M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Mathilde Ollivier applaudit également.)
M. Éric Kerrouche. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la question du référendum a animé les débats du second tour de l’élection présidentielle, opposant le candidat Renaissance à la candidate d’extrême droite.
Emmanuel Macron avait notamment annoncé alors ne pas exclure une consultation des Français sur son projet de réforme des retraites. C’est une excellente proposition, qu’il a vaillamment concrétisée, comme chacun sait… (Sourires sur les travées du groupe SER.)
De la même manière, au cours de son mandat précédent, il avait envisagé de soumettre au référendum plusieurs propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Il n’en fit courageusement rien… (Nouveaux sourires.)
Quant à Marine Le Pen, elle ne proposait pas grand-chose, constitutionnellement parlant, sinon la possibilité de mettre en place un référendum d’initiative citoyenne qui permettrait de consulter les Français sur des sujets de société, en particulier – ô surprise ! – sur la priorité nationale et sur l’immigration. Toute ressemblance avec des propositions actuelles serait bien entendu fortuite !
Cette idée d’une consultation sur l’immigration a été temporairement reprise par Emmanuel Macron, qui l’a annoncée – avec le talent d’un horloger – en plein examen du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, avant finalement d’y renoncer.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’il rebrousse chemin sur la question de la transformation de nos institutions. En 2019, il avait déjà proposé de modifier les modalités du champ référendaire et du référendum d’initiative partagée. Une fois de plus, il a enterré ces possibilités après les rencontres de Saint-Denis…
Dans la pratique française, le référendum est un instrument essentiellement présidentiel ; sa pratique est délaissée depuis plus de vingt ans. Cela distingue notre pays des autres démocraties occidentales, où le peuple peut se saisir d’un champ plus vaste de questions et où le recours à cet outil est bien plus fréquent.
Le problème du référendum, en France, tient au fait qu’il a souvent connu une dérive plébiscitaire, aussi bien sous l’Empire que par la suite. Monsieur le garde des sceaux, vous avez évoqué les travaux préparatoires de l’article 11 de la Constitution. À cet égard, permettez-moi de vous rappeler que ces travaux lui avaient, à l’origine, donné un champ beaucoup plus étendu qu’il ne l’est actuellement. Il n’a été restreint qu’à la suite de l’accord intervenu entre le général de Gaulle et les autres forces politiques. La volonté initiale du constituant était donc bien de faire en sorte que l’outil référendaire ait une certaine importance.
La France n’a pas connu de référendum depuis 2005, et ce malgré la création, en 2008, du référendum d’initiative partagée. Les six tentatives de recours à ce dernier ont toutes abouti à des échecs, quand bien même l’une d’entre elles a recueilli plus d’un million de signatures. Tous ces seuils, ces modalités, ces dispositions réglementaires ne sont plus des garde-fous : ce sont des murailles !
Pour notre part, nous ne nous satisfaisons pas de ce déficit démocratique. À nos yeux, le RIP n’est pas un outil contre la démocratie ; nous ne croyons pas non plus, pour reprendre une formule de Nicolas Sarkozy, que le peuple ne serait « pas assez intelligent » pour cet outil. Au contraire, nous soulignons tout l’intérêt du RIP.
On l’a souligné, l’article 3 de la Constitution divise la souveraineté du peuple entre, d’une part, ses représentants et, d’autre part, la voie du référendum. Si l’on n’utilise pas les outils démocratiques dont on dispose, on les remet en cause. C’est bien ce qui se passe avec le référendum d’initiative partagée. Il importe que les citoyens puissent donner leur avis !
Reprenons les arguments énoncés contre la proposition de loi constitutionnelle de notre collègue Yan Chantrel.
Tout d’abord, selon M. le garde des sceaux, on ne saurait étendre le champ du référendum aux politiques fiscales, qui relèveraient exclusivement du Parlement. Mais c’est faire peu de cas des articles XIII et XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, sur l’égalité devant l’impôt et le consentement à l’impôt, eux-mêmes intégrés au bloc de constitutionnalité !
