Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, M. Loïc Hervé.
2. Programmation militaire pour les années 2024 à 2030. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Demande de réserve de l’article 2 et du rapport annexé. – M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères ; M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. – La réserve est ordonnée.
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des finances
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois
PRÉSIDENCE DE M. Alain Richard
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 54 rectifié de M. André Guiol. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 2 et rapport annexé (réservés)
Amendement n° 66 de M. Rachid Temal. – Retrait.
PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
Amendement n° 282 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 67 de M. Rachid Temal. – Retrait.
Amendement n° 148 de M. Pierre Laurent. – Rejet.
Amendement n° 191 rectifié de M. Guillaume Gontard. – Rejet.
Amendement n° 192 de M. Guillaume Gontard. – Rejet.
Amendement n° 237 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 149 de M. Pierre Laurent. – Retrait.
Amendement n° 194 de M. Guillaume Gontard. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 69 de M. Rémi Féraud. – Rejet.
Amendement n° 238 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 239 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 195 rectifié de M. Guillaume Gontard. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 98 de Mme Marie-Arlette Carlotti. – Retrait.
Amendement n° 197 de M. Guillaume Gontard. – Retrait.
Amendement n° 97 rectifié de Mme Marie-Arlette Carlotti. – Rejet.
Amendement n° 240 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 241 du Gouvernement. – Retrait.
Amendement n° 292 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 61 rectifié bis de M. François Bonneau. – Retrait.
Amendement n° 242 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 76 rectifié de M. Rachid Temal. – Adoption.
Amendement n° 234 rectifié de M. Guillaume Gontard. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
Amendement n° 70 de M. Rachid Temal. – Retrait.
Amendement n° 150 de M. Pierre Laurent. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 243 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 156 rectifié de M. Pierre Laurent. – Retrait.
Amendement n° 199 de M. Guillaume Gontard. – Retrait.
Amendement n° 71 de M. Rachid Temal. – Retrait.
Amendement n° 201 rectifié de M. Guillaume Gontard. – Rectification.
Amendement n° 32 rectifié de Mme Maryse Carrère. – Retrait.
Amendement n° 245 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 244 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 202 rectifié de M. Guillaume Gontard. – Rejet.
Amendement n° 152 rectifié de M. Pierre Laurent. – Rejet.
Article 11 bis (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 246 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 248 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 247 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 249 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 178 de Mme Mélanie Vogel. – Retrait.
Amendement n° 288 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 250 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 114 de M. Ludovic Haye. – Adoption.
Amendement n° 251 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 294 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 252 du Gouvernement. – Retrait.
Amendement n° 253 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 168 rectifié de M. Ludovic Haye. – Adoption.
Amendement n° 291 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 122 de M. Hugues Saury. – Non soutenu.
Amendement n° 296 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 297 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 255 du Gouvernement. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 166 rectifié de M. André Guiol. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 256 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 172 de M. Ludovic Haye. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 177 de Mme Mélanie Vogel. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 121 rectifié de M. Olivier Cadic. – Retrait.
Amendement n° 257 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles 21, 22 et 22 bis (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 60 rectifié de M. Jérôme Bascher. – Retrait.
Amendement n° 151 rectifié de M. Pierre Laurent. – Rejet.
Article 22 ter (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 258 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 259 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 153 de M. Pierre Laurent. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 176 de M. Ludovic Haye. – Devenu sans objet.
Amendement n° 298 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 184 rectifié bis de Mme Hélène Conway-Mouret. – Non soutenu.
Amendement n° 260 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 299 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 170 de M. Ludovic Haye. – Retrait.
Amendement n° 169 de M. Ludovic Haye. – Rejet.
Amendement n° 261 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 154 de M. Pierre Laurent. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
3. Hommage à une vice-présidente
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Jacqueline Eustache-Brinio,
M. Loïc Hervé.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Programmation militaire pour les années 2024 à 2030
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (projet n° 712, texte de la commission n° 740, rapport n° 739, avis nos 730 et 726).
Demande de réserve
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapporteur. En application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées demande la réserve de l’examen de l’article 2, qui inclut les amendements déposés sur le rapport annexé, afin qu’il soit examiné à la fin du texte.
M. le président. Je suis saisi d’une demande de la commission tendant à réserver l’examen de l’article 2, qui inclut les amendements déposés sur le rapport annexé, afin qu’il soit examiné à la fin du texte.
Selon l’article 44, alinéa 6, de notre règlement, la réserve est de droit quand elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Alain Cazabonne applaudit également.)
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter cet après-midi un projet de loi de programmation militaire (LPM) pour la période 2024-2030, le quinzième depuis le début de la Ve République et depuis que ces lois de programme en matière de défense nationale – une spécificité bien française – existent.
Ce texte, sur lequel nos armées et les directions et services du ministère travaillent depuis un an, a été préparé sous l’autorité du Président de la République, chef des armées, en lien étroit et très en amont avec le Parlement et les acteurs du monde de la défense. Il vise à traduire une conviction simple, la seule qui vaille : les menaces qui pèsent sur la nation française n’ont jamais été aussi diverses et protéiformes que depuis la fin de la guerre froide. À bien des égards, ces menaces nous placent face à un défi aussi important que celui qu’ont dû relever les gouvernements de la fin de la IVe République et plus encore les gaullistes dans les années 1960.
Cette programmation prend en effet acte du retour d’une compétition plus dure entre grandes puissances, sur fond de prolifération nucléaire, de permanence d’un risque terroriste, qui n’a pas disparu et dont malheureusement on ne parle plus assez – cela me donne l’occasion de remercier le Sénat pour le débat que nous avons eu il y a quelques semaines sur l’Afrique –, mais aussi d’émergence de nouveaux espaces de conflictualité, qui découlent ou sont le reflet de sauts technologiques, rapides et brutaux, comme en témoigne la militarisation du cyber, de l’espace ou des fonds marins.
Ces menaces s’entendent dans leur approche classique, mais aussi, et surtout, pour une puissance nucléaire comme la nôtre, dans une « hybridité » qui nous invite à penser nécessairement de manière différente. C’est là que la dimension de transformation – ce qui ne signifie pas rupture – de cette LPM prend tout son sens.
Ces menaces, nouvelles ou anciennes, se cumulent désormais plus qu’elles ne se succèdent. Cette programmation militaire a été construite en les analysant froidement et en y intégrant les spécificités françaises : avec nos forces, mais aussi – il faut le reconnaître – avec nos vulnérabilités. Elle n’a pas pour but de tirer les conclusions, comme certains commentateurs ou pseudo-experts nous y ont souvent incités, de conflits qui ne sont pas les nôtres et qui, structurellement, ne pourront jamais l’être.
La France a un modèle de défense singulier, qui lui est propre, fruit d’une construction historique gaullienne reposant sur une autonomie stratégique française, laquelle va bien au-delà de la seule dissuasion nucléaire et puise sa force dans le sentiment profond que la France n’aurait jamais dû perdre la drôle de guerre de 1940, connaître les difficultés de l’expédition de Suez ou vivre les guerres d’Indochine et d’Algérie.
Cette programmation militaire doit permettre non seulement de poursuivre la réparation d’un outil de défense, hélas ! abîmé dans le passé par des politiques parfois court-termistes et une forme de déni de la réalité du monde, mais aussi de transformer nos forces sur des fonctions militaires concrètes, avec des objectifs opérationnels précis.
Elle ne prévoit pas de rupture fondamentale avec notre modèle historique. Au contraire, elle tend, à sa manière, à y revenir, dans sa force conceptuelle initiale, c’est-à-dire dans sa capacité à s’adapter vite, en prenant en compte les défis du monde d’aujourd’hui – donc les menaces sécuritaires actuelles –, ainsi que les sauts technologiques qui emportent inévitablement avec eux des sauts stratégiques ou tactiques, notamment le champ de l’hybridité.
À cela s’ajoute la nécessité d’articuler ces nouveaux domaines de lutte avec notre dissuasion nucléaire et nos capacités expéditionnaires.
Permettez-moi de former le vœu que l’on ne perde jamais de vue, lors du débat parlementaire, notre modèle global de défense dans la discussion de nombreux détails techniques, sémantiques ou budgétaires, lesquels peuvent toujours avoir leur intérêt, mais ne doivent pas nous écarter de l’essentiel : c’est-à-dire l’exigence de cohérence et l’efficacité opérationnelle de notre modèle d’armée, qui reste, et doit rester, une armée d’emploi. C’est là l’enjeu, et c’est aussi l’héritage que nous avons reçu de nos anciens et que nous devons protéger et laisser aux générations futures.
Ce que nous avons souhaité faire primer dans ce projet de loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030, c’est notamment un impératif de cohérence, sur lequel je suis revenu longuement ici lors des travaux de la commission comme à l’Assemblée nationale, entre les livraisons capacitaires, les stocks de munitions ou de pièces détachées, le renforcement des soutiens, le maintien en condition opérationnelle et la formation – autant d’éléments qui accompagnent nos soldats sur le terrain.
Certains ont parfois le goût de la masse, de cibles capacitaires généreuses. La tentation d’acheter en grand nombre des équipements sans y intégrer leur vie opérationnelle est un piège dans lequel beaucoup de pays voisins sont hélas, et encore récemment, tombés. Nous avons nous-mêmes parfois privilégié dans le passé, pour des raisons d’affichage ou industrielles, un nombre d’hélicoptères livrés aux armées, alors qu’il aurait été préférable pour elles de fixer le nombre d’hélicoptères en capacité réelle de voler… Nous devons collectivement apprendre de nos erreurs passées, même si je note parfois chez les uns ou les autres une forme de facilité, en tout cas un refus d’obstacle intellectuel, à considérer cette question dans son ensemble.
Une loi de programme n’est pas qu’un tableau capacitaire. C’est un tout logique et efficace qui s’appuie d’abord sur le tableau des contrats opérationnels. La vraie transformation est à chercher dans ces contrats, ou missions, détaillés dans le rapport annexé : c’est notre capacité, demain, à concevoir et à dérouler des opérations – terre, air, mer, cyber, espace, monde informationnel, cohésion nationale – de manière combinée. Je remercie les parlementaires, notamment le président Cambon, qui ont pris le temps d’intégrer cette dimension nouvelle de transformation, visible en particulier avec l’exercice Orion, lequel nous a permis de faire œuvre de pédagogie à bien des égards.
C’est cela, je le crois, la véritable leçon de la guerre en Ukraine à tirer pour nous-mêmes. Si nous devons donner de la visibilité à notre base industrielle et technologique de défense (BITD), si nous devons la protéger et la promouvoir – nous y reviendrons –, la LPM doit être l’occasion pour le Parlement de se pencher sur l’effectivité opérationnelle. Cela a – hélas ! – été trop souvent négligé dans le passé et a pu placer nos forces en situation de vulnérabilité face aux menaces. En effet, précisément, et je sais que ce constat est partagé, nous ne tenons pas ces menaces pour illusoires.
Les choix pour notre modèle de défense nationale répondent à la volonté du Président de la République exprimée lors de sa première élection en 2017, mais aussi aux besoins exprimés par nos armées depuis lors, après un long travail d’introspection demandé aux états-majors et à la direction générale de l’armement (DGA). Cet exercice, assez inédit, n’a pas été sans difficulté et je tiens à remercier les chefs d’état-major, le directeur général de la sécurité extérieure, le secrétaire général pour l’administration et le délégué général pour l’armement de s’être livrés à cet exercice délicat. Tout cela a abouti au projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter, mesdames, messieurs les sénateurs, et sur lequel vous aurez à vous prononcer en responsabilité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Parlement a un rôle majeur à jouer dans les choix stratégiques qui assureront notre défense nationale au cours des sept prochaines années. Ce rôle a d’ailleurs été largement renforcé par l’Assemblée nationale en lien étroit et en amont avec votre rapporteur, ainsi que par des amendements adoptés par votre commission.
Ces dispositions, relativement inédites dans l’histoire de la Ve République, viendront renforcer le contrôle du Parlement sur l’exécution et l’actualisation de la programmation, notamment chaque année en amont de l’examen des projets de loi de finances, qui restent, on le sait, les véritables actes parlementaires pour engager concrètement les moyens.
Dans le respect des grands principes de la Ve République, il est évident que le moment dans lequel nous sommes doit être celui du Parlement. Depuis un an que je suis ministre des armées, à votre contact lors des nombreuses auditions auxquelles j’ai pu participer, ma conviction sur l’importance du rôle des deux chambres n’a cessé de croître. C’est pourquoi je ne proposerai pas de revenir sur les enrichissements de la copie que vous avez décidé d’intégrer en commission.
Je pense notamment aux nouvelles dispositions introduites pour densifier le bilan annuel de l’exécution de la LPM, que ce soit sur l’inflation, sur les stocks de munitions, sur les commandes capacitaires, sur la réalisation des objectifs de préparation opérationnelle ou sur les moyens pour parvenir à nos objectifs en matière d’accroissement des réserves.
Je pense aussi aux nouvelles dispositions qui permettront à la délégation parlementaire au renseignement (DPR) de mieux contrôler les politiques publiques de renseignement : c’est tout à l’honneur de Sénat que de montrer que la France est une grande démocratie. J’ai essayé, à ma manière et lors d’une récente audition devant la DPR, d’accorder plus de visibilité, en confiance et dans le respect du secret-défense, aux « politiques », mais aussi aux « sujets » de renseignement – nous avançons donc, je le crois, dans le bon sens.
Par ailleurs, comme je m’y suis engagé en commission, devant son président et les rapporteurs des différents programmes budgétaires, nous ferons preuve d’une plus grande transparence envers le Parlement, en communiquant aux présidents des commissions chargées de la défense des deux chambres la disponibilité technique des matériels, et ce dès le prochain exercice budgétaire. Je viens de l’écrire aux deux présidents : il s’agit là d’une avancée majeure et je me savais attendu sur le sujet. La communication de ces chiffres permettra de mieux suivre les efforts consentis par la Nation et illustrera l’équation subtile à trouver entre cohérence et masse.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les débats que nous nous apprêtons à avoir dans cet hémicycle seront sans doute moins un moment de vérité politique, au sens noble du terme, qu’ils le furent à l’Assemblée nationale où, au fond, on a assisté à un véritable choc : modèle contre modèle, chaque sensibilité ayant tenté de décliner les choix qu’elle proposait pour nos armées en fonction de son analyse de la situation du monde. Vous le savez, ce débat a eu lieu, pour la première fois, avec des sensibilités politiques qui ne sont pas représentées ici au Sénat – il n’est pas besoin de les citer.
Le débat a été sain, et il n’a rien eu de médiocre. L’adoption par scrutin public du texte à l’Assemblée nationale a été claire, mais ce vote n’occulte pas des visions du monde, donc de notre défense, qui sont irrémédiablement – je le crois – divergentes et peut-être même irréconciliables.
Néanmoins, le débat, avec ses 2 500 amendements et ses 90 heures d’examen, a contribué à renforcer le modèle français, car il a permis une nouvelle fois au plus grand nombre de s’approprier celui-ci. Il serait faux de soutenir qu’il y a toujours eu dans notre histoire un consensus sur tout – cela n’a jamais été le cas depuis 1960.
Je m’engage naturellement à la même disponibilité et ouverture d’esprit pour les débats au Sénat, qui permettront d’enrichir encore ce projet de loi.
Dans cet exercice, l’examen du texte par le Parlement depuis plusieurs mois, jusqu’à présent essentiellement à l’Assemblée nationale, m’a permis de tirer quelques premiers constats que je me partagerai ici, tant ils me semblent importants pour notre défense nationale, mais aussi pour le débat démocratique.
Certaines sensibilités politiques qui ne sont pas représentées ici me semblent tout d’abord avancer dans une forme de flou. Je ne veux pas dire qu’elles avancent masquées, en tout cas elles n’ont pas encore formalisé clairement leur schéma d’alliances, leur position sur la dissuasion nucléaire et in fine le modèle qu’elles souhaitent pour nos armées. Les deux semaines de débat à l’Assemblée nationale nous ont parfois permis, mais pas toujours, de mieux comprendre en quoi elles s’opposaient au modèle français actuel, sans qu’émerge pour autant une contre-proposition crédible militairement et encore moins budgétairement.
D’autres courants demeurent, quant à eux, fidèles à leurs positions historiques depuis la première loi de programmation militaire en 1960 – il faut reconnaître cette clarté et cette cohérence au parti communiste français. Il n’en demeure pas moins que le modèle d’armée proposé nous exposerait immédiatement à des risques imminents. Si je ne les partage pas, je tiens néanmoins à saluer les explications en séance du député Fabien Roussel sur la dissuasion nucléaire.
D’autres encore ne voudraient regarder ces débats que sous l’angle budgétaire, sans toujours en définir leur finalité militaire, bien que, directement ou indirectement, ils aient parfois réduit jadis les budgets de nos armées quand ils étaient aux responsabilités. Je n’y reviendrai pas, mais tenons cette approche comme un avertissement pour l’avenir : nos dépenses militaires doivent rester soutenables pour nos finances publiques et être connectées à nos besoins militaires d’abord et industriels ensuite – dans cet ordre, j’y insiste. C’est la condition de la performance opérationnelle dans la durée.
D’autres enfin estiment que nous dépensons trop, sans pour autant expliquer comment répondre aux menaces, à moins qu’ils ne croient pas en la réalité de celles-ci, ce qui me semble dangereux et naïf.
Quoi qu’il en soit, je respecte la position de chacun et je m’efforcerai de défendre ce projet de loi de programmation et les convictions dont il rend compte.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si des sujets créent le débat, je me réjouis que les discussions à l’Assemblée nationale et au sein de la Haute Assemblée dessinent des consensus fermes, d’abord sur quelques points précis du texte qu’il faut mentionner.
C’est notamment le cas du renforcement du lien entre la nation, ses armées et leur histoire, que nous réaffirmons à l’article 11, avec la pérennisation de l’activité de l’Ordre de la Libération.
C’est aussi le cas des efforts que nous proposons pour l’accompagnement de nos soldats et de leurs familles au travers de l’augmentation des moyens consacrés au plan Famille II : ils entraînent une forme de consensus, tout comme les objectifs de politique salariale qui renforcent la progression par les grilles indiciaires, notamment pour les militaires du rang et les premiers grades des sous-officiers, dès la fin de l’année 2023.
Enfin, l’importance de l’inscription des conséquences liées au réchauffement climatique dans les missions que nous confions à nos armées est partagée par tous. La programmation militaire actera donc que notre modèle d’armée devra intégrer dans ses missions les effets du changement climatique, tout comme l’effort de sobriété énergétique dans lequel il nous faut collectivement nous engager. Nous y reviendrons, mais cet aspect n’a rien de neutre, notamment pour nos différents territoires d’outre-mer dont je salue les représentants ici présents.
Il me semble que la convergence, à la lecture des travaux menés par la commission – et je remercie une nouvelle fois le président Cambon de leur qualité –, va bien au-delà des points que je viens d’énumérer. Nous pouvons collectivement tracer un constat : dans la majorité des groupes ici représentés, personne ne remet en cause le modèle d’armée prévu dans cette programmation qui s’inscrit dans une continuité historique.
La discussion doit maintenant nous permettre de nous accorder sur les voies et moyens, ce qui est une finalité tout autre que celle qui fut la mienne lors des débats à l’Assemblée nationale, afin d’atteindre les objectifs militaires que – je le crois – nous partageons majoritairement.
Je ne reviendrai pas en détail sur l’ensemble des sujets, l’examen du texte en séance publique nous permettant d’avoir des discussions approfondies. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé une cinquantaine d’amendements au nom du Gouvernement afin que nous puissions revenir en détail et débattre utilement sur les thématiques qui méritent une attention particulière.
Je souhaite maintenant revenir quelques instants sur les questions pour lesquelles les débats devront nous permettre de dégager des compromis et des accords.
Je veux d’abord aborder les sujets pour lesquels la version du texte telle qu’elle ressort des travaux de la commission est potentiellement incompatible avec le texte issu de l’Assemblée nationale.
J’espère que nos discussions en séance nous permettront de retravailler le texte pour répondre à la volonté du Sénat, tout en nous assurant de la cohérence, que vous souhaitez autant que moi, du texte final.
Commençons par évoquer l’éléphant dans la pièce : le sujet budgétaire, qui est naturellement structurant.
Avec ce texte, le Gouvernement avait l’ambition de proposer une trajectoire budgétaire au service d’une ambition militaire documentée et crédible, c’est-à-dire le fait de financer des capacités concrètes d’agir, en cohérence avec les menaces et la défense de nos intérêts. Évidemment, à cela s’ajoute notre pratique d’exécution à l’euro près – et même, à vrai dire, de surexécution sur la fin de période de la LPM actuelle, un sujet que j’ai déjà longuement évoqué – qui doit nous conduire à nous assurer de la soutenabilité de la trajectoire et de l’enveloppe globale pour nos finances publiques dans la durée.
J’entends dire que nous reportons l’essentiel de l’effort après l’élection présidentielle de 2027. Je rappelle qu’en 2017 le budget des armées était de 32,3 milliards d’euros ; qu’en 2023, vous avez voté, sur proposition du Gouvernement, un budget de 43,9 milliards d’euros ; qu’en 2027, à la fin du second quinquennat d’Emmanuel Macron, en l’état actuel du texte, le budget des armées sera de 56 milliards d’euros, soit une marche d’augmentation de 23,7 milliards par rapport à 2017 ; pour finalement aboutir à 68,9 milliards d’euros, ce qui aura permis de plus que doubler le budget de nos armées en deux LPM. C’est cela la réalité de l’effort consenti par la Nation pour ses armées, sous l’impulsion du chef de l’État.
Avec l’appui du chef d’état-major des armées, nous avons pris le parti de privilégier la cohérence sur la seule masse. C’est au fond l’exigence de regarder dans le rapport annexé autant le tableau des contrats opérationnels que celui des équipements capacitaires – le dernier n’étant au service que du premier, je le rappelle.
La même logique s’applique pour nos soutiens, comme le service de santé des armées ou le commissariat. Il en va de même pour notre politique d’innovation, qui nous permettra d’être au rendez-vous des sauts technologiques de demain : je pense notamment au spatial, au cyber, à l’intelligence artificielle, à l’application du quantique dans le domaine militaire et, bien sûr, monsieur le sénateur Perrin, aux drones.
Le Sénat propose, au-delà même de la seule trajectoire, une enveloppe globale financière différente – nous y reviendrons tout à l’heure, en abordant les détails techniques –, passant l’effort global de 413 milliards à 420 milliards d’euros. Comme je le disais, je suis ouvert au débat, et je tiens à le répéter solennellement ici, à la tribune. Je serai donc heureux que nous puissions avoir une discussion nourrie, précise et cohérente sur ces 7 milliards d’euros supplémentaires votés en commission. Mais j’y insiste : à ce stade de la rédaction du texte, je m’interroge sur la soutenabilité de cette mesure pour nos finances publiques.
Mesdames, messieurs les sénateurs, un autre point me tient à cœur, qui ne sera une découverte pour personne ici, puisque je l’évoque chaque fois que l’occasion m’en est donnée depuis plus d’un an. La LPM ne doit pas être un carcan qui contraint nos armées, et je sais que vous en conviendrez, puisque vous défendez, par ailleurs, plus de libertés pour nos collectivités locales.
Comparaison n’est pas raison, mais certaines modifications adoptées en commission apportent une forme de rigidité au texte, là où une loi de programmation militaire, au sens gaulliste du terme, doit non pas être une loi de prescription technique, mais au contraire prendre de la hauteur et assigner des objectifs stratégiques.
Ces prescriptions peuvent créer un cadre trop strict pour nos états-majors et surtout ne pas être adaptées à la réalité de la vie des armées. Or je leur fais personnellement toute confiance – et je ne doute pas un seul instant que vous aussi – pour réaliser les objectifs assignés. Je pense particulièrement à la trajectoire de montée en puissance des réserves ou à la chronique annuelle pour le maintien en condition opérationnelle (MCO) et pour l’innovation. De mon point de vue, ce n’est pas le rôle d’une LPM que de fixer ce niveau de détails.
Je proposerai donc, par voie d’amendement, que nous revenions à une épure plus traditionnelle de ce que doit être à mon sens une loi de programmation. Un certain nombre d’entre vous m’ont fait savoir que leurs propositions sont des amendements d’appel pour que le Gouvernement prenne des engagements. Je serai à votre disposition, mesdames, messieurs les sénateurs, pour nourrir les débats, et les amendements du Gouvernement me serviront aussi de support à cette fin.
Si je milite pour que le Parlement prenne une place plus importante en matière de défense, je souhaite comme corollaire que la loi reste crédible dans son exécution, et plus encore dans sa pratique quotidienne par le ministère.
Si nous devons retravailler certains points, je veux tout de même affirmer que le Gouvernement soutiendra de nombreuses mesures adoptées par le Sénat, qui à mon sens enrichissent profondément le texte et renforcent de manière bienvenue notre défense nationale et notre modèle d’armée.
C’est en premier lieu le cas de la mesure qui intègre les objectifs de la politique de défense dans la loi, dans le nouvel article 1er bis. C’est important de s’y référer, car c’est sur cela que l’on s’appuie en partie pour construire le reste.
Les mesures qui viennent sécuriser la trajectoire financière, comme les chroniques sur les recettes extrabudgétaires ou encore le mécanisme pour les carburants opérationnels que le Sénat souhaite renforcer, vont dans le bon sens, même si la copie initiale était, de mon point de vue, solide. Grâce aux amendements de la commission, les doutes sont complètement dissipés.
En ce qui concerne le service national universel (SNU), même s’il nous faudra renforcer la cohérence de la légistique sur l’ensemble du texte au fur et à mesure de l’examen des amendements, vous avez souhaité mettre au clair qu’il ne figurait pas dans la LPM : c’est ce que je dis depuis le début des discussions, je le partage donc complètement. Ces modifications sont bienvenues.
Je partage également la volonté des sénateurs, notamment du président Cambon, de développer des mécanismes pour mieux financer les entreprises, en particulier les PME, de notre BITD. Cette LPM ne clôture pas ce chantier, mais les réflexions permettront – j’en suis certain – de trouver des solutions adaptées pour ces entreprises qui font partie de notre modèle de défense. On ne peut pas balayer d’un revers de main ce sujet d’actualité. Je suis à votre disposition pour améliorer le texte.
Vous avez enfin tenu à développer le « patch » sur la souveraineté dans nos outre-mer, vous savez que c’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur, ainsi qu’au président du Sénat – nous avons échangé sur ce point encore récemment. J’ai pris la plupart des engagements oralement au gré des différents débats. Votre version enrichit le rapport annexé, elle est donc la bienvenue, j’y souscris là aussi pleinement. C’est un signal stratégique particulièrement fort qu’envoie le Sénat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour conclure, je pense sincèrement que nous sommes d’accord sur l’essentiel, c’est-à-dire sur ce qui est bon pour nos armées. Les débats que nous ne manquerons pas d’avoir ces prochains jours nous donneront l’occasion de combler les écarts entre nos positions – peut-être tout simplement en les explicitant, ce qui nous permettra de les comprendre –, écarts qui concernent non pas tant les objectifs que les voies et moyens pour y parvenir.
Si l’on considère que le principe de réalité s’applique à chacun, ce que je crois, je ne vois rien d’insurmontable et je sais que la qualité du travail de votre assemblée confirmera nos convictions communes et l’indispensable cohérence que nous devons préserver entre les objectifs que nous assignons à nos armées pour la protection de la Nation et les moyens que nous leur attribuons pour les sept prochaines années.
Nous le faisons pour nos soldats, en ayant une pensée pour les tués et les blessés. Nous le faisons aussi pour notre nation, car ce projet de loi de programmation militaire doit garantir notre sécurité en assurant, pour les sept prochaines années et plus longtemps encore, le succès des armes de la France. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « La défense ! C’est la première raison d’être de l’État ». Cette affirmation du général de Gaulle résonne gravement à la lueur des événements survenus ces derniers jours en Russie. En matière de géopolitique, en matière militaire, des basculements soudains, violents et imprévisibles se produisent chaque jour sous nos yeux.
Pourtant, il nous faut aujourd’hui sortir de l’actualité pour nous projeter dans le temps long. C’est le difficile exercice, tout à fait stimulant par ailleurs, auquel nous invite l’élaboration d’une loi de programmation militaire.
Une LPM, ce sont précisément les moyens que, collectivement, nous mettons à la disposition de nos soldats pour leur permettre d’atteindre cet objectif. Ce sont aussi des moyens pour prémunir nos militaires du danger auquel ils s’exposent pour nous en protéger. Face au péril, nous rendons hommage à leur courage, leur détermination et leur compétence qui n’ont jamais fait, et qui ne feront jamais, défaut à la nation. Au travers de cette LPM, c’est la Nation qui leur rend hommage et leur affirme son soutien.
Nos débats revêtent donc une importance singulière, et ce d’autant plus qu’ils interviennent dans un contexte de grand chamboulement.
Bien sûr, nous ne pouvons placer nos travaux sur ce texte fondamental sous le seul prisme de la guerre en Ukraine, car bien d’autres paramètres, actuels ou en devenir, doivent être pris en considération.
Reconnaissons tout de même que l’agression russe est un événement majeur, qui a tout changé, aussi bien les équilibres diplomatiques mondiaux que la donne stratégique de notre continent. Du reste, c’est précisément pour cela que le Président de la République a souhaité interrompre la programmation actuelle deux ans avant son terme pour en proposer une nouvelle.
Monsieur le ministre, il est important de rappeler ce contexte, car il permet de bien comprendre la démarche de notre commission. Le point de départ logique de toute LPM, c’est l’analyse des menaces. Or, si nous sommes réunis pour étudier ce projet de loi aujourd’hui et non en 2025, c’est parce que les menaces se sont accrues – hélas !
Dès lors, nous nous attendions à une accélération de l’effort de remontée en puissance des moyens de nos armées. Monsieur le ministre, vous le savez, ce sera là l’un des principaux points de débat entre le Gouvernement et le Sénat : en l’état, la trajectoire que vous nous proposez ne marque, selon nous, aucune différence avec celle qui a été prévue par la LPM actuelle. Ce n’est pas logique, car, si les menaces sont avérées, alors les besoins qui en découlent le sont tout autant.
Notre commission ne conteste pas l’effort louable du Gouvernement qui propose une enveloppe de 413 milliards d’euros répartis sur sept ans – je dirais même qu’elle le salue. Au total, si cette programmation va à son terme, notre effort de défense aura bien plus que doublé entre 2019 et 2030, ce dont je peux témoigner en tant que rapporteur du précédent et du présent projet de loi de programmation militaire.
Toutefois, notre commission, après avoir salué cet effort, a aussi identifié plusieurs sujets de préoccupation.
Tout d’abord, il s’agit bien entendu de la question de l’inflation. Vous avez évalué son impact à 30 milliards d’euros sur l’ensemble de la programmation. Quoiqu’elle soit considérable, cette estimation est sans doute assez optimiste.
Ensuite, il s’agit de la question des ressources extrabudgétaires. Comme vous le savez, notre commission s’est toujours opposée dans les LPM précédentes au recours à ce type de financement pour boucler les besoins de programmation.
Certes, une partie de ces recettes affectées sera très probablement au rendez-vous. Leur affectation nous semble donc logique et juste. Je pense par exemple aux ressources générées par l’activité du service de santé des armées, par les ventes de fréquences ou par les cessions immobilières.
En revanche, une seconde catégorie nous paraît beaucoup plus incertaine. Il s’agit des fameux 7 milliards d’euros que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a pudiquement qualifiés de ressources non documentées. Tout le problème est là, monsieur le ministre.
Contrairement à vos déclarations, le Sénat est une assemblée raisonnable et très attentive à l’équilibre des finances publiques. Aussi, nous n’entendons pas dépasser l’enveloppe des besoins de 413 milliards d’euros. Peut-être avez-vous changé votre méthodologie, mais nous, nous comptons bien suivre nos principes. Dans une volonté de clarté, la commission a simplement voulu sécuriser les crédits correspondant à l’objectif annoncé par le Président de la République à Mont-de-Marsan, soit 413 milliards d’euros, ce qui était absent de votre texte.
Naturellement, si des marges frictionnelles – des retards de livraison, par exemple – doivent être prises en considération, ces crédits ne seront pas dépensés. Concrètement, si un Airbus A400M commandé n’est pas livré, il ne sera pas payé ! Et vous pourrez en tirer les conséquences dans chaque projet de loi de finances à venir.
Dans les circonstances actuelles, le but est non pas de préparer la guerre en Ukraine – nous ne sommes pas belligérants –, mais d’anticiper au mieux les menaces de demain. Alors, ne perdons pas de temps !
Par le biais d’un cadencement des dépenses beaucoup plus ambitieux, renforçons immédiatement l’entraînement de nos armées, les soutiens qui sont indispensables à leur efficacité et la condition militaire, à un moment où la question de l’attractivité du métier des armes se pose de façon brûlante. Je rappelle que, sur les 1 500 postes ouverts au recrutement, seuls 700 ont été pourvus.
Les réponses de notre modèle d’armée sont encore trop marquées – hélas ! – par les dividendes de la paix : une masse et des stocks insuffisants, des réductions temporaires de capacités, des niveaux d’entraînement insatisfaisants au regard des objectifs. Ainsi, selon le bleu budgétaire annexé à la loi de finances pour 2023, les pilotes de Rafale devraient accomplir 147 heures de vol d’entraînement par an, alors que l’objectif minimum est de 220 heures selon les normes édictées par l’Otan.
La valeur, l’engagement et le professionnalisme de nos armées sont largement reconnus par nos alliés, et même par nos adversaires. Toutefois, ils ne peuvent compenser les effets de vingt-cinq ans d’éreintement, conséquence des dividendes de la paix. À la suite des opérations menées en Afghanistan, en Libye, dans la bande sahélo-saharienne, nos références ont été recentrées sur un modèle de conflit asymétrique, dans le cadre de la projection de nos forces.
Pour autant, un autre type de conflit est revenu au premier plan à la suite de l’invasion de l’Ukraine : la guerre de haute intensité.
C’est pourquoi, à l’annonce d’un nouveau projet de LPM, notre commission a voulu fonder ses choix sur une analyse rétrospective de ces dernières années, ce qui ne revient pas simplement à regarder dans le rétroviseur, monsieur le ministre…
Nous avons ainsi lancé sept rapports préparatoires : un retour d’expérience de l’opération Barkhane et de la guerre contre le terrorisme, un autre relatif à la guerre d’Ukraine, dont je souligne de nouveau qu’elle doit nous éclairer sans nous aveugler, et cinq rapports thématiques correspondant à chaque programme budgétaire intéressant nos armées.
À l’issue de cet important travail préparatoire, nous tirons principalement deux conclusions, que le texte adopté par la commission traduit concrètement.
D’une part, nous devons mobiliser plus rapidement les crédits prévus sur l’ensemble de la programmation. Ce cadencement révisé de nos efforts doit notamment permettre de mieux financer, dès l’année prochaine, tout ce qui conditionne le niveau d’activité de nos forces, qu’il s’agisse de leur entraînement à proprement parler, de l’entretien du matériel, des stocks ou encore des capacités du service de santé des armées. En additionnant les heures d’utilisation des chars Leclerc par les quatre régiments qui les possèdent, on s’aperçoit qu’ils ne sont employés qu’à la moitié de leurs capacités.
Parallèlement, dans une moindre mesure, nous pourrions améliorer très rapidement les étalements de quelques programmes capacitaires. Je pense, pour l’armée de terre, au programme Scorpion, dont le déploiement est freiné, alors qu’il constitue l’une des priorités de la LPM actuelle. Je pense également au programme relatif aux patrouilleurs hauturiers, afin de redonner un peu d’air à notre marine, ou au programme de l’A400M, afin d’accroître les chances de maintenir la chaîne de production et de ne pas compromettre ce produit qui tient maintenant toutes ses promesses.
D’autre part, nous devons renforcer les moyens de contrôle du Parlement. Monsieur le ministre, je le redis devant vous : le Sénat n’entend pas se substituer à l’exécutif ni empiéter sur ses prérogatives. En revanche, nous sommes absolument convaincus qu’il est impossible de demander aux Français de consentir dans la durée un tel effort budgétaire sans leur garantir en même temps que le Parlement exécutera pleinement la mission de contrôle que la Constitution lui confie. Pour le dire franchement, l’actualisation ratée de 2021 a laissé ici un souvenir amer.
Notre commission a donc adopté un certain nombre de modifications qui, dans leur esprit, sont en cohérence avec plusieurs des ajouts proposés par nos collègues de l’Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, il s’agit de sujets sur lesquels notre commission travaille depuis de nombreuses années. Nos propositions dans ce domaine nous paraissent à la fois raisonnables et, plus que jamais, opportunes.
En conclusion, et avant d’ouvrir nos débats, je souhaite remercier tous nos collègues qui ont participé à la préparation de ce texte si important. Je salue, en premier lieu, les onze commissaires qui m’ont assisté dans la préparation du rapport. Je remercie, en second lieu, les rapporteurs pour avis de la commission des lois, M. François-Noël Buffet, et de la commission des finances, M. Dominique de Legge, qui ont enrichi le texte de leurs apports. Je suis reconnaissant, en troisième lieu, envers tous mes collègues qui ont déposé des amendements, qui illustrent l’importance de ce texte pour notre pays. J’ai veillé à ce que chaque groupe puisse contribuer à la rédaction de ce texte.
Monsieur le ministre, le Sénat, plein de bonne volonté, souhaite aboutir sur ce texte. Nous comptons sur votre écoute – vous avez fait preuve d’ouverture sur certains sujets, voilà quelques instants. Vous pourrez compter sur notre mobilisation et, surtout, sur notre ambition pour nos armées ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, RDSE et SER.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cinq minutes pour 400 milliards d’euros : difficile d’émettre un avis circonstancié ! (Sourires.) Aussi, je me bornerai à vous soumettre trois considérations.
La première considération porte sur le contexte économique général. Monsieur le ministre, vous aimez citer le général de Gaulle, dont les décisions et actions ont été guidées par le souci de l’indépendance et de la souveraineté de la France, auxquelles l’armée et la dissuasion nucléaire contribuent au premier rang.
Hélas, cela ne suffit pas ! Que signifient la souveraineté et l’indépendance d’un pays qui consacre plus d’argent à la charge de sa dette qu’à sa défense ? Cette charge sera supérieure de près de 10 milliards d’euros au budget de la défense en 2025, soit le coût d’un porte-avions !
Que signifient la souveraineté et l’indépendance d’un pays dont le déficit du commerce extérieur est trois fois supérieur au montant du budget des armées ? Du reste, une partie de ce déficit est liée aux approvisionnements alimentaires et énergétiques, voire aux matières premières indispensables à notre industrie de défense !
Je vous concède bien volontiers que la trajectoire budgétaire de la LPM en vigueur a été respectée. Pour autant, le projet que vous nous soumettez, dans un contexte où les textes programmatiques se multiplient, entre en concurrence avec les lois de programmation des ministères de l’intérieur, de la recherche et de la justice et avec tant d’autres projets annoncés, qu’il s’agisse de transition énergétique, d’accès aux soins ou d’éducation. Or l’objectif demeure la réduction à 3 % du déficit public en 2027. C’est une gageure, comme l’a démontré le Haut Conseil des finances publiques. Lorsque tout devient prioritaire, il est urgent de faire des choix !
La deuxième considération porte sur la crédibilité financière.
Rien ne vous obligeait à déposer un nouveau projet de LPM dès cette année ni à recourir à la procédure accélérée, puisque l’actuelle loi court jusqu’en 2025. Sans contester la nécessité de l’ajuster pour mieux intégrer le maintien en condition opérationnelle, qui conditionne la disponibilité effective de nos armements, et la montée en puissance du cyber, j’observe que l’ambition capacitaire de 2030 est reportée à 2035, sur fond de retour de la guerre sur le sol européen.
Encore plus problématique est la trajectoire proposée, puisque le Président de la République, qui vantera les mérites de cette programmation dès le 14 juillet prochain, n’est pas celui qui aura à trouver les milliards annoncés à compter de 2028. Laisser à d’autres le soin de financer dans cinq ans les décisions prises aujourd’hui n’est acceptable ni politiquement ni démocratiquement.
Et c’est sans compter qu’une telle trajectoire des crédits serait en contradiction avec le concept d’« économie de guerre », que vous avez introduit dans ce projet de LPM avec la définition suivante : produire plus, plus vite et moins cher. À la fin des fins, on risque de produire moins, moins vite et plus cher. La montée en puissance doit donc débuter dès cette législature.
Par ailleurs, on peut s’interroger sur les fameuses marges frictionnelles, qui consistent à anticiper des retards de livraison ou de paiement. Les reports de charges devraient approcher les 5 milliards d’euros en 2023, auxquels il faudrait ajouter les 6,2 milliards d’euros que vous projetez pour la période 2024-2030. Au total, il manquerait donc 11 milliards d’euros, soit 20 % d’une année de fonctionnement ou encore un porte-avions !
De notre point de vue, dès lors qu’un besoin financier estimé à 413 milliards d’euros est inscrit dans un projet de loi de programmation, il doit être intégralement couvert par des crédits budgétaires, exception faite de recettes extrabudgétaires dûment documentées. C’est pourquoi nous proposons de porter a minima l’enveloppe de crédits budgétaires à 407,4 milliards d’euros sur la période.
À défaut de garanties sur la révision de la trajectoire pour la rendre plus linéaire sur la période et sur la réévaluation plus réaliste du besoin de financement, nous considérons que la crédibilité et la sincérité de ce texte ne sont pas acquises.
La troisième considération porte sur la méthode.
Monsieur le ministre, vous êtes en quelque sorte la victime de la manière dont le Gouvernement a traité le Parlement tout au long de l’actuelle LPM et singulièrement de son refus d’appliquer l’article 7 de ce texte, selon lequel la programmation devrait faire l’objet d’actualisations.
Nous vous avons cru dans un autre état d’esprit, jusqu’aux propos que vous avez récemment tenus, et nous nous en réjouissions. Échaudés, nous souhaitons avoir des garanties. C’est le sens de nombre d’amendements, qui visent non pas à modifier le rôle du Parlement, mais tout simplement à ce que celui-ci dispose des informations indispensables pour lui permettre de remplir sa mission.
La situation géopolitique, économique et sociale, voire intérieure, requiert plus que jamais lucidité et courage. Tout au long de la discussion, nous serons guidés par deux objectifs : adopter un texte de vérité plutôt que d’affichage ; prendre toutes nos responsabilités constitutionnelles de parlementaires, c’est-à-dire voter et contrôler.
C’est le sens des amendements de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, dont je salue le travail de qualité. C’est également le sens des amendements et des précisions que nous lui avons proposés et qu’elle a bien voulu retenir. Sous réserve de leur adoption, la commission des finances émet un avis favorable à ce projet de LPM. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des lois s’est saisie des dispositions du texte relatives au renseignement, à la sécurité des systèmes d’information et à la protection contre les drones malveillants.
Tout d’abord, nous devons nous féliciter que les trois services de renseignement relevant du ministre des armées – la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) et la direction du renseignement militaire (DRM) – voient leurs effectifs augmenter et leurs investissements immobiliers et opérationnels être financés. Tel est l’objet premier d’un projet de loi de programmation.
Les dispositions prévues dans le texte du Gouvernement s’inscrivent dans le prolongement des textes antérieurs. La commission des lois les a approuvées, sous réserve de précisions.
Le projet de loi ne comportait aucune disposition visant à renforcer le contrôle des services de renseignement. Or l’équilibre entre l’extension des pouvoirs des services et les instruments de leur contrôle est essentiel pour garantir la conformité de notre régime aux exigences constitutionnelles en matière de protection des libertés et à la jurisprudence européenne.
La commission des lois, tout comme la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et les sénateurs membres de la DPR, a souhaité que l’information de celle-ci et le contrôle exercé par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) soient renforcés.
Il s’agit de garantir que, lorsque des sujets d’actualité concernant une action des services de renseignement sont révélés par la presse et admis par le Gouvernement, ils puissent faire l’objet d’un suivi par la DPR. Ce point a donné lieu l’année dernière à une divergence d’interprétation entre la DPR et le Gouvernement, mais, depuis, il a fait l’objet d’un arbitrage au plus haut niveau de l’État – nous souhaitons le consacrer dans la loi.
Les ajouts apportés au texte par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées permettent également de renforcer les liens entre la DPR et la CNCTR, en prévoyant la présentation à la délégation d’un bilan annuel des recommandations de la commission, ainsi que son information sur les saisines du procureur de la République dans le cadre du dispositif de lanceur d’alerte.
Enfin, le dernier amendement, devenu l’article 22 quater, tend à permettre l’accès immédiat de la CNCTR aux éléments collectés par les services de renseignement lors de la mise en œuvre des techniques les plus intrusives, dont nous ne contestons pas la légitimité. Je note que le Gouvernement souhaite la suppression de cet article pour des raisons de principe et de calendrier.
En ce qui concerne les principes, il est important que le développement des techniques les plus intrusives s’accompagne d’une amélioration des moyens du contrôle, ce que nous souhaitons assurer par cet article.
En ce qui concerne le calendrier, il est bien sûr nécessaire de prendre en compte les contraintes opérationnelles. Nous pourrons donc y revenir une fois les principes posés. Il n’est pas question de mettre en difficulté nos services – ce serait bien sûr inacceptable –, d’autant plus que nous partageons avec vous les mêmes objectifs en la matière, monsieur le ministre.
Dans la même logique, afin d’éviter l’émiettement du contrôle, nous avons souhaité que la CNCTR puisse donner un avis avant l’adoption des décrets renforçant les pouvoirs de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi). Je rappelle que l’Anssi n’est pas un service de renseignement, même si ses liens avec eux sont étroits et que la nature de son intervention nécessite un regard informé par leur pratique.
Je terminerai par un mot sur le régime encadrant les échanges d’information entre les services de renseignement français et étrangers. Il s’agit d’un sujet extrêmement sensible, qui va peser sur le cadre légal du renseignement. Aussi, je n’ai pas souhaité qu’il soit intégré dans le texte par voie d’amendement. En revanche, cette situation devra être réglée rapidement. Pour ce faire, la délégation parlementaire au renseignement reste le lieu d’échanges le plus opportun.
En ce qui concerne la sécurité des systèmes d’information, les articles 32 à 35 tendent à renforcer la capacité de l’Anssi à détecter, à identifier et à prévenir les attaques informatiques visant les systèmes d’information des autorités publiques, des opérateurs stratégiques ou de leurs sous-traitants. Ces dispositions vont dans le sens d’une meilleure défense de la France. Aussi y sommes-nous favorables, sous réserve de quelques précisions.
En ce qui concerne le régime de lutte contre les drones malveillants, l’article 27 du projet de loi vise à doter les services de l’État des moyens pour parer sans délai à une menace imminente. Il a paru nécessaire à notre commission de renforcer les garanties en matière de protection du droit de propriété et de liberté d’informer : un amendement a été adopté en ce sens en commission.
Sous réserve des amendements qu’elle a soumis et qui ont été adoptés par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, la commission des lois a considéré que le projet de loi comportait des mesures utiles pour les services de renseignement et pour la sécurité des systèmes d’information. Notre commission a donc émis un avis favorable à l’adoption de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes RDPI, RDSE et SER.)
M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, d’une motion n° 37 rectifiée.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024-2030 (n° 740, 2022-2023).
La parole est à M. Pierre Laurent, pour la motion.
M. Pierre Laurent. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au travers de cette question préalable, le groupe CRCE souhaite poser à la Haute Assemblée une question simple : est-il vraiment sérieux de débattre dans ces conditions d’un projet de loi de programmation militaire d’un montant exceptionnel de 413 milliards d’euros ?
Son ampleur, le tournant stratégique qu’il opère, son poids énorme en comparaison de tous les autres budgets de la Nation pour le climat, la réindustrialisation, le logement, la santé, l’éducation, tout appelait à ce qu’il fasse l’objet d’un large débat avec la nation. Le terme initial de l’actuelle LPM, 2025, le permettait.
Monsieur le ministre, le 22 mai dernier, à l’Assemblée nationale, vous avez vous-même déclaré que ce projet de LPM était « un défi aussi important que celui qu’ont dû relever les gaullistes dans les années 1960 ». C’est vrai, mais il y a une différence de taille : le général de Gaulle faisait alors le choix de construire l’indépendance de notre défense, tandis que vous faites aujourd’hui celui de l’« otanisation » et celui de la guerre.
Le débat démocratique à propos de vos choix n’en était donc que plus impérieux, mais vous en avez décidé autrement. Le Président de la République a confisqué l’évaluation stratégique, préalable nécessaire à tout projet de LPM. Il l’a réduite à l’écriture, en cercle restreint, d’une revue nationale stratégique.
Jusqu’à présent, sous la Ve République, les grands tournants de la stratégie militaire française avaient pourtant tous été pris à la suite de la publication de Livres blancs.
Je ne vous apprendrai pas que les communistes, constants et cohérents, attachés à une défense nationale indépendante, ont souvent fait valoir des désaccords absolus avec les orientations de ces Livres blancs. Ces documents avaient toutefois au moins le mérite de permettre un débat stratégique d’ampleur, animé par une commission dédiée, associant pendant une année entière la représentation parlementaire, les grandes administrations de l’État et les hiérarchies militaires.
Aujourd’hui, plus rien, si ce n’est une consultation confinant à la parodie, avec un questionnaire remis aux commissions parlementaires douze jours avant le discours de Mont-de-Marsan ! Voilà la tare originelle de ce projet de LPM. Il porte la marque d’un grave défaut de conception démocratique.
Dans le cadre de l’examen de cette motion tendant à opposer la question préalable, je m’en tiendrai à trois critiques majeures.
Je veux tenter de vous convaincre, mes chers collègues, de la nécessité de reprendre le débat sur de nouvelles bases, car une autre politique de défense est possible pour notre pays. Ce projet de LPM nous éloigne des objectifs de défense de la nation, au profit du choix de la guerre, en l’occurrence la guerre projetée hors de nos frontières.
« Avoir une guerre d’avance », tel est votre nouveau mantra. Derrière le panache apparent de cette formule se cache un profond défaitisme, un choix dangereux pour la sécurité collective. C’est nous dire que la paix n’est plus une option et qu’il faut prendre place dans la grande dérive militariste mondiale.
C’est oublier toutes les leçons du XXe siècle. La militarisation et le surarmement, singulièrement en Europe, ont toujours préparé la guerre et bien pire encore – jamais la paix !
C’est oublier toutes les leçons des trente dernières années. Après la chute du mur, le monde n’a pas été en paix. L’Occident a usé de sa puissance pour multiplier les guerres : dans le Golfe, en ex-Yougoslavie, en Afghanistan, en Irak, en Libye, au Sahel… Pour quels résultats ? Le chaos, l’insécurité, la déstabilisation durable des États et la militarisation des sociétés – jamais la paix !
C’est oublier que la guerre affame les peuples et nourrit les fauteurs de guerre. Dans ce chaos prolifèrent monstres et entrepreneurs de violence – terroristes, milices et sociétés paramilitaires privées –, trafics de drogue et d’armes, traite des êtres humains, nationalismes guerriers et impérialismes régionaux, extrêmes droites et radicalismes religieux… Le surarmement nourrit la guerre ; il ne la désarme jamais !
Les arsenaux nucléaires prolifèrent à nouveau. Le réarmement naval est à un niveau inédit depuis 1945. Les budgets militaires explosent, en Europe comme au Moyen-Orient et en Asie.
Face à la Chine, les États-Unis veulent entraîner tous leurs alliés dans un dangereux continuum compétition économique-guerre militaire. La Russie s’enfonce dans une guerre en Ukraine aux coûts humain, économique et militaire astronomiques, aux conséquences imprévisibles pour l’Europe et pour elle-même, comme vient de le révéler l’incroyable épisode de la rébellion Wagner.
Quand allons-nous nous réveiller ? Quand allons-nous cesser cette insupportable banalisation de la guerre ? Pour notre part, nous appelons toutes les consciences libres à s’insurger contre cette folie, car d’autres chemins sont possibles pour le monde.
Vous allez me rétorquer que nous sommes naïfs, que la menace est partout, que la guerre en Ukraine désigne l’ennemi et qu’il faut bien riposter, se réarmer dans tous les domaines.
Oui, le monde a en effet changé. Oui, les menaces sont nombreuses. Mais vous vous trompez sur le diagnostic de ces bouleversements et sur les moyens de conjurer les menaces. Vous vous trompez d’époque ! La guerre de Poutine en Ukraine est non pas le symptôme du retour des blocs d’hier, mais un signe de plus de la décivilisation du monde qu’entraînent la militarisation des relations internationales et l’affrontement de plus en plus violent des logiques de puissance.
Le chaos mondial est paradoxalement le résultat d’un monde plus interdépendant, mais pourtant toujours plus inégal. Pour relever les grands défis mondiaux, tout appelle le partage, mais les plus riches le refusent. La loi du plus fort et la puissance militaire ne régleront plus les problèmes, bien au contraire.
Faut-il alors suivre les États-Unis, ou tout autre d’ailleurs, dans l’escalade militaire ? Faut-il les suivre quand ils cherchent à déstabiliser toute puissance émergente pour maintenir coûte que coûte leur leadership planétaire ? Est-ce la voie que la France doit suivre ?
Je ne le crois pas, et c’est la deuxième conviction que je veux partager avec vous. La stratégie d’alignement derrière les États-Unis et le bloc occidental que poursuit de facto ce projet de LPM est dangereuse pour notre pays, pour l’Europe et pour la paix mondiale.
Les paradoxes apparents du projet de LPM, soulignés au cours des débats de la commission des affaires étrangères du Sénat, n’en sont pas ! Dans tous les domaines – dissuasion nucléaire, porte-avions, espace, fonds marins –, les dispositions de cette programmation courent après la sophistication militaire, au risque d’en perdre notre boussole et la mesure de nos moyens réels.
Et tout cela au titre de la perspective d’une guerre de haute intensité, uniquement entendue comme la capacité de projection de nos armées dans des opérations militaires de l’Otan hors de nos frontières. L’intégralité du vocabulaire du concept stratégique de l’Otan, révisé à Madrid, est recyclée dans ce projet de LPM.
L’« otanisation » complète de l’Europe est en cours. Elle met à bas toute velléité d’autonomie stratégique européenne. Elle finance en premier lieu les industries américaines de l’armement.
Le bloc atlantiste n’offre qu’une cohérence de façade. Il est incapable d’enrayer les velléités bellicistes et expansionnistes de certains de ses membres. La Turquie d’Erdogan, à l’opportunisme géopolitique décomplexé, en est l’exemple le plus criant. Et que dire de nos alliés des monarchies du Golfe ? Que dire, en Europe même, de la Hongrie, de la Pologne, de l’Italie, où s’accroît le poids des partis d’extrême droite racistes et militaristes ?
Pour notre part, nous vous proposons de remettre le projet de LPM en chantier, car ses dispositions se trompent de cible sur le monde à construire. Vous sautez comme des cabris en disant « La guerre, la guerre, la guerre ! », mais vous ne voyez pas le nouveau monde qui s’avance.
Quand accepterez-vous d’entendre qu’une majorité de peuples du monde ne veulent plus avoir à s’affilier à telle ou telle superpuissance ? Les peuples aspirent à maîtriser leur destin, à disposer d’une souveraineté pleine et entière, à décider librement de leurs alliances et coopérations. Vous restez accrochés à vos vieux schémas : hors de l’Otan, vous ne voyez que la main de Moscou ou de Pékin, alors que tant de pays cherchent en fait de nouveaux partenariats, plus équilibrés.
Comment pouvez-vous ignorer que les insécurités sanitaire, alimentaire, énergétique et climatique, ainsi que l’absence de partage réel de la gouvernance politique de la mondialisation sont au cœur de tous les conflits et, par conséquent, à la racine de toutes les guerres ?
Entendez le constat lucide du secrétaire général des Nations unies : « Si nous ne nourrissons pas les gens, nous nourrissons les conflits. »
Vous persistez ad nauseam à recourir à des mécanismes qui ont échoué à construire la paix. Vingt ans de « guerre au terrorisme » s’achèvent par le départ des troupes américaines d’Afghanistan. En proie à la famine, ce pays, sous domination des talibans, est devenu un narco-État pour financer la guerre. Dix ans de Barkhane au Sahel n’ont ni éteint le djihadisme ni permis le développement de la région.
Il est temps de changer de paradigme. L’agenda pour la paix et la sécurité collective, c’est la construction d’une sécurité humaine globale, répondant aux besoins vitaux des populations, leur permettant de cohabiter en paix, dans la durée et autour de perspectives de développement !
La France dispose encore d’une voix écoutée dans le monde. Utilisons-la pour relancer tous les processus multilatéraux de désarmement, tant pour le conventionnel que pour le nucléaire ! Utilisons-la pour clamer le droit à la paix, ce mot que certains voudraient aujourd’hui tabou !
Jamais nous ne nous rallierons à cette affirmation absurde selon laquelle est désormais dépassé le temps des « dividendes de la paix ». Non seulement la paix n’a pas de prix, mais elle est et restera le seul horizon raisonnable pour l’humanité.
C’est pourquoi, constants et cohérents, nous serons animés, tout au long des débats, par une double conviction : garantir à notre pays une défense souveraine et solide et agir pour que grandissent partout des coalitions de la paix. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. Christian Cambon, rapporteur. Il me semble utile de resituer dans son contexte cette motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de programmation militaire.
Il y a un an, à la fin du printemps 2022, le Président de la République a estimé que l’agression de l’Ukraine par la Russie était un événement d’une ampleur géopolitique telle qu’elle imposait d’arrêter prématurément la LPM 2019-2025 pour adopter une nouvelle programmation militaire.
Chacun pourra penser ce qu’il veut de cette décision. Certains disaient : puisque la LPM précédente prévoit déjà des marches d’augmentation des crédits de 3 milliards d’euros, allons au bout de ce texte et nous ferons une nouvelle LPM en 2025, lorsque nous aurons une vision plus claire de la situation nouvelle.
Le projet de loi a été déposé, après une revue stratégique qui n’a convaincu ni par sa méthode, ni par ses groupes de travail préparatoires aux contours mal définis, ni par son calendrier, jugé précipité et trop resserré pour permettre un travail approfondi.
Cette revue n’a pas non plus convaincu par ses conclusions succinctes, qui n’abordent pas la question fondamentale : quel modèle d’armée voulons-nous pour les années qui viennent ? Ou, pour dire les choses en termes plus politiques et moins militaires, quelle est notre ambition pour la France dans un monde de plus en plus instable et dangereux et quels moyens dégageons-nous ?
Ces constats amènent le groupe CRCE à déposer une motion tendant à opposer la question préalable. La commission appelle le Sénat à ne pas la voter, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, nos concitoyens s’attendent légitimement, alors que la guerre frappe de nouveau le sol européen, à ce que nous débattions sereinement des moyens mis à la disposition de nos forces armées.
Ensuite, nos armées attendent des adaptations nécessaires pour se préparer à la haute intensité et à l’hypothèse d’engagements majeurs.
Nos industriels ont besoin de la visibilité requise par l’émergence de la notion d’économie de guerre, introduite par le projet de loi.
Enfin, nos alliés et partenaires, mais aussi nos compétiteurs et nos adversaires, sont attentifs aux signaux que nous enverrons, en examinant ce projet de loi. Le premier signal sera celui d’un Parlement investi. Ce fut le cas à l’Assemblée nationale, cela le sera aussi au Sénat.
Je crois que nous pouvons raisonnablement dire que nous n’aurons jamais autant préparé, et aussi en amont, une LPM ! Tout en désapprouvant la méthode proposée par le Gouvernement, le bureau de la commission a choisi de lancer des travaux en vue de publier pas moins de sept rapports : la guerre en Ukraine ; Barkhane et la lutte contre le terrorisme ; chacun des cinq programmes budgétaires de la mission « Défense ». Je voudrais ici rendre hommage à toutes nos collègues qui ont enrichi la réflexion de la commission par ces rapports riches et fouillés.
En tant que président de la commission, je suis fier des conditions dans lesquelles a été mené ce travail colossal. Je suis tout aussi fier de la manière dont ces travaux se sont déroulés, faite du respect de chacun et d’un esprit républicain qui a associé tous les groupes politiques. Je pense que cet esprit de responsabilité et ce consensus républicain autour d’un socle de valeurs partagées, au-delà de nos sensibilités politiques sont la marque de fabrique du Sénat et contribuent à son rayonnement.
Nous sommes donc prêts, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a entamé le travail d’examen du projet de LPM le 14 juin dernier. Deux commissions, celle des lois et celle des finances, se sont saisies pour avis.
Nous avons adopté 171 amendements pour établir le texte de la commission, notamment 11 amendements du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
C’est donc un texte déjà largement amélioré par les commissions et les groupes politiques dont nous allons débattre. Nos armées l’attendent, car elles en ont besoin. Ne différons pas le débat et le travail parlementaire sur ce texte essentiel, dans un contexte géopolitique si différent de ce qu’il était en 2018, lorsque nous avons adopté la précédente LPM.
Je demande donc le rejet de cette question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP. – M. Jean-Noël Guérini applaudit également.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Le Gouvernement est bien évidemment défavorable à cette motion, dont l’adoption aurait pour effet d’empêcher tout débat.
Si j’en crois ce qui a été dit à de nombreuses reprises en commission, à l’Assemblée nationale ou dans la presse, la démocratie représentative a besoin de s’emparer du sujet de notre modèle de sécurité collective.
Nos désaccords sur la dissuasion nucléaire, nos alliances, les coopérations industrielles ou le modèle économique de nos industries feront justement l’objet du débat, monsieur Laurent.
Adopter cette question préalable, c’est tout simplement mettre au classeur cylindrique – pardonnez-moi cette expression – ce projet de loi de programmation militaire. Malheureusement, nous ne pourrons pas opposer une question préalable aux menaces actuelles pesant sur la nation française !
Nous sommes confrontés à une accélération stratégique, qui remet parfois au goût du jour, malheureusement, les problèmes sécuritaires que nous connaissions au temps de la guerre froide ou les questions liées à la prolifération nucléaire.
