Mme Muriel Jourda, rapporteur. Avis favorable sur l’amendement n° 596 et défavorable sur les deux autres amendements, qui tendent à réduire le délai de rétention. Nous estimons que le délai actuel de quatre-vingt-dix jours est équilibré. Il est d’ailleurs approuvé par le Conseil constitutionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. J’ai du mal à comprendre le raisonnement de M. Dossus, sauf à être totalement opposé par principe au contrôle d’identité, au fait que les étrangers doivent quitter le territoire quand ils sont en situation irrégulière, en particulier lorsqu’ils sont très dangereux, et à tout enfermement dans un centre de rétention.
J’ai précisé que le fonctionnement en matière de rétention a changé. Les 1 300 places existantes – il y en avait 900 lors de mon arrivée au ministère – et les 3 000 places à terme, en 2027, grâce à la loi de programmation du ministère de l’intérieur, sont réservées à un autre type de personnes.
Nous sommes en train de changer la sociologie des étrangers placés en centre de rétention. Comme l’a souligné, M. Durain, il s’agit effectivement d’une privation de liberté – personne n’en disconvient –, qui correspond à des critères particuliers. Cela implique donc d’agir avec précaution. Nous y plaçons les personnes dangereuses pour l’ordre public.
Aujourd’hui, les personnes placées dans les CRA, hors Mayotte, sont des personnes soit radicalisées, soit dangereuses. Il n’y a plus d’enfants, même si la loi n’est pas encore votée, et il y a moins de 2 % de femmes. Celles qui sont placées dans ces centres ont commis des actes d’une grande dangerosité ou sont radicalisées.
Bref, ces individus sont placés en centres de rétention pour que nous puissions y concentrer le travail de la police et du ministère des affaires étrangères, notamment à des fins d’identification. Si une personne nie la nationalité qu’on lui attribue et prétend en avoir une autre, il faut bien demander à une mission de reconnaissance de vérifier son accent, d’examiner dans quels pays ont été passés ses coups de fil et de venir de lui poser toutes sortes de questions. Certaines personnes essaient évidemment de tricher pour ne pas repartir dans leur pays d’origine. Or nous ne pouvons pas renvoyer dans un pays X un ressortissant d’un pays Y : nous n’aurions d’ailleurs pas de laissez-passer consulaires pour cela.
Il est donc très important de placer dans les centres de rétention administrative les personnes qui doivent être sous la main du ministère de l’intérieur, afin de contrôler leur identité expressis verbis et d’obtenir le laissez-passer consulaire. Je vous rappelle que celui-ci n’est délivré que pour quelques jours ; il ne vaut pas ad vitam. Comment faire pour renvoyer ces étrangers chez eux si vous ne les avez pas sous la main et que vous dépassez le délai de validité de trente jours des laissez-passer consulaires ?
Ces centres de rétention répondent à une procédure normale, classique, et ils permettent l’action de la police. C’est la raison pour laquelle nous y plaçons aujourd’hui des personnes dangereuses. Nous les privons effectivement, comme l’a indiqué M. Durain, de liberté.
Une part très importante de délinquants étrangers multirécidivistes commettent des actes de délinquance atteignant entre 30 % et 50 % des crimes et délits sur certains territoires. Depuis un an, nous avons uniquement placé en centre de rétention les personnes dangereuses : nous les empêchons évidemment de commettre ces actes de récidive et nous obtenons leur expulsion. Certes, monsieur Durain, 100 % des personnes placées dans les CRA ne sont pas expulsées ou éloignées. Mais c’est tout de même 40 % de plus que celles qui ne sont pas dans les CRA, ce qui prouve l’efficacité de ces centres. Oui, il convient encore d’améliorer les procédures. Mais il est évident que vous devriez tous défendre collectivement la mesure proposée par le Gouvernement.
L’étranger qui est en situation irrégulière, mais qui ne commet aucun acte de délinquance doit pouvoir être raccompagné dans son pays sans passer par un centre de rétention. Et l’étranger qui commet des actes de délinquance doit être placé dans un centre de rétention, car c’est précisément lui qui doit être éloigné en premier !
