Mme Marie-Claude Varaillas. Pour des raisons identiques à celles qui viennent d’être brillamment développées, nous proposons la création d’une taxe sur les publicités portant sur les jeux de hasard, afin de financer la prévention des addictions à ces jeux et les coûts liés à leur traitement.
M. le président. L’amendement n° 899 rectifié, présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly, Brulin et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 10 decies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après la section 3 du chapitre 5 du titre IV du livre II de la partie législative du code de la sécurité sociale, il est inséré une section ainsi rédigée :
« Section …
« Taxation des publicités relatives aux paris sportifs
« Art. L. 247. – I. – Il est institué une taxe perçue sur les dépenses de publicité portant sur les paris sportifs.
« II. – Sont redevables de cette taxe :
« 1° Pour le pari mutuel, les sociétés de courses qui les organisent dans les conditions fixées par l’article 5 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l’autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux et pour les paris hippiques en ligne, les personnes mentionnées à l’article 11 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne
« 2° Pour les paris sportifs, les sociétés qui les organisent dans les conditions fixées par le I de l’article 137 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises
« 3° Pour les paris sportifs en ligne, les sociétés qui les organisent dans les conditions fixées à l’article 12 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne
« III. – La taxe est assise sur les frais d’achats d’espaces publicitaires, quelle que soit la nature du support retenu et quelle que soit sa forme, matérielle ou immatérielle, ainsi que les frais d’évènements publics et de manifestations de même nature.
« IV. – Le taux de la taxe est fixé à 3 % du montant hors taxes sur la valeur ajoutée des dépenses mentionnées au I. du présent article.
« V. – Les modalités du recouvrement sont instaurées par décret.
« VI. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2024. »
II. – Le chapitre VII de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne est complété par un article 30 bis ainsi rédigé :
« Art. 30 bis. – I. – La propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des paris sportifs en ligne sont autorisées exclusivement :
« 1° Dans la presse écrite à l’exclusion des publications destinées à la jeunesse, définies au premier alinéa de l’article 1er de la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse ;
« 2° Sous forme d’affichettes et d’objets à l’intérieur des lieux de distribution physique des jeux d’argent et de hasard.
« II. – Toute incitation financière, sous la forme de paris gratuits ou de promotions est interdite.
« III. – Toute opération de parrainage est interdite lorsqu’elle a pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des paris sportifs, qu’ils soient physiques ou en ligne. Leur promotion par un organisateur d’événements ou de manifestations sportives est interdite. »
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. L’addiction aux jeux d’argent et de hasard est la seule addiction comportementale reconnue par l’OMS. Elle touche de plus en plus de jeunes, dont des mineurs, comme l’a montré une étude récente. Il est nécessaire d’envisager un programme de prévention et de soins.
Le rôle de la publicité dans le développement de ces comportements a déjà largement été évoqué.
Nous proposons de financer le programme dont je viens de parler en nous appuyant sur une réglementation plus stricte de la publicité sur les jeux d’argent et les paris sportifs en ligne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable sur les trois amendements identiques. Cependant, je partage totalement les préoccupations exprimées par leurs auteurs quant aux comportements compulsifs des jeunes non seulement avec les jeux d’argent en ligne, mais également avec toutes sortes de jeux. Nous connaissons tous des adolescents qui passent leurs nuits dans un monde irréel, ce qui affecte ensuite leur comportement dans la réalité, car ils n’arrivent pas à sortir de cette emprise.
Vous proposez une taxation sur la publicité ? Pour ma part, je serais même carrément pour supprimer la publicité pour les jeux en ligne.
M. Daniel Salmon. Et donc ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis également défavorable sur les amendements nos 900 rectifié et 899 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je partage également les préoccupations et inquiétudes qui viennent d’être exprimées.
Je remarque d’ailleurs que vous avez peu parlé de taxation dans vos présentations, insistant plutôt sur la régulation de la publicité et de lutte contre les comportements addictifs. Or c’est toute la mission de l’ANJ, qui valide les publicités, les stratégies marketing, encadre les pratiques des opérateurs. Nous avons prévu de renforcer les moyens de cette autorité – peut-être aurons-nous le débat dans le cadre du PLF – compte tenu du développement du secteur des jeunes en ligne.