Je veux également répondre à nos collègues du groupe Les Républicains que la proposition de loi constitutionnelle qu’ils nous soumettront eux-mêmes dans quelques semaines ne s’encombre pas des mêmes subtilités, tant s’en faut. Nous divergeons simplement sur nos priorités : celle de la gauche est la justice fiscale, pour plus d’égalité ; celle de la droite est l’immigration !
On nous oppose que le seuil que nous proposons pour les signatures de citoyens requises afin de déclencher la procédure serait trop bas. D’autres pays, comme le Portugal, les Pays-Bas ou l’Italie, ont pourtant retenu des seuils comparables sans que cela leur pose de problème.
On nous objecte aussi que la possibilité d’une initiative citoyenne serait trop complexe. Je rappelle qu’une telle procédure avait déjà été proposée en 2008 par des députés socialistes, ainsi que par des sénateurs de droite, lesquels n’étaient pas a priori de dangereux zadistes !
Enfin, sur la question du verrou technique que représente aujourd’hui l’examen d’une proposition de loi référendaire par les assemblées, nous avons abordé ce problème à plusieurs reprises. Le Sénat a d’ailleurs inscrit dans son règlement la possibilité d’une motion ad hoc pour éviter ce cas de figure. Une telle motion étant impossible à l’Assemblée nationale, cette proposition de loi constitutionnelle vient lever ce dernier blocage.
Pour paraphraser Bertolt Brecht, ce n’est pas parce que le peuple vote contre le Gouvernement qu’il faut dissoudre le peuple. Nous réclamons la possibilité de rendre la parole aux citoyens. Pour cela, il nous faut leur donner des modalités d’expression et de participation.
C’est tout le sens de la proposition de loi constitutionnelle de Yan Chantrel et du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Donner la parole au peuple, c’est lui reconnaître sa légitimité de constituant ; c’est donc rendre ses lettres de noblesse à la démocratie française ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Lauriane Josende. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Lauriane Josende. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous connaissons tous l’histoire turbulente du référendum en France. Il a beaucoup été utilisé au XIXe siècle comme un outil plébiscitaire, souvent au détriment de la démocratie elle-même, ce qui a motivé l’encadrement de son usage par la Constitution de la Ve République. Ainsi, celle-ci a permis d’articuler l’exercice de la souveraineté nationale par le biais des représentants du peuple avec l’expression directe de la voix de ce dernier, dont la prise en considération est l’essence même de la démocratie.
Afin d’assurer cette conciliation entre le bon fonctionnement des mécanismes parlementaires et l’attente légitime de consultation des électeurs, la Constitution dispose donc non seulement, en son article 3, que la souveraineté nationale est exercée par les représentants du peuple et par la voie du référendum, mais aussi, aux termes de son article 39, que l’initiative des lois appartient concurremment – c’est important – au Premier ministre et aux membres du Parlement.
Souhaitant élargir les possibilités d’organisation d’un référendum d’initiative partagée, nos collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain proposent d’altérer cet équilibre constitutionnel des pouvoirs caractéristique de notre « démocratie à la française ».
Ainsi, la modification proposée des dispositions de l’article 11 relatives à l’ensemble des référendums soulève d’importantes questions, tant sur le plan de la technique juridique, comme l’a souligné M. le rapporteur, que sur le fond, eu égard à ce qu’implique un véritable débat démocratique.
Tout d’abord, comme cela a été rappelé par M. le rapporteur, la nature récente du dispositif du référendum d’initiative partagée, applicable de facto depuis huit ans seulement, limite notre capacité à tirer des conclusions définitives et péremptoires sur son fonctionnement.
Aussi la remise en question des seuils de saisine semble-t-elle prématurée, car ceux-ci ont précisément été conçus pour servir de filtre et éviter le contournement du Parlement.
Ensuite, les problématiques soulevées par l’ouverture de la possibilité de collecter les signatures avant le contrôle du Conseil constitutionnel suscitent des inquiétudes importantes quant au moment et aux modalités d’exercice de ce contrôle.