J’aurais pu, moi aussi, faire comme tous les ministres de l’intérieur avant moi et placer dans les CRA uniquement les personnes qui ne posent pas de problème pour l’ordre public : elles sont plus faciles à éloigner que les personnes dangereuses. Car tous les pays posent des questions sur les ressortissants qu’on veut leur renvoyer. Moi-même, lorsqu’un pays tiers souhaite renvoyer en France un tueur, je prends le temps de vérifier qu’il est bien Français avant d’accepter : c’est normal ; j’essaie de protéger mon pays.
Je ne comprends donc pas le raisonnement de M. Dossus, qui me paraît être contre tout et qui n’entend pas la volonté du Gouvernement de protéger nos compatriotes. C’est à se demander d’ailleurs s’il veut protéger nos compatriotes ou s’il ne préfère pas régulariser les étrangers délinquants qui ont commis des crimes ou qui sont radicalisés…
M. Durain, comme à son habitude, est plus raisonnable, mais je ne saurais être d’accord avec lui : les chiffres de libération qu’il cite sont ceux de la période du covid-19.
Par ailleurs, il fait mine d’ignorer que nous avons connu une crise des visas avec la plupart des États dont les ressortissants étaient en centres de rétention administrative : 70 % des personnes placées dans les CRA sont issus des trois pays du Maghreb. Quand l’Algérie, le Maroc ou la Tunisie n’accordent plus du tout de laissez-passer consulaires du fait du rapport de force qu’a installé le Président de la République il y a un an et demi, que fait le juge des libertés et de la détention ? Il ne se soucie pas de la dangerosité de la personne ; ça, c’est l’objet de l’amendement n° 596, que j’espère vous faire adopter dans un instant. Il regarde seulement si la procédure ne risque pas d’être entachée de nullité, si quelqu’un n’a pas oublié un tampon et, surtout, si la personne peut être raisonnablement renvoyée dans son pays. Quand la France n’obtient plus de laissez-passer consulaires, comme c’est aujourd’hui le cas pour les citoyens russes placés dans les CRA, le juge libère la personne, qu’importe sa dangerosité, car nous n’avons pas le droit d’enfermer un individu sans chance sérieuse de pouvoir le renvoyer dans son pays.
Les pourcentages cités par M. Durain sont donc très amoindris par la crise du covid-19 et celle des visas. Nous avons aujourd’hui renoué avec des taux de reconduite tout à fait acceptables – j’aurais dû vous fournir ce rapport, mea maxima culpa –, qui dépassent même ceux de 2019, soit au plus haut de ce que nous étions parvenus à réaliser. Nous verrons l’année prochaine quels seront les chiffres de l’immigration pour cette année.
Je précise que nous n’avons pas étendu le délai de rétention. Aux termes de la directive européenne, nous aurions pu aller jusqu’à dix-huit mois, comme c’est notamment le cas en Grèce. Lorsque la France prévoit donc un délai de quelques mois, elle est très en deçà de ce qui est possible au sein de l’Union européenne.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le ministre, mon collègue Thomas Dossus est tout aussi raisonnable que M. Durain ou que nous tous ici. (M. le ministre manifeste son scepticisme.)
Que proposons-nous dans cet amendement n° 333 rectifié bis ? En réalité, c’est assez simple : nous voulons en revenir à ce qui se faisait avant 2018 et supprimer la deuxième période de trente jours, afin de parvenir à une durée maximale de rétention de soixante jours.
J’ai bien écouté vos propos, à chaque fois que vous évoquez les CRA, vous parlez de délinquants et de dangereux récidivistes.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. C’est le cas !
M. Guillaume Gontard. Cela me pose problème : les centres de rétention administrative ne sont pas des centres pénitentiaires ou des prisons.
Les personnes faisant l’objet d’une OQTF n’ont commis pour seul délit – si c’en est un – que d’être en situation illégale sur le territoire français. Voilà pourquoi elles sont placées en CRA.
M. Guillaume Gontard. Il ne s’agit donc pas de délinquants, et rien ne prouve qu’ils sont dangereux.
Nous le savons, cela fait partie de vos directives. Vous êtes en train de convertir les CRA en centres pénitentiaires et de transformer ces étrangers en détenus de droit commun.