Je suis en phase avec vos objectifs de politique publique, mais pas avec les moyens que vous envisagez, en l’occurrence la création d’une nouvelle taxe. Avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.
Mme Marion Canalès. Je rassure M. le ministre : il ressort bien du dispositif de notre amendement qu’il s’agit d’une nouvelle taxe. Vous nous avez dit, en tout début de discussion de ce PLFSS, attendre 1,3 milliard d’euros de la responsabilisation de nos concitoyens. Nous vous avons pris au mot et essayons de proposer des dispositifs en ce sens, financés par de nouvelles recettes. En l’occurrence, nous créons une taxe sur une pratique à l’origine d’addictions très fortes : un tiers des personnes touchées ont entre 15 ans et 17 ans, c’est-à-dire qu’elles sont jeunes et vulnérables.
J’attends a minima, à défaut du soutien du Gouvernement, que nos collègues prennent conscience que cette taxe serait salutaire. Elle ne ferait de mal à personne. Au contraire, elle ferait du bien à tout le monde !
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. M. le ministre partage donc les objectifs, mais quelles conclusions en tire-t-il ? Que fait-on aujourd’hui ? Nous proposons seulement une taxe sur la publicité dirigée vers des personnes vulnérables. Ces addictions posent un véritable problème de santé publique.
J’entends souvent sur les travées de la droite des propos très forts contre les dealers. En revanche, sur les addictions du quotidien, quand certains font des profits sur le dos de la sécurité sociale, je n’entends plus personne. C’est quand même assez dramatique ! Il faut savoir ce que l’on veut pour notre jeunesse. Comment faire en sorte que ces personnes vulnérables ne soient pas démarchées chaque jour ? Comment leur éviter de sombrer dans ces addictions ? Vraiment, je ne comprends pas vos positions !
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.
Mme Silvana Silvani. Madame la rapporteure générale, nous sommes prêts à vous suivre si vous nous proposez un sous-amendement visant à interdire la publicité sur les jeux d’argent.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Bien tenté, mais on ne peut pas le faire dans le cadre d’un PLFSS. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je voterai ces amendements identiques, dont l’adoption permettra d’apporter de nouvelles recettes à la sécurité sociale.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 461 rectifié bis, 730 rectifié bis et 1265 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.) – (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K. – Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10 decies, et les amendements nos 900 rectifié et 899 rectifié n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 528 rectifié, présenté par MM. Szczurek, Hochart et Durox, est ainsi libellé :
Après l’article 10 decies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Avant le 31 décembre 2024, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur l’impact de l’article 15 de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 sur la consommation de produits de tabac achetés en dehors du réseau des buralistes et le rendement fiscal effectif de cet article, national et territorial, en comparaison avec le rendement fiscal attendu.
II. – Chaque année avant le 31 décembre, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur le rendement de l’accise sur les produits du tabac, national et territorial, et sur l’évaluation, nationale et territoriale, de la part de consommation de produits du tabac achetés en dehors du réseau des buralistes.
