Mme Céline Brulin. Comment peut-on laisser nos Ehpad dans la situation qui est la leur, qui a déjà fait aujourd’hui l’objet d’amples développements, tout en acceptant de ne pas taxer des entreprises comme CMA CGM – pour ce qui est des énergéticiens, j’en conviens, quelques petits efforts leur ont été demandés ?
À supposer qu’une disposition comme celle que nous proposons soit prise, croyez-vous vraiment que CMA CGM va délocaliser son activité ?
Mme Sophie Primas. Non, mais elle achètera des bateaux plus polluants !
Mme Céline Brulin. Elle le fait déjà !
Ne pensez-vous pas au contraire que les nécessités d’engager une politique du grand âge et de répondre à une situation elle-même exceptionnelle – sans faire la longue liste des problèmes actuels, tous les voyants sont au rouge : les hôpitaux et les Ehpad sont en déficit et les Français n’ont plus de médecins ! – justifient des mesures exceptionnelles ?
Vous nous rétorquez qu’une telle mesure ne permettra pas de financer la branche de manière pérenne et qu’il faut envisager d’autres solutions plus durables ; qu’à cela ne tienne, nous ne demandons ni ne proposons autre chose !
Les Français ne peuvent plus supporter que tant de richesses soient amassées d’un côté alors que, de l’autre, on leur demande des efforts à recommencer inlassablement sans que jamais soit en vue le bout du tunnel. C’est du reste ce que nous ont dit un certain nombre d’acteurs de la protection sociale lorsqu’ils ont été auditionnés : « nous ne voyons même pas le début du bout du tunnel ! »
Des mesures exceptionnelles sont à prendre ; c’est en tout cas ce que nous proposons.
M. le président. La parole est à M. Serge Mérillou, pour explication de vote.
M. Serge Mérillou. J’écoute avec beaucoup d’attention notre débat de ce soir. Je ne sais si nos concitoyens nous reprocheront un jour d’avoir donné un petit coup de pouce au financement de la branche autonomie grâce à une légère augmentation de la fiscalité des entreprises qui sont les plus performantes sur le plan des résultats financiers.
Ce que je sais, en revanche, c’est qu’un jour nos concitoyens nous reprocheront l’état dans lequel nous aurons laissé le service de santé dans son ensemble : hôpitaux, médecins de ville, médecins de campagne, Ehpad.
Comme beaucoup d’entre nous, mes chers collègues, je suis membre du conseil d’administration d’Ehpad publics ; pour visiter régulièrement ces établissements, je ne puis que constater la dégradation catastrophique du service qui y est apporté, malgré les efforts consentis par le personnel. C’est à se demander dans quel pays et dans quel siècle nous vivons pour accepter une telle dégradation du sort que l’on réserve aux personnes les plus âgées, les plus dépendantes et les moins favorisées !
Continuez ainsi à repousser toutes nos propositions, à rejeter tous nos amendements ! Nous vous proposons seulement de mieux répartir l’effort : vous dites non à tout. Un jour viendra où nous serons tous comptables du système que nous léguons et de la façon dont sont traitées dans notre société les personnes les plus âgées et les personnes dépendantes.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Il faut bien reconnaître que la cause que mes collègues défendent est tout à fait louable : la situation qu’ils décrivent, c’est la réalité !
Le plan Grand âge, monsieur le ministre, nous l’attendons depuis des années ; mais sa présentation est différée d’année en année.
Ce n’est pas en augmentant les impôts, à droite, à gauche, que l’on réglera le problème, j’en conviens. Au contraire, les entreprises doivent être compétitives à l’échelle européenne. Il faut bien comprendre néanmoins, monsieur le ministre, que les besoins de financement augmentent beaucoup dans le domaine de la prise en charge de la dépendance ; vos services doivent être à l’écoute sur ce sujet.
Il faut absolument que les crédits annoncés par le Président de la République, correspondant à la création de 50 000 emplois au total dans les Ehpad et les services de maintien à domicile, soient déployés avant la fin du quinquennat. Les professionnels du secteur attendent ces crédits, vous le savez ! Ils font des efforts extraordinaires pour être en mesure de prendre en charge la dépendance, qui augmente. Certains GIR (groupes iso-ressources) moyens pondérés (GMP) dépassent 750 points !
