Mme la présidente. La parole est à M. Franck Dhersin.
M. Franck Dhersin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur de m’adresser à vous pour la première fois depuis cette tribune.
Je suis particulièrement heureux que ma première intervention en tant qu’orateur du groupe Union Centriste porte sur les RER métropolitains, dont je connais non seulement l’impérieuse nécessité, mais aussi l’immense complexité de la mise en œuvre, étant moi-même pour quelques jours encore vice-président de la région Hauts-de-France chargé des mobilités.
Venant d’un territoire travaillant d’ores et déjà avec la Société du Grand Paris sur le projet du Serm lillois, je mesure pleinement l’importance de la proposition de loi que nous avons à examiner aujourd’hui.
En tant qu’élu régional, je me réjouis d’avance de pouvoir compter sur la Société des grands projets – puisque tel sera son nom – pour mener à bien, dans nos métropoles, ce grand dessein que constitue la création de services express régionaux métropolitains. La présence de moyens de transport modernes, fiables et décarbonés ne peut demeurer le seul apanage de la région capitale : le temps est venu d’équiper nos grandes métropoles de réseaux de transport à la hauteur de leur poids économique et social.
Alors que la livraison des premiers ouvrages construits par la SGP pointe son nez – je pense au prolongement au nord et au sud de la ligne 14 du métro parisien, qui fait de celle-ci un standard mondial en termes d’efficacité et de modernité –, il faut saluer et, surtout, se rendre compte du travail effectué par la Société du Grand Paris depuis sa création en 2010.
Seulement treize années plus tard, cette structure, qui emploie désormais environ 1 000 collaborateurs contre quelques dizaines à l’origine, est en train de mener à terme le plus grand chantier d’Europe – les précédents orateurs l’ont déjà mentionné. Il s’agit ni plus ni moins que de doubler en moins de vingt ans la taille du réseau de métro parisien existant, ce qui est absolument colossal !
Le Grand Paris Express a nécessité la création de cette société ad hoc qui, jusqu’à maintenant, n’avait pas vocation à perdurer. Ces dernières années, il est cependant apparu qu’il serait malheureux, pour ne pas dire regrettable, de se passer de l’expertise accumulée.
Dans cet esprit, le présent texte, fruit d’un travail de concertation entre SNCF Réseau et la SGP, comporte des mesures de coordination et de simplification qui permettront de décliner des solutions de transport ambitieuses au niveau local, tout en respectant le souhait des collectivités, au sein de structures juridiques dirigées par celles-ci.
Pour que les Serm soient un succès, il faudra que la Société des grands projets, les collectivités, ainsi que SNCF Réseau et SNCF Gares & Connexions établissent, dans le cadre de chacun de ces projets locaux, un dialogue franc, sincère et apaisé.
Le compromis trouvé à l’occasion de ce texte me laisse penser que chacun de ces acteurs est prêt à travailler afin de parvenir aux meilleurs résultats en termes d’efficacité et, surtout, de rapidité.
Je souhaiterais néanmoins appeler votre attention, mes chers collègues, sur deux points particuliers dont, je l’avoue, j’ai du mal à saisir la pertinence.
Dans nos régions respectives, nous connaissons tous des exemples de Serm dont la mise en place nécessitera des travaux importants à partir des infrastructures exploitées, que ce soit une voie de circulation ou une gare de voyageurs.
Prenons l’exemple de la gare de Marseille Saint-Charles : il est évident que la mise en œuvre du Serm d’Aix-Marseille nécessitera une refonte intégrale de cette gare, avec notamment la mise en souterrain d’une partie importante des circulations. Telle qu’elle est rédigée, la proposition de loi ne permettrait pas à la SGP d’intervenir sur ce chantier, car la gare est en exploitation.
Permettez-moi de souligner le caractère illogique d’une telle rédaction : pour tirer pleinement bénéfice de l’expertise accumulée par la SGP, il faut que l’on vous permette, monsieur le ministre, ainsi qu’aux collectivités concernées de décider, au cas par cas, des solutions de maîtrise d’ouvrage les plus appropriées. Par ailleurs, personne n’imagine un seul instant que, dans le cadre d’un tel chantier, la SGP ne soit pas accompagnée sur le terrain par son partenaire SNCF Réseau.
