Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Avis favorable.
Nous considérons que la rédaction est suffisamment précise. J’attire l’attention de mes collègues sur le fait que c’est une modification substantielle du droit applicable. Mais nous considérons que la prise en compte de la menace à l’ordre du public et le risque de fuite justifient le régime proposé.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 592 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 12.
L’amendement n° 118 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 597, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre II du titre III du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 732-4 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « de six mois » sont remplacés par les mots : « d’un an » ;
b) À la première phrase du deuxième alinéa, le mot : « une » est remplacé par le mot : « deux » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 732-5, les mots : « de six mois » sont remplacés par les mots : « d’un an ».
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Il s’agit de porter de six mois à un an la durée de l’assignation à résidence, avec deux renouvellements possibles sur décision du juge des libertés et de la détention (JLD).
En effet, nous avons du mal à éloigner les personnes, du fait notamment des vicissitudes de la vie diplomatiques. C’est la raison pour laquelle nous souhaiterions allonger cette durée, sachant que l’assignation à résidence n’est pas une rétention, comme nous l’avons déjà évoqué. La personne assignée à résidence doit seulement pointer au commissariat et bénéficie d’un cadre de libertés, certes, limité, mais sans en être entièrement privé. C’est ce que la plupart des voisins de la France pratiquent.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Avis favorable.
C’est une mesure dont il appartient au ministre de l’intérieur d’apprécier si elle permettra une amélioration effective de l’exécution des décisions d’éloignement. Nous pensons qu’elle créera pour ces services des obligations supplémentaires, puisqu’il faudra vérifier l’assignation à résidence pendant une durée plus importante. C’est à vous d’évaluer l’équilibre entre les avantages et les inconvénients de la solution proposée.
Nous y sommes favorables, du moins sur le plan de la technique juridique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous sommes sans doute sous l’effet de la fatigue due à la longueur des débats, mais j’attire votre attention sur le fait que c’est un amendement très important !
Vous devez quand même vous rendre compte de la durée pendant laquelle vous allez infliger cette assignation à résidence ! Ne prétendez pas que cela a pour objectif d’exécuter les mesures d’éloignement. Il s’agit là d’une privation de liberté, puisque l’assignation à résidence, c’est une restriction des libertés. Elle peut être extrêmement contraignante.
Pour notre part, nous sommes défavorables à cet amendement. Je souhaite que vous ayez bien conscience de ce que vous vous apprêtez à voter.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. J’abonde dans le sens de Mme de La Gontrie. On parle d’une durée d’un an. Mais comme cela peut être renouvelé deux fois, c’est en réalité trois ans : on pourra assigner des personnes à résidence durant trois ans !
Une personne est normalement assignée à résidence, parce qu’on espère pouvoir exécuter une obligation de quitter le territoire français la visant. Toutefois, si l’éloignement n’a pas eu lieu au bout de quinze jours, d’un mois ou de six mois, il est difficile d’imaginer qu’elle sera mise en œuvre après trois ans. Ou alors, c’est que l’assignation à résidence est un moyen de priver des individus de liberté des raisons autres que l’OQTF qui les cible. Dans ce cas, il faut le dire.
Je commence à être atterré par les décisions que nous sommes en train de voter. Je suis un peu surpris d’une telle demande, monsieur le ministre.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 12.
L’amendement n° 189, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 1 du chapitre I du titre IV du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifiée :
1° Le second alinéa de l’article L. 741-4 est supprimé.
2° Après l’article L. 741-4, il est inséré un article L. 741-4-… ainsi rédigé :
« Art. L. 741-4-…. - L’étranger en situation de handicap ne peut faire l’objet d’une décision de placement en rétention. »
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Mme Corinne Narassiguin. Par cet amendement, il s’agit d’interdire le placement en rétention des personnes en situation de handicap.
Aujourd’hui, les décisions de placement en rétention doivent prendre en compte l’état de vulnérabilité et tout handicap de l’étranger. Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d’accompagnement de l’étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention.
Malheureusement, malgré cela, introduites par la loi Collomb de 2018, tant les associations qui interviennent dans les CRA que les parlementaires, disposant un droit de visite, constatent que ces principes ne sont pas respectés.
C’est pour cela que nous voulons renforcer les dispositions et les obligations. Je pense par exemple à des personnes sourdes ou malentendantes qui sont retenues en CRA et qui ne bénéficient pas d’interprètes en langue des signes dans la langue qu’ils comprennent : elles ne peuvent donc pas communiquer ou faire valoir leurs droits.
