Mme la présidente. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour présenter l’amendement n° 1202 rectifié.

M. Alexandre Ouizille. Mes chers collègues, il s’agit tout simplement d’un amendement de décence commune – et je partage la très juste démonstration qui vient d’être faite.

En portant l’âge légal de départ à 64 ans, la récente réforme des retraites épargne, au fond, ceux qui ont commencé à travailler tard – elle ne concerne que ceux qui ont commencé à travailler jeune.

Certains, dans notre pays, touchent des pensions de retraite exceptionnellement élevées. Les montants de certaines retraites chapeaux sont assez éloquents : 1,7 million d’euros chez Danone, 3 millions d’euros chez L’Oréal ou encore 1,3 million d’euros chez Airbus. En portant de 21 % à 30 % le taux de prélèvement applicable à la tranche supérieure de ces revenus, nous souhaitons mettre un peu à contribution ceux qui perçoivent de telles rentes. Il me semble que c’est de bonne politique : il y va d’une certaine idée de la cohésion nationale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, je vous remercie de ces propositions. On a souvent tendance à parler des plus grosses retraites chapeaux ; c’est d’ailleurs ce que vous avez fait.

Certains montants sont sans doute indécents : je l’entends bien.

Il arrive aussi, toutefois, que le versement d’une retraite chapeau soit décidé, soit par le chef d’entreprise soit en vertu d’un accord collectif, afin de conserver dans l’entreprise certains salariés qui disposent de compétences rares et sont de facto difficiles à remplacer.

Dans ces conditions, on peut comprendre – et il apparaît tout à fait décent – qu’une retraite chapeau puisse être attribuée.

J’ajoute que, si ces retraites sont exonérées de cotisations sociales et de la contribution sociale généralisée (CSG), elles sont bel et bien soumises à contributions.

Les sommes dont il s’agit sont effectivement élevées. Je rappelle néanmoins qu’en 2012, d’après l’inspection générale des finances (IGF) et l’inspection générale des affaires sociales (Igas), 84 % des 205 000 bénéficiaires d’une retraite chapeau percevaient une rente annuelle d’un montant inférieur à 5 000 euros.

Vous ne vous étonnerez donc pas, mes chers collègues, que, comme les années précédentes, la commission ait émis un avis défavorable sur ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, de tels dispositifs me semblent difficilement applicables.

Par une décision du 29 décembre 2012, le Conseil constitutionnel a censuré la contribution établie à 21 % pour la part des rentes supérieure à 24 000 euros par mois. En effet, en cumulant ce prélèvement avec d’autres, notamment l’impôt sur le revenu, l’on aurait pu atteindre un taux global d’imposition de plus de 75 %.

Un tel niveau d’imposition a été jugé confiscatoire par le juge constitutionnel ; il est probable, voire quasi certain, que celui-ci apprécierait exactement de la même manière une évolution similaire de la législation. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, le mieux, pour contourner cet obstacle, serait encore d’interdire l’attribution de rentes si élevées : de tels montants sont proprement indécents.

Madame la rapporteure générale, vous avancez qu’à défaut de pouvoir leur promettre 24 000 euros de rentes mensuelles les entreprises ne pourront plus faire venir certains salariés.

C’est au nom de cette logique que l’on n’a cessé d’accroître la rémunération du capital et celle des salariés proches des dirigeants d’entreprise, au prix d’une déflation salariale qui sévit depuis vingt ou trente ans. Et ceux qu’en conséquence l’on ne parvient plus à recruter sont bien plutôt les infirmiers, les aides à domicile ou les éducateurs de jeunes enfants (EJE)…

Nous ne cessons de le répéter : il faut une politique dynamique de salaires pour restaurer les conditions minimales d’attractivité d’un certain nombre de professions. Pour votre part, vous nous dites qu’il ne faut surtout pas taxer ceux qui touchent 24 000 euros de rentes mensuelles ! Ils me semblent pourtant moins utiles que tous ceux qui nous manquent aujourd’hui à cause de la déflation salariale.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 525 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 892 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 801 rectifié bis et 1202 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article additionnel après l'article 10 - Amendements n° 525 rectifié, n° 892 rectifié, n° 801 rectifié bis et n° 1202 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024
Article additionnel après l'article 10 - Amendement  n° 894 rectifié

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements identiques.

L’amendement n° 647 rectifié bis est présenté par MM. Mérillou, Bourgi, M. Weber et Tissot, Mme Conway-Mouret, M. Cozic et Mme Lubin.

