Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement a pour objet de revenir sur une modification de la rapporteure de la commission des affaires sociales du Sénat.
Face au refus du patronat d’entamer des négociations sur la révision des classifications, l’Assemblée nationale avait utilement ajouté, selon nous, la possibilité pour les organisations syndicales d’engager la négociation en cas de défaut d’initiative de la partie patronale.
Selon l’étude d’impact du projet de loi du 5 avril 2023, 35 % des cent soixante et onze branches suivies par la direction générale du travail couvrant 5 000 salariés ont révisé leur grille de classification au cours des cinq dernières années. Seulement 13,5 % d’entre elles ont procédé à une refonte totale de leur grille de classification.
Aujourd’hui, les employeurs font preuve d’inertie et ne modifient pas ces grilles. Si la majorité sénatoriale ne veut pas que le Parlement impose directement l’ouverture de négociations sur la classification, elle pourrait à tout le moins offrir la possibilité aux organisations syndicales de les engager.
Nous proposons donc de rétablir cet alinéa 2.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 44 rectifié.
Mme Monique Lubin. L’article 1er du projet de loi prévoit l’obligation d’engager des négociations d’ici à la fin de l’année 2023, afin d’examiner la nécessité de réviser les classifications au sein des branches n’ayant pas procédé à cet examen depuis plus de cinq ans.
Nos collègues députés de l’Assemblée nationale ont justement complété cette disposition, afin de préciser ce qu’il se passerait dans le cas où la partie patronale refuserait de prendre une telle initiative. Un délai de quinze jours suivant la demande d’une organisation syndicale représentative dans la branche a donc été fixé, au-delà duquel la négociation s’engagerait, en cas d’absence de réponse de la partie patronale.
Bien entendu, nous espérons que l’ensemble des parties patronales des branches concernées sont disposées à ouvrir les négociations rapidement. Il est cependant utile d’anticiper une éventuelle mauvaise volonté de certaines parties et donc de prévoir un cadre de lancement des négociations.
Tel est le sens de cet amendement, qui tend à rétablir la rédaction du dernier alinéa de l’article 1er, adoptée par l’Assemblée nationale et supprimée par la commission des affaires sociales du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 90 rectifié.
Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 1er prévoit l’obligation d’engager à l’échelle des branches une négociation en vue de l’examen de la nécessité de réviser les classifications pour les branches n’ayant pas procédé à cet examen depuis plus de cinq ans.
J’y insiste, il s’agit d’une obligation. Cet amendement, qui avait été adopté à l’Assemblée nationale avec l’assentiment de tous les partenaires sociaux signataires, y compris patronaux, dans le respect de leur volonté et de l’esprit de l’ANI, vise à permettre d’engager la négociation à la demande d’une organisation syndicale, en cas de défaut d’initiative patronale, c’est-à-dire au cas où l’obligation n’est pas respectée.
Il s’agit d’engager et non de conclure ! L’enjeu est d’autant plus important que le nombre de branches hors-la-loi est assez important, comme l’a rappelé ma collègue Apourceau-Poly.
De l’aveu même des organisations syndicales, les blocages proviennent souvent – presque toujours – des organisations patronales, lesquelles sont réticentes à lancer des négociations. Peut-être est-ce lié au fait que la négociation de branche sur les classifications entraîne souvent des augmentations de salaire, les salaires étant, je le rappelle, le premier et véritable levier du partage de la valeur !
Dans un contexte où l’inflation est telle qu’elle provoque une baisse inédite des salaires réels et une chute inouïe de la consommation, l’organisation de négociations sur les classifications est plus que jamais nécessaire.
Quand elles ne sont pas menées malgré l’obligation prévue dans la loi, elles doivent pouvoir être ouvertes sur l’initiative de la partie des travailleurs et de la partie des organisations syndicales. Cela permettra au patronat de respecter la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Tout d’abord, je rappelle que l’article 1er prévoit qu’une négociation en vue de l’examen de la nécessité de réviser les classifications est ouverte avant le 31 décembre 2023. C’est écrit dans l’accord signé par les organisations syndicales et les organisations patronales ! Pourquoi alors ne faire confiance ni aux unes ni aux autres ?
Chères collègues, qu’ont fait nos collègues députés ? Ils ont précisé que, à défaut d’initiative de la partie patronale – j’y insiste –, la négociation s’engage dans les quinze jours suivant la demande d’une organisation syndicale.
