Mme la présidente. L’amendement n° 121 rectifié, présenté par MM. Cadic, Cigolotti, Bonneau, Cazabonne, Détraigne, Le Nay, Folliot, Poadja et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Après le mot :
spécialisées
insérer les mots :
ou le diplomate ayant le grade de ministre plénipotentiaire
II. – Alinéa 4
Après le mot :
militaire
insérer les mots :
ou au diplomate ayant le grade de ministre plénipotentiaire
III. – Alinéa 5
Après les mots :
le militaire
insérer les mots :
ou le diplomate ayant le grade de ministre plénipotentiaire
IV. – Alinéa 6
Après les mots :
anciens militaires
insérer les mots
ou les diplomates ayant le grade de ministre plénipotentiaire
V. – Alinéa 7
Après le mot :
défense
insérer les mots :
ou le ministre des affaires étrangères
et après les mots :
le militaire
insérer les mots :
ou le diplomate ayant le grade de ministre plénipotentiaire
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Dans le contexte de résurgence des tensions et compétitions internationales, certains États étrangers n’hésitent pas à rechercher activement, directement ou par l’intermédiaire d’entreprises agissant pour leur compte, la collaboration d’anciens militaires dont l’expertise technique ou le savoir-faire opérationnel présentent un intérêt stratégique pour le développement de leurs propres capacités militaires.
L’article 20 vise à instituer un contrôle préventif et dissuasif concernant les militaires ou anciens militaires ayant occupé des fonctions d’une sensibilité particulière et souhaitant exercer une activité lucrative pour le compte d’un État étranger, voire d’une entreprise étrangère ou sous contrôle étranger intervenant dans le domaine de la défense et de la sécurité.
Le présent amendement vise à étendre ce dispositif aux diplomates ayant le grade de ministre plénipotentiaire.
Pour reprendre une analogie que je fais régulièrement, les affaires étrangères sont à la défense ce que la justice est à l’intérieur. Les ambassadeurs, les diplomates ont un rôle éminent à jouer pour notre pays. Lorsqu’ils sortent du service de l’État et se mettent à la disposition d’un pays étranger, les conséquences peuvent être aussi dommageables qu’avec des militaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Je m’en remets à l’avis du Gouvernement.
L’amendement concerne les diplomates ayant le grade de ministre de plénipotentiaire ; or il me semble que ce grade a été supprimé par le Gouvernement dans le cadre de la réforme du corps diplomatique.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Au-delà de cet amendement, on peut se poser la question pour tous les autres corps de métier qui pourraient avoir accès à un savoir-faire militaire.
Comme j’ai eu l’occasion de le souligner à l’Assemblée nationale, le seul fait d’introduire ce type de mesure dans notre droit est assez stupéfiant – cela n’a jamais été fait auparavant. Les députés ont durci le dispositif initial, qui concernait seulement les pilotes, pour aller bien au-delà.
Monsieur le sénateur, en quoi le grade de ministre plénipotentiaire donne-t-il accès à un savoir-faire militaire particulier ? D’autres diplomates, qui ne sont pas ministres plénipotentiaires, peuvent aussi travailler en lien avec la mission de défense ou avec la cellule de la DGSE du pays où ils sont en poste. Ce grade n’est pas en soi déterminant. Aussi, votre amendement me semble top précis, raison pour laquelle j’y suis défavorable.
Pour autant, monsieur le sénateur Cadic, vous posez une question redoutable : jusqu’où va-t-on dans l’élargissement de ce type de dispositif, y compris à d’autres ministères que le mien ? Une réflexion doit être menée sur ce sujet à l’avenir. Ce texte pose un premier parpaing, mais je suis sûr que ceux qui nous succéderont y reviendront.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Les diplomates peuvent contribuer à l’influence. Or la guerre d’influence est aujourd’hui aussi importante que le conflit ouvert tel qu’on peut le voir sur des théâtres d’opérations.
J’entends vos arguments et je retire donc mon amendement.
Cependant, il me semble vraiment important de prendre en compte cette dimension. Pour assister à un certain nombre de conférences, je suis bien placé pour constater que des diplomates qui servaient la France n’hésitent pas à reprendre aujourd’hui le verbatim de puissances étrangères qui ne nous veulent pas que du bien. Cela me gêne.