En raison de la vulnérabilité de ces personnes et des atteintes aux droits qui sont constatées, nous souhaitons que le placement en rétention des personnes en situation de handicap soit interdit, et que lui soit substituée l’assignation à résidence.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Le Ceseda dispose déjà dans son article L. 741-4 : « La décision de placement en rétention prend en compte l’état de vulnérabilité et tout handicap de l’étranger. »
Connaissant la grande sensibilité du président de la commission des affaires sociales sur ce sujet, la commission souhaite conserver le statu quo : l’appréciation du placement en fonction du handicap se fait in concreto, au cas par cas. Nous ne souhaitons pas d’interdiction absolue. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Il s’agit de sujets importants : centres de rétention administrative, privation de liberté… Qui sont les personnes placées dans les CRA ? Une partie d’entre elles sont visées par une OQTF : sans-papiers et se trouvant sur le territoire français, elles y sont placées.
Nous devrions nous poser davantage de questions sur la rétention d’enfants ou de personnes handicapées, pour des durées parfois très longues. J’ai entendu la réponse du rapporteur, qui parle de statu quo et de cas par cas.
Or, sur de tels aspects, on ne peut pas fonctionner au cas par cas. Nous devons inscrire un principe clair dans la loi. Nous avons tous visité des centres de rétention administrative où étaient retenues des personnes en situation de handicap confrontées à de grandes difficultés.
Mme la présidente. L’amendement n° 603, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase de l’article L. 741-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complétée par les mots : « ou, en cas de circonstance nouvelle de fait ou de droit, d’un délai de quarante-huit heures ».
La parole est à M. le ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Avis favorable. Cette mesure permettra aux services de police, s’ils obtiennent des renseignements supplémentaires, d’intervenir avec efficacité.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Le propos du ministre a été assez laconique : j’espérais entendre ses explications. Je ne comprends pas ce que signifie une « circonstance nouvelle de fait ou de droit ». Je trouve la formule extrêmement floue : il n’y a pas de définition précise.
Au fond, on comprend bien le raisonnement. D’ailleurs, ce que vient de dire le rapporteur est intéressant : il parle finalement davantage d’enquête…
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. J’ai parlé d’informations.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. … alors que ce n’est pas ce qui est indiqué dans le texte de l’amendement. C’est une formule un peu fourre-tout : nous aimerions comprendre précisément ce qu’elle recouvre, monsieur le ministre.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Il me semble que c’est une formule que nous retrouvons souvent dans le droit, madame la sénatrice.
Le sens de cet amendement est assez évident. Une personne assignée à résidence après avoir été libérée d’un centre de rétention par le JLD ne peut pas y être placée de nouveau avant un délai de sept jours. Ce cas de figure peut se présenter si nous obtenons un laissez-passer consulaire ou si la personne n’a pas respecté son assignation à résidence en ne pointant pas au commissariat, qu’elle commet un délit de fuite ou qu’elle s’approche de quelqu’un dont elle doit rester éloignée. Bref, tous ces éléments permettent de considérer que les circonstances ont évolué.
Grâce à cet amendement, il suffirait d’attendre quarante-huit heures au lieu de sept jours pour placer de nouveau la personne en centre de rétention.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 12.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 184, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre IV du livre IV du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 744-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 744-1. - L’étranger retenu en application du présent titre est placé ou maintenu dans un centre de rétention administrative.
« Les centres de rétention administrative sont créés, sur proposition du ministre chargé de l’immigration, par arrêté conjoint du ministre chargé des affaires sociales, du ministre chargé de l’immigration, du ministre de l’intérieur et du ministre de la justice.
« À titre exceptionnel, lorsque l’étranger retenu en application du présent titre ne peut être placé immédiatement dans un centre de rétention administrative, le préfet peut décider de son placement dans un local de rétention administrative. L’étranger ne peut être maintenu dans un local de rétention administrative après que le juge des libertés et de la détention a prolongé sa rétention en application de l’article L. 742-3.