Je n’ai pas envie de jeter le discrédit sur les employeurs dans le cadre d’un accord qui a été signé par les deux parties.
Ensuite, chères collègues, vous me rétorquez que ce dispositif a été validé, à la suite des débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale, par les organisations syndicales et patronales. Je n’en suis pas si sûre ! Lors de leurs auditions par la commission, ces derniers ont considéré qu’il s’agissait d’un ajout à l’accord national interprofessionnel qui tendait à le déséquilibrer. Voilà pourquoi je l’ai supprimé !
J’émets donc un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 37, 44 rectifié et 90 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 4 est présenté par Mmes Apourceau-Poly et Brulin, MM. Savoldelli, Ouzoulias et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 52 rectifié est présenté par Mme S. Robert, MM. Chantrel et Ros, Mmes Lubin et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Elle comprend celle prévue à l’article 29 de la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur.
La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 4.
Mme Céline Brulin. Cet amendement, élaboré avec le monde universitaire, notamment avec l’association France Universités, vise à inclure la reconnaissance du doctorat et des compétences associées dans le cadre de la négociation prévue à l’article 1er, relatif à la révision des classifications.
Le réexamen des classifications doit permettre de mieux prendre en considération le grade de docteur, ce qui est insuffisamment le cas dans le monde économique, afin que les parcours de ces salariés soient mieux valorisés et leurs qualifications davantage reconnues. Malgré de nombreuses incitations, ce grade n’est pas pris en compte dans les conventions collectives.
C’est un enjeu, je pense, non seulement pour les docteurs, mais également pour l’université française et notre recherche, qui ne sont pas toujours considérées à leur juste valeur, à la différence de ce qui se fait dans d’autres pays européens.
Je rappelle enfin que cette reconnaissance était initialement prévue dans la loi de 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030. Il serait donc enfin temps de la prendre en compte ! Tel est le sens de notre amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l’amendement n° 52 rectifié.
Mme Annie Le Houerou. Cet amendement, déposé sur l’initiative de Mme Sylvie Robert, est identique à celui qui vient d’être présenté : il vise à inclure la reconnaissance du doctorat et des compétences associées dans le cadre de la négociation sur la révision des classifications prévue avant le 31 décembre 2023.
La reconnaissance du grade de docteur par le tissu économique et associatif est une demande réitérée régulièrement par la communauté des docteurs et doctorants. Le réexamen des classifications doit permettre de mieux prendre en considération ce grade, afin que les parcours des salariés concernés soient mieux valorisés et leurs qualifications reconnues.
Le rapprochement entre le secteur de la recherche académique et le tissu économique a récemment pris corps au travers de l’arrêté du 22 février 2019 définissant les compétences des diplômés du doctorat et inscrivant le doctorat au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP).
L’inscription du doctorat au RNCP permet de disposer d’un langage commun, s’agissant notamment des compétences des docteurs. Elle a été reconnue par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation comme une étape préalable à la reconnaissance du doctorat dans les conventions collectives.
Il paraît donc logique d’inclure la reconnaissance du doctorat dans le cadre de la négociation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Chères collègues, vous avez raison : la reconnaissance du grade de docteur par le tissu économique et associatif est une demande réitérée régulièrement par la communauté des docteurs et doctorants.
Néanmoins, selon moi, cet amendement est satisfait. Dans le cadre des négociations sur les classifications, il est possible de prendre en compte les niveaux de diplôme et de qualification des salariés pour établir les grilles de qualification.
En outre, les dispositions de la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur obligent déjà les branches à examiner les conditions de reconnaissance des doctorats dans les classifications.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 et 52 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
3
Candidatures à un office parlementaire et à quatre délégations parlementaires
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la désignation des dix sénateurs membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, des trente-six membres de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, des quarante-six membres de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, des trente-six membres de la délégation sénatoriale à la prospective et des quarante-deux membres de la délégation sénatoriale aux entreprises.
En application des articles 6 ter et 6 septies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et du chapitre 17 bis de l’instruction générale du bureau, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées. Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.
4
Scrutin pour l’élection de juges à la Cour de justice de la République
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le scrutin pour l’élection de six juges titulaires et de six juges suppléants à la Cour de justice de la République.