Mme la présidente. L’amendement n° 121 rectifié est retiré.
L’amendement n° 257, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La décision d’opposition n’intervient qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales.
La parole est à M. le ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 20, modifié.
(L’article 20 est adopté.)
Article 21
(Non modifié)
Après l’article 628-8 du code de procédure pénale, il est inséré un article 628-8-1 ainsi rédigé :
« Art. 628-8-1. – Par dérogation à l’article 11, pour les procédures d’enquête ou d’instruction ouvertes sur le fondement d’une ou de plusieurs infractions entrant dans le champ d’application de l’article 628, le procureur de la République antiterroriste peut communiquer aux services spécialisés de renseignement mentionnés à l’article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure, de sa propre initiative ou à la demande de ces services, des éléments de toute nature figurant dans ces procédures et nécessaires à l’exercice des missions de ces services au titre de la défense et de la promotion des intérêts fondamentaux de la Nation mentionnés aux 1°, 2°, 4°, 6° et 7° de l’article L. 811-3 du même code. Si la procédure fait l’objet d’une information, cette communication ne peut intervenir que sur avis favorable du juge d’instruction.
« Le juge d’instruction peut également procéder à cette communication, dans les mêmes conditions et pour les mêmes finalités que celles mentionnées au premier alinéa du présent article, pour les procédures d’information dont il est saisi, après avoir recueilli l’avis du procureur de la République antiterroriste.
« Les informations communiquées en application du présent article ne peuvent faire l’objet d’un échange avec des services de renseignement étrangers ou avec des organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement.
« Sauf si l’information porte sur une condamnation prononcée publiquement, les personnes qui en sont destinataires sont tenues au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. » – (Adopté.)
Article 22
(Non modifié)
L’article 656-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est applicable au témoignage des personnes ayant appartenu aux services et aux unités qu’il mentionne. » – (Adopté.)
Article 22 bis (nouveau)
Le I de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est ainsi modifié :
1° À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « enjeux », sont insérés les mots : « et sujets » ;
2° Après le 6°, il est inséré un 7° ainsi rédigé :
« 7° Un bilan des recommandations que la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement adresse au Premier ministre en application de l’article L. 833-6 du même code ; »
3° Le 7° devient le 8°. – (Adopté.)
Après l’article 22 bis
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 60 rectifié, présenté par MM. Bascher et Rapin, Mme Demas, MM. Cardoux, Daubresse, Brisson et Bazin, Mme Thomas, MM. Somon et Regnard, Mme Belrhiti, M. B. Fournier, Mmes Dumont et Gosselin, MM. Panunzi, Pellevat, Burgoa et Gremillet, Mme Ventalon, MM. Belin et Sautarel, Mmes F. Gerbaud et Lopez, MM. Meignen, Laménie, Genet, Saury et Lefèvre, Mmes Borchio Fontimp et Garriaud-Maylam, MM. E. Blanc et Cadec, Mmes Lherbier et Del Fabro et MM. Pointereau et C. Vial, est ainsi libellé :
Après l’article 22 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 6 decies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 6 … ainsi rédigé :
« Art. 6 … – I. – Il est constitué une délégation parlementaire au renseignement économique, commune à l’Assemblée nationale et au Sénat. Cette délégation est composée de quatre députés et de quatre sénateurs.
« II. – Les présidents des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des affaires économiques et des finances sont membres de droit de la délégation parlementaire au renseignement économique.
« La fonction de président de la délégation est assurée alternativement, pour un an, par un député et un sénateur, désigné par les membres de droit de la délégation. Les autres membres de la délégation sont désignés par le président de leur assemblée respective en tâchant de reproduire les équilibres entre groupes politiques de chacune d’entre elles. Les députés qui ne sont pas membres de droit sont désignés au début de chaque législature et pour la durée de celle-ci. Les sénateurs qui ne sont pas membres de droit sont désignés après chaque renouvellement partiel du Sénat.
« III. – Sans préjudice des compétences des commissions permanentes et sous réserve des compétences de la délégation parlementaire au renseignement, la délégation parlementaire au renseignement économique a pour mission de suivre l’action du Gouvernement en matière de protection et de promotion des intérêts économiques de la France, ainsi qu’en matière de contrôle des investissements étrangers, et de prises de participation dans les entreprises à travers l’Agence des participations de l’État.