Monsieur le ministre, si vous souhaitez aller dans ce sens, la sécurité sociale et la branche autonomie doivent impérativement être mieux financées.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Monsieur le ministre, à mon tour de vous alerter ! Je l’ai dit plus tôt, il faut un véritable plan Marshall pour répondre aux besoins d’une population vieillissante.
Mes chers collègues, je souhaite à chacune et à chacun d’entre nous d’être un jour vieille ou vieux ; s’il faut encore un argument à l’appui de ces amendements, pensons tout simplement et égoïstement que nous pourrions nous aussi avoir besoin, dans quelques années, d’un tel accompagnement. Je le répète, il faut un plan Marshall !
L’objet de ces amendements est précisément d’engager une telle démarche en demandant aux entreprises qui ont fait des profits exceptionnels de s’acquitter d’une taxe exceptionnelle.
Monsieur le ministre, vous avez indiqué qu’en 2022 et en 2023 des efforts spécifiques avaient été demandés à certaines entreprises ; reste qu’au regard d’autres pays, européens ou situés de l’autre côté de l’océan Atlantique, nous avons été bien frileux en matière de taxation ; du reste, les débats ont été tendus quand nous réclamions une taxe sur les superprofits.
C’est un véritable appel à la solidarité nationale que nous devons formuler aujourd’hui ; tel est d’ailleurs le sens de ces amendements.
Une telle taxe est nécessaire pour prendre en charge les personnes vieillissantes dépendantes, dont le nombre devrait doubler d’ici à 2050 – c’est demain… Pour être tout à fait précise, je vous livre quelques chiffres, mes chers collègues : en 2020, 13,5 millions de Français, soit 20 % de la population, avaient 65 ans ou plus ; ils seront 16,4 millions, soit 23,4 % de la population, en 2030 ; entre 2020 et 2030, le nombre de personnes âgées de 75 à 84 ans passera de 4 millions à 6 millions.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Corinne Féret. Je me permets d’insister de nouveau sur l’intérêt de ces amendements en espérant, mes chers collègues, que ces chiffres suscitent quelque écho dans vos réflexions.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. J’aimerais un peu moins d’hypocrisie. Vous dites que cela ne sert à rien de taxer les superprofits, car, s’agissant d’une recette qui par définition n’est pas récurrente, on ne saurait de cette manière financer, demain, les besoins de la branche.
Mais je rappelle que, lors de la crise de la covid-19, situation exceptionnelle s’il en est, alors que nous vous proposions de taxer les superprofits à titre exceptionnel, vous n’avez pas non plus voulu le faire !
Nous cherchions à éviter ce qui s’est passé en définitive : vous avez transféré à la Cades la dette covid. Las ! celle-ci pèse désormais sur le budget de la sécurité sociale et de chacune de ses branches, et ce de façon récurrente, pour de nombreuses années !
Un an durant, Bruno Le Maire, ministre de l’économie, a prétendu, lorsque nous l’interpellions, qu’il ne savait pas ce qu’était un superprofit ; il a mis un an à trouver ! Avec de tels économistes, la France est bien gouvernée… Et le Gouvernement a fini par mettre en place une taxe sur les superprofits des énergéticiens.
Une telle démarche est très hypocrite. Ce que vous n’avez pas fait hier, de façon exceptionnelle, sur des superprofits qui, peut-être, étaient exceptionnels, quoiqu’ils aient une certaine tendance à se renouveler, pèse aujourd’hui et pour des années sur le budget de la sécurité sociale. Accédez donc à notre demande, même avec retard, en sorte d’alléger le poids de la dette !
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour explication de vote.
M. Christian Redon-Sarrazy. Je souhaite revenir sur l’argument avancé par Mme la rapporteure générale et par M. le ministre quant au financement de dépenses récurrentes par des ressources, les superprofits, qui, pour être exceptionnelles, se renouvellent tout de même assez régulièrement…
Je connais nombre de directeurs ou de présidents de conseil d’administration d’Ehpad. Mettons, monsieur le ministre, que vous leur annonciez la création d’une dotation spéciale destinée à financer l’isolation des bâtiments : il ne s’agirait pas d’une dépense récurrente – il suffirait de le faire une fois. Or une telle dotation leur permettrait, à terme, d’économiser sensiblement sur leurs factures d’énergie. Ils accepteraient tout à fait que l’on finance une telle mesure en soumettant des profits exceptionnels – supposons qu’ils le soient – à une contribution exceptionnelle.