Il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 86 bis du règlement, au scrutin secret pour l’élection de six juges titulaires et de six juges suppléants à la Cour de justice de la République. Ce scrutin se déroulera dans la salle des conférences ; la séance ne sera pas suspendue durant les opérations de vote.
J’invite chacune et chacun à se rendre aux deux bureaux de vote, destinés l’un aux sénateurs dont le nom commence par les lettres A à I, l’autre à ceux dont le nom commence par les lettres J à Z.
Je rappelle que la majorité absolue des suffrages exprimés est requise pour être élu. Pour être valables, les bulletins ne peuvent comporter plus de six noms pour les juges titulaires et plus de six noms pour les suppléants.
Le nom de chaque titulaire doit être obligatoirement assorti du nom de son suppléant. En conséquence, la radiation de l’un des deux noms, soit celui du titulaire, soit celui du suppléant, entraîne la nullité du vote pour l’autre.
Une seule délégation de vote est admise par sénateur.
Je remercie nos collègues Nicole Bonnefoy et Marie-Pierre Richer, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.
Les juges titulaires et les juges suppléants à la Cour de justice de la République nouvellement élus seront immédiatement appelés à prêter serment devant le Sénat.
Je déclare ouvert le scrutin pour l’élection de six juges titulaires et de six juges suppléants à la Cour de justice de la République.
Il sera clos dans une demi-heure.
5
Partage de la valeur au sein de l’entreprise
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise dans le texte de la commission.
Article 1er (suite)
Mme la présidente. Au sein de l’article 1er, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 58.
L’amendement n° 58, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
Les employeurs de plus de 1 000 salariés relevant de branches où l’obligation de négociation prévue au présent article n’est pas respectée se voient appliquer une pénalité financière. Dès lors qu’une pénalité lui est appliquée sur le fondement du présent alinéa, l’employeur ne peut se voir appliquer la pénalité financière prévue à l’article L. 2242-8 du code du travail.
Le montant de la pénalité est fixé au maximum à 1 % des rémunérations et gains au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l’article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours de l’année civile précédente. Le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions prévues par décret. En fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’égalité salariale entre les femmes et les hommes, des motifs de sa défaillance, un délai supplémentaire d’un an peut lui être accordé pour se mettre en conformité.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement porte lui aussi sur la tenue des négociations en vue de la révision des grilles de classification.
Madame la rapporteure, vous semblez rencontrer des difficultés avec le principe de réalité : un certain nombre de branches n’ont pas respecté l’obligation de négociation, ce n’est pas faire preuve de suspicion, non plus que d’un manque de confiance, que de le relever, car il s’agit bien d’une observation factuelle.
Ainsi, selon la CFDT, une soixantaine de branches n’ont procédé à aucune négociation depuis cinq ans. Ce manquement serait attribuable à un déficit d’engagement de la part des organisations patronales, voire au freinage des employeurs.
Le code du travail prévoit, certes, une négociation de branche sur les classifications ; pour autant, cette disposition n’étant pas entièrement respectée, il apparaît nécessaire, plutôt que de se lamenter, de réitérer ce principe, mais également de fournir les outils nécessaires à sa mise en œuvre.
Les réticences de certaines branches – peut-être minoritaires – s’expliquent principalement par le fait que la révision des grilles de classification influence généralement les niveaux de salaire, souvent à la hausse.
Ces péripéties montrent que la négociation est bien un outil pertinent pour revaloriser les rémunérations, donc mieux partager la valeur et lutter contre la baisse des salaires réels que nous évoquions précédemment.
Si certaines parties sont réticentes à l’application de la loi, il convient de les y contraindre ; il est donc nécessaire d’élaborer des mécanismes pour assurer l’application des principes issus de l’ANI comme de l’article 1er du présent projet de loi.
Il incombe au législateur de veiller à l’effectivité des dispositions légales en mobilisant, le cas échéant, des outils coercitifs contre des comportements qui n’y sont pas conformes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à prévoir une pénalité financière pour les entreprises ne respectant pas l’obligation de négociation imposée à l’article 1er.
Ma chère collègue, je ne me lamente pas, je me contente de constater que nous rencontrons en effet des difficultés pour ouvrir des discussions sur les nouvelles classifications. C’est la raison pour laquelle, en accord avec les partenaires sociaux qui ont pris la mesure de cette situation, l’article 1er transpose la proposition de l’accord national interprofessionnel visant à engager une négociation avant le 31 décembre 2023.