De manière tout à fait analogue, la proposition de loi ne permet pas non plus à la SGP d’intervenir sur des projets d’infrastructures de transport hors Serm. Imaginons qu’une métropole souhaite construire une nouvelle ligne de métro sans correspondance avec une gare du Serm ; elle ne pourrait pas faire appel à la SGP si le texte était adopté en l’état.
Je crois que cette loi devra être facilitatrice, et non restrictive. Il serait de bon aloi, me semble-t-il, de laisser au pouvoir réglementaire ainsi qu’aux collectivités le soin de choisir par eux-mêmes, au niveau local, les solutions les plus adaptées au territoire.
Même si cette proposition de loi n’a pas pour objet de préciser les modalités de financement des Serm, un devoir de vigilance s’impose à nous sur ce point : il ne faut pas promettre des miracles si l’on n’est pas en mesure de les financer.
Alors que le Président de la République a annoncé sa décision de flécher, non plus 700 millions d’euros – je rectifie –, mais environ 800 millions d’euros dans les CPER pour la réalisation d’études techniques sur les premiers Serm, ce qui est nettement insuffisant – vous avez vous-même qualifié ce montant d’indicatif dans votre intervention, monsieur le ministre, ce qui laisse entendre que les montants en jeu ne pourront qu’être supérieurs… –, la question du financement des investissements lourds reste entière.
Là encore, le modèle du Grand Paris Express doit constituer un exemple à suivre. Le financement des investissements doit être pensé dès le début de la phase de conception, afin de permettre à l’ensemble des acteurs d’avoir une vision claire des tenants et aboutissants du projet. Quand il est question d’infrastructures dont le coût est de plusieurs milliards d’euros et de plans de financement pluriannuels enjambant, dans de nombreux cas, les échéances politiques locales, les grandes lignes du projet doivent être limpides et anticipées.
Il nous faudra faire preuve de créativité quant aux ressources financières à mobiliser. Le modèle propre au Grand Paris Express, celui d’une fiscalité affectée, ne pourra pas être transposé à l’identique dans nos différentes régions. À l’évidence, l’assiette fiscale y est plus faible et ne permettra pas de lever des sommes sur les marchés à des taux aussi compétitifs.
Je ne suis absolument pas favorable – vous le savez – à la mise en œuvre à des impôts locaux supplémentaires dans nos territoires. C’est pourquoi j’appelle solennellement l’État à prendre toute sa part au financement de ces infrastructures.
A minima, un débat devra s’engager dans les prochains mois sur les modalités de financement des Serm, qui demeurent pour l’instant totalement obscures. Je salue à cet égard l’amendement de la commission visant à sécuriser la tenue d’une conférence nationale de financement des Serm. Il s’agira d’un rendez-vous très important.
De la même manière, à plus long terme, il nous faudra également envisager une refonte du financement de l’exploitation de ces infrastructures, ce qui nécessitera une discussion franche sur la manière de donner aux collectivités les moyens nécessaires au bon fonctionnement de nos transports publics. Il nous faut éviter à tout prix les fiascos que nous avons connus récemment, et aider nos collectivités à s’impliquer dans ce magnifique projet national que doit constituer la création de ces Serm aux quatre coins du territoire national.
Mon groupe votera sans aucune réserve en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP. – M. Francis Szpiner applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce que l’on vise au travers des Serm, c’est un choc massif d’offre de services de transports du quotidien pour au moins – j’y insiste – une bonne dizaine de nos métropoles.
Notre pays accuse un net retard dans ce domaine. Nombre de nos projets n’avancent pas : seuls ceux du Léman Express, de Strasbourg et de Bordeaux ont d’ores et déjà progressé de manière significative.
L’ambition affichée est tout simplement d’en finir avec cette triste réalité selon laquelle 90 % des déplacements de 10 à 80 kilomètres se font en voiture – et, la plupart du temps, les personnes sont seules dans leur véhicule !
En grande périphérie des villes, la part modale des transports collectifs chute brutalement par rapport aux agglomérations-centres : elle passe de 27 % dans les pôles à 5 % dans les couronnes. C’est là que réside le plus important potentiel de décarbonation, compte tenu des longues distances quotidiennes parcourues en véhicule individuel.