M. Guillaume Gontard. C’est terriblement dangereux, car ce n’est pas la finalité des centres de rétention administrative. Il faudrait redéfinir leur fonction, faute de quoi vous mettriez en difficulté les agents qui y travaillent et que nous avons rencontrés !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Monsieur le ministre, j’ai très bien compris quelle était la vocation que vous souhaitez donner aux CRA et quelles étaient les personnes que vous souhaitiez y placer en rétention.
Je suis néanmoins inquiet, car les CRA ne sont pas des centres pénitentiaires. Ils ne sont pas organisés comme tels et le personnel qui y travaille n’est pas formé comme le personnel des centres pénitentiaires. Je me fais ici le porte-parole d’un certain nombre d’agents. J’en rencontre beaucoup, et je puis vous assurer que leur inquiétude est grande. Ils sentent bien qu’aujourd’hui l’ambiance dans les CRA n’est plus la même qu’il y a un ou deux ans.
Monsieur le ministre, je n’approuve, certes, pas la transformation que vous mettez en œuvre des CRA en centres pour personnes jugées dangereuses, même si aucune condamnation n’a été prononcée à leur encontre, ce qui est quelque peu paradoxal, mais, dans ce cas, organisons les CRA à cette fin. Ne mettons en péril ni les agents qui y travaillent ni les mineurs de moins de dix-huit ans ; vous étiez d’accord avec moi avant que le Sénat ne vote contre l’amendement que je défendais en ce sens.
Chers collègues des groupes Les Républicains et Union Centriste, comment avez-vous pu décider que l’on pourrait continuer à maintenir dans les CRA des mineurs de 16 ans à 18 ans, alors qu’on vient de nous expliquer que ces CRA allaient être réservés à des délinquants potentiellement dangereux ? Cette décision devrait être revue : j’espère que vous donnerez des consignes à vos collègues de l’Assemblée nationale pour modifier cette disposition !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas.
M. Philippe Bas. Après ce que nous venons d’entendre, je ressens le besoin de venir au secours du Gouvernement. (Marques d’ironie sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
L’amendement du Gouvernement, si je l’ai bien compris, ne doit pas être interprété comme vous le faites. Il ne s’agit pas de dénaturer la rétention pour en faire un élément de privation de liberté et pour punir les délits. Il s’agit de prendre en compte des délits pour que le juge puisse dire si, oui ou non, il y a un risque de fuite, un risque que l’individu veuille échapper à la décision d’éloignement.
M. Philippe Bas. Comme l’individu en question a commis des délits, nous pouvons nous dire qu’il n’est pas très respectueux de la loi ; et puisqu’il n’est pas très respectueux de la loi, il pourrait ne pas vouloir respecter non plus la mesure d’éloignement. Mieux vaut donc l’avoir sous la main.
Au-delà de cette mésinterprétation de l’amendement du Gouvernement, je ne comprends pas ce qui peut motiver les deux autres amendements. Considérer que la loi Collomb est allée trop loin alors qu’elle était tellement en dessous de nos exigences en matière de contrôle de l’immigration, c’est tout de même, de mon point de vue, un peu paradoxal !
Les délais prévus par la loi Collomb de 2018 sont plutôt insuffisants que trop importants. Il me paraît tout à fait exclu d’accepter un retour en arrière.
Il faut laisser à l’administration le temps nécessaire pour réaliser toutes les formalités permettant le retour dans le pays d’origine. Nous ne pouvons pas laisser un étranger susceptible de prendre la fuite se soustraire à l’obligation que l’État lui impose de quitter le territoire national.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. J’ai pu constater ce que vous décrivez, monsieur le ministre. Depuis que je suis sénateur, j’ai visité cinq fois le CRA du Mesnil-Amelot : la première fois, c’était en 2017 ; la dernière fois, c’était il y a dix jours. J’ai donc pu constater la différence que vous évoquez.