« Les locaux de rétention administrative sont créés, à titre permanent ou pour une durée déterminée, par arrêté préfectoral. Une copie de cet arrêté est transmise sans délai au procureur de la République et au Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
« Les centres de rétention administrative et les locaux de rétention administrative ne peuvent être créés dans des locaux relevant de l’administration pénitentiaire. » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 744-6 est ainsi rédigé :
« Dans chaque lieu de rétention, l’étranger reçoit notification, dès son arrivée, des droits qu’il est susceptible d’exercer en matière de demande d’asile. » ;
3° L’article L. 744-9 est ainsi rédigé :
« Art. L. 744-9. - Pour permettre l’exercice effectif de leurs droits par les étrangers maintenus dans un centre de rétention administrative ou un local de rétention administrative, le ministre chargé de l’immigration conclut une convention avec une ou plusieurs personnes morales ayant pour mission d’informer les étrangers et de les aider à exercer leurs droits. À cette fin, la personne morale assure, dans chaque centre ou local dans lequel elle est chargée d’intervenir, des prestations d’information, par l’organisation de permanences et la mise à disposition de documentation. Ces prestations sont assurées par une seule personne morale par centre ou local. » ;
4° Le premier alinéa de l’article L. 744-12 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils sont informés sans délai par le représentant de l’État dans le département dont relève leur circonscription de la création d’un local de rétention administrative. »
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Par cet amendement, nous souhaitons consacrer les LRA dans la loi pour y prévoir des garanties et des droits analogues à ceux qui sont appliqués en CRA.
Nous avons déjà évoqué la situation des LRA et le fait que les droits et garanties qui y sont appliqués sont en deçà de qui est prévu pour les CRA.
Le régime des CRA est aujourd’hui fixé dans la loi, tandis que celui des LRA est de niveau réglementaire. Nous proposons donc de fixer dans la loi le régime des locaux de rétention administrative.
Premièrement, nous proposons de préciser dans la loi que le placement d’un étranger dans un local de rétention administrative ne peut avoir qu’un caractère exceptionnel.
L’assignation à résidence devra donc être privilégiée si l’étranger ne peut être placé immédiatement dans un centre de rétention administrative. Par ailleurs, un étranger ne peut être maintenu dans un local de rétention administrative si le juge décide de la prolongation de la rétention.
Deuxièmement, nous souhaitons que la publicité de ces locaux soit garantie. Le préfet devra communiquer sans délai au procureur de la République et au Contrôleur général des lieux de privation de liberté l’arrêté portant création de ce LRA. Les parlementaires du département devront également être informés sans délai de ces lieux pour qu’ils puissent exercer leur droit de visite.
Troisièmement, les droits de l’étranger retenu dans un LRA ne devront pas être inférieurs à ceux qui s’appliquent dans un CRA. La notification des droits devra être effectuée dans chaque lieu de rétention, CRA et LRA, et non uniquement dans les premiers.
Quatrièmement, comme dans les CRA, les associations qui ont pour objet d’aider les étrangers à exercer leurs droits pourront, sur la base d’une convention conclue avec le ministère de l’intérieur, intervenir dans les LRA, pour qu’ils cessent, comme le disent certaines associations, d’être des lieux de non-droit.
Mme la présidente. L’amendement n° 275 rectifié, présenté par MM. Gontard et Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 744-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En dehors des cas relevant de l’application du présent titre, est considéré comme placé en rétention tout étranger privé de sa liberté de circulation pendant une durée supérieure à quatre heures. En conséquence, est considéré comme lieu de rétention, tout lieu où tout étranger est enfermé pendant une durée supérieure à quatre heures. »
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Accompagné de plusieurs de mes collègues, dont Guy Benarroche, je me suis rendu jeudi dernier à la police aux frontières de Menton pour visiter les zones dites de « mise à l’abri » des personnes migrantes. Nos observations soulèvent de graves questions.
Ce sont en réalité des locaux où des personnes migrantes, dont des mineurs, sont enfermées pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours, dans un environnement qui relève du milieu carcéral. Différence notable, cependant : ces espaces ne présentent aucun encadrement légal.
Les conditions et la durée de restriction de liberté sont indéterminées et ne permettent donc aucun contrôle judiciaire. Aucune mention de leurs droits n’est faite aux personnes migrantes et aucune visite ne leur est accordée, qu’il s’agisse d’avocats ou de médecins. À travers cet amendement, je souhaite mettre un terme au fonctionnement arbitraire de ce qui s’apparente à des zones de non-droit.
L’ordonnance prise par le juge des référés du tribunal administratif de Nice le 8 juin 2017, à la suite de l’une de nos visites, demandait au préfet de transférer dans une zone d’attente toute personne retenue plus de quatre heures dans les locaux de la police aux frontières de Menton. Or cette disposition n’est toujours pas respectée.