Voilà toute l’ambition des Serm : la cohésion territoriale de la République face aux inégalités de l’offre de transports décarbonés et durables ; ces mêmes inégalités que pointaient les « gilets jaunes »…
Ce n’est pas ce texte – une proposition de loi – qui permettra de définir une trajectoire financière. En revanche, cette phase d’examen parlementaire doit faire monter la pression sur le sujet. Personne ne peut nier la nécessité d’établir des trajectoires financières afin de couvrir les coûts d’exploitation des fortes augmentations de services et de nouveaux investissements parfois nécessaires.
En ce sens, nous saluons la proposition du rapporteur en faveur de tarifs de péage ferroviaire plus abordables dans le périmètre des Serm, et qui prévoit la tenue d’une conférence nationale de financement des Serm. Nous approuvons également les amendements du groupe socialiste qui tendent à mettre en place une trajectoire de financement.
Le texte identifie les éléments d’une labellisation. Le rapporteur a eu raison de souligner l’importance des cars express. De la même manière, l’intégration à part entière des réseaux cyclables sera un formidable accélérateur d’intermodalité et de décarbonation.
Le texte prévoit un certain nombre de dispositions visant à faciliter une gouvernance, qui n’est pourtant pas évidente, entre la région, l’intercommunalité AOM centre, les autres intercommunalités périphériques concernées et les départements.
Cette bonne gouvernance contribuera sans nul doute à prendre en compte les besoins et les attentes des usagers qui ont besoin de mobilités quotidiennes fluides et pratiques, et qui se contrefichent – passez-moi l’expression – du pré carré de chacune de nos collectivités. Ici, au Sénat, nous ne pouvons donc pas supprimer abruptement de ce texte le dispositif entérinant la mise en place d’une billettique intégrée. Bien sûr, le mieux est souvent l’ennemi du bien : au travers de notre amendement tendant à rétablir cette disposition, nous souhaitons maintenir la nuance pragmatique qui pourrait constituer un compromis positif.
Ne réduisons pas le rôle de l’autorité organisatrice de la mobilité porteuse d’un projet de Serm et l’importance de la dynamique qu’elle pilotera : elle n’a pas besoin que la loi lui impose de consulter chacun des maires, elle le fera naturellement.
La délibération de l’AOM en vue de demander à l’État qu’il reconnaisse au projet le statut de Serm, est importante, tout comme celle de la région. Mon groupe propose d’ailleurs des amendements en ce sens.
Le texte innove de manière déterminante en ce qu’il reconnaît une vocation nouvelle, qu’il encadre, à la Société du Grand Paris. Cet établissement public ayant acquis beaucoup d’expérience, il serait dommage de le démanteler après la réalisation du Grand Paris Express. La Société des grands projets garantit des conditions d’emprunt favorables, évite le carcan de l’annualité budgétaire, et favorisera la mise en œuvre de taxes locales affectées ; en outre, elle apportera l’expérience et l’expertise de ses équipes.
Il était nécessaire de garantir l’unicité de la gestion du réseau ferroviaire : la commission a amendé la proposition de loi en indiquant que SNCF Réseau et SNCF Gares & Connexions récupéreront les infrastructures nouvelles à titre gratuit. Il serait incompréhensible, monsieur le ministre, que le Gouvernement et l’Assemblée nationale suppriment cette précision essentielle.
Deux dispositions ajoutées en commission nous semblent contre-productives, et il faudrait y revenir aujourd’hui.
Conditionner mécaniquement les contrôles et les sanctions liés aux zones à faibles émissions (ZFE) à l’existence d’un Serm avancé n’est une bonne idée qu’en apparence. En effet, un tel dispositif serait inévitablement utilisé comme un prétexte pour prolonger l’immobilisme dans la lutte contre la pollution de l’air d’origine automobile. Ce serait aussi, je le crois, une entorse à l’article 45 de la Constitution et au périmètre de cette proposition de loi.
De même, il serait singulier de détourner l’esprit du « zéro artificialisation nette » (ZAN), en imputant la consommation foncière occasionnée par les Serm au forfait national, alors qu’il s’agit de projets d’intérêt régional. Dans le cadre du forfait régional, on sera sans doute plus attentif à la consommation d’espace.