Nous aurons ainsi financé l’isolation thermique des bâtiments, voire, en effet, contribué au désendettement, ce qui, compte tenu de l’augmentation des taux d’intérêt, sera toujours ça de pris. De multiples solutions existent donc pour utiliser à bon escient cette contribution exceptionnelle sans perturber le fonctionnement des établissements.
Ayant moi-même, à l’instar de nombre d’entre vous, géré des collectivités et des établissements, je sais bien que l’on ne finance pas du point d’indice avec des contributions exceptionnelles ; les salaires sont des dépenses récurrentes.
En revanche, on peut identifier beaucoup d’investissements qui, financés une bonne fois pour toutes, se révéleront des choix pertinents et amélioreront significativement les comptes de fonctionnement des établissements dans les années qui suivront. (Mme Émilienne Poumirol et M. Michaël Weber applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Je dis simplement à Mme Poncet Monge que ne pas partager son avis ne fait pas nécessairement de nous des hypocrites !
M. Thomas Dossus. Ce propos était destiné à M. le ministre !
M. Olivier Henno. Les Ehpad et les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) subissent bien sûr des difficultés financières considérables qui les mettent sous pression. Souvenons-nous : la branche autonomie a été créée un soir de débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale ; après avoir hésité nous avions décidé, avec Alain Milon, de faire contre mauvaise fortune bon cœur. (Mme Céline Brulin s’exclame.)
Aujourd’hui, il est clair qu’il faut honorer le rendez-vous du financement comme de la gouvernance de cette branche. La CNSA est-elle toujours, par exemple, l’outil le plus adapté à cette gouvernance ? Il faut lancer ce chantier.
Sur le plan fiscal, je soutiens qu’il faut à la fois de la stabilité et de la visibilité, même pour les grandes entreprises. Je ne suis pas du tout opposé à l’idée d’une contribution exceptionnelle, mais seulement s’il s’agit de financer des dépenses exceptionnelles. On ne saurait utiliser un tel instrument pour abonder un budget durable tel que celui de l’autonomie. Cela n’aurait pas de sens et nous conduirait très vite à rechercher d’autres modes de financement.
Il est donc impératif d’engager un débat sur la branche autonomie : il lui faut une gouvernance ainsi qu’un financement durable. Cela dit, par pitié, n’en décidons pas par simple amendement : ne procédons pas comme nous l’avons fait pour la création de la branche elle-même ! La financer par une contribution exceptionnelle appliquée à des profits exceptionnels n’aurait pas de sens et ne servirait pas la cause que nous défendons.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour explication de vote.
M. Pierre Jean Rochette. La cause est noble et les arguments pour la défendre sont louables.
Cependant, je ne crois pas que nous puissions régler les problèmes des établissements de santé et médico-sociaux en nous contentant d’instaurer des taxes.
Les propos de notre collègue Raymonde Poncet Monge ne sont pas tout à fait justes : nous avons tiré des enseignements de la crise du covid-19 – la prime Ségur est née de cette crise. Elle a tout de même représenté une augmentation du salaire mensuel brut de 220 euros pour les aides-soignants, ce qui n’est pas négligeable.
Je maintiens que nous ne pouvons pas résoudre tous les problèmes de notre système de santé, et plus particulièrement ceux des établissements médico-sociaux, puisqu’il s’agit du sujet qui en cet instant nous occupe, par la création de nouvelles taxes, encore moins en ciblant les entreprises. Pour le coup, celle qui a été évoquée, CMA CGM, est totalement délocalisable : elle serait capable de mettre les voiles sans attendre…
Nous sommes tous pleins de bonnes intentions, mais il nous arrive de voter des mesures qui ont un impact sur le quotidien de nos soignants. À cet égard, je nous invite à nous pencher sur le sujet du poids des normes et du travail administratif que nous leur imposons.
L’attractivité d’un métier ne se résume pas au salaire. On le voit bien, d’ailleurs : en dépit de l’effort important que représente la prime Ségur, l’attractivité n’est toujours pas revenue dans ces métiers-là. Les soignants, médecins, aides-soignants, infirmiers, en ont marre de passer du temps à faire de la paperasse administrative.
