Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement visant à demander la remise d’un rapport, l’avis est, comme toujours, défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Aurélien Rousseau, ministre. J’ai découvert récemment que la commission était par principe toujours défavorable aux demandes de rapport.
En tout état de cause, j’estime que le champ de travail que vous délimitez est trop restreint, madame la sénatrice, et que, au-delà de l’Ondam, il faudrait élargir la discussion au Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies, qui est une entreprise publique dépendant de Bercy.
En outre, il conviendrait peut-être aussi d’associer à cette réflexion la commission des affaires économiques, qui a à connaître les activités de l’Agence des participations de l’État (APE).
Mme Annie Le Houerou. Je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 1175 est retiré.
Je mets aux voix l’article 31, modifié.
(L’article 31 est adopté.)
Article 32
I. – L’article L. 5121-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le 2° est ainsi modifié :
a) Au a, après le mot : « stock », sont insérés les mots : « ou d’arrêt de commercialisation » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« À titre dérogatoire, afin de répondre à l’ensemble des besoins nationaux, le ministre chargé de la santé peut autoriser par arrêté la dispensation par les pharmacies d’officine de ces préparations hospitalières spéciales ; »
2° Le 3° est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles, à titre exceptionnel et temporaire, pour faire face à une rupture de stock d’un médicament d’intérêt thérapeutique majeur ou à l’arrêt de sa commercialisation ou pour faire face à une menace ou à une crise sanitaire grave et pour garantir la qualité et la sécurité d’utilisation des produits, le ministre chargé de la santé autorise par arrêté la réalisation, par les officines disposant de l’autorisation mentionnée au second alinéa de l’article L. 5125-1-1, pour leur propre compte ou pour le compte d’une autre officine dans les conditions prévues au même second alinéa, de préparations officinales spéciales. Ces préparations respectent les exigences suivantes :
« a) Être soumises à prescription médicale ;
« b) Être réalisées selon une monographie publiée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ;
« c) Être préparées à partir d’une matière première à usage pharmaceutique fournie par l’établissement pharmaceutique d’un établissement de santé défini à l’article L. 5124-9 ; ».
II. – Après l’article L. 162-16-4-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 162-16-4-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 162-16-4-5. – Les prix de cession, couvrant les frais de la réalisation et de la dispensation en officine, des préparations hospitalières spéciales mentionnées au deuxième alinéa du 2° de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique, lorsqu’elles font l’objet d’une dispensation en officine, et des préparations officinales spéciales mentionnées au deuxième alinéa du 3° du même article L. 5121-1, sont fixés par un arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. »
Mme la présidente. L’amendement n° 289, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au deuxième alinéa, après la référence : « L. 5126-6. », est insérée une phrase ainsi rédigée : « L’exécution de ces préparations peut également être confiée, sous la responsabilité des pharmacies à usage intérieur et des établissements pharmaceutiques habilités, à des pharmacies d’officine autorisées à exercer une activité de sous-traitance dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 5125-1. » ;
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Par cet amendement, il est proposé que la production de tout ou partie des préparations hospitalières spéciales puisse être confiée à des pharmacies d’officine dûment autorisées par l’ARS. En France, une cinquantaine de pharmacies d’officine pourraient être concernées.
Cet amendement avait déjà été présenté par la commission dans le cadre du PLFSS 2022.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Aurélien Rousseau, ministre. J’estime que ces préparations spéciales doivent rester du ressort des pharmacies à usage intérieur (PUI). Celles-ci font en effet l’objet d’une autorisation par les ARS et d’un contrôle des prescriptions plus contraignants que les pharmacies du réseau officinal, bien qu’une cinquantaine de ces dernières puissent effectivement se prévaloir d’une telle autorisation.
Quoi qu’il en soit, il revient aux pharmacies à usage intérieur d’assumer l’élaboration de ce type de préparations.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 290, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Après le mot :
fournie
insérer les mots :
par un établissement mentionné à l’article L. 5138-1 ou
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Par cet amendement, il est proposé de permettre l’exécution, par les pharmacies d’officine, de préparations officinales spéciales à partir d’une matière première à usage pharmaceutique (MPUP) fournie par un établissement autorisé par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) à exercer une activité de fabrication, d’importation et de distribution de substances actives.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Aurélien Rousseau, ministre. L’établissement pharmaceutique de l’AP-HP qu’est l’Agence générale des équipements et produits de santé (Ageps) doit à mes yeux rester le point de sortie unique des MPUP.
