compte rendu intégral
Présidence de Mme Sylvie Robert
vice-présidente
Secrétaires :
M. François Bonhomme,
Mme Nicole Bonnefoy.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 18 octobre 2023 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Demande par une commission des prérogatives d’une commission d’enquête
Mme la présidente. Mes chers collègues, par lettre en date du 17 octobre 2023, la commission des lois demande au Sénat, en application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de lui conférer les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête, pour une durée de six mois, afin de mener sa mission d’information sur les émeutes survenues à compter du 27 juin 2023.
La conférence des présidents examinera cette demande lors de sa réunion du mardi 31 octobre prochain.
3
Services express régionaux métropolitains
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux services express régionaux métropolitains (proposition n° 749 [2022-2023], texte de la commission n° 45, rapport n° 44).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux d’être devant vous aujourd’hui pour l’examen de cette proposition de loi, qui contient un grand projet de transformation de nos mobilités dans tous les territoires de France pour les années à venir. C’est, à ce titre – je le sais –, un texte particulièrement attendu par la chambre des territoires qu’est le Sénat.
Je tiens tout d’abord à remercier l’auteur de cette proposition de loi, votre collègue député Jean-Marc Zulesi, qui préside, à l’Assemblée nationale, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, de s’être saisi de ce sujet majeur il y a quelques mois. Je salue également son soutien sans faille.
Bien sûr, je remercie également M. le rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, Philippe Tabarot, du travail très important qu’il a accompli sur le présent texte, dans des délais contraints, après les dernières élections sénatoriales.
Les services express régionaux métropolitains, ou Serm, comme on les appellera peut-être au cours de ce débat, ont vocation à traduire pleinement les ambitions qui animent le Gouvernement et un grand nombre d’entre vous en faveur de la transformation de nos transports : la décarbonation, le report modal vers le rail et la priorité aux transports du quotidien, qui sont au cœur de notre action et de cette proposition de loi. Il s’agit, en résumé, d’offrir des solutions de décarbonation plutôt que d’infliger des punitions ou d’imposer des restrictions.
Tous ces éléments se trouvent rassemblés dans le projet des Serm tel que nous le concevons, et tel qu’il commence déjà à se déployer grâce à certaines collectivités territoriales pionnières – je pense évidemment à la métropole de Strasbourg et à la région du Grand Est.
Pour permettre ce déploiement, nous avons voulu mobiliser ces deux acteurs complémentaires et reconnus que sont SNCF Réseau et la Société du Grand Paris (SGP). Nous avons souhaité les mettre ensemble, de manière innovante, au service des collectivités territoriales et des territoires volontaires.
Le Conseil d’orientation des infrastructures (COI) l’a souligné dans un rapport dont je salue une nouvelle fois la qualité, et ce d’autant plus volontiers que sa préparation a mobilisé plusieurs d’entre vous et de vos collègues députés : ces deux acteurs ont vocation à travailler main dans la main pour conduire le dialogue avec les collectivités concernées, métropoles et régions au premier chef, en vue de la réalisation de ces projets. C’est ce à quoi nous avons commencé à travailler et ce que rendra possible de manière claire, organisée et structurée la proposition de loi qui vous est présentée aujourd’hui.
En effet, une telle mobilisation commune, nécessaire pour mener à bien ce grand chantier, exige des adaptations législatives. Celles que contient le texte issu de l’Assemblée nationale, et déjà amendé par vous en commission, nous semblent aller dans le bon sens et je sais que la suite de la discussion parlementaire permettra d’en définir mieux encore les modalités.
Cette mobilisation a vocation à s’inscrire dans un cadre qui définisse notamment, comme c’était attendu sur les plans politique et juridique, les services express régionaux métropolitains en tant que tels.
Il faut garder à l’esprit que, pour importants qu’ils soient, les Serm ne sauraient être la réponse à tous les besoins d’aménagement et de mobilités dans nos territoires. J’entends donc les appels à y inclure de nombreux modes de transport possibles, voire tous les modes de transport.