La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Cet amendement vise à demander au Gouvernement la remise d’un rapport annuel au Parlement sur l’impact de l’augmentation progressive du prix du tabac et sur l’évolution des modes d’approvisionnement des fumeurs. Nous ne remettons pas en cause la nécessité de lutter contre la consommation de tabac. Nous voulons juste savoir si l’augmentation progressive des prix a vraiment diminué le nombre de fumeurs ou si elle a simplement déplacé le problème, les consommateurs recourant à d’autres modes d’achat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Sur une demande de rapport, l’avis est toujours défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 528 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Chapitre III
Améliorer la lisibilité de la régulation macroéconomique des produits de santé
Article 11
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 138-10 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi rédigé :
« I. – Les entreprises assurant l’exploitation, l’importation parallèle ou la distribution parallèle d’une ou de plusieurs spécialités pharmaceutiques mentionnées au II sont assujetties à une contribution lorsque le montant remboursé par l’assurance maladie aux assurés sociaux au cours de l’année civile en France métropolitaine, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin au titre des médicaments, minoré des remises mentionnées aux articles L. 162-16-5-1-1, L. 162-16-5-2, L. 162-17-5, L. 162-18, L. 162-18-1, L. 162-18-2 et L. 162-22-7-1 et à l’article 62 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 ainsi que des marges prévues par les décisions prises sur le fondement de l’article L. 162-38 du présent code, des honoraires de dispensation définis à l’article L. 162-16-1 et des taxes en vigueur, est supérieur à un montant M déterminé par la loi. » ;
b) Le II est ainsi modifié :
– au premier alinéa, les mots : « des chiffres d’affaires mentionnés » sont remplacés par les mots : « du montant remboursé par l’assurance maladie mentionné » ;
– après le 3°, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :
« 3° bis Ceux bénéficiant d’une prise en charge au titre de l’article L. 162-16-5-1-2 ; »
2° L’article L. 138-11 est ainsi rédigé :
« Art. L. 138-11. – L’assiette de la contribution définie à l’article L. 138-10 est égale au montant remboursé par l’assurance maladie déterminé dans les conditions prévues au I du même article L. 138-10.
« La Caisse nationale de l’assurance maladie, l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation et l’Agence nationale de santé publique transmettent à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, selon des modalités définies par décret, les éléments permettant le calcul de cette assiette ainsi que du celui montant remboursé par l’assurance maladie, déterminé dans les mêmes conditions, pour chaque entreprise mentionnée au même I.
« Le Comité économique des produits de santé transmet à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, selon des modalités définies par décret, les montants des remises mentionnées au premier alinéa dudit I pour les entreprises redevables. » ;
3° L’article L. 138-12 est ainsi rédigé :
« Art. L. 138-12. – I. – Le montant total de la contribution prévue à l’article L. 138-10 est égal à 90 % de la différence entre le montant remboursé par l’assurance maladie et le montant M définis au I du même article L. 138-10.
« II. – Le montant de la contribution due par chaque entreprise mentionnée au I de l’article L. 138-10 est déterminé :
« 1° À concurrence de 70 %, au prorata du montant remboursé par l’assurance maladie au titre des médicaments qu’elle exploite, importe ou distribue au sein du montant total remboursé par l’assurance maladie défini au même I ;
« 2° À concurrence de 30 %, en fonction de la progression du montant remboursé par l’assurance maladie au titre des médicaments que l’entreprise exploite, importe ou distribue par rapport à l’année précédente définie audit I.
« III. – Le montant de la contribution est minoré, le cas échéant, des remises versées au titre de l’article L. 138-13.
« Les entreprises créées depuis moins d’un an ne sont pas redevables de la part mentionnée au 2° du II du présent article, sauf si la création résulte de la scission ou de la fusion d’une entreprise ou d’un groupe.
« Le montant de la contribution due par chaque entreprise redevable ne peut excéder 12 % du montant total remboursé par l’assurance maladie selon les modalités définies à l’article L. 138-10 au titre des médicaments que cette entreprise exploite, importe ou distribue. » ;
4° L’article L. 138-13 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « de leur chiffre d’affaires réalisé » sont remplacés par les mots : « du montant remboursé par l’assurance maladie » ;
– à la même première phrase, les mots : « signer avec le comité, avant le 31 janvier de l’année suivant l’année civile au titre de laquelle la contribution est due, un accord prévoyant le versement, sous forme de remise, à un des organismes mentionnés à l’article L. 213-1 désigné par le directeur de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, » sont remplacés par les mots : « être exonérées » ;