L’agence garantit en effet le niveau de qualité pharmaceutique des matières premières nécessaires à la réalisation des préparations officinales spéciales. Celles-ci sont fournies aux officines autorisées à les réaliser à un prix qui plus est unique et maîtrisé. Ce système permet donc d’assurer à la fois l’intérêt des patients et la soutenabilité financière de ces préparations pour l’assurance maladie.
Autrement dit, l’Ageps est un outil industriel, pas uniquement dans les périodes de pénurie. J’estime donc qu’il nous faut la solliciter au maximum, car elle dispose d’une forte capacité de négociation avec les industriels.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Nous avons appris que l’Ageps a connu une importante diminution de postes, laquelle a entraîné une baisse sensible de sa production.
Dans son rapport sur la pénurie de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique, notre ancienne collègue Laurence Cohen a conclu à la nécessité d’accroître la production publique de médicaments.
Avez-vous donc l’intention de redonner à cette agence des moyens de produire, monsieur le ministre ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Comme vous le savez, monsieur le ministre, il s’agit non pas d’écarter l’Ageps, mais de limiter le risque de pénurie en mobilisant tous les acteurs disponibles afin de diversifier les sources d’approvisionnement en matières premières.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Aurélien Rousseau, ministre. L’Ageps, dont le bâtiment était prévu pour être un site de production, avait effectivement perdu des capacités de production. Je m’exprime sous le contrôle des deux anciens présidents suppléants du conseil de surveillance de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris présents dans cet hémicycle.
L’épisode du covid-19, les pénuries que nous avons connues, ainsi que les éléments issus du rapport de Sonia de La Provôté et Laurence Cohen, nous ont conduits à confier à l’Ageps un rôle pivot dans la production des matières premières à usage pharmaceutique. L’AP-HP a donc redoté en personnel cette agence, qui n’est du reste pas une entité morale distincte de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris.
J’entends vos arguments, madame la rapporteure. Pour être tout à fait transparent, j’attends de vérifier la capacité de cet établissement, qui me paraît le plus à même de remplir cette mission, à monter en puissance en termes de production.
Nous pourrons ensuite, le cas échéant, envisager de permettre à d’importantes pharmacies à usage intérieur et à d’autres établissements de référence d’assurer une partie de la production.
En tout état de cause, l’Ageps ayant été redotée à cette fin, je souhaite procéder de manière progressive.
Mme la présidente. L’amendement n° 291, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Compléter cet alinéa par les mots :
, pris après consultation des représentants des pharmaciens concernés
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Le présent amendement vise à mieux associer les organisations représentatives des pharmaciens à la définition des prix de cession des préparations officinales spéciales et, lorsqu’elles font l’objet d’une dispensation en officine, des préparations hospitalières spéciales.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Aurélien Rousseau, ministre. Le prix de cession qui sera fixé pour chacune des préparations officinales spéciales par arrêté des ministres devra tenir compte des coûts de réalisation et des frais de dispensation qui seront calculés sur la base de critères généraux objectifs préalablement communiqués à la profession.
Dans les faits, un tel arrêté n’est jamais pris sans une consultation informelle de la profession. J’estime donc qu’inscrire cette consultation dans la loi, c’est la faire figurer un peu haut dans la hiérarchie des normes, alors que cette pratique fait aujourd’hui partie du quotidien des administrations.
J’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 32, modifié.
(L’article 32 est adopté.)
Après l’article 32
Mme la présidente. L’amendement n° 978, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 32
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 5423-9 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le manquement des obligations prévues aux 5°, 6° et 7° fait l’objet d’une sanction financière comprise entre 0,5 % et 2 % du chiffre d’affaires du titulaire d’autorisation de mise sur le marché ou de l’entreprise pharmaceutique exploitante. »
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Dans le rapport qu’elle a rédigé au nom de la commission d’enquête sur la pénurie de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique, notre collègue Laurence Cohen a pointé la nécessité de mieux anticiper les risques de rupture de médicaments et de garantir la crédibilité et l’exactitude des plans de gestion des pénuries.
