M. le président. L’amendement n° 896 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 14 du chapitre 7 du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 137-… ainsi rédigé :
Art. L. 137-… – Il est institué une contribution de solidarité des actionnaires pour l’autonomie au taux de 2 % assise sur les revenus distribués au sens de l’article 109 du code général des impôts.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le ministre, comme l’a dit mon collègue Pascal Savoldelli, nous aurions aimé pouvoir débattre d’un projet de loi sur le grand âge. Pendant les cinq années où j’ai siégé à la commission des affaires sociales, j’ai souvent entendu parler d’une future – et grandiose – loi Grand âge et autonomie, mais nous ne l’avons malheureusement jamais vu venir !
À défaut d’examiner une telle réforme d’ensemble, il nous faut anticiper chaque année les besoins de la branche autonomie afin que le risque de perte d’autonomie soit mieux couvert et que cette couverture dépende non pas des ressources des personnes, mais bien de leurs besoins. C’est l’inverse actuellement : compte tenu du montant des restes à charge en Ehpad, tout le monde ne peut pas vivre dignement son existence jusqu’à son terme. Pour rappel, seuls 24 % des résidents en Ehpad peuvent couvrir leurs frais de séjour avec leurs revenus, alors que ces séjours sont souvent subis par les familles comme par les résidents.
Or l’espérance de vie est stable en France et les études démographiques montrent un vieillissement progressif de la population, ce qui va inévitablement faire augmenter les besoins.
Il est donc urgent d’anticiper ce vieillissement en proposant à cet effet un modèle de financement. La volonté de réduire les dépenses et de faire des économies sur le risque dépendance est malheureusement un leurre, puisqu’il faudrait dès à présent y consacrer beaucoup plus de moyens. Il ne peut pas y avoir d’un côté des réductions d’impôt pour les plus aisés, qui iraient en Ehpad, et de l’autre une baisse de la solidarité : celle-ci doit profiter à tous.
Cet effort serait doublement utile : il permettrait aux aidants, quand il y en a, d’être moins sollicités, et aux personnes âgées dépendantes d’être mieux aidées.
Nous proposons ainsi d’instaurer une taxe de 2 % sur les dividendes afin d’abonder la branche autonomie de 2 milliards d’euros supplémentaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Madame la sénatrice, si vous voulez allouer plus de 2 milliards d’euros supplémentaires à la branche autonomie, ce qui est également notre intention, alors il faut voter le projet de loi que je défends, car il permet d’ores et déjà de lui consacrer davantage d’argent – exactement 2,6 milliards d’euros de crédits en plus.
M. Bernard Jomier, Mmes Cathy Apourceau-Poly et Céline Brulin. Ce n’est pas assez !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Ce n’est peut-être pas assez, mais c’est, selon moi, un engagement supplémentaire permettant de mieux financer la branche autonomie sans augmenter les impôts, difficulté que vous avez très justement anticipée.
Avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Les amendements que nous proposons tendent à instaurer de nouvelles recettes pour financer la branche autonomie, car, on le sait, compte tenu du vieillissement rapide de notre population, les besoins en la matière sont extrêmement importants et leur croissance est exponentielle.
Mais, comme l’a dit mon camarade Bernard Jomier, pour le Gouvernement comme pour la majorité sénatoriale, il est tabou de parler de nouvelles recettes et il faut bien plutôt diminuer les dépenses de la sécurité sociale !
Mais où réalisera-t-on cette diminution des dépenses ? À l’hôpital ? Mais il est déjà dans une situation catastrophique, au bord du gouffre, selon toutes les fédérations de soignants hospitaliers ! Va-t-on diminuer les dépenses de soins de ville ? Quid alors du problème des déserts médicaux et des difficultés qu’ont les patients, y compris ceux qui sont atteints d’une affection de longue durée (ALD), à trouver un médecin traitant ? On ne saurait non plus diminuer les dépenses de la branche autonomie : ce n’est pas possible, on le sait ! Le mouvement démographique étant ce qu’il est, les besoins seront de 6 milliards d’euros en 2024, de 9 milliards d’euros dès l’année suivante.