Toutefois, de tels projets doivent être vus comme la pierre d’un édifice plus vaste : non comme l’alpha et l’oméga, mais comme l’élément d’une politique d’ensemble en faveur de la mobilité, des transports du quotidien et de la décarbonation, que l’État et les collectivités mènent conjointement. C’est un point essentiel de notre politique des transports, mais il n’est évidemment pas exclusif.
S’il importe de bien définir l’objet, il est tout aussi important que le cadre fixé par cette proposition de loi demeure assez souple. Il doit garantir la flexibilité et refléter une véritable confiance dans les collectivités afin de s’adapter aux réalités forcément spécifiques de chacun des territoires concernés. J’espère que le présent texte entrera en vigueur dans quelques semaines ; en permettant l’adaptation à chaque territoire, il deviendra alors une véritable loi de liberté.
Nous devons réellement garder cet état d’esprit : il reviendra aux collectivités territoriales concernées de faire remonter les projets du terrain, lesquels seront ensuite validés et cofinancés par l’État, puis définis de manière conjointe et cohérente. Pour sa part, le Gouvernement doit prendre pour point de départ les demandes locales. C’est l’esprit du présent texte, et de ce projet tout entier.
Cette proposition de loi garantit par ailleurs – c’est essentiel – le déploiement de l’ensemble des ressources financières nécessaires à la réalisation de ces services express régionaux métropolitains, en priorité en matière d’investissement. C’est toujours en pleine concertation avec les territoires que ce travail doit être mené, tout en différenciant les solutions d’une métropole ou d’une région à l’autre.
Plus largement, le financement des Serm a suscité – je le sais – beaucoup de débats au cours des dernières semaines, quelques polémiques et, surtout, des interrogations. (M. Franck Dhersin le confirme.) Aussi, je tiens à apporter d’emblée quelques clarifications qui, je l’espère, vous rassureront et nous permettront d’avancer ensemble.
D’une part, l’État a d’ores et déjà prévu des sommes importantes : près de 800 millions d’euros de crédits seront dédiés aux services express régionaux métropolitains dans les prochains contrats de plan État-région (CPER), lesquels – vous le savez – sont en cours de discussion dans chaque région.
Un tel montant est très loin d’être négligeable, alors même que nous partions de zéro, comme en témoigne la dernière génération de CPER. Pour ce projet nouveau, l’État mobilise, en entrée de négociation, des crédits extrêmement élevés. Il importe à présent que les collectivités territoriales, notamment les régions, mobilisent un montant au moins équivalent.
Ces crédits doivent être consacrés à l’investissement prévu, pour la période 2023-2027, dans le volet mobilités des CPER. Ils ne représentent évidemment pas la totalité des investissements dans les Serm. J’ajoute qu’à ce stade ce montant demeure indicatif : ni le montant exact des projets ni leur calendrier précis de déploiement ne sont aujourd’hui connus. Ces éléments seront affinés, notamment sur la base du présent texte, qui, je l’espère, entrera en application rapidement ; ainsi pourra-t-on préciser les plans d’investissement, les plans de financement et les ressources mobilisées.
L’État met donc une somme importante sur la table et attend que les régions mobilisent des crédits analogues. Bien sûr, nous irons ensemble plus avant pour assurer, dans la durée, le financement des chantiers.
Il est clair qu’entre 2023 et 2027 un certain nombre de projets aujourd’hui moins avancés que d’autres nécessiteront avant tout des travaux d’études. Ce sont principalement ces études approfondies que nous financerons dans un premier temps, ainsi que les premiers travaux. Il me semble très important de préciser qu’il ne s’agit pas d’un financement exhaustif et définitif de la part de l’État. (M. le rapporteur acquiesce.)