Sans du tout critiquer les prises de parole précédentes, je considère que nous devrions réexaminer notre modèle : nous ne pourrons nous contenter, pour traiter ce sujet précis, d’instaurer de nouvelles taxes et prélèvements. (Mmes Françoise Gatel, Jocelyne Guidez et Nadia Sollogoub applaudissent.)
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 725 rectifié bis et 897 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 551 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 726 rectifié bis, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le chapitre 7 du titre III du livre I du code de la sécurité sociale est complété par une section 15 ainsi rédigée :
« Section …
« Contribution sociale exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés pétrolières
« Art. L. 137-…. – I. – A – Il est institué une contribution additionnelle sur les bénéfices générés par les activités domestiques d’exploration et d’exploitation de gisements d’hydrocarbures et de raffinage des sociétés productrices de pétrole redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 000 000 euros.
« 2° La contribution additionnelle est due lorsque le résultat imposable de la société pour l’exercice considéré au titre de l’impôt sur les sociétés précité est supérieur ou égal à 1,25 fois la moyenne de son résultat imposable des exercices 2017, 2018 et 2019.
« 3° La contribution additionnelle est assise sur le résultat imposable supplémentaire réalisé par rapport à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités. La contribution additionnelle est calculée en appliquant à la fraction de chaque part de résultat imposable supérieur ou égale à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités le taux de :
« a) 20 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,25 fois et inférieure à 1,5 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;
« b) 25 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,5 fois et inférieure à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;
« c) 33 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités.
« II. – 1° Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, la contribution additionnelle est due par la société mère. Elle est assise sur le résultat d’ensemble et la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D du même code, déterminés avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.
« 2° Le chiffre d’affaires mentionné au I du présent article s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis dudit code, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.
« 3° Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution additionnelle.
« 4° Sont exonérées de la contribution prévue au présent I, les sociétés dont la progression du résultat imposable par rapport à la moyenne des exercices 2017, 2018 et 2019 résulte d’opérations de cession ou d’acquisition d’actifs, pour la fraction du résultat imposable de l’exercice concerné.
« 5° La contribution additionnelle est reversée sans rang de priorité aux branches mentionnées à l’article L. 200-2 du code de la sécurité sociale
II. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur à compter de la publication de la présente loi et sont applicables jusqu’au 31 décembre 2025.
III. – Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation provisoire de l’application du I du présent article avant le 31 décembre 2024 et un rapport d’évaluation définitif au plus tard le 31 juillet 2026.
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. TotalEnergies a dévoilé en début d’année ses bénéfices nets pour l’année 2022 : ils atteignent le chiffre record, dans l’histoire de l’entreprise, de 19 milliards d’euros. Le groupe pétrolier engrange ainsi pour la deuxième année consécutive des bénéfices colossaux. Après avoir réalisé 14,2 milliards d’euros de profits en 2021, soit 40 % de plus qu’en 2019, une nouvelle augmentation s’annonce, d’environ 30 %.
Ces bénéfices plus que confortables sont uniquement dus à la hausse du cours du pétrole et du gaz et aux effets inflationnistes de la guerre en Ukraine. Les superprofits des grands groupes pétroliers comme TotalEnergies proviennent donc directement du porte-monnaie des Françaises et des Français, alors que le prix à la pompe n’a cessé de grimper depuis des mois : une nouvelle fois – nous nous répétons –, ce sont eux qui paient la note.
Il faut de surcroît comptabiliser, pour compléter le tableau, la hausse des prix de l’alimentation, d’une part, ainsi que, d’autre part, la fin du bouclier tarifaire et l’augmentation afférente des factures d’électricité. Nos concitoyens souffrent ; les grandes entreprises savourent. Souvenons-nous : Emmanuel Macron taxait ces dernières, lors du G7, de « profiteurs de guerre ».
Le signal d’alarme a été tiré depuis longtemps sur l’indécence de ces bénéfices, le Gouvernement lui-même le reconnaît.
Ces superprofits sont surtout l’illustration d’un système destructeur à long terme : détruire la planète et la rendre inhabitable rapporte beaucoup et cette rentabilité à court terme ne pousse pas les entreprises à envisager un véritable virage en faveur des énergies renouvelables.