Certaines menaces se déploient sous nos yeux et ne sont pas suffisamment évoquées. Je le répète, je remercie les sénateurs du groupe socialiste d’avoir demandé un débat sur l’Afrique, la question du terrorisme devant continuer de nous mobiliser. Nous devrons apporter des réponses à ce problème.
Par ailleurs, nous sommes confrontés à des sauts technologiques, qui s’imposent à nous. Je pense notamment à la militarisation du cyber : on ne peut pas, d’un côté, déplorer les cyberattaques menées contre différents hôpitaux français – il s’agit là de cybercriminalité – et, d’un autre côté, ne pas voir que, demain, le cyber sera évidemment utilisé en matière militaire.
On ne peut pas non plus ne pas voir la militarisation de l’espace, que l’on peut regretter sur le terrain des valeurs, mais qui s’imposera à nous, y compris pour l’ensemble de nos infrastructures civiles. Je pense également à la question des fonds sous-marins ou à la guerre des mines.
Ces sujets n’ont pas fait l’objet de longs débats dans cet hémicycle en 2018. Les technologies nous ont rattrapés, ce qui explique pourquoi nous examinons ce texte avant le terme de la loi de programmation militaire actuelle. En effet, au-delà de la guerre en Ukraine, un certain nombre d’éléments nous conduisent à solliciter de nouveau la représentation nationale.
Il ne s’agit pas uniquement d’une trajectoire budgétaire ou d’aspects normatifs. Il s’agit de soumettre des orientations politiques nouvelles, pivots, en quelque sorte, de notre modèle d’armée.
En outre, ce texte comprend des mesures que l’on peut qualifier de sociales, en particulier la revalorisation des grilles indiciaires et indemnitaires. Je vois mal comment le Gouvernement aurait pu les insérer en loi de finances, sans passer par une mise à jour a minima de la programmation militaire.
Nous souhaitons donc conduire un débat dans le cadre duquel nous pourrons examiner l’ensemble des amendements, y compris ceux du groupe CRCE. Cela permettra de mieux redessiner nos modèles de sécurité ; nous n’aurons peut-être pas la même perspective, monsieur Laurent, mais nos échanges permettront de nourrir les réflexions de chacun.
Je remercie M. le rapporteur d’avoir dit que jamais une programmation militaire n’avait été autant préparée. Certes, cela ne s’est pas fait comme d’habitude. Au moins, les contributions ont été foisonnantes et les rapports parlementaires ont tous été intégrés dans la réflexion globale.
Pour ma part, je saurai défendre les choix militaires qui ont été retenus dans ce texte, sur proposition des états-majors au Président de la République.
Je vous demande donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de rejeter cette question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye, pour explication de vote.
M. Ludovic Haye. Le groupe RDPI voudrait mettre en exergue un certain nombre d’éléments justifiant son opposition à cette motion.
Alors qu’une immaturité du texte a été mise en avant, je veux rappeler que celui-ci a été élaboré sous l’autorité du Président de la République, chef des armées, dans la concertation et en étroite relation avec les militaires, la direction générale de l’armement et les directions de nombreux ministères en raison de sa transversalité.
Il a aussi été préparé très en amont – je tiens ici à saluer votre démarche, monsieur le ministre – avec les deux chambres du Parlement et, plus généralement, les acteurs du monde de la défense.
Ce texte tend aussi à répondre à un enjeu fort de sécurité et de souveraineté. Nous avons la conviction que les menaces pesant sur la Nation n’ont jamais été aussi protéiformes. Elles placent la France face à des défis majeurs l’obligeant à anticiper et à prévoir.
Ce projet de loi de programmation militaire nous oblige à bien des égards. Personnellement, je retiendrai deux points qu’il me semble particulièrement important de souligner.
Tout d’abord, cette loi de programmation militaire se mettra en place de manière cohérente pour un certain nombre d’années. La programmation est « le geste stratégique par excellence », indiquait dernièrement le Président de la République à Mont-de-Marsan. Je crois qu’aucune politique sérieuse ne peut se passer de vision à long terme. Il faut voir loin, et les enjeux et défis d’aujourd’hui justifient amplement les efforts qu’il nous faut mener demain.
Ensuite, ce texte nous oblige au regard des sommes engagées : 413 milliards d’euros – ce n’est pas rien ! Et si ce montant peut parfois être critiqué et discuté, chacun s’accorde à dire qu’il ne s’agit pas de dépenses passives. Il faut rééquiper et moderniser nos armées, leur donner les capacités de nous défendre et d’agir dans des champs hybrides – espace, fonds marins, cyber ou encore monde informationnel.
Pour ces différentes raisons, notre groupe votera contre la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix la motion n° 37 rectifiée, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n’est pas adoptée.)
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Rachid Temal. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rachid Temal. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner le projet de loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030.
Permettez-moi tout d’abord de saluer l’engagement et le professionnalisme des femmes et des hommes qui composent nos forces armées et mettent leur vie en péril pour défendre notre pays et nos intérêts vitaux.
Je tenterai de résumer mon propos en trois points. Je rappellerai d’abord le contexte, puis j’évoquerai le contenu de ce texte et, enfin, le travail réalisé par le Sénat.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l’heure le fait que les lois de programmation militaire couvrent non seulement un temps long – certains programmes sont lancés pour trente, quarante ou cinquante ans –, mais aussi un temps court – parfois, d’une élection présidentielle à une autre, il faut revoir la programmation militaire.
À cet égard, permettez-moi de revenir sur quelques dates témoignant des changements du monde au cours des trente dernières années.
Nombreux sont ceux, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, à évoquer les « dividendes de la paix ». Quand le mur de Berlin est tombé le 9 novembre 1989, chacun a pu légitimement penser qu’un nouveau temps, celui de la démocratie, pouvait s’ouvrir – il existait même une théorie sur la fin de l’histoire…
Quant aux attentats du 11 septembre 2001, ils ont gravement perturbé le monde, plaçant sur le devant de la scène la question du terrorisme. D’autres attentats ont suivi, en Europe et dans le monde occidental. Cette menace touche aussi directement l’Afrique et elle continue de perturber l’équilibre du monde. L’opération Barkhane en a découlé et nous nous posons maintenant la question du redéploiement de nos bases.
Je veux aussi évoquer le 15 août 2021, jour du départ des troupes américaines de Kaboul. Cet événement soulève la question, un peu passée sous les radars, me semble-t-il, du positionnement des Américains, dont la volonté oscille entre être présents dans le monde et rester à l’intérieur de leurs frontières.
Autre date, le 24 février 2022 marque le début de la guerre en Ukraine. Pour la première fois, un pays doté de l’arme nucléaire décide de faire franchir ses frontières à ses forces armées et de semer le doute et le chaos, provoquant les conséquences que nous connaissons.
Si l’on se tourne vers l’avenir, je pense à l’année 2049, année du centenaire de la République populaire de Chine (RPC). Chacun a pu entendre les déclarations du président de ce pays, également premier secrétaire du parti communiste chinois et responsable des forces armées, selon lesquelles, avant 2049, Taïwan aura intégré la RPC. Cela soulève évidemment beaucoup de questions.
L’évocation de ces quelques dates permet de mettre en perspective l’évolution du contexte et je crois qu’un travail pédagogique doit être fait sur la réalité du monde d’aujourd’hui. De ce point de vue, je comprends qu’il soit nécessaire de revoir notre loi de programmation militaire.
Et encore ! Je n’ai pas évoqué la question des relations entre ces empires contrariés – la Chine et la Russie. Je vous le rappelle, depuis plusieurs années, les rencontres entre les dirigeants de ces deux pays sont régulières et nombreuses, comme on peut d’ailleurs le constater depuis le début de la guerre en Ukraine.
Je veux aussi évoquer, parmi les empires contrariés, la Turquie, qui a la volonté de pousser ses propres pions, en Libye ou ailleurs, comme on peut déjà le constater à la suite de la récente réélection – malheureusement ! – de son président.
La donne a également beaucoup changé dans le contexte de la guerre en Ukraine, pays envahi par l’un de ses voisins qui est doté de l’arme nucléaire et qui menace régulièrement de s’en servir. Nous devons donc mener une réflexion sur les conflits de haute intensité comme sur nos capacités, notamment en termes d’armement.
Pour ce qui concerne l’Indo-Pacifique, plusieurs questions se posent pour notre pays, y compris sur notre présence elle-même – il suffit de regarder les résultats électoraux en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie.
Par ailleurs, nous observons, dans cette zone, la volonté de la Chine de pousser ses pions, par exemple en accroissant sa flotte, qui ne représente aujourd’hui que la moitié de la flotte américaine, mais qui se développe.
Se pose ainsi la question du rôle de la France, seule puissance européenne présente en Indo-Pacifique, ainsi que de sa capacité non pas à porter le fer contre la Chine, mais à protéger ses territoires et sa zone économique exclusive, la plus vaste du monde. Nous souhaitons que ce projet de loi de programmation miliaire réponde à ces enjeux.
J’ajoute un mot sur le continent africain, bien souvent oublié, où se déploient aussi les puissances chinoise et russe. Un orateur a évoqué le groupe Wagner et les événements des derniers jours. Or cette milice est présente dans un certain nombre de pays africains ; elle spolie et martyrise les populations et elle capte à son profit les minerais du sous-sol.
La question de notre propre présence en Afrique est posée. Ce texte est le premier à voir le jour après la fin de l’opération Barkhane, ce qui n’est pas neutre. Je pense notamment à l’annonce d’un redéploiement de nos bases.
Ne voulant pas être trop long, je n’évoquerai pas la prolifération nucléaire. Toutefois, je veux dire un mot de ce que l’on appelle le Sud global.
Nombre des pays de ce Sud global ont décidé de ne pas condamner aux Nations unies l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ils souhaitent changer les normes, dénonçant des règles occidentales trop prégnantes. Ils travaillent également sur l’idée de créer une nouvelle monnaie. Ainsi, la question de la puissance occidentale est, désormais, largement posée.
J’en viens maintenant à ce projet de loi de programmation militaire, le quinzième du genre. Monsieur le ministre, vous citez souvent le général de Gaulle,…
M. Rachid Temal. … mais on peut être gaullien sans être gaulliste – je vous le dis souvent ! J’ai d’ailleurs relu la loi de programmation miliaire défendue, à l’époque, par le général de Gaulle. Convenons-en, elle était d’un autre niveau que le texte que nous examinons aujourd’hui… (M. le ministre acquiesce.)
Toutefois, je tiens à rappeler que la logique de la dissuasion nucléaire s’est poursuivie après l’élection, en 1981, de François Mitterrand, lequel considérait que la force de la dissuasion nucléaire reposait sur son lien avec le Président de la République, le reste n’étant que « matières inertes ».
Il est également important de redire que ma famille politique, de François Mitterrand à François Hollande, en passant par Lionel Jospin, a œuvré en faveur de la dissuasion nucléaire et d’une armée à la hauteur des enjeux de la défense de notre territoire.
Comme l’ont indiqué certains de mes collègues, le Sénat est quelque peu chagriné, monsieur le ministre, à cause de l’expérience qu’il a vécue pour l’actuelle loi de programmation militaire. En effet, il a souhaité sa mise à jour, ce qui lui a été refusé.
Par ailleurs, notre assemblée a voulu jouer tout son rôle dans le cadre de la construction de ce nouveau texte, ce qui n’a pas été possible, puisqu’il n’y a pas eu de Livre blanc. Certes, une revue nationale stratégique a été menée, mais sans le Parlement, qui est pourtant chargé du contrôle du Gouvernement et de l’évaluation des politiques publiques.
Je pourrais également évoquer la question financière – les 2 %, les 7 milliards d’euros, les 13 milliards, etc. –, mais je m’arrêterai simplement sur le montage financier.
Si l’on met de côté les fameux 13 milliards d’euros, il reste 400 milliards d’euros de crédits budgétaires. Convenez-en, monsieur le ministre, les années 2024 et 2025 doivent déjà bénéficier de 97 milliards d’euros aux termes de l’actuelle loi de programmation militaire – ils sont, d’une certaine façon, comptés deux fois…
Si l’on y ajoute les 30 milliards d’euros correspondant à l’inflation – je mets de côté, à ce stade, les 100 milliards d’euros de reports de charges –, les besoins de financement sont réels.
Par ailleurs, l’élection présidentielle étant prévue en 2027, le nouveau Président de la République – ce ne sera pas le même qu’aujourd’hui, si nous conservons la rédaction actuelle de la Constitution… – présentera, à n’en pas douter, une nouvelle programmation militaire. En tout cas, vous le savez bien, la facture sera payée par la prochaine majorité !
Soyons honnêtes ! Toute autre majorité souhaiterait également disposer d’une armée complète permettant de mettre en place une dissuasion et des forces conventionnelles, tout en étant tenue par les finances publiques. L’épure serait donc à peu près la même. Dans ces conditions, voulons-nous une armée complète miniature, un bonsaï ?
La question que nous devons nous poser est différente : agissons-nous seuls ou avec des alliés ? Que doit faire la France pour maintenir sa capacité de défense et d’armement ? Quel doit être son rapport à l’Otan ? En l’absence de Livre blanc, il est extrêmement difficile de comprendre les tenants et les aboutissants de la stratégie du Gouvernement de ce point de vue.
Une grande partie du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, dans laquelle je me situe, est favorable à une meilleure intégration de la France au sein de l’Otan. Il ne s’agit pas de réduire notre indépendance ou notre capacité à agir ou à décider. Il ne s’agit pas non plus de mettre en partage notre dissuasion nucléaire – bien au contraire !
Ces derniers temps, les Allemands ont joué un rôle pilote pour ce qui concerne la protection antimissile. C’est ce que devrait faire la France ! Et il est dommage qu’un projet de loi de programmation militaire n’évoque pas ce type de sujet. Dans ces conditions, comment pourrions-nous être leaders au sein de l’Otan pour ce qui concerne un certain nombre de grandes questions ?
Nous aurons certainement un débat sur la défense européenne, mais quid de l’Otan ? Pourquoi le projet de loi n’aborde-t-il pas cette question ? Il est vraiment dommage de ne pas pouvoir en débattre et cela rejoint une difficulté intrinsèque de ce texte : l’absence de Livre blanc préparatoire.
Nous devons assumer une politique européenne de défense beaucoup plus forte, en particulier en termes de recherche et développement, de commandes communes ou de projets communs d’armements, points qui ne figurent pas dans ce texte.
J’évoquerai également le contrôle parlementaire, qui a été renforcé par la commission. Sur ce point, nous avons travaillé en parfait accord avec Christian Cambon et l’ensemble de la commission, ce dont je me réjouis.
Nous avons fait adopter un amendement relatif à la mise en place d’une commission chargée de l’élaboration d’un Livre blanc en vue de l’actualisation de la programmation. J’ai bien compris que cela posait parfois problème à certains. Dès lors, appelons-le Livre bleu ! (Sourires.) Il s’agit simplement de permettre au Parlement de travailler. Il n’est pas normal que nous ne connaissions pas le prix d’un porte-avions, alors que nous l’avons demandé à plusieurs reprises, que ce soit au chef d’état-major des armées ou au ministre !
Pour conclure, j’en viens à la position du groupe socialiste sur ce texte. Nous souhaitons, conformément à notre position initiale, bonifier la LPM. C’est ce que nous avons fait, par le biais de nos amendements – je parle sous le contrôle du président de la commission –, en particulier pour ce qui concerne le SNU, le contrôle de l’armement ou encore les questions sociales pour les militaires.
Monsieur le ministre, nous avons lu votre interview publiée aujourd’hui dans Le Figaro. C’est vrai, nous avons déposé de nombreux amendements. Nous souhaitons en effet coconstruire avec vous la défense nationale, car il y aura une nouvelle majorité en 2027, et nous espérons en être !
Nous souhaitons que le Gouvernement, dans sa sagesse, soutienne un certain nombre de ces amendements, qui visent à bonifier le texte. Notre souhait est également celui de l’ensemble des groupes du Sénat en ce qui concerne leurs propres amendements.
Faisons en sorte que notre pays ait une armée à un niveau adapté et que les hommes et les femmes qui la composent soient fiers de porter nos couleurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’enjeu de ce projet de loi, qui vise à définir la trajectoire budgétaire de nos armées pour les sept prochaines aimées, est immense.
Malheureusement, ce texte a été décidé à la hâte, deux ans avant la fin de l’actuelle LPM, et ne s’appuie sur aucune orientation stratégique précise, si ce n’est l’idée qu’il faut obligatoirement augmenter les dépenses militaires.
Dans un contexte marqué par des logiques de puissance et, parfois, de remise en cause des principes du droit international, le sujet dont traite ce projet de loi aurait dû associer bien plus largement la représentation nationale. Pourtant, une fois de plus, tout a été décidé par un seul homme.
Ainsi, le maintien et la modernisation de nos deux composantes de dissuasion nucléaire sont actés, sans que ces choix aient été préalablement réévalués. Outre l’opacité totale sur les programmes précis liés aux 53,7 milliards d’euros consacrés aux armes de destruction massive, soit 13 % du budget de la LPM, vous refusez tout débat sur la pertinence stratégique du maintien d’une telle stratégie de dissuasion.
Moderniser de tels systèmes d’armes, c’est engager la France pour des décennies dans une stratégie qui pourrait devenir obsolète en quelques années.
Monsieur le ministre, ce pari est beaucoup trop lourd de conséquences pour être décidé sans concertation avec la représentation nationale. Ne balayez pas nos interrogations en faisant croire à nos concitoyens que, en matière de dissuasion nucléaire, nous serions face à un choix binaire entre le « tout » et le « rien ».
Le choix de la dissuasion pour assurer la sanctuarisation de notre territoire induit un autre choix très discutable : privilégier l’équipement de nos forces conventionnelles en vue de stratégies de projection extérieure.
Il serait sans doute temps de cesser de voir la défense de notre pays partout ailleurs qu’en France. Ce modèle de projection, qui se fait au détriment de la défense de nos territoires, a des implications stratégiques concrètes et de lourds coûts budgétaires.
En effet, malgré les éléments de langage creux du type « la cohérence sur la masse », je vois en réalité des vides capacitaires qui perdurent et une logique échantillonnaire qui reste reine.
La place excessive accordée à la dissuasion nucléaire conduit à opérer des coupes claires dans nos défenses opérationnelles. De quel conflit souhaitez-vous nous prémunir avec deux cents chars Leclerc, lorsque l’on sait que la Russie en a perdu plus de deux mille depuis le début du conflit en Ukraine ?
Mme Michelle Gréaume. Quels territoires maritimes, sur les 11 millions de kilomètres carrés que compte la France, pourrions-nous surveiller ou défendre avec une dizaine de bâtiments de premier rang ?
Le paradoxe est que votre logique présente des coûts budgétaires colossaux. Par exemple, nous allons dépenser plus de 10 milliards d’euros dans un porte-avions. Faire-valoir de puissance, ce bâtiment ne sera en aucun cas utile en cas de guerre, du fait de sa trop grande vulnérabilité. Il mobilisera davantage son groupe aéronaval pour sa propre défense que pour celle de la nation. Vous justifiez ce choix par le besoin de puissance et par celui de pérenniser la filière industrielle de nos chaudières nucléaires à usage militaire. D’autres choix sont possibles.
À quoi sert-il de se doter aujourd’hui d’un nouveau porte-avions, si ce n’est pour caresser dans le sens du poil l’imaginaire collectif du symbole de la souveraineté ? En réalité, il s’agit de pouvoir intégrer une task force américaine et d’avoir l’illusion de la commander pendant quelques jours sous l’étroite tutelle d’un commandement américain…
Alors oui, nombreux sont ceux qui pointent les pays qui, ayant une ambition navale, construisent des porte-avions. Mais faire de même, mes chers collègues, est-ce pour autant répondre avec pertinence et réalisme aux défis de sécurité qui sont et seront les nôtres ? Privés de réflexion stratégique souveraine, vous ne faites que mimer celle des autres !
Vous vous alignez sur une course mondiale à l’armement qui a atteint les 2 240 milliards de dollars l’année dernière, non instruits manifestement de cette stratégie qui vise, pour garantir son hégémonie, à imprimer un rythme que les autres ne pourront pas suivre.
Vous vous alignez sur les injonctions de l’Otan de monter le budget de la défense à 2 % du PIB, tant pis si cet indicateur n’a aucune signification militaire pour la défense de notre nation, puisque l’objectif absolu est de pouvoir se gargariser d’être l’élève modèle des Américains.
En réalité, ce déficit de visée stratégique menace directement notre sécurité et notre souveraineté. Nous pensons que la défense de la patrie passe d’abord et avant tout par la promotion de la paix, une paix durable, une paix qui s’inscrit en écho aux désastres des guerres.
Or la France, en s’alignant sur des intérêts qui ne sont ni les siens ni ceux qui participent à la sécurité humaine, se détourne de son engagement indéfectible pour la paix et le libre développement de tous les peuples.
Troisième réseau diplomatique au monde, notre nation doit s’inscrire dans une visée stratégique globale visant à prévenir les conflits et à multiplier les accords multilatéraux de désarmement nucléaire et de démilitarisation des espaces communs.
La revue nationale stratégique inclut la diplomatie dans le champ de « l’influence » – eh bien, soit ! Œuvrons avec toutes les nations qui le souhaitent, à travers l’ONU, à travers des coopérations revivifiées, à lutter contre les insécurités globales, notamment l’une des plus menaçantes : l’insécurité environnementale qui, elle – nous en avons la certitude –, rognera des pans entiers de nos territoires et causera une catastrophe systémique pour l’humanité.
J’évoquerai ensuite les lacunes de la politique cyber, qui témoignent des « impensés » stratégiques flagrants de cette LPM.
Plusieurs types de lutte informatique sont assurés, mais quid des couches intermédiaires du numérique dans la production des logiciels ou dans les systèmes d’exploitation ? Quid de la production des matériels, des routeurs aux microprocesseurs, ou des infrastructures de réseaux ?
La commission de la défense du Sénat des États-Unis avait déjà établi en 2012 que des millions de composants électroniques contrefaits ou compromis avaient pénétré les systèmes d’armes de leur pays.
Au regard des ruptures technologiques à l’œuvre aujourd’hui, qui ont toutes pour base commune une « hyper-technologisation » et par là même une demande croissante en composants électroniques, se résigner à ne pas maîtriser souverainement les outils de conception et de production du numérique, c’est se résigner à perdre notre autonomie stratégique.
Alors que le Gouvernement s’apprête à donner un coup de rabot de 10 milliards d’euros sur les crédits budgétaires, cette loi, dont les crédits sont en hausse de 40 % par rapport à la LPM actuelle, ne répond pas à l’unique objectif devant préoccuper nos armées, à savoir la stricte défense de nos territoires.
Nous continuerons donc à nous éparpiller dans toutes les régions du globe afin d’assouvir des intérêts étrangers à la France et contraires aux enjeux de sécurité globale qui préoccupent l’humanité.
Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre ce projet de loi. À travers la quarantaine d’amendements que nous vous présenterons, nous détaillerons nos propositions afin d’exprimer clairement notre vision d’une France souveraine, capable de se défendre et promouvant la paix. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
(M. Alain Richard remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Alain Richard
vice-président
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Bruno Belin applaudit également.)
M. Olivier Cigolotti. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, 413 milliards d’euros, c’est bien l’effort budgétaire que prévoit ce projet de loi de programmation militaire pour la période 2024-2030.
Depuis plusieurs décennies, dans un contexte post-guerre froide bénéficiant des dividendes de la paix, nos forces se sont vu imposer une érosion des moyens budgétaires et une diminution drastique des effectifs.
Cette augmentation de la part du budget de la Nation consacrée à nos armées est la bienvenue. Elle poursuit le mouvement engagé dès 2019 avec l’actuelle LPM, qui avait déjà pour objectifs de porter la part des dépenses militaires à 2 % du PIB en 2025 et de créer 6 000 emplois.
Cette trajectoire budgétaire de croissance visait déjà à régénérer le capital opérationnel des armées pour constituer une première étape vers un « modèle d’armée complet et équilibré ».
En février 2022, l’agression de l’Ukraine par la Russie a constitué un glissement stratégique. La guerre était de retour sur le flanc oriental de l’Europe et il apparaissait nécessaire de revoir notre ambition face à un regain de tensions dans toutes les zones du monde. Ainsi, les risques et les menaces sont plus importants que jamais et pourraient aller jusqu’à un engagement de très haute intensité.
Les travaux en vue de cette nouvelle loi de programmation militaire ont été engagés depuis de nombreux mois. Malheureusement, l’exécutif a préféré faire l’économie d’un Livre blanc au profit d’une revue nationale stratégique à laquelle les parlementaires n’ont été que peu associés, pour ne pas dire pas du tout, ce que nous regrettons.
Cette revue nationale stratégique se limite malheureusement à un inventaire des défis sécuritaires futurs sans les hiérarchiser, alors que nous évoluons dans un monde de plus en plus complexe, marqué par de nouveaux espaces de conflictualité, mais aussi par la persistance de certains réflexes comparables à ceux des derniers conflits mondiaux.
Nous nous sommes étonnés, en commission, de constater que, malgré une hausse considérable du budget des armées octroyée par cette programmation, certains objectifs sont bien plus étalés que ce qui était initialement prévu. Nous regrettons également certains décalages de programme et révisions à la baisse.
Cependant, nous nous félicitons des avancées majeures désormais introduites dans ce texte, ainsi que des crédits fléchés sur des programmes à effet majeur comme sur des cibles ô combien importantes. Nous nous réjouissons, bien évidemment, de l’engagement du programme consacré au porte-avions de nouvelle génération, qui constituera un élément de crédibilité et de souveraineté, et nous nous félicitons des 5 milliards d’euros d’ores et déjà fléchés dans cette programmation.
Même si l’inflation aura une incidence sur cette trajectoire budgétaire, nous ne pouvons que saluer les efforts réalisés pour nos services de renseignement et la lutte contre l’ingérence, ainsi que pour nos forces spéciales afin de leur permettre d’améliorer encore leurs capacités et leur polyvalence.
Nous saluons aussi les efforts en faveur de notre capacité de dissuasion aérienne et océanique, qui bénéficiera également de crédits de modernisation, ainsi que ceux qui sont consentis pour la consolidation du socle d’entraînement grâce aux capacités de simulation.
Nous saluons également l’effort en faveur des munitions qui permettra aux armées de consolider et de recompléter les stocks, ainsi que les efforts pour favoriser une transition nécessaire vers les futures capacités : feux dans la profondeur ou encore munitions téléopérées.
Enfin, nous saluons les crédits accordés à l’innovation, crédits ô combien vitaux pour affirmer notre supériorité technologique et garantir la maîtrise des nouveaux champs de conflictualité, et nous nous félicitons de l’effort en faveur de notre modèle de ressources humaines, ainsi que de l’attention portée à nos services de soutien.
Dans ce contexte, le groupe Union Centriste approuve le lissage et la consolidation de la trajectoire budgétaire, ainsi que les amendements visant à sécuriser le budget du ministère.
En créant un livret d’épargne souveraineté, notre commission a également répondu à un appel des industriels de la défense et de leurs prestataires, lesquels rencontrent encore trop souvent des difficultés de financement.
En tant que rapporteur pour avis du programme 178 lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, je ne peux m’empêcher d’évoquer quelques points.
L’effort consenti en faveur des crédits de paiement dans le cadre de cette programmation est considérable. Trois chiffres marquent une progression très nette : 69 milliards d’euros bénéficieront à l’entraînement et à l’activité des forces, soit un effort supplémentaire de 20 milliards d’euros par rapport à l’actuelle LPM ; 49 milliards d’euros sont alloués à l’entretien programmé du matériel (EPM), soit 14 milliards d’euros de plus ; 18 milliards d’euros seront consacrés aux services de soutien, soit une hausse de 4 milliards d’euros.
L’effort est là, il était indispensable tant le programme 178 constitue une dimension importante pour répondre à l’hypothèse d’un engagement majeur ou de haute intensité.
Mais les résultats en matière de préparation opérationnelle et de disponibilité technique opérationnelle représentent de forts sujets de préoccupation pour notre commission. En 2023, les indicateurs en la matière sont particulièrement décevants.
La situation s’est dégradée sans que nous ayons de visibilité sur le décrochage qui s’est opéré pendant les quatre premières années de la LPM, faute d’application de l’article 7, qui prévoyait des objectifs annuels dans ces domaines.
Nous nous assurerons également que les indicateurs de l’armée de terre, qui n’atteignent aujourd’hui que 70 % de la norme d’entraînement, ne soient pas sous-estimés.
La consommation de ces crédits ne devra donc pas être repoussée à la deuxième moitié ou au dernier tiers de la LPM. Nous ne pouvons pas accepter, cette fois encore, de ne pas avoir de jalons tout au long de l’exécution de la loi. C’est un débat que nous aurons très certainement en séance.
Nous devons collectivement veiller au capital technique des armées. Nous ne pouvons pas, comme certains de nos alliés, nous retrouver avec une armée qui « présente bien », mais qui s’effrite lors d’un l’examen détaillé.
Le groupe Union Centriste défendra, avec conviction, plusieurs amendements sur le service de santé des armées afin que le ministère des armées s’engage à préserver ses savoir-faire, parfois uniques au monde, ou sur les grands fonds marins, qui constituent un nouvel espace de conflictualité.
Il y a un an, le Sénat a rendu un rapport d’information sur la problématique des grands fonds marins. Il y indiquait que la marine ne disposait en propre d’aucun équipement capable d’atteindre 6 000 mètres de profondeur.
Il est nécessaire que l’objectif d’acquisition d’équipements spécifiques pour mieux connaître, surveiller et agir jusqu’à des profondeurs importantes soit maintenu et atteint. Cela permettrait de couvrir près de 97 % des fonds marins du globe.
Pour la France, dont la superficie maritime représente dix-sept fois la superficie terrestre grâce à ses outre-mer, il s’agit de préserver son rôle historique de grande puissance maritime et scientifique à l’échelon mondial.
Nous avons également déposé de nombreux amendements sur l’importance de la filière stratégique des drones.
Enfin, nous soutiendrons l’amendement visant à consolider notre base industrielle et technologique de défense.
Mon collègue Philippe Folliot insistera, pour sa part, dans quelques instants, sur tous les enjeux liés à nos outre-mer auxquels le groupe Union Centriste est très attaché.
Pour conclure, j’aurai une pensée pour les soldats tombés pour notre drapeau ou qui ont été blessés sur les différents théâtres d’opérations extérieures, particulièrement pour les cinquante-huit soldats qui ont perdu la vie durant l’opération Barkhane.
Monsieur le ministre, durant l’examen de ce texte structurant pour nos forces, nous avons le devoir, ensemble, de déterminer le modèle d’armée que nous souhaitons pour faire face aux enjeux de souveraineté auxquels la France doit répondre, à l’heure où les compétiteurs et les États puissances ne cachent plus leurs ambitions. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Guérini. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Noël Guérini. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de dresser un constat qui sonne comme un regret : il a fallu attendre le retour de la guerre sur le sol européen, aux portes de l’Union européenne, pour réaliser et surtout assumer officiellement le fait que l’outil de défense dont nous disposons est, a minima, adapté au seul temps de paix.
Pourtant, avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, nous avons connu de sérieuses alertes. En 2021, deux exercices interarmées de simulation de conflits internationaux organisés avec les Américains et les Britanniques avaient permis de constater les limites capacitaires des forces françaises.
La commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale avait alors rappelé, en février 2022, qu’« en une quinzaine de minutes d’un premier combat, deux frégates avaient été envoyées par le fond et deux autres étaient neutralisées ». Elle poursuivait : « Si nous extrapolions les pertes au regard de certains conflits aériens, il est manifeste que l’aviation de chasse française pourrait être réduite à néant en cinq jours. »
À qui la faute, me direz-vous ? Avouons-le : à tout le monde et à personne à la fois ! Ne voyez pas en cette formule une manière d’excuser une responsabilité, en la noyant dans une impéritie collective.
Nous avons, tous autant que nous sommes, péché par naïveté, persuadés que la construction européenne suffirait à nous préserver. Bercée par cette douce illusion de paix, la Nation a laissé « filer » le budget de la défense, le réduisant à une variable d’ajustement.
Pourtant, selon les derniers classements publiés en mai dernier, la France dispose de la neuvième armée au monde et de la première dans l’Union européenne : quel paradoxe !
Après une LPM 2019-2024 à hauteur de 295 milliards d’euros, qui entendait combler les retards dans tous les domaines, des équipements en passant par la préparation opérationnelle, le renseignement ou encore la condition de la vie militaire, le temps des vaches maigres semble révolu.
Néanmoins, si nous nous accordons tous à dire que l’enveloppe de 413 milliards d’euros à partir de 2024 sur sept ans est substantielle, des incertitudes demeurent sur sa soutenabilité, ainsi que l’a rappelé notre rapporteur. Ainsi, l’étalement des cibles de matériel et la question de l’inflation, dont le coût serait d’ores et déjà estimé à 30 milliards d’euros, incitent à la prudence.
Quoi qu’il en soit, félicitons-nous d’avoir, en commission, réorganisé la variation des crédits dans le temps, sans pour autant modifier le budget global. Ils progresseront ainsi de façon rythmée et régulière, passant de 47 milliards d’euros en 2024 à 69 milliards d’euros en 2030.
Avec ce montant plancher à atteindre, la Nation doit pouvoir garantir la crédibilité dans la durée de notre dissuasion nucléaire, transformer nos armées afin de conforter notre supériorité opérationnelle, renforcer la cohérence, la préparation et la réactivité de nos forces armées et, enfin, poursuivre l’attractivité et la fidélisation des militaires et des civils.
Je ne détaillerai pas les différentes enveloppes ni les nombreuses dispositions, notamment celles qui sont relatives aux opérations extérieures (Opex), avec la mise en place de la solidarité interministérielle, ou les garde-fous entourant le service national universel.
Je me félicite du fait que, au-delà de la prévision de 136 milliards d’euros pour la préparation et l’emploi des forces, l’entretien programmé du matériel et les soutiens, les services de renseignement du premier cercle bénéficieront de 5,4 milliards d’euros. De même, je me réjouis que 15 milliards d’euros soient consacrés uniquement à l’innovation et à la « dronisation » des forces.
Nos forces armées, quant à elles, bénéficieront de cibles de matériels dont nous pourrions élever l’influence au rang de fonction stratégique.
L’effort est notable pour la marine nationale avec les commandes de sept patrouilleurs de haute mer, de trois ensembles de chasseurs de mines et les perspectives d’un porte-avions de nouvelle génération à l’horizon de 2037.
Il en va de même pour l’armée de l’air, avec 137 Rafale d’ici à 2030 – j’espère que les engagements sur les dates seront tenus – et l’achat de six systèmes d’Eurodrone, ainsi que pour l’armée de terre, qui renforce de 2 milliards d’euros son budget munitions.
Il est apparu nécessaire de créer un régime d’apprentissage militaire et de promouvoir le lien nation-armées pour atteindre les objectifs quant à la cible de réserve fixée au plus tard en 2035.
C’est aussi dans le cadre de la promotion de ce lien fort Nation-armées que la commission a créé un livret d’épargne souveraineté, destiné au financement de l’industrie de défense en complément de l’effort budgétaire.
En conclusion, en tant que représentants de la nation, nous nous félicitons des dispositions qui permettront de sacraliser le rôle du Parlement. À cet égard, la commission a renforcé les garanties de l’actualisation dans le temps de la LPM, en prévoyant de passer par le vote d’une loi. Quoi de plus logique ?
La LPM n’est pas seulement un texte égrenant une farandole de chiffres, dont l’accumulation peut rendre perplexe le commun des mortels. Elle appelle des ajustements et des évolutions, qui ne peuvent être les otages des orientations budgétaires.
Il appartient à la représentation nationale de veiller au respect des engagements pris pour la défense. Ensemble, mes chers collègues, nous devons la construire et la consolider.
Monsieur le ministre, c’est donc avec bienveillance que le groupe du RDSE abordera l’examen de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cédric Perrin. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le 24 février 2022, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a brutalement refermé la parenthèse géopolitique ouverte il y a trente ans avec la chute de l’URSS et la fin de la guerre froide.
Balayant les dernières illusions héritées de cette période de confort stratégique, l’agression de Moscou a forcé les Européens à sortir de l’indolence et à regarder en face la nouvelle ère dans laquelle ils étaient entrés.
C’est une ère placée sous le signe de l’incertitude, de la polarisation et de la confrontation, une ère où les mouvements tectoniques de l’ordre international, qui agissaient jusqu’à présent à bas bruit, apparaissent désormais en pleine lumière.
Réveil des impérialismes, affirmation des puissances régionales, multilatéralisme en délitement, recours au fait accompli et à la force, diversification des menaces, contestation de l’influence occidentale : la guerre en Ukraine fait partie de ces événements historiques qui éclairent la bascule du monde autant qu’ils l’accélèrent.
Face à ce séisme géopolitique dont nous avons encore ressenti ce week-end une réplique, la sécurité de notre continent et de notre pays apparaît non plus comme une évidence, mais comme un bien à protéger. Cette réalité nous amène aujourd’hui à examiner ce projet de loi de programmation militaire.
Pour la France, comme d’ailleurs pour les autres États d’Europe, le constat est implacable : après trente ans de désinvestissement massif dans leurs outils de défense, c’est largement démunis, pour ne pas dire désarmés, qu’ils abordent le nouveau paradigme stratégique qui s’impose à eux. Depuis plus d’un an, tous ou presque ont donc affirmé leur volonté de renforcer leurs budgets militaires.
Avec 400 milliards d’euros programmés pour les sept prochaines années, soit une hausse de 13,3 milliards, la France s’inscrit clairement dans ce mouvement global de réinvestissement.
Nous vous en donnons acte, monsieur le ministre, car vous vous êtes battus en ce sens. L’enveloppe est importante, d’autant qu’elle intervient à la suite des réels efforts financiers entrepris depuis 2019 pour restaurer le potentiel militaire de notre pays.
Pour autant, sera-t-elle suffisante pour permettre à nos armées de se hisser rapidement au niveau des enjeux et des défis posés par la guerre à l’est de l’Europe ? Sans doute pas…
C’est bien là le grand paradoxe de la LPM que vous nous proposez aujourd’hui, un paradoxe entre des crédits qui augmentent fortement et des dotations en équipements majeurs qui ne progressent pas. Pour certains programmes, la situation va même se dégrader, puisque les cibles fixées hier pour 2030 ne seront finalement atteintes qu’à l’horizon de 2035.
Nous devons cette vérité aux Français, qui financeront l’effort de défense de la nation. Ce n’est pas tant une affaire de « nombre de véhicules » parqués dans les « hangars », monsieur le ministre, que de remplacement de nos matériels consommés ou envoyés à nos alliés !
Il n’y aura pas davantage d’hommes et de femmes sous les drapeaux : le format des armées restera lui aussi identique à celui qui est visé par la programmation en cours.
Pour compenser cette atonie, le Gouvernement table sur une augmentation spectaculaire des effectifs de la réserve opérationnelle, qui seraient doublés en sept ans. Nous souscrivons, bien sûr, à cet objectif.
Néanmoins, suivant en cela l’analyse du Conseil d’État, il me semble bien difficile de ne pas être sceptique quant à sa réalisation, et pour cause : la lecture de ce texte ne nous permet pas de comprendre comment le Gouvernement entend financer cette montée en puissance ni comment il compte former, équiper et employer les réservistes supplémentaires.
Naturellement, ce projet de loi de programmation militaire préserve, à l’horizon de 2030, des acquis fondamentaux auxquels nous adhérons. En particulier, notre modèle d’armée restera complet et capable d’agir dans quasiment tous les domaines. Il demeurera sous-tendu par une dissuasion nucléaire indépendante, renouvelée et modernisée.
Mais, là encore, nous devons tenir un langage de vérité. Malgré leur qualité unanimement reconnue, malgré les efforts portés sur leur cohérence, nos armées resteront, y compris au sein d’une coalition, sous-dimensionnées pour faire face à l’exigence d’un engagement majeur, nécessairement long et coûteux en vies et en matériels.
Bien sûr, nous comprenons qu’il ne soit pas possible d’effacer en quelques années des décennies de désarmement. Nous comprenons que tout ne puisse pas être financé, a fortiori dans une période où l’inflation fait peser des incertitudes budgétaires inédites.
Permettez-moi, à ce titre, de souligner à quel point l’estimation retenue par le Gouvernement – environ 30 milliards d’euros sur la période – me semble optimiste. Les coûts des grands équipements militaires n’évoluent pas de la même manière que le panier de la ménagère. C’est près du double, soit au bas mot l’équivalent d’une année de programmation, qui pourrait finalement être effacé par l’érosion monétaire.
Nous comprenons enfin qu’une LPM soit contrainte de faire des choix. Mais précisément, ce que nous comprenons moins, c’est l’absence de choix stratégiques forts sur l’orientation de notre modèle d’armée, sur les segments à privilégier face aux menaces les plus prégnantes. Le texte qui nous est soumis donne davantage l’impression de proroger l’existant jusqu’à la prochaine élection présidentielle que de prendre acte des immenses bouleversements stratégiques advenus ces derniers mois. C’est, me semble-t-il, l’une des grandes occasions manquées de cette programmation.
Ce que nous comprenons moins, ensuite, c’est le choix d’affecter au financement de nos armées certaines ressources frappées d’une si grande incertitude. Monsieur le ministre, la fable de la vente des fréquences hertziennes est encore dans toutes les mémoires. Vous comprendrez donc que, après avoir pris connaissance de l’avis du Haut Conseil des finances publiques, le Parlement fasse preuve d’une saine méfiance sur ce sujet.
Nous vous proposons par conséquent, sans alourdir la dette et en respectant le budget défini par le Président de la République, de sanctuariser véritablement ces 413,3 milliards d’euros, et rien que ces 413,3 milliards d’euros, sur lesquels vous avez tant communiqué.
Enfin, ce que nous comprenons moins, c’est le choix de précipiter l’élaboration d’une nouvelle LPM, tout en conservant pour les premières années des efforts budgétaires identiques à ceux qui avaient été décidés avant le déclenchement de la guerre en Ukraine, c’est-à-dire 3 milliards d’euros par an.
En somme, le texte qui nous est soumis laisse au prochain Président de la République le soin d’accélérer la cadence, alors que c’est maintenant que la guerre fait rage en Europe, maintenant que nos années doivent remonter en puissance, maintenant que nos industriels ont besoin de visibilité, donc de commandes, pour donner un tant soit peu corps à la notion d’« économie de guerre », si chère au Président de la République.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entrerons dans la discussion de ce texte animés avant tout d’un esprit de responsabilité, vis-à-vis tant de nos concitoyens que de nos soldats, de nos marins et de nos aviateurs, qui acceptent de faire de leur vie notre ultime rempart face aux menaces.
Nous n’avons donc pas l’intention d’ajouter des milliards aux milliards. Nous sommes trop conscients de la situation financière déplorable de notre pays pour nous permettre une quelconque désinvolture en la matière.
Notre commission, conduite par notre rapporteur, défendra néanmoins quelques idées simples.
D’une part, nous ne voulons pas laisser subsister le moindre doute sur le fait que les ressources promises à nos armées seront bel et bien au rendez-vous.
D’autre part, nous voulons veiller à ce que le rythme auquel elles seront mises à leur disposition soit crédible et surtout compatible avec l’évolution des dangers qui pèsent sur la France et l’Europe.
Je ne sais pas si une « courbe budgétaire permet de protéger notre nation », monsieur le ministre, mais, devant les menaces, nous ne croyons pas à la stratégie d’une défense en pente douce ! Car, en définitive, cette courbe détermine tout le reste, à commencer par la crédibilité, la sincérité et l’efficacité de la programmation à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Jean-Noël Guérini applaudit également.)
M. Christian Cambon, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, seul pays de l’Union européenne à disposer d’un modèle d’armée complet, la France est engagée depuis de nombreuses années dans la lutte contre les groupes terroristes, que ce soit en Afrique, au Levant ou en Asie centrale.
Plus qu’aucun de nos partenaires, nous connaissons le prix de la souveraineté et celui du sang. Je veux rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui ont donné leur vie pour la France, à ceux qui ont été blessés, ainsi qu’à l’ensemble de nos forces. Leur engagement et leur professionnalisme nous permettent d’être libres.
La guerre est de retour sur notre continent. Autant que nous le pouvons, nous devons continuer de soutenir l’Ukraine, qui se bat pour sa survie, pour l’Europe et pour la liberté. Ce soutien ne doit cependant pas obérer la montée en puissance de nos capacités.
La commission, sous la conduite de son président, a veillé à maintenir ce chemin de crête. Il est étroit, mais il est incontournable. Jusqu’en 2030, les besoins de nos armées s’élèvent à plus de 400 milliards d’euros. La commission a fait le choix de lisser davantage l’augmentation du budget de la défense afin de crédibiliser cette hausse.
Un fonds européen destiné à l’industrie de la recherche dans le domaine militaire a vu le jour. D’un montant de 7 milliards d’euros pour la période 2021-2027, ce fonds démontre la prise de conscience unanime de la nécessité d’agir solidairement pour la défense de notre continent. Nous devons pouvoir faire face au réarmement, qui est non seulement français, mais aussi européen et international.
Nos entreprises doivent être à la hauteur de ces enjeux et prêtes à répondre à la demande. Dans mon département, cela va des petites entreprises, comme EM2 à Ancenis – une des très rares entreprises spécialisées dans les emballages d’obus, qui fait face actuellement à une demande exponentielle, voire faramineuse, en raison de la guerre en Ukraine, ce qui témoigne de la gravité de la situation –, aux grandes entreprises, comme Naval Group et les Chantiers de l’Atlantique, qui seront chargés de construire d’ici à 2038 un porte-avions à Saint-Nazaire pour un budget supérieur à 5 milliards d’euros.
À ce sujet, j’appelle votre attention, monsieur le ministre, car un véritable défi doit être relevé. Une part significative des travaux à Saint-Nazaire sont réalisés par des sous-traitants étrangers pour un coût salarial moins élevé, ce qui nous interpelle. Nous devons d’ores et déjà former du personnel qualifié capable d’assumer la construction du futur porte-avions.
L’État doit être au rendez-vous en matière d’éducation et de formation professionnelle, mais également pour accompagner les petites et moyennes entreprises, qui devront investir pour absorber une demande croissante. La visibilité dans les programmes à venir est essentielle, si nous voulons des acteurs français capables de répondre à des besoins complexes et variés en matière de défense. Leur contribution à la sécurité nationale, européenne et internationale est inestimable.
Notre engagement dans la défense et la sécurité est non seulement un impératif stratégique, mais aussi l’occasion de renforcer notre industrie, de créer des emplois et de stimuler l’innovation.
Nos entreprises sont un atout pour l’économie de nos territoires. Elles constituent une source d’expertise technologique de premier plan et une voie de développement qui contribue non seulement à notre sécurité, mais aussi à notre prospérité.
La dissuasion nucléaire doit rester la clé de voûte de notre stratégie de défense. Il nous faut absolument préserver cet héritage du général de Gaulle, qui a permis à la France d’être libre. Pour demeurer crédibles, nous devons veiller à l’entretien et au développement de nos vecteurs. Cela représente un coût très élevé, mais c’est le prix de notre liberté – il n’est donc pas négociable.
Nos forces conventionnelles doivent également être préparées à être engagées dans des conflits de haute intensité. Contrairement à Poutine, nous ne voyons pas nos soldats comme de la chair à canon. Nous les considérons comme des techniciens très efficaces qui doivent pouvoir servir en bénéficiant du meilleur matériel.
Le projet de LPM prévoit donc pour les années à venir une montée en gamme. La France s’apprête ainsi à moderniser ses équipements, en privilégiant la qualité sur la quantité. Les dernières technologies sont, certes, plus onéreuses, mais elles permettent une précision et une discrétion pouvant faire la différence.
Aujourd’hui comme hier, la patrie a besoin de femmes et d’hommes pour la défendre. Les effectifs de nos armées devront être portés à 275 000 postes en équivalent temps plein (ETP) en 2030. Pour les appuyer, mais aussi pour faire vivre le lien armées-Nation, la programmation prévoit d’accroître le nombre de réservistes à 80 000 à l’horizon 2030. Nous approuvons cette orientation.
Afin de parvenir à nos objectifs, nous avons également besoin de renforcer notre base industrielle et technologique de défense, que j’évoquais tout à l’heure. Le texte simplifie la passation de marchés et adapte les enquêtes de coûts. Plusieurs dispositions ont également pour objet de permettre à la France de disposer des matériels nécessaires à une confrontation. La création d’un livret d’épargne souveraineté est à cet égard pertinente.
Mes chers collègues, l’invasion de l’Ukraine par la Russie marque le début d’une nouvelle ère. D’autres conflits de haute intensité pourraient éclater à l’avenir, impliquant la France ou ses alliés. La guerre est toujours une tragédie. Il est de notre devoir de préparer au mieux notre pays à cette triste éventualité.
Vous connaissez les mots de Clemenceau : « il faut savoir ce que l’on veut ; quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire ». Nous avons dit ce que nous voulions : à nous d’avoir le courage de le faire ! (Applaudissements sur des travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux d’abord rendre hommage à l’engagement des femmes et des hommes au sein de notre armée, souvent au péril de leur vie.
Nous examinons ce projet de loi de programmation militaire dans le contexte que chacun connaît. Après le dernier rebondissement de ce week-end, permettez-moi de rappeler notre plein et entier soutien au peuple ukrainien et à ses dirigeants dans la reconquête de leur souveraineté.
L’invasion russe en Ukraine a justifié, aux yeux du Gouvernement, la nécessité d’accélérer le processus d’élaboration et d’adoption du présent texte. L’expression « économie de guerre » s’est même invitée – hâtivement – dans les propos présidentiels. Monsieur le ministre, malgré vos explications répétées, nous ne comprenons pas l’urgence qui guide le Gouvernement.
Nous ne voyons pas non plus cette rupture avec les deux dernières LPM que justifierait pourtant la nouvelle donne géostratégique européenne et mondiale. Nous voyons un texte dans la continuité des deux précédents, mais élaboré avec un déficit de concertation parlementaire et démocratique.
C’est dommageable, car vous demandez un effort important à la nation, avec une augmentation du budget des armées de près de 50 % d’ici à 2030 et un effort global de plus de 118 milliards d’euros sur le reste de la décennie. Cela représente 17 milliards d’euros par an en moyenne, sans financement spécifique. Vous étiez plus regardants quand il s’agissait de trouver 13 milliards d’euros pour nos caisses de retraite, quitte à mettre le pays dans un état d’extrême tension et à piétiner la démocratie parlementaire.
Votre gouvernement, enfermé dans son dogmatisme, refuse de faire contribuer les plus aisés à l’effort national et promet un retour du déficit public sous les 3 % d’ici à la fin du quinquennat.
Comment, dans ces conditions, allez-vous financer cette LPM ? Vos prévisions de croissance sont un leurre. Ce débat nécessite que nous connaissions les perdants, qui ne seront ni le ministère de l’intérieur ni le ministère de la justice, désormais dotés de leur propre programmation budgétaire. Alors, qui ? La transition écologique ? L’éducation nationale ? La culture ? Aucune de ces solutions n’est acceptable. C’est pour nous une ligne rouge !
Si nous comprenons l’effort de rattrapage budgétaire du ministère, si nous avons bien en tête que ces crédits correspondent souvent au paiement de programmes déjà engagés, si nous n’ignorons pas l’explosion du coût des matériels qu’induisent le saut technologique et les nouveaux espaces de conflictualité, il n’en reste pas moins que vous demandez beaucoup d’argent et que vous n’avez pas défini l’urgence de la menace et le besoin pour la France d’y faire face seule ou presque.
À vous entendre, et c’est aussi une faiblesse de ce projet de loi de programmation, on a parfois le sentiment que la France est seule au monde et qu’elle doit être en mesure de faire face à une guerre de haute intensité sur son sol sans aide de ses voisins.
Or ce que ce nouveau contexte géostratégique nous rappelle, c’est l’immense dépendance des Européens à l’égard des États-Unis pour assurer la sécurité de leur continent. Malgré cette froide réalité, la France – ce projet en est l’illustration – cultive son rêve d’autonomie et de puissance d’équilibre.
Nous ne partageons pas ce récit. La France est une puissance bien plus moyenne qu’elle ne veut le croire. Continuer à promouvoir un modèle d’armée complet, c’est prendre le risque du saupoudrage, de l’échantillonnage ; cette programmation n’échappe pas à ce constat – chacun en conviendra.
Résultat des courses : pour renouveler la dissuasion nucléaire au coût exorbitant, pour dégager des marges, pour investir de nouveaux espaces de conflictualité, nous n’investissons pas, comme nous le devrions, pour notre armée de terre, pour son équipement et pour le confort de vie des soldats et de leurs familles, cette fameuse « armée à hauteur d’homme » chère à votre prédécesseure, monsieur le ministre.
Les écologistes, pour leur part, considèrent que notre effort ne peut être qu’européen. Nos besoins en hommes, en équipements, en stocks stratégiques, en munitions, ne peuvent se mesurer que dans le cadre d’une coalition européenne. La revue nationale stratégique était d’une grande faiblesse en la matière et le rapport annexé au présent projet de LPM, certes amélioré par l’Assemblée nationale et le Sénat, demeure insuffisant.
Comment coordonner notre effort avec celui de nos voisins, notamment avec celui, sans précédent, décidé outre-Rhin ? Quelles impulsions pouvons-nous donner pour une base industrielle et technologique de défense résolument européenne, une nécessité tant pour harmoniser nos équipements que pour diminuer nos coûts de production ? Quel nouvel effort devons-nous faire pour construire politiquement la réponse européenne aux défis stratégiques du XXIe siècle, dont la guerre en Ukraine vient de nouveau rappeler l’absolue nécessité ? Cet effort peut-il, à court et moyen termes, s’inscrire raisonnablement en dehors du cadre otanien ? Sur toutes ces questions, votre texte est soit muet, soit vague, soit ambigu.
Il est certain que, pour renforcer la dimension européenne de notre effort militaire, il faudrait commencer par respecter les règles communes de l’Union européenne ; je pense au premier chef au code de conduite sur les exportations d’armes de 1998, qui, sans l’opposition de la France en particulier, pourrait devenir juridiquement contraignant.
Monsieur le ministre, la création d’une délégation parlementaire au contrôle des exportations d’armes ou l’extension en ce sens des prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement, adoptée en commission, est un impératif. J’en profite pour saluer les efforts de notre commission pour renforcer le contrôle parlementaire sur tous les volets de l’action de l’exécutif en matière de défense. Il faut mettre un terme à ce domaine réservé indigne d’une République démocratique.
J’insiste, pour conclure, sur le renforcement des efforts de transition écologique et énergétique de l’armée, qui reste à ce stade largement incantatoire. Je pense en premier lieu à la rénovation du bâti. Bien sûr, la situation de nos armées est à part, mais, s’agissant du premier poste ministériel en matière de consommation d’énergies fossiles, un effort tant écologique que financier doit être produit.
Avec les six petites minutes qui m’étaient imparties, ce propos est davantage un préambule qu’un tableau général. Je profiterai des jours de débats qui s’ouvrent pour être plus complet. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’entrer dans le vif du sujet, avec ce texte fondateur qui marquera notre politique de défense pour les prochaines années, j’aimerais m’adresser directement à nos soldats : « Vous êtes des femmes et des hommes d’exception, engagés en France et aux quatre coins du monde. Votre combativité est inégalable. Votre abnégation est un modèle pour tous. » Je veux leur dire, au nom du groupe RDPI, combien nous sommes fiers d’eux. Nous leur témoignons toute notre reconnaissance.
Je crois qu’au fond, dans cet hémicycle, nous défendons tous un objectif commun : protéger notre population et notre souveraineté. Pour ce faire, il importe d’accorder à nos armées les moyens adéquats. Nos visions des choses et les manières d’atteindre cet objectif sont multiples, mais, jusqu’à présent, nous avons toujours su avancer ensemble. Je forme le vœu que les débats de ces prochains jours se déroulent sereinement et qu’ils soient constructifs. J’espère que nos discussions nous permettront d’y voir plus clair, en particulier quant aux moyens budgétaires de cette programmation militaire.
Si, finalement, il y a lieu d’augmenter l’enveloppe budgétaire, nous en débattrons. Ce texte prévoit l’attribution progressive au budget des armées de moyens financiers considérables pour leur permettre de rattraper le retard d’investissement pris depuis trente ans, sans pour autant déséquilibrer le budget de la Nation ou réduire d’autres postes de dépenses nécessaires aux Français.
Si, en revanche, il y a lieu de maintenir la même enveloppe globale, ce débat sera l’occasion de comprendre où les coupes budgétaires doivent se faire pour compenser les nouvelles dépenses à intégrer.
En ce qui concerne le groupe RDPI, nous faisons le choix de la confiance en notre état-major, avec lequel ce projet de loi de programmation militaire a été minutieusement pensé et élaboré, et en notre ministre des armées.
Nous ne souhaitons pas rigidifier le travail de l’état-major. Il faut lui laisser la latitude nécessaire pour s’adapter à tous les défis.
Au cours de ces prochains jours, notre groupe vous proposera plusieurs amendements sur des sujets qui nous tiennent à cœur, par exemple pour compléter les missions de l’Office national des combattants et victimes de guerre, afin de le conforter dans son rôle de relais territorial de l’action mémorielle du ministère.
J’en profite pour saluer le travail de Mme la secrétaire d’État en charge des anciens combattants et de la mémoire, pleinement engagée aux côtés des anciens combattants et des blessés de guerre, notamment grâce au remarquable plan d’accompagnement des blessés 2023-2027, présenté le 10 mai dernier, ou encore à la disposition visant à exonérer certains étudiants, sur critères sociaux, du paiement des droits d’inscription dans les lycées de défense.
Dès 2017, le Président de la République a engagé une politique de rupture avec ses prédécesseurs afin de mettre un terme à plusieurs décennies de diminution de nos capacités militaires.
Dans le cadre de ce projet de loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030, il est essentiel que la France continue de renforcer ses moyens à la fois pour garantir son autonomie stratégique et assurer ses engagements en tant qu’alliée de l’Otan et membre de l’Union européenne. En somme, il s’agit d’être une puissance d’équilibre.
Avec cette nouvelle LPM, nous passons d’une première loi de réparation, sur la période 2019-2025, à une loi de transformation de nos capacités de défense, pour être plus efficaces et performants.
Outre le renouvellement des capacités opérationnelles, le ministère des armées a entrepris un effort de modernisation. Cette modernisation s’inscrit dans le cadre de la réforme de l’État et vise notamment à dégager des marges de manœuvre budgétaires pour adapter les capacités militaires, notamment en matière d’équipements, garantir les normes d’activité et d’entraînement et poursuivre l’amélioration des conditions de travail et de vie des personnels civils et militaires.
Le ministère des armées travaille avec dix grands groupes, 4 000 PME et ETI et 200 000 personnes. Près de 27 000 entreprises sont partenaires du ministère des armées.
Mes chers collègues, sur ces 413 milliards d’euros qui sont nécessaires pour garantir notre sécurité, 268 milliards vont principalement profiter à nos industries, soutenir l’emploi dans les territoires, préserver et développer les compétences. On sait que, pour un million d’euros d’investissement, on crée sept emplois directs et indirects.
Au cours des décennies écoulées, la France a principalement fondé sa politique de défense et de sécurité sur la dissuasion nucléaire et la notion d’autonomie stratégique à l’égard de l’Otan. Les menaces identifiées dans le Livre blanc de 2008 se sont amplifiées : terrorisme, cybermenace, prolifération nucléaire, pandémies. Dans un tel contexte, l’objectif d’une souveraineté maîtrisée concerne les domaines critiques de la dissuasion, l’accès à l’espace, la capacité d’entrer en premier, mais aussi le renseignement.
La dégradation du contexte géostratégique a entraîné l’émergence d’une idée d’autonomie stratégique européenne et doit conduire à prendre en compte le retour de la notion de guerre à haute intensité, comme on le voit en Ukraine. Ce conflit a rappelé la nécessité de disposer de solides systèmes de défense antimissiles et antiaériens en cas de conflit avec une puissance étrangère.
C’est pourquoi le Gouvernement a programmé pour la période 2023-2027 5 milliards d’euros pour la défense surface-air ; 4 milliards d’euros pour le cyber ; 5 milliards d’euros pour les drones et robots ; 16 milliards d’euros pour les stocks de munitions ; 10 milliards d’euros pour la fabrication d’un porte-avions de nouvelle génération. Ces éléments figurent parmi les priorités stratégiques de développement pour les armées françaises.
Néanmoins, cette programmation militaire ne se résume pas aux seuls investissements matériels. Elle comprend aussi un volet humain très important, avec un doublement de la réserve opérationnelle et plus de 6 400 créations de postes, 700 nouveaux postes étant ouverts dès 2024 et 2025. Cet objectif, s’il est réalisé, dépasserait les augmentations de postes obtenues grâce à l’actuelle LPM, selon les chiffres de la Cour des comptes.
Ce texte comprend aussi un plan Famille de 750 millions d’euros pour compenser les absences et les contraintes opérationnelles, ainsi qu’une politique de ressources humaines modernisée avec une gestion des carrières rénovée.
Dans l’Indo-Pacifique, face à une Chine qui ne cesse de multiplier ses démonstrations de puissance, cette programmation militaire permet à la France de tenir son rang grâce à son armée et à ses territoires d’outre-mer.
Un effort particulier sera fait sur les infrastructures en outre-mer, avec 13 milliards d’euros sur la période. Nos forces de souveraineté bénéficieront d’un effort généralisé sur le plan capacitaire – corvettes, avions de transport, drones, génie dual – et constitueront un premier échelon renforcé immédiatement disponible afin de décourager toute tentative de déstabilisation ou de prédation.
Elles disposeront par ailleurs de capacités de surveillance qui amélioreront la couverture de nos territoires outre-mer et de leurs zones économiques exclusives. Les capacités de commandement seront durcies de manière ciblée en fonction des enjeux régionaux.