En parallèle, je n’ai pas fait mystère de ma volonté de disposer, pour les années à venir, d’une véritable programmation financière consacrée aux infrastructures de transports. Les services dont nous débattons aujourd’hui y trouveront naturellement leur place. C’est d’ailleurs ce que demandent nombre d’entre vous, siégeant sur les différentes travées de cet hémicycle : j’ai eu la chance d’en discuter avec les représentants des différents groupes et je continuerai à le faire au cours des prochaines semaines. Je le répète, le financement des Serm doit bénéficier pleinement de cette visibilité pluriannuelle, quelles qu’en soient les modalités.
Il y a donc déjà des financements consacrés aux Serm, notamment de la part de l’État, et il y en aura d’autres, en premier lieu pour accompagner leur phase d’investissement.
Le cas échéant – c’est une autre des grandes avancées permises par le présent texte –, des financements innovants, tels que des recettes affectées aux projets, doivent pouvoir être utilisés.
L’un des actes forts de ce texte est en effet de permettre la création de sociétés de projet, qui, si les collectivités territoriales le souhaitent – j’insiste sur cette logique du cas par cas –, pourront opter pour une fiscalité locale spécifique affectée au projet décidé, en s’appuyant sur une dette maîtrisée. Une fois de plus, il s’agit d’une faculté et non d’une obligation : grâce à ce dispositif, nous complétons la boîte à outils du financement des investissements dans les services express régionaux métropolitains, ce qui est absolument essentiel.
J’en suis profondément convaincu : ce modèle a fait ses preuves, mutatis mutandis, pour le Grand Paris Express. Le Gouvernement l’a déployé pour les projets de lignes à grande vitesse (LGV) en cours, grâce, d’ailleurs, à des amendements votés par le Sénat au titre du projet de loi de finances pour 2023.
Un tel choix présente plusieurs grands avantages : offrir une grande stabilité de financement, une gouvernance spécifique et une mission dédiée – je pense notamment à la maîtrise d’ouvrage –, autant d’éléments propices à une réalisation accélérée des projets. L’expertise développée et le travail mené par la Société du Grand Paris sont, à cet égard, exemplaires.
Je sais que nous débattrons dans quelques minutes de certains points qui méritent encore d’être examinés : c’est l’intérêt de nos discussions d’aujourd’hui.
Le Gouvernement est notamment favorable à ce que la priorité du ferroviaire soit clairement affirmée et bien lisible dans la définition des services express régionaux métropolitains. Il souhaite que ces derniers demeurent centrés sur les transports de voyageurs, et non de marchandises. Il entend également que la question du tarif des péages ferroviaires – vous connaissez mon engagement sur ce sujet essentiel – fasse l’objet d’une réflexion spécifique. À cet égard, je présenterai un amendement dans quelques instants. J’espère que ces dispositions de compromis permettront d’atteindre un consensus.
En outre, le Gouvernement a déposé un amendement visant à relever le plafond de dette auquel est soumise la Société du Grand Paris. Un tel effort de cohérence est essentiel pour que cette société puisse remplir ses missions.
Ces discussions, pour importantes qu’elles soient, ne sauraient occulter le fait que nous nous rejoignons très largement sur les principes, le contenu et les modalités de cette proposition de loi, telle qu’elle a été amendée en commission par la Haute Assemblée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie très sincèrement de ce travail rapide, sérieux, engagé et mené dans un esprit constructif, par-delà les sensibilités politiques.
Vous l’aurez compris : le Gouvernement soutient pleinement ce texte. Certains amendements donneront lieu à débat. Toutefois, son esprit et son contenu sont clairs, et sa nécessité est avérée.
Au-delà d’acronymes qui, comme celui de « Serm », peuvent paraître techniques, cette proposition de loi traduit une grande ambition et permettra une avancée importante. J’espère qu’elle recueillera une très large majorité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, et sur des travées des groupes UC et INDEP. – M. le rapporteur, ainsi que MM. Pierre Jean Rochette et Marc Laménie, applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)
M. Philippe Tabarot, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis heureux de vous retrouver aujourd’hui pour examiner la proposition de loi relative aux services express régionaux métropolitains, qui a fait l’objet d’un travail approfondi en commission, dans un esprit transpartisan.