À cela s’ajoute l’arrêté de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 21 septembre dernier. Il précise qu’une décision de refus d’entrée prononcée aux frontières intérieures doit se faire dans l’application de la directive 2008/115/CE dite Retour. Celle-ci énonce que toute personne en attente d’éloignement est placée en rétention.
Cet amendement s’appuie donc sur cette décision. Tout enfermement d’une personne migrante de plus de quatre heures doit dépendre juridiquement du régime de la rétention. Tout lieu où cette rétention est organisée est donc de facto un CRA et est encadré comme tel. Tous les droits afférents des personnes retenues doivent donc s’y appliquer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Il faut admettre que les deux amendements de nos collègues présentent une cohérence intellectuelle dans leur manière d’appréhender les libertés publiques.
En regard de vos arguments, il faut s’interroger sur les objectifs pratiques de ce projet de loi. Les LRA offrent une forme de souplesse par rapport au régime des CRA, qui est très encadré, et à celui de l’assignation à résidence.
En demandant l’inscription du dispositif dans un cadre législatif, vous voulez supprimer cette souplesse. Nous souhaitons pour notre part privilégier les objectifs d’éloignement. À ce titre, nous ne pouvons qu’émettre un avis défavorable, tout en rendant hommage à votre cohérence intellectuelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je remercie le rapporteur de sa remarque sur notre cohérence intellectuelle.
Cependant, nos deux amendements ne sont pas tout à fait identiques : celui que j’ai défendu concerne les lieux de « mise à l’abri », qui n’ont aucune existence juridique légale. C’est un terme qui leur a été attribué. On retrouve cette terminologie et ce type de lieu à Montgenèvre et à Menton, dont les capacités du local sont en train d’être doublées. Cela pose une vraie problématique : ces lieux ne sont définis nulle part, et on ne sait pas à quoi ils servent.
Ces lieux, semblent-ils, sont utilisés pour la rétention. Nous avons pu les visiter. Nous avons demandé si les personnes qui s’y trouvaient avaient le droit de sortir, et ce n’est pas le cas : elles sont donc bien retenues. Ces lieux sont fermés, avec des moyens très précaires, et des conditions sanitaires à revoir. Les personnes peuvent rester douze à vingt-quatre heures dans ces lieux, comme cela nous a été confirmé.
Il s’agit donc bien de lieux de rétention. Les parlementaires ont le droit de les visiter. Nous demandons que ces lieux de mise à l’abri soient clairement définis, et que tout lieu où une personne est privée de liberté durant plus de quatre heures soit régulé par les directives qui s’appliquent aux lieux de rétention.
C’est aussi important, parce que les agents de la police aux frontières sont placés dans une situation floue et compliquée, comme ils nous l’ont dit. En effet, ils ne sont pas certains du cadre juridique qui régit les lieux où ils travaillent. Leur situation est fragilisée.
Au-delà de cette cohérence intellectuelle, mon amendement a donc d’autres intérêts, qui méritent d’y prêter attention.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Quand j’ai visité le centre de rétention du Mesnil-Amelot, j’ai échangé avec les agents, ainsi qu’avec la Cimade. Ce sont eux qui m’ont parlé pour la première fois des LRA : je n’en avais jamais entendu parler, alors qu’il y a six ans que je suis sénateur.
Or, dans ces lieux, une personne peut être retenue pendant quarante-huit heures – monsieur le ministre, arrêtez-moi si je me trompe – sans accès aux droits. Selon la Cimade, il arrive que des personnes soient placées en CRA après avoir été retenues en LRA ; et parfois, le délai de contestation des décisions préfectorales est déjà écoulé. Ces personnes ne savaient pas qu’elles pouvaient faire un recours, puisqu’elles n’avaient pas accès à leurs droits en LRA.
Cet accès aux droits devrait être garanti, mais en Seine-Saint-Denis et plus particulièrement au Mesnil-Amelot, c’est très rarement le cas. Cette situation devrait nous interroger.
L’amendement de mon collègue Durain tend à rendre publique la liste des LRA. Je sais qu’il existe un LRA à Bobigny, mais il est très difficile d’obtenir davantage d’informations à son sujet. Je vais me renseigner, car je veux le visiter.