Cette inversion de logique pourrait avoir des conséquences au-delà d’un simple ajustement procédural. En effet, elle remet en question la séquence définie par le constituant, laquelle visait à assurer une articulation harmonieuse entre les différentes étapes du processus référendaire.
Aussi convient-il d’acter ici la nécessité d’une réflexion plus approfondie, comme beaucoup de mes collègues l’ont souligné avant moi. Pour une réforme aussi substantielle, il importe de prendre en compte les effets de toute révision de l’article 11 sur la cohérence de l’édifice juridique qu’est la Constitution et, a minima, sur ses articles 39 et 89.
Par ailleurs, la proposition de loi constitutionnelle qui nous est soumise remplace le mécanisme de « mise au référendum contrainte » par une « mise au référendum obligée » dans tous les cas autres que le rejet par les deux chambres. Certains orateurs l’ont déjà souligné, ce mécanisme implique qu’un texte voté par les deux assemblées se trouvera, malgré cela, nécessairement soumis au référendum.
En l’état actuel du droit, un scrutin référendaire doublant le vote parlementaire n’est possible que pour les révisions constitutionnelles encadrées par l’article 89, procédures par nature exceptionnelles ; l’article 89 permet d’ailleurs de ne pas organiser de référendum en cas de convocation du Congrès.
Par ailleurs, ce texte ajoute une couche de complexité au dispositif existant en remettant en question l’importance du bicamérisme et le rôle de la navette parlementaire.
Au-delà, reconnaissons que toute modification de l’article 11 constitue un défi d’ampleur, qui exige un débat bien plus approfondi, sur chacun des points que j’ai évoqués ; dès lors, notre groupe estime que l’examen d’un tel texte au sein d’une niche parlementaire de durée limitée ne peut aboutir qu’à un débat tronqué.
L’existence de travaux concomitants du Sénat lui-même, dans le cadre du groupe de travail sur les institutions mis en place par le président Gérard Larcher, nous impose en outre d’attendre leurs conclusions. Si nous voulons des débats de qualité et pertinents, nous devons prendre le temps d’aborder tous ces sujets avec une grande prudence.
Le référendum d’initiative partagée doit demeurer un instrument équilibré, qui préserve l’intégrité de notre système représentatif tout en offrant aux citoyens une voie d’expression directe lorsque c’est véritablement utile.
En effet, la démocratie directe ne doit jamais servir de prétexte à une dévitalisation du parlementarisme, qui doit demeurer au cœur de nos institutions républicaines.
Mes chers collègues, nous serons unanimes à reconnaître que la proposition de loi constitutionnelle que nous soumettent aujourd’hui nos collègues socialistes a le mérite de montrer que le débat sur l’article 11 doit se tenir. Pour autant, elle est tout aussi inaboutie techniquement qu’inopportune.
Vous l’aurez compris, les modifications proposées soulèvent, en réalité, des questions de fond bien plus importantes qu’un simple abaissement des seuils de recours au référendum d’initiative partagée. Il convient donc de ne pas adopter ce texte, mais de poursuivre les échanges et les réflexions engagés dans le cadre des différentes instances républicaines et notamment ici, au Sénat.
Pour toutes ces raisons, les membres du groupe Les Républicains suivront l’avis du rapporteur et ne voteront pas cette proposition de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Bas, rapporteur. Très bien, merci !
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, alors que la démocratie représentative est piétinée par le recours abusif – c’est un euphémisme ! – au 49.3 et que les présidents de la République successifs ne consultent plus les Français par référendum, donnons la capacité au peuple souverain d’engager une procédure référendaire qui puisse réellement aboutir !
Il est paradoxal de voir les hommes politiques continuellement consulter l’opinion publique en commandant ou en interprétant des sondages, mais en même temps refuser de s’en remettre à l’initiative du peuple et à son verdict.
Le référendum d’initiative partagé actuel est un hochet donné aux citoyens en 2008 pour faire croire en la bonne volonté d’un exécutif coupable d’avoir bafoué le « non » au référendum de 2005 par la ratification parlementaire du traité de Lisbonne, en 2008. L’usage a montré que ce référendum d’initiative partagée était inapplicable.