Les plans de gestion des pénuries, qui ont pour objectif de prévenir et de pallier toute rupture de stock, constituent le principal dispositif destiné à contraindre les industriels à renforcer leur analyse a priori des risques d’approvisionnement associés à un médicament.
Les travaux et les auditions menés par la commission d’enquête ont démontré la qualité nettement insuffisante des plans de gestion des pénuries et leur niveau très variable de précision, les noms de certaines spécialités étant parfois absents.
Les plans de gestion des pénuries sont d’une qualité nettement insuffisante et devraient être complétés d’urgence s’agissant de spécialités qui ont récemment été en rupture et le sont parfois toujours.
Il incombe aux laboratoires de fournir des informations précises et exhaustives sur les risques inhérents à la production des médicaments qu’ils mettent sur le marché.
Au regard de l’enjeu d’anticipation et d’évaluation des risques, il est urgent de renforcer les contrôles sur ces documents et, par conséquent, de donner à l’ANSM les moyens humains et matériels de le faire.
Tout manquement doit de plus faire l’objet de sanctions financières véritablement dissuasives.
Pour l’ensemble de ces raisons, le présent amendement vise à renforcer les pénalités financières encourues par les titulaires d’autorisation de mise sur le marché ou par les entreprises pharmaceutiques qui ne respecteraient pas leurs obligations en matière de prévention des pénuries de médicaments.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Les sanctions pouvant être prononcées par l’ANSM en cas de manquements aux obligations mentionnées sont déjà très élevées. Le code de la santé publique les plafonne à 30 % du chiffre d’affaires réalisé sur le produit ou le groupe de produits concernés. Dans certains cas, le montant des sanctions est supérieur à celui que vous proposez de fixer par cet amendement, ma chère collègue.
La commission d’enquête sénatoriale sur la pénurie de médicaments que vous évoquez et à laquelle j’ai participé a d’ailleurs souligné que le problème principal des sanctions prononcées par l’ANSM était non pas leur montant, mais leur rareté.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 978.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 33
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 5121-29 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) À la seconde phrase du dernier alinéa, après le mot : « difficulté », sont insérés les mots : « , toute rupture ou tout risque de rupture » ;
c) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – La rupture d’approvisionnement se définit comme l’incapacité pour une pharmacie d’officine ou une pharmacie à usage intérieur de dispenser un médicament à un patient dans un délai donné, qui peut être réduit à l’initiative du pharmacien lorsque la poursuite optimale du traitement l’impose. Ce délai et les diligences que le pharmacien doit accomplir pour dispenser le médicament sont définis par décret en Conseil d’État. » ;
2° Après l’article L. 5121-33, sont insérés des articles L. 5121-33-1 à L. 5121-33-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 5121-33-1. – En cas de rupture d’approvisionnement, un arrêté du ministre chargé de la santé peut rendre obligatoire le recours à l’ordonnance de dispensation conditionnelle, dans les conditions prévues aux articles L. 5121-12-1-1 et L. 5121-20, ou la délivrance de médicaments à l’unité, dans les conditions prévues à l’article L. 5123-8. Par arrêté du même ministre, il est mis fin sans délai à ces mesures lorsqu’elles ne sont plus nécessaires.
« L’arrêté mentionné au premier alinéa du présent article précise les médicaments concernés parmi ceux identifiés en application du 15° de l’article L. 5121-20 ou ceux mentionnés sur la liste établie en application du second alinéa de l’article L. 5123-8.
« Art. L. 5121-33-2. – En cas de rupture d’approvisionnement de certains médicaments, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté, en limiter ou en interdire la prescription par un acte de télémédecine. Par arrêté du même ministre, il est mis fin sans délai à ces mesures lorsqu’elles ne sont plus nécessaires.
« Art. L. 5121-33-3 (nouveau). – En cas de rupture ou de risque de rupture d’approvisionnement d’un médicament d’intérêt thérapeutique majeur ou d’un vaccin mentionné au b du 6° de l’article L. 5121-1, le directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé peut, après mise en œuvre d’une procédure contradictoire, prendre toutes les mesures de police sanitaire nécessaires pour garantir un approvisionnement approprié et continu par les titulaires et les exploitants d’autorisations de mise sur le marché. » ;
3° (nouveau) L’article L. 5423-9 est complété par un 9° ainsi rédigé :
« 9° Le fait, pour le titulaire ou l’exploitant d’une autorisation de mise sur le marché d’un médicament d’intérêt thérapeutique majeur ou d’un vaccin mentionné au b du 6° de l’article L. 5121-1, de ne pas mettre en œuvre les mesures prises par le directeur général de l’agence en application de l’article L. 5121-33-3. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1341 rectifié bis n’est pas soutenu.