Ces réformes et ce projet de loi de programmation envoient le signal clair que la France peut compter sur une armée moderne et totalement connectée à son époque pour atteindre, d’ici à 2030, un modèle complet et équilibré, apte à répondre à l’ensemble des menaces. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Philippe Folliot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tous ces milliards d’euros, ces moyens, ces matériels ne seraient rien sans celles et ceux qui servent pour la sécurité extérieure de notre pays. Aussi, je veux rendre hommage à nos soldats, à nos aviateurs, à nos marins, à l’ensemble des personnels des services de renseignement, de cybersécurité ou de soutien, aux ingénieurs de l’armement, bref, à toutes celles et à tous ceux, réservistes compris, qui contribuent à cet effort de défense.
Monsieur le ministre, c’est la cinquième loi de programmation militaire à l’élaboration de laquelle je participe depuis que je suis parlementaire. Mais c’est certainement celle qui porte la plus importante hausse budgétaire pour nos armées.
Rendons à César ce qui est à César, ou plutôt à Macron ce qui est à Macron,…
M. Philippe Folliot. … car c’est bien le Président de la République qui a eu la volonté de doubler le budget consacré à notre défense. C’est fondamental !
Il importe cependant de ne pas nous focaliser uniquement sur l’actualité. Ce qui se passe en Europe de l’Est est certes essentiel, et nous devons continuer à soutenir nos amis ukrainiens dans leur combat pour leur liberté et leur souveraineté, mais, au-delà de ce drame, j’identifie un certain nombre d’enjeux particulièrement importants.
Monsieur le ministre, selon moi, ce projet de loi de programmation militaire manque, à certains égards, d’audace. Si vous me permettez l’expression, nous sommes encore dans ce que je qualifie de « global riquiqui ». Je m’explique : nous avons tout, de la dissuasion nucléaire jusqu’aux fantassins sur le terrain, mais nous avons tout en très petit.
Aussi, il aurait fallu, à mon sens, donner la priorité à un certain nombre d’éléments. J’en citerai deux : la capacité de projection vers des théâtres extérieurs et les forces de souveraineté.
S’agissant de ces dernières, nous sommes passés de 15 000 personnels voilà trente ans à 8 700 voilà dix ans et à moins de 7 000 aujourd’hui. Derrière ce constat se joue quelque chose d’essentiel : la capacité de notre pays à donner de la crédibilité à sa stratégie indo-pacifique.
Certes, nous faisons partie d’une alliance et nous sommes protégés par l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord. Par parenthèse, nous pouvons regretter que certains de nos partenaires n’attachent pas plus d’importance à l’alinéa 7 de l’article 42 du traité sur l’Union européenne.
Pour autant, nous devons poursuivre les efforts de réarmement au profit de nos forces de souveraineté. Songez, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’aucune des vingt-six bases aériennes de plein exercice n’est installée dans les outre-mer. Notre marine nationale doit sortir de la logique des deux moitiés, Brest et Toulon, pour aller vers la logique des quatre quarts – Brest, Toulon, Saint-Denis-de-la-Réunion et Nouméa ou Papeete. Sortons aussi de cette logique des régiments tournants pour l’armée de terre. Il faut des régiments prépositionnés pour bénéficier d’une capacité de projection à partir des outre-mer.
Tels sont les enjeux que nous devons relever pour assumer une ambition collective. Nous défendrons d’ailleurs un certain nombre d’amendements pour améliorer la visibilité de notre stratégie. Considérons-nous non pas seulement comme une puissance continentale et européenne, mais également comme une puissance mondiale et maritime. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Allizard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour le général de Gaulle, la défense était « la première raison d’être de l’État ». Il ajoutait que l’État ne pouvait y « manquer sans se détruire lui-même ».
Le projet de loi de programmation militaire est donc déterminant pour notre avenir dans le contexte actuel. En effet, depuis la dernière LPM, le monde connaît un regain de tensions inquiétant.
L’Europe est confrontée à un conflit majeur causé par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, puissance dotée de l’arme nucléaire, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et membre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Cela en dit long sur l’état de l’ordre international.
Nous redécouvrons à nos dépens que la paix ne va pas de soi. Combien de programmes militaires ont été étalés, combien de coupes budgétaires et de réductions d’effectifs ont été justifiées en Europe par les « dividendes de la paix » ? La France n’a pas échappé à cette tendance, même si elle a su conserver, avec peine, un modèle complet d’armée et une base industrielle et technologique de défense performante.
Aujourd’hui, un nouvel ordre mondial se met en place entre le camp occidental, le pôle russo-chinois et le reste du monde. L’Europe pourrait se trouver « cornerisée ».
Une Russie au pouvoir contesté par des mercenaires nationalistes, cernée par l’Otan et dépendante de la Chine, est une menace sérieuse pour la sécurité. Rien ne me paraît plus dangereux qu’un pays acculé, au seuil de la guerre civile, surtout lorsqu’il s’agit d’une puissance nucléaire aux multiples capacités militaires.
Ces évolutions ne sont pas sans conséquence sur nos intérêts. En Afrique, la pression des compétiteurs stratégiques s’accroît, y compris dans l’espace francophone. Leurs stratégies de soft power s’y déploient en même temps que d’autres moyens hybrides. Ce sont là les outils du jeu des puissances auquel nous devons être préparés.
L’opération Barkhane a montré le savoir-faire de nos armées, mais aussi les limites du modèle expéditionnaire français. Grâce à leurs capacités d’adaptation, nos forces ont obtenu des succès incontestables, au prix néanmoins d’une usure des personnels, des matériels et de pertes humaines notables.
En Indo-Pacifique, nos forces sont présentes, en particulier la marine, et agissent avec nos alliés de la région, notamment face à la Chine qui avance ses pions à marche forcée et avec habileté. Autour de nos outre-mer, l’immensité des zones sous souveraineté française à surveiller et protéger restera un défi. Les drones et le traitement de masse des données par l’intelligence artificielle ne pourront pas tout.
« Être et durer », telle est la problématique posée aux chefs militaires. Qu’en sera-t-il demain dans la perspective d’un conflit complexe, de haute intensité, mêlant tous les champs de la conflictualité et entraînant une forte attrition des moyens ?
Un retour d’expérience rapide de l’exercice Orion 23 permettrait de savoir où la France en est dans ce domaine et d’envisager des ajustements.
Qu’en sera-t-il dans la perspective de conflits larvés, mais plus hybrides ? L’action combinée de quelques centaines de mercenaires Wagner sur le terrain africain et d’opérations de propagande-désinformation a permis de prendre le contrôle de fait de certains États, conduisant à l’éviction de la mission Barkhane. Les cyberattaques contre nos hôpitaux font aussi des dégâts dangereux et coûteux.
Prenons-nous pleinement la mesure de la force de ces déstabilisations réalisées à moindre coût ? Je n’en suis pas convaincu. Pour préserver la paix, les capacités actuelles ne sont plus suffisantes. Il faut des moyens adaptés, dimensionnés, capables d’évoluer rapidement.
Vous portez, monsieur le ministre, cette programmation aux ambitions fortes et aux moyens importants avec un certain sens de la communication.
Le Sénat a préparé l’examen de ce texte avec sérieux. Voulus par le président Cambon, les différents groupes de travail ont conduit des dizaines d’auditions sur plusieurs mois. J’y ai activement participé, avec plusieurs collègues, en particulier à ceux sur le renseignement et la prospective et sur le bilan de l’opération Barkhane.
Les amendements adoptés en commission témoignent d’une volonté d’aider les armées, sans esprit de polémique. Il est souhaitable que leur contenu trouve place dans le texte final.
Je ne m’étendrai pas sur le montage financier de ce projet de LPM. Nous faisons, vous faites des hypothèses, notamment sur l’inflation, et nous tablons, vous tablez sur des ressources additionnelles incertaines – certaines plus incertaines que d’autres, si je puis dire –, ainsi que sur des ajustements de dépenses au fil de l’eau. Avec le poids de la dette, néanmoins, les mauvaises surprises sont sans doute à venir.
La défense, ce sont aussi des industries : que seraient nos forces sans une BITD forte et indépendante ? La concurrence d’entreprises étrangères, aux contraintes limitées et fortement soutenues par leurs États, se durcit.
Les financements sont cruciaux pour la survie de ce qui est l’un des derniers écosystèmes industriels français. Il s’agit d’une filière d’excellence, non délocalisable, qui représente un vivier d’emplois dans les territoires.
Malgré les efforts de l’État, trop d’entreprises sont passées, ces dernières années, sous pavillon étranger, notamment pour y trouver les financements nécessaires à leur croissance. D’autres craignent de devoir être absorbées par de grands groupes, d’y perdre leur liberté et leur capacité à innover. Quant aux grands groupes, ils redoutent la défaillance de l’un de leurs fournisseurs critiques.
Les soutiens publics sont importants ; les financements privés le sont tout autant. Il faut créer un environnement favorable pour les banques et les investisseurs. Le passage à une économie de guerre ne pourra se faire sans eux.
Par ailleurs, un plus grand activisme français s’impose sur les projets de textes européens qui auront un impact sur l’industrie de défense. La veille ne suffit plus. En effet, derrière ces textes à vocation écologique et sociale, il y a souvent des lobbies qui ont des buts politiques et économiques contraires à nos intérêts. N’ajoutons pas de contraintes inappropriées qui fausseraient encore un peu plus la concurrence.
Aussi, j’ai fait adopter, en commission, de nombreux amendements pour conforter notre BITD.
La pérennité de ces industries requiert une visibilité des commandes. Elle leur permet de réaliser les investissements, souvent lourds – stocks, machines-outils, robots –, de maintenir les compétences et de pouvoir embaucher pour répondre aux besoins des armées, en particulier dans le contexte d’économie de guerre. Les stop and go empêcheront de produire vite et mieux. La continuité industrielle est indispensable, car les capacités et les compétences se perdent vite et se rattrapent lentement.
Le paradigme des coopérations européennes atteint aussi ses limites. Avec nos partenaires allemands, rien n’est simple, ni sur le système de combat aérien du futur (Scaf) ni sur le Main Ground Combat System (MGCS). Nous devons être très vigilants sur ces points.
Monsieur le ministre, avec la guerre en Ukraine, les autorités russes sont parties du postulat selon lequel les démocraties sont faibles et malades. Elles ont d’ailleurs tout fait pour les diviser et mieux les affaiblir. Face aux instincts belliqueux portés par la convergence des autoritarismes, nous devons – nous, démocraties – afficher une détermination sans faille.
Le droit et les valeurs sont des instruments nécessaires, mais insuffisants, pour défendre nos sociétés démocratiques. Donnons-nous réellement, ensemble, les moyens à la hauteur de nos ambitions et des menaces nouvelles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de programmation militaire par la Haute Assemblée constitue toujours l’un de ces moments graves et solennels où nous nous rendons compte que ce qui se joue n’est ni plus ni moins que la sécurité de notre pays et de nos compatriotes, donc leur avenir.
C’est une lourde responsabilité qui nous incombe alors, dans ce monde où – plus personne ne le niera désormais – les enjeux de sécurité et de défense n’ont jamais été aussi cruciaux.
Investie au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées depuis mon entrée au Sénat, en 2004, j’ai parfois eu l’impression que ces enjeux de défense et de sécurité n’avaient pas toujours été pris en compte à leur juste valeur. Je me réjouis donc d’autant plus de la prise de conscience collective, aussi bien dans l’opinion que chez les décideurs publics, de leur importance primordiale.
À l’heure où l’Ukraine se bat avec un courage admirable, il est indispensable d’afficher clairement, dans cette LPM, nos ambitions en matière de sécurité collective et notre ferme volonté de tenir notre rang en tant que première armée de l’Union européenne et de maillon essentiel de l’Otan, cette alliance euro-atlantique qui n’a jamais failli et qui est la meilleure garante aujourd’hui de notre sécurité et de notre défense collective.
L’enrichissement substantiel du texte que nous avons proposé en commission démontre une nouvelle fois la qualité du travail de notre assemblée et contribuera très nettement à mettre cette LPM au niveau que nos armées, à qui je veux moi aussi rendre ici un hommage appuyé, sont en droit d’attendre et à la mesure des engagements qui sont les nôtres à l’égard de nos concitoyens et de nos alliés et partenaires.
L’adoption de cette LPM permettra ainsi à la France, au sommet prochain de l’Otan, qui se tiendra le 11 et le 12 juillet prochain à Vilnius, d’apparaître aussi crédible et fiable qu’elle doit l’être.
Je rappelle que les 274 membres de l’Assemblée parlementaire de l’Otan, que j’ai l’honneur de présider et dont je porterai la voix auprès des 31 chefs d’État et de gouvernement lors de ce sommet de Vilnius, appellent, à l’unanimité, à renforcer le soutien politique et militaire à l’Ukraine et à renforcer notre politique de défense et de dissuasion, en consacrant plus de moyens à l’accroissement de nos capacités collectives.
Ne disposant que de cinq minutes de temps de parole, intervenant en toute fin de discussion et ne voulant pas répéter tout ce qu’ont excellemment dit plusieurs de mes collègues, je me contenterai de m’arrêter sur deux autres sujets.
En premier lieu, je veux évoquer la désinformation. La guerre informationnelle qui est menée quotidiennement par la Russie notamment est d’une grande violence, et ses conséquences pourraient être des plus désastreuses et destructrices pour notre pays, nos sociétés et nos démocraties si nous ne la prenons pas collectivement en compte.
M’étant moi-même penchée sur cette nouvelle forme de guerre dans un rapport que j’ai présenté à l’Assemblée parlementaire de l’Otan, je souhaite insister sur la nécessité de se préparer, de se former, donc de s’armer, dès le plus jeune âge, comme cela se fait dans plusieurs États scandinaves, face à ces attaques qui visent à saper les fondements mêmes de nos sociétés démocratiques.
En second lieu, en conséquence de ces nouvelles mesures, il me semble tout aussi essentiel de développer nos outils d’influence et de reformer le lien entre l’armée et la nation, tout particulièrement auprès de nos jeunes Français établis à l’étranger, qui sont de plus en plus nombreux.
Les journées défense et citoyenneté représentent, à ce titre, une excellente opportunité pour acquérir les premières connaissances indispensables à la compréhension des grands enjeux de défense qui touchent notre pays, mais elles ne sont, à mon grand regret, que rarement organisées, alors même que les jeunes Français résidant à l’étranger sont déjà exclus du SNU. Je défendrai des amendements pour les promouvoir.
Ne perdons pas de vue que les Français établis hors de France demeurent la vitrine de notre pays à l’international, un de nos meilleurs outils d’influence, un relais essentiel chez nos partenaires alliés et, parfois, amis.
Les Français établis hors de France sont des Français à part entière, des citoyens engagés, qui ne demandent qu’à servir leur pays, que ce soit par la promotion de nos intérêts économiques, par une veille géostratégique, par une cyberdéfense adaptée ou encore par une lutte contre la désinformation. Il est de notre devoir et de notre responsabilité de les soutenir, donc de leur donner, dans ce texte, les moyens de mieux servir notre pays, nos armées et nos valeurs. Ne les décevons pas. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Belin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Belin. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi de programmation militaire est essentiel, pour plusieurs raisons.
D’abord, il l’est du fait du contexte géopolitique international. Nous avons tous en tête la guerre en Ukraine. C’est le fait générateur, mais d’autres événements doivent évidemment être suivis.
Ma première pensée va à l’Afrique, dont nous avons débattu voilà quelques jours. Il est vrai qu’il y a une dégradation incontestable de la situation sur ce continent, avec le développement d’un sentiment antifrançais. Je pense au Mali ; à la Centrafrique ; au Burkina Faso, malheureusement ; ainsi qu’au Maghreb – nous en avons parlé la semaine dernière ici même.
Par nos outre-mer, nous avons une responsabilité sur l’ensemble du globe. Ils sont, pour nous, un atout, mais aussi, évidemment, ils nous obligent – j’en profite pour saluer l’ensemble de mes collègues ultramarins ici présents. Cette responsabilité nécessitera des moyens maritimes. Nous en reparlerons, monsieur le ministre.
Il existe d’autres théâtres d’opérations potentiels. Je pense à l’Iran, à l’Afghanistan ou encore à la Corée du Nord.
Cette accumulation de menaces sur tous les continents oblige en effet à des moyens nouveaux. C’est ce qui nécessitait d’actualiser la loi de programmation militaire.
L’autre grande raison que je veux évoquer est la multiplicité des guerres. C’est le grand changement du XXIe siècle.
Les vieilles guerres, brutales, existent encore. Les images que nous voyons en Ukraine rappellent celles de nos livres d’histoire sur la Première Guerre mondiale, une époque où chaque tranchée était un couloir de la mort.
Mais il y a de nouvelles guerres, pernicieuses.
Il y a les guerres technologiques, avec une montée en puissance de l’informatique, du numérique, du quantique au cyber, où les drones sont partout et où l’intelligence artificielle le sera demain.
Il y a aussi les guerres liées au terrorisme.
Tout à l’heure, notre collègue Rachid Temal a fait du 11 septembre 2001 une date tournant. Bien sûr que nous avons tous en tête le 11 septembre ! Cependant, monsieur le ministre, j’ai une pensée pour l’attentat contre le Drakkar, au Liban,…
M. Bruno Belin. … en octobre 1983, dont j’espère que vous organiserez la commémoration dans quelques semaines. (M. le ministre le confirme.) Déjà, le terrorisme était venu se mêler à la guerre.
L’ensemble de ces données viennent justifier des moyens nouveaux et variés face à la diversification des menaces. C’est un effort indispensable face à la conflictualité de demain. Il est nécessaire de transformer nos armées, d’anticiper et, bien évidemment, d’associer la nation, parce que ces risques nouveaux entraînent une exposition des civils.
Une fois le cadre tracé se pose évidemment la question des moyens et des ressources humaines.
Les moyens, monsieur le ministre, sont essentiels. Vous les avez longuement évoqués tout à l’heure, et M. le rapporteur Christian Cambon a fait de même.
Cela m’inspire plusieurs interrogations.
La tête de pont, la tête de chapitre est évidemment la dissuasion nucléaire, que nous devons réaffirmer.
Derrière, il y a les moyens maritimes. Où en sommes-nous avec nos sous-marins ? Où en sommes-nous d’un prochain porte-avions ? Nous défendons ce projet, cher, mais essentiel.
Se pose également la question des stocks stratégiques. Il faut évidemment, par ce projet de loi de programmation militaire, envoyer un signal fort à nos équipementiers.
Se pose aussi la question des livraisons en cours – Rafale, Scorpion, Griffon, Jaguar. Nous devons, par ce qui ressortira de nos débats au Sénat, monsieur le ministre, porter un message fort pour l’industrie de guerre.
Je veux dire un mot sur les ressources. Vous faites des réserves l’une des pierres angulaires des mobilisations possibles. À ce sujet, les questions que nous nous posons légitimement sont évidemment celles du calendrier, des formations, des équipements.
Alors que nous débattons du budget, monsieur le ministre, je crois que, face à ce qui se présente, nous ne pouvons pas trop attendre.
Tout à l’heure, il a été question de « cadencement ». Le terme me paraît exact : il faut sans doute une montée plus linéaire des questions budgétaires pour soutenir notre armée. Bien évidemment, je sais combien le Sénat adresse à l’ensemble des forces armées militaires et de gendarmerie un message de soutien.
En tout état de cause, il n’est plus question de perdre du temps sur les questions de défense nationale. Le temps perdu ne se rattrape plus. À cet égard, ce débat est capital. Il est l’occasion d’adresser un message de soutien à nos armées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mme Nicole Duranton et M. Denis Bouad applaudissent également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX OBJECTIFS DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE ET À LA PROGRAMMATION FINANCIÈRE
Article 1er
Le présent titre fixe les objectifs de la politique de défense et la programmation financière qui leur est associée pour la période 2024-2030 ainsi que les conditions de leur contrôle et de leur évaluation par le Parlement et les modalités de leur actualisation par la loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 1er bis (nouveau)
La présente loi de programmation militaire doit assurer des choix stratégiques clairs et cohérents face aux différentes menaces, conformes aux responsabilités que la France entend exercer et en adéquation avec les besoins et les moyens dévolus aux armées. Elle doit permettre à celles-ci d’être en capacité de répondre de manière autonome à l’évolution des conflictualités et des menaces pour les intérêts nationaux, la sécurité et la défense nationale. La base industrielle et technologique de défense (BITD) vient soutenir ces choix et contribuer à notre capacité souveraine à assurer notre sécurité.
La politique de défense de la France est fondée sur le socle de la dissuasion nucléaire, renouvelée dans la logique de la juste suffisance et de la crédibilité, et sur le modèle d’armée d’emploi qui assure des capacités d’intervention et projection autonome face à une agression ou menace d’agression sur ses intérêts nationaux et stratégiques.
La politique de défense de la France a pour objectifs :
1° D’assurer l’intégrité du territoire national, y compris des outre-mers et de protéger la population contre les agressions armées ;
2° De contribuer à la lutte contre les autres menaces, actuelles et futures, susceptibles de mettre en cause la souveraineté, la sécurité et la défense nationale ;
3° De concourir à la sécurité collective et à la défense de la paix dans le cadre de ses alliances, du cadre multilatéral international et de ses partenariats. La stabilité et la paix en Europe restent au cœur des préoccupations de la stratégie de défense de la France. Celle-ci passe à la fois par le renforcement de la politique européenne de défense et de sécurité afin de garantir l’autonomie stratégique de l’Europe et par la construction d’un pilier de défense européen solide au sein de l’OTAN. À ces fins, la France joue un rôle actif au sein de l’Union européenne et de l’OTAN, pourvoyeuse de sécurité comme Nation-cadre et comme partenaire incontournable. La France s’attachera à développer, avec ses partenaires européens, un renforcement de son engagement dynamique dans l’OTAN, notamment au travers de coopérations ;
4° De participer au renforcement du lien entre la Nation et ses armées qui passe par l’adhésion des concitoyens aux objectifs et aux choix définis démocratiquement.
M. le président. L’amendement n° 54 rectifié, présenté par MM. Guiol, Guérini, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire et Gold, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
et de protéger la population contre les agressions armées
par les mots :
, de protéger la population contre les agressions armées et de secourir les ressortissants français menacés à l’étranger
La parole est à M. André Guiol.
M. André Guiol. Notre commission a introduit un article 1er bis rappelant, au cœur du texte, le cadre stratégique dans lequel la programmation a été conçue. Cet article souligne également les grands objectifs de la défense nationale, que sont : protéger la population du territoire national, outre-mer compris ; lutter contre les menaces actuelles et à venir ; concourir à la sécurité collective et à la défense de la paix, dans le cadre de nos alliances et partenariats, d’une part, du multilatéralisme, d’autre part ; enfin, renforcer le lien entre la Nation et ses armées.
Le présent amendement vise à compléter ces objectifs, en rendant explicite la protection des Français à l’étranger.
En effet, le nombre des ressortissants français voyageant ou résidant à l’étranger ne cesse d’augmenter. Leur sécurité peut être menacée lorsqu’ils se trouvent dans des espaces mal contrôlés, qu’il s’agisse de pays aux structures étatiques défaillantes ou de zones maritimes en proie à la criminalité.
Si, depuis une quinzaine d’années, les attaques visant collectivement une communauté française expatriée ont été rares, le risque d’enlèvement perdure.
Par ailleurs, nos compatriotes peuvent régulièrement être pris dans des situations exceptionnelles qui nécessitent une action d’urgence, que ce soit des coups d’État, une guerre civile ou une catastrophe naturelle.
Comme vous le savez, mes chers collègues, l’armée française a procédé, en avril dernier, à l’évacuation rapide et en toute sécurité de citoyens français du Soudan, pays en proie à un conflit entre l’armée régulière et les paramilitaires. J’en profite pour saluer l’efficacité de nos armées, qui, dans de telles situations, se montrent très réactives et à la hauteur des enjeux.
Aussi, il me semble utile de rappeler cette fonction de protection des Français résidant hors de France que les militaires sont régulièrement amenés à mettre en œuvre. (Mme Nathalie Delattre applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. La commission soutient cet excellent amendement.
Nous nous associons à l’hommage qui a été rendu à nos forces françaises, qui, dans l’opération Sagittaire, ont accompli un exploit exceptionnel.
Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je souscris sans réserve à l’objet de l’amendement.
Sagittaire est venu montrer comment les forces armées peuvent mener à bien une mission d’évacuation. D’ailleurs, par comparaison avec d’autres nations européennes, nous avons su agir vite, faire preuve de réactivité, intervenir seuls, faisant jouer à la fois nos capacités à articuler forces spéciales – je n’en dis pas plus – et aviation de transport, mais aussi nos accords de défense, avec Djibouti.
D’ailleurs, Sagittaire est un cas pratique intéressant sur les types d’évacuations auxquelles nous pourrions être amenés à procéder dans les années qui viennent. Loin de moi l’envie de doucher l’enthousiasme de la presse sur le sujet, mais force est de constater que le nombre de ressortissants français était limité. Dans d’autres pays d’Afrique, les communautés sont beaucoup plus importantes et nécessiteraient probablement une planification un peu différente. Je le dis non pour amoindrir le travail des forces armées, mais pour nous inviter à réfléchir collectivement.
Au fond, la position du Gouvernement sur cet amendement dépend aussi, plus globalement, de la rigueur que l’on attend du texte.
En effet, l’adoption de l’amendement encadre et restreint la capacité à protéger, puisque son dispositif laisse à penser que la protection de nos ressortissants à l’étranger ne relève que des terrains sécuritaire et militaire. Or, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, d’autres ministères procèdent évidemment à des évacuations et à des protections sanitaires.
De fait, on est là dans les dispositions normatives du texte, non dans le rapport annexé. Dans le rapport annexé, on pourra peut-être se permettre des signalements politiques sur un certain nombre de sujets. Mais, en intervenant sur la partie légale, en tant que législateurs, vous produisez du droit !
J’y insiste, les évacuations visées sont dans le domaine de compétences des armées. En revanche, des évacuations sanitaires, individuelles ou même collectives ou semi-collectives, ne relèvent pas forcément du domaine des armées.
Je suis donc plutôt réservé sur l’amendement. Je comprends très bien sa finalité, mais, si l’on s’en tient à une analyse strictement normative, on se rend compte que cet amendement serait quelque peu restrictif.
Par conséquent, je sollicite son retrait.
M. le président. La parole est à M. André Guiol, pour explication de vote.
M. André Guiol. Au-delà de l’aspect normatif, il s’agit d’utiliser la loi de programmation militaire pour envoyer un message fort.
Quand les Français, notamment les militaires, accomplissent des actions de qualité exceptionnelle, il est important de leur renvoyer l’ascenseur.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Je veux remercier notre collègue André Guiol de proposer cet ajout.
Je rappelle que nos forces armées, quand elles ont à intervenir, ne se préoccupent pas que des ressortissants français : elles secourent aussi bien les ressortissants européens et étrangers – on peut en témoigner chaque fois. (M. le ministre le confirme.) On sait, pour l’avoir vu par le passé, avec quelle humanité nos forces interviennent pour secourir des étrangers quand il y a un problème.
S’il y a des choses à améliorer, c’est dans le domaine de la sécurité. Nos élus représentant les Français établis hors de France rappellent souvent qu’ils doivent être mieux associés lorsqu’il y a un problème.
Je vous remercie, mon cher collègue, d’avoir noté ce point.
Bien évidemment, je soutiendrai cet amendement.
J’y insiste, il ne s’agit pas du tout de mettre en doute les interventions de nos forces armées visant à nous protéger en cas de défi sécuritaire à l’étranger : elles ont toujours été au rendez-vous, pour nous et pour tous les Européens.
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. Je veux dire quelques mots de l’article et de l’amendement, que nous soutenons.
Il nous semblait nécessaire, par cet article additionnel dont nous sommes à l’origine, d’ajouter un chapeau à ce projet de loi.
Le rapport annexé contient des éléments, mais chacun connaît le destin réservé aux rapports annexés. Nous avons évoqué, lors de l’examen de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, la différence entre la partie normative et le rapport annexé – nous pourrions en parler durant des heures…
Il nous paraissait important, dans ce chapeau, d’essayer de préciser le sens de cette loi de programmation militaire et de se fixer quatre objectifs qui soient parfaitement clairs, notamment la protection des Français.
C’est la raison pour laquelle nous considérons que la précision que vise à apporter le présent amendement est une bonne chose. Nous y sommes favorables.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je veux faire deux commentaires pour préciser les choses.
D’une part, je pense que, dans l’ensemble, le chapeau, tel qu’il a été introduit par la commission, va dans le bon sens : il fait bien la synthèse des grands attendus politico-militaires, mais aussi diplomatiques. Le Gouvernement n’a d’ailleurs déposé aucun amendement sur ce point.
Le fait qu’il n’y ait pas eu d’autres amendements déposés me laisse penser, comme je l’ai dit tout à l’heure à la tribune, qu’il est consensuel, en tout cas pour les sensibilités politiques telles qu’elles sont représentées au Sénat – il n’en irait pas forcément de même en dehors de cette enceinte…
D’autre part, en précisant que la mission de protection des ressortissants ne repose pas sur le seul ministère des armées, je voulais éclairer le Sénat dans les débats.
Cela étant fait, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis, modifié.
(L’article 1er bis est adopté.)
Chapitre Ier
Objectifs de la politique de défense et programmation financière
Article 2 et rapport annexé (réservés)
M. le président. L’examen de l’article 2 et du rapport annexé est réservé jusqu’à la fin de l’examen du texte.
Article 3
Pour la période 2024-2030, le montant des besoins physico-financiers programmés s’élève à 413,3 milliards d’euros.
Les ressources budgétaires de la mission « Défense », hors charges de pensions et à périmètre constant, évolueront comme suit entre 2024 et 2030 :
(En milliards d’euros courants) |
||||||||
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
Total 2024-2030 |
|
Crédits de paiement de la mission « Défense » |
47,4 |
51 |
54,6 |
58,2 |
61,8 |
65,4 |
69 |
407,4 |
Variation |
+ 3,5 |
+ 3,6 |
+ 3,6 |
+ 3,6 |
+ 3,6 |
+ 3,6 |
+ 3,6 |
Cette trajectoire de ressources budgétaires s’entend comme un minimum.
Ces ressources budgétaires seront également complétées, sur la durée de la programmation, par des ressources extrabudgétaires comprenant notamment le retour de l’intégralité du produit des cessions immobilières du ministère de la défense, les redevances domaniales et les loyers provenant des concessions ou des autorisations de toute nature consenties sur les biens immobiliers affectés au ministère. Ces ressources sont estimées comme suit :
(En millions d’euros courants) |
||||||||
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
Total 2024-2030 |
|
Ressources extrabudgétaires (prévisions) |
1316 |
1049 |
899 |
694 |
649 |
630 |
629 |
5866 |
Chaque année, si les ressources extrabudgétaires sont inférieures au montant de la prévision figurant au tableau constituant le sixième alinéa du présent article, elles seront complétées à hauteur de ce montant par des crédits budgétaires dans la loi de finances initiale de l’année suivante.
À ces ressources budgétaires et extrabudgétaires s’ajouteront celles nécessaires au financement de l’effort national de soutien à l’Ukraine. Elles concernent notamment le financement de contributions à la Facilité européenne pour la paix, des recomplètements nécessaires, en cas de cessions d’équipements ou de matériels, à la préservation intégrale du format des armées prévu par la programmation militaire présentée dans le rapport annexé à la présente loi ou d’aides à l’acquisition de matériels ou de prestations de défense et de sécurité. Ces moyens seront déterminés en loi de finances de l’année ou en exécution, en cohérence avec l’évolution du contexte géopolitique et militaire.
En cas de prélèvement d’équipements ou de matériels sur les parcs des armées au titre du soutien à l’exportation, s’ajouteront les ressources nécessaires au financement des recomplètements nécessaires à la préservation intégrale du format des armées prévu par la programmation militaire présentée dans le rapport annexé à la présente loi. Ces moyens seront déterminés en loi de finances de l’année ou en exécution.
Ces ressources ne comprennent pas le financement du service national universel qui dispose d’un financement ad hoc hors loi de programmation militaire.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l’article.
M. Bruno Retailleau. L’article 3, monsieur le ministre, est la clé de voûte de la LPM.
Si j’ai souhaité prendre la parole, c’est à la fois pour vous répondre, pour répondre à l’article de ce matin, que nous avons tous lu, pour répondre aux propos que vous avez tenus tout à l’heure, mais aussi pour préciser notre pensée, pour aujourd’hui et pour demain, dans la perspective de la réunion de la commission mixte paritaire.
Quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, personne ne pense ici que 413 milliards d’euros ne sont rien. C’est un réel effort – je n’y reviens pas.
Simplement, nous voulons, dans cet article, lever un doute, lié à une incertitude, mais aussi à une facilité.
L’incertitude, ce sont les crédits qui ne sont pas budgétés. Ce n’est pas nous qui l’avons relevé : c’est le Haut Conseil des finances publiques. À cet égard, notre trajectoire a le mérite de matérialiser les 7,4 milliards d’euros qui n’étaient pas concrétisés.
J’en viens au doute lié à la facilité. Alors que l’essentiel de l’effort est reporté après 2027, nous voulons, pour notre part, que la progression soit linéaire. Sinon, l’effort, la marche sont les mêmes que dans la LPM actuelle !
C’est maintenant que la guerre a lieu. C’est maintenant que nous devons faire un effort. C’est maintenant que nous subissons l’inflation, que l’euro d’aujourd’hui a plus de valeur que l’euro de demain.
Nous voulons nous assurer, dans un monde chaotique.
Au reste, nous ne sommes pas du tout d’accord avec le chiffre de 420 milliards d’euros que vous avez cité : le bon chiffre est 413 milliards d’euros. Nous l’avons vérifié avec notre commission des finances – c’est notre façon de compter l’argent public…
D’ailleurs, si nous avions voulu sortir de l’enveloppe, nous aurions inscrit, au premier alinéa de l’article 3, non 413 milliards d’euros, mais 420 milliards d’euros.
M. Jean-François Husson. Voilà !
M. Bruno Retailleau. Par conséquent, mes chers collègues, nous modifions le cadencement, mais nous restons dans l’enveloppe définie à Mont-de-Marsan par le Président de la République. Je tenais à le dire solennellement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 66, présenté par MM. Temal, Féraud et Kanner, Mmes Carlotti, Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Roger, Todeschini, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
(en milliards d’euros courants) |
||||||||
LPM de référence |
LPM 2019-2025 |
LPM 2024-2030 |
||||||
Année |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
Total des crédits nouveaux 2024-2030 |
Crédits de paiement de la mission « défense » |
47,04 |
51,54 |
53,04 |
56,04 |
60,32 |
64,61 |
68,91 |
302,92 |
Variation annuelle |
+ 3,1 |
+ 4,5 |
+ 2,5 |
+ 3 |
+ 4,3 |
+4,3 |
+4,3 |
|
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, vous avez fait une large communication sur l’effort inédit consenti au travers de cette loi de programmation militaire.
Par cet amendement, nous voulons simplement ramener cet effort budgétaire à sa juste proportion.
Le chevauchement calendaire des deux lois de programmation militaire permet au Gouvernement de budgétiser dans les deux lois pour les exercices 2024 et 2025.
Dans la LPM 2019-2025, on estime à 97 milliards d’euros ce qui était prévu pour les budgets 2024 et 2025. Cette somme n’a jamais été budgétisée, du fait de l’absence de véritable réactualisation en 2021 – c’est un autre ministre qui était en fonction –, mais aussi du raccourcissement de l’actuelle loi de programmation militaire.
Les crédits pour 2019-2025 devaient être de 295 milliards d’euros. Ils seront seulement, pour 2019-2023, de 198 milliards d’euros. La loi de programmation militaire 2024-2030 réaffecte les 97 milliards d’euros restants. L’effort réel serait donc de 303 milliards d’euros, auxquels il faudra, un jour, soustraire l’inflation, que le Gouvernement et vos services ont estimée à environ 30 milliards d’euros.
(Mme Pascale Gruny remplace M. Alain Richard au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
vice-président
Mme le président. L’amendement n° 282, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
(En milliards d’euros courants) |
||||||||
|
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
Total 2024-2030 |
Crédits de paiement de la mission « Défense » |
47,04 |
50,04 |
53,04 |
56,04 |
60,32 |
64,61 |
68,91 |
400,00 |
Variation |
+ 3,1 |
+ 3,0 |
+ 3,0 |
+ 3,0 |
+ 4,3 |
+ 4,3 |
+ 4,3 |
La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je présenterai cet amendement comme un amendement d’appel, car je ne nourris aucune illusion sur le sort qui lui sera réservé…
Cependant, il permet d’apporter la grande clarification et les précisions souhaitées. De fait, au regard de ce que vient de dire Bruno Retailleau, je constate que nous pouvons converger politiquement, mais que nous ne partageons pas la même lecture technique sur la rédaction du texte.
Trois sujets sont devant nous.
Je ne reviens pas sur le premier, monsieur Todeschini : les 30 milliards d’euros ne doivent pas être soustraits puisqu’ils sont déjà dans la copie, comme je l’ai dit à plusieurs reprises en audition au rapporteur pour avis Dominique de Legge, à qui j’ai communiqué par écrit, ainsi que je m’y étais engagé, les modalités de calcul de la prise en compte de l’inflation. Je pourrai donc répondre une nouvelle fois à vos questions sur ce sujet. Quoi qu’il en soit, il ne s’agit vraiment pas d’ôter 30 milliards d’euros à 413 milliards d’euros ou à 420 milliards d’euros, ou à je ne sais quelle autre somme encore.
D’ailleurs, le principe d’une programmation des années 1960 à nos jours vise à intégrer un aléa dont nul ne sait ce qu’il deviendra.
Les facteurs macroéconomiques vont-ils se retourner ? Ce serait une bonne nouvelle, puisque les projections sont plutôt prudentes selon les critères que nous avons retenus. La situation va-t-elle, au contraire, s’aggraver ? En ce cas, mesdames, messieurs les sénateurs, elle s’aggravera pour l’ensemble du budget de l’État et pour d’autres programmes. Nous aurons l’occasion d’y revenir et, au regard de notre engagement à documenter l’inflation année par année en loi de finances, vous pourrez, monsieur le rapporteur, constater ces effets dès les documents budgétaires annuels. Vous les constaterez sur ce que l’on appelle le « physique », à savoir, pour faire clair, des décalages de commandes que vous n’avez pas relevés jusqu’à présent.
Nous sommes revenus de nombreuses fois en commission sur ce sujet de l’inflation, mais je voulais l’aborder dans cet hémicycle.
Le deuxième sujet, que Bruno Retailleau a évoqué dans la seconde partie de son propos, est la dynamique – le rythme, en quelque sorte – de l’effort budgétaire.
J’en viens à la politique, au sens noble du terme.
Vous dites que l’essentiel de l’effort concerne l’après-2027. Pour ma part, je vois deux tiers d’efforts entre 2017 et 2027 ! J’y reviendrai dans un instant.
Je considère que cette trajectoire n’est pas la même marche, puisque monter sur la même marche d’un escalier revient à faire du sur-place… En l’occurrence, il y a bien 3 milliards d’euros qui s’ajoutent à chaque fois.
Cela dit, on pourrait revenir sur la dynamique des marches.
Le troisième sujet, c’est le montant global de l’enveloppe.
À ce propos, monsieur Retailleau, vous avez déclaré au nom du groupe que vous avez l’honneur de présider que le Sénat restait dans l’enveloppe des 413 milliards d’euros. C’est pourquoi, dans l’interview qui a paru ce matin…
M. Bruno Retailleau. Elle était désagréable !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Quand l’un de vos collègues de groupe publie un tweet quelques minutes seulement après le discours du Président de la République à Mont-de-Marsan,…
M. Cédric Perrin. C’est moi !
M. Sébastien Lecornu, ministre. … – en effet, c’est M. Perrin –, je ne m’offusque pas !
Quand le Sénat – et c’est de bonne guerre – trouve que le texte manque d’ambition, je ne m’offusque pas !
C’est cela aussi, le jeu démocratique.
De la même façon que vous avez une lecture et un avis sur ce projet de loi, le Gouvernement peut avoir un avis sur le texte tel qu’il est issu des travaux de la commission. (M. Jean-Noël Guérini acquiesce.) Au contraire, cela me semble sain : cela s’est produit à trois reprises en commission des affaires étrangères et de la défense, sous l’autorité de son président, Christian Cambon, et j’en informe nos concitoyens. Il n’y a pas là d’agressivité, vous le savez très bien.
En revanche, techniquement, je veux revenir sur l’interprétation des chiffres. Cela donnera peut-être lieu à des débats plus politiques dans un autre cadre, mais je pense utile de détailler de nouveau la copie du Gouvernement, ainsi que je l’ai d’ailleurs déjà fait par un courrier en date du 2 juin dernier que j’ai adressé à un certain nombre d’entre vous.
Ainsi, 400 milliards d’euros de crédits budgétaires sont prévus pour 413,3 milliards d’euros de besoins militaires. Les 13,3 milliards d’euros de différence se répartissent de la façon suivante.
Tout d’abord, 5,9 milliards d’euros correspondent à des ressources extrabudgétaires, dont on estime désormais qu’elles sont sécurisées.
M. Bruno Retailleau. On est d’accord !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Cela a suscité de nombreux débats, mais, sur ce point, en effet, nous sommes d’accord.
Ensuite, 1,2 milliard d’euros correspondent à l’une des parts du financement de l’Ukraine – je vous rappelle qu’il en existe trois différentes –, à savoir les prélèvements sur le parc des armées. Ceux-ci donnent lieu à un « recomplètement » par du matériel neuf. En d’autres termes, quand on fournit un AMX-10 RC ou un Crotale, le premier est remplacé par un Jaguar, le second par un VL-Mica. Ce faisant, on a touché au format des armées ; or, même s’ils sont anciens, ces matériels étaient encore dans la cible capacitaire jusqu’en 2030, voire 2035.
Enfin, 6,2 milliards d’euros sont destinés à deux outils différents : d’une part, le report de charges – on nous a suffisamment reproché de ne pas suffisamment prendre en compte l’inflation pour balayer désormais d’un revers de main l’outil qui, de tout temps, le permet (M. Rachid Temal s’exclame.) –, d’autre part, les marges frictionnelles, lesquelles correspondent aux retards qui sont déjà intégrés dans les 413 milliards d’euros.
Avec le recul, bien m’en a pris d’avoir opéré cette distinction, même si je n’y suis pour rien. En effet, les programmations militaires précédentes ont toutes été construites ainsi, mais, pour des raisons que je vous laisse deviner, mesdames, messieurs les sénateurs, le Parlement n’en était jamais informé. Il n’est qu’à voir la loi de programmation militaire sous l’empire de laquelle nous sommes encore.
Le Parlement a en effet voté 295 milliards d’euros de ressources budgétaires pour la LPM actuelle, alors que les besoins militaires s’élevaient à 304 milliards d’euros, sans que le Parlement ait jamais été informé de ce chiffre.
C’est pourquoi, au regard tant des sommes importantes qui sont désormais en jeu dans ces programmations que des modifications du tableau capacitaire – ce qui importe, c’est ce qui est livré aux forces armées et non ce qui est commandé –, j’ai souhaité partir du besoin militaire et prévoir les ressources budgétaires idoines, que celles-ci soient extrabudgétaires ou inscrites dans le budget de la nation.
J’en viens aux modifications apportées par la commission des affaires étrangères et de la défense, c’est-à-dire à la copie du Sénat qui nous est soumise, à l’exception des marches et du rythme.
L’enveloppe totale des crédits budgétaires s’élève à 407,4 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent toujours 5,9 milliards d’euros de ressources extrabudgétaires, ainsi que 7,4 milliards de reports de charges. Ces derniers figurent bien dans la programmation.
M. Bruno Retailleau. Non !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Bien sûr que si, ou alors cela revient à les compter deux fois – et c’est d’ailleurs bien ce que vous faites.
M. Bruno Retailleau. Non, c’est vous qui les comptez deux fois !
M. Christian Cambon, rapporteur. Oui !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Non, on ne les compte qu’une seule fois, puisqu’ils sont intégrés dans les 413 milliards d’euros. (M. Bruno Retailleau s’exclame.)
Par définition, nous disposons d’ores et déjà d’indications quant aux retards !
Monsieur Retailleau, pour que ce soit plus clair, et puisque vous ne partagez pas ma lecture, je prendrai le problème dans l’autre sens.
Le tableau capacitaire prévoit déjà 413 milliards d’euros. La commission a ajouté 1 milliard d’euros pour l’entraînement et 200 millions d’euros pour les ressources humaines. Qui plus est, certains amendements qui n’ont pas encore été examinés visent à augmenter le tableau capacitaire de 2 milliards d’euros. Par conséquent, et même si, je le répète, vous ne partagez pas ma lecture sur les marges frictionnelles, 3,2 milliards d’euros s’ajoutent aux 413 milliards d’euros. (M. Bruno Retailleau fait un signe de dénégation.)
Nous arrivons au moment de vérité. Si vous conservez l’enveloppe à 413 milliards d’euros avec plus de maintien en condition opérationnelle (MCO), plus de moyens capacitaires et plus d’entraînements, cela signifie qu’il faudra accepter des renoncements. (M. Bruno Retailleau fait de nouveau un signe de dénégation.)
Pourtant, si l’enveloppe que vous avez prévue est bien de 416,2 milliards d’euros – pour ma part, je pense qu’elle s’élève à 420 milliards d’euros, mais, si vous ne partagez pas ma lecture, je suis prêt à l’abandonner l’espace d’un instant (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) –, il faudra bien trouver quelque part ces 3,2 milliards d’euros supplémentaires.
Il n’y a pas d’argent magique, comme dirait quelqu’un que je connais bien et qui m’a nommé. (M. Jean-Marc Todeschini s’exclame.)
Mon état d’esprit n’est pas à la polémique, je le dis sincèrement. J’insiste seulement sur le fait qu’il est compliqué de ne pas s’accorder techniquement sur la lecture des chiffres, qui plus est quand il s’agit d’une programmation militaire.
M. Bruno Retailleau. En effet !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Les marges frictionnelles existaient déjà quand Alain Richard était ministre de la défense, quand Jean-Pierre Raffarin était Premier ministre ou, plus tard, président de la commission des affaires étrangères du Sénat, quand Gérard Longuet, qui est membre du groupe Les Républicains, était ministre de la défense et des anciens combattants. La méthode est vieille comme Hérode ; je n’ai fait que la montrer.
Reste que vous avez décidé en commission – en tant que parlementaires, vous êtes tout à fait souverains pour ce faire – d’aller au-delà des 413 milliards d’euros prévus, ce qui pose néanmoins la question de la soutenabilité budgétaire globale. Nul besoin d’être Premier ministre ou ministre du budget pour le dire.
Trois éléments importants doivent être pris en compte : l’inflation, les marches et l’enveloppe globale. L’enveloppe globale est de 416,2 milliards d’euros – c’est une donnée factuelle, la colonne des dépenses a augmenté et les chiffres sont têtus. Par ailleurs, les marges frictionnelles n’ont pas disparu – il ne suffit pas de les budgéter pour qu’elles disparaissent.
S’il faut une suspension de séance pour se réunir de nouveau à ce sujet, j’y suis tout à fait favorable, car je tiens vraiment à montrer la bonne foi du Gouvernement.
L’exécution à l’euro près de la LPM nous oblige désormais à être rigoureux. Je reste à la disposition du Sénat pour trouver un point d’accord sur ce sujet dont nous faisons non pas un préalable politique ou politicien, mais bel et bien un élément de clarification important.
Je le répète, le Gouvernement a prévu 413 milliards d’euros de dépenses, alors que, au moment où je vous parle, le budget s’élève déjà à au moins à 416,2 milliards d’euros, si ce n’est à 420 milliards d’euros.
L’amendement du Gouvernement, qui vise à rétablir les marches et la trajectoire budgétaire telles qu’elles sont issues des travaux de l’Assemblée nationale, est défendu. Il s’agit surtout d’un amendement d’appel pour avoir ce débat noble sur ces trois paramètres : l’inflation, les marches, mais surtout l’enveloppe globale, puisqu’il y a là un enjeu de soutenabilité qui m’inquiète beaucoup.
Mme le président. L’amendement n° 6, présenté par M. de Legge, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 3, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
(en milliards d’euros courants |
||||||||
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
Total 2024-2030 |
|
Crédits de paiement de la mission « Défense » |
47,04 |
50,04 |
54,05 |
58,06 |
62,06 |
66,07 |
70,08 |
407,40 |
Variation |
+ 3,1 |
+ 3,0 |
+ 4,0 |
+ 4,0 |
+ 4,0 |
+ 4,0 |
+ 4,0 |
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des finances. J’ai souhaité déposer de nouveau cet amendement de la commission des finances pour plusieurs raisons.
D’abord, il s’agit de soutenir la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le montant de 407 milliards d’euros, puisque cela correspond aussi à l’analyse de la commission des finances.
Ensuite, nous considérons que nous ne pouvons pas reporter l’effort au prochain quinquennat.
À cela s’ajoutent d’autres arguments, monsieur le ministre.
J’entends bien toutes les arguties de Bercy. Un haut gradé a même fait le tour des sénateurs pour leur donner des leçons de calcul budgétaire, ce dont tous se seraient dispensés. Pour autant, monsieur le ministre, votre explication ne nous a pas davantage convaincus, puisque cela reviendrait à dire que l’on finance une partie de l’objectif capacitaire en espérant ne pas l’atteindre…
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis. … ou, bien pis, en faisant tout pour différer soit les paiements, soit les livraisons, ce qui aura forcément une conséquence sur la loi de programmation des finances publiques. En effet, celle-ci se trouvera frappée de la même insincérité – disons du même doute, si vous préférez.
Monsieur le ministre, j’en profite pour vous poser deux questions.
D’une part, à quel niveau de report de charges entrerons-nous dans la nouvelle loi de programmation militaire ? Ce n’est pas tout à fait neutre. Sauf erreur de ma part, cela représente 5 milliards d’euros de cavalerie qui s’ajoutent aux 7 milliards d’euros qui, selon vous, n’existent pas.
D’autre part, dans une interview du mois d’avril dernier, vous avez déclaré qu’en 2023 le budget de la défense serait abondé de 1,5 milliard d’euros. Pouvez-vous nous en dire plus à ce propos ?
Mme le président. L’amendement n° 67, présenté par MM. Temal, Féraud et Kanner, Mmes Carlotti, Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Roger, Todeschini, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, avant le tableau
Remplacer le mot :
courants
par le mot :
constants
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, la pédagogie étant l’art de répétition, je vais vous donner l’occasion de vous répéter, puisque vous ne nous avez pas convaincus. (Sourires.)
Cet amendement vise à neutraliser les effets de l’inflation sur la loi de programmation militaire et à permettre que les crédits programmés soient ceux qui seront réellement consacrés à nos armées.
Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, vous avez évalué à 30 milliards d’euros les effets de l’inflation pour la période 2024-2030. On le sait déjà, la seule solution qui a été trouvée pour les neutraliser, c’est le report de charges.
Par respect pour nos armées, et au regard des engagements pris, la sincérité de ce projet de loi de programmation militaire serait totale si les montants prévus étaient exprimés en euros constants.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Une nouvelle trajectoire budgétaire ayant été adoptée en commission, l’amendement n° 66 se trouve satisfait. C’est pourquoi la commission en demande le retrait.
Monsieur le ministre, l’amendement du Gouvernement nous plonge au cœur du débat.
Le Président de la République a annoncé à Mont-de-Marsan une LPM de 413 milliards d’euros. Cela a été repris par tous et tout le monde a ce montant en tête.
J’en viens à la répartition que vous décrivez : 400 milliards d’euros sont budgétés, 5,9 milliards d’euros font l’objet de ressources bien identifiées – vente de fréquences, produit des soins dispensés par les hôpitaux militaires, ventes immobilières –, ce que nous acceptons. Restent les fameux 7,5 milliards d’euros.
C’est une étrange méthode que de dire que ces 7,5 milliards d’euros relèvent non du budget, mais de ressources extrabudgétaires. De quoi s’agit-il précisément ?
De deux choses l’une : soit on peut les dépenser, soit on ne le peut pas. Selon vous, nous les comptons deux fois. Ce n’est pas le cas ! Vous avez imposé une nouvelle méthode. (M. le ministre s’exclame.) Pour notre part, ce que nous voulons, c’est avoir l’assurance que 413 milliards d’euros seront dépensés pour le renforcement de nos forces armées, car nous abhorrons les reports de charges. Nous savons en effet très bien comment cela se passe. Nous l’avons vu avec la précédente LPM : lorsque nous avons demandé une actualisation, nous nous sommes aperçus qu’il manquait des milliards d’euros, parce que l’on ne cessait de reporter des charges !
Je le répète, de deux choses l’une : soit on a 413 milliards d’euros à dépenser, soit on ne les a pas.
Monsieur le ministre, vos développements oratoires laissent accroire que le Sénat veut dépenser plus. Non, nous voulons nous en tenir à l’enveloppe de 413 milliards d’euros. Nous sommes prêts à en discuter avec vous, mais – et c’est un sentiment unanime – nous ne comprenons pas que 400 milliards d’euros soient budgétés et que 7,5 milliards relèvent de ressources extrabudgétaires.
Vous parlez de marges frictionnelles, de programmes en retard. S’ils sont budgétés, mais qu’ils ne sont pas exécutés, il est possible de reprendre ces montants dans les lois de finances à venir. Dans la discussion générale, j’ai pris l’exemple des A400M qui seraient commandés, mais pas livrés : dans ce cas, on ne les paye pas et cet argent reste disponible.
Nous ne comprenons pas pourquoi vous utilisez un tel subterfuge. Il aurait mieux valu annoncer d’emblée que la LPM s’élevait à 405 milliards d’euros. Tout le monde aurait compris et l’on ne se serait pas livré depuis des mois à des débats et à des exégèses pour savoir où passeront les 7,5 milliards d’euros.
Dans ces conditions, la commission maintient bien évidemment la trajectoire qu’elle a fixée et émet un avis défavorable sur votre amendement. Nous souhaitons des éclaircissements supplémentaires sur lesquels discuter.
J’en viens à l’amendement n° 6 de la commission des finances, par lequel notre collègue propose une trajectoire dont les deux premières annuités sont les mêmes que celles qui sont proposées par le Gouvernement, puis un effort supplémentaire. Dans la mesure où elle a adopté à la majorité une autre trajectoire, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’accélération prévue par la commission est souhaitable. C’est en effet en ce moment que, sans être en guerre, nous sommes dans une situation extrêmement grave et tendue compte tenu de la situation en Ukraine. C’est en ce moment que nous livrons des armes ; or, par définition, ces armes que nous livrons, nous ne les avons plus et, si un conflit de haute intensité survenait, nous ne disposerions plus des armements nécessaires. (M. Rachid Temal s’exclame.) Ce n’est donc pas le moment de baisser la garde.
Qui plus est, le Gouvernement a prévu entre 30 milliards et 60 milliards d’euros d’effets inflationnistes. Par conséquent, tout ce qui est dépensé maintenant ne sera pas érodé par l’inflation.
Sur l’amendement n° 67, qui vise à retenir la trajectoire de la commission, mais en euros constants, plutôt qu’en euros courants, la commission émet un avis défavorable. En effet, cela entraînerait une hausse de la trajectoire comprise entre 30 et 60 milliards d’euros courants. Nous ne pouvons pas entrer dans cette logique, même si nous comprenons le sens de cet amendement, puisque, vous l’avez dit, cher collègue Todeschini, chaque année, lors de l’examen du projet de loi de finances, on aura une idée précise du dérapage inflationniste.
M. Rachid Temal. C’est un amendement d’appel !
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. On peut prendre les chiffres par tous les bouts, mais sans les prendre sur l’ensemble de la programmation avec les chevauchements d’années – j’ai déjà eu ce débat avec Rachid Temal en commission. Si l’on prend le budget annuel de la défense en 2017 et celui qui est proposé pour 2030, on s’aperçoit que celui-ci a doublé.
M. Rachid Temal. Ce n’est pas le sujet !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Pourtant, à lire cet amendement, on voit bien que l’on tourne autour du pot. Je m’en suis expliqué plusieurs fois, je n’y reviens pas.
J’en viens donc à l’amendement n° 6, qui me donnera l’occasion de décrire de nouveau les modalités de l’amendement du Gouvernement. Monsieur le rapporteur pour avis, vous essayez de faire en sorte que les deux premières annuités de la LPM correspondent aux deux premières annuités de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) que vous avez votée. Toutefois – je manie cet argument avec précaution, puisque, ce que le Parlement a fait, le Parlement peut très bien le modifier –, je note votre cohérence, puisque, en tant que commissaire aux finances, vous voulez vous assurer de la soutenabilité de ce texte.
Si j’ai bien compris l’esprit de votre amendement, vous proposez une accélération de la trajectoire pour les années qui ne sont pas couvertes par une LPFP adoptée par le Parlement.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, même si, intellectuellement, je comprends votre démarche, qui s’interroge sur la soutenabilité pour nos finances publiques.
À l’heure où nous parlons, nous en sommes à 4 milliards d’euros de report de charges. Le rapporteur dit avoir horreur des reports de charges.
M. Christian Cambon, rapporteur. Oui !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Moi, non !
Au contraire, ils nous permettent de traiter l’inflation et cela se fait en accord avec les industriels. En effet, ces derniers trouvent leur intérêt dans cette affaire : les programmes sont d’une masse telle que le report de charges nous permet aussi de déclencher la facture en accord avec les industriels au moment où les critères macroéconomiques sont les plus satisfaisants pour le contribuable.
Je ne comprends donc pas cet acharnement contre le report de charges. Les autres ministères se « rouleraient par terre » pour avoir les mêmes outils de gestion de l’inflation que le ministère des armées. Bien plus, ce sont souvent des outils qui ont été suggérés par les parlementaires dans des lois de programmation il y a dix, quinze ou vingt ans, considérant que les lois de programmation étaient telles qu’il fallait permettre à l’ordonnateur des dépenses ce report de charges, pourvu qu’il en montre le mécanisme dans la loi de finances – c’est ce que nous faisons.
Budgéter le report de charges ? C’est incompréhensible ! Je l’ai expliqué à de nombreuses reprises en commission, je l’ai même écrit : ce mécanisme est bénéfique pour les armées, je ne peux pas dire mieux. Interrogeons les anciens ministres Alain Richard et Gérard Longuet ou d’autres anciens ministres, qui siègent sur ces travées. Pour ma part, je défends ce mécanisme.
Quand Gérald Darmanin vous présente une loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), celle-ci ne prévoit pas de mécanisme pour absorber l’inflation et ses effets sur la construction des commissariats. Nos élus locaux, nos maires et nos présidents de conseil départemental seraient bien contents de disposer, comme le ministère des armées, d’un mécanisme de report de charges pour déclencher le paiement de leur gymnase ou de leur piscine.
Il y a selon moi un contresens à s’en prendre au mécanisme des reports de charges, car il est bon pour le ministère des armées. Si le Parlement veut le supprimer, soit, mais j’expliquerai alors qu’il a supprimé un outil bon pour les finances du ministère.
Monsieur le rapporteur pour avis, évidemment, on ne souhaite pas qu’il y ait des retards, mais, si nous ne les intégrions pas, cette LPM serait insincère – c’est d’ailleurs tout le charme d’une programmation sur sept ans… (Sourires.)
Si les marges frictionnelles existent, c’est parce que, depuis 1960, on a suffisamment de recul sur les différentes lois de programmation.
Je rechigne à prendre cet exemple, parce qu’il est malheureux, mais il peut aider à nous comprendre. C’est un peu le principe du surbooking : au regard de la masse des grands programmes, il y a évidemment à chaque fois un coefficient.
M. Christian Cambon, rapporteur. Vous l’ajusterez à chaque projet de loi de finances !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Pourquoi affaiblir la programmation en repassant en annuités budgétaires ? C’est la force de la programmation ! C’est comme pour les reports de charges.
Dans ces conditions, privons-nous d’un autre outil qui est utile pour le ministère des armées. C’est promis, je ne m’en émouvrai pas dans Le Figaro la prochaine fois,…
M. Rachid Temal. Essayez le Journal du dimanche ! (Sourires.)
M. Bruno Retailleau. Ou L’Humanité ! (Nouveaux sourires.)
M. Sébastien Lecornu, ministre. … mais j’expliquerai ce qu’il en est. Sur le fond, je le répète, on est en train de s’en prendre à des outils qui sont bons pour le ministère des armées.
M. Retailleau a raison de dire que l’alinéa 1er de l’article 3 – primus inter pares… – n’a pas été modifié, puisque le montant s’élève à 413,3 milliards d’euros. Pour autant, mesdames, messieurs les sénateurs, je l’indique pour la suite de la discussion. En effet, si des amendements de correction venaient à être déposés en séance, quoi qu’il arrive, même si vous ne partagez pas ma lecture sur les marges frictionnelles et les reports de charges, le Sénat a alourdi la facture de 3,2 milliards d’euros. Certes, il l’a fait avec des mesures qui sont bonnes, mais dont on ne sait pas comment elles seront financées.
Je le répète, mesdames, messieurs les sénateurs, je reste à votre disposition, même dans un cadre plus informel, pour refaire le point sur tout cela. Reste que, au moment où je vous parle, je vous certifie, avec sincérité et bonne foi, que nous ne sommes plus à 413 milliards d’euros. Cela, je peux le signer – des deux mains – et pas dans Le Figaro ! (Sourires.)
Monsieur Todeschini, vouloir des montants en euros constants, plutôt qu’en euros courants, est très contradictoire avec les propos que vous avez tenus sur l’inflation lors de la discussion générale. Alors que vous émettez une crainte sur nos hypothèses en matière d’inflation, en demandant ce basculement en euros constants, vous écartez toute forme d’hypothèse sur l’inflation.
Sans remuer une nouvelle fois le couteau dans la plaie – Bruno Retailleau va finir par définitivement m’en vouloir… (Sourires.) –,…
M. Bruno Retailleau. Bien sûr que non ! (Nouveaux sourires.)
M. Sébastien Lecornu, ministre. … je rappelle que, jadis – vous savez d’où je viens –, c’est en basculant d’euros courants en euros constants que le budget global des armées a été diminué, grignoté par l’inflation.
Christian Cambon a raison d’émettre un avis défavorable sur cet amendement. Son adoption viendrait en effet caper l’ensemble des efforts consentis en ignorant totalement les effets de l’inflation, dont nous prendrions le mur de plein fouet. Par conséquent, le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour explication de vote.