J’en ai discuté avec M. le ministre : une telle transposition n’était sans doute pas obligatoire.
Néanmoins, cet article sert de point d’équilibre entre les demandes des organisations syndicales et patronales. Or ni les premières ni les secondes n’ont souhaité, à aucun moment, imposer une contrainte financière telle que celle que vous proposez.
Dès lors, l’avis est défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 2241-1 du code du travail, après la référence : « 5° », sont insérés les mots : « ainsi que dans un délai de six mois à chaque hausse du salaire minimum de croissance en ce qui concerne le thème mentionné au 1° ».
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Par cet amendement, nous souhaitons vivifier le dialogue social dans les entreprises en assurant un suivi régulier des questions de salaire et prévenir tout risque de tassement de ces derniers au regard du Smic.
Dans un contexte où tout va de plus en plus vite, la démocratie sociale semble en effet être restée en arrière.
Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 2241-1 du code du travail fixe un intervalle maximum de quatre ans pour les négociations de branche se rapportant aux salaires. Pourtant, le Smic connaît une revalorisation tous les deux ans au moins, et plus souvent lorsque l’inflation est supérieure à 2 %.
En l’absence d’un cadre imposant des négociations conventionnelles, les salariés dont le revenu est supérieur au Smic se retrouvent donc rattrapés par le salaire plancher.
Cet amendement vise à offrir aux partenaires sociaux des cadres renouvelés de négociation de manière à leur permettre de réévaluer les échelles de salaires par branche, car actuellement, certains barreaux de ces échelles sont sous l’eau ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à imposer une négociation de branche sur les salaires dans un délai de six mois après chaque hausse du Smic.
Tous les amendements visant à insérer des articles additionnels qui nous sont proposés s’éloignent chacun un peu plus de l’ANI et encourront donc tous un avis défavorable.
L’article L. 2241-10 du code du travail prévoit déjà que lorsque les minima conventionnels sont inférieurs au Smic, les branches doivent négocier sur les salaires. C’est d’ailleurs ce que nombre d’entre elles font pour réviser ces minima, si elles se retrouvent dans une telle situation.
En outre, rien n’empêche aujourd’hui les branches de se réunir pour négocier sur l’ensemble des salaires quand intervient une hausse du Smic. Ce point me semble donc satisfait.
Pour autant, je l’ai dit, nous sommes loin de l’ANI, l’avis est donc, je le répète, défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Comme l’a souligné Mme la rapporteure, les amendements portant article additionnel après l’article 1er s’éloignent de l’ANI, ce qui motive mon avis défavorable.
Je partage les arguments de Mme la rapporteure : le délai pour ouvrir des négociations a été réduit de quatre-vingt-dix à quarante-cinq jours par la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, dès lors qu’une convention collective voit un des niveaux de rémunération conventionnelle passer en dessous du Smic. Cela a un effet : depuis le 1er mai, plus de quatre-vingts branches se sont engagées dans des travaux de mise en conformité.
La même loi a fait de l’absence prolongée de négociations un motif de restructuration administrative des branches. Ainsi, j’ai d’ores et déjà indiqué à la branche des casinos qu’elle risquait une fusion d’office, en l’absence notable de dialogue social concernant le rehaussement des niveaux conventionnels.
Enfin, Mme la Première ministre a annoncé hier que, pour les branches se trouvant structurellement en situation de non-conformité et qui ne se seraient pas alignées avant le 1er juin 2024, nous préparerions un projet de loi visant à moduler les exonérations de cotisations dont profitent les entreprises concernées.
Au regard de ces éléments, l’avis est défavorable. Il le sera également, pour des raisons similaires bien que les thématiques puissent varier, sur les amendements suivants.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. La question centrale reste de déterminer le rôle de l’État. Doit-il définir un cadre général ou laisser les partenaires sociaux, c’est-à-dire les organisations patronales et les syndicats de salariés, trouver un accord, ce qui, à mon sens, est une chimère ? Ne doit-il pas plutôt jouer son rôle ?
Je vous entends, monsieur le ministre, pour autant, combien y a-t-il actuellement de branches professionnelles dans lesquelles le premier barème est inférieur au Smic ?