Il faudrait que nous puissions débattre plus longuement de la notion de dangerosité de l’individu. Mais, en tout cas, des personnes sorties de prison ou condamnées pour des actes de terrorisme se retrouvent dans des CRA.
C’est d’ailleurs un problème, que j’ai abordé avec les agents concernés : tout le monde est mélangé. Certaines personnes sortent de prison et ont de lourds problèmes psychiatriques. Dans le CRA du Mesnil-Amelot, un psychiatre passe une fois par semaine : c’est largement insuffisant, mais c’est déjà cela, me direz-vous ; car ce n’est pas le cas partout. Ce psychiatre est confronté à des cas très lourds, à la gestion desquels les agents du CRA ne sont pas formés.
Si le CRA accueille des individus dangereux et des personnes condamnées pour des actes de terroriste, la mission de ses agents est désormais très différente de celle qu’ils devaient initialement remplir, en tout cas lorsque j’ai visité pour la première fois ce CRA en 2017.
La formation, notamment, fait défaut. D’ailleurs, une brigade civile a été créée dans ce CRA pour essayer de réguler les tensions, mais cela ne suffit pas. C’est la raison pour laquelle nous estimons qu’il faut engager un débat sur le devenir des centres de rétention et sur la nécessité de former les agents.
Le débat que soulève M. Durain me semble légitime. Je me suis en effet posé la question. Au-delà de quarante-cinq jours de rétention, le taux d’éloignement est-il plus élevé ? Manifestement, cela dépend des pays, des laissez-passer consulaires. En tout cas, soit l’expulsion se fait dans les quarante-cinq premiers jours, soit elle n’a simplement pas lieu.
Notre demande d’une évaluation par le Parlement des lois que nous avons adoptées me paraît donc légitime.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Je voudrais répondre à M. Philippe Bas. En vous faisant part de cette réflexion et en vous soumettant ces amendements, nous ne cherchons pas à passer pour de dangereux gauchistes qui voudraient tout faciliter pour les étrangers.
Nous sommes plutôt guidés par un souci d’efficacité : l’efficacité économique, qui est l’enjeu de la régularisation des personnes qui travaillent dans ce pays ; l’efficacité de la protection des Français ; enfin l’efficacité des mesures prises sur les centres de rétention.
J’ai eu l’occasion de visiter avec M. Yan Chantrel le CRA du Mesnil-Amelot. Nous nous interrogions sur l’utilité de l’allongement du délai de rétention au-delà de quarante-cinq jours, qui représente un coût pour les finances publiques, alors que cet argent pourrait être utilisé pour autre chose.
Les réponses du ministre à cet égard ont été plutôt convaincantes. Aussi, dans la mesure où nous n’avons pas de rapport à disposition pour apprécier très concrètement le résultat de ces décisions, nos amendements ont également pour objet d’évaluer l’exécution des mesures que nous avons votées, comme le disait Fabien Gay.
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Le changement de population dans les CRA, que vous assumez aujourd’hui, fait clairement évoluer la fonction des centres de rétention. Il ne s’agit plus de zones de privation de liberté temporaire dans l’attente de l’obtention d’un laissez-passer ou du résultat d’un recours. Le CRA joue désormais un rôle de protection de la société, comme M. Philippe Bas l’a expliqué, et pas seulement vis-à-vis de personnes condamnées. En effet, le ministre a évoqué le cas de personnes non condamnées, mais impliquées dans des affaires de troubles à l’ordre public.
Reconnaissez au moins que le régime de rétention est en train de changer complètement. Il va donc falloir adapter les CRA. À travers quelques amendements du Gouvernement, nous sommes en train de modifier radicalement ce qui se passe dans les centres de rétention sans même adapter le dispositif.
Or, en prison, il existe des normes de dignité humaine qui ne sont même pas appliquées dans les centres de rétention. En effet, les règles sont beaucoup plus strictes en prison : l’accès à un service de soins psychiatriques y est par exemple garanti, mais pas en centre de rétention. Bien des obligations de cette nature, valables en prison, ne le sont pas en CRA.