M. Cédric Perrin. Monsieur le ministre, cette discussion embrouille un peu plus les sénateurs.
M. Cédric Perrin. La genèse de ces débats, c’est le discours de Mont-de-Marsan, le 20 janvier dernier, à l’issue duquel j’ai tweeté qu’à moins de 420 milliards d’euros…
M. Cédric Perrin. Vous avez raison, monsieur le ministre, 430 milliards d’euros, mais je vais vous expliquer pourquoi je mentionne le montant de 420 milliards d’euros.
Donc, j’ai tweeté qu’à moins de 430 milliards d’euros, on ne pouvait pas, selon moi, avoir un modèle d’armée complet. J’assume, je l’ai dit, je l’ai écrit.
Aujourd’hui, compte tenu de l’état de nos finances publiques, nous sommes tous conscients qu’il faut faire des efforts. Nous voulons maintenir ce budget à 413 milliards d’euros. Je rappelle qu’à l’origine il était question de 460 milliards d’euros, montant estimé nécessaire pour parvenir à un modèle d’armée complet.
Bercy voulait 375 milliards d’euros, le Président de la République, 400 milliards d’euros, et vous vous êtes battu, monsieur le ministre, je le sais, pour obtenir le plus possible : vous avez obtenu 400 milliards d’euros plus 13 milliards d’euros.
Depuis le début, à grand renfort de communication auprès de l’ensemble des médias, vous avancez la somme de 413,3 milliards d’euros. Si c’est vraiment le cas, il faut les inscrire dans le marbre de la loi. Pour notre part, ce que nous voulons aujourd’hui, c’est a minima que l’on respecte la trajectoire et la cible capacitaire définies dans la loi de programmation militaire de votre prédécesseure, Mme Parly.
Par ailleurs, depuis que nous avons entamé l’examen de ce texte, nous avons oublié la courbe, qui est pourtant un paramètre essentiel pour nous.
M. Christian Cambon, rapporteur. Oui, 600 millions d’euros !
M. Cédric Perrin. En effet, c’est elle qui déterminera notre capacité à investir, dans les années qui viennent, 600 millions d’euros de plus que les 3 milliards d’euros que vous avez prévus. Cette somme nous permettra d’atteindre la cible capacitaire en 2025, puisque c’est l’objectif qui a été voté à 98 % au Sénat en 2018. Or, monsieur le ministre, compte tenu de ce que vous nous annoncez aujourd’hui et malgré une augmentation de 40 % du budget, on ne risque de l’atteindre qu’en 2035.
C’est la raison pour laquelle je suis pleinement favorable à l’adoption de l’amendement n° 6 qui vise à modifier la trajectoire budgétaire. Cela nous permettra d’acquérir beaucoup plus de matériels, puisqu’un euro de 2023 ne vaudra pas un euro de 2030.
Mme le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.
Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le ministre, je n’entrerai pas dans le débat sur le détail du budget, pas plus que je ne reviendrai sur votre démonstration très complexe, qui ne nous a pas vraiment convaincus. En effet, le dépassement dont vous parlez n’est pas le fait du lissage budgétaire qui a été voté en commission : il est la conséquence d’ajouts auxquels certains de vos amendements ont d’ailleurs pour objet de participer.
Votre gouvernement a choisi de parler d’« économie de guerre ». Ce sont des termes forts. Dans le même temps, vous proposez de reporter l’effort budgétaire à plus tard, alors que c’est maintenant que les besoins en équipement se font sentir.
Nous comprenons le dilemme de Bercy, qui cherche à faire des économies – le ministre Bruno Le Maire a d’ailleurs annoncé des économies de près de 5 % pour l’ensemble des ministères –, mais il faut aller dans le sens de l’annonce présidentielle et l’opinion publique est aujourd’hui prête à accepter cet effort substantiel en matière de défense. Pour notre part, nous pensons qu’il faut dépenser cet argent maintenant pour des équipements dont nous avons besoin dans cet effort de guerre.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, vous voyez bien que la discussion est nécessaire.
Comme je l’ai souligné en présentant l’amendement n° 66, c’est vous qui, avec le Gouvernement, avez fait une large communication autour des 413 milliards d’euros et lancé le débat. C’est d’ailleurs pour ces raisons que j’ai déposé cet amendement, ainsi que l’amendement n° 67.
Naturellement, je les retire, mais ils auront permis de lancer la discussion et d’essayer de comprendre. Vous affirmez que les propositions du Sénat ont pour conséquence de dépasser les 413 milliards d’euros prévus, mais certains des amendements que vous avez déposés au nom du Gouvernement aggraveront, eux aussi, la facture. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Mme le président. Les amendements nos 66 et 67 sont retirés.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le ministre, nous avions très bien compris votre propos, et votre comparaison avec le surbooking est parfaite. C’est d’ailleurs un aveu : le propre du surbooking, c’est que tout le monde n’entre finalement pas dans l’avion !
M. Rachid Temal. Et le passager est alors indemnisé ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis. En d’autres termes, nous n’obtiendrons pas la totalité de ce que vous avez affiché en termes de capacité.
La marge frictionnelle est une définition élégante de crédits qui n’existent pas.
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis. Ayant été davantage convaincu par les arguments du rapporteur que par les vôtres – ne m’en veuillez pas, monsieur le ministre (Sourires.) –, je retire l’amendement n° 6.
Mme le président. L’amendement n° 6 est retiré.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Pour notre part, nous ne voterons aucun de ces amendements – ceux qui resteront ! –, car nous n’avons pas envie d’arbitrer ce débat qui ressemble au bal des hypocrites.
En vérité, il y a un large consensus sur les 413 milliards d’euros, mais le Gouvernement a du mal à assumer ce choix, car les arbitrages budgétaires sont complexes. En effet, un arbitrage politique doit être fait avec la Nation sur la part des richesses disponibles que nous sommes capables de consacrer aux dépenses militaires.
Nous le savons, des arbitrages contradictoires se sont succédé au sein même du Gouvernement, car la charge est lourde et pèsera très fortement.
Dans ces compromis budgétaires, l’affichage des 413 milliards d’euros permet au Gouvernement de passer la rampe.
Par ailleurs, la majorité sénatoriale s’acharne à sécuriser cette trajectoire – elle va le faire tout au long du débat –, en invoquant entre autres la sincérité budgétaire – j’en passe et des meilleures… Or, dès que nous allons entamer l’examen du projet de budget, les mêmes redeviendront des champions de l’orthodoxie budgétaire et de la lutte contre la dette publique ! Après avoir sécurisé le budget de la défense, ils massacreront tous les autres budgets !
Nous sommes en train de passer à côté d’un débat politique avec la Nation sur une question qui mérite pourtant une réponse : quelle part réelle des véritables richesses du pays voulons-nous consacrer à la défense, mais aussi à d’autres priorités nationales, tout aussi stratégiques, y compris en termes de souveraineté ? Je pense par exemple à la souveraineté industrielle, à la souveraineté énergétique dans le contexte de la transition climatique. Je pourrais citer de nombreux autres exemples, mais nous n’avons pas de panorama global sur ces questions.
Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Pierre Laurent. Ce débat, je le répète, c’est un peu le bal des hypocrites.
Mme le président. Il faut vraiment conclure, mon cher collègue !
M. Pierre Laurent. Pour notre part, nous ne trancherons pas ce débat.
Mme le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. Les 413 milliards d’euros que le Président de la République a annoncés lors de sa visite à Mont-de-Marsan – pour notre part, nous avions refusé de nous y rendre et de figurer sur la photo, car le Parlement n’avait pas été consulté – sont à la fois une force et un boulet pour le Gouvernement. Aujourd’hui, tout tourne autour de cette question et personne ne parvient à en sortir.
Je rappelle qu’une élection présidentielle aura lieu en 2027 et que la trajectoire prévue dans la loi de programmation des finances publiques ne s’étend pas au-delà de cette année-là. On voit bien qu’il va y avoir un problème, comme l’a d’ailleurs relevé le président du Haut Conseil des finances publiques : le projet de loi de programmation militaire tient jusqu’en 2027, mais personne ne sait exactement quelle sera la trajectoire des finances publiques au-delà, entre 2027 et 2030. Nous entrons là dans un tunnel…
J’ai envie de dire à Jojo, monsieur le ministre, que nous pensons qu’il vaut mieux dépenser maintenant pour les programmes, parce que les crédits sont sécurisés, parce qu’on neutralise le risque inflationniste, enfin, parce que personne ne peut dire réellement et sincèrement quelle sera la trajectoire des finances publiques après 2027.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons maintenir à ce stade la trajectoire. Nous débattrons ensuite des 7 milliards d’euros. Notre groupe participera à ce débat, avant la réunion de la commission mixte paritaire. Nous parviendrons à garder l’essentiel et à mettre l’accessoire de côté.
Mme le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Nous sommes sur un point dur du texte.
Lors de son discours à Mont-de-Marsan, le Président de la République a annoncé une enveloppe de 413 milliards d’euros. Le problème, ce sont les 13 milliards. Seuls 5,9 milliards d’euros sur ces 13 milliards sont sécurisés, le président Cambon l’a très bien dit. On bute sur 7,4 milliards d’euros.
Ces 7,4 milliards d’euros, monsieur le ministre, ne sont pas destinés à accumuler du matériel neuf dans des hangars rouillés : ils doivent servir à accroître l’activité opérationnelle de nos armées.
J’essaie de suivre votre raisonnement, monsieur le ministre, ce qui n’est pas simple, car il n’est pas clair, sur les reports de charges et les marges frictionnelles. Un report de charges, mes chers collègues, c’est une dépense différée ; une marge frictionnelle, si je ne me trompe pas, c’est un crédit qui ne sera pas consommé.
M. Bruno Retailleau. Nous sommes d’accord.
Le problème, monsieur le ministre, c’est que vous comptez aussi bien le report de charges, donc la dépense différée, et la marge frictionnelle, donc les crédits non consommés, comme des ressources. Le compte ne peut donc pas y être !
L’enveloppe est donc sans doute d’un peu plus de 400 milliards d’euros, mais certainement pas de 413 milliards d’euros, mes chers collègues. J’invite le Sénat à tenir bon sur cette base. Il y va de l’avenir de nos soldats, de nos armées, de leur fidélisation.
L’image du surbooking qu’a reprise Dominique de Legge à l’instant est pertinente : l’avion compte 400 places, vous en surbookez 13, mais vous n’y ferez entrer de toute façon que 400 passagers, point final. (M. Rachid Temal s’exclame.) Notre point de vue est bien le bon.
Monsieur le ministre, je suis sincère, et vous le savez. Nous avons eu ensemble une discussion sur cette question – j’essaie d’être droit dans la vie publique comme dans la vie privée – et je ne vous prends pas en traître : nous avons inscrit au premier alinéa de l’article 3 une enveloppe de 413 milliards d’euros. Voilà !
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cambon, rapporteur. Je suis désolé de poursuivre sur ce sujet, mais il est absolument central dans notre discussion.
Je pense, comme Bruno Retailleau vient de le dire, que tout provient de la présentation, certes excessivement communicante, des 413 milliards d’euros.
Prenons le problème à l’envers. Si vous aviez annoncé 400 milliards d’euros budgétés, plus 5,9 milliards d’euros de ressources extrabudgétaires bien identifiées, les sénatrices et les sénateurs étant des gens raisonnables, ils auraient trouvé cela sérieux, même si l’on peut concevoir que des incertitudes puissent peser sur des ressources extrabudgétaires, même bien identifiées, ou que des prévisions puissent être un peu généreuses.
Il eût donc fallu annoncer 405 milliards d’euros. C’était déjà un effort considérable, supérieur de 100 milliards d’euros à la précédente LPM. Ce sont les 7 milliards d’euros qui, dès le premier jour, dans la presse et dans les commentaires entendus ici ou là, ont fait naître des suspicions.
Vous nous parlez des reports de charges, monsieur le ministre. J’évoquerai à cet égard l’exemple de la loi de programmation de votre prédécesseure, Mme Alliot-Marie. Pour 2008, elle prévoyait 28 % de reports de charges. On a alors cru que l’annuité budgétaire de la défense allait exploser. Les industriels, qui, dites-vous, tirent des bénéfices de cette affaire, étaient au bord de la dépression et se demandaient quand ils allaient être payés. C’est facile de leur dire qu’ils seront payés l’année prochaine et qu’ils percevront des intérêts, mais ce que veut un industriel quand il livre un matériel, c’est recevoir le paiement correspondant.
Je pense que l’on peut concevoir un report de charges et des marges frictionnelles, mais pas d’un tel montant : 7 milliards d’euros, c’est énorme ! Il fallait ne pas en parler et dire que l’enveloppe s’élevait à 400 milliards d’euros, plus 5 milliards d’euros de recettes identifiées.
Cédric Perrin aurait peut-être réclamé plus, d’autres peut-être moins, chacun se serait fait un avis, mais tout le monde aurait reconnu un effort réellement substantiel de plus de 100 milliards d’euros et tout se serait bien passé.
La polémique qui perdure est liée aux recettes extrabudgétaires. Tous ceux qui, ici, ont été maire ou conseiller départemental le savent : l’argent, on l’a ou on ne l’a pas. Si on ne l’a pas, on peut escompter le gagner à la loterie et prévoir de le dépenser, mais ce n’est pas ce qu’on fait, me semble-t-il, dans un projet de loi de programmation militaire ! Dans un tel projet de loi, on doit au contraire bien identifier les ressources et les dépenses.
Nous vous demandons des recettes supplémentaires non pour le plaisir de vous mettre en difficulté, monsieur le ministre, mais parce que le diagnostic de la commission, qui peut être partagé par l’ensemble de cette assemblée, c’est que c’est maintenant qu’il faut financer des entraînements. Les pilotes ne parvenant pas à faire 160 heures d’entraînement, alors que la norme en impose 220, ils fichent le camp et s’engagent chez Transavia ! (M. le ministre manifeste sa surprise.)
J’évoque un exemple qui permet de bien identifier les problèmes…
Voilà le sujet : nous voulons plus d’entraînements pour notre armée, notamment pour notre armée de terre. Nous avons déjà évoqué, notamment, la question des chars Leclerc.
Il y a un véritable problème, dont nous sommes prêts à discuter – nous avons jusqu’à la réunion de la commission mixte paritaire pour cela –, mais je pense que le Sénat doit rester sur sa position : sans prévision budgétaire stricte, ou en tous les cas bien comprise, il n’est pas possible de dire que l’on dépensera 413 milliards d’euros. Sinon, ce n’est que de la communication.
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur Retailleau, pour revenir sur l’aspect personnel que vous avez évoqué, je connais votre sincérité, que je ne me permettrai jamais de mettre en doute.
Cela étant, j’ai l’impression qu’il est parfois difficile pour certains de créditer le Président de la République de l’augmentation des crédits militaires et que l’on cherche à amoindrir l’effort consenti. Je ne parle pas de vous. (M. Bruno Retailleau s’exclame.) Je pensais à l’autre hémicycle où a été examiné le même projet de loi.
M. Rachid Temal. Il y a des LR là-bas aussi !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je dirai cinq choses, avec la même bonne foi. Je veux vraiment qu’elles soient comprises.
Premièrement, vous examinez un projet de loi dont le rapport annexé prévoit 413 milliards d’euros de besoins militaires. Enfin, ce n’est plus vrai, j’y reviendrai dans mon quatrième point, car l’enveloppe a été portée à 416,2 milliards d’euros, le Sénat ayant alourdi la note. Personne n’est revenu sur ce point, mais il va falloir corriger ce montant à un moment donné, sinon, cela signifie que le Sénat propose des évictions et des renoncements sur certaines autres cibles qu’il n’a pourtant pas modifiées. Les amendements adoptés en commission ont en effet entraîné une augmentation de l’enveloppe de 3,2 milliards d’euros !
M. Rachid Temal. Et ce avant la fin de l’examen du texte !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Deuxièmement, ne dites pas, en quelque sorte pour circonscrire le débat, que nous faisons du surbooking, monsieur de Legge : toutes les lois de programmation militaire ont toujours prévu des marges frictionnelles. J’ai voulu cette fois, par souci de transparence, en faire état au Parlement, mal m’en a pris. Je vous avoue que je le regrette un peu. Néanmoins, je pense que c’est une bonne chose de les montrer.
Sur sept ans, il y aura inévitablement un certain nombre de retards, même si on ne les espère pas. Ils sont donc déjà intégrés dans la copie. C’est pour cela que lorsque vous passez de 400 milliards à 407 milliards, ça ne vient pas les écraser, ça les additionne.
Il y a deux manières de procéder dans une loi de programmation. Soit vous intégrez les marges frictionnelles en disant : « Je prends 103 pour avoir 100 », ce que d’ailleurs le sénateur de votre groupe ancien ministre de la défense a fait, et je revendique cette méthode, car c’est une bonne méthode ; soit, et c’est ce que vous proposez in fine, vous dites : « Pour avoir 97, je prends 100 », mais je ne vois pas en quoi le ministère des armées serait gagnant dans cette affaire. Je revendique de nouveau les marges frictionnelles. Elles sont bonnes pour le fonctionnement du ministère.
Troisièmement, les reports de charges prévus par Michèle Alliot-Marie en 2008 – pardon d’être cruel et de revenir à 2008 – n’ont pas été une bonne nouvelle pour les industriels, c’est sûr : ils étaient en euros constants et s’inscrivaient dans un contexte de forte diminution du format des armées !
Les reports de charges que nous prévoyons interviennent dans un contexte différent, les commandes étant nombreuses pour nos propres besoins, mais aussi hélas ! pour l’Ukraine. De ce fait, la base industrielle et technologique de défense y trouve un intérêt différent.
J’ai suivi de près vos débats et je peux vous dire, pour être très clair, que les industriels ne se plaignent jamais des reports de charges aujourd’hui. Et pour cause ! S’il y a bien un sujet qui ne leur pose pas de problème, c’est bien celui-là.
Au passage, si j’étais sénateur « dans mon opposition », comme dirait l’autre, je demanderais quels sont les coûts de ces reports de charges.
M. Rachid Temal. Alors, allons-y : quels sont les coûts ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. N’étant pas mon propre opposant, je vous répondrai que, l’inflation étant forte, les gains que procurent les reports de charges seront bien supérieurs à leur coût pour les industriels,…
M. Christian Cambon, rapporteur. Pour les milliers de sous-traitants ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. … comme j’en ai fait la démonstration au sénateur de Legge dans un courrier.
Cela étant, si, pour ne pas se déjuger, on finit par écraser des dispositifs qui sont bons pour le ministère des armées, je le regretterai, mais, c’est promis, je ne le ferai pas dans Le Figaro. (Sourires.)
Enfin, et M. Laurent a raison sur ce point, si l’on n’intègre pas les marges frictionnelles dans la loi de programmation, il y a des risques d’éviction, soit dans d’autres politiques publiques de l’État – vous l’avez dit dans un autre argumentaire, monsieur Laurent, et techniquement, ce n’est pas faux –, soit au sein même des éléments du programme du ministère des armées. Il me semble important de le rappeler, alors que vous serez appelés, mesdames, messieurs les sénateurs, à examiner un projet de loi de programmation des finances publiques dans le futur.
Quatrièmement, j’y reviens : à ce stade, le texte prévoit 3,2 milliards d’euros de dépenses supplémentaires, lesquelles ne sont pas documentées par le Sénat. On en est donc non plus à 400, 407 ou 413 milliards d’euros, mais à 416,2 milliards d’euros ! M. Retailleau, en sa qualité de président du groupe Les Républicains, a dit qu’il ne fallait pas aller au-delà de 413 milliards d’euros, ce qui signifie qu’il y a des renoncements quelque part dans la copie. (M. Bruno Retailleau s’exclame.)
Si l’on ajoute l’achat de matériel, on dépasse les 413 milliards d’euros. C’est facile à comprendre ! Le raisonnement est implacable…
Les opérations de maintien en condition opérationnelle, c’est différent. Le débat n’est pas le même que sur les marches. Débattre des marches, pour en revenir à la conversation que nous avons eue tous les deux, monsieur Retailleau, c’est dire qu’il semble urgent de faire certaines choses dès à présent, en 2024, sans attendre 2027 ou 2028. Pour autant, elles sont prévues dans les 413 milliards d’euros. Ou dans les 400 milliards d’euros, comme vous voulez…
Vous, vous ajoutez des cibles nouvelles sur toute la programmation. Vous ne les faites pas glisser de la période 2027-2030 à la période 2024-2027. Or elles ne sont ni documentées ni financées. Si vous vous en tenez à l’enveloppe globale, cela signifie, je le répète, qu’il y a des renoncements, pour un montant de 3,2 milliards d’euros. C’est beaucoup d’argent.
Merci, en tout cas, de ces échanges et de ce débat. Ce que j’en retiens, c’est que personne ne veut aller au-delà de 413 milliards d’euros. C’est clair et l’honnêteté me commande de le dire. Je renvoie à d’autres cadres et à d’autres formats l’occasion de nous mettre d’accord.
Mme le président. L’amendement n° 148, présenté par M. P. Laurent, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 4, qui prévoit que la « trajectoire de ressources budgétaire s’entend comme un minimum ».
Les crédits sont sécurisés dans le tableau tel qu’il a été modifié en commission. En outre, ils sont d’un montant supérieur à ceux qui sont indiqués, sachant que certaines dépenses, notamment celles qui sont en faveur de l’Ukraine, mais d’autres également – je ne reviens pas sur la liste dressée par le ministre lui-même précédemment –, ne sont pas comprises dans l’enveloppe. Nous sommes donc au-delà de 413 milliards de dépenses militaires.
Je pense donc que l’alinéa 4 est une source d’ambiguïté. Certains comprennent qu’il est une façon de sécuriser les crédits, mais on peut le lire autrement : on peut aussi considérer que la trajectoire de ressources est un minimum qui est appelé à augmenter encore.
Pour notre part, nous souhaitons supprimer cette ambiguïté, alors que les chiffres, je l’ai dit, sont sécurisés dans le tableau nouvellement adopté.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. L’alinéa que cet amendement vise à supprimer avait été introduit par le rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale. Il prévoit que la trajectoire de ressources budgétaires est un minimum.
Monsieur le ministre, vous avez affirmé à plusieurs reprises devant les commissions parlementaires que les marches proposées étaient des planchers et non des plafonds. Compte tenu de l’état de nos finances, cette disposition n’est peut-être pas très opérante, mais, étant donné à la fois les incertitudes qui pèsent sur la situation géostratégique et le niveau de l’inflation, la précision qui a été introduite nous semble opportune.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 191 rectifié, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Ces ressources budgétaires n’ont pas d’impact sur les autres missions du budget général.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement vise à garantir le financement de la LPM par le recours à de nouvelles recettes.
Les écologistes sont favorables aux projections budgétaires des quatre lois de programmation examinées par le Parlement ces deux dernières années concernant les aides publiques au développement, le ministère de l’intérieur et le ministère de la justice. Elles permettent de renforcer les moyens des pouvoirs publics, de donner de la visibilité et de programmer des investissements pluriannuels. D’une manière générale, nous sommes favorables au renforcement des moyens de la puissance publique.
En d’autres circonstances, les écologistes, profondément pacifistes, n’auraient sans doute pas approuvé une augmentation aussi massive des moyens de la défense, mais la démocratie étant plus que jamais menacée à l’est de l’Europe et l’Ukraine ayant besoin d’un soutien indéfectible, les efforts militaires auxquels la nation consent sont à nos yeux justifiés.
Toutefois, par cet amendement, nous voulons nous assurer que les dépenses financières considérables prévues dans le projet de loi de programmation militaire ne conduiront pas à réduire celles des autres missions du budget général.
Le risque est en effet que les programmations budgétaires ambitieuses, s’agissant notamment des missions régaliennes de l’État, conjuguées au dogmatisme du Gouvernement, qui refuse de faire contribuer les plus aisés à l’effort collectif, et à la promesse irréaliste et discutable du Président de la République de ramener le déficit budgétaire sous la barre des 3 %, ne conduisent mécaniquement à faire peser l’effort financier prévu pour la défense sur les autres missions du budget de l’État, comme l’éducation nationale, la santé, la transition écologique, la culture. Ce ne serait pas acceptable.
Le présent amendement vise donc à garantir un financement de la LPM assuré au moyen de nouvelles recettes et non par des transferts de crédits susceptibles d’affaiblir des services publics déjà amoindris ou par amputation de nos ambitions en matière de transition écologique.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Nous ne pouvons pas reprendre à notre compte ce raisonnement, qui oppose l’effort de défense aux autres missions du budget de l’État. Telle n’est pas notre approche.
Je rappelle que l’effort de défense représente moins de 2 % du budget, quand les dépenses sociales en constituent plus de 30 %.
Par ailleurs, l’effort de défense est un formidable accélérateur économique : un euro investi dans l’industrie de défense rapporte deux fois plus à l’économie au bout de dix ans.
Avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Le président Cambon vient d’évoquer l’aspect politique de cet amendement. Parfois, sur les réseaux sociaux, on oppose les uns aux autres les différents pans du budget de l’État – ce n’est pas ce que vous avez fait, monsieur Gontard. Je trouve qu’un tel raisonnement, très délicat et très difficile, a ses limites.
Ensuite se pose la question plus globale de la soutenabilité de l’alinéa qui nous est proposé. Je ne reviens pas sur la LPFP, mais il est évident que la trajectoire initiale que nous proposons ne provoque pas d’effet d’éviction dans les autres programmes puisqu’elle a été imaginée et conçue avec Bercy pour ne pas en créer. C’est une réalité. D’où les longs débats sur les 413 milliards d’euros, mais je n’y reviens pas.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement
Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je n’ai pas opposé les budgets, je m’en suis bien gardé ! J’ai même dit que le budget et les prévisions qui nous sont présentés sont importants dans le contexte actuel. Je demandais juste où l’on va prendre l’argent !
La LPM aura forcément un impact sur l’ensemble des autres missions. Le fait d’avoir un budget dédié à la défense pose un tel problème. Alors que le nombre de budgets dédiés s’additionne, quels effets cela aura-t-il sur les autres secteurs ? Quelles nouvelles ressources le Gouvernement prévoit-il ?
Mme le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Je partage le point de vue de notre collègue Gontard.
Si vous ne voulez pas que l’on oppose les budgets les uns aux autres, monsieur le ministre, il ne faut pas réserver les programmations à certains budgets et ne pas en prévoir pour d’autres !
À titre d’exemple, nous avons examiné durant de longs mois la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, dont la principale caractéristique est de n’avoir jamais été une loi de programmation budgétaire. Toute programmation sérieuse nous a en effet été refusée lors de l’examen du texte.
De même, nous avons examiné de nombreux textes relatifs à la transition écologique. Or, sans une réelle programmation budgétaire – et il n’y en a aucune –, il n’y aura pas de reconquête du ferroviaire français dans le domaine du fret – pour ne prendre que cet exemple.
Si l’on veut mettre fin à ce type de débat et sécuriser les budgets, la programmation budgétaire ne doit pas être réservée aux seuls ministères de l’intérieur et de la défense ! Il faut que nous ayons un débat plus large sur ces questions. Nous pourrons alors discuter des arbitrages réels qui sont rendus.
En réalité, les budgets ne sont pas traités de manière égalitaire, même lorsqu’il s’agit de budgets stratégiques, même quand une programmation sur une longue période est nécessaire.
Mme le président. L’amendement n° 192, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
L’investissement dans la dissuasion nucléaire n’excède pas 13 % du montant global de cette loi de programmation militaire.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement a été travaillé avec ICAN France, qui est le relais national de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires. Il vise à s’assurer que l’investissement dans la dissuasion nucléaire ne dépasse pas 13 % du montant global de la LPM.
Selon M. le ministre, qui l’a dit à plusieurs reprises, la dissuasion nucléaire représente 13 % du montant global de la LPM, soit 53,69 milliards d’euros. Toutefois, ce taux et ce montant ne figurent nulle part dans le texte, contrairement au montant de certaines dépenses liées à de très nombreux programmes d’armement. Ils figuraient pourtant dans les précédentes LPM.
Il est donc nécessaire de maîtriser les dépenses en matière de dissuasion nucléaire afin de ne pas pénaliser les autres programmes et objectifs de cette LPM.
Certes, notre modèle d’armée repose largement sur la dissuasion, qui peut contribuer à préserver la stabilité et à éviter les conflits majeurs entre les États dotés de l’arme nucléaire et constituer un moyen essentiel de garantir la sécurité nationale et de protéger les intérêts vitaux.
Toutefois, l’investissement en matière de dissuasion grève largement d’autres efforts, notamment le renforcement des moyens de notre armée de terre, et contribue largement à l’échantillonnage de notre armée.
Par ailleurs, la dissuasion ne nous éviterait pas un conflit militaire indirect avec une puissance nucléaire et ne nous permet pas de faire l’économie d’un armement conventionnel.
Enfin, un surinvestissement en ce domaine pourrait nous conduire à aller au-delà de la doctrine de stricte suffisance et créer une spirale dangereuse de prolifération nucléaire.
Pour toutes ces raisons, il nous apparaît indispensable de plafonner les dépenses relatives à la dissuasion nucléaire. Il s’agit de nous assurer qu’elles sont conformes aux engagements de la France et qu’elles ne mordent pas sur le reste des besoins de l’armée.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. La commission partage l’intention des auteurs de cet amendement : comme eux, nous essayons toujours d’en savoir plus, et il est exact que des éclaircissements sont nécessaires sur l’enveloppe de 50 milliards d’euros consacrée à la dissuasion nucléaire. La commission aura l’occasion de revenir sur ce point.
Néanmoins, tel qu’il est rédigé, cet amendement n’est pas acceptable. Par les temps de très grandes menaces que nous connaissons, tout ce qui concerne le renouvellement et la modernisation de notre dissuasion nucléaire, qui est notre assurance ultime, ne peut pas être négligé.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il est défavorable.
Pierre Messmer avait une très jolie formule à propos de la dissuasion nucléaire dans les textes budgétaires. Il disait qu’à certains secrets militaires il fallait adjoindre une forme de discrétion budgétaire.
De fait, pour me trouver aujourd’hui de l’autre de la barrière, je puis vous dire que la structure même des crédits liés à la dissuasion dit des choses sur elle. Donner des détails, c’est donner des informations stratégiques importantes aux autres compétiteurs. Il n’y a donc pas un manque de volonté de notre part sur ce sujet.
À la demande du sénateur Cigolotti, j’ai accepté de bouger sur la disponibilité du matériel. On peut se permettre un peu plus de transparence sur certains sujets, mais pas sur la dissuasion nucléaire, car on dit très vite des choses si on dévoile les contenus des programmes de modernisation. Dans ce cas, autant donner un certain nombre de secrets directement à nos compétiteurs…
M. Guillaume Gontard. Pourquoi donnez-vous des chiffres alors ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Parce que vous m’avez posé une question ! Vous m’avez demandé plusieurs fois en commission quelle part la dissuasion représentait dans le budget global. J’ai évalué ce qui était communicable au Parlement et je vous ai dit 13 %.
Ensuite, vous avez déposé un amendement visant à caper les crédits consacrés à la dissuasion nucléaire à 13 %. Je vous explique que ce n’est pas possible, pour des raisons de détails, mais est-ce que ce serait grave s’ils atteignaient 15 % ?
Le débat de fond, c’est que vous êtes contre la dissuasion.
M. Guillaume Gontard. Je n’ai pas dit exactement cela !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je respecte votre position, mais je ne la partage pas.
Vous me demandez pourquoi je vous donne un chiffre, je vous réponds que c’est parce que vous m’avez posé une question. Je pourrais à mon tour vous demander pourquoi vous avez repris mon chiffre dans un amendement ! C’est pour le caper ! Ce serait sans fin, comme l’histoire de la poule et de l’œuf.
En tout cas, la dissuasion est la clé de voûte de notre défense et de la protection de nos intérêts vitaux. Comme vous le savez – je l’ai dit plusieurs fois en commission, mais je le redis ici – tous les vingt ou vingt-cinq ans, des efforts de modernisation sont faits, par exemple des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), des missiles, des avions ou d’autres aspects plus critiques, qui tiennent évidemment aux têtes. Il y a donc, par définition, des pics en la matière. La dissuasion nucléaire va connaître une phase de forte modernisation entre 2028 et 2035. À cet égard, je forme le vœu que les futures majorités et les prochains présidents de la République la défendront.
Il se passe du temps entre le moment où un programme est décidé et celui où il est exécuté en crédits de paiement. Aujourd’hui, nous vivons sous l’empire de la dissuasion globalement décidée par Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy. L’inertie est très forte en ce domaine, elle vaut également pour les crédits de paiement.
Mme le président. L’amendement n° 237, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Cet amendement – présenté laconiquement… – vise à supprimer une excellente disposition introduite par voie d’amendement par notre collègue Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des finances.
L’alinéa 9 porte sur les cas où la France procède à des cessions de matériels militaires d’occasion à d’autres pays. Quand on cède un Rafale à la Grèce, à la Croatie ou à d’autres pays – ce à quoi nous sommes toujours favorables –, il convient de le remplacer. Il faut dans ce cas compléter le produit de la vente pour acheter un avion neuf. On ne rachète pas d’avions d’occasion.
La précision introduite par de Dominique de Legge était tout à fait importante. La commission est défavorable à sa suppression et donc à votre amendement, monsieur le ministre.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 149, présenté par M. P. Laurent, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Il s’agit d’un amendement d’appel, à l’attention de Mme la secrétaire d’État chargée de la jeunesse et du service national universel.
La commission a inscrit dans le texte que la LPM ne financerait en aucun cas le service national universel.
C’est la première fois qu’il est fait mention du SNU dans le texte. Ce dispositif nous a été présenté de plusieurs manières – dernièrement encore, dans l’interview que vous avez accordée au Figaro, monsieur le ministre –, mais nous ne comprenons toujours pas clairement son lien avec la LPM, où il est évoqué dans plusieurs articles. Y a-t-il un lien entre le SNU et la LPM et, si oui, lequel ?
Le SNU est-il un dispositif de formation militaire s’adressant, à en croire les plus récentes annonces, à des jeunes de 14 ans, avec des stages de douze jours pris sur le temps scolaire ? Sinon, quel est son rapport avec la LPM ? Nous souhaitons comprendre la nature de ce dispositif et son lien avec la LPM. S’il n’en existe pas, toute référence à celui-ci n’a pas lieu d’être. Je rappelle que notre commission a décidé que la LPM ne financera en aucun cas le SNU…
Mme le président. L’amendement n° 194, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Remplacer le mot :
universel
par le mot :
volontaire
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. De fait, puisque le SNU est mentionné dans cette LPM, cet amendement a pour objet de préciser qu’il restera entièrement volontaire. Il ne peut être établi sous la contrainte, car le lien entre la Nation et l’armée doit continuer à être fondé sur un engagement volontaire. Pour lever toute ambiguïté, cet amendement tend à dénommer ce dispositif « service national volontaire ». D’ailleurs, Mme la secrétaire d’État nous a indiqué que le SNU était volontaire ; autant l’écrire dans ce texte.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Depuis que le projet de SNU a été lancé par le Président de la République, avec le soutien du Sénat, c’est une position constante de la commission que de dire qu’il ne peut pas être financé par la LPM. En année pleine, pour une classe d’âge, cela représenterait une dépense de 3 milliards d’euros.
M. Rachid Temal. En plus des 413 milliards d’euros !
M. Christian Cambon, rapporteur. En effet…
Imaginez les conséquences ! La commission a donc émis avis défavorable sur l’amendement n° 149.
L’amendement n° 194 tend à transformer le SNU en « service national volontaire ». La LPM n’est pas le bon véhicule pour cela. Je profite de la présence de la secrétaire d’État pour lui rappeler que nous sommes à sa disposition pour développer ce projet.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Le SNU est conçu pour être totalement volontaire. Si cette modalité devait changer, cela se ferait évidemment par le biais d’un projet de loi, qui serait débattu dans les deux chambres et soumis à votre vote.
Le projet du SNU sur le temps scolaire repose sur des projets d’établissement et de classe, donc sur une forme d’engagement pédagogique – et non de contrainte.
Le SNU est mentionné dans le rapport annexé pour une raison très simple, qui est que l’ADN de ce projet et sa forme pédagogique comportent le renforcement du civisme, de la citoyenneté et, en réalité, du lien entre armée et jeunesse. De fait, la journée défense et citoyenneté est portée par la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) du ministère des armées.
Le séjour de cohésion correspond à la première phase, qui est la phase d’internat. Le séjour volontaire d’engagement des jeunes, qui est la mission d’intérêt général, peut prendre plusieurs formes : cadets de la gendarmerie, escadrilles air jeunesse (EAJ), ou encore des engagements civils comme le service civique ou des engagements associatifs, par exemple dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
En tout cas, aucun financement n’est prévu dans la LPM, et nous sommes d’accord avec la position très claire rappelée par le président de la commission. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, pour explication de vote.
Mme Marie-Arlette Carlotti. Je souhaite m’associer aux remarques faites par les auteurs de ces amendements, qui sont d’ailleurs des amendements d’appel.
Je suis d’accord avec l’alinéa 10 de l’article 3, qui dispose, comme l’a rappelé le président Cambon, que « les ressources ne comprennent pas le financement du service national universel […]. » Dès lors, pourquoi est-il écrit que celui-ci « dispose d’un financement ad hoc » ? De quoi s’agit-il ?
J’espère que ces moyens ne seront pas prélevés sur le budget de l’éducation nationale, comme cela a été évoqué. Madame la secrétaire d’État, les propos divers et variés que vous tenez sur ce point dans la presse ne nous rassurent pas du tout, et même nous inquiètent : vous parlez de prendre le SNU sur le temps scolaire, vous dites que les voyages scolaires y seront assimilés, etc. Je ne veux pas opposer les budgets des ministères entre eux, mais, je le répète, faire état de notre inquiétude, et de notre exaspération face à ce passage en force du SNU, sans qu’aucun bilan ait été dressé.
Mme le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Sur la question du lien entre défense et jeunesse, entre jeunesse et armée, nous avons besoin d’un débat national sérieux. Nous avons d’ailleurs déposé un amendement, qui a été adopté par la commission, ayant pour objet d’appeler à ce débat national. Les formules successives du SNU qui sont présentées ne répondent pas à cette question. Nous ne pouvons pas nous adresser qu’à des jeunes de 14 ans en classe de seconde ! Nous avons besoin depuis des années d’un débat national sur ce sujet.
La question du volontariat n’est toujours pas réglée. Qui concerne-t-elle ? Les établissements ? Les professeurs ? Leurs classes ? Les élèves ? Leurs parents ? Nous parlons d’élèves de 13 ans ou 14 ans… Et il s’agit d’une période de douze jours prise sur le temps scolaire, ce qui n’est pas négligeable, surtout à cet âge.
Bref, le dispositif n’est pas clair. Le débat nécessaire sur le lien entre armée et jeunesse fait défaut, et il faudra l’ouvrir un jour de manière sérieuse et transparente avec le pays.
Je vais retirer mon amendement, qui était un amendement d’appel. La LPM, en l’état, n’a pas à financer le SNU. Nous devrons donc retirer la mention au SNU, par exemple dans des énumérations qui apparaissent dans le texte, au même titre que la réserve opérationnelle.
Mme le président. L’amendement n° 149 est retiré.
La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Sur le SNU, beaucoup de choses sont dites, mais rien n’est jamais écrit. Ce texte est l’occasion de préciser les choses : vous nous dites qu’il sera volontaire, autant l’inscrire très clairement dans la loi ! Et si le SNU ne doit pas figurer dans ce texte, il faut en supprimer toutes les mentions.
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État. Ce débat n’a pas vocation à avoir lieu dans le cadre de l’examen de la LPM. Le SNU concerne des jeunes de 15 à 17 ans et, actuellement, fonctionne sur la base du volontariat. Toute évolution sur ce point requerrait un débat parlementaire.
Pour vous rassurer, madame la sénatrice, je rappelle que le budget du SNU est autonome, qui ne touche ni à l’éducation nationale ni aux armées. Il s’agit du programme 163, « Jeunesse et vie associative », dont le budget a toujours été séparé. Je le sais, car, étant parlementaire quand il a été créé, j’en ai été rapporteur. Ma seule inquiétude alors, tout à fait légitime, était qu’il ne vienne pas piocher dans d’autres budgets, ce qui aurait affaibli d’autres projets pour la jeunesse.
C’est la raison pour laquelle ce programme est sanctuarisé. Ses crédits ont augmenté proportionnellement aux engagements. Le SNU continue à évoluer, bien sûr, mais il a rencontré une aspiration au sein de la jeunesse.
M. Pierre Laurent. Vous faites des déclarations dans la presse, mais nous n’avons aucune évaluation !
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État. Je suis à votre disposition pour entrer davantage dans le détail de ce projet, qui n’a pas vocation à être débattu dans le cadre de l’examen de la LPM.
M. Rachid Temal. Retirez-le !
Mme le président. L’amendement n° 69, présenté par MM. Féraud, Temal et Kanner, Mmes Carlotti, Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Roger, Todeschini, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est institué une taxe additionnelle à l’impôt sur le revenu sur les versements sur les contrats d’assurance vie mentionnés à l’article L. 131-1 du code des assurances.
Cette taxe est dénommée « taxe de solidarité sur les assurances vie ». Elle est basée sur les versements annuels des épargnants au titre de leurs contrats d’assurance vie. Elle est recouvrée annuellement.
Le taux de la taxe est fixé à 0 % pour les versements compris entre 0 et 4 500 €, à 2 % pour les versements compris entre 4 501 € et 21 000 €, et à 5 % au-delà.
Le recouvrement de la taxe se fait selon les modalités ainsi que sous les sûretés, garanties et sanctions applicables à l’imposition sur le revenu.
La parole est à M. Rémi Féraud.
M. Rémi Féraud. Nous ne pouvons pas discuter des dépenses sans aborder la question des recettes. En témoigne le débat que nous venons d’avoir sur les reports de charges, les marges frictionnelles ou la réalité des moyens que nous nous donnons.
Cet amendement a donc pour objet de lever des recettes supplémentaires afin de financer les investissements et les dépenses considérables dont nous avons besoin pour protéger notre pays et nos compatriotes dans les années couvertes par cette LPM.
Il y a là un vrai parallèle à faire avec les travaux de Jean Pisani-Ferry, entre autres, sur le financement de la transition énergétique : comment faire en sorte que de tels financements pèsent de manière raisonnable sur la dette publique et soient socialement justes ?
Notre amendement vise à lever une taxe sur les placements d’assurance vie à partir d’un certain montant, pour ne pas peser sur la classe moyenne ou les classes populaires. Si le dispositif ne paraît pas pertinent à la majorité sénatoriale ou au Gouvernement, d’autres possibilités existent pour taxer le patrimoine.
Nous nous sommes battus ces derniers mois, en vain, pour instaurer une taxe sur les superprofits. Nous sommes toujours favorables à des dispositifs de cette nature, qui permettent de trouver les financements nécessaires aux considérables dépenses publiques dont nous avons besoin.
Nous avons voulu élargir le débat sur la LPM en engageant le débat sur les recettes nécessaires pour faire face à ces dépenses. J’espère que cela pourra intéresser notre assemblée pendant quelques minutes…
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Cet amendement vise simplement à augmenter la pression fiscale sur les ménages…
Mme Marie-Arlette Carlotti. Pas tous !
M. Christian Cambon, rapporteur. … sans même préciser – c’est original ! – que c’est pour financer les dépenses militaires ! La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 69.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 4
La provision annuelle au titre des opérations extérieures et des missions intérieures évoluera comme suit :
(Crédits de paiement, en millions d’euros courants) |
|||||||
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
|
Montant provisionné |
750 |
750 |
750 |
750 |
750 |
750 |
750 |
En gestion, les surcoûts des opérations extérieures et des missions intérieures, nets des remboursements des organisations internationales, non couverts par cette provision font l’objet d’un financement interministériel. La participation de la mission « Défense » à ce financement interministériel ne peut excéder la proportion qu’elle représente dans le budget général de l’État. Si le montant des surcoûts nets ainsi défini est inférieur à la provision, l’excédent constaté est maintenu au profit de la mission « Défense ». Par exception, les crédits des missions intérieures réalisées dans le cadre de l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques à l’été 2024 relèvent exclusivement d’un financement interministériel.
Les opérations extérieures et les missions intérieures font l’objet, au plus tard le 30 juin de chaque année, d’une information au Parlement. Le Gouvernement communique au Parlement un bilan opérationnel et financier relatif à ces opérations extérieures et ces missions intérieures. Le ministre des armées présente annuellement aux commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense nationale et des forces armées un bilan détaillé des opérations extérieures et des missions intérieures en cours.
Mme le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, sur l’article.
M. Olivier Cigolotti. À ce stade de la discussion, nous souhaitons apporter deux points de précision, avant l’examen de l’article 4 et des deux amendements du Gouvernement.
Nous avons modifié cet article en commission, pour prévoir que le financement interministériel des surcoûts liés aux Opex et aux missions intérieures ne souffrirait pas d’exceptions liées à des « circonstances exceptionnelles », qui justifieraient que la mission « Défense » contribue au-delà de sa proportion dans le budget de l’État. Cela ne serait pas judicieux.
Monsieur le ministre, vous demandez à la Nation un effort qui est volontiers qualifié d’historique, afin de préparer nos troupes à la haute intensité et à l’engagement majeur. Il ne nous semble pas possible, dans un contexte budgétaire déjà dégradé, de considérer cela comme une poire pour la soif.
Nous avons également prévu dans cet article une présentation annuelle par le ministre du bilan détaillé des Opex et des missions intérieures (Missint). Ce sera l’occasion de débattre de la contribution de la mission « Défense » à leur financement.
Mme le président. L’amendement n° 238, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
(Crédits de paiement, en millions d’euros courants) |
|||||||
|
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
Montant provisionné |
800 |
750 |
750 |
750 |
750 |
750 |
750 |
II. – Alinéa 3, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il s’agit en quelque sorte d’un amendement d’appel, pour mieux comprendre ce que vous avez fait en commission. Les Missint comprennent l’opération Sentinelle, Harpie et la mission, ponctuelle, relative au maintien de la sécurité lors des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP). Ce sont bien des missions relevant des forces armées : posture permanente de sûreté de l’espace aérien, lutte anti-drones, renforcement de la sécurité d’emprises militaires dans Paris pour soulager les forces de sécurité intérieure, etc.
La copie que je vous avais présentée initialement prenait en compte ce que le ministère des armées doit pour le volet JOP, qui a été documenté par les états-majors et qui nous semble sincère. Vous l’avez rabotée en commission : pourquoi ?
Nous sommes dans une logique de provision : en cas de dépassement, c’est le financement interministériel qui serait sollicité.
Je sollicite donc le rétablissement de la provision initiale, qui correspond aux prévisions de l’état-major. C’est une question de sincérité budgétaire.
Si vous le permettez, madame la présidente, nous pouvons considérer que l’amendement n° 239 est également défendu.
Mme le président. J’appelle donc également en discussion l’amendement n° 239, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
En gestion
par les mots :
Hors circonstances exceptionnelles, en gestion
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Christian Cambon, rapporteur. L’amendement n° 238 revient sur un amendement déposé par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et adopté en commission, qui prévoyait que le financement des JOP soit exclusivement interministériel et ne s’impute donc pas sur la provision annuelle votée au titre des Opex et des Missint – d’où la diminution de 50 millions d’euros, monsieur le ministre.
Nous sommes d’accord pour que les militaires participent à la sécurisation du territoire pendant les JOP, mais pas pour que le ministère des armées finance intégralement cette dépense. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Son avis est également défavorable sur l’amendement n° 239, qui vise à réintroduire la possibilité d’une contribution plus que proportionnelle de la mission « Défense » à la solidarité interministérielle pour assurer le financement des Opex et des Misssint.
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Quelle tristesse de ne pas avoir été avec vous en commission pour pouvoir m’expliquer…
M. Rachid Temal. C’est la séparation des pouvoirs !
M. Sébastien Lecornu, ministre. M’écouter n’est pas une infraction à la séparation des pouvoirs… (Sourires.)
M. Rachid Temal. Nous vous avons déjà entendu trois fois !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Les provisions concernent bien les missions militaires : lutte anti-drones, posture permanente dans le ciel, accrue durant les JOP, etc. C’est bien de la sincérité budgétaire.
M. Rachid Temal. C’est de l’interministériel !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il est normal que ces crédits soient pris sur ceux du fonctionnement normal du ministère des armées. Seul un éventuel dépassement devrait être assumé en interministériel, de même que d’éventuels éléments nouveaux qui seraient demandés aux forces armées à l’occasion des JOP.
Il me paraît important de signaler ce point.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
Article 5
En cas de hausse du prix constaté des énergies opérationnelles, la mission « Défense » bénéficiera de mesures financières de gestion, si nécessaire par ouverture de crédits en loi de finances rectificative et en loi de finances de fin de gestion, et, si la hausse est durable, des crédits supplémentaires seront ouverts en loi de finances de l’année pour couvrir les volumes nécessaires à la préparation et à l’activité opérationnelle des forces. Si le prix constaté des énergies opérationnelles est inférieur aux hypothèses de construction de la présente loi, il n’est pas prévu de restitution, de gels, de mise en réserve ou de diminution des crédits de la mission « Défense ». Les ressources dédiées aux énergies opérationnelles lui restent garanties.
Afin de rendre les armées plus résilientes face à la fluctuation des prix et au déclin des énergies fossiles, l’effort sera poursuivi pour réduire les dépendances à celles-ci. La réduction de ces dépendances se fera en priorité sur les énergies fossiles produites et exploitées hors du territoire français.
Mme le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, sur l’article.
M. Olivier Cigolotti. Nous allons aborder, dans cet article 5, la problématique des carburants opérationnels. Nous souhaitons que, si les cours chutent en dessous de 85 dollars par baril – hypothèse de construction de la LPM –, la mission « Défense » ne soit pas ponctionnée. Cela dissuadera de tenter, en gestion, un pari à la baisse avec des gels ou des mises en réserve. Les à-coups qui seraient ainsi générés nuiraient grandement à la bonne exécution de cette LPM.
Mme le président. L’amendement n° 195 rectifié, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Il est remis au Parlement au plus tard le 1er janvier 2025 un rapport sur les moyens pour nos armées de limiter leur consommation de carburant. Ce rapport inclut une réflexion sur la possibilité de rationaliser l’utilisation de carburant en dehors de théâtre d’opérations ainsi que les possibilités d’écoconception d’équipements militaires et en premier lieu les véhicules. Ce rapport prend ainsi en compte les dernières créations des équipementiers militaires français et européens qui permettront de réduire l’empreinte carbone de l’armée et d’améliorer l’autonomie de nos équipements.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement tend à la remise d’un rapport au Parlement sur les moyens pour nos armées de limiter leur consommation de carburant.
Nous souhaitons que ce rapport inclue également une réflexion sur les possibilités de rationalisation de l’usage du carburant en dehors des théâtres d’opérations, mais aussi sur les possibilités d’écoconception des équipements militaires, et notamment des véhicules.
L’armée possède beaucoup d’équipements très polluants. Si elle a longtemps été exemptée de tout objectif de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, il lui faut aujourd’hui prendre sa part à l’effort national lorsque le contexte le permet.
C’est aussi un enjeu stratégique important : la dépendance de nos armées aux énergies fossiles pose des questions sur leur capacité à opérer efficacement. La fluctuation des prix du pétrole et d’autres énergies fossiles, ainsi que leur déclin prévisible à long terme, est une problématique qu’il faut à tout prix prendre au sérieux.
C’est aussi un enjeu financier : nos armées dépensent près de 1 milliard d’euros en carburant, soit plus de 2 % de leur budget actuel. La volatilité des prix du carburant fait donc peser une incertitude sur la trajectoire même de cette LPM.
Face à un environnement énergétique en constante évolution, il nous faut renforcer la durabilité et la résilience de nos armées. Il s’agit ici non pas de contraindre les militaires sur un théâtre d’opérations, mais bien de réfléchir à une nouvelle génération de véhicules qui, en ne consommant pas de carburant fossile, ou en en consommant peu, pourraient gagner en capacités opérationnelles.
Il s’agit aussi, sans contrainte excessive, de porter une attention accrue à l’économie de carburants en dehors des théâtres d’opérations, qu’il s’agisse de la logistique militaire ou des exercices. Il est nécessaire de réaffirmer notre engagement pour la transition vers une économie à faible émission de carbone, non seulement pour lutter contre le changement climatique, mais également pour garantir notre sécurité et notre défense à long terme.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Tout ce qui concourt à diminuer l’empreinte carbone de nos activités militaires va dans le bon sens. Ce rapport y contribuera.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Sur le fond, je suis d’accord, mais, sur la forme, inutile de demander aux armées de produire un rapport spécifique sur ce sujet puisque la commission a déjà ajouté, à l’article 8, un bilan annuel de la LPM. Je m’engage à ce que ce bilan annuel comporte un chapitre, dûment documenté, sur cet aspect.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il s’en remettra à la sagesse du Sénat. C’est une affaire de forme et de méthode.
Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. La décarbonation, l’utilisation de tel ou tel type de carburant : tout cela, ce n’est pas un petit sujet ! Toutefois, puisque le ministre s’engage à nous présenter un bilan nous permettant de mener une réflexion d’ensemble – et non par le petit bout de la lorgnette –, je retire mon amendement.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Non seulement je m’y engage formellement – nos débats sont retranscrits –, mais encore je vous l’écrirai. Il faut traiter cette question comme un paramètre naturel des politiques publiques : cela fera avancer votre combat.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 5.
(L’article 5 est adopté.)
Article 6
L’augmentation nette des effectifs du ministère de la défense s’effectuera selon le calendrier suivant :
(En équivalents temps plein) |
|||||||
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
|
Cible d’augmentation nette des effectifs |
700 |
700 |
800 |
900 |
1 000 |
1 000 |
1 200 |
Cette évolution porte sur les emplois financés par les crédits de personnel du ministère de la défense, à l’exclusion des apprentis civils et militaires, des volontaires du service militaire volontaire et des volontaires du service national universel. En conséquence, les effectifs du ministère de la défense s’élèveront à 271 800 équivalents temps plein en 2027 et à 275 000 équivalents temps plein en 2030.
Cette évolution ne tient pas compte d’une généralisation éventuelle du service national universel qui interviendrait pendant la période de programmation. À ces effectifs, s’ajouteront le cas échéant les augmentations d’effectifs du ministère de la défense nécessitées par une généralisation du service national universel.
À ces effectifs s’ajouteront les augmentations d’effectifs du service industriel de l’aéronautique.
À ces effectifs s’ajoutera enfin l’augmentation des effectifs des volontaires de la réserve opérationnelle militaire et du service national universel, portés à 80 000 en 2030 puis à 105 000 au plus tard en 2035 pour atteindre l’objectif, y compris en outre-mer, d’un pour deux militaires d’active. L’augmentation nette des effectifs des volontaires de la réserve opérationnelle militaire du ministère de la défense s’effectuera selon le calendrier suivant :
(En nombre de volontaires ayant souscrit un engagement à servir dans la réserve) |
|||||||
|
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
Cibles d’augmentation nette des effectifs |
3 500 |
3 500 |
3 500 |
3 500 |
3 500 |
3 500 |
4 000 |
L’effort de transformation de la ressource humaine du ministère entrepris en application de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense sera poursuivi, notamment afin de renforcer la fidélisation, l’expertise et l’adaptabilité des agents civils et militaires du ministère. Les grilles indiciaires des militaires du rang seront révisées avant la fin de l’année 2023. Les grilles indiciaires des sous-officiers et des militaires assimilés seront révisées avant la fin de l’année 2024. Les grilles indiciaires des officiers seront révisées avant la fin de l’année 2025. Avant la fin de l’année 2026, le Gouvernement remettra, après consultation du Conseil supérieur de la fonction militaire, un rapport au Parlement évaluant les effets de la nouvelle politique de rémunération des militaires.
Mme le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Je salue le travail de la commission sur ce texte important, qui prévoit au total 400 milliards d’euros de crédits. J’associe à mes propos ma collègue Else Joseph, car les Ardennes ont la chance d’abriter le 3e régiment du génie – vous connaissez bien notre département, monsieur le ministre.
Les effectifs sont une question cruciale, car il s’agit des moyens humains. Nous regrettons, à cet égard, la disparition des militaires dans nombre de départements. L’objectif de 275 000 ETP en 2030 est ambitieux : comment susciter des vocations ? L’accroissement fort de la réserve opérationnelle ne suffira pas, monsieur le ministre, non plus que la journée défense et citoyenneté (JDC), qui concerne les jeunes de 15 ans à 17 ans. Le SNU, les classes défense, dans les collèges et les lycées, participent aussi à tisser le lien entre les armées et la nation. Mais il faut fidéliser les effectifs. Et comment ne pas évoquer le dévouement des encadrants ?
Je voterai cet article.
Mme le président. La parole est à M. Philippe Folliot, sur l’article.
M. Philippe Folliot. L’article 6 porte sur les ressources humaines des armées. Il n’y a pas si longtemps, le ministère de la défense supportait à lui seul les deux tiers des baisses d’effectifs dans la fonction publique. Je me réjouis de l’augmentation nette des effectifs prévue par cet article.
Monsieur le ministre, il vous sera sans doute difficile de dire avec précision, à ce stade, où iront ces augmentations d’effectifs. Pouvez-vous toutefois nous donner les grandes orientations, au regard de ce que j’ai dit tout à l’heure sur notre souveraineté ?
De plus, cela a été dit fort justement tout à l’heure, la fidélisation de celles et ceux qui font le choix des armes est essentielle : dans certains bassins, proches du plein emploi, il faut que ces personnes restent le plus longtemps possible, au moins le temps que leur formation soit profitable. C’est un enjeu majeur.
Mme le président. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 98, présenté par Mme Carlotti, MM. Temal et Kanner, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Roger, Todeschini, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
(En équivalents temps plein) |
|||||||
|
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
Cible d’augmentation nette des effectifs |
1500 |
1500 |
660 |
660 |
660 |
660 |
660 |
II. – Alinéa 3, seconde phrase
Remplacer le nombre :
271 800
par le nombre :
272 920
La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti.
Mme Marie-Arlette Carlotti. Cette LPM interrompt la trajectoire d’augmentation des effectifs de la précédente LPM, en passant de 1 500 ETP à 700 ETP en 2024 et 2025. La montée en puissance des recrutements est repoussée à la fin du mandat du Président de la République, comme pour la trajectoire financière.
Avons-nous le droit d’attendre autant et perdre tout ce temps alors que nous devons doter nos armées des effectifs nécessaires pour faire face à un conflit de haute intensité ? Cet amendement tend à reprendre les objectifs de l’ancienne LPM et, ce faisant, de lisser les recrutements.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Le ministère peine déjà à pourvoir les 1 500 postes prévus. Cette nouvelle trajectoire ne serait pas cohérente avec la trajectoire budgétaire adoptée par la commission, qui a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je pense qu’il s’agit d’un amendement d’appel, car, tels qu’ils sont proposés dans ce tableau, les objectifs visés ne sont pas complètement atteignables.
L’urgence, comme l’a indiqué Philippe Folliot, doit être de remporter la bataille de la fidélisation. Le ministère des armées est un grand ministère employeur, et le solde entre les recrutements et les départs doit rester positif. L’enjeu n’est pas tant de parvenir à embaucher que d’être capable de conserver certains personnels, bien ciblés.
Deux catégories, notamment, méritent une attention particulière.
La première catégorie est celle des sous-officiers. Ces derniers constituent la structure de notre modèle d’armée. Or, au fil des ans, sous l’effet des revalorisations du Smic et du point d’indice de la fonction publique, l’écart s’est réduit entre la solde de la troupe et celle des premiers grades de sous-officiers – sergent ou second-maître, sergent-chef – et évidemment ce déséquilibre se retrouve dans l’ensemble de la pyramide des grades. Tel est le premier combat que nous devons mener. C’est le message que nous devons envoyer à nos armées – car celles-ci nous regardent –, avant de parler des chiffres, même si, à cet égard, les amendements adoptés par la commission vont dans le bon sens.
La seconde catégorie de métiers pour lesquels il existe un enjeu important en termes de fidélisation, et également d’ouvertures de nouveaux postes, est celle des métiers du cyber. Les professionnels de ce secteur sont particulièrement « chassés » par le privé : on voit ainsi malheureusement de jeunes gens, qui ont été formés et qui ont travaillé pendant quatre ou cinq ans au sein des différentes structures cyber du ministère, quitter ce dernier pour des raisons salariales ou pour satisfaire un désir de mobilité – le problème est complexe. Le même phénomène s’observe à la DGSE.
Réussir à fidéliser ces deux catégories constitue un combat clé pour la réussite de la programmation militaire.
La programmation comporte aussi une trajectoire d’augmentation des ETP du ministère. Il n’est pas possible de comparer les lois de programmation entre elles : jadis, l’enjeu était d’augmenter les effectifs des structures de combat, par exemple des régiments d’infanterie. Aujourd’hui, l’enjeu concerne plutôt la guerre électronique ou la transformation cyber de l’armée de terre.
La trajectoire présentée correspond aussi aux besoins des employeurs, à leurs capacités d’embauche, et aussi à leur capacité à fidéliser.
Pour ces raisons, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Chaque année, lors du bilan de l’exécution de la loi de programmation militaire, le ministre des armées viendra au Parlement expliquer comment le Gouvernement est parvenu à remplir ses objectifs, ou pourquoi, au contraire, il n’y est pas parvenu, en donnant des éléments d’analyse qui permettent d’avoir une approche qualitative : en effet, remplir l’objectif pour la troupe n’est pas la même chose que le remplir pour la DGSE ou pour les fonctions de soutien.
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, pour explication de vote.
Mme Marie-Arlette Carlotti. Monsieur le ministre, vous avez évoqué deux combats. Je rappelle que notre commission a fixé des échéances temporelles précises pour la révision des grilles indiciaires. La rédaction qu’elle a adoptée comporte de nombreuses dispositions qui permettent de répondre au souci de fidélisation.