Pour conclure, cette proposition de loi est positive : ses dispositions seront utiles, faciliteront la mise en œuvre des services express régionaux métropolitains, leur donneront de la cohérence et les amplifieront, ce qui clarifiera et sécurisera les financements nécessaires. C’est pourquoi mon groupe la votera. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER. – M. Franck Dhersin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Barros.
M. Pierre Barros. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous passons beaucoup de temps dans les transports, notamment en voiture. À elle seule, celle-ci représente 72 % des trajets domicile-travail.
La voiture est pourtant responsable de 94 % des émissions de CO2 du secteur des transports, tandis que 40 000 personnes décèdent chaque année à cause de la pollution de l’air. Elle a donc un impact écrasant sur le climat et la santé.
« On est attaché à la bagnole, on aime la bagnole. Et moi je l’adore », déclarait récemment le Président de la République. Cela explique sans doute le peu d’ambition qu’il affiche pour le ferroviaire et pour les alternatives à la voiture et aux camions. Il est ainsi l’héritier des politiques d’aménagement du territoire qui sévissent depuis les années 1960 et favorisent le tout automobile.
Les Français aimeraient pourtant pouvoir se déplacer facilement, sans que cela leur coûte trop cher. S’ils prennent leur voiture, c’est souvent parce qu’ils n’ont pas d’autre choix.
La mobilité est un droit qu’il nous faut réaffirmer en octroyant de réels moyens aux transports collectifs et au service public. Il faut rendre ceux-ci davantage accessibles et efficaces pour développer la qualité de vie et lutter contre le dérèglement climatique.
Nous discutons aujourd’hui d’un texte qui est passé par le filtre de l’Assemblée nationale, puis par celui de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat. Je salue les travaux réalisés collectivement par la commission, qui améliorent nettement la version initiale du texte. Au travers de cette nouvelle proposition de loi, j’entrevois une volonté claire de matérialiser un véritable maillage des transports dans les grandes agglomérations du pays.
L’intermodalité s’inscrit au cœur des services express régionaux métropolitains grâce aux projets de déploiement des RER métropolitains. J’espère sincèrement que ceux-ci aboutiront.
Tout cela relève tout de même du domaine de l’hypothèse car, si nous saluons les intentions, il reste à définir les moyens, notamment financiers, qui seront mis sur la table. J’ai bien noté que des moyens significatifs étaient prévus et que les enveloppes budgétaires avaient évolué, monsieur le ministre, mais il conviendra de le confirmer…
Le Président de la République annonçait fièrement, à la fin septembre, que 700 millions d’euros – désormais, il s’agit de 800 millions – seraient dédiés aux RER métropolitains. Il s’agit certes d’un montant très important – et j’ai bien compris que cette somme servirait simplement à financer les études –, mais le Sénat, dans le cadre des travaux qu’il a pu réaliser, évoque plutôt un effort minimal de 15 à 20 milliards d’euros pour développer les lignes imaginées par le Conseil d’orientation des infrastructures.
Ces 800 millions d’euros paraissent donc bien dérisoires. Aussi veillerons-nous, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, à défendre les moyens nécessaires au développement des transports ferroviaires.
La garantie d’une égalité d’accès à ces services ne saurait reposer uniquement – une fois de plus – sur les collectivités territoriales. Elle ne saurait non plus impliquer des conditions de travail peu attractives pour les agents, ou une tarification en décalage avec les moyens des usagers qui recourront à ces services.
A contrario, nous pensons disposer des moyens structurels.
Le texte prévoit de faire appel aux compétences et à l’expérience de la Société du Grand Paris, bientôt renommée Société des grands projets, et à celles de SNCF Réseau. C’est une très bonne idée, mais il faudra aussi apprendre des erreurs du passé. Ainsi les coûts et les délais n’ont-ils pas été tenus dans le cadre du projet du Grand Paris Express, lequel aura contribué à artificialiser ou à rendre inexploitables nombre d’espaces agricoles en Île-de-France.
Mon groupe proposera tout de même de limiter le recours à des prestataires extérieurs : nous devons profiter des atouts et des compétences des acteurs publics, les plus à même de défendre l’intérêt général qui nous tient tant à cœur.