Il faut vraiment briser ce tabou et renouer avec la volonté de trouver des recettes supplémentaires ! Vous nous demandez de ne voir dans vos choix aucune idéologie, mais ils portent bel et bien la marque d’une volonté politique affirmée. Vous allez d’ailleurs jusqu’à prévoir, pour l’année 2024, un budget en déficit de 11 milliards d’euros, déficit confirmé dans la trajectoire financière prévue jusqu’en 2027, alors que, pour la première fois, les dépenses de soins diminuent.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Une fois de plus, monsieur le ministre, les moyens mobilisés sont insuffisants. Nous proposons, par ces amendements, des recettes nouvelles, mais, une fois de plus, vous les rejetez, en nous opposant que des moyens supplémentaires sont déjà prévus dans ce PLFSS. Mais ils sont très nettement insuffisants, et vous le savez, monsieur le ministre !
Vous prétendez dédier ce PLFSS, comme les précédents, à la branche autonomie. Pourtant, même en additionnant les mesures que le Gouvernement égrène année après année, le compte n’y est pas ! Le rapport Libault a été évoqué ; il y est précisé que 9 milliards d’euros seraient nécessaires chaque année pour prendre en charge l’ensemble des enjeux liés à la perte d’autonomie de nos aînés.
Comme l’a rappelé ma collègue, nous attendons toujours la grande loi sur l’autonomie que M. Macron avait annoncée au cours de son premier mandat. Le Président de la République se montre désormais très discret à ce sujet et ne soutient qu’une modeste proposition de loi…
La création de la cinquième branche, en 2020, devait s’assortir de financements spécifiques – c’est en tout cas ce que l’on nous avait dit à l’époque –, mais, au bout du compte, rien ne se précise : il n’est rien proposé que de très insuffisant pour répondre à ce véritable – j’y insiste, il faut bien en avoir conscience – enjeu de société. C’est un véritable plan Marshall qui devrait être mis en œuvre pour relever un tel défi, auquel nous sommes d’ores et déjà confrontés.
M. le président. L’amendement n° 724 rectifié bis, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre 7 du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section ainsi rédigée :
Section …
Contribution exceptionnelle sur les dividendes
Art. L. 137-…. – Il est créé une cotisation exceptionnelle sur les dividendes tels que définis aux articles L. 232-10 à L. 232-20 du code de commerce.
Son taux est fixé à 10 %. Elle est assise sur l’ensemble des bénéfices réalisés par les entreprises mentionnées au premier alinéa, réalisés en France ainsi que de ceux dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.
La contribution exceptionnelle sur les dividendes est affectée sans rang de priorité aux branches mentionnées à l’article L. 200-2 du code de la sécurité sociale.
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. « 2023, année de dividendes records pour les multinationales françaises » : voilà le genre de titres que l’on peut trouver de façon récurrente, depuis quelques années, dans la presse de notre pays, au point que ce sujet est devenu un véritable marronnier. Ce sont 80 milliards d’euros qui ont été déversés sur les actionnaires du CAC 40 en 2022, par exemple.
La France a représenté près de 30 % des dividendes versés en Europe en 2023. La tendance à la hausse, qui est générale, a été plus marquée encore dans notre pays : le montant des dividendes distribués y a augmenté de 13,3 %, plaçant la France devant d’autres grandes économies comme l’Allemagne ou l’Italie. Ce n’est toutefois pas forcément une bonne nouvelle pour les Françaises et les Français : les profits, en effet, ne « ruissellent » pas, le Gouvernement se refusant à augmenter la taxation des ultrariches.
Nous n’entendons jamais parler de hausses des salaires records pour nos soignantes et nos soignants, qui tiennent à bout de bras notre système de santé, ni d’un investissement massif pour notre hôpital public, qui est laissé en totale déshérence.