J’entends les arguments de notre rapporteur. Je retire mon amendement, par cohérence avec la trajectoire adoptée par la commission à l’article 3.
M. Rachid Temal. Quelle sagesse ! (Sourires.)
Mme le président. L’amendement n° 98 est retiré.
L’amendement n° 197, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase, alinéa 4, première et seconde phrases, alinéa 6, première phrase
Remplacer le mot :
universel
par le mot :
volontaire
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. L’objectif de cet amendement est de préciser, comme précédemment, que le SNU restera volontaire. Je déplore un problème de cohérence, car il est fait mention du SNU à l’article 6 comme dans tout le texte. Toutefois, au vu du débat que nous venons d’avoir, je retire cet amendement.
Mme le président. L’amendement n° 197 est retiré.
L’amendement n° 97 rectifié, présenté par Mme Carlotti, MM. Temal et Kanner, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Roger, Todeschini, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
I. – Alinéa 4, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
La présente loi de programmation militaire ne prévoit pas la mobilisation des ressources humaines et financières pour la mise en œuvre de ce dispositif.
II. – Alinéa 6, première phrase
Supprimer les mots :
et du service national universel
La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti.
Mme Marie-Arlette Carlotti. Cet amendement vise tout d’abord à réécrire la seconde phrase de l’alinéa 4, afin de préciser que « la présente loi de programmation militaire ne prévoit pas la mobilisation des ressources humaines et financières [des armées] pour la mise en œuvre » du SNU. Le texte de la commission le prévoit déjà et me convient très bien, mais la formulation proposée me semble plus claire et plus incisive.
Ensuite, cet amendement vise à supprimer la référence au SNU à l’alinéa 6. J’espère que le ministre le soutiendra dans la mesure où l’amendement du Gouvernement a le même objet…
Mme le président. L’amendement n° 240, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Supprimer les mots :
et du service national universel
La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Cet amendement a, de fait, été défendu puisqu’il a le même objet que le précédent – mais sans modifier l’alinéa 4.
Permettez-moi de rappeler pour la clarté des débats les termes de l’alinéa 6 : « À ces effectifs s’ajoutera enfin l’augmentation des effectifs des volontaires de la réserve opérationnelle militaire et du service national universel, portés à 80 000 en 2030 puis à 105 000 au plus tard en 2035. » Même si je sais que certains services de mon ministère ont pu avoir certaines velléités d’inclure le SNU dans la programmation, je le redis devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, et mon engagement est clair : le SNU ne figure pas dans la loi de programmation militaire et il n’y a pas de lien entre ce dernier et les cibles d’augmentation des effectifs de la réserve, sauf si – cela tombe sous le sens, de même que l’eau mouille et le feu brûle – des volontaires du SNU décident de devenir réservistes.
Je défends donc cet amendement farouchement, car s’il n’était pas adopté, le SNU figurerait dans la programmation militaire, ce qui serait contraire à l’objectif, quoi qu’aient pu dire certains services de mon ministère…
M. Christian Cambon, rapporteur. Votre cabinet, monsieur le ministre !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je ne rappellerai pas la Constitution : le ministère est dirigé par le ministre, qui est responsable devant le Parlement ! J’y insiste, et je veux être clair, le SNU ne figure pas dans la loi de programmation militaire et il n’y a pas de lien entre ce dernier et la réserve opérationnelle.
Je serai donc favorable à l’amendement n° 97 rectifié si l’amendement du Gouvernement n’était pas adopté.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. La commission demande le retrait de l’amendement n° 97 rectifié, car celui-ci est satisfait par les modifications apportées au projet de loi par la commission.
La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 240, monsieur le ministre, dans la mesure où votre cabinet nous a écrit noir sur blanc que, pour comprendre l’objectif, en termes d’effectifs, de 80 000 à l’horizon 2030, il fallait tenir compte du recrutement de 15 000 volontaires supplémentaires du service national universel, dans le cadre de la montée en puissance de ce dispositif.
Toutefois, si je comprends bien vos propos, monsieur le ministre, vous vous engagez devant nous à ce que l’objectif de 80 000 réservistes en 2030 soit atteint sans prise en compte des volontaires du SNU ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Dans ce cas, l’avis de la commission est favorable sur l’amendement n° 240.
Mme le président. L’amendement n° 241, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
II. – Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il s’agit d’un amendement d’appel, car il n’est pas interdit au Gouvernement d’en déposer aussi !
Je ne comprends pas la trajectoire proposée par la commission concernant l’évolution des effectifs de la réserve opérationnelle militaire. Comment a-t-elle été calculée ? Sur quelle documentation et sur quels besoins en matière de ressources est-elle fondée ?
La trajectoire d’augmentation annuelle des effectifs des volontaires de la réserve proposée est linéaire. Or, il faut s’attendre à de nombreux aléas : il ne s’agit pas d’une politique salariale classique.
L’enrôlement dans la réserve est un engagement individuel. Il existe d’ailleurs une géographie de cet engagement. En outre, on note des différences selon qu’il s’agit des officiers et des sous-officiers ou des hommes du rang, de la marine nationale, de l’armée de terre ou de l’armée de l’air, des territoires d’outre-mer ou de l’Hexagone. J’ajoute que, si nous devions envisager les réserves uniquement sous l’angle purement militaire, il conviendrait de définir des priorités par unité plutôt que de fixer un chiffrage global. Ainsi, les besoins en réservistes sont très importants à la direction générale de l’armement et évidemment au service de santé des armées.
Je pose donc de nouveau la question : pourquoi la commission a-t-elle établi cette trajectoire ? Celle-ci ne me semble pas réaliste et surtout très éloignée des besoins militaires.
Pourquoi également avoir retenu une augmentation nette du nombre de volontaires de la réserve opérationnelle militaire de 25 000 ? Cela porterait ses effectifs à 65 000 volontaires en tout, alors que le projet initial fixait un objectif de 80 000 réservistes environ en 2030, puis 100 000 environ en 2035. Je dis « environ », car l’essentiel, dans le format d’armée, c’est le ratio entre le nombre de militaires d’active et le nombre de réservistes. Dès lors que notre armée comptera 200 000 soldats d’active, l’objectif est de disposer de 100 000 réservistes, pour un total de 300 000 militaires. Tel est l’esprit. Dès lors, peu importe que le nombre de réservistes s’élève à 95 000 ou à 105 000. J’y insiste, c’est le ratio qui compte.
En tout cas, la chronique proposée par la commission est plus faible que celle que le Gouvernement avait fixée. Je ne comprends pas pourquoi l’ambition est ainsi réduite. L’amendement du Gouvernement vise à rétablir la chronique initiale.
Si le Sénat souhaite néanmoins inscrire une chronique dans la loi, alors il convient que celle-ci soit indicative et non contraignante, car il ne s’agit pas d’une trajectoire capacitaire, définissant des matériels à acheter ni d’une trajectoire budgétaire, définissant des moyens disponibles. N’oublions pas la dimension fondamentalement humaine : toute démarche prescriptive serait détachée de la réalité de la vie de nos forces armées. On ne peut fixer en la matière que des objectifs « mous », bienveillants. À défaut, ils ne seraient pas compris.
Si le Sénat souhaite définir une chronique, je vous propose d’adopter celle qui suit, établie après avoir consulté l’état-major des armées : l’augmentation des effectifs de la réserve serait de 4 500 environ en 2024, de 9 000 en 2025, de 14 500 en 2026, de 22 000 en 2027, de 29 500 en 2028, de 36 000 en 2029 et de 40 000 en 2030.
M. Rachid Temal. Pourquoi ne pas l’avoir écrit dès le début ? Pourquoi ne pas déposer un amendement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je n’ai pas assisté aux réunions de la commission. Je ne sais pas quelle était l’intention de ses membres. Je peux évidemment proposer de rectifier mon amendement en signe de bonne volonté, mais il ne faudrait pas toutefois que l’on puisse reprocher aux états-majors, dans quelques années, de ne pas avoir atteint la cible, car celle-ci ne doit être qu’indicative.
Dans un même souci de transparence, j’ai aussi demandé aux états-majors de réfléchir à des objectifs par territoire. Quand le délégué militaire départemental de la Vendée – pour prendre un exemple au hasard – aura des objectifs à atteindre, il sera plus motivé pour les remplir.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Je vais vous expliquer, monsieur le ministre, comment la commission a procédé. Votre amendement tend à supprimer la trajectoire de hausses annuelles des effectifs de la réserve opérationnelle, qui a été introduite en commission. Il nous a semblé que les objectifs inscrits dans le projet de loi étaient trop flous, car il se bornait à fixer deux jalons, en 2030 et en 2035, soit respectivement sept et douze ans après le vote de la loi de programmation.
Nous avons alors demandé des précisions à vos services. Le texte de la commission reprend exactement les chiffres qu’ils nous ont donnés. Nous avons leur réponse écrite – il n’est pas fait mention d’ailleurs des 15 000 volontaires du SNU, même si l’on observe un rattrapage. Si les chiffres qui nous ont été transmis sont inexacts, alors cela pose un problème de méthodologie…
À moins que vous ne rectifiiez les chiffres, auquel cas notre commission pourrait revoir sa position, nous émettrons un avis défavorable sur cet amendement, car nous souhaitons préciser la montée en puissance des effectifs de la réserve opérationnelle.
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Les questionnaires ne remplaceront jamais le ministre !
La rédaction adoptée par la commission traduit une ambition réduite.
Je suis prêt à rectifier mon amendement pour introduire une chronique dans le texte, mais il conviendrait dans ce cas de suspendre la séance quelques instants, le temps de réaliser le tableau.
Mais mon engagement de ministre, consigné au Journal officiel, peut aussi suffire à éclairer le Parlement sur les objectifs du Gouvernement. Au fond, l’essentiel n’est pas de savoir si les objectifs seront atteints en 2030 ou en 2035 ; la vraie question est de savoir comment les réservistes seront répartis par armée, par service, voire par grade – il ne faudrait pas que l’augmentation du nombre de réservistes aboutisse à modifier le pyramidage des effectifs par grade. Il ne serait pas utile que la réserve soit constituée uniquement d’officiers. Une armée a aussi besoin de sous-officiers et d’hommes du rang. Une approche globale est nécessaire.
Je peux aussi, si vous le souhaitez, m’engager à ce que mes services remettent au Parlement un rapport sur la réserve opérationnelle, ou à venir présenter devant votre commission, lors d’une audition, la politique du Gouvernement en ce domaine. Je ne me dérobe pas, je souhaite faire preuve de transparence, car, pour atteindre les objectifs, nous devons avancer ensemble : il s’agit d’une affaire humaine et l’enjeu est de mobiliser la Nation pour inciter les gens à s’engager. Sur ce sujet, il ne suffit pas de prescrire des objectifs, il faut susciter la motivation.
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cambon, rapporteur. Nous sommes très fâchés de constater que votre cabinet nous a fourni des réponses qui diffèrent des vôtres ! C’est pourquoi je vous propose de trancher ce point en commission mixte paritaire. Nous aurons le temps d’y réfléchir d’ici là.
En attendant, je maintiens un avis défavorable sur l’amendement. J’entends vos explications, mais je vous invite à demander à votre cabinet de vérifier les informations qu’il nous donne ! Il est difficile pour nous de travailler dans ces conditions. Nous vous avons soumis un questionnaire de quatre-vingt-deux questions afin d’éclairer le Sénat. Si les réponses ne sont pas bonnes, c’est compliqué… (Mme Marie Mercier applaudit.)
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, pour explication de vote.
Mme Marie-Arlette Carlotti. L’évolution de la réserve opérationnelle constitue l’un des éléments forts de la politique que vous portez. Au-delà de l’affichage, il convient de définir des objectifs, fussent-ils « mous ». C’est ce que la commission a voulu faire. Notre objectif est non pas d’imposer un « carcan », mais de donner une vision.
Si vous aviez rectifié votre amendement en séance, le groupe SER l’aurait soutenu. Toutefois, et j’ai écouté le président Cambon, en l’état, il nous est difficile de le voter.
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. L’adoption de l’amendement du Gouvernement aurait pour effet de supprimer la chronique de l’évolution des effectifs de la réserve. Puisque nous travaillons en bonne intelligence, je le retire, ce qui permettra de conserver le tableau dans le texte, afin que ce dernier constitue un point d’accroche de la discussion en commission mixte paritaire. Je vous invite à le compléter, à le légender pour décrire la politique publique en matière de réserve, en détaillant les objectifs par grade, par service, etc. Il est important de préciser que la cible est indicative, et non prescriptive.
Mme le président. L’amendement n° 241 est retiré.
L’amendement n° 292, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le ministère adaptera la réalisation des cibles d’effectifs fixées par le présent article et sa politique salariale en fonction de la situation du marché du travail.
La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Cet amendement vise à rétablir une disposition qui a été supprimée lors de l’examen en commission. Pourtant, cette disposition offre une souplesse dans la gestion des ETP bien appréciable dans les relations entre le ministère des armées et Bercy. Elle est très utile aux états-majors. Au nom de mon ministère, je plaide fortement pour le retour à la rédaction initiale. Veillons à ne pas revenir à un cadre de gestion des ETP rigide.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Je vous suggère, monsieur le ministre, de convaincre d’abord le Conseil d’État ! Celui-ci a considéré, dans son avis du 30 mars 2023, que l’alinéa que nous avons supprimé était « obscur ». Sa portée normative apparaissait limitée. Les recrutements du ministère des armées ne doivent dépendre que de ses besoins opérationnels, exprimés par les armées. Il n’est pas souhaitable qu’ils dépendent de la situation du marché du travail.
La commission émet donc, à ce stade, un avis défavorable.
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Cet alinéa est peut-être « obscur » pour le Conseil d’État, mais il est bien utile pour les armées ! Ne m’avez-vous pas dit plusieurs fois, lors de mon audition, que vous souhaitiez « défendre » le ministère des armées ?
L’alinéa concerné comporte une mesure de souplesse qui aide les employeurs militaires. Il s’agit de permettre au ministère d’adapter sa politique salariale en fonction de la « situation sur le marché du travail », afin de lui permettre de lutter contre le dumping, dont je parlais tout à l’heure pour les métiers du cyber, d’aménager l’architecture des postes ou les systèmes de rémunération, etc. Je ne m’exprimerai pas dans Le Figaro la prochaine fois…
Il importe de ne pas créer une rigidité qui ne serait pas profitable aux armées françaises. Je le redis, avec la même chaleur et le même engagement que le président Retailleau tout à l’heure : l’adoption du texte de la commission en l’état priverait le ministère d’un bon outil pour les armées, même si je note que vous voulez faire plaisir au Conseil d’État… J’appelle donc le Sénat à voter cet amendement, non pas parce qu’il vient du Gouvernement, mais parce qu’il est bon pour les armées. Je ne peux pas dire mieux.
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, pour explication de vote.
Mme Marie-Arlette Carlotti. Voilà encore un amendement de souplesse, encore une rédaction souple ! Nous ne voulons pas faire plaisir au Conseil d’État, mais cet amendement est confus.
La commission a émis un avis défavorable parce qu’il laisse entendre que les recrutements se feraient non pas dans l’intérêt des armées, mais en fonction du marché du travail. Cette mesure va à l’encontre des objectifs de fidélisation ou d’attractivité, que vous avez mentionnés tout à l’heure et que nous défendons aussi.
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cambon, rapporteur. J’entends vos observations, monsieur le ministre. Je vous propose de revoir la rédaction de votre amendement d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire. Nous apprécierons alors si notre position peut évoluer.
En attendant, je maintiens notre avis défavorable.
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je maintiens cet amendement qui donne au ministère des armées de la souplesse dans ses négociations budgétaires annuelles avec Bercy pour s’adapter en fonction de l’évolution de la situation du marché du travail.
Le cadre est fixé par la programmation militaire. Mais des tensions peuvent apparaître ici ou là, dans certains bassins d’emplois ou surtout dans certains métiers. Dans ce cas, l’employeur militaire peut alors conserver ses ETP et les redistribuer en fonction des besoins. C’est le travail du major général des armées – la direction générale de l’armement et le service de santé des armées fonctionnent un peu différemment.
Le ministère dispose de cette souplesse dans ses échanges avec Bercy grâce à l’alinéa que vous souhaitez supprimer. Si cette disposition n’existait pas, cette faculté ne serait plus possible. J’y insiste, la suppression de cet alinéa ne constituerait vraiment pas une bonne nouvelle pour le ministère des armées ! J’ajoute que j’ai été autorisé à déposer cet amendement en interministériel.
Pour le bien du ministère des armées, je vous appelle donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à adopter cet amendement.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 6, modifié.
(L’article 6 est adopté.)
Article 7
La présente programmation fera l’objet d’une actualisation par la loi avant la fin de l’année 2026. Précédée d’une actualisation de la Revue nationale stratégique, cette actualisation permettra de vérifier l’adéquation entre les objectifs fixés dans la présente loi, les réalisations et les moyens alloués. Elle permettra également de consolider la trajectoire financière et l’évolution des effectifs en fonction des besoins mis à jour au regard de l’inflation, du contexte stratégique du moment et des avancées technologiques constatées.
Cette actualisation sera suivie de la mise en place d’une commission chargée de l’élaboration d’un Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale en vue de la prochaine loi de programmation militaire.
Mme le président. L’amendement n° 61 rectifié bis, présenté par MM. Bonneau et J.M. Arnaud, Mme Billon, MM. Levi, Kern, Détraigne et Chasseing, Mme Gatel, M. A. Marc, Mmes Ract-Madoux et Saint-Pé et MM. Le Nay et Belin, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Compléter cet alinéa par les mots :
tout en prenant en compte la vie et la dignité de la personne humaine
II. – Compléter cet article par six alinéas ainsi rédigés :
Afin de garantir le respect des vies et de la dignité humaine lors de la mise en œuvre de cette programmation, les points suivants doivent être pris en compte à l’occasion d’un rapport transmis par le Gouvernement au Parlement. Ce rapport comprendra :
- Une évaluation des impacts sur les vies humaines et la dignité humaine. Cette évaluation devra prendre en considération les conséquences directes et indirectes sur les individus et les communautés, en accordant une attention particulière aux populations vulnérables ;
- Une évaluation sur la protection des droits fondamentaux. Les mesures prises ne devront en aucun cas porter atteinte à la vie, à l’intégrité physique ou mentale, à la liberté et à la dignité des populations civiles ;
- Des mécanismes de surveillance et de contrôle. Ces mécanismes de surveillance et de contrôle devront être mis en place pour garantir que la mise en œuvre de la programmation respecte les vies et la dignité humaine.
Ce rapport est remis par le Gouvernement au Parlement dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi.
En cas de préjudices avérés causés aux vies ou à la dignité humaine dans le cadre de la mise en œuvre de la programmation, des mécanismes de réparation appropriés devront être mis en place. Les personnes affectées devront bénéficier d’un accès à des voies de recours efficaces et équitables, et des mesures correctives devront être prises pour rétablir leur dignité et compenser les préjudices subis.
La parole est à M. François Bonneau.
M. François Bonneau. Cet amendement a pour objet de garantir que la mise en œuvre de la programmation se fera dans le respect des vies et de la dignité humaine. Il vise à renforcer les principes éthiques et les droits fondamentaux qui doivent guider toutes les actions militaires entreprises dans le cadre de cette loi. En cas de préjudices avérés causés aux vies ou à la dignité humaine, des mécanismes de réparation appropriés devront être mis en place pour assurer une protection adéquate des personnes affectées.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Nous sommes évidemment très sensibles à la dimension éthique et au respect du droit international humanitaire. La France tient ces notions pour tout à fait fondamentales. Toutefois, cet amendement n’a pas sa place à l’article 7 puisque ce dernier concerne les conditions d’actualisation de la programmation militaire.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Monsieur Bonneau, l’amendement n° 61 rectifié bis est-il maintenu ?
M. François Bonneau. Non, je le retire.
Mme le président. L’amendement n° 61 rectifié bis est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 242, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Sébastien Lecornu, ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il s’agit là encore d’un amendement d’appel sur le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Je n’ai pas d’opposition de principe à la réalisation de Livres blancs, mais force est aussi de constater que les deux derniers ont été conçus pour donner une légitimité technique à une décision de réduction des crédits militaires. En tout cas, c’est ainsi qu’ils ont été perçus, d’un point de vue « rétinien », au sein du ministère. Il faut tenir compte de cette réalité.
Devons-nous réfléchir à une forme de comitologie à l’avenir qui permettrait de réfléchir tous ensemble ? La réponse est oui. Le sénateur Temal a ainsi ouvert le débat lors de son intervention dans la discussion générale.
Le président Cambon l’a dit : jamais une loi de programmation militaire n’a fait l’objet d’un tel travail de préparation. Le Gouvernement a tenu compte de toutes les contributions des parlementaires et des rapports des commissions, à la différence de ce qui s’était passé lors de la réalisation des derniers Livres blancs, car certains think tanks ou lobbies d’intérêt avaient su se faire davantage entendre que les parlementaires. (M. Rachid Temal acquiesce.)
Or, dans les démocraties représentatives, la loi fait l’objet d’une construction avec le Parlement. Celui-ci doit donc être écouté. C’est le cas en l’espèce : le nombre d’amendements déposés à l’Assemblée nationale ou au Sénat sur le projet de loi de programmation militaire le prouve. L’article 1er ainsi que votre intervention lors de la discussion générale, monsieur Temal, valent tous les Livres blancs : vous avez cité toutes les menaces, il ne manquait que l’Iran…
Je ne me battrai pas sur cet amendement, à la différence de ce que j’ai fait pour le précédent, dont le rejet constitue une mauvaise nouvelle pour le ministère des armées.
Il importe de définir un cadre de discussion. Nous devons nous appuyer sur les orientations politiques des parlementaires. Je préfère débattre avec le président Laurent ou avec la sénatrice Gréaume, qui expriment leurs convictions à la tribune sur le nucléaire ou sur l’Otan, même si je ne suis pas d’accord avec eux, que m’efforcer de capter l’appui de lobbies, qui ont intérêt à faire la promotion d’amendements ou à faire inscrire leurs préconisations dans un Livre blanc. Le dernier qui a été rédigé a révélé à cet égard de sérieuses limites et difficultés.
Je suis en tout cas favorable à ce que l’on continue à réfléchir à une méthodologie pour l’avenir. Il me semble que cette démarche participe à la construction de la loi.
Mme le président. L’amendement n° 76 rectifié, présenté par MM. Temal et Kanner, Mmes Carlotti, Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Roger, Todeschini, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
place
insérer les mots :
, avant le 30 juin 2028,
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. Cet amendement vise à renforcer le dispositif relatif à la mise en place d’une commission chargée de rédiger un Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Pour que cette mesure soit effective, il est proposé que la commission soit installée avant le 30 juin 2028. La LPM qui succédera à la LPM pour les années 2024 à 2030 devra en effet être votée au cours de l’année 2029.
Le rôle d’un Livre blanc est de définir une stratégie globale de défense et de sécurité. Son élaboration est également l’occasion de donner une certaine visibilité à l’ensemble des acteurs chargés de notre sécurité, de ceux qui produisent les matériels militaires à ceux qui les utilisent, c’est-à-dire les militaires, en passant par celles et ceux qui votent les budgets, c’est-à-dire les parlementaires.
Le document est, à nos yeux, aussi important, puisqu’il sert de référence pour définir des objectifs et une vision stratégique dont nous avons besoin, que l’exercice de concertation qui l’accompagne. Cette dernière a cruellement manqué dans le cas du texte que nous examinons…
Je ne souscris d’ailleurs pas à votre avis selon lequel le seul objectif d’un Livre blanc serait de réduire le budget. Nous sommes attachés à la concertation, au travail de réflexion approfondi et sérieux qui, sur un sujet aussi régalien que la défense nationale, demande un engagement de toutes et de tous. Il y va de notre sécurité et de la paix à laquelle nous aspirons. Le Sénat entend jouer pleinement son rôle dans l’exercice de concertation fourni par le Livre blanc.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. L’amendement n° 76 rectifié, déposé par nos collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est en quelque sorte le résultat de la frustration que nous avons ressentie durant la préparation de ce projet de loi de programmation militaire.
En effet, la revue stratégique qui nous a été communiquée a été rédigée avec une rapidité excessive, sans que le Parlement ait été véritablement associé à sa conception comme cela avait été le cas précédemment. Nous soutenons donc cette demande, relative à la préparation de la loi de programmation militaire qui succédera à ce texte-ci : cela aura lieu autour de 2028, on a encore le temps d’y réfléchir.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement, dans la perspective de la nécessaire constitution de la commission préparatoire au Livre blanc.
En revanche, l’avis de la commission sur l’amendement n° 242 du Gouvernement est défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 76 rectifié ?
Mme le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Ce débat sur le Livre blanc témoigne des problèmes que j’ai essayé de présenter dans ma défense de la motion tendant à opposer la question préalable : quelques débats que nous ayons sur le fond, le Parlement, dans son ensemble, éprouve une très grande frustration quant à la préparation stratégique de ce projet de loi de programmation militaire. Quoi qu’en disent les différents orateurs, ce manque de partage dans la conception de ce texte se fera toujours plus ressentir au fur et à mesure des évolutions, désormais extrêmement rapides, de la situation internationale et des enjeux de défense.
Le texte que nous examinons, tel qu’il a été amendé par la commission, renvoie encore ce travail très loin. C’est pourquoi je voterai en faveur de l’amendement de nos collègues socialistes, qui tend au moins à rapprocher la perspective des futurs travaux sur ce sujet.
En effet, le travail qui n’a pas été mené sur le présent texte est indispensable et le restera. Si on le repousse jusqu’à la fin de la période couverte par ce texte, il sera trop tard. Nous n’avons pas eu de débat sur l’actualisation de la LPM en vigueur ; nous avons raté la préparation de ce texte-ci. Prévoir d’en rediscuter dans sept ans seulement, c’est trop lent, au vu de la vitesse à laquelle les choses évoluent. Il faut des échéances plus rapides et plus sérieuses.
Dès lors, malgré la frustration que nous inspire la situation, je voterai, avec les autres membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste l’amendement n° 76 rectifié, car son adoption permettrait de faire advenir plus tôt ce travail, collectif et national, qui est absolument indispensable.
Mme le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. Monsieur le ministre, vous évoquez la question du Livre blanc en faisant référence au passé. Je pensais que, dans le nouveau monde, on ferait la même chose, ou mieux !
Il s’agit, comme vous l’avez reconnu, d’associer au travail l’ensemble des parlementaires. Mais je voudrais élargir encore un peu l’espace du débat : au-delà du Parlement, on peut se poser la question de l’association des Français à ce travail.
On le voit bien en Ukraine, quand la population se sent concernée par sa propre sécurité, elle peut être associée aux décisions. Pourtant, en France, le débat sur les questions de défense se tient assez peu au Parlement et encore moins avec les Français. Nous n’avons certes pas déposé d’amendement à cette fin, mais il faudrait peut-être, dans la prochaine phase, celle de la préparation d’une loi de programmation militaire qui viendrait succéder à ce texte-ci, réfléchir à une association plus large des Français à ce processus. Cela me semble essentiel : si l’on veut que la position de notre pays sur les questions de défense soit partagée par la population, autant que les Français y soient associés en amont.
Vous avez vous-même su, par le passé, organiser de grands débats. On pourrait imaginer différentes formules, mais, quoi qu’il en soit, nous serons encore confrontés à ce sujet après l’entrée en vigueur de ce texte.
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. On pourrait avoir deux débats différents sur ces deux sujets : le Livre blanc et l’association des Français.
Je suis absolument convaincu de la nécessité d’associer davantage la population à ce débat. Je dirais même plus : il faudrait davantage y associer les élites aussi. En effet, comme je l’ai suffisamment rappelé à cette tribune, quand on entend certains commentateurs placer la France dans la même position que l’Ukraine, prétendre que nous ne pourrions tenir qu’un front de 80 kilomètres pendant quinze jours, on constate que certaines élites parlent sur les plateaux de télévision sans avoir rien compris à notre modèle d’armée !
M. Rachid Temal. Sont-ce des élites ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. La question est posée !
À mes yeux, l’expression « Livre blanc » renvoie à deux exercices normés qui, dans leur pratique, n’associaient pas la population. En l’employant, vous n’échapperez pas au fait qu’une partie de notre écosystème politico-militaire se référera aux exercices du passé.
M. Rachid Temal. Livre kaki, alors ! (Sourires.)
M. Sébastien Lecornu, ministre. Cette possibilité d’avoir des débats avec la population me fait penser à la séquence dont je sors, à ce qui s’est passé autour de l’Ukraine, et au bon débat que nous avons eu dans cet hémicycle sur l’Afrique, avec les questions sur les raisons de la mort de nos militaires ou sur l’utilité de l’opération Barkhane.
À ce propos, madame Gréaume, j’ai presque bondi quand vous avez comparé le nombre de nos chars Leclerc et celui des chars russes. Nous ne sommes pas une armée d’agression ! Notre modèle est purement défensif. Et c’est précisément grâce à notre dissuasion nucléaire que nous n’avons pas les mêmes besoins que d’autres en matière d’armement conventionnel. De fait, si vous vouliez supprimer la dissuasion nucléaire, il faudrait aussi que vous déposiez en urgence des amendements visant à augmenter la cible à 1 000 chars, puisque, pour le coup, on devrait revenir à d’autres techniques de défense.
Les modèles sont ce qu’ils sont, monsieur Laurent, mais il est injuste d’affirmer que le travail n’a pas été fait. Il l’a été, même s’il a abouti à des conclusions que vous ne partagez pas !
M. Pierre Laurent. Il a été fait par peu de personnes !
M. Pierre Laurent. Ils ne doivent pas le faire seuls !
M. Sébastien Lecornu, ministre. … et il a été fait devant vous, devant votre commission. J’ai d’ailleurs répondu – avec un succès limité, je le reconnais – à davantage de questions sur les marges frictionnelles que sur le rôle de la France au sein de l’Otan, évoqué par M. Temal. En revanche, l’examen de ce texte par l’Assemblée nationale nous a permis d’avoir ce débat pendant deux semaines.
M. Pierre Laurent. Les militaires sont parfois moins réticents que les politiques…
Mme le président. M. le ministre a seul la parole, mon cher collègue !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Les militaires sont prêts à débattre, y compris de la dissuasion nucléaire. Mais qu’est-ce que l’examen par le Parlement d’un projet de loi de programmation militaire, sinon un débat sur la défense nationale ?
À ce propos, comme je l’ai déclaré dans un entretien accordé à un quotidien paru ce matin, j’aurais préféré en tant que citoyen que, lors des dernières élections législatives et de la constitution de l’alliance dite de la Nupes,…
M. Rachid Temal. Ici, cela n’existe pas !
M. Sébastien Lecornu, ministre. … soit clarifié le positionnement de ces quatre formations politiques sur ces questions.
Cela m’a compliqué la tâche, en tant que ministre chargé de défendre ce projet de loi, de me retrouver devant ces députés qui avaient chacun un avis différent…
M. Rachid Temal. Comme au groupe LR !
M. Sébastien Lecornu, ministre. … sur le porte-avions, la dissuasion, les coopérations européennes, ou encore l’Otan.
Le débat avec la Nation est important, et je souhaite que l’on parle davantage de défense nationale lors des élections législatives ou présidentielle.
La technique du Livre blanc telle qu’on l’a connue est sans doute, malheureusement, à réinventer. Peut-être, dans le cadre de la commission mixte paritaire, pourra-t-on imaginer une rédaction qui permette d’associer à la préparation de ces textes le Parlement, mais aussi les élus locaux, les correspondants défense dans les collectivités locales, ou encore, puisqu’on parle de dualité, les entreprises qui, même si elles n’appartiennent pas à la BITD, peuvent être sollicitées dans un schéma de résilience. En la matière, je conviens volontiers avec vous de l’importance d’inclure la Nation dans cette démarche. Mais j’estime qu’il faut le faire de manière imaginative, sans quoi on passera à côté de la cible.
Quoi qu’il en soit, l’analyse stratégique a été faite, une copie en est ressortie. Monsieur Temal, nous reviendrons sur les questions relatives à la France et à l’Otan, car les interpellations que vous nous avez adressées sont très importantes pour comprendre une partie de la structuration de cette copie.
Mme le président. L’amendement n° 234 rectifié, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Avant la fin de la présente loi, un débat parlementaire sur la dissuasion nucléaire est organisé. Il inclut l’audition des principales ONG spécialisées en la matière.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement a pour objet l’organisation d’un débat parlementaire sur la dissuasion nucléaire avant la fin de la période couverte par ce projet de loi de programmation militaire.
Il s’agit d’un amendement d’appel, dont l’objet fait écho aux propos que vient de tenir M. le ministre : moi aussi, j’estime nécessaire d’avoir une réflexion et un débat sur la défense, notamment sur la question de la dissuasion. On parle de celle-ci comme d’un fait accompli, mais je pense que l’on a besoin d’ouvrir largement le débat, de l’ouvrir à l’ensemble de nos concitoyens.
Vous avez affirmé, monsieur le ministre, que les écologistes étaient opposés à la dissuasion ; je ne crois pas avoir tenu de tels propos, a fortiori au cours de mon intervention dans la discussion générale. J’ai simplement rappelé que nous nous posions des questions à cet égard, et j’estime que nous avons raison de le faire.
La dissuasion, selon vos propres estimations, représente entre 13 % et 15 % des crédits prévus dans ce texte. On a aussi besoin de se projeter dans l’avenir, au vu de l’évolution du contexte géopolitique, mais aussi technologique. Cette réflexion est à l’évidence nécessaire.
Quand on parle de dissuasion, il n’est pas question uniquement de la dissuasion nucléaire ; d’autres types de dissuasion existent aussi.
Tous ces éléments doivent être intégrés dans la réflexion que l’on doit avoir. L’ouverture de ce débat, au Parlement, mais aussi avec l’ensemble de nos concitoyens, est nécessaire parce que la dissuasion n’est pas parfaitement comprise et intégrée, dans son fonctionnement et ses projections, par la population. Nous avons réellement besoin d’avoir ce débat !
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Je note avec intérêt que le groupe que préside M. Gontard n’est pas totalement hostile à la dissuasion, du moins grâce à la distinction subtile qu’il opère entre dissuasion nucléaire et dissuasion en général.
Pour notre part, quand nous parlons de dissuasion, nous savons à peu près à quoi nous pensons. Bien évidemment, la commission, ses membres et ses rapporteurs ne cessent de travailler sur cette question au travers de leurs auditions, et nous poursuivrons ce travail.
J’entends donc bien votre appel, mon cher collègue. En revanche, un point de votre amendement n’est pas acceptable : le débat parlementaire que vous proposez inclurait l’audition d’ONG dans notre hémicycle, en séance publique. Ce n’est pas souhaitable.
Dès lors, dans la mesure où votre appel a bien été entendu et où nous continuerons, au sein de la commission, à travailler sur ces sujets, je vous invite à retirer cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je suis absolument opposé, non pas à un tel débat, mais à la proposition de l’organiser plus tard ! Nous discutons d’un projet de loi de programmation militaire : c’est donc bien maintenant qu’il faut avoir ce débat. (M. Guillaume Gontard acquiesce.)
Je vois souvent débarquer la cavalerie : on reproche au Gouvernement une insuffisance de préparation, qu’il s’agisse de ce texte, de la revue nationale stratégique, ou de je ne sais quoi encore… Eh bien, nous sommes là ! Si vous avez des questions sur la dissuasion, monsieur Gontard, posez-les-moi ! Et s’il faut prendre toute cette semaine et la suivante encore pour avoir un débat sur ces questions, soit !
Je veux bien entendre la passion de votre assemblée pour les marges frictionnelles et les reports de charge, mais ce sujet-ci est central, comme je l’ai dit dans la discussion générale. Dès lors, si des parlementaires de différentes sensibilités politiques ont des questions à poser sur la dissuasion nucléaire, c’est dès maintenant qu’il convient de les poser, avant le vote de ce texte.
Je me suis prêté à l’exercice à l’Assemblée nationale ; vous le savez, vous avez suivi la nuit de débat que j’ai eu, essentiellement avec les députés écologistes et ceux de La France insoumise, sur le sujet de la dissuasion. Je n’ai pas voulu éluder les sujets en me contentant de répondre « Défavorable » à chacun de leurs amendements. Je leur ai dit : « Posez-moi toutes vos questions ! » et nous avons eu un débat de bonne tenue, de grande qualité, sur la dissuasion nucléaire. D’ailleurs, non que je veuille distribuer des bons et des mauvais points, je me suis permis de saluer le député Fabien Roussel, qui a pris du temps pour expliquer, de manière fort intéressante, la position historique du parti communiste sur cette question.
L’avis du Gouvernement sur cet amendement sera donc défavorable, monsieur Gontard, à moins que vous ne vouliez bien le retirer.
Si vous souhaitez poser des questions sur la dissuasion, faites-le dès à présent. Je ne voudrais pas m’entendre dire dans trois mois ou dans un an que l’examen de ce texte n’aura pas permis d’évoquer toutes les questions et qu’il aurait fallu faire un Livre blanc.
Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je remercie M. le ministre de m’autoriser à lui poser des questions… C’est en tout cas la preuve de l’intérêt de cet amendement. Oui, la question de la dissuasion est importante : on ne peut pas se contenter de la présenter comme un fait accompli.
Aujourd’hui nous disposons d’un système de dissuasion nucléaire. Je ne suis pas fou, je sais bien que nous n’allons pas l’arrêter du jour au lendemain. En revanche, il convient de réfléchir à sa nature, aux objectifs qu’on lui assigne et à l’orientation qu’on lui donne.
Faut-il toujours plus de dissuasion ? La France s’oriente-t-elle vers une dénucléarisation, en donnant l’exemple ou, en tout cas, en y réfléchissant avec l’ensemble de ses partenaires ? Voilà des questions qu’il convient de poser.
Un débat et une réflexion doivent donc se tenir sur ce sujet. Je vous ai déjà interrogé, monsieur le ministre, au sujet des 13 % à 15 % des crédits qui iraient à la dissuasion. Je vous demandais ce que cela comprenait – le simple remplacement d’armes, ou bien leur évolution – et si, dans ce dernier cas, cette évolution irait vers plus de puissance. Vous avez en réponse invoqué le secret-défense. Je veux bien, mais nous avons besoin de connaître ces orientations.
Ce débat ne me semble pas inutile ; il ne convient pas non plus de le prendre à la légère, en distribuant des bons et des mauvais points. Tout le monde se pose des questions, au sein de notre population, et a le droit de recevoir des réponses ; ce serait en tout cas une erreur que de ne pas y réfléchir.
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je vous rejoins dans la conclusion de votre propos, monsieur le sénateur : il faut avoir ce débat, car il y va aussi de l’acceptabilité par la société de la dissuasion nucléaire. Je m’adresse également, en disant cela, aux parlementaires les plus favorables à cette dissuasion. Dire « C’est ainsi que cela fonctionne, circulez, il n’y a rien à voir ! » n’est pas une bonne manière de défendre la dissuasion nucléaire.
C’est pourquoi j’encourage ce débat – je n’ai certes pas à vous autoriser à me poser des questions, c’est votre droit en tant que parlementaire –, parce que je ne veux pas que l’on passe à côté de cette discussion pour mieux se plaindre ensuite qu’elle n’ait pas eu lieu. Cela ne serait pas raisonnable, cela n’aurait pas de sens : si l’on n’en débat pas au Sénat, qui en débattra à notre place ?
Vous m’avez posé une question précise : 13 %, qu’est-ce que cela recouvre ? Elle amène de ma part plusieurs commentaires.
Tout d’abord, toutes les puissances nucléaires déclarées ne sont pas des démocraties. Il convient, par définition, de comparer les trois démocraties nucléaires déclarées : les États-Unis d’Amérique, le Royaume-Uni et la France, trois pays membres de l’Otan, même si la France ne participe pas à la planification nucléaire de cette organisation, ce qui est l’un des éléments clés de notre héritage gaullien.
Parmi ces trois démocraties nucléaires – sans parler de la Chine ou de la Russie –, quel pays a la doctrine la plus lisible et la plus publique ? Il se trouve que c’est la France. C’est une permanence depuis le général de Gaulle. J’aime l’histoire dans sa réalité ; j’ai donc apprécié que M. Temal rappelle également les engagements des présidents Mitterrand et Hollande, qui témoignent d’une grande constance française.
M. Jérôme Bascher. Et le président Chirac ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il n’était pas de gauche… (Exclamations amusées sur les travées du groupe SER.)
M. Rachid Temal. Cela dépend à quelle période… (Sourires.)
M. Sébastien Lecornu, ministre. Que Jacques Chirac se soit montré fidèle aux choix du général de Gaulle ne me semble pas surprenant ; je le dis sous le contrôle de celui parmi vous qui fut son secrétaire général, M. Philippe Bas.
Je veux souligner par là que les présidents Mitterrand et Hollande s’inscrivaient, eux aussi, dans cette continuité, comme l’a rappelé M. Temal.
Or que dit cette doctrine ? Elle affirme que la dissuasion, par définition, sert à défendre nos intérêts vitaux contre une menace venant d’un État. Cela crée une voûte et permet d’en pointer les éléments de contournement potentiel – je l’ai indiqué lors de la discussion générale. Cette doctrine est aussi strictement défensive et suffisante.
Si votre question sous-jacente porte sur une éventuelle remise en cause, du fait de ces 13 %, du caractère défensif et suffisant de notre dissuasion nucléaire, la réponse est non ! Il s’agit de crédits de renouvellement.
Ce renouvellement devra s’opérer dans des conditions opérationnelles qui changent. Les différentes menaces de l’adversaire nous obligent à faire attention à certaines choses. Je donnerai ainsi l’exemple, plein de bon sens et disponible dans des sources ouvertes, de l’acoustique des sous-marins. Les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de troisième génération auront évidemment une signature acoustique plus discrète que ceux de la deuxième génération. Or, par définition, un tel saut technologique coûte de l’argent. D’autres exemples pourraient être donnés sur d’autres types d’armement.
Je ne m’étendrai pas davantage sur ces questions, mais je voudrais redire que le secret-défense, s’il existe, ne doit pas servir à évacuer le débat sur le fond. Nous avons eu notamment une bonne discussion avec les représentants du parti communiste français à l’Assemblée nationale au sujet du traité sur l’interdiction des armes nucléaires (Tian) et du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).
La France est engagée dans la non-prolifération. Ce n’est pas tout à fait la même chose que la logique d’interdiction, que nous combattons parce que l’interdiction est un désarmement censé être multilatéral, mais qui, de fait, est toujours unilatéral. Nous nous sommes affrontés sur cette question, mais Fabien Roussel a eu des propos intéressants, par lesquels il défendait une approche échelonnée.
En tout cas, il s’agit d’un débat clé. On peut toujours le renvoyer aux calendes grecques, ou à un débat spécifique, mais il vaut bien mieux l’avoir maintenant, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi de programmation militaire.
Il s’agit vraiment du cœur de ce texte, et ce débat permet aussi de voir ce que la dissuasion ne couvre pas. C’est pourquoi je me montre parfois un peu dur et engagé en évoquant les nouvelles menaces : par définition, les vulnérabilités d’une puissance dotée de l’arme nucléaire se trouvent dans des espaces beaucoup plus hybrides, sournois et pernicieux ; on ne les affronte pas de face, mais sur les côtés. Cela nous renvoie évidemment aux questions du cyber et du spatial que j’évoquais précédemment.
Mme le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Il s’agit en effet d’un débat très important, auquel nous reviendrons à l’occasion de l’examen d’autres amendements, plusieurs ayant été déposés par notre groupe. On pourra alors aborder d’autres aspects du sujet, tels que la non-prolifération et le Tian.
Le présent échange a le mérite de nous permettre de convenir de la nécessité d’un débat avec la Nation sur ces questions très importantes, comme la situation internationale nous y invite.
Vous le dites vous-même, monsieur le ministre, d’une certaine manière. Je vous mets d’ailleurs au défi de vous en tenir à la première réponse que vous nous avez faite, en vous abritant derrière le secret-défense, si vous vous trouviez devant une salle de cinq cents Français vous interrogeant sur ce sujet : vous seriez obligé d’entrer plus dans le détail ! Je ne vois pas pourquoi nous, parlementaires, devrions nous contenter d’une réponse se limitant à l’invocation du secret-défense, alors que nous débattons de ces questions avec beaucoup de nos concitoyens.
Par ailleurs, les composantes de la dissuasion française ont connu des évolutions significatives depuis ses débuts. Son format n’a pas toujours été le même ; il a évolué.
M. Rachid Temal. Bien sûr !
M. Pierre Laurent. Nous pouvons donc nous poser des questions sur le format de la dissuasion, en tout cas avoir des débats sur ces questions, sans être assimilés à des irresponsables. Ces évolutions ont pris place sous la direction de gouvernements que, j’imagine, vous souteniez ardemment. Les questions que nous voulons vous poser sont donc sérieuses.
Au-delà de la dissuasion et de ses composantes, on pourrait avoir des débats qui, bien qu’annexes, lui sont liés, comme celui relatif au porte-avions.
Plus on avance dans les discussions sur le porte-avions, plus l’argument de la continuité de la filière nucléaire devient majeur…
Mme le président. La parole est à M. le ministre, pour une courte réponse. (Sourires.)
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je veux bien faire court, madame la présidente, mais on fait trop souvent au Gouvernement le reproche d’un manque de débat et d’explications ; on prétend que la réflexion stratégique précédant la présentation de ce texte aurait été bâclée… C’est pourquoi, s’il le faut, je serai présent jusqu’au bout dans cet hémicycle pour défendre ce texte. Si je fais ces remarques, c’est pour essayer de présenter de manière cohérente ce que j’ai pu entendre depuis six mois sur la manière dont ce projet de loi a été élaboré.
Monsieur Laurent, le secret-défense est assez simple : il y a des choses qui sont classifiées et d’autres qui ne le sont pas. Vous pouvez me poser toutes les questions que vous voudrez ; c’est à moi de faire le tri entre ce que la loi votée par le Parlement m’autorise à dire – ce qui est classifié ou non n’est pas à ma discrétion, tout cela a une base légale – et ce que je n’ai pas le droit de dire. D’ailleurs, objectivement, on peut tout de même dire beaucoup de choses !
Au-delà, et j’en prends l’engagement devant le président de votre commission, une audition devant celle-ci qui ne serait pas retransmise me permettrait, non pas de dévoiler des secrets défense, mais d’être encore plus à l’aise pour évoquer un certain nombre de situations ou de cas pratiques sur lesquels, pour le dire très clairement, je n’ai pas forcément envie de susciter une réaction de telle ou telle ambassade de l’un de nos partenaires.
Oui, le format de la dissuasion a évolué dans le temps. Il en est ainsi de l’apparition, puis de la disparition, de ce que l’on a appelé abusivement le nucléaire tactique – je veux parler du missile Pluton employé par l’armée de terre. Je pense aussi à la fermeture du site du plateau d’Albion, dans les années 1990 ; cette décision a été prise à la suite de la dissolution du pacte de Varsovie, comme d’ailleurs la professionnalisation des armées, en particulier de l’armée de terre.
En revanche, le présent projet de loi de programmation militaire ne comprend pas de modification en tant que telle du format de la dissuasion, qui comprend toujours une composante aérienne – les forces aériennes stratégiques (FAS) –, une composante maritime – la force océanique stratégique (Fost), avec des modifications de matériel, mais une cible inchangée de quatre SNLE – et une demi-composante, comme on le dit de manière assez peu élégante : la force aéronavale nucléaire (Fanu), qui peut être embarquée sur le porte-avions.
Il n’y a donc pas de modification de la doctrine en tant que telle. Celle-ci a été réaffirmée par le Président de la République dans son discours à l’École de guerre. C’est un peu une tradition : au cours de chaque mandat, le chef de l’État, quel qu’il soit, précise ses conceptions en la matière. Simplement, au regard des circonstances, le Président a été amené à évoquer ce sujet plus longuement qu’à l’accoutumée.
Il convenait aussi de répondre aux questions que nous avons évoquées voilà un instant sur la nécessaire compréhension de cette politique par la population. On se rappelle sa phrase : « Les intérêts vitaux de la France ont une dimension européenne. » C’est le cas depuis quinze ans, et c’est affiché très clairement dans la doctrine française – nous l’avons répété à de nombreuses reprises ces derniers temps – ; je réponds ainsi aux interrogations de M. Temal.
Beaucoup de sujets relatifs à la dissuasion sont tout à fait en sources ouvertes ; ils sont enseignés à l’École de guerre, au Centre des hautes études militaires (Chem), ou encore à l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), où plusieurs parlementaires ont été auditeurs…
M. Loïc Hervé. Très bonne école !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Vous avez raison, monsieur le sénateur ! Il n’y a en tout cas pas de raison que l’on en dise moins dans cet hémicycle. C’est pourquoi je veux redire ma disponibilité pour en débattre ici et maintenant : je ne veux pas que cela soit renvoyé à plus tard, auquel cas je sais d’expérience que l’on regrettera ensuite de ne pas avoir eu ce débat dès à présent.
Mme le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II du titre Ier, à l’article 8.
Chapitre II
Dispositions relatives au contrôle parlementaire de l’exécution de la loi de programmation
Article 8
Avant le 1er octobre 2023, le Gouvernement remet aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat un bilan de l’exécution de la loi de programmation militaire pour la période 2019-2023.
Avant le 30 avril de chaque année, le Gouvernement remet aux commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense et des finances un rapport sur le bilan de l’exécution de la programmation militaire. Ce rapport comprend :
1° Un bilan détaillé de l’ensemble des ressources mentionnées à l’article 3 de la présente loi effectivement perçues et de l’exécution des crédits programmés pour la mission « Défense ». Ce bilan d’exécution présente un taux défini par le ratio suivant :
a) Au numérateur, l’effort national de défense, calculé à partir des crédits de la mission « Défense » exécutés et retracés dans la loi de règlement des comptes de l’année écoulée ;
b) Au dénominateur, le produit intérieur brut de l’année écoulée ;
1° bis (nouveau) Un bilan détaillé de l’impact de l’inflation sur les crédits de la mission « Défense » pour l’année écoulée et, le cas échéant, de l’application de l’article 5 de la présente loi ;
2° Un bilan de la mise en œuvre de la politique d’équipement des forces. Ce bilan recense les commandes passées et les livraisons reçues depuis la présentation du précédent bilan :
a) Au titre des programmes à effet majeur dont le coût est supérieur à 70 millions d’euros ;
b) Au titre des autres opérations d’armement dont le coût est supérieur à 20 millions d’euros ;
c) Au titre des programmes d’infrastructures dont le coût est supérieur à 15 millions d’euros ;
3° Un état prévisionnel des livraisons prévues dans l’année en cours au titre des opérations et des programmes mentionnés au 2° ;
3° bis (nouveau) Une mise à jour du tableau intitulé « Équipement des forces » figurant dans le rapport annexé à la présente loi. Cette mise à jour présente les parcs d’équipement par segment capacitaire à la fin de l’année écoulée et les modifications anticipées par rapport aux objectifs fixés pour ces parcs à fin 2030 et à horizon 2035 ;
3° ter (nouveau) Un bilan de la préparation et de l’exécution des opérations d’armement dont le coût est supérieur à 70 millions d’euros, fournissant le cas échéant des éléments d’explication des évolutions de leur calendrier de commandes et de livraisons ou du nombre de matériels concernés ;
3° quater (nouveau) Une présentation synthétique des investissements en équipements d’accompagnement et de cohérence réalisés au cours de l’année écoulée ainsi que des prévisions d’investissement dans ces mêmes équipements pour l’année suivante ;
4° Un bilan relatif à la mise en œuvre des objectifs concernant les effectifs et les réserves. Ce bilan recense les actions de l’ensemble des administrations de l’État pour soutenir l’engagement dans les réserves de leurs agents. Il devra notamment rendre compte du développement de l’attractivité de la réserve pour les salariés et les étudiants, et dresser un état d’avancement des conventions de partenariat signées entre les entreprises et le ministère de la défense, ainsi que des conventions de partenariat signées entre les établissements d’enseignement supérieur et le ministère de la défense ;
4° bis (nouveau) Un bilan des actions conduites en matière de sécurisation des approvisionnements et de constitution de stocks de munitions ;
5° Un bilan des grandes orientations de la politique industrielle de défense ainsi que des coopérations européennes en la matière ;
6° Un bilan des actions liées aux partenariats et aux alliances stratégiques ;
7° Un bilan des actions du ministère de la défense en matière environnementale.
Ce rapport fait l’objet d’une présentation au Parlement par le ministre de la défense et d’un débat au sein des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense.
Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Jourda, sur l’article. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Gisèle Jourda. Nous avons fait adopter en commission, à l’alinéa 15 de l’article 8, des amendements tendant à préciser le bilan annuel relatif à la mise en œuvre des objectifs concernant les réserves.
Ce bilan devra désormais rendre compte du développement de l’attractivité de la réserve pour les salariés et les étudiants et dresser un état d’avancement des conventions de partenariats signés entre le ministère de la défense et les entreprises, d’une part, et les établissements d’enseignement supérieur, d’autre part,
En janvier 2020, près de 850 employeurs privés ou publics ont signé une convention de soutien à la politique de réserve militaire. La France comptant plus de 3 millions d’entreprises, la marge de manœuvre paraît réelle.
En vérité, le changement à impulser dans ce domaine semble avant tout une affaire de mentalité, et le travail à mener est celui d’une sensibilisation accrue aux enjeux de la réserve militaire. Il importe de faire comprendre aux employeurs que l’activité d’un salarié au sein de la réserve opérationnelle ouvre un processus triplement gagnant : pour les armées, pour le réserviste, mais aussi pour eux-mêmes.
En effet, les qualités, compétences, savoir-faire et acquis que les salariés enrichissent en étant réservistes peuvent directement profiter à l’entreprise. Cette valeur immatérielle des réservistes mérite d’être mieux reconnue.
De plus, nous avons préconisé de rendre la réserve plus attractive pour les étudiants en sensibilisant les chefs d’établissement à la dimension formatrice et au potentiel d’intégration professionnelle que comporte pour un étudiant sa participation à la réserve.
Monsieur le ministre, à l’heure actuelle, combien d’établissements ont signé une telle convention ? Nous sommes nombreux dans cet hémicycle à souhaiter une intensification des démarches visant à étendre ces partenariats entre le monde de la défense et celui de l’entreprise.
Mme la présidente. L’amendement n° 70, présenté par MM. Temal et Kanner, Mmes Carlotti, Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Roger, Todeschini, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Ce bilan intègre une comptabilité analytique des éléments demandés.
La parole est à M. Rachid Temal.
M. Rachid Temal. Il s’agit d’un amendement d’appel, que je pourrais immatriculer « 83 » ou nommer « amendement porte-avions ».
Pour remplir nos missions, nous devons disposer d’un certain degré d’informations et de connaissances. Comme nous l’avons relevé lors de nos débats en commission sur cette LPM, nous avons du mal à connaître les coûts réels de certains équipements, par exemple le porte-avions Charles de Gaulle.
Il serait normal que la représentation nationale dispose de données précises.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. L’objectif de cet amendement d’appel est tout à fait raisonnable et le rôle du Sénat est bien évidemment – nous l’avons rappelé à plusieurs reprises cet après-midi – de s’informer et d’obtenir les informations sur les coûts complets des programmes.
Pour cela, nous pouvons utiliser les pouvoirs propres de notre commission permanente, notamment les auditions et les investigations sur pièces et sur place. En l’occurrence, il est normal que, sur un équipement aussi important que le futur porte-avions, nous disposions d’une estimation du coût. Le fait de ne pas avoir obtenu de réponse concrète sur ce sujet a créé un certain émoi au sein de la commission…
L’appel a été entendu : la commission, qui demande à M. le ministre de lui transmettre tous les éléments susceptibles de satisfaire la curiosité de Rachid Temal, souhaite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il y a déjà beaucoup d’éléments dans les projets annuels de performances (PAP) et les rapports annuels de performance (RAP).
J’ai été frappé, lors de la discussion budgétaire de l’automne dernier, de constater que les réponses à bon nombre de questions que m’adressaient les parlementaires – au Sénat comme à l’Assemblée nationale – figuraient dans les documents dont la publication est rendue obligatoire par la loi organique relative aux lois de finances (Lolf).
Comme je l’ai indiqué aux présidents des commissions de la défense des deux assemblées, Christian Cambon et Thomas Gassilloud, cela vaudrait la peine qu’ils spécifient les informations dont ils ont vraiment besoin. En effet, le champ des lois de programmation militaire est infini et celui de la documentation l’est tout autant.
Certains sujets spécifiques méritent des précisions. C’est pourquoi je me suis engagé auprès de Guillaume Gontard à lui en fournir sur la question des carburants. Il faut, de même, une réponse adéquate sur la prolongation du porte-avions Charles de Gaulle – nous y reviendrons – ; à cet effet, nous pourrons proposer un sous-amendement.
La publication d’un rapport annuel sur l’exécution de la LPM, comme vous l’avez décidé en commission, est un bon moyen de sérier les questions que vous souhaitez adresser à l’exécutif ou, le cas échéant, aux états-majors.
Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions. Nous serons plus transparents sur la disponibilité du matériel ; c’est une avancée. Toutefois, d’autres sujets sont classifiés, ce que chacun peut le comprendre.
Par ailleurs, je tenterai d’innover lors de la discussion budgétaire. Plutôt qu’un rapport, qui peut faire peur à Balard et aux états-majors, une note flash toute simple ou un bon tableau, comme l’a dit Christian Cambon, pourrait suffire.
M. Christian Cambon, rapporteur. Bien sûr !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Par ailleurs, une réflexion collective pourrait aboutir à un consensus entre les groupes pour faire évoluer la forme des documents fournis – certaines équipes en produisent beaucoup. On peut trouver un modus vivendi efficace, sur le fond comme sur la forme : il s’agit d’un bon débat pour l’avenir.
Il faut distinguer les sujets « lolfiques » et ceux qui sont propres au ministère des armées et à la programmation militaire. J’ai remarqué que, au Sénat et à l’Assemblée nationale, les parlementaires ne s’intéressaient pas à la même chose, ce qui implique deux exercices différents. Voilà ce qu’il faut essayer de cadrer.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Temal, l’amendement n° 70 est-il maintenu ?
M. Rachid Temal. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 70 est retiré.
L’amendement n° 150, présenté par M. P. Laurent, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 19
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Un bilan d’exécution des opérations extérieures conduites par le ministère des armées qui sera débattu par le Parlement suivi d’un vote ;
…° Le bilan de l’exécution de l’année passée de la programmation militaire pour la protection de la souveraineté des territoires ultramarins ;
…° Notamment l’évolution des opérations de dépollution relatives aux déchets nucléaires français, en particulier ceux présents dans les lagons de Fangataufa, Hao, Moruroa et Tureia.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. L’article 8 prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport annuel sur le bilan d’exécution de la LPM aux commissions permanentes des deux chambres.
Nombre de nos collègues, dans tous les groupes, partagent l’exigence d’une information la plus complète possible du Parlement. C’est une condition indispensable pour nous permettre de faire notre travail, à savoir contrôler l’action du Gouvernement.
Trop souvent, nous recevons des données au compte-gouttes, de manière partielle. J’ajoute que, lorsque nous demandons des précisions, on nous oppose de plus en plus souvent le secret-défense.
Aussi, afin de préciser encore les attendus du rapport, nous proposons d’y inclure un bilan d’exécution des opérations extérieures, suivi d’un vote ; un bilan spécifique sur la protection de la souveraineté des territoires ultramarins ; enfin, un bilan des opérations de dépollution relatives aux déchets nucléaires en Polynésie française.
En effet, il nous semble important de permettre le débat parlementaire sur les Opex, dont le nombre et le coût ont fortement augmenté, ainsi que sur les enjeux relatifs aux territoires ultramarins, où beaucoup d’attentes s’expriment, y compris à l’occasion de l’élaboration de cette LPM.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Il n’est pas utile de multiplier les sujets sans lien direct et immédiat avec l’exécution de la loi de programmation militaire.
Sur les trois points abordés dans cet amendement, je rappelle tout d’abord que les conditions du contrôle parlementaire des Opex sont fixées par l’article 35 de la Constitution et que rien ne nous empêche – nous l’avons fait récemment – d’organiser des débats. Celui sur la politique étrangère de la France en Afrique comportait un volet très important sur ce sujet.
De la même manière, le bilan d’exécution de la LPM nous permettra de suivre le déroulement des programmes et le renforcement des moyens basés dans les outre-mer.
Enfin, les conséquences des essais nucléaires français dans le Pacifique constituent une question importante, dont nous ne négligeons pas l’impact et qui nous préoccupe. Pour autant, la disposition que vous proposez n’a pas sa place à l’article 8.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. En ce qui concerne les Opex, madame la sénatrice, votre demande est déjà couverte par les dispositions de l’article 4, en plus des auditions des différents chefs d’état-major et de votre serviteur que vous menez.
Ensuite, l’article 8 permet, objectivement, de couvrir la question de la souveraineté des territoires ultramarins. Si vous le jugez nécessaire, je ne suis pas opposé à prendre un engagement supplémentaire sur des points précis – il n’y a pas de secret-défense en la matière.
Enfin, je me suis engagé auprès des députés de Polynésie française à ce que le volet relatif aux dépollutions nucléaires soit intégré aux bilans environnementaux prévus à l’article 8. Nous avons eu un échange fructueux sur cet aspect avec ces députés, qui siègent au groupe de la Gauche démocrate et républicaine à l’Assemblée nationale. (M. Rachid Temal acquiesce.) À mon sens, ce point est satisfait par d’autres articles du présent texte.
Je demande donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Madame Gréaume, l’amendement n° 150 est-il maintenu ?
Mme Michelle Gréaume. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 150 est retiré.
Je mets aux voix l’article 8.
(L’article 8 est adopté.)
Article 9
Avant le 30 juin de chaque année, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport sur les enjeux et les principales évolutions de la programmation budgétaire de la mission « Défense ». Il adresse alors aussi aux présidents des commissions permanentes en charge de la défense l’ajustement annuel du référentiel physico-financier de la programmation militaire.
Avant le 15 juillet de chaque année, le ministre de la défense présente aux commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense une mise à jour de la programmation militaire.