Comme vous le savez, l’objectif de déployer dix réseaux express régionaux (RER) métropolitains, qui sont depuis devenus des Serm, résulte d’une annonce formulée par le Président de la République en novembre dernier, et confirmée par la Première ministre quelques mois plus tard lors de la présentation du plan d’avenir pour les transports.
Vous savez sans doute que cette idée n’est pas complètement neuve. Elle trouve son origine dans le rapport annexé à la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM) – un texte qui vous tient particulièrement à cœur, cher Didier Mandelli – et je me réjouis qu’elle se concrétise aujourd’hui par le biais de cette proposition de loi.
J’entre à présent dans le vif du sujet pour vous exposer les quatre principaux axes qui ont guidé le travail de la commission.
Le premier axe, c’est le périmètre des Serm et leur procédure de mise en place. Notre commission a à cœur de défendre une vision décentralisée des Serm, pensée par et pour les territoires, et adaptée à leurs spécificités dans une logique d’équité territoriale. C’est pourquoi elle a jugé indispensable d’inclure systématiquement des lignes de cars express dans les projets de Serm. Ces lignes permettront de relier les métropoles à leurs périphéries les plus éloignées, de manière plus souple et économe que ne le permettrait le seul mode ferroviaire.
Les promesses de financement de l’État étant ce qu’elles sont, il nous revient d’envisager les solutions multimodales les plus efficientes pour nos territoires. C’est d’autant plus nécessaire que le Gouvernement a prévu un calendrier très serré pour la mise en œuvre des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Ce n’est pas faute d’avoir alerté, dans notre rapport d’information publié en juin dernier, quant au risque d’exclure une part importante de nos concitoyens de l’accès aux métropoles…
En outre, les infrastructures ferroviaires modernisées, ou même construites, dans le cadre des Serm ne seront pas disponibles du jour au lendemain. Or il faut que chacun puisse bénéficier au plus vite de moyens de transports collectifs adaptés.
C’est également la raison pour laquelle la commission a adopté un amendement tendant à apporter cette précision : la décision de mise en œuvre du contrôle du respect des règles applicables aux ZFE-m et des sanctions applicables tient compte, le cas échéant, de l’avancement des Serm. Cette mise en cohérence est, à mes yeux, essentielle.
L’urgence écologique rend également impératif le déploiement rapide des cars express. C’est dans le même esprit que la commission a inclus dans les Serm les réseaux cyclables et, si besoin, le covoiturage et l’autopartage.
Le deuxième axe renvoie à un sujet de préoccupation majeur de notre commission : il est essentiel que la procédure de création des Serm prenne racine dans les territoires, notamment dans les régions. Dans cette perspective, nous avons confié au conseil régional, chef de file des mobilités, le soin de proposer par une délibération la création d’un Serm.
Bien sûr, cela ne signifie pas qu’il faille écarter les autres collectivités territoriales du processus. Les Serm ne peuvent fonctionner que sur la base d’une volonté territoriale ainsi que d’objectifs définis et acceptés par tous les acteurs locaux, notamment les départements et les maires.
La commission s’est également penchée sur les enjeux de gouvernance. Elle a veillé à ce que les Serm soient gérés de manière collégiale et transparente, tout en assurant leur qualité de service et leur sécurité. À ce titre, elle s’est aussi montrée particulièrement vigilante quant aux conditions d’intervention de la Société du Grand Paris, rebaptisée « Société des grands projets » par cette proposition de loi.
Nous avons souhaité renforcer le rôle des collectivités territoriales dans le choix de la SGP comme maître d’ouvrage. Ce n’est donc qu’à la demande de la région et des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) concernées que cet acteur pourra intervenir, sous réserve d’un accord du ministre chargé des transports, puisqu’il est question du réseau ferré national (RFN), propriété de l’État. (M. le ministre délégéu acquiesce.)