Vous ne pouvez pas vous draper de gaullisme en permanence et refuser de gouverner comme le général de Gaulle : dix ans au pouvoir et quatre référendums à son actif !
Depuis bientôt dix-neuf ans, Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron sont passés à l’Élysée en oubliant la voix du peuple le soir même de leur élection.
C’est aussi cela qui nourrit l’abstention, aggrave la crise civique, dénoue le lien de confiance, rabougrit la démocratie représentative et attise les violences urbaines.
Je suis un parlementaire, mais aussi un citoyen, et je pense, aux côtés des Français de tous bords – « gilets jaunes » ou « bonnets rouges » –, que nous devons être entendus en nous exprimant dans les urnes lors de consultations nationales autres que l’élection de nos représentants.
Le débat parlementaire reprend son sens et sa vitalité quand notre institution ménage des occasions de sortir des méandres de la procédure parlementaire.
Cet automne, à l’occasion des soixante-cinq ans de la Constitution, il est donc temps de faire un aggiornamento démocratique, non en convoquant les chefs de partis politiques à un entre-soi, mais en convoquant les Français sur des sujets qui les intéressent, même si vous les jugez démagogiques, monsieur le garde des sceaux !
Nous avons appris à l’issue du dernier « entre-soi de Saint-Denis » que le consensus s’était fait autour du refus d’un élargissement du champ du référendum.
Voilà le plus petit dénominateur commun entre les partis politiques français : brider l’avis du peuple ! Voilà le mal français, ou plutôt le mal fait aux Français !
Le monopole des partis sur la délibération politique est désespérant. Les Français se sentent dépossédés, méprisés, bâillonnés.
Le référendum sur l’immigration évoqué par le chef de l’État le 3 novembre dernier est donc abandonné par le chef de l’État lui-même !
Alors que certains fantasment une créolisation, mais que notre pays est plutôt soumis à un processus de « crépolisation » avancé, conséquence directe de sa politique d’immigration, quoi de mieux qu’un référendum pour « faire peuple » ?
Qui, mieux que le peuple, peut définir la politique d’immigration confisquée par les juges et les traités européens et internationaux ? Qui, mieux que le peuple, peut acquiescer, ou refuser sa dislocation et sa disparition ?
Sans référendum, nous sortons du XXIe siècle pour revenir aux errements des IIIe et IVe Républiques, sous lesquelles le Parlement et les partis verrouillaient les décisions. On sait comment cela finit !
Sans révision constitutionnelle, notre inconséquence mènera à la guerre civile ou à la VIe République mélenchoniste, synonyme de la fin non seulement du pacte républicain, mais surtout de la France !
C’est pourquoi je soutiendrai cette proposition de loi constitutionnelle. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette.
M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le général de Gaulle déclarait en 1942 : « La démocratie, c’est le gouvernement du peuple par le peuple, et la souveraineté nationale, c’est le peuple exerçant sa souveraineté sans entrave. »
L’absence d’entrave ne signifie évidemment pas l’absence de cadre. L’article 11 de la Constitution, dans sa rédaction actuelle, fixe plusieurs conditions à la mise en œuvre du référendum et, en particulier, à celle du référendum d’initiative partagée, dont il définit avec précision le périmètre. Il fixe également la quantité de parlementaires et de citoyens dont le soutien est requis pour la mise en place de ce dispositif : 10 % du corps électoral et 20 % des parlementaires.
Nos collègues socialistes nous invitent à élargir ce périmètre et à abaisser ces seuils. Les justifications avancées sont claires : il s’agit de faciliter la consultation de nos concitoyens sur les grands sujets politiques.
Ils estiment, par ailleurs, qu’une telle facilitation est à même de remédier, au moins partiellement, au déclin de la participation de nos concitoyens aux élections.
Ces objectifs sont louables. Nous regrettons tous le recul de l’engagement démocratique dans notre pays. Néanmoins, la proposition de loi constitutionnelle qu’ils nous soumettent se heurte à plusieurs obstacles.
