M. le président. Monsieur Canévet, l’amendement n° I-1006 est-il maintenu ?
M. Michel Canévet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° I-1006 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-892, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1 du I de l’article 223 sexies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au début du deuxième alinéa, le taux : « 3 % » est remplacé par le taux : « 8 % » ;
2° Au début du troisième alinéa, le taux : « 4 % » est remplacé par le taux : « 10 % ».
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. « La pression fiscale est insupportable aux plus aisés de nos compatriotes » : nous entendons régulièrement ce discours, qui revient chaque année dans cette enceinte. M. Le Maire le rappelait lors de la discussion générale et notre rapporteur général vient de le répéter : 20 % des ménages paient 70 % de l’impôt sur le revenu.
Pourtant, 11,8 % des ménages gagnent plus de 40 % du revenu des contribuables assujettis à l’impôt sur le revenu, ce qui représente 429 milliards d’euros sur l’année 2019 pour quelque 4,6 millions de foyers fiscaux. Voilà qui permet de rétablir certaines vérités !
Sur ces montants astronomiques, les foyers en question n’ont payé, à grands traits, que 47 milliards d’euros d’impôt sur le revenu. Ces statistiques mériteraient d’être complétées en y intégrant les autres modalités d’imposition et les crédits d’impôt attachés, mais la prétendue « pression fiscale » maintes fois rabâchée est à relativiser !
Une hausse temporaire de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) permettrait de faire participer les plus aisés au redressement des finances publiques et au financement des mesures de soutien aux ménages et aux collectivités, telles que le bouclier tarifaire.
Il nous est souvent indiqué que cette contribution créée par M. Nicolas Sarkozy en 2011 avait vocation à n’être qu’exceptionnelle, comme son nom l’indique. Il se dit pourtant qu’elle aurait été pérennisée, car la France est ainsi : elle aime l’impôt pour l’impôt !
M. le président. L’amendement n° I-1129, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 1 du I de l’article 223 sexies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) Au début, le taux : « 3 % » est remplacé par le taux : « 4,25 % » ;
b) Après le mot : « divorcés », sont insérés les mots : « ou les contribuables soumis à imposition commune » ;
2° Le troisième alinéa est ainsi modifié :
a) Au début, le taux : « 4 % » est remplacé par le taux : « 6,5 % » ;
b) Après le mot : « divorcés », sont insérés les mots : « ou les contribuables soumis à imposition commune ».
II. – Le I du présent article s’applique à compter de l’imposition des revenus de l’année 2024.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Nous avons entendu de nombreuses fois parler d’alerte rouge sur nos finances publiques lors des discussions par lesquelles nous avons entamé l’étude de ce projet de loi de finances. Par conséquent, nous proposons au travers de cet amendement une légère augmentation de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.
En effet, de nombreuses études prouvent que, en France, les plus aisés contribuent proportionnellement moins au pot commun que les classes moyennes, heurtant à nos yeux le principe de solidarité suivant lequel l’impôt devrait être au moins proportionnel aux revenus. Les très riches ont accès à de nombreux mécanismes d’évitement : niches fiscales, placements avantageux et capacité à recourir au conseil et à l’optimisation fiscale.
Nous vous proposons donc de tempérer cette injustice en rehaussant le taux de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Cette imposition n’étant pas affectée par le plafonnement des prélèvements obligatoires au travers du prélèvement forfaitaire unique (PFU), l’augmentation du taux permettrait de rendre plus juste l’imposition des revenus du capital des plus aisés.
Pour financer la solidarité nationale, pour amorcer la transition écologique et pour renforcer le consentement à l’impôt du reste de la population, cette mesure paraît de bon sens, eu égard aux alertes exprimées. Elle pourrait être mise en œuvre dès aujourd’hui.
M. le président. L’amendement n° I-2056 rectifié, présenté par MM. Cozic, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas et Lurel, Mmes Artigalas, Bonnefoy, Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Fichet et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet, M. Weber, Ziane, Fagnen et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1 du I de l’article 223 sexies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) Au début, le taux : « 3 % » est remplacé par le taux : « 4 % » ;
b) Après le mot : « séparés », la fin de la phrase est ainsi rédigée : « , divorcés ou les contribuables soumis à imposition commune. » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
a) Le taux : « 4 % » est remplacé par le taux : « 5 % » ;
b) Après le mot : « séparés », la fin de la phrase est ainsi rédigée : « , divorcés ou les contribuables soumis à imposition commune. »
La parole est à M. Éric Jeansannetas.
M. Éric Jeansannetas. Cet amendement est dans le même esprit que les deux précédents, qui ont été très bien défendus par mes collègues Éric Bocquet et Thomas Dossus. Il vise à rehausser le barème de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, afin de renforcer la contribution des ménages les plus aisés à la solidarité nationale, dans un contexte d’accroissement des inégalités et de besoins de financement public accrus. Il se différencie seulement par le niveau des taux proposés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. L’avis de la commission tient compte du taux de prélèvements obligatoires dans notre pays. Pour certains, je le sais, il y a trop de gens aisés.