– à la seconde phrase, après la seconde occurrence du mot : « code », sont insérés les mots : « , d’une prise en charge au titre de l’article L. 162-16-5-1-2 » ;
b) À la fin de la seconde phrase du troisième alinéa, les mots : « chiffre d’affaires de l’entreprise calculé selon les modalités définies à l’article L. 138-11 » sont remplacés par les mots : « montant remboursé par l’assurance maladie au titre des médicaments que l’entreprise exploite, calculé selon les modalités prévues au I de l’article L. 138-10 » ;
5° L’article L. 138-15 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi modifié :
– le premier alinéa est ainsi rédigé :
« I. – Avant le 15 juillet de l’année suivant celle pour laquelle la contribution est due, la Caisse nationale de l’assurance maladie, l’Agence technique de l’information sur les hospitalisations et l’Agence nationale de santé publique communiquent à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale le montant total remboursé par l’assurance maladie au titre des médicaments que chaque entreprise redevable exploite, importe ou distribue. » ;
– la première phrase du deuxième alinéa est supprimée ;
– au début de la seconde phrase du même deuxième alinéa, les mots : « Dans ce même délai, le comité » sont remplacés par les mots : « Avant le 15 juillet, le Comité économique des produits de santé » ;
– le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« L’Agence centrale des organismes de sécurité sociale communique sans délai aux entreprises redevables concernées la liste des médicaments pris en compte dans le calcul du montant total remboursé par l’assurance maladie au titre des médicaments qu’elles exploitent, importent ou distribuent. » ;
b) Le IV est ainsi modifié :
– au premier alinéa, les mots : « la date de déclaration mentionnée au premier alinéa du I ou » sont supprimés et la seconde occurrence du mot : « déclaration » est remplacée par le mot : « correction » ;
– au deuxième alinéa, les mots : « dernier chiffre d’affaires hors taxes total déclaré par l’entreprise » sont remplacés par les mots : « montant total remboursé par l’assurance maladie au titre des médicaments que l’entreprise exploite, importe ou distribue » ;
6° À l’article L. 138-19-12, le mot : « juillet » est remplacé par le mot : « novembre » ;
7° Au premier alinéa de l’article L. 138-20, après la référence : « L. 138-19-1, », est insérée la référence : « L. 138-19-8, ».
II. – Pour l’année 2024, le montant M mentionné à l’article L. 138-10 du code de la sécurité sociale est fixé à 26,4 milliards d’euros.
III. – Pour l’année 2024, le montant Z mentionné à l’article L. 138-19-8 du code de la sécurité sociale est fixé à 2,31 milliards d’euros.
IV. – Les médicaments indiqués dans le traitement de la covid-19, dont la liste est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, sont exclus du champ d’application du 6° du II de l’article L. 138-10 du code de la sécurité sociale pour le calcul des chiffres d’affaires mentionnés au I du même article L. 138-10 réalisés au cours de l’année civile 2024.
IV bis (nouveau). – Pour la contribution due au titre de l’année 2024, par dérogation au dernier alinéa du III de l’article L. 138-12 du code de la sécurité sociale, le montant de la contribution due par chaque entreprise redevable ne peut excéder 10 % de son chiffre d’affaires calculé selon les modalités définies à l’article L. 138-10 du même code.
V. – Le a et le deuxième alinéa du b du 1°, les 2° et 3°, les deuxième et troisième alinéas du a et le b du 4° ainsi que le 5° du I du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2026.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avant que ne s’ouvre son examen, je tenais à rappeler quelques éléments susceptibles d’éclairer les débats sur l’article 11, qui vise à réformer la clause de sauvegarde et à fixer pour 2024 son seuil de déclenchement.
Il s’agit d’un enjeu important : la croissance soutenue des dépenses de médicament est un défi majeur pour l’assurance maladie. Alimentée par le vieillissement de la population, l’augmentation de la prévalence des maladies chroniques et une grappe d’innovations thérapeutiques, dont nous ne voyons pour le moment que les prémices, cette tendance devrait durer, voire s’accélérer. Alors que les difficultés d’approvisionnement s’accumulent chaque hiver, les enjeux sanitaires et de souveraineté que concentre le secteur sont par ailleurs évidents.
Conçue comme une corde de rappel budgétaire par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 – cela ne date pas d’hier ! –, la clause de sauvegarde est devenue, depuis le milieu des années 2010, un véritable dispositif fiscal pesant sur les entreprises du médicament. Son poids a considérablement augmenté ces dernières années : alors que le rendement de la clause restait, depuis 2015, inférieur à 200 millions d’euros, il a atteint 1 milliard d’euros en 2022 et dépassera 1,5 milliard d’euros en 2023, comme en 2024.
La clause de sauvegarde est ainsi devenue ces dernières années un outil de régulation des dépenses de médicament à part entière, comparable aux baisses de prix ou aux remises tarifaires négociées avec les industriels chaque année.