Il n’en va pas de même pour les lignes ferroviaires transférées en gestion ou en propriété aux collectivités territoriales. Pour ce qui concerne ces voies, la commission a garanti la possibilité de choisir, ou non, de faire intervenir la SGP en tant que maître d’ouvrage.
J’en viens à présent au troisième axe. Dans le prolongement de ces questions, la commission a veillé à garantir la bonne articulation des interventions de la SGP, d’une part, et de SNCF Réseau et de sa filiale SNCF Gares &Connexions, d’autre part, qui assurent respectivement la gestion du réseau ferré national et celle des gares de voyageurs.
À ce titre, la commission a confirmé le principe de répartition des responsabilités proposé par l’Assemblée nationale. La SGP pourra intervenir en tant que maître d’ouvrage, essentiellement sur des infrastructures nouvelles du réseau ferré national, mais aussi sur des infrastructures non utilisées depuis cinq ans, ainsi que pour des projets d’infrastructures de transport public urbain ou périurbain en correspondance avec l’une des gares ferroviaires d’un Serm.
Dès lors, la SGP pourra apporter au déploiement des futurs Serm toute l’expérience acquise lors de la réalisation du Grand Paris Express. Nos collègues franciliens le savent très bien : il s’agit ni plus ni moins que du plus grand projet d’infrastructure d’Europe.
La SGP pourra également faire bénéficier les projets de Serm de sa capacité d’emprunt, ce qui est un atout non négligeable.
Pour autant, il n’est évidemment pas question d’« archipéliser » le réseau ferré national, qui relèvera toujours de SNCF Réseau. La commission a donc été très attentive à clarifier encore davantage le périmètre et les modalités d’intervention de la SGP dans le cadre des Serm, de même que les conditions de remise des ouvrages aux futurs gestionnaires d’infrastructures.
Le quatrième et dernier axe est le modèle économique et financier des Serm, qui reste pour l’heure, malgré les propos rassurants de M. le ministre, la grande inconnue. En effet, le présent texte ne règle en rien la question du financement des services express régionaux métropolitains, que ce soit en investissement ou en fonctionnement. Or, alors que leur déploiement suppose des dizaines de milliards d’euros d’investissement, qu’il s’agisse des infrastructures ou du matériel roulant ferroviaire, l’engagement de l’État est, à ce jour, très loin d’être à la hauteur.
Monsieur le ministre, le Président de la République avait annoncé une enveloppe d’un montant de 700 millions d’euros,…
M. Philippe Tabarot, rapporteur. … alors même qu’avant l’été vous nous aviez promis 800 millions d’euros. Cela étant, vous nous avez confirmé ce dernier montant, destiné à financer au mieux certaines études préalables.
Au-delà des besoins en investissement se posera inévitablement la question du financement de l’exploitation des Serm. L’expérience du Grand Paris Express est, à cet égard, éclairante et malheureusement inquiétante.
Je n’en doute pas que nous aurons l’occasion d’en discuter prochainement, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024. Nous pourrons également débattre des effectifs de la SGP, qui voit le champ de ses missions élargi par la présente proposition de loi sans que ses moyens humains soient pour autant renforcés.
Avant même cette échéance, la commission a adopté le principe de l’organisation d’une conférence nationale de financement des Serm d’ici au 30 juin 2024. Cette réflexion collective ne préjugera pas des modalités de financement qui seront retenues in fine dans chaque territoire.
Mes chers collègues, en complément à ce propos, et afin d’éviter que le déploiement des Serm ne se traduise par de moindres investissements dans la régénération et la modernisation du réseau ferroviaire, la commission a prévu d’annexer au contrat de performance conclu entre l’État et SNCF Réseau – nous ne reviendrons pas sur ce document, car nous avons déjà beaucoup dit à son sujet – le programme annuel des investissements de cette dernière en faveur du réseau.