« À cette fin, le Gouvernement lui transmet chaque année un rapport comportant :
« 1° Une description de l’action du Gouvernement en matière de protection et de promotion des intérêts économiques de la France, notamment des mesures prises en matière de sécurité économique et de protection des entreprises stratégiques, des objectifs poursuivis, des actions déployées et des résultats obtenus ;
« 2° Des informations relatives à la procédure d’autorisation préalable des investissements étrangers dans une activité en France, comprenant notamment des éléments détaillés relatifs au nombre de demandes d’autorisation préalables adressées au ministre chargé de l’économie, de refus d’autorisation, d’opérations autorisées, d’opérations autorisées assorties de conditions prévues au II de l’article L. 151-3 du code monétaire et financier, ainsi que des éléments relatifs à l’exercice par le ministre chargé de l’économie des mesures prévues à l’article L. 151-3-1 du même code ;
« 3° Des éléments d’appréciation relatifs à l’activité générale et à l’organisation des services spécialisés du renseignement économique.
« La délégation peut entendre le Premier ministre, les ministres compétents et les directeurs des administrations centrales concernées, accompagnés des collaborateurs de leur choix.
« IV. – Les travaux de la délégation parlementaire au renseignement économique sont couverts par le secret des affaires et par le secret de la défense nationale.
« Les membres de la délégation et les agents des assemblées mentionnés aux II et III sont astreints au respect du secret des affaires et de la défense nationale pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en ces qualités. Chaque année, la délégation établit un rapport public dressant le bilan de son activité. Ce document ne peut faire état d’aucune information ni d’aucun élément d’appréciation portant atteinte au secret des affaires ou de la défense nationale.
« V. – Dans le cadre de ses travaux, la délégation peut adresser des recommandations et des observations au Président de la République et au Premier ministre ainsi qu’aux ministres compétents. Elle les transmet au président de chaque assemblée.
« VI. – La délégation parlementaire au renseignement économique établit son règlement intérieur. Celui-ci est soumis à l’approbation du bureau de chaque assemblée.
« VII. – Les dépenses afférentes au fonctionnement de la délégation sont financées et exécutées comme dépenses des assemblées parlementaires dans les conditions fixées par l’article 7 de la présente ordonnance. »
La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Il s’agit d’un amendement de notre collègue Jérôme Bascher.
La délégation parlementaire au renseignement a été créée par la loi n° 2007-1443 du 9 octobre 2007. Nous regrettons que ses missions ne couvrent pas le renseignement économique. Cette lacune dans le contrôle démocratique doit être comblée.
Nous souhaitons donc la création d’une délégation parlementaire au renseignement économique, composée de quatre députés et de quatre sénateurs. Elle pourrait notamment entendre les personnalités compétentes sur ces sujets et adresser des recommandations et des observations au Président de la République, au Premier ministre ainsi qu’aux ministres compétents.
Afin de préserver les compétences d’autres organes du Parlement, il est précisé que cette délégation exercerait ses compétences sous réserve de ne pas empiéter sur celles de la délégation parlementaire au renseignement.
Mme la présidente. L’amendement n° 151 rectifié, présenté par M. P. Laurent, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 22 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 6 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 6 … ainsi rédigé :
« Art. 6 …. – I. – Il est constitué une délégation parlementaire dénommée « Office parlementaire à la sécurité économique et aux investissements économiques concourant à la consolidation de la souveraineté ». Cette délégation, par ses auditions et travaux, contribue favorablement à l’exercice de la mission de contrôle du Gouvernement par le Parlement. Dans un objectif de transparence, le Gouvernement doit rendre des comptes sur des politiques ayant des impacts sur les intérêts économiques, industriels, scientifiques de la Nation ou bien le contrôle des investissements étrangers et le suivi des programmes industriels de défense.
« II. – La délégation est composée de dix-huit députés et dix-huit sénateurs désignés de façon à assurer, au sein de chaque assemblée, une représentation proportionnelle des groupes politiques. Les députés sont désignés au début de chaque législature pour la durée de celle-ci. Les sénateurs sont désignés après chaque renouvellement partiel du Sénat.