Ces bénéfices extraordinaires n’ont pas servi à accroître massivement les investissements en ce domaine ; pis encore, les entreprises pétrolières sont responsables des projets d’extraction de combustibles fossiles les plus destructeurs de la planète, en activité ou en construction : il s’agit de véritables bombes climatiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 726 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 804 rectifié bis, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le chapitre 7 du titre III du livre I du code de la sécurité sociale est complété par une section ainsi rédigée :
« Section 15
« Contribution sociale exceptionnelle sur les bénéfices des distributeurs de produits de grande consommation
« Art. L. 137-…. – I. – A – Il est institué une contribution additionnelle sur les bénéfices générés par les activités des distributeurs de produits de grande consommation redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 000 000 euros.
« 2° La contribution additionnelle est due lorsque le résultat imposable de la société pour l’exercice considéré au titre de l’impôt sur les sociétés précité est supérieur ou égal à 1,25 fois la moyenne de son résultat imposable des exercices 2017, 2018 et 2019.
« 3° La contribution additionnelle est assise sur le résultat imposable supplémentaire réalisé par rapport à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités. La contribution additionnelle est calculée en appliquant à la fraction de chaque part de résultat imposable supérieur ou égale à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités le taux de :
« a) 20 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,25 fois et inférieure à 1,5 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;
« b) 25 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,5 fois et inférieure à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;
« c) 33 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités.
« II. – 1° Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, la contribution additionnelle est due par la société mère. Elle est assise sur le résultat d’ensemble et la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D dudit code, déterminés avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.
« 2° Le chiffre d’affaires mentionné au I du présent article s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.
« 3° Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution additionnelle.
« 4° Sont exonérées de la contribution prévue au présent I, les sociétés dont la progression du résultat imposable par rapport à la moyenne des exercices 2017, 2018 et 2019 résulte d’opérations de cession ou d’acquisition d’actifs, pour la fraction du résultat imposable de l’exercice concerné.
« 5° La contribution additionnelle est reversée sans rang de priorité aux branches mentionnées à l’article L. 200-2 du code de la sécurité sociale. »
II. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur à compter de la publication de la présente loi et sont applicables jusqu’au 31 décembre 2025.
III. – Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation provisoire de l’application du I du présent article avant le 31 décembre 2024 et un rapport d’évaluation définitif au plus tard le 31 juillet 2026.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Depuis deux ans, l’inflation est alimentée par une boucle prix-profits.
Les économistes libéraux – qui ne sont certes pas des idéologues !… – nous ont parlé pendant vingt ans de la boucle prix-salaires, mais nous les entendons moins évoquer un autre phénomène, qui est pourtant tout aussi bien documenté : la boucle prix-profits, qui dope les taux de marge des entreprises de certains secteurs, notamment l’agroalimentaire.
L’existence d’une telle boucle a été démontrée par le Fonds monétaire international (FMI), qui est loin d’être la plus gauchiste des institutions : il a conclu que l’inflation était due à 45 % à l’augmentation des profits.
Une étude du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii) indique, dans le même sens, que les cinq secteurs les moins concurrentiels répercutent plus de 100 % du choc énergétique dans leurs prix de vente. En d’autres termes, ils augmentent plus leur prix que ne le justifierait l’augmentation réelle de leurs coûts de production. C’est cela, la boucle prix-profits.
L’étude pointe en particulier l’industrie agroalimentaire, dont le taux de répercussion atteint 110 % et dont le taux de marge est en conséquence passé de 28 % à 48 %, un record historique !
Cette boucle prix-profits dans le secteur agroalimentaire a des conséquences très concrètes sur les personnes les plus précaires : la vente de certains produits donne lieu à des marges qui vont de 30 % à 60 % !
Face à l’inflation, le Gouvernement promeut des dispositifs de partage de la valeur. Or le véritable partage de la valeur, c’est le salaire – nous vous le rappellerons bientôt, monsieur le ministre. Il convient donc d’augmenter les salaires.
Des mesures de justice et de redistribution s’imposent également, comme la taxation des marges indues, car il est inconcevable de laisser la boucle prix-profits s’emballer, alors même que nous avons à discuter d’un PLFSS dont les montants sont toujours très en dessous des besoins.
En conséquence, cet amendement tend à créer une contribution sur les bénéfices des distributeurs, afin de financer la protection sociale.