Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement de repli vise à imposer l’ouverture de négociations au sein des branches professionnelles pour augmenter les salaires et les protéger contre l’inflation, ainsi que pour atteindre l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
La colère monte au sein de nombreuses entreprises et branches professionnelles ; les travailleurs essentiels mobilisés pendant la crise du covid-19, ceux-là mêmes que nous avons unanimement salués et applaudis chaque soir, n’en peuvent plus. Ils sont indispensables au bon fonctionnement de notre pays, aussi bien dans l’industrie que dans nos services publics, mais ils vivent des fins de mois toujours plus difficiles.
Nombre d’entre eux, travailleurs pauvres, sont contraints de solliciter des associations caritatives pour obtenir une aide alimentaire.
Dans un contexte où l’inflation galope à un rythme effréné, un sentiment de déclassement accable ces millions de Français, contraints de s’en remettre à des primes, à des allocations ou à des chèques pour, disons-le clairement, survivre.
Selon un récent sondage de l’Ifop, 87 % des Français sont favorables à une indexation des salaires sur l’inflation, comme ce fut le cas jusqu’en 1982. Il est possible de le faire : à deux pas de chez nous, la Belgique a adopté une telle mesure, qui permet de préserver le pouvoir d’achat des salariés.
C’est la raison pour laquelle nous proposons d’instaurer une échelle mobile des salaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement visant à introduire un article additionnel s’écarte lui aussi de l’ANI. Il tend à ouvrir une négociation de branche sur l’échelle des salaires, sur leur indexation sur le Smic et sur les mesures destinées à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. L’avis est défavorable.
Je souhaite toutefois revenir sur un point soulevé précédemment, concernant les branches dont les minima sont structurellement en dessous du Smic.
Monsieur le ministre, lors de nos discussions sur la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, ce sujet avait été abordé. Ne trompons pas nos collègues : les branches dont les minima sont structurellement inférieurs au Smic sont très peu nombreuses.
À l’époque, il était ressorti de mes recherches que cela ne concernait que la presse quotidienne régionale et les services d’accueil à domicile, cette dernière branche présentant un fonctionnement très particulier.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Beaucoup de branches fonctionnent de manière spécifique !
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Elles seules se trouvent structurellement dans cette situation ; les autres courent après l’inflation, c’est là toute la difficulté.
Monsieur le ministre, lorsque nous avons discuté de la fusion des branches, j’étais très sceptique. Je note que vous allez fusionner la branche des casinos. Pourriez-vous nous indiquer avec quelle autre branche ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Vous pourriez choisir la presse quotidienne régionale, mais je ne suis pas certaine que ces deux branches puissent faire bon ménage.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L’amendement n° 3 rectifié est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 74 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 2241-10 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le salaire minimum interprofessionnel de croissance fait l’objet d’une revalorisation prévue à l’article L. 3231-5 une deuxième fois au cours d’une même année, une ouverture des négociations de l’ensemble des minima conventionnels s’engage dans les trois mois suivant la seconde revalorisation. »
II. – Le I de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette réduction est suspendue lorsque le salaire minimum interprofessionnel de croissance a fait l’objet d’une deuxième revalorisation prévue à l’article L. 3231-5 du code du travail au cours d’une même année et qu’une négociation revalorisant l’ensemble des minima conventionnels n’a pas été conclue dans les six mois suivant la seconde revalorisation. La suspension de la réduction est levée à la signature d’un accord, avec effet rétroactif sur la période de suspension. »
La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à rendre obligatoire l’ouverture de négociations pour l’ensemble des minima conventionnels de branche lorsque le Smic fait l’objet d’une deuxième revalorisation au cours d’une même année.
Madame la rapporteure, vous venez de dire que les branches dont les minima sont structurellement inférieurs au Smic sont très peu nombreuses, que certaines entreprises courent après l’inflation et qu’elles doivent se mettre en conformité. Tel est exactement l’objet de notre amendement.
Vous nous opposerez sans doute que cette démarche s’écarte des recommandations de l’ANI ; pour autant, il nous semble opportun de faire également référence à la conférence sociale qui s’est ouverte hier, au cours de laquelle la Première ministre elle-même a relevé que le tassement des salaires était dû à la trop faible revalorisation des minima conventionnels de branche.