« Après chacun de ses renouvellements, la délégation élit son président et son premier vice-président qui ne peuvent appartenir à la même assemblée.
« III. – La délégation est assistée d’un conseil scientifique composé de vingt-quatre personnalités choisies en raison de leurs compétences dans les domaines économiques, industriels ou scientifiques.
« Les membres du conseil scientifique sont désignés pour trois ans dans les conditions prévues par le règlement intérieur de la délégation.
« Le conseil scientifique est saisi dans les conditions prévues par le règlement intérieur de la délégation, chaque fois que celle-ci l’estime nécessaire.
« IV. – La délégation peut recueillir l’avis des organisations syndicales et professionnelles les plus représentatives au niveau national, ainsi que des associations de protection de l’environnement ou de défense des usagers et consommateurs.
« V. – La délégation est saisie par :
« 1° Le bureau de l’une ou l’autre assemblée, soit à son initiative, soit à la demande d’un président de groupe, soit à la demande de soixante députés ou de quarante sénateurs ;
« 2° Une commission spéciale ou permanente.
« VI. – La délégation dispose des pouvoirs définis par le IV de l’article 164 de l’ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959.
« En cas de difficultés dans l’exercice de sa mission, la délégation peut demander, pour une durée n’excédant pas six mois, à l’assemblée d’où émane la saisine de lui conférer les prérogatives attribuées par l’article 6 de la présente ordonnance aux commissions parlementaires d’enquête, à leurs présidents et à leurs rapporteurs. Lorsque la délégation bénéficie de ces prérogatives, les dispositions relatives au secret des travaux des commissions d’enquête et des commissions de contrôle sont applicables.
« VII. – Les travaux de la délégation sont publics, sauf décision contraire de sa part.
« Les résultats des travaux exécutés et les observations de la délégation sont rendus publics.
« Toutefois, lorsque la délégation a obtenu le bénéfice des dispositions de l’article 6, la décision de publication ne peut être prise que par l’assemblée intéressée, dans les conditions fixées par son règlement pour la publication des rapports des commissions d’enquête et de contrôle.
« VIII. – La délégation établit son règlement intérieur ; celui-ci est soumis à l’approbation des bureaux des deux assemblées.
« IX. – Les dépenses afférentes au fonctionnement de la délégation sont financées et exécutées comme dépenses des assemblées parlementaires dans les conditions fixées par l’article 7. »
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Dans un objectif de transparence, il nous semble tout à fait sain, dans une démocratie, que le Gouvernement rende des comptes sur des politiques ayant des incidences sur les intérêts économiques, industriels, scientifiques de la nation.
En commission, cette idée fut balayée d’un revers de main, au motif qu’une délégation à la sécurité économique empiéterait sur l’activité de la délégation parlementaire au renseignement, voire risquerait d’émietter le contrôle parlementaire en matière de renseignement. Opposer ainsi ces deux organes relève selon moi d’un non-sens. En effet, la délégation au renseignement dispose de prérogatives pour traiter de questions économiques. Toutefois, le champ de compétence de cette délégation étant très large, elle ne peut tout traiter en profondeur.
En outre, une délégation à la sécurité économique et aux investissements ne disposerait pas d’un pouvoir de contrôle sur le Gouvernement de même nature que la délégation au renseignement. L’une exercerait un contrôle a priori, tandis que l’autre exercerait un contrôle a posteriori.
L’idée de créer une telle délégation répond au besoin de se prémunir contre toute atteinte à des secteurs concourant à la souveraineté de la France, pour ne pas attendre que le mal soit fait.
Je pense, par exemple, au secteur du numérique, au sujet duquel nous avons déposé plusieurs amendements. Le numérique constitue en effet un secteur stratégique tant pour notre industrie militaire que pour notre industrie civile et, plus généralement, pour l’ensemble de nos institutions publiques.