Cette présentation donne lieu à un débat dans les commissions mentionnées au deuxième alinéa afin de vérifier l’adéquation entre les objectifs fixés dans la présente loi, les réalisations et les moyens alloués, considérant les évolutions des contextes géopolitique et macroéconomique, avant l’examen du projet de loi de finances de l’année.
Mme la présidente. L’amendement n° 243, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1, seconde phrase
Remplacer les mots :
du référentiel physico-financier de la programmation militaire
par les mots :
des chroniques de commandes et livraisons des principaux matériels
La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il s’agit d’un amendement purement rédactionnel : le « référentiel physico-financier de la programmation militaire », on y met ce que l’on veut ! L’intention du législateur était plutôt, me semble-t-il, que soit communiqué au Parlement l’ajustement des commandes et livraisons des principaux matériels.
Si l’expression « référentiel physico-financier de la programmation militaire » demeure, ce ne sera pas un drame, mais elle est tellement floue que le prochain gouvernement pourra y mettre ce qu’il souhaitera.
Cet amendement permet d’être plus sévère que ce qu’avait imaginé le Parlement…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Le Parlement est bien sûr informé des commandes et des livraisons au travers des lois de finances, d’une part, et au titre du bilan annuel prévu à l’article 8 du projet de loi, d’autre part.
Il y a toutefois un problème que nous avons évoqué à maintes reprises en commission : les flux de commandes et de livraisons des principaux matériels ne permettent pas de disposer d’une vision globale de l’exécution de la programmation militaire sur un plan pluriannuel.
Nous avions eu ce débat lors de l’examen de la précédente LPM à propos de la variation actualisée du référentiel (VAR), une notion que nous avions introduite et votée. Puis, faisant preuve de largesse d’esprit, nous l’avions supprimée en commission mixte paritaire. Pour autant, comme l’ont dit l’ensemble des groupes et les rapporteurs, nous tenons à réaliser un travail précis sur l’état des commandes et des livraisons des principaux matériels.
Plutôt que de disposer d’informations éparses, que nous avons parfois du mal à assembler, nous souhaitons que l’ajustement annuel de la programmation militaire (A2PM) nous offre une vision d’ensemble, par exemple sous la forme d’un tableau vérifié et précis. Il me semble que tous les groupes souhaitent disposer d’un tel document de contrôle.
Le Parlement est dans son rôle lorsqu’il contrôle l’exécution de la loi de programmation. Des milliards d’euros étant en jeu, il est important d’avoir à cet égard une vision précise, année après année.
La commission est donc défavorable à cet amendement visant à supprimer la communication de l’A2PM.
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Perrin, pour explication de vote.
M. Cédric Perrin. Monsieur le ministre, je suis en tout point d’accord avec Christian Cambon.
Lorsque, en 2018, nous avons demandé la variation actualisée du référentiel, cela a fait beaucoup de bruit et le cabinet du ministre a finalement décidé d’en changer le nom, afin que l’on ne puisse pas en obtenir la communication.
Pour accomplir notre travail de parlementaires, nous devons pouvoir compter sur l’A2PM. On nous explique dans plusieurs notes que l’on n’y comprendrait rien, car c’est trop compliqué, mais c’est à nous d’en juger ! Nous avons d’excellents élus et collaborateurs qui sont tout à fait capables de l’étudier.
En parfaite harmonie avec le président de la commission, je suis favorable à ce que l’on nous communique ce document important que nous réclamons depuis 2017, mais que, du fait d’un miraculeux changement de nom, on continue de nous refuser.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 68 rectifié est présenté par MM. Temal, Féraud et Kanner, Mmes Carlotti, Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Roger, Todeschini, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 193 rectifié ter est présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat sont informées de manière exhaustive, chaque année au moment de la loi de finances, des modalités du financement de l’effort national de soutien à l’Ukraine, ainsi que des cessions de tous les matériels et les équipements nécessitant un recomplètement et des aides à l’acquisition de matériels ou de prestations de défense et de sécurité.
La parole est à M. Rachid Temal, pour présenter l’amendement n° 68 rectifié.
M. Rachid Temal. Par cet amendement, nous avons le souci de réaffirmer notre soutien à l’Ukraine. Pour en assurer le suivi, nous souhaitons que les commissions compétentes soient destinataires chaque année, au moment de l’examen du projet de loi de finances, d’un document détaillant les modalités de financement de notre effort de soutien et le matériel transmis.
Il s’agit bien sûr d’une marque de soutien au peuple ukrainien, qui se bat pour sa liberté. Nous souhaitons, en tant que parlementaires, être informés de la réalité de notre effort financier et matériel et de ses répercussions sur nos propres forces armées.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 193 rectifié ter.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement a déjà été déposé à l’Assemblée nationale.
Depuis le début de la guerre, la France se fait un honneur de soutenir son allié ukrainien face à l’agression de son voisin russe. Si les prévisions sur l’issue du conflit sont incertaines, mieux vaut prévoir le pire, c’est-à-dire l’inscription de ce conflit dans le temps long.
Dans cette perspective, l’effort national est donc amené, hélas ! à se prolonger dans le temps, avec un financement adéquat. Aussi, il est essentiel que le Gouvernement soit transparent sur le détail du soutien financier et militaire accordé à l’Ukraine, pour que le Parlement puisse faire son travail de contrôle et juger du caractère suffisant de ce soutien.
Pour ne pas nuire à l’efficacité de notre soutien en divulguant trop d’informations, cet amendement tend à circonscrire aux commissions compétentes des deux assemblées la transmission de ces informations.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires souhaite que le Parlement soit pleinement informé des détails de ce financement, afin qu’il puisse exercer sa fonction d’examen et de supervision de manière rigoureuse. Depuis le début du conflit et malgré de fréquentes consultations via des débats au titre de l’article 50-1 de la Constitution, il est trop tributaire des informations que le Gouvernement veut bien lui communiquer pour pouvoir se prononcer sur la poursuite de l’effort national.
Associer le Parlement et obtenir son soutien éclairé, c’est également consolider l’acceptation globale de notre soutien au peuple ukrainien. Nous le savons, l’issue de la guerre réside, pour une large part, dans la capacité des pays occidentaux à maintenir leur soutien dans le temps long et au-delà des alternances démocratiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur ces amendements identiques, qui visent à renforcer la transparence sur les modalités de notre aide à l’Ukraine et les conséquences pour nos forces armées.
Je rappelle que ces aides – le Gouvernement s’y est engagé – ne doivent être imputées ni aux ressources budgétaires ni aux ressources extrabudgétaires de nos forces armées.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Le diable se nichant dans les détails, je suis prêt à émettre un avis favorable sur ces deux amendements à la condition que l’expression « de manière exhaustive » soit supprimée.
En effet, exhaustif signifie en intégralité. Or il n’est pas question de donner le signalement stratégique à la Fédération de Russie… Nous sommes disposés à partager des éléments avec le Parlement, mais ne pouvons en expliciter le périmètre exact.
Sur le fond, nous n’avons rien à cacher. Vous le constatez en commission : je réponds souvent à l’ensemble des questions qui me sont posées.
De plus, nous avons trié les dépenses liées à l’Ukraine en trois catégories : premièrement, les dépenses ou les dons ne faisant pas l’objet d’un recomplètement, par exemple les canons TRF1 ; deuxièmement, 1,2 milliard d’euros sur le format des armées, par exemple les missiles Crotale ou les blindés AMX-10 RC ; troisièmement, le parc neuf hors LPM, par exemple les canons Caesar. Cela permet de comprendre notre logique.
Par ailleurs, comme je l’ai indiqué aux présidents de groupes et de commissions, la prudence de l’exécutif sur la soutenabilité de la LPM dans les années qui viennent s’explique par une évidence, que nous devons assumer devant la Nation : ce soutien à l’Ukraine, vous l’avez dit tous les deux, messieurs les sénateurs, pèsera sur nos finances publiques. Nous l’assumons et il ne faut pas mentir à nos concitoyens.
Nous avons fait en sorte que cet effort ne pèse pas sur le format des armées, et donc sur la LPM. Il est toutefois évident que c’est avec l’argent du contribuable que nous le fournirons.
Je propose donc de supprimer l’expression « de manière exhaustive », car cela permet de garder une part de secret et de discrétion sur certains aspects.
Que les présidents de commission soient informés du contenu – hélas, dans la durée – de l’aide à l’Ukraine, cela va dans le bon sens et incitera toutes les sensibilités politiques à prendre leurs responsabilités. Cela peut sembler gratuit de le dire dans cet hémicycle ; ça l’est moins à l’Assemblée nationale, où siège une certaine formation politique – chacun aura compris à qui je fais référence.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur ces amendements identiques, sous réserve de rectification.
Mme la présidente. Messieurs Temal et Gontard, acceptez-vous de rectifier vos amendements dans le sens proposé par M. le ministre ?
M. Rachid Temal. Oui, madame la présidente.
M. Guillaume Gontard. J’en conviens également.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette demande de rectification ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Je suis favorable à cette rectification utile.
Mme la présidente. Je suis donc saisie de deux amendements identiques nos 68 rectifié bis et 193 rectifié quater, ainsi libellés :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat sont informées chaque année au moment de la loi de finances des modalités du financement de l’effort national de soutien à l’Ukraine, ainsi que des cessions de tous les matériels et les équipements nécessitant un recomplètement et des aides à l’acquisition de matériels ou de prestations de défense et de sécurité.
Je les mets aux voix.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 9, modifié.
(L’article 9 est adopté.)
Article 9 bis
(Non modifié)
Indépendamment des pouvoirs propres des commissions permanentes chargées des finances, les commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense suivent et contrôlent l’application de la programmation militaire. Aux fins d’information de ces commissions, cette mission est confiée à leur président ainsi qu’à leurs rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances de l’année dans leurs domaines d’attributions et, le cas échéant, pour un objet déterminé, à un ou plusieurs des membres de ces commissions spécialement désignés. À cet effet, le président, les rapporteurs pour avis et les membres des commissions spécialement désignés procèdent à toutes auditions qu’ils jugent utiles et à toutes investigations nécessaires sur pièces et sur place auprès du ministère de la défense et des organismes qui lui sont rattachés ainsi que, le cas échéant, auprès du ministère chargé des finances. Ceux-ci leur transmettent, sous réserve du second alinéa, tous les renseignements et les documents d’ordre financier et administratif utiles à l’exercice de leur mission.
La mission des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense et les pouvoirs mentionnés au premier alinéa ne peuvent ni s’exercer auprès des services spécialisés de renseignement mentionnés au I de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, ni porter sur les sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l’État. – (Adopté.)
Après l’article 9 bis
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 156 rectifié, présenté par M. P. Laurent, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 9 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 6 decies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 6… ainsi rédigé :
« Art. 6…. – I. – Il est constitué une délégation parlementaire, commune à l’Assemblée nationale et au Sénat, chargée de contrôler les autorisations et les licences accordées en matière d’exportation d’armes et d’armements. Elle est composée de six députés et de six sénateurs représentant les différentes sensibilités politiques présentes au Parlement.
« II. – Outre ces six députés et six sénateurs, les présidents des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées respectivement des affaires étrangères, de la défense et de la sécurité intérieure sont membres de droit de la délégation parlementaire aux ventes d’armes. La fonction de président de la délégation est assurée alternativement, pour un an, par un député et un sénateur.
« Outre les membres de droit mentionnés au premier alinéa du présent II, les autres membres de la délégation sont désignés par le président de chaque assemblée à chaque renouvellement de cette dernière.
« III. – Sans préjudice des compétences des commissions permanentes, la délégation parlementaire aux ventes d’armes a pour mission de suivre l’activité générale et les moyens des services spécialisés en charge de la négociation des contrats d’armement et des coopérations militaires et de la délivrance des autorisations d’exportation et de licences. Elle possède par ailleurs un droit de veto sur tout contrat susceptible de violer les obligations internationales de la France. Le Gouvernement avertit, sous un délai de quinze jours, la délégation parlementaire des licences accordées.
« La délégation peut entendre les membres du Gouvernement, le secrétaire général de la Défense et de la Sécurité nationale ainsi que les représentants du personnel et des organisations représentatives des entreprises exportatrices d’armements. Elle peut recueillir l’avis de toute personnalité qualifiée dans les domaines du droit international humanitaire, du droit international public ou de l’économie de la défense.
« IV. – Dans le respect des dispositions prévues à l’article 413-9 du code pénal, les membres de la délégation peuvent se voir communiquer tout document qu’ils estiment nécessaire aux vues de prendre une décision éclairée. Les membres de la délégation sont autorisés ès qualités à connaître des informations ou des éléments d’appréciation définis au III du présent article et protégés au titre de l’article 413-9 du code pénal, à l’exclusion des données dont la communication pourrait mettre en péril l’anonymat, la sécurité ou la vie d’une personne relevant ou non des services intéressés. Les agents des assemblées parlementaires désignés pour assister les membres de la délégation doivent être habilités, dans les conditions définies pour l’application du même article 413-9 du code pénal, à connaître des mêmes informations et éléments d’appréciation.
« V. – Les travaux de la délégation sont couverts par le secret de la défense nationale. Ses membres et les agents des assemblées mentionnés au IV sont astreints au respect du secret de la défense nationale pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en ces qualités.
« VI. – Chaque année, la délégation établit un rapport public dressant le bilan de son activité, qui ne peut faire état d’aucune information ni d’aucun élément d’appréciation protégés par le secret de la défense nationale.
« Dans le cadre de ses travaux, la délégation peut adresser des recommandations et des observations au Président de la République et au Premier ministre. Elle les transmet au président de chaque assemblée.
« VII. – La délégation parlementaire au renseignement établit son règlement intérieur. Celui-ci est soumis à l’approbation du bureau de chaque assemblée.
« Les dépenses afférentes au fonctionnement de la délégation sont financées et exécutées comme dépenses des assemblées parlementaires dans les conditions fixées par l’article 7 de la présente ordonnance. »
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Cet amendement porte sur le contrôle des ventes d’armes. Nous avons déposé l’an dernier une proposition de loi assez complète sur ce sujet, qui est désormais récurrent et appelle des progrès significatifs en termes de garanties démocratiques et de transparence.
Alors que la France est au troisième, voire au deuxième rang des exportateurs mondiaux d’armement, nous sommes très en retard du point de vue des garanties démocratiques et de la transparence. En comparaison, il existe dans de nombreux parlements européens, entre autres, des commissions parlementaires chargées de suivre de près les contrats d’armement.
Nous proposons de créer une délégation interparlementaire chargée de contrôler les autorisations et les licences, qui disposerait, si nécessaire, d’un droit de veto et dont les travaux seraient couverts par le secret de la défense nationale.
Les dispositions que nous proposons sont plus ambitieuses que celles prévues dans l’amendement n° 293 que présentera le président Cambon sur le même sujet, qui vise à confier cette mission à la délégation parlementaire au renseignement.
Nous devons progresser de manière significative sur ces questions, pour des raisons liées à la démocratie et au contrôle de la destination de ces armes. Par ailleurs, notre base industrielle technologique et de défense étant organisée autour d’une ambition exportatrice, les contrôles doivent être beaucoup plus poussés que ceux actuellement exercés par le Parlement ; pour autant, je ne remets pas en cause le sérieux du travail des commissions dédiées.
Mme la présidente. L’amendement n° 199, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 9 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 6 decies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 6 … ainsi rédigé :
« Art. 6 … I. – Il est constitué une délégation parlementaire à la revue des exportations d’armement et de biens à double usage, commune à l’Assemblée nationale et au Sénat.
« Elle exerce un contrôle a posteriori de la politique du Gouvernement en matière d’exportation de matériels de guerre et matériels assimilés, de transfert de produits liés à la défense ainsi que d’exportation et de transfert de biens à double usage, y compris dans le domaine des programmes de coopération au regard des engagements internationaux de la France. Lui sont notamment communiqués :
« 1° Des éléments d’informations issus du Gouvernement concernant la délivrance des autorisations d’exportation et de licences relatives aux matériels de guerre et assimilés ainsi qu’aux biens à double usage, le type et le nombre d’équipements exportés, les destinataires finaux, les utilisateurs finaux, l’utilisation finale déclarée, les notifications de refus, toutes mesures de suspension, modification ou abrogation de licence ainsi que leur justification ;
« 2° Un rapport annuel de synthèse exhaustif précisant le nombre de refus à l’exportation par pays, en précisant les critères de refus, les types et quantités de matériels de guerre et assimilés concernés, les destinataires et les utilisateurs finaux ainsi que l’utilisation finale déclarée. Il précise également les informations relatives aux types et aux quantités de matériels de guerre et assimilés, les destinataires et les utilisateurs finaux ainsi que l’utilisation finale déclarée pour chacune des catégories couvertes par le rapport ;
« 3° Les cessions onéreuses et gratuites et les prêts réalisés en année N-1 par le ministère de la défense.
« II. – La délégation parlementaire à la revue des exportations d’armement et de biens à double usage est composée de six députés et de six sénateurs respectant les équilibres politiques de chacune des assemblées. Les présidents des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargée de la défense et des affaires étrangères sont membres de droit de la délégation parlementaire à la revue des exportations d’armement et de biens à double usage. La fonction de président de la délégation est assurée alternativement, pour un an, par un député et un sénateur, membres de droit.
« Les autres membres de la délégation sont désignés par le président de chaque assemblée de manière à assurer une représentation pluraliste. Les députés qui ne sont pas membres de droit sont désignés au début de chaque législature et pour la durée de celle-ci. Les sénateurs sont désignés après chaque renouvellement partiel du Sénat.
« III. – La délégation peut entendre :
« 1° Le Premier ministre ;
« 2° Les membres du Gouvernement et leur directeur de cabinet ;
« 3° Le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale ;
« 4° Les directeurs en fonction des services mentionnés au I, accompagnés des collaborateurs de leur choix en fonction de l’ordre du jour de la délégation, ainsi que toute personne placée auprès de ces directeurs et occupant un emploi pourvu en conseil des ministres ;
« 5° La commission interministérielle des biens à double usage ;
« 6° Le comité ministériel de contrôle a posteriori des exportations de matériels de guerre ;
« 7° Les représentants du personnel et des organisations représentatives des entreprises exportatrices d’armements ;
« 8° Toute personnalité qualifiée dans les domaines du droit international humanitaire, du droit international public ou de l’économie de la défense.
« IV. - Les membres de la délégation sont autorisés ès qualités à connaître des informations ou des éléments d’appréciation définis au I et protégés au titre de l’article 413-9 du code pénal, à l’exclusion des données dont la communication pourrait mettre en péril l’anonymat, la sécurité ou la vie d’une personne relevant ou non des services intéressés.
« Les agents des assemblées parlementaires désignés pour assister les membres de la délégation doivent être habilités, dans les conditions définies pour l’application du même article 413-9, à connaître des mêmes informations et éléments d’appréciation.
« V. - Les travaux de la délégation parlementaire à la revue des exportations d’armement et de biens à double usage sont couverts par le secret de la défense nationale.
« Les membres de la délégation et les agents des assemblées mentionnés au IV sont astreints au respect du secret de la défense nationale pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en ces qualités.
« VI. – Chaque année, la délégation établit un rapport public dressant le bilan de son activité, qui ne peut faire état d’aucune information ni d’aucun élément d’appréciation protégés par le secret de la défense nationale.
« Dans le cadre de ses travaux, la délégation peut adresser des recommandations et des observations au Président de la République et au Premier ministre. Elle les présente au président de chaque assemblée.
« VII. – La délégation parlementaire à la revue des exportations d’armement et de biens à double usage établit son règlement intérieur. Celui-ci est soumis à l’approbation du bureau de chaque assemblée.
« Les dépenses afférentes au fonctionnement de la délégation sont financées et exécutées comme dépenses des assemblées parlementaires dans les conditions fixées par l’article 7.
« VIII. - La délégation parlementaire à la revue des exportations d’armement et de biens à double usage exerce les attributions de la commission de vérification prévue à l’article 154 de la loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 de finances pour 2002. »
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement, à peu près identique au précédent, s’appuie sur les propositions formulées par Jacques Maire et Michèle Tabarot dans leur rapport d’information sur le contrôle des exportations d’armement, ainsi que sur les travaux d’Amnesty International et du Parlement européen.
De nombreuses propositions de loi ont déjà été déposées à l’Assemblée nationale et au Sénat par divers groupes politiques, ce qui témoigne d’un constat transpartisan de la nécessité de renforcer le contrôle du Parlement en matière d’exportation d’armes.
Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des propos de Pierre Laurent. L’instauration d’une délégation parlementaire permettrait au Parlement d’effectuer un contrôle a posteriori efficace de notre politique d’exportation d’armement et de biens à double usage, et de s’assurer du respect des engagements internationaux de la France en matière de droit humanitaire, tout en respectant le secret-défense.
Mme la présidente. L’amendement n° 71, présenté par MM. Temal, Devinaz et Kanner, Mmes Carlotti, Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Roger, Todeschini, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 9 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 6 decies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 6 … ainsi rédigé :
« Art. 6 … – I – Il est constitué une délégation parlementaire à l’évaluation des exportations d’armements, commune à l’Assemblée nationale et au Sénat. Cette délégation est composée de cinq députés et cinq sénateurs.
« II. – Les présidents des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des affaires étrangères et de la défense sont membres de droit de la délégation à l’évaluation des exportations d’armement.
« La fonction de président de la délégation est assurée, alternativement, pour un an, par un député et un sénateur, désigné par les membres de droit de la délégation. Les autres membres de la délégation sont désignés par les présidents de leur assemblée respective tâchant de reproduire les équilibres politiques de chacune d’entre elles. Les députés qui ne sont pas membres de droit sont désignés au début de chaque législature et pour la durée de celle-ci. Les sénateurs qui ne sont pas membres de droit sont désignés après chaque renouvellement partiel du Sénat.
« III. La délégation parlementaire à l’évaluation des exportations d’armement a pour mission d’évaluer a posteriori l’action du Gouvernement en matière de contrôle et de soutien aux exportations d’armement. Cette délégation a notamment pour mission d’évaluer la validité des licences d’exportations attribuées par le Gouvernement au regard du respect des traités internationaux et de l’évolution du contexte dans l’État acheteur. La délégation évalue également la procédure de contrôle des biens et technologies à double usage. Cette délégation exercerait une évaluation a posteriori sur certaines demandes d’exportation d’armement et de biens à double usage faisant l’objet d’un examen en Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériel de guerre et en Commission ministérielle des biens à double usage. Elle évalue les activités du Gouvernement au regard du respect des critères de la position commune de l’Union européenne et du traité de commerce des armes.
« À cette fin, le Gouvernement lui transmet chaque année un rapport comportant une description de l’action du Gouvernement en matière de contrôle des exportations, des éléments relatifs aux critères des procédures d’attributions de licences au sein de la Commission interministérielle pour l’étude des exportations des matériels de guerre, de la commission interministérielle des biens à double usage et du comité ministériel de contrôle a posteriori des exportations et des transferts de matériels de guerre et assimilés, des critères de la liste des matériels soumis au régime de prohibition et d’éléments d’appréciation relatifs à l’activité générale des entreprises exportatrices de matériel de guerre.
« IV. Les travaux de la délégation parlementaire à l’évaluation des exportations d’armement sont couverts par le secret des affaires et par le secret de la défense nationale. Les membres de la délégation sont astreints au respect du secret des affaires et de la défense nationale pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en ces qualités. Chaque année, la délégation établir un rapport public dressant le bilan de son activité ou présentant ses recommandations. Ce document ne peut faire état d’aucune information ni d’aucun élément d’appréciation portant atteinte au secret des affaires ou de la défense nationale. Les agents des assemblées parlementaires désignés pour assister les membres de la délégation doivent être habilités, dans les conditions définies pour l’article 413-9 du code pénal, à connaître des mêmes informations et éléments d’appréciation.
« V. Dans le cadre de ses travaux, la délégation peut adresser des recommandations et des observations au Président de la République et au Premier ministre ainsi qu’aux ministres compétentes. Elle les transmet au président de chaque assemblée.
« VI. – La délégation parlementaire à l’évaluation des exportations d’armement établit son règlement intérieur. Celui-ci est soumis à l’approbation du bureau de chaque assemblée.
« VII. Les dépenses afférentes au fonctionnement de la délégation financées et exécutées comme dépenses des assemblées parlementaires dans les conditions fixées par l’article 7 de la présente ordonnance. »
La parole est à M. Rachid Temal.
M. Rachid Temal. Cet amendement ressemble aux deux précédents, mais avec quelques nuances que je vais détailler.
Nous proposons de créer une délégation parlementaire à l’évaluation des exportations d’armement. En effet, nous soutenons totalement l’industrie de défense et l’export, mais nous considérons par ailleurs normal que le Parlement, au travers de son rôle d’évaluation des politiques publiques, ait accès à des données précises sur ce sujet. Il s’agit bien d’une logique d’évaluation a posteriori, dans le cadre du secret-défense.
Nous serons attentifs à l’avis qui sera donné sur l’amendement n° 293 de la commission. Je l’ai dit à Christian Cambon et au ministre : à force de ne pas avancer sur ce sujet, nous risquons de passer d’une absence de contrôle à un contrôle total avant même la réalisation des ventes.
Mieux vaut adopter une politique des petits pas, en progressant vers une logique d’évaluation contrôlée via le secret-défense, que de laisser monter les enchères jusqu’au jour où nous ne pourrons plus faire autrement que d’instaurer un contrôle a priori.
Mme la présidente. L’amendement n° 201 rectifié, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 9 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « renseignement », sont insérés les mots : « et à la revue des exportations d’armements et de biens à double usage » ;
b) Après la première phrase du deuxième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle exerce également un contrôle a posteriori parlementaire de la politique du Gouvernement en matière d’exportation de matériels de guerre et matériels assimilés, de transfert de produits liés à la défense ainsi que d’exportation et de transfert de biens à double usage, y compris dans le domaine des programmes de coopération au regard des engagements internationaux de la France. » ;
c) Après le 7°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Des éléments d’informations issus du Gouvernement concernant la délivrance des autorisations d’exportation et de licences relatives aux matériels de guerre et assimilés ainsi qu’aux biens à double usage, le type et le nombre d’équipements exportés, les destinataires finaux, les utilisateurs finaux, l’utilisation finale déclarée, les notifications de refus, toutes mesures de suspension, modification ou abrogation de licence ainsi que leur justification. » ;
2° Le premier alinéa du II est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « quatre députés et quatre sénateurs » sont remplacés par les mots : « cinq députés et cinq sénateurs » ;
b) À la deuxième phrase, après le mot : « défense », sont insérés les mots : « et des affaires étrangères » ;
3° Après le 8° du III sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« …° La commission interministérielle des biens à double usage ;
« …° Le comité ministériel de contrôle a posteriori des exportations de matériels de guerre ;
« …° Les représentants du personnel et des organisations représentatives des entreprises exportatrices d’armements. »
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 199, qui est également inspiré par les travaux d’Amnesty International et du Parlement européen.
Plutôt que de créer une nouvelle délégation parlementaire, il vise à étendre le champ de compétences de la délégation parlementaire au renseignement en y ajoutant des prérogatives relatives à l’exportation d’armement et de biens à double usage.
Si ce n’est pas l’option privilégiée par nos collègues Jacques Maire et Michèle Tabarot dans leur rapport, qui lui préfèrent des solutions plus ambitieuses, elle nous semble ouvrir la voie à un compromis. La DPR étant soumise au secret-défense, cette disposition permet de conjuguer un minimum de contrôle parlementaire avec les exigences lourdes – parfois trop lourdes – du secret-défense.
Notre rapporteur propose également d’étendre les prérogatives de la DPR. Je salue ce choix fort de la majorité sénatoriale, qui permettrait enfin à la France de se conformer au code de bonne conduite européen, dont l’importance a été rappelée par des résolutions du Parlement européen de 2008 et de 2020.
La mouture de l’amendement n° 293 de la commission, qui va suivre, nous semble d’ailleurs plus intéressante que celle de notre amendement, en cela qu’elle crée une commission au sein de la délégation parlementaire au renseignement, constituée de quatre parlementaires chargés de ce sujet.
Nous proposons donc de rectifier notre amendement pour le rendre identique au n° 293, dont la rédaction nous semble meilleure.
Mme la présidente. L’amendement n° 293, présenté par M. Cambon, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Après l’article 9 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le contrôle parlementaire de l’action du Gouvernement en matière d’exportations de matériels de guerre, de biens sensibles et à double usage ainsi que l’évaluation de sa politique en la matière sont exercés par une commission de vérification des exportations d’armement.
La commission de vérification constitue une formation spécialisée de la délégation parlementaire au renseignement. Elle est composée de deux députés et de deux sénateurs. Les présidents des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense en sont membres de droit. Les deux autres membres de la commission de contrôle sont désignés de manière à assurer une représentation pluraliste. Le président de la commission est désigné chaque année par les membres de la délégation.
II. – La commission prend connaissance de tous les documents, pièces et rapports susceptibles de justifier les décisions prises par le Gouvernement dont :
1° Les licences générales d’exportation visées au 1° de l’article L. 2335-3 du code de la défense ;
2° Les licences globales d’exportation visées au 2° du même article ;
3° Les licences individuelles d’exportation visées au 3° du même article ;
4° Les rapports d’activité et avis de la commission interministérielle pour l’étude des exportations des matériels de guerre ;
5° Les demandes ayant fait l’objet d’un refus explicite ou implicite ;
6° Les demandes retirées de l’instruction à l’initiative des demandeurs :
7° les procès-verbaux des contrôles adressés au comité ministériel des contrôles a posteriori ainsi que des rapports d’activité et avis de celui-ci ;
8° Les rapports des inspections compétentes dans ce domaine.
III. – La commission peut entendre :
1° Le Premier ministre ;
2° Les membres du Gouvernement, leur directeur de cabinet, leurs directeurs généraux et directeurs d’administration centrale ;
3° Le Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale ;
4° Le Chef d’État-major des armées ;
5° Le Délégué général pour l’armement ;
6° Les directeurs des services de renseignement.
IV. – Les travaux de la commission et l’établissement de son rapport sont réalisés dans les conditions prévues par les IV, V et VI de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
V. – La désignation des membres de la commission de vérification des exportations d’armement intervient dans un délai de quatre mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.
VI. – Le VIII de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est ainsi rédigé :
« VIII. – La délégation parlementaire au renseignement exerce les attributions de la commission de vérification des fonds spéciaux prévue à l’article 154 de la loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 de finances pour 2002 et de la commission de vérification des exportations d’armement prévue à l’article … de la loi n° … du … de programmation militaire pour les années 2024-2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cambon, rapporteur. Il s’agit d’un sujet important qui revient régulièrement dans les débats parlementaires relatifs au contrôle des ventes d’armes. Nous savons que ce domaine fait l’objet de contrôles beaucoup plus importants dans d’autres parlements.
À l’heure actuelle, les ventes d’armes font l’objet d’un examen par une commission présidée par le Premier ministre, la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG), qui examine les licences d’exportation et émet, selon des critères bien identifiés, un avis favorable ou défavorable.
Cependant, l’ensemble de ce travail ne donne lieu qu’à un assez modeste rapport – même s’il a pris, grâce à vous, monsieur le ministre, un peu d’ampleur ces derniers temps – qui ne permet en aucun cas un véritable échange politique, comme on devrait l’avoir dans un régime parlementaire. Cela a été dit, notre pays est en pointe en termes de ventes d’armes, et 200 000 salariés travaillent dans nos industries d’armement : le problème n’est donc pas tout à fait négligeable… J’y insiste, le contrôle et l’échange politique ne peuvent pas avoir lieu.
Il est normal que différents groupes se soient manifestés au sein de la commission pour faire des propositions, que nous avons examinées. Je me suis moi-même engagé, en commission, à déposer un amendement dont le contenu n’est pas tout à fait nouveau puisqu’il faisait l’objet d’une proposition de loi que je n’avais pas défendue alors, même si j’avais reçu les encouragements du ministre de la défense de l’époque.
En l’occurrence, de quoi s’agit-il ? D’utiliser un organisme interparlementaire que vous connaissez bien, au moins par le nom, la délégation parlementaire au renseignement, laquelle rassemble quatre députés et quatre sénateurs et mène un travail de contrôle des activités de renseignement. Elle comprend en son sein une commission chargée du contrôle des fonds secrets.
Cette délégation fonctionne depuis dix ans à la plus grande satisfaction des gouvernements successifs. J’en fais partie, comme d’autres ici : je pense notamment à François-Noël Buffet, qui a présidé la DPR – la présidence faisant l’objet d’une alternance entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Nous respectons strictement les règles extrêmement sévères de secret absolu qui s’imposent aux membres de la DPR. Les réunions se font sans téléphone, dans une salle blanche. Nous auditionnons des personnalités sur les questions du renseignement – je vous laisse imaginer ce que cela a pu être au moment des actions terroristes. La DPR remet ensuite un rapport circonstancié au Président de la République, qui en fait ce qu’il veut : il peut faire retirer des éléments qui ne doivent pas, de son point de vue, être communiqués au public.
Cet organisme existe, fonctionne et est très apprécié. Il n’a jamais porté atteinte aux règles de fonctionnement et de secret que j’évoquais il y a un instant. Aussi, plutôt que de créer une nouvelle délégation, avec tout ce que cela sous-entend, j’ai estimé plus utile de l’utiliser et de créer en son sein une commission, sur le modèle de la commission de vérification des fonds spéciaux, qui vérifierait, évidemment a posteriori, les exportations d’armes.
Concrètement, comment les choses pourraient-elles se passer ? Le rapporteur de la CIEEMG peut venir une ou deux fois par an, lors de séances spécifiques de cette commission, présenter en quelque sorte un bilan des autorisations et des refus de licence. Ainsi, si le Gouvernement est attaqué – et il le sera un jour, car il y aura fatalement un accident déplorable –, il pourra dire qu’il a rendu compte de son activité au Parlement, lequel le confirmera et le rapportera au Président de la République, celui-ci étant, de par ses compétences, tout à fait en mesure de prendre les décisions qui s’imposent.
Voilà pourquoi cet amendement peut se substituer aux amendements, qui sont tout à fait respectables et vont dans le même sens, de mes collègues, avec leur soutien. Mais je supplie le Gouvernement de nous entendre sur ce sujet. De très nombreux journalistes et ONG suivent les activités de ventes d’armes de la France – vous le savez, monsieur le ministre. Un jour ou l’autre, lorsqu’un problème surviendra, et d’ailleurs même s’il n’y en a pas, il faudra bien trancher cette question.
Une ouverture avait été faite par l’ancien Premier ministre Jean Castex – je lui en rends hommage –, qui avait autorisé, par voie de décret, trois ministres – celui des armées, celui des affaires étrangères, et celui de l’économie et des finances – à venir ensemble devant le bureau ou une formation de chacune de nos assemblées. Jusqu’à présent, les trois ministres n’ont pas trouvé le temps de nous rencontrer, mais nous savons que leur emploi du temps est très chargé ; nous n’avons pas renouvelé nos invitations puisque nous n’avons jamais eu de feu vert pour cela.
Pour conclure, cette proposition d’utiliser la DPR serait l’occasion de régler une bonne fois pour toutes le problème et de faire un premier pas – à mon sens, cela s’arrêtera là – qui sera tout de même très utile pour le contrôle parlementaire.
Mme la présidente. Si j’ai bien compris, monsieur le rapporteur, la commission souhaite donc le retrait des amendements nos 156 rectifié, 199, 71 et 201 rectifié.
M. Christian Cambon, rapporteur. Oui, madame la présidente.
Si mes collègues en sont d’accord, j’aimerais qu’ils retirent leurs amendements au profit du mien, qui est un amendement raisonnable et bien connu puisque certains membres de leurs groupes ont siégé ou siègent au sein de la DPR.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. Nous regrettons que le Gouvernement dise juste un mot, et pas un de plus…
M. Rachid Temal. Mais si ! Je le répète, et comme l’a dit le président Cambon, le sujet est important.
Encore une fois, l’évaluation est nécessaire, sinon nous passerons à un moment donné à une autre logique ; c’est parce que la pression sera importante que l’on en arrivera là. C’est le premier point dont je voulais parler.
Deuxième point : la commission de vérification des fonds spéciaux est présidée par Yannick Vaugrenard, qui est ici présent et dont tout le monde salue le professionnalisme.
Nous nous félicitons aussi du travail mené par la DPR. C’est la raison pour laquelle nous retirons notre amendement au bénéfice de l’amendement n° 293 déposé par le rapporteur.
Mme la présidente. L’amendement n° 71 est retiré.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. La réponse lapidaire de M. le ministre, qui était pourtant depuis le début de notre débat assez disponible pour répondre aux questions, n’est pas très rassurante sur ce sujet devenu très sensible au cours des dernières années.
Si des amendements ont été déposés par différents groupes et par le président de la commission, c’est bien que la question mérite davantage d’égards ; sinon elle prendra toujours plus d’importance.
Comme nous ne sommes pas des partisans du tout ou rien, et bien que nous ayons déposé des propositions, nous allons retirer notre amendement au profit de celui du président Cambon, même si nous jugeons sa proposition encore timide. Expérimentons au moins le dispositif qu’il préconise et qui nous donnera une première possibilité d’agir. Nous verrons si cela suffit ou pas, mais en tout cas avançons !
Mme la présidente. L’amendement n° 156 rectifié est retiré.
La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je regrette moi aussi le manque d’explications du ministre sur sa position et sur le travail fait par la commission pour trouver un compromis qui me paraît plutôt satisfaisant.
Je retire donc l’amendement n° 199. En revanche, je souhaite rectifier l’amendement n° 201 rectifié, qui est très proche de l’amendement n° 293, pour le rendre identique à ce dernier.
Mme la présidente. L’amendement n° 199 est retiré.
Je suis donc saisie d’un amendement n° 201 rectifié bis, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, et ainsi libellé :
Après l’article 9 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le contrôle parlementaire de l’action du Gouvernement en matière d’exportations de matériels de guerre, de biens sensibles et à double usage ainsi que l’évaluation de sa politique en la matière sont exercés par une commission de vérification des exportations d’armement.
La commission de vérification constitue une formation spécialisée de la délégation parlementaire au renseignement. Elle est composée de deux députés et de deux sénateurs. Les présidents des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense en sont membres de droit. Les deux autres membres de la commission de contrôle sont désignés de manière à assurer une représentation pluraliste. Le président de la commission est désigné chaque année par les membres de la délégation.
II. – La commission prend connaissance de tous les documents, pièces et rapports susceptibles de justifier les décisions prises par le Gouvernement dont :
1° Les licences générales d’exportation visées au 1° de l’article L. 2335-3 du code de la défense ;
2° Les licences globales d’exportation visées au 2° du même article ;
3° Les licences individuelles d’exportation visées au 3° du même article ;
4° Les rapports d’activité et avis de la commission interministérielle pour l’étude des exportations des matériels de guerre ;
5° Les demandes ayant fait l’objet d’un refus explicite ou implicite ;
6° Les demandes retirées de l’instruction à l’initiative des demandeurs :
7° les procès-verbaux des contrôles adressés au comité ministériel des contrôles a posteriori ainsi que des rapports d’activité et avis de celui-ci ;
8° Les rapports des inspections compétentes dans ce domaine.
III. – La commission peut entendre :
1° Le Premier ministre ;
2° Les membres du Gouvernement, leur directeur de cabinet, leurs directeurs généraux et directeurs d’administration centrale ;
3° Le Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale ;
4° Le Chef d’État-major des armées ;
5° Le Délégué général pour l’armement ;
6° Les directeurs des services de renseignement.
IV. – Les travaux de la commission et l’établissement de son rapport sont réalisés dans les conditions prévues par les IV, V et VI de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
V. – La désignation des membres de la commission de vérification des exportations d’armement intervient dans un délai de quatre mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.
VI. – Le VIII de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est ainsi rédigé :
« VIII. – La délégation parlementaire au renseignement exerce les attributions de la commission de vérification des fonds spéciaux prévue à l’article 154 de la loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 de finances pour 2002 et de la commission de vérification des exportations d’armement prévue à l’article … de la loi n° ... du ... de programmation militaire pour les années 2024-2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense. »
Je mets aux voix les amendements identiques nos 201 rectifié bis et 293.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 9 bis.
Article 10
(Non modifié)
Le titre Ier de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense est abrogé à compter du 1er janvier 2024. – (Adopté.)
TITRE II
DISPOSITIONS NORMATIVES INTÉRESSANT LA DÉFENSE NATIONALE
Chapitre Ier
Renforcement du lien entre la Nation et ses armées et condition militaire
Article 11
La loi n° 99-418 du 26 mai 1999 créant l’Ordre de la Libération (Conseil national des communes « Compagnon de la Libération ») est ainsi modifiée :
1° L’article 1er est ainsi rédigé :
« Art. 1er. – L’Ordre de la Libération (Conseil national des communes “Compagnon de la Libération”), successeur du Conseil de l’Ordre de la Libération, est un établissement public national à caractère administratif placé sous la protection du Président de la République.
« Au nom du Président de la République, le grand chancelier de la Légion d’honneur veille au respect des principes fondateurs de l’Ordre de la Libération.
« Le ministre de la défense exerce la tutelle sur l’établissement. » ;
2° L’article 2 est ainsi modifié :
aaa) (nouveau) Au deuxième alinéa, après le mot : « traditions », sont insérés les mots : « et les valeurs » ;
aa) Au troisième alinéa, après le mot : « conserver », sont insérés les mots : « et de diffuser auprès du plus grand nombre, en particulier de la jeunesse, » ;
a) Le quatrième alinéa est complété par les mots : « et des médaillés de la Résistance française » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« – de participer à l’aide morale et matérielle aux conjoints survivants et aux enfants des Compagnons de la Libération, aux médaillés de la Résistance française et à leurs conjoints survivants et enfants. » ;
3° L’article 3 est ainsi modifié :
a) Le 2° est ainsi rédigé :
« 2° Du grand chancelier de la Légion d’honneur ou de son représentant ; »
b) Après le 5°, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :
« 5° bis Du directeur général de l’Office national des combattants et des victimes de guerre ou de son représentant ; »
4° Après le mot : « général », la fin de la dernière phrase de l’article 6 est supprimée. – (Adopté.)
Après l’article 11
Mme la présidente. L’amendement n° 32 rectifié, présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre et MM. Artano, Bilhac, Cabanel, Corbisez, Fialaire, Gold, Guérini, Guiol, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- L’article 5 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les membres des formations supplétives de statut civil de droit commun ayant déposé entre le 5 février 2011 et le 19 décembre 2013 un dossier de demande de l’allocation de reconnaissance mentionnée à l’article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. André Guiol.
M. André Guiol. Cet amendement d’appel vise à évoquer la situation des membres rapatriés des forces supplétives de statut civil de droit commun qui n’ont pas pu bénéficier d’une allocation de reconnaissance du fait de la distinction, après la guerre d’Algérie, entre les supplétifs de statut civil de droit local et ceux de droit commun. Dans ce cadre, les premiers ont bénéficié de l’attribution d’une allocation spécifique de reconnaissance.
Dans sa décision du 4 février 2011, le Conseil constitutionnel a censuré une partie de la rédaction de l’article 9 de la loi du 16 juillet 1987 relative au règlement de l’indemnisation des rapatriés, rendant ainsi les supplétifs de statut civil de droit commun également éligibles à l’attribution de l’allocation de reconnaissance à compter du 5 février 2011.
En réponse à cette ouverture, la loi du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 a réservé cette allocation aux seuls supplétifs de statut civil de droit local.
Dans l’intervalle, tous les supplétifs ayant formulé une demande ou un renouvellement de demande entre le 5 février 2011 et le 19 décembre 2013 étaient éligibles à l’allocation. Aujourd’hui, ils sont une vingtaine à espérer cette mesure de réparation, dont le montant s’élève à 4 150 euros.
La commission a introduit cette question au sein du rapport annexé mentionné à l’article 2. Toutefois, le groupe du RDSE a souhaité que celle-ci soit évoquée en séance publique. Bien entendu, il s’agit d’un amendement d’appel, puisque, pour tenir compte des règles de recevabilité financière, l’amendement prévoit, à défaut d’ouvrir le droit à l’allocation, d’exonérer d’impôt sur le revenu les membres de ces formations supplétives.
Sans méconnaître le fait que la situation fiscale des personnes visées ne permettra sans doute pas de leur donner satisfaction, je souhaite aussi rappeler, monsieur le ministre, que le Sénat s’était déjà prononcé deux fois favorablement sur ce sujet lors de l’examen des lois de finances de 2019 et 2023.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Cet amendement, qui a déjà été examiné en commission, vise à résoudre le problème de l’indemnisation des supplétifs de droit commun, à qui nous devons encore, longtemps après les événements, une véritable reconnaissance, en les exonérant d’impôt sur le revenu.
Il est malheureusement assez difficile d’évaluer les conséquences de cette exonération, certains supplétifs n’étant déjà pas soumis à l’impôt sur le revenu. En commission, nous avons préféré adopter l’amendement du président Laurent, présenté au nom du groupe communiste, qui prévoit dans le rapport annexé une indemnisation forfaitaire de 4 195 euros par supplétif.
Je demande donc le retrait de l’amendement n° 32 rectifié ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le sénateur Guiol, sur la forme, le Gouvernement est attaché à ce que les mesures fiscales soient examinées dans le cadre des projets de loi de finances.
Sur le fond, pour répondre à vos interrogations, je vous indique qu’il n’y a pas lieu de prévoir un régime fiscal dérogatoire pour les harkis blancs, car il poserait une difficulté au regard du principe d’égalité.
Je rappelle que la situation des harkis blancs doit être assimilée à celle des autres rapatriés européens. On ne peut, à ce titre, considérer qu’ils ont subi un traitement défavorable justifiant l’octroi d’une allocation ou d’un avantage fiscal particulier. À leur arrivée en France, ils ont en outre perçu les mêmes aides, à savoir des prestations temporaires de subsistance, des subventions d’installation, des prêts à taux réduits, des aides de reclassement professionnel et des secours exceptionnels.
Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. André Guiol, pour explication de vote.
M. André Guiol. Je retire mon amendement, mais cette situation est vécue par les personnes concernées comme une injustice à laquelle il faudra bien répondre un jour ou l’autre.
M. Rachid Temal. Il y en a d’autres.
Mme la présidente. L’amendement n° 32 rectifié est retiré.
L’amendement n° 38 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Guérini, Guiol, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre et MM. Fialaire, Gold, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 114-3 du code du service national est ainsi rédigé :
« Art. L. 114-3. – Lors de la journée défense et citoyenneté, les Français reçoivent un enseignement présentant :
« 1° Les enjeux et les objectifs généraux de la défense nationale, les moyens civils et militaires de la défense et leur organisation ;
« 2° Les périodes militaires d’initiation ou de perfectionnement à la défense nationale ;
« 3° Les possibilités d’engagement dans les forces armées et les forces de réserve ;
« 4° Le modèle français de sécurité civile et les possibilités d’engagement en qualité de sapeur-pompier volontaire ;
« 5° Le service civique et les autres formes de volontariat.
« Cet enseignement est adapté au niveau de formation des appelés participant à la journée défense et citoyenneté.
« Ces derniers sont en outre sensibilisés aux droits et aux devoirs liés à la citoyenneté et aux enjeux du renforcement de la cohésion nationale et de la mixité sociale. La charte des droits et devoirs du citoyen français mentionnée à l’article 21-24 du code civil leur est remise à cette occasion.
« La journée défense et citoyenneté comporte également des tests d’évaluation des apprentissages fondamentaux de la langue française. »
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Tous les jeunes appelés à la journée défense et citoyenneté se voient dispenser plusieurs heures d’enseignement. Au fil du temps, le contenu de cet enseignement, désormais inférieur à trois heures, s’éloigne de plus en plus du cœur de cible de la JDC. En effet, outre les enseignements initiaux concernant les enjeux liés à la défense nationale au sens large, des modules ont été intégrés au gré des évolutions de la société.
Ainsi, une information consacrée à l’égalité entre les femmes et les hommes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences physiques, psychologiques ou sexuelles commises au sein du couple a été intégrée au programme à partir de l’année 2020. Une autre information concernant la prévention des conduites à risques pour la santé avait été insérée à compter de juillet 2016.
Sans bien entendu vouloir minimiser l’importance de ces sujets, il faut souligner que la JDC, au regard de sa durée limitée, ne peut pas servir à tout transmettre. Par conséquent, cet amendement vise à recentrer cette journée sur les priorités suivantes : l’information sur les enjeux de la défense et de la sécurité et sur les métiers accessibles aux jeunes dans ce domaine ; le repérage et l’orientation des jeunes en difficulté, conformément à une volonté exprimée par le législateur en 1997, lors de la suspension de la conscription, de favoriser l’aide à l’insertion ; enfin, la présentation des différentes formes d’engagement que sont notamment le service civique, le volontariat, la réserve ou encore la sécurité civile.
Cette nouvelle rédaction maintient naturellement les tests d’évaluation des apprentissages fondamentaux de la langue française qui préfiguraient déjà au programme de la journée d’appel de préparation à la défense (JAPD).
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Cet amendement est tout à fait en cohérence avec le rapport d’information Jeunesse et citoyenneté : une culture à réinventer, adopté par le Sénat en juin 2022.
Je rappelle que le programme de la JDC a été modifié douze fois par le législateur entre 2000 et 2021 et que le temps consacré aux questions de défense, comme l’a dit notre collègue, est inférieur à trois heures. Les questions de défense doivent être mieux présentées afin de sensibiliser nos jeunes.
L’avis est donc favorable.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur Cabanel, je vais vous expliquer la raison pour laquelle vous devriez retirer votre amendement.
Une étude est en cours pour recentrer la JDC sur l’enseignement de défense, car les armées font face à un enjeu fort de recrutement. Cette journée est une formidable occasion de faire connaître la défense et ses missions, comme elle constitue l’unique occasion de toucher l’ensemble d’une classe d’âge.
Des travaux sont en cours pour trouver une autre voie permettant d’atteindre le résultat que vous recherchez au travers de votre amendement à la LPM.
Nous réfléchissons à une saisine du Conseil constitutionnel pour qu’il constate le caractère réglementaire des dispositions actuellement en vigueur, ce qui nous permettrait de les modifier par voie de décret en Conseil d’État. J’espère vous avoir convaincu, monsieur le sénateur !
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Je remercie Mme la secrétaire d’État de ses explications. Je ne doute absolument pas de sa parole, mais, pour avoir assisté, comme un certain nombre d’entre nous, à des JDC, je pense qu’il est nécessaire de faire des changements.
Même si telle est votre intention, madame la secrétaire d’État, je maintiens mon amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 11.
L’amendement n° 245, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article L. 113-6 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, les demandes présentées par des personnes reconnues pupilles de la Nation ayant elles-mêmes subi des dommages physiques dans les circonstances définies au premier alinéa sont recevables dans les six mois qui suivent l’entrée en vigueur de la loi n° … du … relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense. »
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. Cet amendement vise à lever, uniquement pour les pupilles de la Nation, la forclusion opposable depuis 2018 à toute demande de pension en raison d’actes de violence subis lors du conflit algérien. Il s’agit d’accorder une reconnaissance pleine et entière aux quelques dizaines d’orphelins personnellement blessés au cours de la guerre d’Algérie, en leur rouvrant la possibilité de prétendre à une pension civile de guerre.
Je précise que cette demande sera toutefois limitée : elle devra être faite dans un délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur de la LPM.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Cette mesure de reconnaissance est la bienvenue pour des personnes qui ont été victimes du conflit algérien et qui étaient étrangement exclues depuis 2018 du dispositif, alors que plusieurs dizaines d’entre elles, blessées pendant la guerre d’Algérie, n’avaient pas pu en bénéficier.
L’avis est favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 11.
Je suis saisie de deux amendements identiques et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 55 est présenté par M. Haye, Mme Duranton, MM. Patriat, Gattolin, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert, Dennemont et Hassani, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile.
L’amendement n° 113 rectifié bis est présenté par Mme Guidez, MM. Delahaye, J.M. Arnaud et Belin, Mme Billon, MM. Canévet et Chasseing, Mme de La Provôté, M. Decool, Mme N. Delattre, M. Détraigne, Mmes Dindar et Drexler, MM. Duffourg et Folliot, Mmes Gacquerre, Garriaud-Maylam, Gatel, F. Gerbaud et Gréaume, MM. Gremillet et Henno, Mmes Herzog et Jacquemet, MM. Kern, Klinger, Laménie et Le Nay, Mme Lopez, M. Meurant, Mmes Morin-Desailly, Perrot, Ract-Madoux et Richer et MM. Wattebled et Chauvet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre Ier du titre Ier du livre VI du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre est complété par un article L. 611-… ainsi rédigé :
« Art. L. 611-…. – L’Office concourt à la mise en œuvre de la politique de la mémoire combattante définie par le ministre chargé des anciens combattants au service du renforcement du lien entre la Nation et ses armées. »
La parole est à M. Ludovic Haye, pour présenter l’amendement n° 55.
M. Ludovic Haye. Le présent amendement vise à modifier le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG), pour compléter les missions de l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG).
Stratégiquement, comme vous le savez, mes chers collègues, l’Office sera conforté dans le rôle de relais territorial de l’action mémorielle du ministère, qui est animée par la direction de la mémoire, de la culture et des archives du ministère des armées.
Cet amendement vise donc, de manière relativement succincte, à insérer un article additionnel qui serait ainsi rédigé en incluant le sous-amendement que le Gouvernement présentera : « L’Office concourt à la mise en œuvre de la politique de la mémoire combattante définie par le ministre de la défense au service du renforcement du lien entre la Nation et ses armées. »
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Le Nay, pour présenter l’amendement n° 113 rectifié bis.
M. Jacques Le Nay. Cet amendement vise à modifier le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre pour compléter les missions de l’Office national des combattants et des victimes de guerre.
Les missions de l’Office sont pour l’essentiel centrées sur les droits des ressortissants. Or l’ONaCVG a largement développé, depuis plusieurs années, des actions mémorielles de grande qualité à destination notamment de la jeunesse, au-delà de sa mission.
L’Office s’est en effet particulièrement investi dans le patrimoine mémoriel de pierre – nécropoles nationales et hauts lieux de la mémoire nationale –, justifiant ainsi son action dans le champ de la mémoire combattante. Stratégiquement, il sera conforté dans son rôle de relais territorial de l’action mémorielle du ministère, qui est animée par la direction de la mémoire, de la culture et des archives du ministère des armées.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 289, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 55, alinéa 4
Remplacer les mots :
chargé des anciens combattants
par les mots :
de la défense
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. Il s’agit d’un sous-amendement rédactionnel.
L’ONaCVG étant placé sous la tutelle du « ministre de la défense » aux termes de l’article L. 611-1 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, il convient de faire référence non au ministre « chargé des anciens combattants », mais au ministre « de la défense » dans la définition de la mission mémorielle confiée à l’Office.
Sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement, je donne un avis favorable aux deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Je suis favorable au sous-amendement n° 289 : l’ONaCVG est bien sous la tutelle du ministre de la défense.
L’avis est également favorable sur les amendements identiques nos 55 et 113 rectifié bis. Ajouter la mise en œuvre de la politique de la mémoire combattante à l’ONaCVG est une initiative très positive, qui va dans le bon sens.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. Je voudrais profiter de l’examen de ces amendements pour saluer l’action décisive des femmes et des hommes des services départementaux de l’ONaCVG, qui font un travail formidable dans nos territoires, et pour les remercier.
L’Office mène également un travail très important d’entretien des hauts lieux de mémoire et des nécropoles et de conservation du souvenir des combattants français.
Enfin, je veux vous dire qu’avec les associations d’anciens combattants nous estimons qu’il est important de montrer aux jeunes les hauts lieux de mémoire. Je me suis donc engagée à décentraliser certaines commémorations nationales, qui auront lieu chaque année dans des endroits différents. C’est ce que j’ai fait avec la cérémonie du 19 mars, qui s’est tenue cette année à la nécropole Notre-Dame-de-Lorette, à laquelle ont participé 400 personnes, dont 200 jeunes. J’ai également organisé des cérémonies au Struthof, avec 300 personnes, parmi lesquelles on comptait 180 jeunes, et au Mémorial des guerres en Indochine à Fréjus, avec 200 jeunes.
Nous avons travaillé avec les associations d’anciens combattants pour que les cérémonies tournent dans vos territoires, ce qui permet de montrer les actions conduites tous les jours par l’ONaCVG et par vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.
M. Philippe Folliot. Je soutiendrai bien entendu les amendements, puisque je suis cosignataire de l’amendement n° 113 rectifié bis, ainsi que le sous-amendement du Gouvernement.
Au-delà de l’ONaCVG, je voudrais attirer l’attention du Sénat sur le rôle de l’association Le Souvenir français, dont les missions, qui relèvent du même domaine, sont tout à fait exemplaires. Des bénévoles assurent un maillage important de notre territoire national – il me paraît important de le dire ici. Il faut veiller à ce qu’il y ait une bonne et saine complémentarité entre les missions élargies de l’ONaCVG et celles du Souvenir français.
Vous l’avez indiqué, madame la secrétaire d’État, perpétuer cette mémoire combattante est un enjeu essentiel. Le travail de l’ombre qui consiste à restaurer des tombes dans les carrés militaires pour sauvegarder des pans entiers de notre mémoire combattante qui, au fil du temps, disparaissent est – j’y insiste – primordial. Je tenais à rappeler que Le Souvenir français joue aussi un rôle majeur dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je soutiendrai également ces amendements.
Nous avons récemment travaillé sur l’ONaCVG – le rapport d’information a été rendu en octobre dernier. Madame la secrétaire d’État, et je parle aussi au nom de mes collègues de la commission des finances, vous êtes le bon interlocuteur pour évoquer les deux opérateurs de l’État figurant dans la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » : l’Institution nationale des invalides (INI) et l’ONaCVG.
Nous sommes toutes et tous particulièrement attachés – je représente pour ma part le département des Ardennes avec ma collègue Else Joseph – au monde combattant et aux associations patriotiques et de mémoire. L’ONaCVG est vraiment à la disposition du monde combattant.
Vous l’avez rappelé, le lien avec la jeunesse est fondamental. Pour assurer le maillage du territoire – la métropole et l’outre-mer – et en Afrique du Nord, l’ONaCVG mène un combat permanent pour maintenir trois, quatre ou cinq personnes par service de proximité à la disposition du monde combattant.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 55 et 113 rectifié bis, modifiés.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 11.
L’amendement n° 244, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général de la propriété des personnes publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 2222-8 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2222-8. – Par dérogation aux dispositions de l’article L. 2222-7, peuvent être réalisés gratuitement la mise à disposition, la location ou le prêt à usage de :
« 1° Biens meubles, dont le ministère de la défense n’a plus l’emploi, à des associations ou organismes agissant pour la préservation ou la mise en valeur du patrimoine militaire ou contribuant au renforcement du lien entre la Nation et son armée ;
« 2° Matériels nécessaires à la pratique du vol à voile et du parachutisme, prévus à l’article L. 6611-1 du code des transports, au profit d’associations aéronautiques agréées. Dans l’un et l’autre cas, le contrat a pour effet de transférer auxdites associations la responsabilité des dommages causés par les matériels loués ou prêtés. » ;
2° La deuxième phrase du 6° de l’article L. 3212-2 est supprimée.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. La préservation et la mise en valeur du patrimoine militaire contribuent au renforcement du lien entre la Nation et son armée. Il est souhaitable que le droit positif en matière de cession et de mise à disposition de biens à titre gratuit évolue afin de rendre pleinement effectifs ces mécanismes et de développer des partenariats avec les collectivités territoriales et les associations en ce domaine.
Ainsi, le présent amendement vise à permettre la mise à disposition à titre gratuit des biens meubles dont le ministère de la défense n’a plus l’emploi aux seuls associations et organismes agissant pour la préservation ou la mise en valeur du patrimoine militaire ou contribuant au renforcement du lien entre la Nation et son armée. Il tend aussi à supprimer le plafond limitant le mécanisme de cession à titre gratuit de ces biens dans les seuls cas où les cessions ont pour destinataires de telles associations. Je précise que les cessions de biens ou de matériels ne donnent pas le droit de les mettre en vente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Cette proposition de mise à disposition de biens meubles va dans le bon sens. Elle donnera plus de fluidité aux cessions d’aéronefs de collection à des associations mettant en valeur le patrimoine militaire.
Avis favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 11.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 202 rectifié, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les militaires en service dans les armées françaises du 2 août 1914 au 11 novembre 1918 ayant été condamnés à mort pour désobéissance militaire ou mutilation volontaire par les conseils de guerre spéciaux créés par le décret du 6 septembre 1914 relatif au fonctionnement des conseils de guerre ainsi que par les conseils de guerre rétablis par la loi du 27 avril 1916 relative au fonctionnement et à la compétence des tribunaux militaires en temps de guerre et dont la condamnation a été exécutée font l’objet d’une réhabilitation générale et collective, civique et morale. La Nation reconnaît que ces soldats ont été victimes d’une justice expéditive, instrument d’une politique répressive, qui ne respectait pas les droits de la défense et ne prenait pas en compte le contexte de brutalisation extrême auquel les soldats étaient soumis.
Les nom et prénom des intéressés sont inscrits sur les monuments aux morts.
Un monument national est érigé en vue de rendre hommage à la mémoire des « fusillés pour l’exemple ».
Le présent article n’est pas applicable aux militaires dont la situation a été révisée par la Cour de cassation, sur le fondement de la loi du 29 avril 1921 relative à l’amnistie et de la loi du 3 janvier 1925 portant amnistie, et par la Cour spéciale de justice militaire instituée par la loi du 9 mars 1932 créant une Cour spéciale de justice militaire chargée de la révision des jugements rendus dans la zone des opérations des armées de terre et de mer par des juridictions d’exception.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement vise à réhabiliter les militaires arbitrairement condamnés à mort et fusillés pour l’exemple pour désobéissance militaire pendant la Première Guerre mondiale. Nous reprenons ainsi la proposition de loi de notre collègue Bastien Lachaud, adoptée à l’Assemblée nationale et rejetée par le Sénat en février dernier après un riche débat.