M. Thierry Cozic. Oui !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mais ce n’est pas par une politique qui accentue les prélèvements sur les hauts revenus que vous répondrez au problème difficile du consentement à l’impôt, déjà mentionné. Prélever plus sur les plus hauts revenus ne changera rien si l’on ne change pas le système fiscal.
Le système fiscal actuel est déjà pesant et l’adoption de certains amendements conduirait à avoir un taux marginal d’imposition supérieur à 50 %. Veuillez m’excuser, mais un tel niveau devient, selon moi, confiscatoire. N’envoyons pas de signaux contradictoires à l’opinion, parce que nous avons besoin de toutes les forces vives et parce que certains de nos compatriotes doivent obtenir la juste rémunération des risques qu’ils prennent dans leur activité professionnelle, souvent à la tête de leur entreprise.
La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. D’une part, depuis la création de cette contribution, qui ramène tout de même aux caisses de l’État plus de 1,5 milliard d’euros, le taux de prélèvement est, impositions sociales comprises, proche de 60 %. Nous ne sommes donc pas loin du seuil à partir duquel le Conseil constitutionnel pourrait considérer la fiscalité comme confiscatoire. Je pense que nous ne pouvons aller au-delà.
D’autre part, nous évoquions précédemment le fait que ce barème est le seul qui n’ait pas connu d’indexation. Nous demandons donc déjà un effort supplémentaire aux contribuables les plus aisés.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour explication de vote.
M. Alexandre Ouizille. Monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, nous ne voyons pas les choses de la même manière. La raison en est simple : vous refusez de voir ce qui est en train de se passer au sein de la distribution primaire des revenus, c’est-à-dire la manière dont les salaires se répartissent au sein de la population.
Dans les années 1980, qui étaient pourtant déjà appelées à l’époque les années fric, l’écart de salaire entre le revenu moyen d’un employé du CAC 40 et son patron était de 25. Il est désormais de 250 et même de plus de 368 chez Carrefour !
Notre travail sur les taux sert seulement à réduire un écart qui ne se comble pas, car dans ce pays, comme vous le savez très bien, les inégalités progressent. Nous essayons, sans y parvenir, de corriger l’écart des salaires et des rémunérations, qui explose.
Vous ne répondez jamais à ce problème. Vous ne nous parlez que de taux, mais ceux-ci sont seulement le reflet des évolutions qui sont en cours des écarts de salaires.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I- 2056 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° I-767, présenté par M. Delcros et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1 du I de l’article 223 sexies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa, après le montant : « 500 000 € », sont insérés les mots : « et inférieure ou égale à 750 000 € » et après le montant : « 1 000 000 € », sont insérés les mots : « et inférieure ou égale à 1 250 000 € » ;
2° Après le troisième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« – 5 % à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 750 000 € et inférieure ou égale à 1 000 000 € pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 1 250 000 € et inférieure ou égale à 1 500 000 € pour les contribuables soumis à imposition commune ;
« – 6 % à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 1 000 000 € pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 1 500 000 € pour les contribuables soumis à imposition commune. »
La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Cet amendement a également trait à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, élaborée en 2011.
La mesure que nous proposons n’est pas révolutionnaire : le taux actuel est de 3 % pour les revenus compris entre 250 001 euros et 500 000 euros par an, et de 4 % pour les revenus supérieurs à 500 000 euros. Nous proposons simplement deux tranches supplémentaires : maintenir 4 % entre 500 001 euros et 750 000 euros, passer à 5 % entre 750 001 euros et 1 million d’euros et à 6 % au-dessus de 1 million d’euros. Nous parlons bien de personnes qui gagnent, tous revenus confondus, y compris mobiliers, de l’ordre un million d’euros ou plus par an.
Cette mesure de justice fiscale, qui n’est pas révolutionnaire – elle nous paraît rester dans une mesure raisonnable –, permettrait tout de même de faire participer davantage à l’effort de solidarité nationale et de redressement des comptes publics ceux qui perçoivent de très gros dividendes et dont l’imposition est plafonnée au titre du PFU.
Enfin, monsieur le ministre, je tiens à préciser que, lorsque le Conseil constitutionnel a censuré en 2012 la création d’une nouvelle taxe, le taux proposé était beaucoup plus élevé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I- 767.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-921, présenté par MM. Bocquet et Savoldelli, Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 4 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificatives pour 2022 est abrogé.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. À la suite du mouvement des « gilets jaunes », il y a quelques années, le gouvernement de M. Macron a choisi de réinstaurer l’exonération d’impôt sur le revenu pour les heures supplémentaires. Depuis leur introduction en 2019, le coût de ces heures défiscalisées a presque doublé, passant de 1 milliard à 1,78 milliard d’euros dans le budget 2024. Le coût prévu pour l’an prochain des exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires est de 2,48 milliards d’euros. Par conséquent, celles-ci coûtent près de 5 milliards d’euros aux comptes publics !