En changeant le régime des centres de rétention sans faire évoluer leur fonctionnement, nous mettons en danger à la fois nos agents et les personnes retenues. Je vous invite à visiter les nouveaux centres de rétention : certaines chambres n’ont pas même de porte, alors que des personnes sortant de prison, parfois très violentes, y sont retenues. Je pense que c’est indigne.
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 333 rectifié bis et 187 rectifié n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 12, modifié.
(L’article 12 est adopté.)
Après l’article 12
Mme la présidente. L’amendement n° 185, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 342-1, il est inséré un article L. 342-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 342-1-…. - Un mineur de dix-huit ans ne peut faire l’objet d’une mesure de maintien en zone d’attente. »
2° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 343-2, les deux occurrences du mot : « maintien » sont remplacées par le mot : « placement » ;
3° L’article L. 351-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 351-2. - Un mineur de dix-huit ans ne peut faire l’objet d’une mesure de maintien en zone d’attente. »
La parole est à Mme Colombe Brossel.
Mme Colombe Brossel. Par cet amendement, nous prolongeons le débat que nous avons entamé sur le nécessaire aménagement des CRA en raison des choix assumés par le ministre de l’intérieur.
Nous vous proposons ainsi d’interdire le maintien en zone d’attente des mineurs. M. le ministre est longuement revenu sur l’interdiction de rétention des mineurs, et nous en avons débattu avec mes collègues de la gauche sénatoriale.
Nous parlons ici de personnes mineures. Un de mes collègues a évoqué la convention internationale des droits de l’enfant, dont article 37 précise : « L’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit être en conformité avec la loi, n’être qu’une mesure de dernier ressort, et être d’une durée aussi brève que possible. »
Nous vous proposons donc d’adopter cet amendement, afin que le maintien en zone d’attente des mineurs soit interdit en toute hypothèse.
Je sais que cet amendement a suscité un débat lorsqu’il a été présenté en commission : j’insiste donc sur le fait qu’il concerne le maintien en zone d’attente, et non la rétention.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Avis défavorable. Les garanties existent et nous semblent suffisantes.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 592 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Le livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 521-14 est abrogé ;
2° Le titre II est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Cas d’assignation à résidence ou de placement en rétention du demandeur d’asile
« Art. L. 523-1. – L’autorité administrative peut assigner à résidence ou, si cette mesure est insuffisante et sur la base d’une appréciation au cas par cas, placer en rétention le demandeur d’asile dont le comportement constitue une menace à l’ordre public.
« L’étranger en situation irrégulière qui présente une demande d’asile à une autorité administrative autre que celle mentionnée à l’article L. 521-1 peut faire l’objet des mesures prévues au premier alinéa afin de déterminer les éléments sur lesquels se fonde sa demande d’asile. Son placement en rétention ne peut être justifié que lorsqu’il présente un risque de fuite.
« Art. L. 523-2. – Le risque de fuite mentionné à l’article L. 523-1 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
« 1° L’étranger qui est entré irrégulièrement en France ou s’y est maintenu irrégulièrement n’a pas présenté sa demande d’asile dans le délai de quatre-vingt-dix jours à compter de son entrée en France.
« 2° Le demandeur a déjà été débouté de sa demande d’asile en France ou dans un autre État membre, ou a renoncé explicitement ou implicitement à sa demande d’asile dans un autre État membre sans motif légitime ;
« 3° Le demandeur a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à la procédure d’éloignement en cas de rejet de sa demande d’asile ou s’est déjà soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;
« 4° L’étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l’un des États avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen, fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l’un de ces États ou s’est maintenu sur le territoire d’un de ces États sans justifier d’un droit de séjour ou sans y avoir déposé sa demande d’asile dans les délais les plus brefs ;
« 5° Le demandeur ne se présente pas aux convocations de l’autorité administrative, ne répond pas aux demandes d’information et ne se rend pas aux entretiens prévus dans le cadre de la procédure prévue au titre III sans motif légitime ;
« Art. L. 523-3. – En cas d’assignation à résidence sur le fondement de l’article L. 523-1, les dispositions des articles L. 732-1, L. 732-3, L. 732-4, L. 732-7, L. 733-1, et L. 733-3 sont applicables, ainsi que le premier alinéa de l’article L. 733-1. Le manquement aux prescriptions liées à l’assignation à résidence est sanctionné dans les conditions prévues aux articles L. 824-4 et L. 824-5.