L’amendement n° 506 rectifié, présenté par Mme Lermytte, M. Chasseing, Mme Bourcier, MM. Wattebled et Capus, Mme Paoli-Gagin, MM. Brault et Chevalier, Mme L. Darcos, MM. Guerriau, Verzelen, Henno et Houpert et Mme Guidez, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au deuxième alinéa, le mot : « excéder » est remplacé par les mots : « être inférieur à » ;
La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.
Mme Marie-Claude Lermytte. Depuis quelques années, les ruptures de stock et les tensions d’approvisionnement connaissent une progression très inquiétante, au point que les problèmes d’indisponibilité de médicaments peuvent aujourd’hui être considérés comme chroniques, en France comme dans la plupart des États de l’OCDE.
Ces difficultés concernent l’ensemble des médicaments et des vaccins, qu’il s’agisse de médicaments d’intérêt vital, dits médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), principalement dispensés à l’hôpital, ou de médicaments d’usage quotidien vendus en officine.
Les classes thérapeutiques les plus concernées sont les anticancéreux, les anti-infectieux – antibiotiques et vaccins –, les anesthésiants, les médicaments du système nerveux central destinés notamment au traitement de l’épilepsie ou de la maladie de Parkinson, ainsi que les médicaments dérivés du sang.
En raison de la complexité de leur processus de fabrication, les spécialités injectables sont les plus vulnérables au risque de pénurie.
La durée moyenne des ruptures constatées en 2017 pour les MITM était d’environ quatorze semaines, la médiane s’établissant à sept semaines et demie. Les vaccins sont en moyenne touchés pendant cent soixante-dix-neuf jours.
Le décret n° 2021-349 du 30 mars 2021 relatif au stock de sécurité destiné au marché national fixe à deux mois ces stocks pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, soit huit semaines. Cela demeure insuffisant, même si la durée médiane des ruptures est ainsi couverte.
En conséquence, cet amendement vise à fixer la durée minimale de ces stocks stratégiques à quatre mois.
Mme la présidente. L’amendement n° 1229 rectifié, présenté par Mme Poumirol, MM. Ouizille et Jomier, Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin et Rossignol, MM. Redon-Sarrazy, Kerrouche, Chantrel et Lurel, Mme Bélim, MM. Jacquin, Ziane et Michau, Mmes Bonnefoy et Harribey, MM. Temal et Durain, Mme G. Jourda, MM. Féraud et Cardon, Mme Blatrix Contat, MM. Cozic, P. Joly et Stanzione, Mmes Conway-Mouret et Monier, MM. Chaillou, Tissot et Marie, Mme Artigalas, MM. Mérillou, Gillé et Montaugé, Mme Linkenheld et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Après la première phrase du deuxième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, cette limite ne peut être inférieure à quatre mois de couverture des besoins en médicament, calculés sur la base du volume des ventes de la spécialité concernée au cours des douze derniers mois glissants. » ;
La parole est à Mme Émilienne Poumirol.
Mme Émilienne Poumirol. Cet amendement vise également à sécuriser l’approvisionnement de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur en fixant la durée des stocks stratégiques à quatre mois.
Les pénuries de médicaments et de vaccins s’intensifient et s’aggravent d’année en année, emportant de lourdes conséquences pour les personnes malades et pour la santé publique.
Le rapport de la commission d’enquête menée sous l’égide de Sonia de La Provôté et de Laurence Cohen souligne notamment que 37 % des Françaises et des Français ont déclaré avoir été confrontés à des pénuries de médicaments en 2023.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a consacré l’obligation, pour les industriels, de constituer un stock de sécurité destiné au marché national pour chaque MITM afin d’assurer quatre mois de couverture des besoins en médicaments. Nous étions donc satisfaits.