Or, ainsi que la commission l’a plusieurs fois souligné, la clause de sauvegarde ne fait pas un bon outil de régulation. Calculée l’année suivante dans le cas où les dépenses auraient dépassé le seuil prévu, elle est, d’abord, imprévisible pour les entreprises, qui se plaignent de l’incertitude dans laquelle elles sont placées.
M. le président. Il faut conclure, madame la rapporteure.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je serai plus rapide par la suite, monsieur le président.
Surtout, la clause étant répartie seulement en fonction du chiffre d’affaires des entreprises et de leur croissance, elle ne tient compte d’aucun impératif de santé publique ni d’aucun des enjeux industriels attachés à la production souveraine de médicaments.
La commission a souhaité aborder cet article de manière pragmatique. Elle proposera de supprimer la réforme des modalités de liquidation de la clause de sauvegarde prévue par l’article 11. En effet, elle ne convainc pas les industriels et n’apporte aucune réponse aux écueils que j’ai décrits. En revanche, la commission a déposé et soutenu plusieurs amendements qui visent à sécuriser le dispositif et, c’est indispensable, mieux protéger les médicaments essentiels à la prise en charge des patients.
M. le président. L’amendement n° 732 rectifié, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le Gouvernement publie un rapport indépendant sur la production d’un seuil de profit des entreprises du médicament en vue d’envisager la création d’un montant P fixant un seuil de profit.
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. À l’heure des pénuries de médicaments et de l’augmentation continue et exponentielle des prix des innovations thérapeutiques, la priorité est au changement de nos rapports avec l’industrie pharmaceutique.
La clause de sauvegarde a été conçue comme un mécanisme incitant à la négociation de prix dans le cadre d’une politique dite conventionnelle entre l’État et l’industrie pharmaceutique. Ce dispositif a été revendiqué comme un outil majeur de contrôle des prix. Le PLFSS 2024 vient non seulement relever le montant M, c’est-à-dire le plafond de dépenses à partir duquel la clause de sauvegarde sera déclenchée, mais aussi baisser la somme que les entreprises du médicament sont censées reverser à l’assurance maladie dans le cas où ce mécanisme serait déclenché. Ce relâchement du mécanisme de la clause de sauvegarde annonce une baisse de recettes pour l’assurance maladie sans contreparties transparentes, vérifiables et crédibles des entreprises de médicaments princeps sur les baisses des prix des innovations thérapeutiques.
Si la clause de sauvegarde s’est révélée un outil dysfonctionnel dans la régulation des prix, son affaiblissement, tel que proposé par cet article, rendra le dispositif encore plus inefficace pour faire baisser les prix des innovations thérapeutiques, ce qui devrait conduire les entreprises de médicament princeps à pratiquer encore et toujours des prix exorbitants.
La transformation de nos entreprises pharmaceutiques doit aller dans le sens de la transparence du marché pharmaceutique, y compris en ce qui concerne les coûts de R&D et de production, afin de répondre efficacement au problème de régulation des prix des innovations thérapeutiques. La régulation doit passer par un plafonnement raisonnable des prix et des marges de profit de l’industrie.
C’est pourquoi, dans une perspective de transparence, de bon sens et de bonne gouvernance des fonds publics, je propose que nous supprimions l’article 11 et que le Gouvernement commande un rapport indépendant sur la production d’un montant P fixant le seuil de profit des entreprises de médicament princeps.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable. En supprimant le dispositif initial et en le remplaçant par un rapport, vous n’êtes pas du tout en phase avec la position de la commission. Votre amendement, s’il était adopté, ne permettrait pas non plus de fixer les montants M et Z. Ça fait beaucoup !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Cet amendement revient en quelque sorte à supprimer l’article 11. Je rappelle que ces évolutions de calcul de la clause visent à la simplifier, et non, comme j’ai pu l’entendre, à diminuer son rendement. Elle sera calculée sur la base non plus du chiffre d’affaires des fabricants, mais du montant remboursé par l’assurance maladie, alors même que nous rencontrons des difficultés déclaratives. Avis défavorable.