Des entreprises de l’agroalimentaire, des transports ou encore de la finance ont par ailleurs engrangé des rentes exceptionnelles grâce à la crise, ce qui a contribué à l’augmentation du coût de la vie. Qu’est-ce qui justifie de ne pas les mettre à contribution ?
C’est la fin de l’abondance pour les Français, mais la corne d’abondance pour les actionnaires !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 724 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 803 rectifié bis, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre 7 du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section ainsi rédigée :
Section 1…
Soutien à l’autonomie
Art. L. 137-…. – Il est créé une contribution autonomie dénommée contribution sur les successions.
Son taux est fixé, dès le premier euro, à 1 % sur l’actif net taxable. Les modalités de recouvrement sont réalisées dans les conditions déterminées par l’article 750 ter du code général des impôts.
La contribution sur les successions est affectée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie mentionnée à l’article L. 223-5 du présent code.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Actuellement, les rendements de la taxation sur les successions sont très faibles, car seule une petite minorité d’entre elles donne lieu à prélèvement : sur les 280 milliards d’euros qui constituent l’assiette de la fiscalité sur les transmissions, seuls 55 milliards d’euros sont effectivement taxables. Le produit de la taxe est donc très faible comparé à l’assiette globale, ce qui permet à certains d’en défendre la suppression pure et simple.
Or l’idée d’une taxation des successions n’est pas nouvelle. Le Conseil d’analyse économique (CAE), dans une note parue en 2021, proposait déjà une réforme en profondeur de la taxation de l’héritage dont la mise en œuvre permettrait de « réduire les droits de succession pour 99 % de la population tout en apportant un surplus de recettes fiscales substantiel ».
Les auteurs de cette note y soulignaient que la part de la fortune héritée dans le patrimoine total représente désormais 60 %, contre 35 % au début des années 1970. Ainsi concluaient-ils : « Ce retour de l’héritage, extrêmement concentré, nourrit une dynamique de renforcement des inégalités patrimoniales fondées sur la naissance et dont l’ampleur est beaucoup plus élevée que les inégalités observées pour les revenus du travail. »
Ce dernier aspect a également été souligné par l’OCDE, qui indique, dans un rapport de 2021 sur l’impôt sur les successions, que les impôts sur les successions et les donations pourraient jouer un rôle important pour réduire les inégalités et améliorer les finances publiques.
Dans le même sens, M. Laurent Vachey, dans son rapport remis en 2020, qui a déjà été cité, avait préconisé la mise en place d’un prélèvement obligatoire sur les successions au taux de 1 %, pour un rendement de 500 millions d’euros en 2020, en direction de la branche autonomie. Outre qu’elle constituerait une mesure de justice intergénérationnelle importante permettant de satisfaire l’objectif d’une redistribution – minimale – du patrimoine, une telle disposition pourrait financer en partie les besoins liés à la perte d’autonomie.
Le présent amendement, qui reprend les recommandations du rapport Vachey, tend à créer une « contribution autonomie » sur les successions au taux de 1 %.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 803 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 526 rectifié n’est pas soutenu.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 725 rectifié bis est présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L’amendement n° 897 rectifié est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le chapitre 7 du titre III du livre I du code de la sécurité sociale est complété par une section ainsi rédigée :
Section …
Contribution sociale exceptionnelle des sociétés réalisant des superprofits
Art. L. 137-42. – I. – A. – Il est institué une contribution sociale exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés redevables de l’impôt sur les sociétés au sens de l’article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 000 000 euros.
B. – La contribution est due lorsque le résultat imposable de la société pour l’exercice considéré au titre de l’impôt sur les sociétés précité est supérieur ou égal à 1,25 fois la moyenne de son résultat imposable des exercices 2017, 2018 et 2019.
C. – La contribution est assise sur le résultat imposable supplémentaire réalisé par rapport à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités. La contribution est calculée en appliquant à la fraction de chaque part de résultat imposable supérieur ou égale à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités le taux de :
1° 20 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,25 fois et inférieure à 1,5 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;
2° 25 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,5 fois et inférieure à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;
3° 33 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités.
