour mettre en commun des compétences, du matériel, des capitaux, à savoir l’outil coopératif. Les coopératives ne sont pas des sociétés comme les autres : il s’agit d’un mode d’organisation spécifique, dont je précise qu’il n’est pas assimilable à une entente.
Il vaut mieux continuer de faire fond sur le dispositif des Cuma plutôt que de créer une énième niche fiscale. De manière générale, je le répète, les niches fiscales ne sauraient être, dans le monde agricole pas davantage qu’ailleurs, des outils au service de la production : on ne saurait mobiliser cet instrument pour promouvoir l’organisation que vous appelez de vos vœux, c’est-à-dire la mutualisation des moyens, des compétences, des capitaux et des matériels.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Pour les mêmes raisons que celles que vient d’exposer le rapporteur général, il me semble inutile de créer un nouveau dispositif d’exonération fiscale qui viendrait s’ajouter à ceux dont bénéficient déjà les exploitants agricoles : je ne citerai que le crédit d’impôt relatif aux dépenses de remplacement pour congé, le crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique, le crédit d’impôt pour les exploitations certifiées de haute valeur environnementale (HVE). Nous aurons d’ailleurs l’occasion, un peu plus loin dans la discussion, de débattre de la prolongation de cette dernière mesure pour une année supplémentaire.
L’arsenal de mesures fiscales dont nous disposons me paraît donc suffisant pour ne pas justifier la création d’une nouvelle niche fiscale à destination des exploitations agricoles : avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° I-1210, présenté par Mme Senée, MM. Salmon, G. Blanc, Dossus, Benarroche, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 3 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 793 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 3° du 1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « des trois-quarts » sont remplacés par les mots : « de la moitié » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La fraction de l’exonération est portée au trois-quarts lorsque le groupement forestier prend l’engagement prévu aux trois derniers alinéas du 2° du 2. »
2° Le 2° du 2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « des trois-quarts » sont remplacés par les mots : « de la moitié » ;
b) Sont ajoutés cinq alinéas ainsi rédigés :
« la fraction de l’exonération prévue au premier alinéa est portée au trois-quarts lorsque l’héritier, le légataire ou le donataire prend l’engagement pour lui et ses ayants cause sur les terrains concernés de mettre en œuvre une gestion sylvicole contribuant significativement aux objectifs suivants :
« – augmenter le puits de carbone, en particulier dans les sols forestiers ;
« – améliorer l’état de conservation de l’habitat forestier.
« L’exonération est totale lorsque l’héritier, le légataire ou le donataire prend l’engagement pour lui et ses ayants cause de laisser les terrains concernés en libre évolution. Cette exonération est conditionnée à l’existence de garanties de gestion durable visées aux articles L. 124-1 à L. 124-3 et L. 313-2 du code forestier ou d’une obligation réelle environnementale prévue à l’article L. 132-3 du code de l’environnement mentionnant l’engagement relatif à la libre évolution.
« Les conditions des engagements prévus aux deux derniers alinéas et de leur attestation sont définies par décret. »
II. – La perte de recettes pour l’État, les chambres d’Agriculture et les caisses d’assurances accidents agricoles dans les départements d’Alsace-Moselle sont compensées, à due concurrence, par la création et l’affectation d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre 1er du livre III du code des impositions sur les biens et services, à la taxe incitative relative à l’utilisation d’énergie renouvelable dans les transports telle que définie par l’article 266 quindecies du code des douanes, aux taxes s’appliquant aux industries de la plasturgie et des composites prévues à l’article L471-2 du code des impositions sur les biens et services, à la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, à la taxe sur l’aviation civile prévue à l’article 302 bis K du code général des impôts.
La parole est à Mme Ghislaine Senée.
Mme Ghislaine Senée. Cet amendement vise à inciter financièrement les propriétaires de forêts à préserver la biodiversité et à augmenter les puits de carbone.
Concrètement, nous proposons de moderniser le régime dit « Sérot-Monichon ». Actuellement, la personne qui reçoit une propriété forestière dans le cadre d’une succession est exonérée à 75 % des droits de mutation à titre gratuit à la seule condition qu’elle dispose pour cette propriété d’un document de gestion forestière. Cette condition nous paraît tout à fait insuffisante, car un tel document ne prend pas en compte de manière satisfaisante les enjeux actuels liés au climat et à la biodiversité, alors même que nos forêts sont très lourdement menacées par le stress hydrique et le risque du dépérissement.
Aussi souhaitons-nous, par cet amendement, affiner le régime d’exonération en vigueur afin qu’il soit fonction de la qualité de la gestion.
D’un côté, nous proposons d’abaisser l’actuelle exonération de 75 % à 50 % lorsque le propriétaire ne dispose que d’un document de gestion forestière ; de l’autre, nous proposons de maintenir l’exonération à 75 % lorsque le propriétaire prend l’engagement d’augmenter le puits de carbone et d’améliorer l’état de la biodiversité.
Ce recalibrage permettra de réaliser des économies dont une partie pourrait être redirigée vers une exonération à 100 % lorsque le terrain est laissé en libre évolution, c’est-à-dire lorsque la nature s’exprime de façon spontanée sans activité humaine extractive.
Je rappelle que les forêts sont un élément clé de la lutte contre le changement climatique : elles constituent le deuxième puits de carbone de la planète derrière les océans. Comme l’indiquait justement l’une des coordinatrices du rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), « la planète est en surchauffe, il faut d’urgence la mettre à l’ombre des arbres ».
Cet amendement a donc pour objet de permettre une gestion des forêts qui soit à la hauteur de leur caractère absolument fondamental dans la lutte contre le réchauffement climatique.