Nous considérons que les auteurs de ce texte affichent des intentions claires en matière de décarbonation des mobilités, mais que des améliorations pourraient être apportées. Nous vous soumettrons nos amendements au cours de la séance, en vue d’aboutir à une proposition de loi à laquelle nous serions davantage favorables.
Faisons en sorte de fixer des objectifs de report modal réellement efficaces, de garantir des financements de la part de l’État, et soyons exigeants sur la qualité des aménagements des pôles d’échanges multimodaux et des services proposés. Enfin, défendons un prix du billet supportable pour les usagers.
Tel est le sens à donner à ces nouveaux services express régionaux métropolitains. Dans le cas contraire, les bases que nous posons avec ce texte risqueraient de n’être qu’un affichage de plus, un simple label qui ne répondra pas aux besoins des usagers et de nos territoires, et qui ne permettra pas de faire face à l’urgence climatique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, et sur des travées des groupes SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien que n’étant pas très familière des débats sur les mobilités, c’est avec un grand plaisir que je m’exprime à l’occasion de cette discussion générale, dans la mesure où la région Grand Est est fortement concernée par ce texte.
Après que la LOM de 2019 a défini un certain nombre de priorités, quatre ans auront été nécessaires pour que soit fixé un cadre légal, lequel doit permettre d’accélérer le développement des mobilités du quotidien tout en désenclavant nos territoires et en proposant à nos concitoyens de nouvelles offres de mobilité adaptées et décarbonées.
Le groupe RDSE, soucieux du juste équilibre entre les territoires, souscrit naturellement aux objectifs et aux ambitions affichés dans le cadre de cette proposition de loi. Les enjeux en termes de développement de nos territoires sont plus que jamais cruciaux pour l’équilibre de notre pays, dans lequel la fracture sociale et économique s’intensifie.
Face à la métropolisation de notre développement économique, entretenue par une tendance à la concentration géographique des emplois de cadres, il faut permettre à nos périphéries de faire réseau avec leurs pôles d’attraction.
Devant ces défis multiples et transversaux, nos réponses doivent impliquer tous les acteurs concernés. En ce sens, nous saluons les travaux menés par le Sénat lors de l’examen du texte en commission, notamment ceux du rapporteur Philippe Tabarot.
Les services express régionaux métropolitains doivent être pensés par et pour les territoires – c’est l’esprit dans lequel a travaillé la commission. Les collectivités territoriales, désormais placées au cœur du processus de décision, se sont enfin vu attribuer les outils de coordination nécessaires.
Cependant, en plus d’être collective, notre réflexion devra d’emblée être multimodale. Les Serm, qui sont davantage que de simples RER métropolitains, représenteront un véritable choc d’offre pour les transports collectifs.
Les Serm doivent pouvoir tirer le maximum de la complémentarité entre les transports collectifs routier et ferroviaire, afin de répondre au mieux à l’urgence climatique, aux inégalités et particularités territoriales, ainsi qu’aux aspirations des Français en matière de mobilité dans leurs bassins de vie. Une offre de cars à haut niveau de service, le développement de réseaux cyclables et la promotion du covoiturage et de l’autopartage devront systématiquement accompagner leur déploiement.
Faciles à mettre en place et peu coûteux, ces modes de transport permettront de répondre à l’impératif de décarbonation des mobilités et d’accompagner la mise en place des zones à faibles émissions mobilité en évitant d’exclure certains usagers du cœur des villes. Cette préoccupation de ma collègue Nathalie Delattre s’est traduite par l’adoption en commission de son amendement visant à ce que la mise en œuvre des dispositifs de contrôle et de sanction du respect des règles en ZFE-m tienne compte du déploiement des Serm.
Notre groupe est profondément convaincu que les ZFE-m et les Serm sont complémentaires. Nous ne devons pas les opposer si nous voulons remplir nos obligations écologiques et améliorer la qualité de l’air et de vie des Français, tout en répondant aux exigences en matière d’acceptabilité et de justice sociale. On ne doit pas pénaliser ceux de nos concitoyens qui recourent à la voiture individuelle s’ils ne disposent d’aucune alternative crédible et efficace.