Depuis cette date, la majorité sénatoriale, inquiète d’une réécriture de l’histoire, a soumis à l’adoption du Sénat deux propositions de résolution, l’une relative à la reconnaissance du génocide des Assyro-Chaldéens de 1915-1918, l’autre à la reconnaissance du génocide ukrainien de 1932-1933, l’Holodomor. Face à cette disposition nouvelle de la majorité consistant à interroger la mémoire des Nations, je me permets de poser à nouveau le cas des fusillés pour l’exemple de la Grande Guerre.
Le présent amendement vise à réhabiliter 639 soldats et à conclure le travail mémoriel engagé au Parlement dès 1916, ou, plus récemment, par Lionel Jospin comme par Nicolas Sarkozy. Il s’agit au travers de ce texte de rassembler la Nation en réparant tant bien que mal les injustices commises à l’encontre de ces fusillés, injustices dont le souvenir reste très vif, notamment au sein de leurs familles.
Mme la présidente. L’amendement n° 152 rectifié, présenté par M. P. Laurent, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les « fusillés pour l’exemple » de la Première Guerre mondiale font l’objet d’une réhabilitation générale et collective et, en conséquence, la Nation exprime officiellement sa demande de pardon à leurs familles et à la population du pays tout entier. Leurs noms sont portés sur les monuments aux morts de la guerre de 14-18 et la mention « mort pour la France » leur est accordée.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Au groupe CRCE, la question des fusillés pour l’exemple nous tient à cœur. Je tiens à rendre hommage à l’ancien sénateur Guy Fischer qui, avec brio, avait porté cette question dans l’hémicycle. En effet, ce qui était à l’époque le groupe communiste, républicain et citoyen avait déposé en 2013 une proposition de loi visant à répondre à la demande juridique et mémorielle de réhabilitation.
Notre amendement a donc pour objet de réhabiliter l’ensemble des soldats fusillés pour l’exemple durant la Première Guerre mondiale. En effet, nous considérons qu’il n’est pas possible de faire le tri, plus de cent ans après, entre les soldats fusillés à tort, victimes de condamnations arbitraires ou abusives, et ceux dont l’exécution était justifiée. L’adoption de cet amendement serait un acte de fraternité pour la mémoire de ces hommes qui, jetés dans l’arène meurtrière des tranchées, furent vaincus par l’épuisement.
Mes chers collègues, sachant qu’il n’y a désormais plus de témoins et que beaucoup de preuves sont en partie détruites, je vous demande de réfléchir à notre proposition. De nombreuses associations, ainsi que la Ligue des droits de l’homme, réclament cette mesure. Il est temps de réhabiliter les fusillés pour l’exemple. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Il s’agit d’un sujet d’une grande gravité, mais aussi d’une grande complexité. Vous vous en souvenez, il a fait l’objet d’une discussion dans cet hémicycle en février dernier lors de l’examen en première lecture d’une proposition de loi qui a été rejetée.
En cohérence avec ce que le Sénat a décidé il y a quelques mois, j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. Je répéterai ce que j’ai avancé ici même le 2 février dernier lors de l’examen de la proposition de loi visant à réhabiliter les militaires « fusillés pour l’exemple » durant la Première Guerre mondiale.
Votre proposition heurte le monde combattant, notamment du fait de l’inscription des noms sur les monuments aux morts.
Depuis la Première Guerre mondiale, les assemblées parlementaires ont déjà débattu de lois d’amnistie et de révision. Leur conclusion a toujours été la même : à une condamnation individuelle ne peut répondre qu’une réhabilitation individuelle.
Une réhabilitation générale poserait problème : si certains fusillés pour l’exemple ont été condamnés à l’issue d’une justice militaire expéditive, d’autres l’ont été à raison de crimes qui ne sont pas pardonnables. C’est la raison pour laquelle toute réhabilitation doit demeurer du ressort de la justice, afin de ne pas empiéter sur le principe de séparation des pouvoirs. Au travers de vos amendements, vous semblez méconnaître ce principe constitutionnel.
Je demande donc le retrait de ces amendements dont l’objet n’a pas de lien avec la LPM.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Pour faire court, je trouve les deux avis, singulièrement celui de la secrétaire d’État, désolants d’inhumanité.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. On nous répond que ces amendements n’entrent pas dans le cadre du débat. Mais des études historiques ont été réalisées à propos de ces 639 soldats et il faut désormais avancer.
Madame la secrétaire d’État, regardez cette question de près. Cette réhabilitation doit avoir lieu, et elle aura lieu ; autant y procéder le plus rapidement possible.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur Laurent, je ne peux pas vous laisser tenir ces propos. Depuis le 4 juillet 2022, date de ma nomination, j’ai expliqué à plusieurs reprises qu’une réhabilitation devait être individuelle. Des demandes ont abouti, d’ailleurs : des fusillés ont retrouvé, pour ainsi dire, leur honneur. Je vous invite donc à examiner les archives, comme l’ont fait certaines familles.
Une assemblée parlementaire ne saurait rendre la justice. Il n’est donc pas possible de satisfaire votre demande.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 152 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 11 bis (nouveau)
L’article L. 511-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions sont également applicables aux personnes étrangères exécutées ou tuées sur le territoire national en qualité d’otages. » – (Adopté.)
Après l’article 11 bis
Mme la présidente. L’amendement n° 51 rectifié, présenté par Mme Belrhiti, MM. Belin, Burgoa, Bouchet, Chauvet et Daubresse, Mmes Del Fabro, Drexler, Dumas et Dumont, M. B. Fournier, Mme Garriaud-Maylam, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin et Imbert, M. Klinger, Mmes Lassarade et Lopez, MM. Meignen et Pellevat et Mmes Perrot, Raimond-Pavero et Tetuanui, est ainsi libellé :
Après l’article 11 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 515-1 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, après les mots : « ou du dernier domicile », sont insérés les mots : « ou du lieu d’inhumation ».
La parole est à M. Laurent Burgoa.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Le présent amendement vise à rendre enfin possible l’inscription des noms des militaires morts pour la France sur le monument aux morts de la commune où ils sont inhumés.
Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. Cet amendement permet non seulement de réaffirmer le lien mémoriel entre les territoires et les soldats tombés pour la Nation, mais aussi et surtout de répondre à un souhait des familles.
Avis très favorable. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Mouiller. Bravo !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 11 bis.
L’amendement n° 189, présenté par Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Après l’article 11 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 114-8 du code du service national, après le mot : « accrédité », sont insérés les mots : « et sauf circonstances exceptionnelles ».
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Il s’agit de bien réaffirmer le caractère impératif de la journée défense et citoyenneté pour les jeunes Français de l’étranger.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire lors la discussion générale, il est impératif que ces jeunes, qu’ils soient mononationaux ou binationaux – et peut-être plus encore dans ce dernier cas –, aient accès à une connaissance de notre outil de défense et de nos enjeux géostratégiques.
Je rappelle que le Quai d’Orsay avait tout bonnement décidé de supprimer la JDC pour les Français de l’étranger… (Oh ! sur plusieurs travées.)
M. Rachid Temal. Ce n’est pas possible…
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. … pour de prétendues raisons budgétaires. Cela est évidemment inadmissible ; qui plus est, cette journée ne coûte quasiment rien.
J’avais fait adopter en 2018 un amendement visant à modifier le code du service national pour qu’il soit fourni aux élus des Français de l’étranger une liste des postes organisant la JDC. Pourtant, en cinq ans, je n’ai reçu aucune réponse.
Il est vraiment indispensable, à l’heure où elle devient un enjeu d’influence, d’assurer la pérennité de cette journée. Je félicite le ministère des armées d’avoir organisé pendant la crise du covid 19 des formations JDC sur internet. Malheureusement, les Français de l’étranger n’y ont pas eu accès.
Je connais les difficultés rencontrées par certains postes ; il est donc prévu une dispense d’organisation de cette journée en cas de circonstances exceptionnelles.
Cet enjeu est très important, n’en déplaise à mes collègues de France métropolitaine !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. L’amendement visant à prendre en compte les circonstances exceptionnelles, j’émets un avis favorable… (Sourires sur plusieurs travées.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, la JDC étant obligatoire pour les jeunes Français à l’étranger, conformément aux articles L. 114-8, R. 112-16 et R. 112-17 du code du service national, l’amendement est satisfait. Il n’en reste pas moins qu’il faut appliquer ces dispositions.
Avis de sagesse.
Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, d’avoir souligné que cette journée était obligatoire. Pour autant, elle n’est pas mise en place ; d’où l’importance de voter cet amendement.
M. Rachid Temal. Rien ne changera…
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 189.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 11 bis.
Article 12
(Non modifié)
I. – La quatrième partie du code de la défense est ainsi modifiée :
1° Après l’article L. 4123-2-1, il est inséré un article L. 4123-2-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 4123-2-2. – Sauf en cas de préjudice imputable à une faute personnelle du militaire ou à toute autre circonstance particulière détachables du service, ont droit à la réparation intégrale du dommage subi, à la charge de l’État, les militaires blessés ou ayant contracté une maladie par le fait ou à l’occasion :
« 1° D’une opération de guerre ;
« 2° D’une opération qualifiée d’opération extérieure, dans les conditions prévues à l’article L. 4123-4 ;
« 3° D’une mission mobilisant des capacités militaires, se déroulant sur le territoire national ou hors de celui-ci, visant à la défense de la souveraineté ou des intérêts de la France ou à la préservation de l’intégrité de son territoire, d’une intensité et d’une dangerosité particulières assimilables à celles d’une opération extérieure ;
« 4° D’exercices ou de manœuvres de mise en condition des forces ayant spécifiquement pour objet la préparation au combat. » ;
2° À l’article L. 4251-7, les mots : « de dommages physiques ou psychiques subis pendant les périodes » sont remplacés par les mots : « d’une blessure physique ou psychique ou ayant contracté une maladie pendant une période ».
II. – Le premier alinéa de l’article L. 133-1 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre est complété par les mots : « lorsque les infirmités pensionnées sont la cause directe et déterminante du besoin d’assistance ».
III. – Le présent article est applicable aux demandes de réparation n’ayant pas donné lieu à une décision passée en force de chose jugée avant la publication de la présente loi.
Mme la présidente. L’amendement n° 246, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
III. – Le I du présent article est applicable à toutes les créances dont le fait générateur est survenu dans les quatre années civiles précédant celle de la publication de la présente loi.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. La rédaction actuelle de l’article 12 permet une application immédiate du dispositif de réparation intégrale à des créances en cours d’instruction et, par conséquent, à des faits générateurs antérieurs à la promulgation de la loi.
Cette rédaction est imparfaite : elle conduirait, pour un dommage ayant eu lieu à une même date, à une iniquité entre les militaires qui ont engagé des démarches pour obtenir réparation et ceux qui ne l’ont pas fait.
Cet amendement vise à éviter cet écueil. Ainsi, le militaire qui est éligible à la réparation intégrale pourra bénéficier de cette clause de rattrapage, à condition que le fait générateur soit survenu dans les quatre années civiles précédant celle de la publication de la présente loi, en cohérence avec la durée de la prescription quadriennale prévue dans la loi du 31 décembre 1968.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Cette mesure est favorable aux militaires qui s’étaient vu jusqu’à présent opposer un refus de réparation intégrale dans ce laps de temps.
Avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 12, modifié.
(L’article 12 est adopté.)
Après l’article 12
Mme la présidente. L’amendement n° 248, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le livre III du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre est ainsi modifié :
1° À l’intitulé du livre, le mot : « retraite » est remplacé par les mots : « allocation de reconnaissance » ;
2° L’article L. 311-2 est ainsi modifié :
a) Les premier et deuxième alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« Peuvent prétendre à la qualité de combattant, lorsqu’ils ont participé, en vertu des décisions des autorités françaises, au sein d’unités françaises ou alliées ou de forces internationales, soit à des conflits armés, soit à des opérations ou missions menées conformément aux obligations et engagements internationaux de la France, les militaires des forces armées françaises et les civils qui ont :
« 1° Soit participé à des actions de feu ou de combat, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État ;
« 2° Soit accompli une durée minimale de service, fixée par ce même décret. » ;
b) Au début du dernier alinéa, sont insérés les mots : « Sous réserve de la procédure spécifique prévue à l’article L. 4123-4 du code de la défense, » ;
3° L’article L. 311-3 est ainsi modifié :
a) Les mots : « militaires qui, du fait des opérations mentionnées » sont remplacés par les mots : « personnes qui, du fait des conflits, opérations ou missions définis » ;
b) Il est complété par les mots : « , lorsque celles-ci sont applicables » ;
4° Au premier alinéa de l’article L. 331-1, les mots : « militaires des forces armées françaises et les personnes civiles qui ont participé aux conflits et opérations » sont remplacés par les mots : « personnes qui ont participé aux conflits, opérations ou missions » ;
5° À l’intitulé du titre II, les mots : « La retraite » sont remplacés par les mots : « L’allocation de reconnaissance ».
II. – L’article L. 222-2 du code de la mutualité est ainsi modifié :
1° Le 4° est abrogé ;
2° Le 7° est ainsi rédigé :
« 7° Des militaires des forces armées françaises et des personnes civiles titulaires de la carte du combattant ou du titre de reconnaissance de la Nation, du fait de leur participation aux conflits, opérations ou missions mentionnés à l’article L. 311-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, ainsi que des conjoints survivants, orphelins ou ascendants des militaires ou des civils décédés du fait de leur participation à ces mêmes conflits, opérations ou missions. »
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. Cet amendement a pour objet de clarifier et de rationaliser les critères d’attribution de la qualité de combattant et des avantages qui en constituent le corollaire.
L’attribution de la qualité de combattant traduit la nécessité impérieuse pour la Nation de reconnaître l’engagement de ceux qui ont assuré son salut en participant soit à des conflits armés, soit à des opérations ou missions menées conformément aux obligations et engagements internationaux de la France.
Face à la multiplication des opérations extérieures, il paraît désormais nécessaire de clarifier et de rationaliser les conditions d’octroi de ladite qualité. Cette reconnaissance s’exprime notamment par la délivrance de la carte du combattant en cas de participation à des actions de feu ou de combat, ou après au moins quatre mois de service accompli sur un théâtre d’opérations.
Compte tenu des contingences matérielles liées aux conditions de rapatriement des troupes, le critère fixé par la loi paraît très rigide : il entraîne des inégalités au détriment de certains militaires contraints de quitter le théâtre d’opérations juste avant d’avoir accompli ces quatre mois. Ce sont ainsi 200 militaires par an qui se voient refuser la carte du combattant, parfois à moins d’une semaine près de service en opération extérieure, ou même à un jour près.
Pour remédier à cette situation insatisfaisante, il est prévu, au regard de la reconnaissance que la Nation doit à ses combattants, de renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de définir la durée de participation à des actions de feu ou de combat. Il s’agit d’assouplir les règles de computation en fixant cette durée à seize semaines et en précisant que toute semaine commencée sera intégralement prise en compte. Le seuil de participation aux opérations extérieures aujourd’hui exigé ne sera nullement modifié.
À titre subsidiaire, le présent amendement tend également à clarifier la rédaction imprécise des articles portant sur les conditions d’attribution de la qualité de combattant et de ses corollaires.
L’objectif étant de régler la situation de ceux auxquels il manque quelques jours, voire un seul jour, de service, je propose d’abaisser, en fait, légèrement le seuil, la logique suivie étant de reconnaissance et non pas de rationnement.
Enfin, j’ai une pensée pour tous les soldats tombés lors d’opérations extérieures. Pour leur rendre hommage, cet amendement mériterait d’être voté par toute votre assemblée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie des précisions que vous venez d’apporter. La commission prend note des modifications du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, qui visent à harmoniser le régime des combattants et celui des bénéficiaires de la reconnaissance de la Nation.
Nous avions peur, à la lecture de l’amendement, que la fixation par décret ne vise à augmenter la durée nécessaire pour bénéficier de ce statut. Vous venez d’indiquer qu’il s’agissait, au contraire, d’ajuster à la baisse la durée minimale requise.
Cet amendement allant dans le sens de l’intérêt des soldats, j’émets un avis favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 12.
L’amendement n° 247, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre est ainsi modifié :
1° Les 1° et 2° de l’article L. 411-2 sont ainsi rédigés :
« 1° Les enfants nés au plus tard dans les trois cents jours suivant le constat de l’incapacité dans laquelle se trouve l’un des parents ou le soutien de famille de pourvoir à ses obligations et charges de famille, en raison de blessures reçues ou de maladies contractées ou aggravées du fait d’un événement de guerre ;
« 2° Les enfants nés au plus tard dans les trois cents jours suivant le constat de l’incapacité dans laquelle se trouve l’un des parents ou le soutien de famille de pourvoir à ses obligations et charges de famille, en raison des infirmités contractées du fait d’un acte de terrorisme dont il a été victime ; »
2° Le 2° de l’article L. 411-3 est ainsi rédigé :
« 2° Aux enfants nés au plus tard dans les trois cents jours suivant le constat de l’incapacité dans laquelle se trouve l’un des parents ou le soutien de famille de pourvoir à ses obligations et charges de famille, en raison de blessures reçues ou de maladies contractées ou aggravées au cours des opérations mentionnées au 1°. »
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. Cet amendement a pour objet d’étendre l’attribution de la qualité de pupille de la Nation aux enfants nés dans les trois cents jours suivant le constat de l’incapacité de l’un des parents. Il s’agit d’une attente forte des militaires et de leurs familles, et d’une reconnaissance de leur engagement.
Cette extension permettra une meilleure prise en compte des aggravations des affections et des blessures psychiques postérieures au retour d’opérations extérieures. Elle aura aussi le mérite de réduire les ruptures d’égalité dans les fratries en fonction de la date de naissance des enfants. Elle sera également appliquée aux enfants dont l’un des parents se trouve empêché après avoir été victime d’un acte de terrorisme.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. L’amendement va dans le bon sens puisqu’il vise à corriger une situation qui était parfaitement anormale. En effet, au sein d’une même fratrie, l’enfant d’un soldat ayant été blessé ou ayant donné sa vie pour notre pays pouvait être déclaré pupille de la Nation, tandis que sa sœur ou son frère ne bénéficiait pas de ce statut.
Avis favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 12.
Article 12 bis
(Non modifié)
À la première phrase du 4° de l’article L. 121-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, les mots : « à compter du quatre-vingt-dixième jour de service effectif et » sont supprimés.
Mme la présidente. L’amendement n° 249, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le 4° de l’article L. 121-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « à compter du quatre-vingt-dixième jour de service effectif et » sont supprimés ;
2° La dernière phrase est supprimée.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. L’article 12 bis du présent projet de loi de programmation militaire, issu d’un amendement gouvernemental présenté à l’Assemblée nationale, vise à supprimer totalement le principe d’un délai de carence de quatre-vingt-dix jours en matière de présomption d’imputabilité d’une maladie survenant lors d’une opération extérieure.
L’évocation du délai de carence ainsi supprimé subsiste toutefois dans un alinéa du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre. Le présent amendement, purement rédactionnel, vise à supprimer cette scorie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 12 bis, modifié.
(L’article 12 bis est adopté.)
Article 13
(Non modifié)
L’article L. 4123-1 du code de la défense est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de décès du militaire en service, sa rémunération est versée pour l’intégralité du mois concerné. » – (Adopté.)
Après l’article 13
Mme la présidente. L’amendement n° 178, présenté par Mme M. Vogel, MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° du III de l’article L. 4122-4 du code de la défense est complété par les mots : « ou y ayant contribué dans les conditions prévues au 1° ou 2° de l’article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée ».
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement vise à améliorer la protection des lanceuses et lanceurs d’alerte dans l’armée.
Afin de bien comprendre les enjeux, il faut remonter à la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, qui a consacré un certain nombre de protections pour les lanceuses et lanceurs d’alerte dans les entreprises privées, mais aussi dans l’armée. Cette loi était une bonne avancée, mais la protection des personnes concernées restait incomplète. Ces hommes et ces femmes s’exposent à d’énormes risques : ils sont souvent victimes de représailles telles que la rétrogradation, l’intimidation et le fichage.
Dans ce contexte, une directive européenne est venue compléter en 2019 les protections déjà existantes. La loi du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte a permis de la transposer en droit français. Elle a en particulier permis de mieux protéger les personnes qui aident une lanceuse ou un lanceur d’alerte ; il peut s’agir d’autres employés de l’entreprise, ou encore d’associations engagées pour la transparence, qui savent ce qu’il faut éviter de faire et auxquelles des informations sont confiées.
À cette occasion, certaines dispositions ont été élargies aux militaires. Un amendement de la rapporteure Catherine Di Folco, que je tiens à remercier, a rendu les articles 6, 8, 10-1, 12-1 et 13-1 de la loi du 9 décembre 2016 applicables aux militaires. Toutefois, la commission avait alors omis de leur rendre applicable l’article 6-1. Or il s’agit d’un article essentiel qui protège les personnes aidant les lanceuses et lanceurs d’alerte.
Cet amendement vise à corriger cette omission pour protéger les personnes physiques en lien avec les lanceuses et lanceurs d’alerte, ainsi que les facilitatrices et facilitateurs.
M. Christian Cambon, rapporteur. Cet amendement est satisfait.
La loi du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte a introduit dans la loi du 9 décembre 2016 un article 6-1 qui étend le dispositif de protection aux facilitateurs, c’est-à-dire ceux qui aident de bonne foi les lanceurs d’alerte. Cette extension vaut pour tous les cas de figure, que le facilitateur soit salarié du privé, fonctionnaire ou militaire.
Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Comme l’a indiqué M. le rapporteur, la loi intégrait déjà cette disposition.
L’amendement étant satisfait, j’en demande également le retrait.
Mme la présidente. Monsieur Gontard, l’amendement n° 178 est-il maintenu ?
M. Guillaume Gontard. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 178 est retiré.
L’amendement n° 179 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° de l’article L. 4123-10-1 du code de la défense est ainsi modifié :
1° Après le mot : « sexuelle », sont insérés les mots : « ou sexiste » ;
2° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Le harcèlement sexuel est également constitué :
« a) Lorsqu’un même militaire subit de tels propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;
« b) Lorsqu’un même militaire subit de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition ; ».
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Seuls les actes répétés sont constitutifs de harcèlement. Telle est la spécificité de cette infraction, qui rend cette dernière difficile à poursuivre et aggrave de ce fait la situation des victimes.
La définition du harcèlement est cependant complexe, dans la mesure où il arrive que la victime soit harcelée par plusieurs personnes qui se concertent. Dans ce cas, les actes de chaque auteur peuvent paraître isolés si ceux des autres ne sont pas pris en compte. En considérant l’ensemble du système, il apparaît que ces agissements constituent bel et bien du harcèlement.
Pendant longtemps, ces situations extrêmement graves sont restées méconnues. Puis la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail a élargi la définition du harcèlement. L’article 1er de cette loi dispose qu’un salarié est victime de harcèlement sexuel lorsqu’il subit « de tels propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ».
Le problème est que la loi de 2021, qui modifie le seul code du travail, ne s’applique pas aux militaires. Il est urgent d’y remédier et d’élargir la définition du harcèlement, également, dans le code de la défense.
L’adoption de notre amendement permettrait, en outre, que soit reconnu le harcèlement sexiste, lequel est inscrit désormais dans le code du travail, mais toujours pas dans le code de la défense. Nous proposons de mettre ce dernier à jour afin de l’harmoniser avec le code du travail.
Cette modification représenterait une réelle avancée pour nos soldats et permettrait d’accorder certaines protections aux victimes. Ainsi, le fait d’empêcher une personne de signaler un cas de harcèlement sexiste serait puni d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 15 000 euros.
M. Christian Cambon, rapporteur. Cet amendement, qui vise à aligner la définition du harcèlement sexiste inscrite dans le code de la défense sur celle, plus large et précise, du code du travail, est bienvenu.
Avis très favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 13.
L’amendement n° 180 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 4123-10-2 du code de la défense est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « agissements » est remplacé par les mots : « propos ou comportements » ;
2° Après le cinquième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Les faits décrits aux a à c du présent article sont également constitués :
« 1° Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;
« 2° Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition. » ;
3° Au sixième alinéa, après les mots : « a à c », sont insérés les mots : « et aux sixième à huitième alinéas ».
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement, également proposé par notre collègue Mélanie Vogel, vise à mettre à jour le code de la défense pour tenir compte d’une évolution législative récemment intervenue. Il s’agit d’adapter la définition du harcèlement moral applicable aux militaires.
D’une part, l’amendement tend à définir le harcèlement moral en faisant référence non plus à des « agissements », comme c’est actuellement le cas, mais à des « propos ou comportements », qui sont les termes figurant dans le code pénal.
D’autre part, il vise à prendre en compte les situations spécifiques de harcèlement exercé par plusieurs auteurs.
Nous cherchons à mieux protéger nos militaires et à faciliter le signalement des faits. Ainsi, la suspension des militaires qui signalent des faits de harcèlement serait interdite.
Ces modifications peuvent paraître techniques, mais elles sont essentielles pour les centaines de soldats qui sont victimes de harcèlement dans nos forces armées. Tel est le cas, par exemple, d’Antoine, qui a témoigné dans l’émission Complément d’enquête en janvier 2022 : lors du premier jour passé avec son escadron dans une base aérienne en Corse, il a été cagoulé par ses nouveaux camarades, qui lui ont attaché les mains et les chevilles avant de le lier à un poteau servant de cible aux avions de chasse qui effectuent des essais de tir. Laissé là, immobile, il ne pouvait rien faire, tandis qu’un avion de chasse tirait à balles réelles sur des cibles à proximité.
Le bizutage dont Antoine a été victime est tout simplement inacceptable, mais il y a pire : il n’est pas la seule victime. Cette pratique ainsi que le harcèlement sont malheureusement systématiques et trop souvent couverts par la hiérarchie militaire.
Il faut des changements concrets et palpables. Par notre amendement, nous souhaitons apporter une brique à l’édifice en mettant à jour la définition du harcèlement moral dans l’armée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. La commission approuve l’harmonisation de la définition du harcèlement moral prévue dans le code de la défense avec celle du code pénal.
Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Sur le fond, l’avis est favorable.
On me signale toutefois une erreur de référence – une petite difficulté que l’on devrait pouvoir surmonter – : le code pénal distingue le harcèlement moral et le harcèlement moral au travail. Il fallait donc cibler non pas l’article 222-33-2-2 du code pénal, mais l’article 222-33-2 de ce même code.
Pour que nous puissions d’avancer, j’émets un avis de sagesse favorable, à charge pour le législateur de corriger cette disposition lors de la commission mixte paritaire ou des étapes suivantes, en retenant la rédaction la plus efficiente.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 13.
L’amendement n° 288, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 326-3 du code général de la fonction publique est ainsi rédigé :
« Art L. 326-3. – Le conjoint ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité d’un agent civil relevant du ministère de la défense, d’un fonctionnaire des services actifs et scientifiques de la police nationale, d’un personnel administratif et spécialisé relevant du ministère de l’intérieur et des outre-mer ainsi que d’un agent des douanes, décédé dans l’exercice de ses fonctions peut être, à titre exceptionnel, recruté sans concours dans un corps de fonctionnaires de la catégorie B du ministère dont le conjoint ou partenaire décédé relevait, sous réserve de remplir les critères d’accès à cette catégorie. »
II. – L’article L. 243-1 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre est ainsi modifié :
1° Au début, les mots : « Par dérogation aux dispositions des articles 19 et 22 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, » sont supprimés ;
2° Les mots : « du personnel militaire, du personnel civil relevant du ministère de la défense, ainsi que ceux des fonctionnaires des services actifs de la police nationale, dont le décès est en relation avec » sont remplacés par les mots : « des militaires décédés dans », les mots : « le corps des secrétaires administratifs » par les mots : « un corps de fonctionnaires de la catégorie B » et les mots : « sous réserve de remplir les critères d’accès à la catégorie B, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État » par les mots : « dans les conditions prévues par l’article L. 326-3 du code général de la fonction publique ».
La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Si cet amendement a été déposé au nom du Gouvernement, il repose également sur des motivations personnelles. J’ai en effet été confronté aux difficultés des familles et des conjointes ou conjoints de soldats tués en mission. Vous le savez, dans ces situations, on propose toujours au conjoint survivant, s’il le souhaite, d’intégrer le ministère des armées.
Or le cadre d’emploi retenu pour ces conjoints survivants relève toujours des filières administratives. Pour de nombreuses raisons que je n’évoquerai pas ici, nous souhaitons élargir le champ des emplois proposés aux catégories B de la fonction publique, ce qui permet l’accès aux unités ou aux différents services du ministère.
L’adoption de cet amendement de bon sens permettrait de régler quelques cas bien précis.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Il s’agit d’une mesure pertinente qui permettra à ces personnes touchées par un grave malheur personnel de valoriser leurs compétences dans un emploi correspondant davantage à leurs savoir-faire et à leur formation.
La commission est favorable à cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 13.
Article 14
I. – Le code de la défense est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 2171-1 est ainsi rédigé :
« En cas de menace humaine ou naturelle, actuelle ou prévisible, pesant sur les activités essentielles à la vie de la Nation, sur la protection de la population, sur l’intégrité du territoire ou sur la permanence des institutions de la République ou de nature à justifier la mise en œuvre des engagements internationaux de l’État en matière de défense, le recours au dispositif de réserve de sécurité nationale peut être décidé par décret en Conseil des ministres. » ;
2° Après l’article L. 2171-2, il est inséré un article L. 2171-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2171-2-1. – Lorsque le recours à la réserve opérationnelle militaire apparaît suffisant pour répondre aux circonstances mentionnées à l’article L. 2171-1, le décret en conseil des ministres mentionné au même article L. 2171-1 peut habiliter le ministre de la défense ou, pour les militaires de la gendarmerie nationale, le ministre de l’intérieur à procéder, par arrêté, à l’appel ou au maintien en activité des réservistes soumis à l’obligation de disponibilité au titre de l’article L. 4231-1, dans les conditions prévues à l’article L. 2171-2. » ;
3° L’article L. 4138-14 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « enfant », la fin de la première phrase du troisième alinéa est ainsi rédigée : « et, le cas échéant, à la réserve militaire. » ;
b) La deuxième phrase du même troisième alinéa est supprimée ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le militaire placé en congé parental peut demander à souscrire un engagement à servir dans la réserve opérationnelle militaire. Les conditions d’application du présent alinéa sont précisées par décret en Conseil d’État. » ;
4° Les deux premières phrases du dernier alinéa de l’article L. 4138-16 sont remplacées par une phrase ainsi rédigée : « Le militaire placé en congé pour convenances personnelles peut demander à souscrire un engagement à servir dans la réserve opérationnelle militaire. » ;
5° L’article L. 4138-17 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque ce militaire a souscrit un engagement à servir dans la réserve pendant l’un de ces congés, il recouvre ses droits à avancement dans l’armée d’active, au prorata du nombre de jours d’activité accomplis au titre de ce contrat d’engagement à servir dans la réserve, dans des conditions précisées par décret en Conseil d’État. » ;
6° Avant le dernier alinéa de l’article L. 4139-9, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’officier placé en disponibilité peut demander à souscrire un engagement à servir dans la réserve opérationnelle militaire. Les services rendus au titre de ce contrat d’engagement à servir dans la réserve sont pris en compte en totalité pour l’avancement dans l’armée d’active, au choix et à l’ancienneté. La rémunération prévue au deuxième alinéa du présent article est suspendue lorsque le militaire accomplit des services dans la réserve opérationnelle. Les conditions d’application du présent alinéa sont précisées par décret en Conseil d’État. » ;
7° Le III de l’article L. 4211-1 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « comme », sont insérés les mots : « à l’étranger ou » et, après le mot : « défense », sont insérés les mots : « , d’encourager l’engagement de la jeunesse dans le lien avec son armée » ;
b) Le c du 1° est ainsi rédigé :
« c) Les militaires d’active, dans les cas prévus à l’article L. 4211-1-1 ; »
8° L’article L. 4211-1-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 4211-1-1. – Le militaire d’active peut souscrire un engagement à servir dans la réserve opérationnelle militaire dans les seuls cas prévus aux articles L. 4138-14, L. 4138-16 et L. 4139-9. » ;
9° L’article L. 4211-2 est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Posséder les aptitudes requises pour l’emploi qu’il occupe dans la réserve opérationnelle. » ;
9° bis L’article L. 4211-7 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le réserviste inscrit dans un établissement d’enseignement supérieur est informé de la possibilité, offerte à l’article L. 611-9 du code de l’éducation, de faire valider, au titre de sa formation, les compétences, les connaissances et les aptitudes acquises dans la réserve opérationnelle militaire. » ;
10° L’article L. 4221-1 est ainsi modifié :
aa) Au 2°, après le mot : « opérations », sont insérés les mots : « et activités » ;
a) Au 5°, après le mot : « entreprise », sont insérés les mots : « , d’un établissement de santé privé, d’une association ou d’une mutuelle lorsque l’intérêt de la défense ou de la sécurité nationale le justifie, » et les mots : « L. 4221-7 à » sont remplacés par les mots : « L. 4221-8 et » ;
b) À la fin du huitième alinéa, les mots : « ou au 3° de l’article L. 4221-4-1 » sont supprimés ;
b bis) L’avant-dernier alinéa est complété par les mots : « , à titre permanent ou temporaire » ;
c) Le dernier alinéa est ainsi modifié :
– les mots : « d’un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel » sont remplacés par les mots : « d’un établissement public à caractère industriel et commercial, d’un établissement de santé public, d’un groupement de coopération sanitaire, d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public en relevant, d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante, d’un groupement d’intérêt public » ;
– sont ajoutés les mots : « , dans des conditions précisées par décret en Conseil d’État » ;
11° L’article L. 4221-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 4221-2. – Nul ne peut appartenir à la réserve opérationnelle au-delà de soixante-douze ans. » ;
12° L’article L. 4221-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les réservistes spécialistes peuvent être promus dans un grade supérieur, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, lorsque leur activité dans la réserve opérationnelle les fait progresser en niveau d’expertise ou de responsabilité. » ;
13° L’article L. 4221-4 est ainsi modifié :
aa) (nouveau) Au premier alinéa, les mots : « doit prévenir l’employeur de son absence un mois au moins avant le début de celle-ci » sont remplacés par les mots : « prévient son employeur dans le délai de préavis mentionné aux articles L. 3142-94-2 et L. 3142-94-3 du code du travail » ;
a) À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « cinq jours par année civile » sont remplacés par les mots : « la durée de son autorisation d’absence annuelle mentionnée aux articles L. 3142-94-2 et L. 3142-94-3 du code du travail » ;
b) À la première phrase du troisième alinéa, les mots : « , imprévues et urgentes » sont remplacés par les mots : « et imprévues » ;
c) Le dernier alinéa est complété par les mots : « ou le ministre de l’intérieur pour les réservistes de la gendarmerie nationale » ;
14° L’article L. 4221-4-1 est abrogé ;
15° Au second alinéa de l’article L. 4221-6, les mots : « mentionnés au dernier alinéa de l’article L. 4138-16 » sont remplacés par les mots : « d’active mentionnés à l’article L. 4211-1-1 » ;
16° L’article L. 4221-7 est abrogé ;
17° Au premier alinéa de l’article L. 4221-8, les mots : « de l’article L. 4221-7 » sont remplacés par les mots : « du 5° de l’article L. 4221-1 » ;
18° L’article L. 4231-1 est ainsi modifié :
a) (nouveau) Le 1° est complété par les mots : « et dans la limite des cinq ans à compter de la fin de leur engagement, sauf en cas de refus explicitement mentionné par le réserviste » ;
b) À la fin du 2°, les mots : « la fin de leur lien au service » sont remplacés par les mots : « leur radiation des cadres ou des contrôles, et au plus tard jusqu’à l’âge mentionné à l’article L. 4221-2 » ;
19° L’article L. 4231-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 4231-2. – Les anciens militaires mentionnés au 2° de l’article L. 4231-1 qui n’ont pas souscrit un contrat d’engagement à servir dans la réserve opérationnelle sur le fondement du titre II du présent livre peuvent être convoqués pour être évalués ou pour assurer leur maintien en compétences, pour une durée qui ne peut excéder un total de cinq jours par an sur une période de cinq ans. À cette fin, ils sont tenus de faire connaître à l’autorité militaire tout changement de domicile ou de résidence ainsi que de situation professionnelle pendant la période où ils sont soumis à l’obligation de disponibilité.
« En cas de convocation en application du premier alinéa du présent article :
« 1° L’autorité militaire est tenue de respecter un préavis minimal de deux mois ;
« 2° L’ancien militaire informe son employeur de la durée de son absence. » ;
20° L’article L. 4231-3 est ainsi modifié :
a) Les mots : « à l’article L. 4231-4 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 4231-4 et L. 4231-5 » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les conditions d’appel ou de maintien en activité de ces réservistes sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
21° À l’article L. 4231-4, la référence : « L. 1111-2 » est remplacée par la référence : « L. 2141-1 » ;
22° L’article L. 4231-5 est ainsi rétabli :
« Art. L. 4231-5. – Lorsqu’il n’est pas fait application des articles L. 2171-1 et L. 4231-4, l’appel ou le maintien en activité des volontaires mentionnés au 1° de l’article L. 4231-1 peut être décidé par arrêté du ministre de la défense ou du ministre de l’intérieur, pour les volontaires de la gendarmerie nationale, dans les circonstances mentionnées à l’article L. 2212-2.
« Cet arrêté précise la durée de l’appel ou du maintien en activité, qui ne peut excéder quinze jours. Cette durée est prise en compte pour l’application du deuxième alinéa de l’article L. 4221-4. » ;
23° Le chapitre unique du titre III du livre II de la quatrième partie est complété par un article L. 4231-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 4231-6. – En cas de nécessité inhérente à la poursuite de la production de biens ou de services ou à la continuité du service public, les personnes soumises à l’obligation de disponibilité employées par des opérateurs publics ou privés ou par des gestionnaires d’établissements désignés par l’autorité administrative conformément aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 peuvent être dégagées des obligations prévues aux articles L. 4231-4 et L. 4231-5, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. » ;
24° Aux articles L. 4271-1, L. 4271-2, L. 4271-3 et L. 4271-4 et à la fin de l’article L. 4271-5, les mots : « L. 4231-4 et L. 4231-5 » sont remplacés par les mots : « L. 2171-1, L. 4231-4 ou L. 4231-5 du présent code ou de l’article L. 421-3 du code de la sécurité intérieure ».
II. – Le paragraphe 1 de la sous-section 9 de la section 2 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° (nouveau) Au début, il est ajouté un sous-paragraphe 1 intitulé : « Ordre public », qui comprend les articles L. 3142-89 à L. 3142-94-1 ;
2° Les articles L. 3142-89 et L. 3142-90 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 3142-89. – Lorsqu’il n’est pas fait application de l’article L. 2171-1, du second alinéa de l’article L. 4221-5 et des articles L. 4231-4 et L. 4231-5 du code de la défense, le réserviste salarié a droit à une autorisation d’absence annuelle d’une durée minimale de dix jours ouvrés par année civile au titre de ses activités d’emploi ou de formation dans la réserve opérationnelle militaire ou la réserve opérationnelle de la police nationale.
« Au-delà de sa durée d’autorisation d’absence annuelle, le réserviste salarié peut obtenir l’accord de son employeur pour effectuer une période d’emploi ou de formation au titre de la réserve opérationnelle militaire ou de la réserve opérationnelle de la police nationale pendant son temps de travail.
« Art. L. 3142-90. – Pour obtenir l’accord mentionné à l’article L. 3142-89, le réserviste salarié présente sa demande par écrit à son employeur, en indiquant la date et la durée de l’absence envisagée. À défaut de réponse de l’employeur dans le délai de préavis mentionné aux articles L. 3142-94-2 et L. 3142-94-3, son accord est réputé acquis.
« Lorsque les ressources militaires disponibles apparaissent insuffisantes pour répondre à des circonstances ou à des nécessités ponctuelles et imprévues, le délai de préavis prévu au premier alinéa du présent article peut, sur arrêté du ministre de la défense ou du ministre de l’intérieur pour les réservistes de la gendarmerie nationale, être réduit à quinze jours pour les réservistes ayant souscrit avec l’accord de l’employeur la clause de réactivité prévue au huitième alinéa de l’article L. 4221-1 du code de la défense. » ;
3° (nouveau) Sont ajoutés des sous-paragraphes 2 et 3 ainsi rédigés :
« Sous-paragraphe 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3142-94-2. – Pour mettre en œuvre le droit à autorisation d’absence au titre de ses activités dans la réserve opérationnelle militaire ou la réserve opérationnelle de la police nationale mentionné à l’article L. 3142-89, le contrat de travail, une convention conclue entre le ministre de la défense ou le ministre de l’intérieur et l’employeur, une convention ou un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, une convention ou un accord de branche détermine :
« 1° La durée de l’autorisation d’absence annuelle, d’une durée minimale de dix jours ouvrés par année civile ;
« 2° Le délai de préavis dans lequel le salarié prévient son employeur de son absence ou, au-delà de sa durée d’autorisation d’absence annuelle, adresse sa demande à son employeur.
« Sous-paragraphe 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3142-94-3. – À défaut de stipulations plus favorables résultant du contrat de travail, d’une convention conclue entre le ministre de la défense ou le ministre de l’intérieur et l’employeur ou d’une convention ou d’un accord mentionné à l’article L. 3142-94-2, les dispositions suivantes sont applicables :
« 1° La durée de l’autorisation d’absence annuelle est de dix jours ouvrés par année civile, sous réserve de l’article L. 3142-89 et de l’article L. 2171-1, du second alinéa de l’article L. 4221-5 et des articles L. 4231-4 et L. 4231-5 du code de la défense ;
« 2° Le délai de préavis dans lequel le salarié prévient son employeur de son absence ou, au-delà de sa durée d’autorisation d’absence annuelle, adresse sa demande à son employeur est d’un mois. »
III. – (Non modifié) À la dernière phrase du i de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les mots : « durant un congé pour convenances personnelles pour élever un enfant de moins huit ans » sont remplacés par les mots : « militaire dans les cas prévus à l’article L. 4211-1-1 du code de la défense ».
IV. – (Non modifié) À la première phrase du deuxième alinéa du III de l’article L. 225-102-1 du code de commerce, après le mot : « diversités », sont insérés les mots : « , aux actions visant à promouvoir le lien Nation-armée et à soutenir l’engagement dans les réserves ».
V (nouveau). – Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les conséquences sur l’attractivité de la réserve de la prise en compte du critère de la participation à la réserve militaire pour l’attribution des bourses d’études.
Mme la présidente. L’amendement n° 250, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
humaine ou naturelle,
La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Pourquoi préciser que la menace doit être « humaine ou naturelle » ? Si l’on va par-là, il faudrait aussi mentionner la menace technologique…
Le texte initial évoquait les « menaces », qui étaient donc considérées dans leur globalité. En introduisant ces deux adjectifs, on exclut de facto beaucoup d’autres menaces. Je vous propose donc d’en revenir à la rédaction issue de l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 114, présenté par M. Haye, Mme Duranton, MM. Patriat, Gattolin, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert, Dennemont et Hassani, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Mohamed Soilihi, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer les mots :
l’un de ces congés
par les mots :
un congé pour convenances personnelles ou un congé parental
La parole est à M. Ludovic Haye.
M. Ludovic Haye. Le présent amendement a pour objet de clarifier la rédaction de l’alinéa 12 de l’article 14 traitant des droits à avancement des militaires d’active qui exercent des activités dans la réserve opérationnelle à l’occasion de leur placement en congé pour convenances personnelles ou en congé parental. Cette rédaction est porteuse d’une ambiguïté susceptible de conduire à une mauvaise interprétation du droit.
Cet alinéa mentionne en effet les termes « ces congés », qui renvoient aux congés évoqués à l’article L. 4138-17 du code de la défense. Or, s’agissant du congé pour convenances personnelles, il n’est fait référence dans cet article qu’à celui pris pour élever un enfant. L’alinéa ajouté par le présent projet de loi s’applique, quant à lui, à tous les types de congés pour convenances personnelles.
Nous proposons de lever cette ambiguïté en précisant explicitement la nature des congés visés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 251, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 27
Remplacer les mots :
d’un établissement de santé privé, d’une association ou d’une mutuelle
par les mots :
ou d’un organisme de droit privé
II. – Alinéa 31
Rédiger ainsi cet alinéa :
- les mots : « de l’État, d’un établissement public administratif, d’un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel », sont remplacés par les mots : «, d’un établissement public, d’un organisme public, d’une autorité publique indépendante » ;
La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il s’agit d’un amendement d’appel.
Pourquoi avoir restreint le champ des organismes publics dans lesquels les réservistes peuvent servir ? La rédaction initiale permettait de les détacher dans toute forme de structure ; le texte adopté par la commission limite la liste de ces organismes. Quelle est l’intention du législateur ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. La rédaction adoptée en commission est conforme à la décision du 30 mars 2023 du Conseil d’État, lequel a recommandé de ne pas retenir la rédaction du Gouvernement et de mentionner les différentes catégories de personnes morales pouvant accueillir les réservistes.
L’amendement proposé étant imprécis, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Justement, la rédaction retenue par l’Assemblée nationale est celle proposée par le Conseil d’État !
Je veux témoigner de ma bonne foi, comme je le disais à M. Retailleau. La rédaction de la commission, en restreignant la liste des établissements publics dans lesquels peuvent être détachés des réservistes, introduit de la rigidité dans le dispositif.
Vous connaissant et sachant que telle n’est pas votre intention, je m’interroge sur une telle rédaction. Mais je sais par expérience que mon succès est limité lorsque j’insiste… (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cambon, rapporteur. Monsieur le ministre, dans le point 18 de sa décision, le Conseil d’État considère que le terme d’organisme n’a pas de contenu juridique, qu’il est trop indéterminé, et propose donc de lui substituer la mention des différentes catégories de personnes morales dans lesquelles ces détachements sont possibles.
M. Christian Cambon, rapporteur. Vous ne corrigez pas les décisions du Conseil d’État à l’Assemblée nationale, tout de même…
Mme la présidente. L’amendement n° 294, présenté par M. Cambon, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 39
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) La même première phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : « du présent code » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cambon, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 252, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 47
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. J’aimerais comprendre quelle a été l’intention du législateur en commission. Il a en effet prévu l’obligation, pour un réserviste opérationnel de premier niveau (RO1), de rester disponible pour le ministère des armées cinq ans après que l’engagement à servir dans la réserve (ESR) soit arrivé à échéance.
Je ne vous le cache pas, je trouve cette mesure particulièrement brutale. Car nous ne parlons pas des réservistes opérationnels de deuxième niveau (RO2) : les anciens militaires d’active doivent se tenir disponibles, nous le savons.
Pour ce qui concerne les RO1, le fait de prévoir une telle épée de Damoclès, quelle que soit la situation familiale ou professionnelle du réserviste, ne va pas dans le bon sens. La réserve doit rester un engagement de bon cœur. À défaut, c’est tout le modèle qui sera remis en cause : la réserve, qui n’est pas un service militaire, mais un engagement, implique l’adhésion du réserviste.
Par ailleurs, une telle obligation dissuaderait nombre de candidats d’intégrer la réserve opérationnelle. En effet, si l’on vous suivait, un réserviste qui aurait signé, à 20 ans, un ESR auquel il mettrait fin à 30 ans, pourra être rappelé jusqu’à l’âge de 35 ans !
Je sais que j’ai peu de chance de faire adopter un amendement, simplement parce que c’est un amendement du Gouvernement… (Oh ! sur les travées du groupe SER.) Je le dis pour susciter le débat ! (Sourires.)
J’invite le législateur à faire preuve de prudence, car la mesure est particulièrement brutale. Pour ma part, j’aurais du mal à la défendre ! En tant que réserviste, si l’on m’avait dit que je pourrais être rappelé pendant cinq ans après la fin de mon ESR, je ne suis pas certain que j’aurais signé…
Nous pouvons bien évidemment en débattre et, le cas échéant, sous-amender. On me reprochera peut-être de dire certaines choses dans la presse, mais je pense qu’il convient, sur ce point, de prendre le temps de légiférer dans le bon sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Monsieur le ministre, l’amendement déposé en commission par le groupe socialiste prévoyait d’introduire non pas une obligation, mais une possibilité. Ainsi, au terme de la réserve de cinq ans, le réserviste a la possibilité d’accepter une nouvelle disponibilité de cinq ans.
En vérité, cet amendement s’inscrit plutôt dans le sens que vous souhaitez, à savoir la montée en puissance des réserves opérationnelles de premier et de deuxième niveau. En offrant une telle possibilité, on s’adresse à des réservistes qui choisiront – il n’est pas question d’obliger qui que ce soit, à commencer par vous ou par moi ! – de rester disponibles cinq ans supplémentaires. Sans doute avez-vous une mauvaise perception du travail mené en commission…
Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de vos explications. Il semble que je n’avais pas compris, une fois de plus, le sens de la rédaction.
Pour autant, si ce n’est pas obligatoire, à quoi cela sert-il ? (M. Gilbert Roger s’exclame.)
M. Christian Cambon, rapporteur. C’est une option !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Par définition, l’ESR implique une disponibilité ; nous reviendrons sur la question des limites d’âge, modifiées dans le bon sens par la commission.
Permettez-moi de vous rappeler les termes de l’article : le rappel pourra avoir lieu « dans la limite des cinq ans à compter de la fin de leur engagement, sauf en cas de refus explicitement mentionné par le réserviste ». Par conséquent, il faudra un acte, cinq ans après la fin de l’ESR, pour justifier du refus d’être rappelé ! Pour ma part, je souhaite que nous aboutissions à des dispositions bonnes et fortes ; mon propos n’est pas polémique….
Vous prévoyez donc dans la partie normative de la LPM qu’un réserviste, cinq ans après la fin de son ESR, produise un acte positif pour signifier explicitement, en cas de rappel, qu’il ne souhaite pas être rappelé : c’est le début du commencement d’une obligation, qu’on le veuille ou non…
S’il ne s’agit pas d’une obligation, comme vous le dites – je vous crois bien volontiers –, quel est le changement par rapport au cadre actuel ?
Par prudence, et afin d’éviter bien des confusions et des instrumentalisations de la part de quelques milieux antimilitaristes, il serait préférable soit d’adopter l’amendement du Gouvernement visant à supprimer une telle disposition, soit de le sous-amender. Laisser le texte en l’état ne me semble pas une bonne chose, je le dis de bonne foi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour explication de vote.
Mme Gisèle Jourda. Je souhaite apporter quelques précisions sur la réserve.
Voilà quelques années, Jean-Marie Bockel et moi-même avions rédigé un rapport d’information sur la garde nationale. Or cet amendement vise plus particulièrement la garde nationale, dont les réservistes ne sont non exclusivement militaires, mais peuvent également relever de la police nationale.
Par cet amendement, il s’agit simplement, en cas de menace et sans obligation particulière, d’ouvrir un engagement supplémentaire aux réservistes qui le souhaitent, eu égard à leur âge et à leur catégorie. Ce serait non pas une contrainte, mais une ouverture qui vient conforter ce que vous souhaitez, à savoir une augmentation des effectifs et des réserves.
Je ne vois pas où est la difficulté !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je comprends ce que vous voulez faire. Pour autant, ceux qui le souhaitent se réengagent d’ores et déjà. Par ailleurs, nous avons adopté de nombreuses mesures permettant de se réengager facilement.
Si vous voulez conserver l’esprit de cet amendement, je suggère de le modifier en ce sens : celui qui termine son engagement dans la réserve signale qu’il souhaite rester dans une sorte de « réserve de la réserve », par un acte positif.
On dira ce que l’on veut, mais vous laissez pendant cinq ans une ficelle au pied du réserviste. C’est factuel. Si vous l’assumez collectivement, allons-y ! Mais je doute que vous vous teniez cette position jusqu’au bout. À mon avis, l’effet sera dissuasif sur les engagements dans la réserve et cette affaire ne vieillira pas bien…
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cambon, rapporteur. Fort des explications que vous donnez, monsieur le ministre, je propose de préparer, dans le cadre de la commission mixte paritaire, un sous-amendement allant dans le sens que vous souhaitez, c’est-à-dire l’inversion du dispositif.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Très bien ! Je retire donc l’amendement n° 252. (Marques d’approbation sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. L’amendement n° 252 est retiré.
L’amendement n° 253, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 52
Remplacer les mots :
de deux mois
par les mots :
d’un mois
La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Défendu. Pour ce qui concerne les RO2, un mois est préférable à deux mois ; mais ce n’est pas un point d’achoppement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Diviser par deux le préavis qui s’impose aux employeurs d’anciens militaires est une charge supplémentaire pour eux.
Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 254 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 295 est présenté par M. Cambon, au nom de la commission des affaires étrangères.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 64
Après la référence :
L. 2171-1,
insérer la référence :
L. 2171-2-1,
La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 254.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 295.
M. Christian Cambon, rapporteur. Il est défendu.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 254 et 295.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 168 rectifié, présenté par M. Haye, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 69
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le nombre de jours d’autorisation d’absence annuelle au titre de la réserve opérationnelle peut être étendu par un accord entre l’employeur et l’employé. Cet accord doit être écrit, signé par les deux partis et annexé au contrat de travail.
La parole est à M. Ludovic Haye.
M. Ludovic Haye. Cet amendement tend à ouvrir la possibilité d’étendre les jours d’autorisation d’absence par un accord entre l’employeur et l’employé. Cet accord devrait être signé par les deux parties et annexé au contrat de travail.
Au regard du rôle majeur que joue la réserve opérationnelle au sein de nos armées, il s’agit de permettre aux femmes et aux hommes qui la composent de s’investir davantage au service de la France. Cette mesure leur permettra d’aller au-delà du minimum prévu par la loi, dans l’hypothèse où leur emploi le leur permet et où leur employeur y consent.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Cet amendement est tout à fait cohérent avec l’assouplissement du régime soutenu par la commission.
Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Cet amendement est a priori satisfait, me semble-t-il.
Toutefois, dans le doute, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. L’amendement n° 291, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 77
Compléter cet alinéa par les mots :
, d’une durée maximale d’un mois
La parole est à M. le ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 14, modifié.
(L’article 14 est adopté.)
Après l’article 14
Mme la présidente. L’amendement n° 9 rectifié bis, présenté par M. Levi, Mme Ract-Madoux, M. J.M. Arnaud, Mme Billon, MM. Bonhomme et Calvet, Mme Canayer, MM. Canévet, Chasseing et Chatillon, Mme de La Provôté, MM. Decool, Duffourg et Folliot, Mme Garriaud-Maylam, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, MM. Grand, Guerriau et Henno, Mme Jacquemet, MM. Kern, Laugier, Le Nay, A. Marc, P. Martin, Maurey et Menonville, Mme Morin-Desailly, M. Pellevat, Mme Perrot, MM. Reichardt et Sautarel, Mmes Thomas, Ventalon, Vermeillet et Férat et MM. Chauvet, Laménie, Belin et Cigolotti, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 4241-2 du code de la défense, il est inséré un article L. 4241-… ainsi rédigé :
« Art. L. 4241-…. – Les réservistes citoyens, lorsqu’ils sont en service, peuvent porter un uniforme ou un signe distinctif, conformément aux règles et régulations établies par le ministère de la Défense. Cet uniforme ou signe distinctif permet d’identifier clairement les réservistes citoyens et de renforcer leur sentiment d’appartenance aux forces armées. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Pierre-Antoine Levi.
M. Pierre-Antoine Levi. La réserve citoyenne créée par la loi du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense constitue une initiative louable, qui renforce les liens entre civils et militaires.
En effet, le réserviste citoyen, en tant que collaborateur occasionnel du service public, contribue efficacement au service des forces armées. Il existe de nombreuses réussites dans ce domaine, bien que leur nature varie en fonction des régiments.
Certains réservistes citoyens ont l’opportunité d’accomplir des missions particulièrement intéressantes pour le régiment en détachement. C’est le cas dans mon département, que ce soit à la base de défense ou au 17e régiment du génie parachutiste.
Cependant, dans d’autres cas, certains réservistes citoyens peuvent avoir l’impression de ne pas être utilisés à leur plein potentiel et, finalement, d’être en marge de leur régiment.
Cet amendement vise à renforcer le sentiment d’appartenance des réservistes citoyens aux forces armées, en leur permettant de porter un uniforme ou un signe distinctif lorsqu’ils sont en service. Il s’agit d’une mesure volontaire qui vise non pas à confondre les réservistes citoyens avec les réservistes opérationnels, mais plutôt à renforcer leur engagement et leur identification à l’armée.
Une telle mesure pourrait également faciliter la reconnaissance des réservistes citoyens lors de leurs interventions en cas de besoin extrême.
J’avais déposé deux autres amendements portant sur la réserve citoyenne, qui ont malheureusement été déclarés irrecevables. Le premier visait à proposer, sur la base du volontariat, une formation militaire basique aux réservistes citoyens. Le second prévoyait de fournir une carte d’identité militaire, avec la mention « réserviste citoyen », comme c’est le cas dans la gendarmerie nationale. Le premier a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, le second au titre de l’article 41 de la Constitution.
Pour autant, monsieur le ministre, ce débat mérite d’être ouvert.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. La possibilité, pour un membre de la réserve citoyenne de défense, de porter l’uniforme ou un signe distinctif est un élément important pour cadrer son rôle, notamment lors des manifestations mémorielles. Bien évidemment, il ne s’agit pas de porter cet uniforme dans n’importe quelle circonstance !
Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Le diable se niche dans les détails ! L’uniforme et le signe distinctif sont deux choses différentes.
Je suis favorable au signe distinctif, mais je suis défavorable à l’uniforme. En effet, porter l’uniforme, c’est être militaire, en tout cas dans les forces armées. Soit vous êtes militaire d’active et vous portez l’uniforme, soit vous êtes militaire de réserve opérationnelle et vous portez l’uniforme si vous êtes convoqué, soit vous êtes réserviste citoyen et vous n’êtes pas militaire : c’est ainsi que les doctrines ont été conçues.
Je pourrais être favorable à cet amendement si le mot « uniforme » était supprimé.
S’agissant des signes distinctifs, il serait bon d’améliorer l’existant. Il faudrait également réfléchir aux grades ; il existe parfois une certaine confusion entre les lieutenants-colonels, les colonels et les capitaines de vaisseau ! (Mmes Jocelyne Guidez, Daphné Ract-Madoux et M. Olivier Cigolotti acquiescent.)
Néanmoins, j’y insiste, si l’on porte l’uniforme, c’est parce que l’on a une légitimité pour cela, c’est-à-dire que l’on est militaire. Un réserviste citoyen n’est pas un militaire.
J’émettrai donc un avis favorable, à condition de rectifier l’amendement en supprimant le mot « uniforme ». Sinon, j’y serai défavorable.
Le port de l’uniforme signifie quelque chose dans les forces armées ; celles et ceux qui les connaissent le savent. On ne peut pas banaliser cette affaire. Cela me fait penser au port de l’écharpe par le maire ou le maire-adjoint. Un membre du conseil municipal peut la porter dans des conditions spécifiques, par exemple lors des mariages.
Tous ces symboles ont une histoire, et nous devons veiller à ne pas trop nous éloigner des traditions de nos armées.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cambon, rapporteur. Je veux bien adhérer à votre raisonnement concernant le port de l’uniforme, mais engagez-vous à ce que l’insigne ne ressemble pas à un insigne de supermarché ! Ces réservistes qui participent à notre vie locale méritent une distinction particulière.
Mme la présidente. Monsieur Pierre-Antoine Levi, acceptez-vous de modifier l’amendement n° 9 rectifié bis dans le sens demandé par M. le ministre ?
M. Pierre-Antoine Levi. J’ai envie de laisser cet amendement en l’état, et je vais vous dire pourquoi.
J’ai bien entendu les explications de M. le ministre. Il existe un signe distinctif d’appartenance, un pin’s, qui n’est pas très satisfaisant. Je ne sais pas quel autre signe vous pourriez proposer…
Un uniforme – ou une tenue, pour le dire autrement – qui viendrait différencier ces réservistes est attendu. J’en ai discuté avec les chefs de corps ; l’idée leur paraît intéressante.
Nous pourrions donc voter cet amendement en l’état et réfléchir sur le sujet au cours de la discussion.
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Perrin, pour explication de vote.
M. Cédric Perrin. Jusque très récemment, les réservistes de la marine pouvaient porter l’uniforme au cours de certaines cérémonies. Je crois que ce n’est plus le cas, sauf pour ceux qui le portaient auparavant.
Je ne porterai pas de jugement sur l’uniforme. J’insiste néanmoins sur un point : il est nécessaire, voire urgent, de créer les conditions pour que les réservistes citoyens soient reconnus.
Je suis moi-même réserviste citoyen dans un régiment d’artillerie, comme quelques amis et collègues. À l’heure où l’on veut développer davantage la réserve, il me semble que la réserve citoyenne est importante parce qu’elle rend des services dans nos régiments ; je pense notamment à l’accompagnement par des chefs d’entreprise lors de modules de management.
Il faut absolument valoriser l’action des réservistes citoyens, qui ne bénéficient d’aucune marque distinctive si ce n’est un pin’s. Si celui de l’armée de l’air peut être porté sans problème, celui en vigueur dans l’armée de terre est très lourd…
M. Christian Cambon, rapporteur. C’est un pin’s de supermarché !
M. Cédric Perrin. Il convient de prendre des dispositions pour valoriser leur action et faire en sorte que, dans les régiments, les chefs de corps leur accordent davantage d’attention. Ils sont en effet très peu sollicités.
M. Christian Cambon, rapporteur. Et pas très bien traités !
M. Cédric Perrin. L’amendement de M. Levi constitue également un appel pour faire en sorte que les réservistes citoyens soient davantage associés, convoqués et mis en valeur.
L’engagement en tant que réserviste citoyen n’est pas un geste neutre. Il peut ouvrir des portes et offrir des services à nos armées. J’insiste donc sur la nécessité de valoriser la réserve.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. Pour ma part, je soutiendrai l’amendement défendu par notre collègue Pierre-Antoine Levi.
Tout d’abord, cela a été rappelé, les réservistes citoyens portaient l’uniforme dans la marine nationale. Cela était utile lors des stages militaires auxquels ils participaient. On pourrait d’ailleurs envisager qu’ils portent l’uniforme à l’issue de ces stages.