Le décret d’application du 30 mars 2021 a toutefois révisé à la baisse le dispositif, en précisant que la durée de couverture permise par les stocks devait être d’« au moins » deux mois. La constitution de stocks étant coûteuse – on nous le répète dans le cadre de l’examen de chaque PLFSS et à chaque fois que nous auditionnons Les entreprises du médicament (Leem) –, les industriels en ont profité pour réduire la durée des stocks à deux mois.
Il nous paraît donc important, pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, de rétablir la disposition que nous avions votée en 2020, à savoir la constitution de stocks de quatre mois au minimum.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. L’avis est défavorable.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ne le prenez pas mal, ma chère collègue. De fait, nous n’avons pas fait face à une pénurie d’amendements sur ce PLFSS ! (Sourires.) Je ne vous en fais pas le reproche ; notre pouvoir, c’est le droit d’amendement.
Plus sérieusement, les stocks sont aujourd’hui fixés par voie réglementaire à deux mois de couverture des besoins pour l’ensemble des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur et à quatre mois pour les MITM qui présentent le plus grand risque de rupture.
La constitution de stocks est effectivement coûteuse pour les entreprises, comme le souligne le Leem, mais elle peut aussi paradoxalement contribuer à réduire le nombre de médicaments en circulation dans les situations en tension.
La difficulté que nous rencontrons aujourd’hui est de savoir où sont les stocks. Certaines entreprises de médicaments – nous y reviendrons sans doute dans la suite de la discussion – ne mettent pas leurs produits en distribution auprès des grossistes-répartiteurs et des officines pour ne pas être pénalisées au regard de l’obligation de constitution de stocks.
J’estime donc que l’allongement de la durée des stocks n’est pas une bonne idée. J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Aurélien Rousseau, ministre. Je crains de cocher toutes les cases irritantes…
Premièrement, lorsqu’il existe un risque objectif de pénurie d’un médicament d’intérêt thérapeutique majeur, il est d’ores et déjà possible de porter la durée des stocks à quatre mois.
Deuxièmement – je m’aventure à présent en terrain glissant –, la Commission européenne est très attentive à la question des stocks nationaux. Elle considère en effet à juste titre qu’il y a non pas un marché français, italien ou anglais, mais un seul marché européen. En imposant des stocks trop importants, la France compromettrait la disponibilité des produits dans d’autres pays.
Troisièmement – je m’apprête à cocher une nouvelle case –, la réalité est telle aujourd’hui que si nos prescriptions sont trop dures, certains industriels risquent de se retirer du marché français.
Mme Émilienne Poumirol. C’est du chantage !
M. Aurélien Rousseau, ministre. Sans aucun doute, madame la sénatrice.
Deux des laboratoires de médicaments génériques auxquels j’ai proposé de rehausser le prix de leurs produits afin d’en garantir les approvisionnements en France ont refusé au prétexte que je n’avais pas accepté d’autres de leurs demandes.
En clair, et même si la situation n’est pas aussi simple, nous ne disposons pas des outils qui nous permettraient de contraindre les méchants.
Nous allons par ailleurs renforcer – nous y reviendrons – les outils de police sanitaire de l’ANSM. C’est un point important.
J’ajoute – je m’exprime sous le contrôle de la rapporteure – que ce à quoi nous assistons cette année est non pas une pénurie, mais une totale dérégulation du système, avec ce que cela suppose d’intérêts financiers à tous les étages. Nous disposons en effet des stocks nationaux des princeps les plus importants.
Il faut simplement que l’hydraulique soit rétablie jusqu’aux plus petites pharmacies du territoire. Soyez assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, de ma détermination à cet égard.
Nous aurons l’occasion de revenir ultérieurement sur les éléments financiers, qui constituent une variable essentielle, mais j’ajoute qu’après l’épisode de l’an dernier, nous souhaitons relocaliser sur le territoire national une partie de la production, notamment des vingt-cinq molécules les plus sensibles. Les industriels, qui sont les mêmes auxquels nous imposons la constitution de stocks, disposent de ce fait d’une carte supplémentaire dans leur jeu.
Nous nous efforçons de ménager ces différents éléments du mieux que nous pouvons.
En tout état de cause, l’avis est défavorable, car comme la rapporteure, j’estime que les dispositions proposées conduiraient à une aggravation des pénuries.