II. – A. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, la contribution est due par la société mère. Cette contribution est assise sur le résultat d’ensemble et à la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D dudit code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.
B. – Le chiffre d’affaires mentionné au I du présent article s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.
C. – Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution.
D. – Sont exonérées de la contribution prévue au présent I, les sociétés dont la progression du résultat imposable par rapport à la moyenne des exercices 2017, 2018 et 2019 résulte d’opérations de cession ou d’acquisition d’actifs, pour la fraction du résultat imposable de l’exercice concerné.
E. – La contribution additionnelle est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt. La contribution additionnelle est payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue au 2 de l’article 1668 du code général des impôts pour le versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés.
II. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur à compter de la publication de la présente loi et sont applicables jusqu’au 31 décembre 2025. Elles s’appliquent également à l’exercice fiscal de l’année de son entrée en vigueur.
III. – Les produits de la contribution sociale exceptionnelle créée par le présent article sont affectés sans rang de priorité aux branches mentionnées à l’article L. 200-2 du code de la sécurité sociale.
La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l’amendement n° 725 rectifié bis.
Mme Anne Souyris. Les entreprises françaises du CAC 40 ont dégagé en 2022 plus de 142 milliards d’euros de bénéfices, grâce aux résultats records enregistrés par les secteurs du luxe et de l’énergie, lesquels ont bénéficié de l’inflation et de la crise énergétique. Par exemple, TotalEnergies a annoncé un bénéfice opérationnel de 36 milliards d’euros en 2022, en hausse de 90 % sur un an, à la faveur de la guerre en Ukraine.
L’industrie agroalimentaire, quant à elle, profite de l’inflation pour augmenter les prix et engranger des superprofits. Entre la fin de l’année 2021 et le début de l’année 2023, le taux de marge des industries agroalimentaires est passé de 28 % à 48 %. Dans le même temps, une personne sur trois a du mal en France à se payer trois repas par jour !
Les chiffres relatifs aux superprofits réalisés en 2023 risquent également d’être vertigineux, au moment même où les Françaises et les Français se serrent la ceinture et essaient d’atteindre la fin du mois tout en s’évertuant à remplir leur frigo. Les grosses entreprises gagnent de plus en plus d’argent, mais le Gouvernement, lui, souhaite réduire les dépenses sociales.
En proposant d’instaurer une taxe qui générerait environ 10 milliards d’euros de recettes, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande au Gouvernement de rétablir un peu de justice et d’investir réellement pour la santé de nos concitoyennes et de nos concitoyens.
Il faut augmenter les salaires dans les secteurs sanitaire, médico-social et social, accroître les capacités d’accueil pour les personnes en situation de handicap, ouvrir des places en crèche et engager un vaste plan de recrutement et d’attractivité des métiers du « prendre soin », qui sont excessivement dévalorisés.
Il est temps de changer de paradigme. Il faut sortir de la logique de l’enveloppe budgétaire fermée pour passer à une logique d’investissements pluriannuels ; il faut également en finir avec le cloisonnement des politiques de santé, de solidarité et de transition écologique.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 897 rectifié.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise, comme le précédent, à créer une taxe exceptionnelle – j’y insiste, monsieur le ministre ! – sur les superprofits des grandes entreprises, celles qui font plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Il me semble que de telles entreprises peuvent parfaitement souffrir une légère augmentation de leur taux d’imposition, d’autant que les 10 milliards d’euros supplémentaires ainsi prélevés seraient fléchés vers le financement des besoins de notre système de protection sociale.
Vous vous félicitez d’octroyer 2,6 milliards d’euros supplémentaires à la branche autonomie dans le PLFSS pour 2024. Mais, depuis tout à l’heure, nous n’avons cessé de donner l’alerte, sur la situation des Ehpad par exemple : leur déficit ne peut évidemment plus être qualifié de problème de gestion, tant il est structurel et concerne la majorité des établissements ! Il va falloir aussi créer un choc d’attractivité, on le sait tous, pour un certain nombre de métiers qui sont actuellement mal payés, alors qu’ils demandent beaucoup d’investissement humain de la part de ceux qui les exercent. On sait encore que notre pays va devoir faire face à une évolution démographique qui promet d’être un choc redoutable.