Pour quel résultat, mes chers collègues ? Le taux de chômage reste très élevé, les salaires décrochent et l’intensification du travail entraîne, dans beaucoup de cas, une perte de motivation des jeunes dans leur métier.
M. le président. L’amendement n° I-590 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement restant en discussion ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I- 921.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le 4 bis du III de l’article 150-0 A, il est inséré un 4 ter ainsi rédigé :
« 4 ter. Au gain net réalisé dans le cadre d’un plan d’épargne avenir climat mentionné à l’article L. 221-34- 2 du code monétaire et financier, lors du retrait de titres ou de liquidités ou du rachat dudit plan ;
« Le gain net réalisé à l’occasion de chaque retrait ou rachat s’entend de la différence entre, d’une part, le montant du retrait ou du rachat et, d’autre part, une fraction du montant total des versements effectués sur le plan depuis la date de son ouverture diminué du montant des versements correspondant aux retraits ou aux rachats effectués antérieurement ; cette fraction est égale au rapport entre le montant du retrait ou du rachat effectué et la valeur liquidative totale du plan à la date du retrait ou du rachat. » ;
2° L’article 150-0 D est ainsi modifié :
a) Après le 5, il est inséré un 5 bis ainsi rédigé :
« 5 bis. En cas de cession de titres après la clôture d’un plan d’épargne avenir climat défini à l’article L. 221-34-2 du code monétaire et financier ou leur retrait dudit plan, le prix d’acquisition est réputé égal à leur valeur à la date, selon le cas, de la clôture ou du retrait. » ;
b) À la fin du a du 12, les mots : « ou dans un plan d’épargne en actions défini à l’article 163 quinquies D » sont remplacés par les mots : « , dans un plan d’épargne en actions défini à l’article 163 quinquies D ou dans un plan d’épargne avenir climat mentionné à l’article L. 221-34- 2 du code monétaire et financier » ;
3° L’article 157 est complété par un 24° ainsi rédigé :
« 24° Les produits et les plus-values de placements effectués dans un plan d’épargne avenir climat mentionné à l’article L. 221-34- 2 du code monétaire et financier. » ;
4° Le premier alinéa du VI quater de l’article 199 terdecies-0 A et le III de l’article 199 terdecies-0 AB sont complétés par les mots : « , ni aux titres figurant dans un plan d’épargne avenir climat mentionné à l’article L. 221-34- 2 du code monétaire et financier » ;
5° Le d du 1° du IV de l’article 1417 est complété par les mots : « ainsi que du montant du gain net exonéré en application du 4 ter du même III ».
II. – Le chapitre IV du titre II du livre II du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° L’article L. 224-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les plans d’épargne retraite dont le titulaire est âgé de moins de dix-huit ans ne peuvent recevoir les versements mentionnés au 1°. » ;
2° Au début de l’article L. 224-28, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le titulaire du plan d’épargne retraite individuel doit être âgé de dix-huit ans au moins à la date de l’ouverture de ce plan. »
III. – A. – Le I s’applique à compter de la date prévue au III de l’article 20 de la loi n° … du … relative à l’industrie verte.
B. – Le II s’applique à compter du 1er janvier 2024.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, sur l’article.
Mme Isabelle Briquet. Lors de l’examen de la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, j’avais eu l’occasion d’exprimer mon scepticisme à propos du plan d’épargne avenir climat (Peac) à destination des mineurs, dont la collecte espérée s’élevait à 1 milliard d’euros. Outre que ce nouveau produit d’épargne ne répond pas aux enjeux de la transition écologique, il rend encore plus visible le manque de financement public.
D’une part, il est indéniable que ce dispositif complexifie le paysage de l’épargne en France et qu’il peut avoir des conséquences sur les produits existants, comme le livret A, qui est depuis longtemps un instrument essentiel d’épargne des ménages et de financement du logement social.
D’autre part, le plan d’épargne avenir climat pourrait contribuer à aggraver les inégalités entre nos concitoyens. En effet, monsieur le ministre, en instaurant ce dispositif, vous offrez davantage de moyens à ceux qui possèdent déjà un capital considérable en leur garantissant des rendements sur leur épargne. En fin de compte, ce nouveau plan d’épargne risque de devenir un outil au bénéfice des plus aisés, accentuant ainsi les disparités dans notre société.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° I-887 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli, Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° I-2146 rectifié est présenté par M. Cozic, Mme Briquet, MM. Kanner et Raynal, Mme Blatrix Contat, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas et Lurel, Mmes Artigalas, Bonnefoy, Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Fichet et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet, M. Weber, Ziane, Fagnen et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° I-887.