M. Fabien Gay. Cinquante-six ! Telle est la réalité à laquelle nous sommes confrontés.
Si, comme vous le suggérez, nous leur accordons encore dix-huit mois pour des négociations, avant d’envisager un projet de loi pour moduler les cotisations sociales en cas d’échec, cela risque de durer longtemps !
Pendant ce temps-là, l’inflation continuera de toucher de plein fouet l’ensemble des salariés de ce pays, notamment ceux d’entre eux ayant de bas salaires, qui restent bloqués. Ces salariés subissent la hausse des prix alimentaires, de l’énergie et de beaucoup d’autres produits. Dix-huit mois, c’est extrêmement long pour les petits salaires dans ce pays.
L’État ne saurait s’en laver les mains et se contenter de renvoyer le sujet aux négociations, d’autant que ces dernières ne se font pas d’égal à égal, entre un patronat qui a les mains libres et qui perçoit 165 milliards d’euros d’aides directes sans contrepartie et les syndicats de salariés.
Vous devez jouer votre rôle dès à présent : si les partenaires sociaux ne parviennent pas à s’entendre, alors il conviendra, avant la fin de l’année, non pas de moduler, mais bien de supprimer les aides directes aux entreprises concernées.
Vous verrez alors que la négociation s’engagera sur un autre ton. Peut-être même qu’aucune branche ne proposera plus de barème commençant en dessous du Smic !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. En réponse à l’intervention de M. Gay, je souhaite préciser trois points.
Premièrement, nous connaissons le cadre, nous le fixons et nous le respectons. La loi permet l’indexation du Smic sur l’inflation. Nous sommes l’un des seuls pays en Europe, avec la Belgique, à indexer le Smic sur l’inflation, qui plus est sur l’inflation connue par le premier quintile des revenus salariés, c’est-à-dire les 20 % de ménages les moins aisés. C’est pourquoi le Smic a augmenté légèrement plus que la totalité de l’inflation constatée depuis le début de la période inflationniste.
Cependant, la détermination du niveau des salaires relève du dialogue social, nous avons toujours respecté ce cadre.
Mme Céline Brulin. Mais cela n’avance pas !
M. Olivier Dussopt, ministre. Ce n’est pas votre cas, sans doute, mais il s’impose également dans la plupart des pays que nous connaissons, que leurs gouvernements soient sociaux-démocrates ou chrétiens-démocrates. Nous renvoyons donc à la discussion au sein des branches et au dialogue social.
Deuxièmement, vous ne pouvez pas nous reprocher de ne rien faire. La loi du 16 août 2022 a divisé par deux le délai maximum pour l’ouverture de négociations ; nous avons fait de l’atonie des négociations un critère de restructuration des branches et nous avons annoncé hier un nouveau dispositif en la matière.
Troisièmement, vous avez rebondi sur ma réponse : le nombre de branches ayant au moins un niveau conventionnel inférieur au Smic est de cinquante-six. J’avais indiqué précédemment que ce nombre passerait bientôt à cinquante-quatre, car deux accords sont en cours de discussion.
Si cette question m’avait été posée il y a huit jours, j’aurais avancé le nombre de soixante, et il y a quinze jours, de soixante-dix. Au 1er mai dernier, cent quarante-cinq branches étaient concernées, mais depuis lors, ce nombre a considérablement diminué, passant à cinquante-six, preuve que le dialogue social avance plus vite que ce que l’on veut bien dire.
À ce jour, seules huit branches demeurent structurellement en situation de non-conformité, un nombre bien inférieur aux cinquante-six dont il est question ici.
Mme la présidente. L’amendement n° 7, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 2241-1-1 du code du travail, il est inséré un article L. 2241-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2241-1-… – I. – Les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels se réunissent exceptionnellement à partir du 1er décembre 2023 pour négocier :
« 1° Sur l’ensemble de l’échelle des salaires ;
« 2° Sur l’instauration d’une revalorisation automatique des salaires lorsque l’indice national des prix à la consommation tel qu’établi par l’Institut national de la statistique et des études économiques sur les douze mois antérieurs dépasse un certain seuil ;
« 3° Sur les mesures tendant à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et sur les mesures de rattrapage tendant à remédier aux inégalités constatées ainsi que sur la mise à disposition d’outils aux entreprises pour prévenir et agir contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.
« II. – Les accords de branche sont négociés dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi n° … du … portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise. »
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.