Dans ce contexte, refuser d’examiner sérieusement des possibilités de financement qui vont au-delà de ce que vous proposez nous semble très dangereux pour l’avenir.
Je ne reviens pas sur le reste à charge que les Ehpad peuvent continuer à demander aux familles, sinon pour dire qu’il pèse très lourd dans la période d’inflation que nous vivons.
Nous ne comprenons pas que vous ne daigniez même pas débattre des possibles ressources nouvelles que nous proposons !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. J’ai bien compris votre raisonnement, mes chers collègues : la taxation des superprofits pourrait combler les manques que nous observons dans le financement de la branche autonomie. Du reste, je fais le même constat que vous quant à la situation des Ehpad.
Que faire, cela dit, lorsqu’il n’y a pas de superprofits ? (Murmures sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)
Mmes Céline Brulin et Émilienne Poumirol. Il y en a !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Le jour où les entreprises seront en difficulté, chaque Français devra-t-il les aider ? (Protestations sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)
Mme Céline Brulin. C’est une taxe… exceptionnelle !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. J’inverse la question ! (Exclamations sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)
Peut-être certaines entreprises font-elles des superprofits ; mais, si l’on ne leur permet pas de faire des bénéfices, n’auront-elles pas envie de s’installer à l’étranger ?
M. Christian Redon-Sarrazy. Mais bien sûr…
M. Thomas Dossus. Ça n’a rien à voir !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il y a là une autre difficulté, et il faut poser la question. Je me la pose, tout comme vous, mais j’ai des doutes, car il est intéressant pour la France, et pour sa compétitivité, que les bénéfices de nos entreprises s’établissent à un haut niveau : cela leur permet d’investir, de mettre en place des dispositifs d’intéressement pour leurs salariés, de s’inscrire de façon durable dans une démarche relevant de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) en faveur de l’environnement et de la qualité de travail. (M. Thomas Dossus s’exclame.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous avons créé une taxation sur les profits exceptionnels des énergéticiens : il s’agit de la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité, qui aura rapporté, en 2023, 3 milliards d’euros. (M. Christian Redon-Sarrazy proteste.) Nous vous proposerons de prolonger ce dispositif en 2024.
Par ailleurs, nous souhaitons instaurer un taux d’imposition minimum sur les sociétés en sorte de garantir qu’aucune grande entreprise n’échappe à l’impôt (Exclamations sur des travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) ; nous aurons l’occasion d’en débattre au cours de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2024. (M. Christian Redon-Sarrazy ironise.)
Je rebondis sur l’argument développé par Mme la rapporteure générale. Comme nous, mesdames les sénatrices, vous êtes attachées à un financement pérenne de la sécurité sociale. Ne faites donc pas dépendre le financement de la sécurité sociale de profits exceptionnels, sans quoi vous vous retrouverez dans la situation paradoxale consistant à attendre des entreprises qu’elles réalisent de façon permanente des profits exceptionnels afin de garantir le financement de la branche autonomie ! (Émilienne Poumirol s’exclame.) Voilà qui serait paradoxal, vous pouvez le reconnaître !
Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Ce qui me pose problème, monsieur le ministre, c’est votre démarche intellectuelle.
Certes, on peut débattre des diverses manières par lesquelles on entend financer les besoins qui sont devant nous en matière de prise en charge du grand âge et de vieillissement de la population : il est plutôt sain qu’à ce sujet plusieurs options différentes se confrontent.
Oui, ce débat est sain : il intéresse nos concitoyens qui veulent savoir comment financer ces besoins de manière pérenne.
Cela étant dit, j’évoquais un problème de démarche intellectuelle : nous vous proposons une taxe exceptionnelle sur des profits qui, en tant que superprofits, ont eux-mêmes été réalisés – peut-être – de manière exceptionnelle.