L’amendement n° 802 rectifié bis est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

L’amendement n° 893 rectifié est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° 991 rectifié est présenté par MM. Hochart, Szczurek et Durox.

L’amendement n° 1116 rectifié bis est présenté par M. Lurel, Mme Bélim, MM. Pla et P. Joly et Mme Monier.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au début de la première phrase du 2° du II de l’article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 30 % ».

La parole est à M. Serge Mérillou, pour présenter l’amendement n° 647 rectifié bis.

M. Serge Mérillou. Cet amendement, que j’ai déjà présenté l’an passé, sans succès, vise à revenir sur la réduction fiscale accordée à l’attribution d’actions gratuites.

Monsieur le ministre, il s’agit ni plus ni moins que d’assurer la bonne répartition de l’effort fiscal.

Inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, cette mesure a abaissé de 30 % à 20 % le taux de la cotisation patronale applicable aux actions dont l’attribution gratuite est autorisée par une décision de l’assemblée générale de l’entreprise.

Mes chers collègues, on a ainsi infligé une perte de recettes de 120 millions d’euros par an à la sécurité sociale, uniquement pour donner des avantages fiscaux à certains, qui font déjà partie des plus aisés ! Il s’agit en effet pour l’essentiel de dirigeants et de cadres dirigeants de grands groupes, plutôt bien rémunérés…

C’est peut-être la vision que l’exécutif a de la justice fiscale ; en tout cas, ce n’est pas la nôtre.

Nous l’avons déjà rappelé maintes et maintes fois ce soir : notre système de sécurité sociale a besoin de moyens. Il ne peut pas s’offrir le luxe de se passer de la solidarité fiscale de cette catégorie de contribuables.

Il faut donc cesser d’encourager les politiques de primes ou d’actions gratuites, maniées comme autant de subterfuges pour ne pas augmenter véritablement les salaires. Ne donnons pas aux grandes entreprises les moyens de se soustraire aux cotisations sociales et, dès lors, au financement de notre système de protection sociale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 802 rectifié bis.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, l’allégement fiscal dont il est question ici a été voté et inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. J’imagine qu’à l’époque il s’agissait de résoudre un gros problème…

Le Gouvernement favorise donc la distribution d’actions gratuites et de dividendes ; il entend peut-être, l’effet volume aidant, s’y retrouver, comme l’a expliqué M. le ministre. En attendant, concrètement et objectivement, je peux vous le dire en tant qu’économiste, cette mesure a entraîné une perte de recettes de 120 millions d’euros par an pour la sécurité sociale.

D’après la direction générale du Trésor et la Fédération française des associations d’actionnaires salariés et anciens salariés, les quelques millions de salariés très privilégiés qui sont actionnaires salariés se concentrent à plus de 85 %, en France, dans certains secteurs bien définis et, au sein de ces secteurs, dans les plus grandes entreprises.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour présenter l’amendement n° 893 rectifié.

M. Laurent Burgoa. Très bien !

Mme la présidente. Les amendements nos 991 rectifié et 1116 rectifié bis ne sont pas soutenus.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il est défavorable, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 647 rectifié bis, 802 rectifié bis et 893 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Loïc Hervé.)

PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 894 rectifié tendant à insérer un article additionnel après l’article 10.

Après l’article 10 (suite)

Article additionnel après l'article 10 - Amendements  n° 647 rectifié bis, n° 802 rectifié bis, n° 893 rectifié, n° 991 rectifié et n° 1116 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024
Article additionnel après l'article 10 - Amendements n° 617 rectifié ter, n° 806 rectifié bis et n° 895 rectifié

M. le président. L’amendement n° 894 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 9 du chapitre 7 du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifiée :

1° Le dernier alinéa de l’article L. 137-15 est supprimé ;

2° Au dernier alinéa de l’article L. 137-16, le taux : « 16 % » est remplacé par le taux : « 20 % ».

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Mes chers collègues, nous proposons de dégager de nouvelles recettes en revenant sur les exemptions de cotisations sur l’intéressement, la participation et les plans d’épargne retraite.

Notre amendement tend plus précisément à rétablir le taux de forfait social normal à 20 % pour les versements effectués sur des plans d’épargne retraite. Il vise en outre à réassujettir les entreprises de moins de 250 salariés à la contribution sociale qui est à la charge de l’employeur pour les sommes versées au titre de l’intéressement et de la participation.