Le président du Sénat, comme cela a été souligné, a relancé le groupe de travail sur les institutions et l’a concentré précisément sur la question des référendums. À n’en pas douter, le présent texte constitue une contribution de poids à ce débat. Cependant, il peut apparaître prématuré de se prononcer sur l’un de ces sujets avant que nous soyons allés au bout de ce processus.
Le fait que, en huit ans, nulle initiative référendaire ne soit parvenue à être soutenue par 4,87 millions d’électeurs fait dire à nos collègues que ce seuil doit être abaissé. Nous n’interprétons pas cette situation de la même manière.
Au-delà du fait que huit ans constituent une période relativement courte à l’échelle de la vie de nos institutions, nous estimons que ces seuils n’ont pas été atteints parce que la très grande majorité de nos concitoyens ne souhaitait pas être consultée sur les sujets en question.
Un million d’électeurs, ce n’est que 2 % du corps électoral de notre pays. Est-il légitime qu’une si faible proportion puisse imposer une consultation aux 98 % restants ? Nous ne le pensons pas.
Que des minorités politiques manifestent leur opposition et expriment leurs revendications, rien de plus légitime. En revanche, il nous apparaîtrait injuste qu’elles puissent imposer des consultations intempestives, surtout en l’absence de tout contrôle du Conseil constitutionnel, a fortiori quand le format binaire du référendum polarise nécessairement en excluant toute nuance.
Nous connaissons les dangers du populisme. Les auteurs de la présente proposition appellent de leurs vœux un référendum sur une réforme des retraites adoptée par le biais du 49.3, mais le récusent lorsqu’il s’agit d’autres sujets de société.
Les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires sont de fervents partisans de la démocratie représentative. Nous sommes convaincus que la consultation de nos concitoyens sur les politiques de notre pays doit rester exceptionnelle si nous ne voulons pas fragiliser davantage la légitimité du travail parlementaire.
Au moment où le débat politique se polarise, il nous semble essentiel de renforcer nos institutions et leur stabilité. Nous voterons donc contre cette proposition de loi constitutionnelle.
M. le président. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion de l’article unique de la proposition de loi constitutionnelle initiale.
proposition de loi constitutionnelle visant à faciliter le déclenchement du référendum d’initiative partagée
Article unique
L’article 11 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent » sont remplacés par les mots : « la politique économique, fiscale, sociale ou environnementale de la nation et les services publics qui y concourent » ;
2° La première phrase du troisième alinéa est ainsi modifiée :
a) Le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « dixième » ;
b) Les mots : « un dixième des électeurs » sont remplacés par les mots : « un million d’électeurs » ;
c) Sont ajoutés les mots : « , ou à l’initiative du même nombre d’électeurs, soutenue par le même nombre de membres du Parlement » ;
3° Au cinquième alinéa, le mot : « examinée » est remplacé par le mot : « rejetée ».
M. le président. Sur l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle, je n’ai été saisi d’aucun amendement.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle, je donne la parole à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.
M. Yan Chantrel. Monsieur le président, je souhaite répondre à quelques éléments évoqués dans le cours de la discussion générale.
Avant tout, monsieur le rapporteur, je veux vous rappeler que l’instauration du RIP a été voulue en premier lieu par votre majorité lors de la réforme constitutionnelle de 2008. C’est vous, et non pas nous, qui avez inscrit cette procédure dans la Constitution ; nous proposons simplement aujourd’hui de l’améliorer et de la rendre opérationnelle en la simplifiant.
Alors, soit vous considérez que vous avez fait une erreur en 2008, qu’il s’agit d’une mauvaise disposition, et vous revenez dessus, soit vous considérez que c’est une bonne disposition, auquel cas vous devez tout faire pour qu’elle puisse s’appliquer !
Vous avez souligné dans votre propos liminaire que le Président de la République avait déjà beaucoup de pouvoir, ce dont nous convenons, et que vous ne souhaitiez pas lui en donner davantage. J’imagine donc qu’au mois de décembre vous voterez contre la proposition de loi constitutionnelle de M. Retailleau tendant à élargir le champ du référendum à « tout projet de loi ou tout projet de loi organique », y compris, par conséquent, à des textes fiscaux…
Vous nous objectez par ailleurs que le seuil de 185 parlementaires n’a jamais constitué un frein à l’initiative référendaire. Mais comment peut-on le savoir, puisqu’aucune des initiatives ayant recueilli le soutien d’un nombre inférieur de parlementaires n’a pu, par définition, être même enregistrée ?