Enfin, je vous soumettrai tout à l’heure un amendement visant à garantir la sécurité des usagers des futurs Serm par la conclusion systématique d’un contrat d’objectif départemental de sûreté dans les transports. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – MM. Pierre Jean Rochette, Olivier Jacquin et Simon Uzenat applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en novembre dernier, Emmanuel Macron annonçait, à la surprise générale, sa volonté de développer le service ferroviaire dans treize métropoles françaises, pour un coût de 700 millions d’euros.
Il s’ensuivit tout un tas d’annonces pour le secteur ferroviaire. En avril dernier, la Première ministre Élisabeth Borne a ainsi promis une enveloppe de 100 milliards d’euros dans le cadre d’un plan de développement. Puis, le ministre délégué chargé des transports a fait la tournée des médias en évoquant des pistes de financement, comme la taxation des sociétés d’autoroute, et donc indirectement des usagers de ces autoroutes privatisées, ou encore la taxation du secteur aérien.
En réalité ce plan de 100 milliards d’euros n’est pas ficelé. Personne ne sait ni quand les Serm seront opérationnels ni qui les financera. Enfin si : il est fort probable que les Français les plus modestes soient encore mis à contribution, pour un gain d’efficacité quasiment inexistant dans les zones rurales.
Cette proposition de loi érige le ferroviaire en élément indispensable de la construction des métropoles, en l’absence de toute vision des mobilités à long terme pour l’ensemble des Français. Une fois de plus, les zones urbaines vont recevoir plusieurs milliards d’euros de financements dont les Français des zones rurales n’obtiendront pas le moindre bénéfice…
Chers collègues, ce texte risque d’aggraver les fractures qui existent à l’échelle nationale entre les zones rurales, urbaines et périurbaines.
L’article 1er est en ce sens assez clair : il tend à réserver le stationnement dans les gares et pôles d’échanges aux vélos, véhicules de covoiturage et autres « moyens de mobilité partagée ». Cela signifie qu’un habitant des zones rurales ou périurbaines, seul, mais prêt à consentir l’effort de laisser sa voiture pour se rendre en ville en train, sera exclu des gares et des pôles d’échanges. Il ne pourra même pas se rendre en ville avec sa voiture, puisque vous refusez de suspendre les zones à faibles émissions mobilité. Les plus riches seront libres de se mouvoir et les plus pauvres seront cantonnés chez eux !
Nous avons besoin de garanties sur le fait que les zones rurales seront désenclavées, et que leurs habitants ne seront pas, une fois de plus, les grands oubliés.
La France a besoin d’une loi de programmation des transports, pas de textes saucissonnés par-ci par-là, empêchant toute vision à long terme. De nombreux projets doivent être étudiés : la qualité du réseau routier, et notamment des routes secondaires, doit aussi devenir une priorité.
Au fond, monsieur le ministre, ce projet, marqué par le refus de favoriser la mobilité des Français habitant en zone rurale, ne sert en fait que vos électeurs, ceux qui se trouvent essentiellement dans les grandes villes et à proximité, en punissant d’une certaine façon ceux qui – selon vous – votent mal !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au titre des objectifs que la France s’est fixés en matière de transition écologique, les services express régionaux métropolitains organisés par cette proposition de loi constituent une innovation structurante pour nos territoires.
Je souhaite saluer le travail consensuel accompli par notre rapporteur, Philippe Tabarot, par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, et par le Gouvernement.
Il est vrai que, pour être acceptés par tous, les projets liés à la transition écologique méritent un travail concerté et approfondi, allant dans le sens de l’intérêt des Français, surtout lorsque les mobilités sont en jeu.
S’agissant des investissements liés à la réalisation des services express régionaux métropolitains, une unanimité se dégage : les besoins de financement sont extrêmement importants.