M. Éric Bocquet. Les jeunes mineurs pourraient donc capitaliser pour leur retraite, alors que certains représentants de la majorité présidentielle ou sénatoriale leur déniaient le droit de se mobiliser sur la question, voilà quelques mois…
Mme Fadila Khattabi, ex-présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, désormais ministre déléguée chargée des personnes handicapées, était dans le déni en disant, la veille d’une manifestation qui allait rassembler des millions de personnes, dont de nombreux jeunes : « La réforme des retraites, on ne m’en parle pas, ni chez les jeunes ni chez les moins jeunes. On m’interpelle plutôt sur l’inflation. » On en parle tellement peu qu’il faudrait leur permettre d’épargner via des produits financiarisés ! Nous ne sommes pas à une contradiction près…
L’enjeu est non pas de financer l’industrie décarbonée, mais de démanteler l’épargne réglementée. Plus de la moitié des mineurs dispose d’un produit d’épargne : 40 % détiennent un livret A, 15 % un livret jeune, 5 % un plan d’épargne logement (PEL) et 5 % une assurance vie. Dites-nous vraiment pourquoi le livret de développement durable et solidaire (LDDS) ne pourrait pas financer l’industrie verte ! Pourquoi ne pourrions-nous pas prélever et rémunérer sur ce dernier le milliard d’euros que vous escomptez chaque année de ce nouveau plan d’épargne retraite (PER) ?
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter l’amendement n° I-2146 rectifié.
M. Rémi Féraud. Je m’inscris dans la continuité de ce que viennent d’exprimer nos collègues Isabelle Briquet et Éric Bocquet. Dans la période actuelle, il faut à la fois lutter contre le changement climatique et contre les inégalités.
Cet article lutte contre le changement climatique en accroissant les inégalités. Or nous ne sommes pas du tout convaincus par l’efficience du dispositif pour favoriser la transition écologique ; en revanche, il accroît objectivement les inégalités !
Il faut mener les deux luttes en même temps. Là, on fait le contraire. Que la transition écologique soit un outil de communication pour accroître encore les inégalités et pour priver encore la collectivité publique de ressources avec une nouvelle niche fiscale, c’est même scandaleux !
D’où cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je ne comprends pas vraiment la position que vous venez de défendre. Au fond, ce n’est ni plus ni moins qu’un produit d’épargne, comme le livret A, qui soutient le logement social. Ce dispositif vise à financer la lutte contre le changement climatique, pour laquelle il faut, nous le savons, mobiliser l’épargne. Cet enjeu a beaucoup de sens pour certains jeunes.
Je ne comprends donc pas votre opposition à ce principe. Nous créons un produit en lien avec une politique publique prioritaire, à l’instar de ce que nous faisons pour le logement social, un problème tout aussi important.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. Je ne peux pas rester silencieuse sur ce sujet.
Les critiques formulées par nos collègues des groupes CRCE-K et SER ont déjà été exprimées au moment du débat sur la loi relative à l’industrie verte, mais vous oubliez de rappeler, monsieur le ministre, que ce produit ne sert pas uniquement à soutenir l’industrie verte, il sert aussi à financer des actifs non cotés. Il ne peut donc pas être comparé à un livret A. Alors que celui-ci est un produit d’épargne sans risque, le plan d’épargne avenir climat peut contenir des actifs présentant une part de risque. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il existe trois profils d’investisseur ! Votre gouvernement a toujours refusé de le reconnaître,…
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Oui !
Mme Christine Lavarde. … parce que cela constituait une forme de cavalier législatif dans le projet de loi, mais vous voulez créer un nouveau produit, qui n’existe pas encore, pour combler un manque, qui existe. Mais, en tout état de cause, vous ne pouvez pas le comparer au livret A !
J’entends donc les critiques formulées. En effet, on offre la possibilité à certains ménages, à ceux qui en ont la capacité – je l’indiquais de manière très précise lors de la discussion de cette loi –, de s’engager dans un projet d’investissement de long terme qui comporte une part de risque, puisque cet investissement n’est pas garanti, même si les placements de long terme assurent normalement une certaine rentabilité. Toutefois, encore faut-il pouvoir placer son argent à un horizon de dix-huit ans, et même au-delà puisque vous avez prorogé la date de liquidation du produit aux 25 ans du titulaire.
Votre présentation était donc trop courte pour répondre aux arguments qui vous ont été opposés, monsieur le ministre.
Cela étant, j’estime pour ma part qu’il faut laisser sa chance au produit et je suis donc défavorable à ces amendements.