Si nous partageons les objectifs de ce texte, nous ne pouvons en revanche pas faire l’impasse – les précédents orateurs l’ont souligné – sur la question des financements. Je ne vous apprendrai rien en vous disant que l’argent est le nerf de la guerre. Or qui dit choc d’offre de services dit, quelquefois, mur de financements.
La proposition de loi ne prévoit pas les garanties de financement des Serm, ce qui constitue, même si ce n’est pas l’objet de ce texte, un motif d’inquiétude.
À ce jour, l’État a annoncé le déblocage de 800 millions d’euros. Or chacun sait que l’addition de ces projets, de nature et d’ampleur financière différentes, s’élèvera à plusieurs dizaines de milliards d’euros. La « nouvelle donne ferroviaire » annoncée par le Gouvernement, de l’ordre de 100 milliards d’euros d’ici à 2040, ne précise pas encore le montant attribué au développement des Serm.
Nous serons donc extrêmement vigilants sur le sujet, et attentifs aux réponses qu’apportera la conférence nationale de financement des services express régionaux métropolitains qui sera organisée avant le 30 juin 2024.
Par ailleurs, au-delà de l’investissement dans l’infrastructure, c’est toute une qualité d’exploitation qu’il faudra garantir, du matériel roulant aux gares, en passant par le personnel et la programmation des sillons. Un certain nombre d’expériences, notamment celle du RER de Strasbourg, doivent retenir notre attention.
Enfin, notre groupe défendra un amendement tendant à éclaircir le périmètre d’établissement des Serm. Aucun territoire ni aucune commune soumis à l’aire d’attraction ne doit être oublié, que ce soit dans le processus de concertation initial ou lors du déploiement effectif d’un Serm.
Il nous semble nécessaire d’établir un périmètre précis et objectif afin d’éviter que les financements ne soient aspirés par et pour les métropoles, auquel cas le texte manquerait sa cible principale, à savoir le désenclavement des territoires ruraux et périurbains.
L’enjeu de ce texte dépasse celui de la mobilité : il s’agit de construire, ensemble, l’aménagement durable des territoires, dont les nouveaux dogmes doivent être la liberté d’action ainsi que la flexibilité et la souplesse opérationnelles.
Naturellement, le groupe RDSE votera pour cette proposition de loi. (Mme Laure Darcos et M. le président de la commission applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Madame la présidente, je profite de cette prise de parole pour vous féliciter de votre nomination à ce poste.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, dont sur toutes les travées nous saluons l’esprit, vise à organiser juridiquement le déploiement des services express régionaux métropolitains dans plusieurs grandes villes de France.
Dans les faits, il s’agit d’accroître sensiblement la part du transport ferroviaire dans les déplacements du quotidien, et de favoriser un service public à la fois plus dense et plus performant, qui s’appuie sur l’ossature existante et la réouverture de lignes oubliées.
Il nous faut, pour ce faire, non seulement augmenter la fréquence de passage et les amplitudes horaires, mais aussi, bien entendu, mieux irriguer les alentours des grandes villes concernées, afin de désenclaver les territoires insuffisamment connectés, périurbains ou ruraux. Le modèle est celui des RER franciliens, avec l’impératif toutefois de prévoir des déclinaisons propres à chaque réalité territoriale – j’y reviendrai.
Évidemment, il est aussi question de répondre à l’urgence environnementale via une accélération de la planification écologique, que rendent possible de nouvelles offres de mobilité adaptées et décarbonées.
La Première ministre le soulignait en février dernier : « C’est lorsque nos concitoyens pourront trouver un transport en commun régulier, facilement accessible et fiable, qu’ils pourront réduire leur usage de la voiture. » Le groupe RDPI soutient pleinement l’ambition et le dispositif de cette proposition de loi déposée par le député Jean-Marc Zulesi, dont je tiens ici à saluer l’initiative.
Adopté en première lecture à l’Assemblée nationale avant l’été, ce texte a été approuvé par notre commission mercredi dernier ; je profite de cette occasion pour saluer le travail de notre rapporteur Philippe Tabarot.
Cette avancée législative s’inscrit dans la continuité d’engagements déjà pris, notamment dans le cadre de la LOM. À la suite de la promulgation de cette loi et du rapport de 2018 du Conseil d’orientation des infrastructures, SNCF Réseau a élaboré un schéma directeur en vue de désaturer les étoiles ferroviaires et de développer ces services express.