L’absence de publicité de ces lieux de rétention m’interroge ; peut-être suis-je le seul dans cet hémicycle… Mais le manque d’accès aux droits est problématique. Dès la première heure de rétention, on doit avoir accès à ses droits. Cela devrait être primordial.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Il y a deux sujets différents : les LRA et les zones de mise à l’abri.
Sur les LRA, je suis d’accord avec Fabien Gay. C’est une question compliquée. J’ai aussi cherché à en savoir davantage sur la situation dans les Bouches-du-Rhône : on m’a dit que le LRA était situé dans la zone d’attente de l’aéroport de Marseille-Provence à Marignane. Peut-être. Pourtant, j’ai récemment visité la zone d’attente, et on ne m’a pas parlé de LRA.
C’est un problème. Ne serait-ce que pour pouvoir les visiter, ce qui est notre droit, il faudrait que soit établie une liste des LRA régulièrement mise à jour, puisque ces lieux peuvent évoluer du jour au lendemain.
J’ai même cru comprendre que le logement dans un hôtel provisoire pouvait transformer l’hôtel ou la chambre en LRA.
Les zones de mise à l’abri sont très clairement des zones de rétention. J’accompagnais Guillaume Gontard lors de sa visite : les personnes placées en LRA ne sont pas libres de leurs mouvements. Je comprends qu’elles sont là pour être mises à l’abri parce qu’elles sont arrivées dans des conditions difficiles. La mise à l’abri est supposée durer quatre heures, et se déroule dans des conditions loin d’être satisfaisantes, même si on nous a dit sur place qu’il y avait eu du progrès depuis un an : au lieu d’avoir droit épisodiquement à une madeleine à leur arrivée, les personnes retenues en LRA ont une bouteille d’eau et une salade. La distribution est assurée par un prestataire extérieur que nous avons rencontré.
Malgré tout, ce ne sont pas des endroits dans lesquels on peut décemment rester plus de quatre heures. En plus, des femmes et des enfants y sont placés ; c’est une certitude absolue.
Les LRA sont même considérés par les agents de la police aux frontières qui y travaillent comme des lieux de rétention.
Lors de notre visite, la première réponse qu’on m’a donnée, c’est que les gens qui y sont retenus peuvent sortir quand ils le veulent. J’ai donc invité trois de ces personnes au café du coin pour discuter avec elles, mais on m’en a empêché, au motif que ces trois personnes étaient enfermées, qu’elles ne pouvaient pas sortir libres dans la rue avant que l’on ne s’assure qu’elles soient reçues en Italie par les carabiniers. Cela a été le cas, je l’ai vérifié moi-même : certains des gens présents à cet endroit sont laissés dans la rue et suivis, le temps qu’on s’assure qu’ils retournent en Italie.
Tout cela constitue une sorte de flou artistique. Les agents ne savent pas quel est le statut juridique des zones de privation de liberté. Nous demandons une grande clarification sur le sujet.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Pour répondre à vos questions, les LRA sont évidemment conformes à ce que nous permet le droit, dans le respect de la Constitution et de la convention européenne des droits de l’homme.
Que sont-ils ? Des endroits où il y a peu de places. Ils sont essentiellement situés dans les commissariats. C’est le cas à Bobigny, monsieur le sénateur ; ce n’est pas très difficile à trouver. Mais j’imagine que c’était pour votre démonstration que vous avez un petit peu grossi le trait… Ils sont évidemment mentionnés par des arrêtés publiés par les préfets. Ce n’est pas très compliqué de les trouver, il suffit d’appeler les préfectures et les sous-préfectures. C’est assez simple.
Les gens voient leurs droits notifiés, puisqu’on leur explique pourquoi ils sont retenus en LRA. Ils peuvent évidemment appeler un avocat. Vous venez de faire une petite caricature de ce que sont ces lieux.
Ce qui est sûr, c’est que ce ne sont pas des centres de rétention administrative : on n’y trouve pas plusieurs dizaines, voire centaines de personnes. Ce n’est pas parce qu’une association ne peut pas s’y rendre que l’on y a privé le monde de toute liberté : il y a un avocat, une notification des droits, des personnes connues que les parlementaires peuvent visiter, comme j’imagine que vous l’avez fait.
D’ailleurs, je ne sais pas si vous le savez, mais ce n’est pas ce gouvernement-ci qui a inventé les LRA. Je vous laisse deviner quel gouvernement l’a inventé… (Sourires.)