Les rémunérations exemptées de cotisations au titre de la participation sont estimées à 9,53 milliards d’euros, ce qui représente une perte de 930 millions d’euros de cotisations. Les rémunérations exemptées au titre de l’intéressement pèsent quant à elles 12,12 milliards d’euros, ce qui représente une perte de 1,63 milliard d’euros. Les rémunérations exemptées au titre des plans d’épargne retraite, enfin, s’élèvent à 2,71 milliards d’euros, soit 510 millions d’euros de cotisations en moins.

Ce sont donc 3 milliards d’euros de cotisations, correspondant à 24 milliards d’euros de rémunérations exemptées, qui ne sont pas compensés par l’État à la sécurité sociale pour 2024.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Contrairement à la commission, ma chère collègue, vous êtes défavorable aux plans d’épargne retraite : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. De telles dispositions iraient à l’encontre de tous les efforts déployés pour développer l’intéressement et la participation dans les entreprises et à rebours, notamment, du projet de loi relatif au partage de la valeur, lequel traduit d’ailleurs la volonté des partenaires sociaux. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 894 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 10 - Amendement  n° 894 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024
Article additionnel après l'article 10 - Amendements n° 1196  rectifié, n° 1198 rectifié et n° 896 rectifié

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 617 rectifié ter est présenté par M. Canévet, Mme N. Goulet, M. Kern, Mme O. Richard, M. Cadic, Mmes Sollogoub et Vermeillet, MM. Duffourg, J.M. Arnaud, Longeot, Cigolotti et Levi, Mmes Saint-Pé et Havet et M. Bleunven.

L’amendement n° 806 rectifié bis est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

L’amendement n° 895 rectifié est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l’article L. 137-40 du code de la sécurité sociale, le taux : « 0,3 % » est remplacé le taux : « 0,6 % ».

La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour présenter l’amendement n° 617 rectifié ter.

Mme Nadia Sollogoub. Cet amendement de notre collègue Michel Canévet vise à porter de 0,3 % à 0,6 % le taux de la contribution due par les employeurs privés et publics et affectée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

On a déjà évoqué les grandes difficultés financières que connaissent les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Dans un tel contexte, notre amendement tend à proposer une solution de long terme pour le financement de ces structures. Nous insistons sur le fait que la situation financière des Ehpad privés est tout aussi dégradée que celle des Ehpad publics.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 806 rectifié bis.

Mme Raymonde Poncet Monge. Par cet amendement, nous proposons d’augmenter la contribution des employeurs au financement de l’autonomie.

On nous avait promis une ambitieuse cinquième branche et une grande loi sur la dépendance. En réalité, il n’y a pas eu de loi d’ampleur sur le grand âge : le Gouvernement a abandonné ce chantier. Il s’est contenté d’une proposition de loi « portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France », texte bien décevant et qui peine même à être discuté.

Or la branche autonomie n’est pas dotée des moyens suffisants pour faire face aux immenses défis de la prévention du risque et de l’accompagnement de la perte d’autonomie.

Le conseil de la CNSA, qui, je le rappelle, a émis un avis défavorable sur ce PLFSS, s’est étonné en particulier de « l’absence de mesures nouvelles sur le domicile ». Cette lacune a suscité « une très forte incompréhension des membres du conseil au regard de l’objectif de promotion de l’approche domiciliaire et d’aide aux aidants ».

Compte tenu du retard accumulé, l’excédent de 1,3 milliard d’euros prévu pour 2024 n’a rien de vertueux.

Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) le relève dans son dernier avis : si la trajectoire des dépenses des administrations de sécurité sociale présente une hausse moyenne de 0,8 % sur la période 2024-2027, elle « ne laisse cependant pas apparaître de surcoût progressif lié aux dépenses de dépendance, malgré la hausse des besoins liés à la perte d’autonomie découlant du vieillissement de la population ».

En conséquence, nous proposons de rehausser le taux de la contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA) afin d’assurer un financement pérenne, et à la hauteur des besoins, de la branche autonomie.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 895 rectifié.

M. Pascal Savoldelli. Plusieurs arguments ont déjà été cités à l’appui de ces dispositions.

À l’évidence, la loi relative au grand âge n’est pas pour tout de suite. Mais, en attendant que le Gouvernement se saisisse de cette question, les besoins explosent : nous en convenons tous ici.

L’arrêté annuel relatif au prix des prestations d’hébergement pour 2023, texte que les membres de notre groupe ont pris soin de consulter, a prévu pour les établissements du secteur privé lucratif un taux d’évolution maximal de 5,14 % par rapport à l’année précédente. Monsieur le ministre, il n’y a là aucune idéologie : il s’agit d’un simple constat, nous sommes bien d’accord ? (Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.) Pour ce qui est du prix des prestations des établissements habilités à l’aide sociale à l’hébergement, en revanche, ce taux d’évolution maximal a été limité à 3 %.