La nécessité d’une meilleure desserte a été défendue par le Président de la République en novembre dernier. Il l’a réaffirmée en septembre à l’issue du Conseil de planification écologique. Cette priorité nationale trouve ici une déclinaison attendue.
Dans le dispositif des Serm, dont l’objectif est de transformer la mobilité pour des millions d’usagers, l’intermodalité et la multimodalité tiennent une place fondamentale. S’il est évidemment question d’infrastructures, l’ambition affichée repose sur un aménagement bien plus général de notre territoire et sur une réflexion approfondie, dès la conception, concernant non seulement l’intégration de services existants, mais aussi une offre élargie. Il n’y a donc pas d’opposition, mais une complémentarité entre les déplacements.
En commission, les réseaux cyclables et les lignes de transport routier à haut niveau de service ont été inclus dans la définition des Serm, de même que – le cas échéant – le covoiturage et l’autopartage, en plus du transport fluvial, ainsi que la création et l’adaptation de gares ou pôles d’échanges multimodaux.
Notre groupe partage par ailleurs la volonté que les élus, notamment les maires, soient pleinement associés au processus de consultation, afin de garantir une prise en compte adéquate des intérêts locaux. J’y faisais référence, il existera autant de Serm que de territoires retenus.
En outre, afin de confirmer le rôle de chef de file des mobilités attribué à l’échelon régional, la commission a prévu qu’une délibération du conseil régional concerné soit prise pour décider de créer un Serm. Nous y sommes, là encore, favorables.
Nous soutenons également le principe d’un renforcement de la collégialité entre les maîtres d’ouvrage et de l’implication des financeurs.
Autre objectif : faire intervenir dans ce déploiement un maître d’ouvrage, la SGP, dont l’expertise reconnue ne doit pas être perdue, mais partagée. Il s’agit de décliner un modèle à la française, reconnu à l’international, disposant d’une importante capacité d’emprunt et reposant sur un fonctionnement souple.
Il ne s’agit, en revanche, ni de centraliser la gouvernance des Serm ni de concurrencer la SNCF. La SGP devra contribuer à la création d’une société de projet locale sur chaque territoire, qui déterminera alors la gouvernance la mieux adaptée. À cet égard, nous défendons l’idée selon laquelle la décision d’intervention de la SGP sur les projets doit résulter d’une demande des collectivités porteuses, autrement dit la région et les AOM.
Ce chantier s’appuiera sur une expertise partagée entre SNCF Réseau et la SGP, selon une répartition claire des rôles et après des discussions avec les exécutifs locaux concernés. Ainsi, la compétence de la SGP n’englobera ni les infrastructures ni les installations de service déjà en exploitation. Afin de tenir compte de cette évolution, le groupe RDPI a souhaité déposer deux amendements à l’article 2, dont nous discuterons dans quelques instants.
Enfin, construire les futurs Serm avec l’ambition qui a été exposée précédemment revient nécessairement à engager des investissements significatifs.
En février dernier, la Première ministre a annoncé un plan de 100 milliards d’euros pour le ferroviaire d’ici à 2040. Monsieur le ministre, vous avez lancé avant l’été les négociations sur le volet mobilités des CPER portant sur la période 2023-2027. À cette occasion, l’État s’est engagé à mobiliser 8,6 milliards d’euros sur la période. Plus de 750 millions d’euros seront fléchés vers les Serm.
La déclinaison du plan de financement qui devra accompagner les demandes de labellisation est, vous le savez, très attendue. Au-delà de la forme que ce plan prendra, nous considérons avec vous qu’il faudra mettre en œuvre des solutions partagées pour assurer un financement pérenne des dépenses d’investissement et de fonctionnement.
Monsieur le ministre, en conclusion, je tiens à rendre hommage à votre volontarisme en matière de relance et de déploiement du ferroviaire en France. Vous avez apporté jeudi dernier des précisions quant à la mise en œuvre d’un Pass Rail, qui doit favoriser l’attractivité de ce mode de transport.
Afin de rendre possible un choc d’offre accessible faisant appel à l’intelligence collective, territoriale, nous voterons ce texte essentiel qui concrétise une grande ambition nationale tout en répondant à un impératif écologique.