Il faut que l’État investisse dans ce secteur et reconstruise les filières industrielles régaliennes – je pense notamment à STMicroelectronics et à Soitec. Il faut non seulement faire preuve de réactivité, mais aussi associer la représentation nationale à cette réflexion. Les questions industrielles et de souveraineté exigent une large mobilisation du pays, lequel s’exprime par la voix de ses parlementaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. La création d’une délégation parlementaire à la sécurité économique empiéterait manifestement sur les compétences de plusieurs commissions permanentes et sur celles de la délégation parlementaire au renseignement, qui, du reste, a déjà produit, sous la présidence de Philippe Bas, me semble-t-il, un rapport tout à fait passionnant sur les sujets d’ingérence économique et de captation des secrets industriels.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Dans la mesure où il s’agit de l’organisation interne au Parlement, le principe de séparation des pouvoirs me conduit à ne pas donner un avis définitif.
J’ai eu la même attitude à l’Assemblée nationale quand j’ai été interrogé sur des conflits de compétences entre la commission des affaires étrangères et la commission de la défense.
Je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois. La commission des lois s’est saisie pour avis de ce sujet. Nous sommes extrêmement défavorables à une telle création.
La délégation parlementaire au renseignement remplit cette mission. En 2018, elle a rendu un premier rapport. Gageons que, dans les semaines ou les mois à venir, il y aura d’autres rapports de cette nature. Elle bénéficie de l’habilitation secret-défense et de moyens techniques lui permettant de traiter de ces problématiques.
Dans ces conditions, il est inutile de créer des délégations supplémentaires, qui sont d’ailleurs de nature à altérer la maîtrise de l’information et la qualité des relations existant à la fois avec les services de renseignement et avec le Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Instruit par les avis circonstanciés de mes collègues rapporteurs, je retire l’amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 60 rectifié est retiré.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Ce que dit le président Cambon n’est pas faux, nous sommes à cheval sur les compétences d’autres commissions permanentes. Justement, il nous manque parfois une vision transversale sur ces questions.
Par exemple, les regards de la commission des affaires économiques et de la délégation au renseignement dans le domaine militaire ne se croisent pas suffisamment pour mettre au jour un éventuel problème de sécurité économique touchant à notre souveraineté qui prendrait des proportions très importantes. Le regard stratégique transversal qu’apporterait une telle délégation serait, à nos yeux, extrêmement utile, raison pour laquelle nous maintenons l’amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 151 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 22 ter (nouveau)
Le livre VIII du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° L’article L. 833-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque année, la commission adresse un bilan de ses recommandations à la délégation parlementaire au renseignement. » ;
2° Le premier alinéa du I de l’article L. 861-3 est complété par les mots : « ainsi que la délégation parlementaire au renseignement ». – (Adopté.)
Article 22 quater (nouveau)
Le IV des articles L. 853-1 et L. 853-2 du code de la sécurité intérieure est complété par une phrase ainsi rédigée : « La commission dispose d’un accès permanent, complet, direct et immédiat aux renseignements collectés. »
Mme la présidente. L’amendement n° 258, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Cela aurait pu donner lieu à un long débat… L’article 22 quater résulte de la mise en application des recommandations de la CNCTR formulées dans son rapport public de juin 2023.
Le Gouvernement propose de supprimer le contrôle permanent et immédiat de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sur les données conservées par les services. La position de la commission est sensiblement différente, puisqu’elle a introduit le droit pour la CNCTR d’accéder à distance et de manière permanente aux données conservées par les services de renseignement sans avoir à se déplacer.
Par conséquent, elle émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois. Nous avons déjà évoqué ce point en discussion générale, mais je me permets d’apporter quelques précisions.
Les services utilisent de plus en plus de moyens intrusifs pour obtenir les renseignements utiles à leur action. Il n’est bien évidemment pas question de remettre en cause ces pratiques.
Les moyens traditionnels sont contrôlés par le groupement interministériel de contrôle (GIC), lequel n’est pas saisi des techniques les plus intrusives, pour des questions d’adaptation. L’idée est de permettre à la CNCTR d’assurer ce contrôle, en complément du GIC.
J’y insiste, il ne s’agit pas de remettre en cause les capacités à agir, qui sont nécessaires. Toutefois, nous avons aussi besoin d’exercer un contrôle. La question qui se pose est moins celle du principe que celle de la mise en œuvre. Nous pourrions déterminer ensemble un délai, que nous inscririons dans le texte. C’est le point d’achoppement qui ressort des auditions que nous avons menées.
Le sujet est complexe, mais il ne faut pas se priver d’avancer, que ce soit pour la sécurité des services ou pour celle de nos concitoyens.