Monsieur le ministre, vous vous félicitez que seuls les minima de cinquante-six branches soient actuellement inférieurs au Smic, mais celles-ci représentent près du tiers du total ! Les choses avancent, sans doute, mais beaucoup trop lentement pour des salariés qui font face à l’inflation et peinent à joindre les deux bouts.
La mesure que nous vous soumettons permettrait d’avancer : il s’agit d’ouvrir ces négociations à chaque fois que le Smic est revalorisé. Une telle avancée ne nuirait pas au dialogue social. Au contraire, elle le renforcerait utilement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 74.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, vous soulignez souvent l’augmentation notable du Smic en raison de son indexation mécanique sur l’inflation. C’est précisément pour cette raison qu’il est inadmissible que certaines branches, bien qu’elles aient l’obligation d’en tenir compte et de négocier pour relever leurs minima, demeurent constamment en retard. Ce retard persistant leur offre la latitude de différer les augmentations inévitables de ces minima.
Face à la situation inflationniste actuelle et sans revenir sur les statistiques déjà évoquées concernant la pauvreté en France, émanant d’organismes tels que le Secours populaire, l’Ifop et l’Insee, il est indéniable que la pauvreté s’intensifie dans notre pays. Il devient donc impératif d’inciter les branches à conclure des accords salariaux, conformément à la loi.
À cette fin, oui, il faut suspendre le bénéfice des allégements généraux de cotisations patronales, au sens de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, pour tout retard dans l’ouverture de ces négociations.
Nous proposons que cette suspension intervienne six mois après la date de la seconde revalorisation du Smic et qu’elle prenne fin dès la signature de l’accord de revalorisation, avec un effet rétroactif couvrant la période de suspension.
Ainsi, nous vous proposons en quelque sorte une suspension-remobilisation similaire à celle que vous entendiez imposer aux allocataires du revenu de solidarité active (RSA) : quand le patronat se sera enfin mobilisé pour appliquer la loi, nous lui rendrons les fonds suspendus. C’est formidable !
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cette démarche s’inscrirait dans la même logique que celle du contrat d’engagement prévu dans le projet de loi pour le plein emploi.
Mme la présidente. L’amendement n° 83 rectifié, présenté par Mme Pantel, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère et MM. Fialaire, Gold, Grosvalet, Guérini, Guiol, Laouedj et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 6° du I de l’article L. 2261-32 du code du travail, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :
« …° En l’absence d’accord assurant un salaire minimum national professionnel au sens du 4° du II de l’article L. 2261-22 au moins égal au salaire minimum interprofessionnel de croissance, dans les six mois après sa dernière revalorisation.
« Lorsque la revalorisation du salaire minimum interprofessionnel de croissance au sens de l’article L. 3231-5 du code du travail, fait l’objet d’une deuxième revalorisation au cours d’une même année, une négociation de l’ensemble des minima conventionnels doit être conclue dans les six mois suivant le second relèvement du niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance. »
La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. Trop souvent, les branches procèdent à des revalorisations qui ciblent seulement le bas de grille, ce qui alimente le phénomène de resserrement de l’éventail des salaires.
La non-répercussion de l’évolution du Smic dans l’échelle des salaires réduit les écarts entre les différents niveaux de la grille.
Aussi, il est proposé, lorsque le Smic fait l’objet d’une seconde revalorisation au cours d’une même année, l’ouverture et la conclusion d’une négociation portant sur l’ensemble des minima de branche dans les six mois suivant cette seconde revalorisation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Les deux amendements identiques s’éloignent encore de l’ANI. Pour rappel, ils visent à ouvrir des négociations sur les minima conventionnels dans les six mois suivant une deuxième revalorisation du Smic au cours d’une même année et à suspendre le bénéfice des allégements généraux à défaut de cette négociation. La commission y est défavorable.
Le troisième amendement tend à imposer une procédure de fusion de branches en l’absence d’accord assurant un salaire minimum conventionnel au moins égal au Smic. L’avis de la commission est également défavorable.
À mon sens, ces trois amendements sont satisfaits par l’article L. 2241-10 du code du travail, lequel prévoit déjà que si les minima conventionnels sont inférieurs au Smic, une négociation salariale est impérative au sein des branches.