« En cas de placement en rétention sur le fondement de l’article L. 523-1, les dispositions des articles L. 741-4 à L. 741-10, ainsi que les dispositions des chapitres II, III et IV du titre IV du livre VII sont applicables, à l’exception de la section 2 et 4 du chapitre II.
« Le maintien en rétention au-delà de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé pour une durée de vingt-huit jours, dans les conditions prévues au présent chapitre, par le juge des libertés et de la détention saisi à cette fin par l’autorité administrative.
« Art. L. 523-4. – Sans préjudice de l’article L. 754-2, la demande d’asile de l’étranger assigné à résidence ou placé en rétention sur le fondement de l’article L. 523-1 est examinée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides selon la procédure accélérée, conformément au 3° de l’article L. 531-24.
« Art. L. 523-5. – Si l’Office français de protection des réfugiés et apatrides considère qu’il ne peut examiner la demande selon la procédure accélérée mentionnée à l’article L. 523-4 ou s’il reconnaît à l’étranger la qualité de réfugié ou lui accorde le bénéfice de la protection subsidiaire, il est mis fin à la mesure prise sur le fondement de l’article L. 523-1.
« Art. L. 523-6. – En l’absence d’introduction de la demande d’asile dans un délai de cinq jours à compter de la notification de la décision de placement en rétention, ou en cas de décision de rejet ou d’irrecevabilité de la demande d’asile, la décision de placement en rétention prévue à l’article L. 523-1 peut se poursuivre pour le temps strictement nécessaire pour l’examen du droit de séjour de l’étranger et, le cas échéant, le prononcé, la notification et l’exécution d’une décision d’éloignement, et qui en tout état de cause ne peut excéder vingt-quatre heures.
« La poursuite du placement en rétention fait l’objet d’une décision écrite et motivée. Elle s’effectue dans les conditions prévues au titre IV du livre VII en cas de décision de clôture consécutive à l’absence d’introduction de la demande d’asile, ou dans les conditions prévues au chapitre II du titre V du livre VII en cas décision de rejet ou d’irrecevabilité de la demande d’asile.
« Art. L. 523-7. – Les modalités d’application du présent chapitre, et notamment les modalités de prises en compte de la vulnérabilité du demandeur d’asile et, le cas échéant, de ses besoins particuliers, sont fixées par décret en Conseil d’État. »
3° Le 3° de l’article L. 531-24 est ainsi rédigé :
« 3° Le demandeur est assigné à résidence ou placé en rétention en application de l’article L. 523-1, ou maintenu en rétention en application de l’article L. 754-3. »
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Cet amendement vise à répondre à une problématique assez simple.
Actuellement, une personne en rétention peut demander l’asile. En revanche, si une personne interpellée sur la voie publique, par exemple un étranger en situation irrégulière qui aurait commis un délit, demande l’asile, elle ne peut pas être placée en rétention, et l’on doit lui laisser demander l’asile.
Il y a donc un détournement du droit de l’asile. En effet, une personne qui viendrait dans notre pays pour demander l’asile le ferait spontanément ; elle n’attendrait pas des mois ou des années sur le territoire national, en situation d’irrégularité, pour finalement demander l’asile une fois interpellée par la police. Un tel procédé ne sert évidemment qu’à gagner du temps.
L’idée est que chacun puisse demander l’asile, puisque c’est un droit constitutionnel, mais que cette demande puisse être faite en rétention. Dans ce cas-là, la demande d’asile ne fait pas obstacle à l’interpellation des services de police. Elle peut être étudiée en urgence, comme c’est le cas pour les personnes qui demandent l’asile en rétention. Rapidement, une réponse favorable ou défavorable est apportée, et des mesures d’éloignement sont exécutées dans le cas où la demande est refusée.
Une telle mesure est tout à fait conforme à notre droit constitutionnel et à la directive retour. Elle entrave l’une des manières de contourner l’exécution des OQTF.