Or, dans l’immédiat, les financements ne sont pas au rendez-vous. Les 700 millions d’euros annoncés par Emmanuel Macron sont dérisoires au regard du coût du déploiement de dix Serm d’ici dix ans, lequel est estimé a minima autour de 15 milliards d’euros, infrastructures de transport et matériel roulant compris. À l’heure de déterminer leurs positions sur ce texte, les sénateurs du groupe Les Indépendants – République et Territoires ont particulièrement insisté sur ce point.
Les membres de notre groupe n’ont de cesse de rappeler que la transition écologique a un prix. C’est pourquoi nous saluons la création de la conférence nationale de financement, qui aura pour mission de dégager des solutions pérennes en la matière.
L’État ne pouvant manifestement pas tout, il nous faudra certes trouver des financements publics, mais aussi aller chercher des solutions auprès du secteur privé.
De plus, si les moyens financiers constituent le nerf de la guerre pour le déploiement des Serm, il nous faudra lever d’autres incertitudes, principalement techniques.
Monsieur le ministre, plusieurs membres de cette assemblée ont soulevé des impossibilités de nature opérationnelle. En effet, dans de nombreux territoires – je pense notamment à l’Hérault et à la Loire –, les sillons ferroviaires sont déjà au maximum de leurs capacités et le but n’est certainement pas de mettre en place des Serm en heures creuses : nos concitoyens ont de réels besoins de mobilité.
C’est pourquoi je me félicite que la réflexion ne se limite pas aux étoiles ferroviaires et que l’intermodalité soit fortement encouragée. Cette complémentarité est fondamentale. Mais, une fois de plus, je tiens à rappeler une évidence : ce qui est vrai pour les sillons l’est aussi pour le réseau routier, lorsqu’il s’agit des cars à haut niveau de service (CHNS).
L’obligation d’explorer la possibilité de voies réservées, inscrite à l’article 1er de cette proposition de loi, est donc la bienvenue. Nous avons des exemples d’expériences réussies en Île-de-France. Il serait judicieux de s’en inspirer !
Par ailleurs, l’évolution de la Société du Grand Paris en Société des grands projets est un apport majeur du présent texte. L’expérience capitalisée par la SGP pour la réalisation de projets structurants, en l’occurrence les lignes 15 et 18 du Grand Paris Express, est essentielle pour la réussite des Serm. Sa gouvernance, à l’écoute des acteurs de terrain, est exemplaire depuis plusieurs années. (M. le ministre acquiesce.)
Je me réjouis donc de voir jetées les bases d’une coopération entre SNCF Réseau et la SGP. Nous serons attentifs à ce qu’elle crée de véritables bénéfices, pour les usagers comme pour les territoires.
À ce sujet, je tiens à mettre l’accent sur la place que cette proposition de loi accorde aux collectivités territoriales, surtout aux régions et aux départements.
La France doit poursuivre sa marche décentralisatrice. Le fait de laisser les collectivités territoriales à la manœuvre sur ces questions de transports collectifs marque, sans aucun doute, une première étape du renouveau démocratique que représente la décentralisation des décisions. Nous pouvons nous en féliciter.
Faisons confiance à nos territoires, qui connaissent parfaitement leurs besoins, et particulièrement à nos maires. Les consulter en amont du déploiement d’un projet de service express régional métropolitain sur leur territoire relève de l’évidence : les maires, au plus près de nos concitoyens et des usagers, sont les mieux à même de faire émerger des solutions équilibrées et réalistes.
Réunir les acteurs concernés autour de la table, au-delà du respect dû aux territoires et à leurs spécificités, c’est assurer une réponse en harmonie avec les nécessités des bassins de vie que desserviront les RER métropolitains.
Même si le chemin reste long, les projets de Serm semblent, avec cette proposition de loi, pouvoir être lancés sous les meilleurs auspices.
Les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoire resteront toutefois vigilants quant aux moyens financiers et techniques, pour lesquels des solutions pérennes n’ont pas encore été trouvées. Ils voteront le présent texte, afin d’accélérer et de consolider ce processus supplémentaire de transition juste pour nos territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. le rapporteur et M. Marc Laménie applaudissent également.)