J’ajoute qu’un principe similaire à la fusion de branches est déjà prévu dans la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.
Néanmoins, nous constatons dans nos permanences, autour de nous, que de nombreuses personnes connaissent des difficultés parce que les salaires sont de plus en plus bas face à une inflation galopante ; parallèlement, nombreux sont les chefs d’entreprise désireux d’augmenter les salaires, mais qui se trouvent également pénalisés par l’inflation.
Ne négligeons pas ces employeurs qui rencontrent des obstacles pour honorer ce rendez-vous : certains d’entre eux pourraient, à terme, connaître des difficultés pouvant aller jusqu’à des redressements judiciaires ou, dans le pire des cas, des liquidations. Gardons à cela à l’esprit.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 rectifié et 74.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 73, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre II du titre IV du livre II de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 2242-1 est ainsi modifié :
a) Au 1°, les mots : « , le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée » sont remplacés par les mots : « et le temps de travail » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Dans un délai ne pouvant être inférieur à deux mois à compter de la négociation mentionnée au 1° du présent article, est engagée une négociation sur le partage de la valeur. » ;
2° L’article L. 2242-13 est ainsi modifié :
a) Au 1°, les mots : « , le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise » sont remplacés par les mots : « et le temps de travail » ;
b) Après le 2°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Dans un délai ne pouvant être inférieur à deux mois à compter de la négociation mentionnée au 1° du présent article, est engagée une négociation sur le partage de la valeur dans les conditions prévues à la sous-section 2 de la présente section ; »
3° L’article L. 2242-15 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « , le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée » sont remplacés par les mots : « et le temps de travail » ;
b) Le 3° est abrogé ;
4° Après le même article L. 2242-15, il est inséré un article L. 2242-15-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2242-15-…. – À défaut d’accord d’intéressement, d’accord de participation, de plan d’épargne d’entreprise, de plan d’épargne pour la mise à la retraite collectif ou d’accord de branche comportant un ou plusieurs de ces dispositifs, la négociation annuelle sur le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise porte sur :
« 1° Les dispositifs d’intéressement ;
« 2° Les dispositifs de participation ;
« 3° L’épargne salariale ;
« 4° S’il y a lieu, la négociation porte également sur l’affectation d’une partie des sommes collectées dans le cadre du plan d’épargne pour la retraite collectif mentionné à l’article L. 3334-1 du présent code ou du plan d’épargne retraite d’entreprise collectif mentionné à l’article L. 224-14 du code monétaire et financier et sur l’acquisition de parts de fonds investis dans les entreprises solidaires mentionnés à l’article L. 3334-13 du présent code ou à l’article L. 224-3 du code monétaire et financier. La même obligation incombe aux groupements d’employeurs. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement résulte de la demande unanime, récurrente et forte de toutes les organisations syndicales. Il a pour origine l’article 1er de l’ANI selon lequel « il est opportun de prévoir un traitement différencié aux discussions sur le partage de la valeur dans le cadre des négociations obligatoires prévues par le code du travail ».
Ce point fondamental ne saurait être escamoté lors de sa transposition. Il donne aux partenaires sociaux les moyens de mettre en œuvre le principe de non-substitution, consacré à l’article 2A, et d’en garantir le respect.
Nous le savons tous, énoncer un principe n’a jamais été suffisant. Ainsi, la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a créé une prime exceptionnelle pour le pouvoir d’achat en faisant déjà valoir que celle-ci ne pouvait se substituer à des éléments de rémunération. Or l’Insee a observé un an plus tard que ce dispositif avait donné lieu à un effet d’aubaine de l’ordre de 30 %.
Nous devons donc fournir des moyens opérationnels susceptibles de garantir la non-substitution. Toutes les organisations syndicales le demandent ; certaines d’entre elles n’ont même signé à l’ANI qu’à cette condition. Elles plaident toutes pour une séparation des discussions.
Notre amendement vise ainsi à établir deux périodes de négociation distinctes, à au moins deux mois d’intervalle : l’une consacrée aux salaires, l’autre aux dispositifs de partage de la valeur.
Nous vous proposons donc de mettre en place, en adoptant cet amendement, l’un des outils garantissant l’application effective du principe de non-substitution.
Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2242-1 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Une négociation sur les salaires ; »
2° Après le même 1°, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« 1° bis Une négociation sur le temps de travail ;
« 1° ter Une négociation sur le partage des dividendes du travail dans l’entreprise tels que définis au livre III de la troisième partie du code du travail ; »
3° Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La négociation mentionnée au 1° ter intervient dans un délai ne pouvant être inférieur à quatre mois après la conclusion d’un accord relatif à la négociation du thème mentionné au 1°. »
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Le code du travail prévoit l’organisation de négociations obligatoires en entreprise sur la rémunération, au moins une fois tous les quatre ans.
Notre amendement vise à distinguer la négociation concernant le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise et celle qui s’attache aux salaires effectifs, afin de nous conformer à l’article 1er de l’accord national interprofessionnel du 10 février dernier, lequel prévoit que « le salaire doit rester la forme essentielle de la reconnaissance du travail fourni par les salariés et des compétences mises en œuvre à cet effet ».
En distinguant les négociations portant sur les salaires de celles qui concernent les dispositifs de partage de la valeur, nous entendons éviter la confusion entre ces deux thématiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Je dois admettre que nous nous sommes interrogés sur ces amendements.
Mme Silvana Silvani. Ah !
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Ceux-ci visent donc à distinguer partage de la valeur et salaire lors des négociations obligatoires en entreprise, un sujet effectivement abordé dans l’ANI.
Lors de nos auditions, nous avons sollicité l’avis des organisations syndicales sur cette distinction, sans recueillir d’accord très précis.
Plusieurs de nos collègues ont ainsi rappelé que la CGT n’avait pas signé l’ANI, souhaitant en effet que les instruments de partage de la valeur et la négociation salariale soient abordés conjointement lors des négociations. Faut-il donc distinguer ces discussions ou les fusionner ?
En l’occurrence, nous n’avons pas repris cette disposition, qui contribuerait à alourdir les négociations, sachant que rien n’empêche l’entreprise de mener des discussions séparées ou communes. Laissons le dialogue social en décider, mes chers collègues.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements tendant à insérer un article additionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Certains partenaires sociaux signataires de l’accord ont demandé une telle dissociation, mais celle-ci ne figure pas dans l’accord qu’ils ont signé.
Le Gouvernement souhaitant s’en tenir à l’accord, il émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Madame la rapporteure, je ne suis pas la porte-parole de la CGT et je n’ai pas l’intention de le devenir – je n’en ai du reste pas les capacités –, mais il me semble qu’un certain nombre de syndicats estiment qu’il convient de dissocier d’éventuelles négociations relatives aux primes, auxquelles les syndicats ne sont pas systématiquement hostiles, des négociations portant sur les salaires. Or tel est précisément l’objet de l’amendement n° 5. Une telle dissociation serait bénéfique pour tout le monde.
Lorsque vous nous avez présenté le projet de loi, monsieur le ministre, vous avez validé les chiffres de l’Insee, qui montrent que les négociations sur les primes supplantent celles sur les salaires, tout en soulignant que, sur ce sujet, il existait peut-être une marge d’erreur trop importante.
Dissocier ces deux aspects de la négociation permettrait, quelle que soit, selon vous, la meilleure manière de revaloriser le travail – pour notre groupe, c’est la revalorisation des salaires –, de disposer d’un état réel de la situation.
Vous-même, madame la rapporteure, avez évoqué vos interrogations sur les possibles effets négatifs que les dispositifs d’intéressement et les primes pouvaient avoir sur les salaires.
En dissociant les deux temps de la négociation, nous y verrions peut-être un peu plus clair.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. J’abonderai dans le sens de ma collègue Céline Brulin.
Les négociations sur le « partage de la valeur » – le vocabulaire employé est nouveau ! – n’incluent jamais les salaires, ou alors a minima, et elles se concluent toujours par l’octroi d’intéressement, de dividendes salariés ou de primes, telle la prime Macron.
Force est de constater que, aujourd’hui, la question des salaires n’est posée sur la table qu’après un conflit social, notamment après des grèves, lesquelles pèsent d’abord sur les salariés. Telle est la réalité !
Depuis dix ans, combien de négociations salariales menées tranquillement autour d’une table ont-elles abouti à une augmentation massive des salaires ? Aucune !