Selon nous, élus du groupe communiste, cet écart de 2,14 points n’est pas justifié. Aussi proposons-nous de relever la contribution des employeurs au financement de l’autonomie de 0,3 % à 0,6 % – vous voyez, madame la rapporteure générale, monsieur le ministre, que nous ne versons pas dans l’exagération – afin de financer les besoins des Ehpad, du secteur médico-social et du handicap.

Ces personnes en perte d’autonomie, parmi lesquelles on trouve une majorité de femmes, ont pour la plupart travaillé. Nous défendons non seulement leur retraite, qui n’est autre qu’un salaire différé, mais tout simplement leur dignité. Cette augmentation de la contribution des entreprises, qui reste bel et bien modérée, n’aurait que des effets positifs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Mon cher collègue, la mesure que vous défendez permettrait effectivement de dégager 2,5 milliards d’euros, qui seraient fléchés vers l’autonomie.

Nous sommes d’accord sur le constat : cette branche en a besoin.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cela étant – j’ai eu l’occasion de l’indiquer précédemment –, les prélèvements obligatoires s’établissent déjà à un niveau très élevé dans notre pays.

En outre, un tel prélèvement opéré sur les salaires, donc sur l’emploi, pourrait entraîner en définitive une hausse du chômage.

En conséquence, l’avis de la commission est défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur le sénateur, en doublant le taux de cette contribution sans créer de nouvelle journée de solidarité, on ne ferait que renchérir le coût du travail, ni plus ni moins. Ces 2 milliards d’euros supplémentaires de prélèvements iraient à rebours de toute la politique que nous mettons en œuvre en faveur de l’emploi.

Je le répète, c’est par la création d’emplois que l’on garantit le financement pérenne de notre sécurité sociale.

Le Gouvernement émet donc sur ces trois amendements identiques un avis qui, quoique non idéologique, n’en demeure pas moins défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Madame la rapporteure générale, monsieur le ministre, pour un professionnel du secteur médico-social, pour un résident d’Ehpad ou pour une personne en situation de handicap, de telles réponses sont tout simplement inaudibles.

Ceux qui me connaissent vous le confirmeront : je n’ai pas le moindre penchant pour le populisme ni pour l’essentialisation du peuple. Mais nous devons nous parler franchement !

Monsieur le ministre, vous nous opposez l’argument du retour à l’emploi. Depuis le commencement de ce débat, je vous écoute avec beaucoup d’attention, et c’est normal. Vous savez quel résultat va donner votre réforme de l’assurance chômage : une bascule vers le revenu de solidarité active (RSA) et la prime d’activité qui va avoir un impact pour les collectivités publiques.

Nous ferons les comptes ensemble ! Je sais que vous avez une bonne mémoire – la mienne n’est pas mauvaise non plus (Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.) – et qu’il en est de même de notre assemblée tout entière.

Nous proposons de porter le taux de la contribution des employeurs de 0,3 % à 0,6 % en faveur des Ehpad, du médico-social et du handicap : c’est tout de même raisonnable !

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à cette question : pourquoi le Gouvernement a-t-il permis aux Ehpad privés à but lucratif d’augmenter leurs tarifs de plus de 5 % alors que, dans les Ehpad non lucratifs, publics ou associatifs, la hausse ne sera en moyenne que de 3 %, comme vous le savez très bien ?

Ces plus de 5 % de progression – je le précise – s’appliqueront aux contrats de séjour en cours. En effet, les Ehpad privés lucratifs sont libres de déterminer les tarifs applicables à leurs nouveaux contrats. Ils peuvent même décider, s’ils le veulent, d’une hausse de 10 % par rapport aux prix des contrats en cours… Le règlement intérieur du groupe Orpea prévoit ainsi l’indexation sur l’inflation du prix des nouveaux contrats : pour ces établissements-là, tout va bien…

Vous devrez répondre de ce différentiel !

En ce moment même, les Ehpad publics ou associatifs en difficulté sont repris massivement par le secteur privé à but lucratif.

Quelquefois, mais pas toujours, les Ehpad privés à but lucratif sont certes confrontés à la baisse de leur taux de marge. Mais, j’y insiste, vous leur octroyez une augmentation de plus de 5 % sur les contrats de séjour déjà signés, alors même qu’ils bénéficient déjà d’une liberté totale quant aux tarifs des nouveaux contrats.