Vous trouvez également que le seuil de 1 million de signatures de citoyens serait trop bas. Or aucun des pays qui pratiquent ce type de référendum n’a fixé la barre aussi haut : le seuil est de 500 000 citoyens en Italie et de 50 000 en Suisse. Convenez, monsieur le rapporteur, qu’un million de signatures, c’est encore très exigeant, d’autant que les signataires doivent être inscrits sur les listes électorales. J’en veux pour preuve les pétitions que l’on peut signer sur internet : très peu d’entre elles atteignent 1 million de signatures alors que n’importe qui peut y laisser la sienne, même sous couvert d’anonymat !
Quant à remplacer le mot « examinée » par le mot « rejetée », notre objectif est évidemment de faire en sorte que le référendum ait bien lieu, sauf rejet par les deux assemblées.
L’idée est de redonner un petit peu de pouvoir à nos concitoyens – il demeure en effet beaucoup de verrous et le Parlement reste dans la boucle avec son droit de veto, simplement rendu moins systématique – en simplifiant les procédures que vous avez vous-mêmes inscrites dans la Constitution. Il s’agit de travailler de pair avec nos concitoyens, non pas les uns contre les autres, mais ensemble !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Si la commission n’a pas établi de texte, c’est d’abord parce qu’elle a souhaité que le texte de nos collègues fasse l’objet d’un débat dans notre hémicycle.
Je veux cependant rappeler, dans la perspective du scrutin public, de droit sur une proposition de loi constitutionnelle, que la commission est défavorable à l’adoption du présent texte.
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. J’ai écouté avec beaucoup d’attention l’intervention, brillante, du rapporteur Philippe Bas, qui appelle à prendre son temps, à négocier, à regarder les articles les uns après les autres, dans le détail, à rechercher les points d’accord que l’on peut trouver…
J’entends votre prudence, monsieur le rapporteur. Elle est sûrement bienveillante, mais pourquoi ne pas user d’arguments du même type sur un autre texte visant à réformer la Constitution, à savoir la proposition de loi constitutionnelle de MM. Retailleau et Buffet sur l’immigration, que vous défendez et qui sera examinée ici même le 12 décembre prochain ?
Dans ce texte-là, vous demandez l’intégration dans le champ du référendum, à l’article 11 de la Constitution, des questions migratoires. Vous demandez également de prendre en considération la notion d’assimilation plutôt que celle d’intégration. Vous remettez enfin en cause le droit du sol – vous y allez au canon !
Vous pouvez donc nous critiquer, monsieur le rapporteur, nous reprocher d’aller trop vite, trop loin, mais votre majorité sénatoriale n’hésite pas, sur d’autres sujets, à prendre un chemin bien plus conflictuel que celui que nous proposons en matière d’élargissement du RIP.
Au reste, je n’ai pas manqué de remarquer que M. Retailleau, déclinant la proposition de recourir au dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution que lui avait faite M. le président du Sénat – sur mon initiative –, a refusé de solliciter l’avis du Conseil d’État sur cette proposition de loi constitutionnelle…
Nous regrettons donc qu’il y ait deux poids, deux mesures ! Cette prudence dont vous faites preuve aujourd’hui à notre égard, appliquez-la aussi aux textes de la majorité sénatoriale ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Il est exact, monsieur le président Kanner, que je suis très prudent. J’aurais souhaité que vous le fussiez aussi, parce que le référendum peut apporter le meilleur comme le pire…
Nous sommes le Parlement de la République. Nous savons quel consensus la délibération parlementaire peut produire.
Dans une démocratie dont la verticalité a souvent été contestée, surtout au cours des dernières années, l’augmentation des pouvoirs du Président de la République est en effet une question qu’il faut aborder avec prudence face à la représentation nationale.