Alors que vous voulez partager la valeur, nous constatons depuis six ans que les négociations ne portent jamais sur les salaires. En conséquence, nous faisons face aujourd’hui à un double problème parce que quand il n’y a plus de salaires, il n’y a plus non plus de cotisations sociales.
En réalité, vous appauvrissez notre modèle social en ne voulant pas discuter d’abord des salaires et en privilégiant l’octroi de primes, d’intéressement ou de dividendes salariés. Ensuite, lorsque nous débattons du financement de la sécurité sociale, vous nous dites qu’il faut serrer la vis, car il n’y a plus de cotisations !
Par cette disposition de bon sens, nous vous proposons, avant les débats légitimes que nous aurons sur les primes, les dividendes et l’intéressement, de débattre des salaires, car avec l’inflation galopante que nous connaissons, ce sujet revient avec force.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Si une négociation unique est menée, les salariés ne verront pas forcément qu’une partie de la somme qu’ils percevront à son issue ne sera pas récurrente. Les augmentations générales de salaires sont définitives, les primes ponctuelles. Le versement de primes rend les augmentations « hybrides ».
Je comprends que le rêve d’une partie du patronat et d’une partie d’entre vous, mes chers collègues, soit d’accroître la variabilité du salaire, voire d’instaurer sa flexibilité totale. Alors que les taux de marge explosent, les salaires pourraient pourtant augmenter.
La partie variable du salaire, qui n’est pas socialisée, doit être dissociée. Le salarié doit connaître la part récurrente de sa rémunération, celle qui lui donne des droits en cas d’arrêt maladie ou lorsqu’il prend sa retraite.
Il faut abandonner le rêve d’une flexibilité totale des rémunérations, mes chers collègues ! Une petite entreprise accordera une prime désocialisée et défiscalisée plutôt qu’une augmentation de salaire ! Il est bien évident que l’effet de substitution sera massif. Mais tel est peut-être votre objectif ? (M. Laurent Burgoa proteste.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, il est dix-sept heures cinq, je déclare clos le scrutin pour l’élection de six juges titulaires et de six juges suppléants à la Cour de justice de la République.
Dans la suite de l’examen des amendements, la parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Vous soulevez un véritable problème, mes chers collègues, et nous partageons votre préoccupation. Nous souhaitons qu’il y ait un équilibre entre la partie fixe du salaire et sa partie variable, que celle-ci relève de primes ou du partage de la valeur.
Je souscris à votre remarque concernant le budget de la sécurité sociale, monsieur Gay. Nous sommes vigilants à cet aspect des choses.
Il me paraît toutefois important de rappeler que la part fixe du salaire, tout comme les primes et les dispositifs de partage de la valeur, donnent lieu à des négociations. L’objet de notre débat aujourd’hui est précisément de mettre en place les outils permettant la négociation entre les partenaires sociaux. Le débat que vous évoquez a lieu entre les acteurs, mes chers collègues.
En tout état de cause, monsieur le ministre, le point de vigilance soulevé par M. Gay me paraît essentiel : comment l’État compensera-t-il les pertes de recettes éventuelles pour la sécurité sociale ?
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 6 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 75 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 3231-4 du code du travail est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Au moins une fois par an, les branches concernées ouvrent des négociations en vue de revaloriser les salaires minima hiérarchiques mentionnés au 1° de l’article L. 2253-1 et d’instaurer des mécanismes de revalorisation de l’échelle des salaires en fonction de l’inflation.
« Ces négociations portent sur l’ensemble des grilles salariales conventionnelles, notamment par l’instauration d’une revalorisation automatique des salaires lorsque l’indice national des prix à la consommation tel qu’établi par l’Institut national de la statistique et des études économiques sur les douze mois antérieurs dépasse un certain seuil, sur la mise en place d’un plafond de rémunération correspondant à vingt fois la rémunération du salarié disposant de la rémunération la plus faible, et la répartition de la valeur ajoutée entre les revenus du capital et ceux du travail. La rémunération s’entend comme l’ensemble des rémunérations directes et indirectes du salarié. Ces négociations définissent les garanties en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. »
II. – Les accords de branche mentionnés au I sont négociés dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour présenter l’amendement n° 6.