Ce faisant, vous êtes en train de créer un différentiel au profit du secteur lucratif. On se demande bien ce qui peut motiver une telle politique, sinon la position idéologique qui est tout simplement celle des économistes libéraux…

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 617 rectifié ter, 806 rectifié bis et 895 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article additionnel après l'article 10 - Amendements n° 617 rectifié ter, n° 806 rectifié bis et n° 895 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024
Article additionnel après l'article 10 - Amendement n° 724 rectifié bis

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 1196 rectifié, présenté par MM. Lurel, Ouizille, Montaugé et Jomier, Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, MM. Redon-Sarrazy, Kerrouche et Chantrel, Mme Bélim, MM. Jacquin, Ziane et Michau, Mmes Bonnefoy et Harribey, MM. Temal et Durain, Mme G. Jourda, MM. Féraud et Cardon, Mme Blatrix Contat, MM. Cozic, P. Joly et Stanzione, Mmes Conway-Mouret et Monier, MM. Chaillou, Tissot et Marie, Mme Artigalas, MM. Mérillou et Gillé, Mme Linkenheld et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 137-41 du code de la sécurité sociale est complété par un III ainsi rédigé :

« III. – Il est institué une contribution de solidarité de financement pour l’autonomie au taux de 1 % assise sur les revenus mentionnés aux articles 109 et 120 du code général des impôts.

Le produit de la contribution est affecté à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie définie à l’article L. 223-5 du code de la sécurité sociale. »

La parole est à M. Bernard Jomier.

M. Bernard Jomier. Monsieur le président, si vous me le permettez, je défendrai par la même occasion l’amendement n° 1198 rectifié.

M. le président. L’amendement n° 1198 rectifié, présenté par MM. Lurel, Ouizille, Montaugé et Jomier, Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, MM. Redon-Sarrazy, Kerrouche et Chantrel, Mme Bélim, MM. Jacquin, Ziane et Michau, Mmes Bonnefoy et Harribey, MM. Temal et Durain, Mme G. Jourda, MM. Féraud et Cardon, Mme Blatrix Contat, MM. Cozic, P. Joly et Stanzione, Mmes Conway-Mouret et Monier, MM. Chaillou, Tissot et Marie, Mme Artigalas, MM. Mérillou et Gillé, Mme Linkenheld et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 14 du chapitre 7 du titre III du livre I du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 137-42 ainsi rédigé :

« Art. L. 137-42. – Est instituée une contribution de solidarité des actionnaires pour l’autonomie au taux de 2 % assise sur les revenus distribués au sens de l’article 109 du code général des impôts.

« Son produit est affecté à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. »

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Bernard Jomier. Ces deux amendements similaires visent à abonder les comptes de la CNSA, le premier par une contribution sur les revenus de capitaux mobiliers, le second par un prélèvement sur les dividendes – incontestablement, les revenus du travail ne sont pas concernés.

On me répondra certainement qu’il ne faut pas procéder ainsi. Pourtant, personne ne nie l’ampleur des besoins de financement de la branche autonomie ; le rapport Libault n’a été contesté par personne.

Monsieur le ministre, en l’occurrence, il s’agit non pas de maîtriser les dépenses, mais de dégager des recettes.

Où sont-elles, ces recettes ? Où les prenez-vous ? Vous ne nous le dites pas. Il faudra 6 milliards d’euros l’année prochaine ; dans quelques années, il en faudra plutôt 9 milliards. Il y a bien un déficit de financement de la branche autonomie !

Il y a quelques années, et une nouvelle fois l’année dernière, nous avions suggéré de regarder du côté des successions. Évidemment, nous avions assorti la mesure proposée d’un abattement, comme il en existe déjà, afin de ne pas pénaliser les Français modestes ou ceux des classes moyennes. On nous a répondu que ce n’était pas possible. Le chef de l’État avait même pour projet d’alléger encore le prélèvement sur les successions : j’espère qu’il y a renoncé.

Quoi qu’il en soit, vous ne nous dites pas comment vous financez cette branche. Vous ne pouvez pas affirmer qu’il y a déjà suffisamment de prélèvements dans notre pays sans apporter de réponse aux besoins de financement de cette branche aujourd’hui en déficit !

On ne traitera pas cette question par des mesures d’économie et de maîtrise de la dépense : il ne s’agit pas de cela. Pour notre part, nous proposons des prélèvements d’une ampleur modérée sur les dividendes et sur les capitaux mobiliers. Ces dispositifs n’auront pas d’impact négatif sur l’emploi ; en revanche, ils permettront de répondre en partie – en partie seulement – aux besoins de financement de la branche autonomie.