Ensuite, la marine nationale n’est présente que dans certains secteurs, eu égard à sa spécificité maritime. Le port de l’uniforme lors des commémorations aurait alors un certain sens.
Enfin, l’uniforme n’est pas spécifiquement militaire. Combien le portent dans d’autres domaines ? Nous avons évoqué le SNU, pour lequel il existe un uniforme.
On ne peut donc pas retenir l’idée selon laquelle l’uniforme serait l’apanage des militaires. Je pense non seulement à la réserve citoyenne, mais aussi aux pompiers ou aux secouristes.
Je le répète, la réserve citoyenne est très différente selon le corps d’armée et peut avoir une utilité plus ou moins grande. Il est souhaitable qu’elle devienne encore plus utile, grâce aux compétences de ceux qui s’y engagent.
Pour ma part, je voterai donc l’amendement de notre collègue Pierre-Antoine Levi.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.
M. Philippe Folliot. Je comprends vos propos sur l’uniforme, monsieur le ministre. Pour autant, je partage les préoccupations de notre collègue Pierre-Antoine Levi concernant un signe réellement distinctif.
À titre personnel, j’ai l’honneur de servir comme réserviste citoyen auprès de la 11e brigade de parachutistes. Le pin’s que nous portons n’est en effet pas très visible.
Une solution de compromis serait de faire porter aux réservistes citoyens, dans certaines circonstances, une sorte d’écharpe, afin de les identifier visuellement. Ils pourraient ainsi jouer leur rôle, qui est un rôle d’influence.
Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, à la différence de la réserve opérationnelle, dont le rôle est très actif, celui des réservistes citoyens est purement d’influence. Mais cela a également son importance, surtout au moment où le lien armée-Nation se distend à certains égards.
Tout élément concourant à une meilleure reconnaissance des réservistes citoyens constituerait une avancée positive et significative. Nous pourrions voter cet amendement en l’état, monsieur le ministre, quitte à trouver un compromis en commission mixte paritaire, afin d’équilibrer le tout.
Il s’agit, j’y insiste, de reconnaître le rôle de cette réserve citoyenne tout en permettant de la différencier de la réserve opérationnelle en termes d’uniforme.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Allizard, pour explication de vote.
M. Pascal Allizard. Je fais partie de la réserve citoyenne de la gendarmerie depuis 2009. Je ne porte pas d’uniforme, et cela ne me pose aucun problème particulier.
Par ailleurs, quelques collègues l’ont souligné, l’activité des réserves citoyennes est extrêmement hétérogène d’une arme à l’autre, voire d’un régiment ou d’un rattachement à l’autre.
Je connais des réservistes de la marine qui font régulièrement des exercices, des formations et des réunions. Dans la gendarmerie, il en va autrement : si le chef de corps, en poste pour deux ou trois ans, veut nous faire travailler, nous travaillons pendant deux ou trois ans ; en revanche, si son successeur n’en voit pas l’utilité, nous ne nous rencontrons plus ensuite pendant deux ou trois ans.
Peut-être, monsieur le ministre, faudrait-il d’abord veiller à donner une certaine homogénéité à cette réserve citoyenne…
Quant à la problématique du signe distinctif, le pin’s – puisque c’est le terme qui a été adopté – est sans doute trop discret. Il conviendrait de trouver une solution intermédiaire.
Je livre cet élément à votre réflexion, monsieur le ministre : les membres de la réserve citoyenne de l’armée de terre rattachée à la délégation militaire départementale (DMD) du Calvados se sont mis d’accord sur un dress code. Il ne s’agit pas d’un uniforme, mais ils portent tous le même pantalon, le même blaser, ainsi qu’une chemise et une cravate de la même couleur, avec ce fameux pin’s. Je puis vous garantir que, lorsqu’ils participent ensemble à une cérémonie, on les reconnaît et ils ont de l’allure. Pour autant, ils n’ont pas d’uniforme. Certains portent le béret, mais uniquement ceux qui étaient dans les parachutistes – car l’on retrouve dans la réserve citoyenne quelques anciens de l’active…
Il s’agit d’une suggestion, monsieur le ministre, mais je peux vous assurer que cela fonctionne bien, sans confusion possible avec l’uniforme, qui est un sujet sensible pour les militaires d’active. (Mme Gisèle Jourda applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Le débat est aussi passionné que celui sur les marges frictionnelles. (Sourires.)
Il convient en effet de mieux animer le réseau de la réserve citoyenne. Il n’y a pas de doute, je m’en suis clairement rendu compte, les choses dépendent beaucoup – comme l’a souligné le sénateur Allizard – de la manière dont les chefs de corps ou les commandants de groupement de gendarmerie décident de mener la réserve.
Ce problème peut d’ailleurs également valoir pour la réserve opérationnelle, puisque le degré de convocation des réservistes dépend aussi parfois du commandement. En tout état de cause, je dispose d’une marge de manœuvre interne importante avec les DMD, les gouverneurs militaires ou les préfets maritimes pour remédier à cette difficulté.
Plutôt que de tout renvoyer à la commission mixte paritaire, je vous propose d’adopter un sous-amendement de séance visant à supprimer le terme « uniforme ». Il serait ainsi rédigé : « Les réservistes citoyens, lorsqu’ils sont en service, peuvent porter un signe distinctif, conformément aux règles et régulations établies par le ministère de la Défense. Ce signe distinctif permet d’identifier clairement les réservistes citoyens et de renforcer leur sentiment d’appartenance aux forces armées. »
Pourquoi un tel sous-amendement ? Tout d’abord, parce qu’il s’agit d’une disposition d’ordre infraréglementaire, qui ne relève pas de la loi. Si vous estimez qu’il faut revoir le signe distinctif pour la réserve citoyenne, nous pouvons créer une commission ad hoc, je peux aussi vous soumettre des propositions en amont : ce n’est pas un sujet de blocage pour moi.
En revanche, il existe une ligne rouge à ne pas dépasser, qui est le mot « uniforme ». Une chose est de se différencier, comme je l’ai vu, monsieur le sénateur Allizard, à la fois lors des cérémonies du débarquement et lors d’un hommage dans le petit village de Meulles, où j’ai quelques attaches, pendant lesquels nos amis réservistes citoyens portaient une tenue distinctive (M. Pascal Allizard opine.) ; une autre est de porter un uniforme. Nous sommes aujourd’hui dans le cadre d’une loi de programmation militaire : le mot uniforme veut bien dire ce qu’il veut dire !
Un colonel de gendarmerie de réserve, comme le sénateur Allizard – j’ai d’ailleurs été moi-même réserviste opérationnel dans la gendarmerie –, peut-il porter lors d’une cérémonie un uniforme de colonel de gendarmerie d’active ? Devons-nous également l’armer pour sa légitime défense ? (Dénégations amusées sur les travées du groupe SER. – M. Pascal Allizard sourit.)
M. Christian Cambon, rapporteur. Surtout pas !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Pardon de poser la question, mais, s’il porte un uniforme de gendarmerie, comment expliquer à nos concitoyens qu’il n’est pas vraiment gendarme d’active ou pas vraiment gendarme opérationnel ?
L’uniforme signifie quelque chose, il n’est pas un déguisement. (M. Olivier Cigolotti acquiesce.) Je le rappelle avec gravité, car je suis aussi responsable de 200 000 militaires qui n’ont pas envie d’être confondus avec des personnes – les réservistes citoyens – qui, bien que formidables, ne sont pas des militaires. J’y insiste, certes, mais les sénateurs membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui passent du temps avec les forces armées voient très bien ce qui est en jeu.
Monsieur le sénateur Perrin, si les réservistes citoyens de la marine ne sont plus autorisés à porter l’uniforme, c’est non pas sur décision ministérielle, mais sur décision des chefs d’état-major en raison des dérives et des graves problèmes qui ont été constatés. Il faut donc se montrer attentif.
Enfin, si l’on confond réserve citoyenne et réserve opérationnelle, cela tuera inévitablement l’une des deux à la fin. Or les missions ne sont pas les mêmes. Le réserviste citoyen a des tâches d’influence, qu’il est possible de mieux codifier, mais c’est d’ordre réglementaire. Si vous le souhaitez, nous pouvons travailler ensemble à apporter les précisions que vous jugerez utiles : il y a un cadre d’emploi, on peut le faire évoluer.
Le réserviste opérationnel, lorsqu’il est convoqué, devient pleinement militaire : s’il est colonel dans la réserve opérationnelle de gendarmerie, le jour où il est appelé, il est militaire avec tous les attributs, tous les droits, tous les devoirs, la solde et la discipline d’un colonel de gendarmerie. En revanche, le réserviste citoyen, lui, reste un civil.
Cette différence n’a l’air de rien, mais les forces armées y sont très attentives. Voilà pourquoi je me permets d’insister lourdement.
Afin d’avancer et de ne pas nous en tenir à un article qui serait mal rédigé, je vous propose de sous-amender votre texte en m’engageant à apporter les évolutions que vous souhaitez en matière de réserve citoyenne, à la condition d’exclure le mot « uniforme ». Croyez-moi, une telle clarification a toute son importance !
Mme la présidente. Monsieur le ministre, pour la bonne rédaction du texte, s’agit-il d’un « signe » ou d’un « insigne » distinctif ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il s’agit d’un « signe distinctif », madame la présidente : cela laissera plus de place à l’interprétation, mais il ne pourra s’agir en aucun cas d’un uniforme.
Quant aux « règles et régulations établies par le ministère de la Défense », j’en discuterai en concertation avec la commission avant toute décision réglementaire.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 310, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Amendement 9 rectifié alinéa 4
1° Première phrase
Supprimer les mots :
un uniforme ou
2° Seconde phrase
Remplacer les mots :
Cet uniforme ou
par le mot :
Ce
La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.
Mme Nadia Sollogoub. Sans revenir sur tout ce qui a été dit précédemment, parler d’un signe distinctif laisse à penser qu’il s’agira d’un pin’s, peut-être un peu plus gros, qui ne donnera pas le sentiment de faire corps, même si tout le monde le porte. Ne serait-il pas possible de parler d’une « tenue distinctive » ?
Je partage complètement votre analyse, monsieur le ministre, sur le mot « uniforme », qui pourrait être mal perçu et source de confusion. Néanmoins, les remarques de notre collègue Allizard ont du sens : lorsqu’un groupe porte la même tenue, cela a de l’allure et donne à chacun l’impression d’appartenir à un corps. Les jeunes du service national universel ont bien un même tee-shirt et un même pantalon : ne pourrions-nous pas trouver également une tenue distinctive toute simple, comme pour les sapeurs-pompiers volontaires ou les jeunes sapeurs-pompiers (JSP), sans qu’il s’agisse pour autant d’un uniforme ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour explication de vote.
Mme Jocelyne Guidez. Quel sens cela a-t-il de parler d’uniforme en l’espèce ? Il existe en effet une sacrée différence entre les militaires et la réserve citoyenne !
Je suis également engagée dans la réserve citoyenne. J’ai apprécié votre intervention, monsieur Allizard : il n’est pas question de porter un uniforme, nous sommes plusieurs à être d’accord sur ce point important.
Porter un signe distinctif, pourquoi pas ? Mais ce qui est essentiel, c’est surtout la volonté de s’engager. Nul besoin de porter un uniforme ou un pin’s pour savoir que l’on s’engage aux côtés du service militaire volontaire (SMV) !
Par ailleurs, ce qui m’ennuie encore plus, c’est que l’on nous donne des grades. Les grades, c’est pour les militaires, qui ont passé des concours, tout un tas d’examens et ont été au combat. Comment peut-on se retrouver lieutenant-colonel simplement parce que l’on a travaillé aux côtés du SMV, voire parfois sans même avoir rien fait ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Tout à fait !
Mme Jocelyne Guidez. Je ne voterai donc pas cet amendement, même si nous pourrions réfléchir à une meilleure reconnaissance des réserves citoyennes sur le terrain et lors des cérémonies.
Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je suis certainement la plus ancienne d’entre vous dans la réserve citoyenne, que j’ai rejointe dès sa création. (Ah ! sur plusieurs travées.)
Je venais de terminer l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN). J’avoue avoir été choquée d’entrer immédiatement au grade de commandant, même si maintenant tous les sénateurs peuvent être colonels… (M. le ministre opine.)
Quoi qu’il en soit, c’est un vrai problème de fond. J’étais gênée vis-à-vis des militaires d’active. Je rejoins d’ailleurs les propos de notre collègue Guidez : certes, je sortais de l’IHEDN, mais certains qui ne l’ont pas fait (Marques d’agacement sur les travées du groupe SER.) et n’ont même aucune connaissance des enjeux militaires, obtiennent immédiatement un grade de haut niveau. C’est presque insultant pour des militaires d’active, qui prennent des risques au quotidien, qui donnent leur sang et qui ont des responsabilités énormes.
Mes chers collègues, si nous sommes à présent quasiment tous colonels de réserve citoyenne dans différentes armes, nous devons l’être avant tout pour servir, qu’il s’agisse de nos armées ou de la France, et non pour demander des avantages.
Cette question d’uniforme me gêne. Qu’il y ait un signe distinctif, pourquoi pas ? Mais ce qui importe, c’est de faire connaître la réserve citoyenne et surtout de la faire mieux accepter.
Il est essentiel, monsieur le ministre, d’engager une véritable réflexion sur le sens de la réserve citoyenne – voilà des années que je le demande, en vain –, afin de définir ses missions, de l’encourager et d’insister sur cette question de service. Je connais en effet beaucoup de réservistes citoyens à qui l’on ne demande strictement rien, ce qui est dommage. (M. Rachid Temal s’impatiente.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement du Gouvernement ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Je rejoins la proposition du Gouvernement. Il peut bien sûr paraître assez paradoxal de passer plus de temps sur cette affaire que sur la dissuasion nucléaire. (M. Rachid Temal renchérit avec vigueur.)
M. Jean-Marc Todeschini. Oui, ça l’est !
M. Christian Cambon, rapporteur. Reste que derrière cette question d’uniforme et de signe, il y a la considération que l’on doit porter à la réserve citoyenne.
Pour assister à de nombreuses prises d’armes ou à des manifestations patriotiques, je sais que beaucoup de personnes appartenant à la réserve citoyenne se plaignent de ne pas être traitées comme il se doit, alors qu’elles font manifestement œuvre de dévouement par rapport à la cause militaire.
Je vous laisse bien évidemment trouver le moyen nécessaire pour les distinguer, qu’il s’agisse d’une tenue ou d’un signe.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour explication de vote.
M. Pierre-Antoine Levi. Dans la gendarmerie, il existe une carte d’identité, contrairement à d’autres corps armés. Je regrette que mon amendement visant à en créer une pour la réserve ait été déclaré irrecevable au titre de l’article 41 de la Constitution.
J’entends le débat. Le terme « uniforme » était pour moi un terme générique. Il s’agit d’une loi de programmation militaire, je peux donc comprendre qu’il prenne ici un tout autre sens. J’accepte donc les modifications apportées par ce sous-amendement.
M. Olivier Cigolotti. C’est incroyable de passer autant de temps sur cette affaire !
M. François-Noël Buffet. Trente minutes…
Mme la présidente. Monsieur le ministre, acceptez-vous de lever le gage sur cet amendement ?
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° 9 rectifié ter.
Je le mets aux voix, modifié.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 14.
L’amendement n° 122 n’est pas soutenu.
Article 14 bis (nouveau)
L’article L. 3142-89 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les entreprises de moins de cinquante salariés, l’employeur peut décider, afin de conserver le bon fonctionnement de l’entreprise, de limiter l’autorisation d’absence annuelle au titre de la réserve opérationnelle militaire ou de la réserve opérationnelle de la police nationale à cinq jours ouvrés par année civile. »
Mme la présidente. L’amendement n° 296, présenté par M. Cambon, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
travail
insérer les mots :
, tel qu’il résulte du 2° du II de l’article 14 de la présente loi,
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 14 bis, modifié.
(L’article 14 bis est adopté.)
Article 15
Le titre III du livre Ier de la quatrième partie du code de la défense est ainsi modifié :
1° La section 2 du chapitre II est complétée par un article L. 4132-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4132-4-1. – Par dérogation aux articles L. 4132-3 et L. 4132-4, les anciens militaires de carrière radiés des cadres depuis moins de cinq ans en application de l’article L. 4139-13 ou du 8° de l’article L. 4139-14, à l’exclusion des officiers généraux, peuvent, sur demande agréée et si leur radiation des cadres n’est pas intervenue dans le cadre d’une mesure d’aide au départ prévue aux articles L. 4139-8 et L. 4139-9-1 du présent code ou aux articles 36 et 38 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale ainsi qu’à l’article 37 de la même loi, dans sa rédaction antérieure à la loi n° … du … relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, être recrutés dans les cadres des officiers, des sous-officiers ou des officiers mariniers de carrière, avec le grade et l’ancienneté de grade qu’ils détenaient lors de leur radiation des cadres.
« Les services accomplis au titre de ce recrutement sont pris en compte comme services effectifs au titre des droits à avancement ainsi qu’au titre de la constitution et de la liquidation du droit à pension.
« Le versement de la pension militaire de retraite dont le militaire ainsi recruté est titulaire est suspendu pendant la durée des services effectués au titre de ce recrutement.
« Cette pension est révisée au moment de la radiation définitive des cadres pour tenir compte des services accomplis au titre dudit recrutement. Le montant de l’ancienne pension, s’il est plus avantageux, est garanti aux intéressés.
« Le militaire ainsi recruté peut bénéficier, sur demande agréée, des dispositifs de la formation et de l’accompagnement vers l’emploi prévus à l’article L. 4139-5 du présent code, aux conditions prévues au même article L. 4139-5. À cette fin, il est tenu compte des services effectifs rendus avant sa radiation des cadres et depuis le recrutement prévu au présent article.
« Un décret en Conseil d’État définit les conditions d’application du présent article. » ;
2° À la fin du dernier alinéa de l’article L. 4132-6, les mots : « deux alinéas précédents » sont remplacés par les mots : « troisième à avant-dernier alinéas » ;
3° L’article L. 4139-14 est ainsi modifié :
a) Au début du 1°, sont ajoutés les mots : « Sous réserve du 1° bis, » ;
b) Après le même 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Au terme de la période de maintien en service prévue à l’article L. 4139-17 ; »
4° L’avant-dernier alinéa du II de l’article L. 4139-16 est supprimé ;
5° La section 4 du chapitre IX est complétée par un article L. 4139-17 ainsi rédigé :
« Art. L. 4139-17. – Par dérogation aux articles L. 4139-16 et L. 4221-2, les militaires de carrière, à l’exclusion des officiers généraux, les officiers sous contrat, les militaires commissionnés, les militaires de la réserve opérationnelle, les militaires engagés et les volontaires dans les armées peuvent, sur demande agréée, être maintenus en service pour répondre aux besoins des forces armées et des formations rattachées pendant une période qui ne peut excéder trois ans à compter de l’atteinte de leur limite d’âge ou de leur limite de durée de service.
« Cette prolongation de service est prise en compte pour la constitution et la liquidation du droit à pension ainsi que pour l’avancement.
« Lorsque le militaire de carrière est promu au grade supérieur durant cette période de maintien en service, la limite d’âge prise en compte pour l’application du présent article est celle de son nouveau grade.
« Au terme de la période de maintien en service, le militaire est radié des cadres ou des contrôles.
« Le maintien en service prévu au présent article est exclusif de ceux prévus au même article L. 4139-16.
« Un décret en Conseil d’État définit les conditions d’application du présent article. »
Mme la présidente. L’amendement n° 297, présenté par M. Cambon, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer la référence :
L. 4139-13
par les mots :
L. 4139-5-1, de l’article L. 4139-13, du 6°
II. – Après l’alinéa 9
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Au premier alinéa du III de l’article L. 4139-5, les mots : « à titre définitif » sont supprimés ;
…° Au sixième alinéa de l’article L. 4139-5-1, les mots : « à titre définitif » sont supprimés ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cambon, rapporteur. Cet amendement vise à étendre l’éligibilité au réengagement sous statut militaire aux anciens militaires ayant bénéficié d’un congé de reconversion ou d’un congé pour création ou reprise d’entreprise.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. En cas d’accompagnement, cette mesure créera un effet de trappe. Les services du ministère redoutent un possible effet pervers du dispositif. J’émets donc un avis plutôt défavorable…
Mme la présidente. L’amendement n° 255, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 16
1° Remplacer les mots :
aux articles L. 4139-16 et L. 4221-2
par les mots :
à l’article L. 4139-16
2° Supprimer les mots :
les militaires de la réserve opérationnelle,
La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il s’agit d’un amendement d’appel pour comprendre le choix fait en commission.
Le présent amendement a pour objet d’exclure les volontaires de la réserve opérationnelle du dispositif de maintien en service au-delà de la limite d’âge. La commission a pris toute une série de mesures qui me paraissent bonnes et a tout aligné sur une limite d’âge de 72 ans : c’est simple, c’est clair.
Or cette mesure-là nous amènerait jusqu’à 75 ans,…
M. Rachid Temal. Avec ou sans uniforme ? (Sourires.)
M. Sébastien Lecornu, ministre. … ce qui ne correspond à aucun besoin en termes de ressources humaines. J’aimerais comprendre le sens de cette proposition, dont j’ignore jusqu’aux auteurs…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Monsieur le ministre, il s’agissait de maintenir en service au-delà de la limite, pendant une durée maximale de trois ans, des réservistes opérationnels qui ont une compétence particulièrement recherchée. Cela pourrait bénéficier à la fois aux armées et aux réservistes qui en font la demande, toujours sur le même principe du volontariat.
Il n’y a nulle raison cachée à cette disposition, il s’agit simplement de vous aider à monter en puissance pour ce qui concerne la réserve.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Cela nous amènera à maintenir des réservistes en activité jusqu’à 75 ans, mais je n’y suis pas opposé… Je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 255 est retiré.
Je mets aux voix l’article 15, modifié.
(L’article 15 est adopté.)
Article 16
(Non modifié)
I. – Le III de l’article L. 4139-5 du code de la défense est ainsi modifié :
1° Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Soit au terme prévu du congé de reconversion ; »
2° À la fin de la première phrase du 2°, les mots : « du quarantième jour du congé » sont remplacés par les mots : « d’une fraction du congé fixée par décret et au moins égale à quarante jours ».
II. – Le 2° du III de l’article L. 4139-5 du code de la défense, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, demeure applicable jusqu’à l’entrée en vigueur du décret prévu au même 2°, dans sa rédaction résultant du I du présent article.
Si elles leur sont plus favorables, les dispositions du 2° du III de l’article L. 4139-5 du code de la défense, dans leur rédaction résultant du I du présent article, s’appliquent aux militaires dont le congé de reconversion est en cours à la date de publication de ce décret et qui, à cette date, n’ont pas encore utilisé leur quarantième jour de congé. – (Adopté.)
Article 17
I. – (Non modifié) Le livre Ier de la quatrième partie du code de la défense est ainsi modifié :
1° L’article L. 4121-5-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le temps de service des militaires mineurs admis en qualité d’élèves des établissements d’enseignement technique et préparatoire militaire et âgés de plus de seize ans et le temps de service des militaires mineurs de plus de dix-sept ans sont limités à huit heures par jour, sous réserve de dérogations justifiées par l’intérêt de la défense ou de la sécurité nationale prévues par décret en Conseil d’État, dans la limite de onze heures par jour. » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Sous réserve de disposer d’un temps de récupération ne pouvant être inférieur à huit heures par jour, les militaires mineurs mentionnés au premier alinéa peuvent être tenus d’assurer un service de nuit. Est considéré comme service de nuit tout service de 22 heures à 6 heures. La durée de ce service ne peut dépasser six heures. Il est réservé aux seules activités strictement nécessaires au fonctionnement des unités et organismes au sein desquels les militaires mineurs sont affectés. » ;
2° Les 2° et 4° de l’article L. 4132-5 sont complétés par les mots : « , y compris les apprentis militaires » ;
3° Le titre V est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« CHAPITRE III
« Enseignement technique et préparatoire militaire
« Art. L. 4153-1. – Les élèves admis sous statut militaire dans les établissements d’enseignement technique et préparatoire militaire pour recevoir une formation générale et professionnelle prévue au 4° de l’article L. 4132-1 s’engagent à servir dans les forces armées et les formations rattachées à l’issue de leur formation. Cet enseignement constitue une forme spécifique d’apprentissage.
« Pendant leur formation, ils ont le statut d’apprentis militaires.
« Art. L. 4153-2. – Les apprentis militaires ne peuvent participer qu’aux activités des unités et des organismes au sein desquels ils reçoivent leur formation ainsi que, le cas échéant, à la mise en œuvre des mesures de défense civile prévues à l’article L. 1321-2.
« Art. L. 4153-3. – Un décret en Conseil d’État définit les conditions d’application du présent chapitre. »
II (nouveau). – L’article L. 6211-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sous réserve de l’article L. 6241-5, les dispositions du présent livre ne sont pas applicables aux apprentis militaires qui sont régis par le code de la défense. »
Mme la présidente. L’amendement n° 166 rectifié, présenté par MM. Guiol, Guérini, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire et Gold, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 4153-2-…. - Les statuts particuliers des différents établissements d’enseignement technique et préparatoire militaire sont conservés ainsi que les spécificités propres à chaque filière de formation d’apprentissage militaire.
La parole est à M. André Guiol.
M. André Guiol. L’article 17 vise à créer un régime d’apprentissage militaire. C’est une bonne chose pour encourager les vocations et raffermir le lien entre l’armée et la jeunesse.
Trois établissements d’enseignement technique et préparatoire militaire sont visés par ce nouveau régime. Pour l’armée de terre, il s’agit de l’école militaire préparatoire technique de Bourges. Pour la marine nationale, c’est l’école des mousses. Enfin, pour l’armée de l’air et de l’espace, l’école d’enseignement technique de l’armée de l’air et de l’espace.
Il est tout à fait justifié, au travers de ces articles, d’encadrer le temps de service des militaires mineurs, conformément à nos valeurs et à nos engagements conventionnels internationaux sur l’emploi des mineurs.
Toutefois, en harmonisant le statut des élèves des écoles techniques préparatoires militaires, est-on certain que cet article préserve les spécificités des trois écoles que je viens de mentionner ?
Chacune d’entre elles a en effet des spécificités qui concernent l’âge, les conditions d’accès, la durée des formations et des engagements proposés au terme de la formation, le régime de solde ou les permissions.
Cet amendement vise à garantir à chaque filière de formation d’apprentissage militaire le maintien de ses particularités, dans la perspective des futurs décrets.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Si le M. le ministre s’engage à maintenir toutes ces spécificités, la commission demandera le retrait de cet amendement, qui aurait davantage sa place dans le rapport annexé au projet de loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Nous ne voulons toucher à aucune spécificité. Je demande donc également le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Guiol, l’amendement n° 166 rectifié est-il maintenu ?
M. André Guiol. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 166 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 17.
(L’article 17 est adopté.)
Article 17 bis
(Non modifié)
L’article L. 6241-5 du code du travail est complété par un 14° ainsi rédigé :
« 14° Les établissements d’enseignement technique et préparatoire militaire mentionnés à l’article L. 4153-1 du code de la défense. » – (Adopté.)
Après l’article 17 bis
Mme la présidente. L’amendement n° 161 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Guérini, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire et Gold, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 17 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 130-2 du code du service national, après les mots : « trois mois au plus », sont insérés les mots : « et, en cas de difficulté d’accès au logement, pendant une période de six mois au plus dans la limite des hébergements disponibles existants ».
La parole est à M. André Guiol.
M. André Guiol. M. le rapporteur a rappelé le travail récent du Sénat sur la jeunesse et la citoyenneté, qui a donné lieu, l’année dernière, à un rapport d’information. Cet amendement est issu de l’une des préconisations de cette mission d’information.
D’anciens volontaires à l’insertion peuvent rencontrer des difficultés d’accès au logement à leurs débuts dans la vie professionnelle.
Un dispositif du code du service national propose à ces jeunes un « contrat de soutien » de trois mois afin de leur permettre de continuer à être hébergés au sein de l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi (Epide) alors qu’ils ne sont plus volontaires à l’insertion.
La durée de ce contrat de soutien, qui constitue un outil non négligeable d’accompagnement au logement, mérite d’être étendue. Il s’agit de la prolonger de trois mois, pour la porter à six mois maximum.
Afin de ne pas créer de charge publique, nous proposons que cette faculté dépende des logements existants disponibles au sein de l’Epide.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Favorable !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. J’émets un avis défavorable pour une simple et bonne raison : c’est non pas le ministre des armées, mais le ministre du travail, qui se trouve être le ministre de tutelle des Epide…
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 17 bis.
L’amendement n° 164, présenté par M. Haye, Mme Duranton, MM. Patriat, Gattolin, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert, Dennemont et Hassani, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :
I. - Après l’article 17 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa du II de l’article L. 841-5 du code de l’éducation est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Sont exonérés du versement de cette contribution :
« 1° Les étudiants bénéficiant, pour l’année universitaire au titre de laquelle la contribution est due, d’une bourse de l’enseignement supérieur ou d’une allocation annuelle accordée dans le cadre des dispositifs d’aide aux étudiants mentionnées à l’article L. 821-1 du présent code ;
« 2° Les étudiants bénéficiant du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire ou étant enregistrés par l’autorité compétente en qualité de demandeur d’asile et disposant du droit de se maintenir sur le territoire dans les conditions prévues aux articles L. 541-1 et L. 573-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
« 3° Les élèves des établissements d’enseignement relevant du ministère de la défense comportant des classes préparatoires aux écoles, exonérés de droits d’inscription prévus à l’article L. 719-4 du présent code sur critères sociaux. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Ludovic Haye.
M. Ludovic Haye. Conformément à l’article D. 612-29 du code de l’éducation, les élèves admis au titre de l’aide au recrutement en classe préparatoire aux grandes écoles des lycées de la défense sont tenus, comme tous les étudiants des classes préparatoires aux grandes écoles des lycées publics, de s’inscrire parallèlement dans un établissement d’enseignement supérieur.
Cette inscription donne lieu au versement des droits d’inscription prévus à l’article L. 719-4 du code de l’éducation, ainsi qu’au paiement de la contribution de vie étudiante et de campus instituée à l’article L. 841-5 du même code.
Les auteurs de cet amendement proposent de corriger une iniquité entre étudiants, en exonérant du paiement de cette contribution les élèves des lycées de défense qui viendraient à être exonérés de droits d’inscription dans l’établissement d’enseignement supérieur sur des critères sociaux.
En effet, les boursiers de l’enseignement supérieur sur critères sociaux sont actuellement exonérés de ces droits d’inscription et bénéficient, corrélativement, d’une exonération de la contribution de vie étudiante et de campus.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur le ministre, acceptez-vous de lever le gage ?
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° 164 rectifié.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 17 bis.
Article 18
I. – La sous-section 2 de la section 2 du chapitre IX du titre III du livre Ier de la quatrième partie du code de la défense est complétée par un article L. 4139-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4139-9-1. – I. – Les officiers et les sous-officiers et officiers mariniers en position d’activité peuvent, sur demande agréée et dans la limite d’un contingent annuel, bénéficier d’une promotion dénommée “promotion fonctionnelle”. Celle-ci consiste, au vu de leurs mérites et de leurs compétences, à nommer au grade supérieur des officiers et des sous-officiers de carrière afin de leur permettre d’exercer une fonction déterminée avant leur radiation des cadres ou, s’agissant des officiers généraux, leur admission dans la deuxième section.
« Ne sont pas éligibles au premier alinéa les militaires ayant bénéficié :
« 1° Du pécule des militaires de carrière au titre de l’article L. 4139-8 ;
« 2° De la disponibilité au titre de l’article L. 4139-9 ;
« 3° D’un pécule modulable d’incitation au départ au titre de l’article 38 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale ;
« 4° D’une pension afférente au grade supérieur au titre de l’article 36 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 précitée.
« Un décret en Conseil d’État détermine, pour chaque grade, les conditions requises pour bénéficier de la promotion fonctionnelle prévue au présent article. Ces conditions tiennent à l’ancienneté de l’intéressé dans le grade détenu et à l’intervalle le séparant de la limite d’âge applicable à ce grade au 1er janvier de l’année de dépôt de sa demande.
« II. – Les militaires ayant bénéficié d’une promotion fonctionnelle au titre du I peuvent, sur leur demande, être nommés dans un second emploi. Cette nomination peut s’accompagner d’une nouvelle promotion fonctionnelle. Au terme de la période d’exercice de ce second emploi, ils sont radiés des cadres ou, s’agissant des officiers généraux, admis en deuxième section.
« III. – Nul ne peut être promu en application du I à un grade autre que celui d’officier général s’il n’est inscrit sur un tableau d’avancement spécial établi, au moins une fois par an, par corps, dans les conditions définies à l’article L. 4136-3.
« Sous réserve des nécessités du service, les promotions fonctionnelles sont prononcées dans l’ordre de ce tableau.
« IV. – Un arrêté du ministre de la défense ou du ministre de l’intérieur pour les militaires de la gendarmerie nationale et des ministres chargés du budget et de la fonction publique, publié avant une date prévue par décret, fixe, pour une période de trois ans, le contingent mentionné au premier alinéa du I du présent article. Cet arrêté est actualisé chaque année. »
II. – (Non modifié) La loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale est ainsi modifiée :
1° Le dernier alinéa du III de l’article 36 est ainsi rédigé :
« La pension prévue au présent article est exclusive du bénéfice des dispositifs d’incitation au départ prévus à l’article 38 de la présente loi et à l’article L. 4139-9-1 du code de la défense ainsi que du bénéfice de la disponibilité prévue à l’article L. 4139-9 du même code. Elle ne peut pas non plus être attribuée au militaire ayant bénéficié d’une promotion fonctionnelle en application de l’article 37 de la présente loi, dans sa rédaction antérieure à la loi n° … du … relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense. » ;
2° L’article 37 est abrogé ;
3° Le I de l’article 38 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, l’année : « 2025 » est remplacée par l’année : « 2030 » ;
b) Au 1°, après le mot : « grade », sont insérés les mots : « ou, pour un officier général, à plus d’un an de sa limite d’âge, » ;
c) L’avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Le pécule modulable d’incitation au départ des militaires est exclusif du bénéfice des dispositifs d’incitation au départ prévus à l’article 36 de la présente loi et à l’article L. 4139-9-1 du code de la défense ainsi que du bénéfice de la disponibilité prévue à l’article L. 4139-9 du même code. Il ne peut pas non plus être attribué au militaire ayant bénéficié d’une promotion fonctionnelle en application de l’article 37 de la présente loi, dans sa rédaction antérieure à la loi n° … du … relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense. »
Mme la présidente. L’amendement n° 256, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 9
1° Remplacer le mot :
militaires
par les mots :
officiers généraux de la première section
2° Supprimer les mots :
radiés des cadres ou, s’agissant des officiers généraux,
La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il s’agit encore une fois d’un amendement d’appel pour comprendre ce qui a été voté en commission.
La double promotion fonctionnelle est prévue dans le texte pour les seuls officiers généraux pour des raisons bien compréhensibles, qui tiennent aux particularités de la gestion du corps.
Étendre ce dispositif à l’ensemble des militaires ne répond à aucun besoin identifié en matière de ressources humaines…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Nos rapporteurs ont travaillé notamment avec le Conseil supérieur de la fonction militaire, qui a évoqué de manière tout à fait formelle le fait que ce dispositif serait bénéfique pour des sous-officiers ou des officiers, qui ne seraient pas des officiers généraux, et que l’on souhaiterait maintenir en double promotion fonctionnelle en active.
J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement. (M. le ministre manifeste son scepticisme.)
Mme la présidente. L’amendement n° 171 rectifié, présenté par M. Haye, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre 1er du titre II du livre III de la première partie du code de la défense est complété par un article L. 1321-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1321-… – Les autorités militaires, en étroite collaboration avec les responsables départementaux de la lutte contre le risque incendie, dressent une cartographie nationale des pistes aériennes implantées sur une des zones militaires désignées dans le présent code et dont l’état actuel permet d’accueillir tout type d’aéronef dédié à la lutte contre les incendies. Ces autorités devront se prononcer dans un délai de deux ans après la publication de la présente loi sur la nécessité d’équiper les sites ainsi identifiés d’une station d’avitaillement en produits retardant la propagation d’un incendie. L’utilisation d’une piste identifiée par les autorités en charge de la lutte contre l’incendie est soumise à l’accord préalable de l’autorité militaire gestionnaire de la base concernée. Cet accord peut être donné par tous moyens. »
La parole est à M. Ludovic Haye.
M. Ludovic Haye. J’espère vous faire changer d’avis sur cet amendement, frappé au coin du bon sens.
Dans la perspective d’un risque incendie accru dans des territoires jusqu’à présent épargnés par des incendies de forêt majeurs, qui étaient cantonnés plutôt dans la zone méditerranéenne et dans le Sud-Ouest, cet amendement vise à identifier et à tester les pistes d’atterrissage pouvant permettre à des aéronefs de type Canadair, Dash ou A400M, qui peuvent désormais se charger en eau, d’avitailler et de se ravitailler dans un périmètre restreint afin d’éteindre l’incendie dans les meilleurs délais.
Cette sorte de rapprochement avec la sécurité civile éviterait de construire de nouvelles infrastructures et constituerait une stratégie gagnante pour nos armées en pérennisant les infrastructures militaires existantes. Je rappelle qu’un Canadair, c’est six tonnes d’eau ; un Dash, douze tonnes ; un A400M, vingt tonnes ! La question mérite donc d’être soulevée, d’autant que cette mesure n’entraînerait aucun coût supplémentaire pour le Gouvernement ou pour les armées.
En effet, pour aboutir à une lutte efficace contre les incendies de forêt, il apparaît primordial de permettre à des moyens aéroportés de bénéficier d’un maillage suffisamment dense de sites d’avitaillement.
La présence de nombreuses pistes ou infrastructures militaires sur le territoire français est un atout qu’il s’agit de valoriser en déployant à leurs abords un dispositif d’avitaillement efficace permettant aux aéronefs de type Canadair, Dash ou A400M de se réapprovisionner en produits retardant la propagation d’incendie. Le maintien en état des pistes est bien évidemment le corollaire de ce dispositif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Le dialogue entre les ministères de l’intérieur et des armées est satisfaisant à cet égard. Est-ce le bon véhicule législatif ? Cette disposition a-t-elle sa place dans la partie normative de la LPM ? J’en doute.
Je comprends votre motivation sur le fond, monsieur le sénateur, mais je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 18.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à minuit et demi afin de poursuivre l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
L’amendement n° 172, présenté par M. Haye, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre 1er du titre II du livre III de la première partie du code de la défense est complété par un article L. 1321-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1321-… – Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2026, un rapport portant sur les capacités d’utilisation des pistes implantées sur des zones militaires soumises aux dispositions du présent code par les aéronefs dédiés à la lutte contre les incendies de forêt et déterminant les besoins, afin d’optimiser cet usage en cas de survenance d’un incendie nécessitant l’emploi de moyens aéroportés.
« Il évalue pour chaque piste le caractère opérationnel du dispositif d’avitaillement en produits retardant mis en place.
« Il dresse la liste des cas d’utilisation de chaque piste aux fins d’avitaillement par un aéronef dans le cadre de la lutte contre un incendie et les perspectives d’amélioration du dispositif suite aux retours d’expériences établis. »
La parole est à M. Ludovic Haye.
M. Ludovic Haye. Je suis un peu plus prudent cette fois, car je connais le sort que le Sénat réserve généralement à ce type d’amendement. (Sourires.)
Il s’agit de demander au Gouvernement un rapport sur les capacités d’utilisation des pistes implantées sur des zones militaires par les aéronefs dédiés à la lutte contre les incendies de forêt. Ce rapport déterminerait également les besoins afin d’optimiser cet usage en cas de survenance d’un incendie de forêt d’ampleur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Cette question est importante, mais très spécifique. Comme dirait le sénateur Temal, qui a relu les anciennes LPM, l’usage est d’avoir des textes peu bavards, avec de grands objectifs stratégiques. En l’occurrence, ce degré de précision me paraît un peu exagéré, même si, au vu de la dynamique globale du projet de loi depuis l’Assemblée nationale, j’ai fait mon deuil d’un texte nerveux et resserré. (Sourires.)
J’émettrai donc un avis de sagesse renforcée…
M. Rachid Temal. C’est une question plus importante que les insignes !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 18.
Chapitre II
Renseignement et contre-ingérence
Article 19
(Non modifié)
À la première phrase du second alinéa du I de l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, après le mot : « consultation », sont insérés les mots : « du bulletin n° 2 du casier judiciaire et ». – (Adopté.)
Après l’article 19
Mme la présidente. L’amendement n° 177, présenté par Mme M. Vogel, MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au troisième alinéa de l’article L. 4123-8 du code de la défense, les mots : « ou politiques » sont remplacés par les mots : « , politiques, ainsi que de l’orientation sexuelle ».
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Nos militaires passent régulièrement des examens médicaux. Ils sont obligatoires pour entrer dans l’armée, mais ils sont également de mise avant de partir en mission à l’étranger.
Tel était le cas pour une capitaine de la marine, sur qui un médecin a donc pratiqué un certain nombre d’examens, notant les résultats sur une fiche. Jusqu’ici, tout va bien, sauf que le médecin y faisait également mention de l’homosexualité de la capitaine. Il a inscrit : « ouvertement homosexuelle », comme l’a révélé une enquête approfondie de France Info. Or faire mention de l’orientation sexuelle dans un document médical n’est rien d’autre qu’une stigmatisation.
Afin d’éviter que de tels cas ne se renouvellent dans le futur, cet amendement du groupe écologiste, rédigé par ma collègue Mélanie Vogel, vise à interdire de mentionner l’orientation sexuelle dans le dossier individuel du militaire. La loi interdit déjà, à raison, d’y mentionner des opinions ou croyances philosophiques, religieuses ou politiques. Cet amendement, s’il était adopté, compléterait cette liste pour éviter de telles stigmatisations.
Au-delà des fiches médicales, cette interdiction s’appliquerait par ailleurs à tous les documents qui sont ajoutés aux dossiers individuels, comme les décisions de congés ou les attestations émises après un exercice particulier.
Cette question me donne l’occasion de rappeler le rôle important que peuvent jouer les médecins militaires dans la lutte contre le harcèlement et le bizutage dans l’armée. Ils sont amenés à examiner les victimes et peuvent tirer la sonnette d’alarme. La plupart du temps, ils et elles le font, et nous devons honorer leur travail infatigable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 19.
Article 20
I. – Le chapitre II du titre II du livre Ier de la quatrième partie du code de la défense est complété par des articles L. 4122-11 et L. 4122-12 ainsi rédigés :
« Art. L. 4122-11. – Le militaire exerçant des fonctions présentant une sensibilité particulière ou requérant des compétences techniques spécialisées qui souhaite exercer une activité en échange d’un avantage personnel ou d’une rémunération dans le domaine de la défense ou de la sécurité au bénéfice, directement ou indirectement, d’un État étranger, d’une collectivité territoriale étrangère ou d’une entreprise ou d’une organisation ayant son siège en dehors du territoire national ou sous contrôle étranger est tenu d’en faire la déclaration au ministre de la défense, en respectant un délai de préavis fixé par décret en Conseil d’État.
« La même obligation s’applique durant les dix années suivant la cessation des fonctions mentionnées au premier alinéa du présent article.
« Cette obligation ne s’applique pas au militaire qui souhaite exercer une activité au sein d’une entreprise titulaire de l’autorisation mentionnée à l’article L. 2332-1.
« Cette obligation ne dispense pas le militaire de se soumettre au contrôle déontologique visant à prévenir la commission des infractions de prise illégale d’intérêt et relevant, selon son statut, de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et de la commission de déontologie des militaires dans les conditions prévues à l’article L. 4122-5, lorsque ces entités ont vocation à se prononcer.
« Un décret en Conseil d’État détermine les domaines d’emploi dont relèvent les fonctions mentionnées au premier alinéa du présent article. Celles-ci sont précisées par un arrêté non publié du ministre de la défense. Les militaires ou anciens militaires soumis à l’obligation prévue aux deux premiers alinéas en sont informés.
« Le ministre de la défense peut s’opposer à l’exercice de l’activité envisagée par le militaire lorsqu’il estime, d’une part, que cet exercice comporte le risque d’une divulgation par l’intéressé de savoir-faire nécessaires à la préparation et à la conduite des opérations militaires auxquels il a eu accès dans le cadre de fonctions mentionnées au premier alinéa et, d’autre part, que cette divulgation est de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation.
« En cas de méconnaissance de l’obligation prévue aux deux mêmes premiers alinéas ou de l’opposition prévue au cinquième alinéa :
« 1° Le contrat conclu en vue de l’exercice de cette activité est nul de plein droit ;
« 2° L’autorité administrative peut prononcer :
« a) Des retenues sur la pension de l’intéressé, ne pouvant excéder 50 % de son montant, pour la durée d’exercice de l’activité illicite, dans la limite de dix ans ;
« b) Le retrait des décorations obtenues par l’intéressé.
« Art. L. 4122-12. – La méconnaissance de l’obligation prévue aux deux premiers alinéas de l’article L. 4122-11 ou de l’opposition prévue au cinquième alinéa du même article L. 4122-11 est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. »
II. – Les articles L. 4122-11 et L. 4122-12 du code de la défense s’appliquent aux agents civils de l’État et de ses établissements publics participant au développement de savoir-faire nécessaires à la préparation et à la conduite des opérations militaires dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
Mme la présidente. L’amendement n° 121 rectifié, présenté par MM. Cadic, Cigolotti, Bonneau, Cazabonne, Détraigne, Le Nay, Folliot, Poadja et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Après le mot :
spécialisées
insérer les mots :
ou le diplomate ayant le grade de ministre plénipotentiaire
II. – Alinéa 4
Après le mot :
militaire
insérer les mots :
ou au diplomate ayant le grade de ministre plénipotentiaire
III. – Alinéa 5
Après les mots :
le militaire
insérer les mots :
ou le diplomate ayant le grade de ministre plénipotentiaire
IV. – Alinéa 6
Après les mots :
anciens militaires
insérer les mots
ou les diplomates ayant le grade de ministre plénipotentiaire
V. – Alinéa 7
Après le mot :
défense
insérer les mots :
ou le ministre des affaires étrangères
et après les mots :
le militaire
insérer les mots :
ou le diplomate ayant le grade de ministre plénipotentiaire
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Dans le contexte de résurgence des tensions et compétitions internationales, certains États étrangers n’hésitent pas à rechercher activement, directement ou par l’intermédiaire d’entreprises agissant pour leur compte, la collaboration d’anciens militaires dont l’expertise technique ou le savoir-faire opérationnel présentent un intérêt stratégique pour le développement de leurs propres capacités militaires.
L’article 20 vise à instituer un contrôle préventif et dissuasif concernant les militaires ou anciens militaires ayant occupé des fonctions d’une sensibilité particulière et souhaitant exercer une activité lucrative pour le compte d’un État étranger, voire d’une entreprise étrangère ou sous contrôle étranger intervenant dans le domaine de la défense et de la sécurité.
Le présent amendement vise à étendre ce dispositif aux diplomates ayant le grade de ministre plénipotentiaire.
Pour reprendre une analogie que je fais régulièrement, les affaires étrangères sont à la défense ce que la justice est à l’intérieur. Les ambassadeurs, les diplomates ont un rôle éminent à jouer pour notre pays. Lorsqu’ils sortent du service de l’État et se mettent à la disposition d’un pays étranger, les conséquences peuvent être aussi dommageables qu’avec des militaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Je m’en remets à l’avis du Gouvernement.
L’amendement concerne les diplomates ayant le grade de ministre de plénipotentiaire ; or il me semble que ce grade a été supprimé par le Gouvernement dans le cadre de la réforme du corps diplomatique.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Au-delà de cet amendement, on peut se poser la question pour tous les autres corps de métier qui pourraient avoir accès à un savoir-faire militaire.
Comme j’ai eu l’occasion de le souligner à l’Assemblée nationale, le seul fait d’introduire ce type de mesure dans notre droit est assez stupéfiant – cela n’a jamais été fait auparavant. Les députés ont durci le dispositif initial, qui concernait seulement les pilotes, pour aller bien au-delà.
Monsieur le sénateur, en quoi le grade de ministre plénipotentiaire donne-t-il accès à un savoir-faire militaire particulier ? D’autres diplomates, qui ne sont pas ministres plénipotentiaires, peuvent aussi travailler en lien avec la mission de défense ou avec la cellule de la DGSE du pays où ils sont en poste. Ce grade n’est pas en soi déterminant. Aussi, votre amendement me semble top précis, raison pour laquelle j’y suis défavorable.
Pour autant, monsieur le sénateur Cadic, vous posez une question redoutable : jusqu’où va-t-on dans l’élargissement de ce type de dispositif, y compris à d’autres ministères que le mien ? Une réflexion doit être menée sur ce sujet à l’avenir. Ce texte pose un premier parpaing, mais je suis sûr que ceux qui nous succéderont y reviendront.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Les diplomates peuvent contribuer à l’influence. Or la guerre d’influence est aujourd’hui aussi importante que le conflit ouvert tel qu’on peut le voir sur des théâtres d’opérations.
J’entends vos arguments et je retire donc mon amendement.
Cependant, il me semble vraiment important de prendre en compte cette dimension. Pour assister à un certain nombre de conférences, je suis bien placé pour constater que des diplomates qui servaient la France n’hésitent pas à reprendre aujourd’hui le verbatim de puissances étrangères qui ne nous veulent pas que du bien. Cela me gêne.
Mme la présidente. L’amendement n° 121 rectifié est retiré.
L’amendement n° 257, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La décision d’opposition n’intervient qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales.
La parole est à M. le ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 20, modifié.
(L’article 20 est adopté.)
Article 21
(Non modifié)
Après l’article 628-8 du code de procédure pénale, il est inséré un article 628-8-1 ainsi rédigé :
« Art. 628-8-1. – Par dérogation à l’article 11, pour les procédures d’enquête ou d’instruction ouvertes sur le fondement d’une ou de plusieurs infractions entrant dans le champ d’application de l’article 628, le procureur de la République antiterroriste peut communiquer aux services spécialisés de renseignement mentionnés à l’article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure, de sa propre initiative ou à la demande de ces services, des éléments de toute nature figurant dans ces procédures et nécessaires à l’exercice des missions de ces services au titre de la défense et de la promotion des intérêts fondamentaux de la Nation mentionnés aux 1°, 2°, 4°, 6° et 7° de l’article L. 811-3 du même code. Si la procédure fait l’objet d’une information, cette communication ne peut intervenir que sur avis favorable du juge d’instruction.
« Le juge d’instruction peut également procéder à cette communication, dans les mêmes conditions et pour les mêmes finalités que celles mentionnées au premier alinéa du présent article, pour les procédures d’information dont il est saisi, après avoir recueilli l’avis du procureur de la République antiterroriste.
« Les informations communiquées en application du présent article ne peuvent faire l’objet d’un échange avec des services de renseignement étrangers ou avec des organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement.
« Sauf si l’information porte sur une condamnation prononcée publiquement, les personnes qui en sont destinataires sont tenues au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. » – (Adopté.)
Article 22
(Non modifié)
L’article 656-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est applicable au témoignage des personnes ayant appartenu aux services et aux unités qu’il mentionne. » – (Adopté.)
Article 22 bis (nouveau)
Le I de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est ainsi modifié :
1° À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « enjeux », sont insérés les mots : « et sujets » ;
2° Après le 6°, il est inséré un 7° ainsi rédigé :
« 7° Un bilan des recommandations que la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement adresse au Premier ministre en application de l’article L. 833-6 du même code ; »
3° Le 7° devient le 8°. – (Adopté.)
Après l’article 22 bis
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 60 rectifié, présenté par MM. Bascher et Rapin, Mme Demas, MM. Cardoux, Daubresse, Brisson et Bazin, Mme Thomas, MM. Somon et Regnard, Mme Belrhiti, M. B. Fournier, Mmes Dumont et Gosselin, MM. Panunzi, Pellevat, Burgoa et Gremillet, Mme Ventalon, MM. Belin et Sautarel, Mmes F. Gerbaud et Lopez, MM. Meignen, Laménie, Genet, Saury et Lefèvre, Mmes Borchio Fontimp et Garriaud-Maylam, MM. E. Blanc et Cadec, Mmes Lherbier et Del Fabro et MM. Pointereau et C. Vial, est ainsi libellé :
Après l’article 22 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 6 decies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 6 … ainsi rédigé :
« Art. 6 … – I. – Il est constitué une délégation parlementaire au renseignement économique, commune à l’Assemblée nationale et au Sénat. Cette délégation est composée de quatre députés et de quatre sénateurs.
« II. – Les présidents des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des affaires économiques et des finances sont membres de droit de la délégation parlementaire au renseignement économique.
« La fonction de président de la délégation est assurée alternativement, pour un an, par un député et un sénateur, désigné par les membres de droit de la délégation. Les autres membres de la délégation sont désignés par le président de leur assemblée respective en tâchant de reproduire les équilibres entre groupes politiques de chacune d’entre elles. Les députés qui ne sont pas membres de droit sont désignés au début de chaque législature et pour la durée de celle-ci. Les sénateurs qui ne sont pas membres de droit sont désignés après chaque renouvellement partiel du Sénat.
« III. – Sans préjudice des compétences des commissions permanentes et sous réserve des compétences de la délégation parlementaire au renseignement, la délégation parlementaire au renseignement économique a pour mission de suivre l’action du Gouvernement en matière de protection et de promotion des intérêts économiques de la France, ainsi qu’en matière de contrôle des investissements étrangers, et de prises de participation dans les entreprises à travers l’Agence des participations de l’État.
« À cette fin, le Gouvernement lui transmet chaque année un rapport comportant :
« 1° Une description de l’action du Gouvernement en matière de protection et de promotion des intérêts économiques de la France, notamment des mesures prises en matière de sécurité économique et de protection des entreprises stratégiques, des objectifs poursuivis, des actions déployées et des résultats obtenus ;
« 2° Des informations relatives à la procédure d’autorisation préalable des investissements étrangers dans une activité en France, comprenant notamment des éléments détaillés relatifs au nombre de demandes d’autorisation préalables adressées au ministre chargé de l’économie, de refus d’autorisation, d’opérations autorisées, d’opérations autorisées assorties de conditions prévues au II de l’article L. 151-3 du code monétaire et financier, ainsi que des éléments relatifs à l’exercice par le ministre chargé de l’économie des mesures prévues à l’article L. 151-3-1 du même code ;
« 3° Des éléments d’appréciation relatifs à l’activité générale et à l’organisation des services spécialisés du renseignement économique.
« La délégation peut entendre le Premier ministre, les ministres compétents et les directeurs des administrations centrales concernées, accompagnés des collaborateurs de leur choix.
« IV. – Les travaux de la délégation parlementaire au renseignement économique sont couverts par le secret des affaires et par le secret de la défense nationale.
« Les membres de la délégation et les agents des assemblées mentionnés aux II et III sont astreints au respect du secret des affaires et de la défense nationale pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en ces qualités. Chaque année, la délégation établit un rapport public dressant le bilan de son activité. Ce document ne peut faire état d’aucune information ni d’aucun élément d’appréciation portant atteinte au secret des affaires ou de la défense nationale.
« V. – Dans le cadre de ses travaux, la délégation peut adresser des recommandations et des observations au Président de la République et au Premier ministre ainsi qu’aux ministres compétents. Elle les transmet au président de chaque assemblée.
« VI. – La délégation parlementaire au renseignement économique établit son règlement intérieur. Celui-ci est soumis à l’approbation du bureau de chaque assemblée.
« VII. – Les dépenses afférentes au fonctionnement de la délégation sont financées et exécutées comme dépenses des assemblées parlementaires dans les conditions fixées par l’article 7 de la présente ordonnance. »
La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Il s’agit d’un amendement de notre collègue Jérôme Bascher.
La délégation parlementaire au renseignement a été créée par la loi n° 2007-1443 du 9 octobre 2007. Nous regrettons que ses missions ne couvrent pas le renseignement économique. Cette lacune dans le contrôle démocratique doit être comblée.
Nous souhaitons donc la création d’une délégation parlementaire au renseignement économique, composée de quatre députés et de quatre sénateurs. Elle pourrait notamment entendre les personnalités compétentes sur ces sujets et adresser des recommandations et des observations au Président de la République, au Premier ministre ainsi qu’aux ministres compétents.
Afin de préserver les compétences d’autres organes du Parlement, il est précisé que cette délégation exercerait ses compétences sous réserve de ne pas empiéter sur celles de la délégation parlementaire au renseignement.
Mme la présidente. L’amendement n° 151 rectifié, présenté par M. P. Laurent, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 22 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 6 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 6 … ainsi rédigé :
« Art. 6 …. – I. – Il est constitué une délégation parlementaire dénommée « Office parlementaire à la sécurité économique et aux investissements économiques concourant à la consolidation de la souveraineté ». Cette délégation, par ses auditions et travaux, contribue favorablement à l’exercice de la mission de contrôle du Gouvernement par le Parlement. Dans un objectif de transparence, le Gouvernement doit rendre des comptes sur des politiques ayant des impacts sur les intérêts économiques, industriels, scientifiques de la Nation ou bien le contrôle des investissements étrangers et le suivi des programmes industriels de défense.
« II. – La délégation est composée de dix-huit députés et dix-huit sénateurs désignés de façon à assurer, au sein de chaque assemblée, une représentation proportionnelle des groupes politiques. Les députés sont désignés au début de chaque législature pour la durée de celle-ci. Les sénateurs sont désignés après chaque renouvellement partiel du Sénat.
« Après chacun de ses renouvellements, la délégation élit son président et son premier vice-président qui ne peuvent appartenir à la même assemblée.
« III. – La délégation est assistée d’un conseil scientifique composé de vingt-quatre personnalités choisies en raison de leurs compétences dans les domaines économiques, industriels ou scientifiques.
« Les membres du conseil scientifique sont désignés pour trois ans dans les conditions prévues par le règlement intérieur de la délégation.
« Le conseil scientifique est saisi dans les conditions prévues par le règlement intérieur de la délégation, chaque fois que celle-ci l’estime nécessaire.
« IV. – La délégation peut recueillir l’avis des organisations syndicales et professionnelles les plus représentatives au niveau national, ainsi que des associations de protection de l’environnement ou de défense des usagers et consommateurs.
« V. – La délégation est saisie par :
« 1° Le bureau de l’une ou l’autre assemblée, soit à son initiative, soit à la demande d’un président de groupe, soit à la demande de soixante députés ou de quarante sénateurs ;
« 2° Une commission spéciale ou permanente.
« VI. – La délégation dispose des pouvoirs définis par le IV de l’article 164 de l’ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959.
« En cas de difficultés dans l’exercice de sa mission, la délégation peut demander, pour une durée n’excédant pas six mois, à l’assemblée d’où émane la saisine de lui conférer les prérogatives attribuées par l’article 6 de la présente ordonnance aux commissions parlementaires d’enquête, à leurs présidents et à leurs rapporteurs. Lorsque la délégation bénéficie de ces prérogatives, les dispositions relatives au secret des travaux des commissions d’enquête et des commissions de contrôle sont applicables.
« VII. – Les travaux de la délégation sont publics, sauf décision contraire de sa part.
« Les résultats des travaux exécutés et les observations de la délégation sont rendus publics.
« Toutefois, lorsque la délégation a obtenu le bénéfice des dispositions de l’article 6, la décision de publication ne peut être prise que par l’assemblée intéressée, dans les conditions fixées par son règlement pour la publication des rapports des commissions d’enquête et de contrôle.
« VIII. – La délégation établit son règlement intérieur ; celui-ci est soumis à l’approbation des bureaux des deux assemblées.
« IX. – Les dépenses afférentes au fonctionnement de la délégation sont financées et exécutées comme dépenses des assemblées parlementaires dans les conditions fixées par l’article 7. »
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Dans un objectif de transparence, il nous semble tout à fait sain, dans une démocratie, que le Gouvernement rende des comptes sur des politiques ayant des incidences sur les intérêts économiques, industriels, scientifiques de la nation.
En commission, cette idée fut balayée d’un revers de main, au motif qu’une délégation à la sécurité économique empiéterait sur l’activité de la délégation parlementaire au renseignement, voire risquerait d’émietter le contrôle parlementaire en matière de renseignement. Opposer ainsi ces deux organes relève selon moi d’un non-sens. En effet, la délégation au renseignement dispose de prérogatives pour traiter de questions économiques. Toutefois, le champ de compétence de cette délégation étant très large, elle ne peut tout traiter en profondeur.
En outre, une délégation à la sécurité économique et aux investissements ne disposerait pas d’un pouvoir de contrôle sur le Gouvernement de même nature que la délégation au renseignement. L’une exercerait un contrôle a priori, tandis que l’autre exercerait un contrôle a posteriori.
L’idée de créer une telle délégation répond au besoin de se prémunir contre toute atteinte à des secteurs concourant à la souveraineté de la France, pour ne pas attendre que le mal soit fait.
Je pense, par exemple, au secteur du numérique, au sujet duquel nous avons déposé plusieurs amendements. Le numérique constitue en effet un secteur stratégique tant pour notre industrie militaire que pour notre industrie civile et, plus généralement, pour l’ensemble de nos institutions publiques.
Il faut que l’État investisse dans ce secteur et reconstruise les filières industrielles régaliennes – je pense notamment à STMicroelectronics et à Soitec. Il faut non seulement faire preuve de réactivité, mais aussi associer la représentation nationale à cette réflexion. Les questions industrielles et de souveraineté exigent une large mobilisation du pays, lequel s’exprime par la voix de ses parlementaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. La création d’une délégation parlementaire à la sécurité économique empiéterait manifestement sur les compétences de plusieurs commissions permanentes et sur celles de la délégation parlementaire au renseignement, qui, du reste, a déjà produit, sous la présidence de Philippe Bas, me semble-t-il, un rapport tout à fait passionnant sur les sujets d’ingérence économique et de captation des secrets industriels.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Dans la mesure où il s’agit de l’organisation interne au Parlement, le principe de séparation des pouvoirs me conduit à ne pas donner un avis définitif.
J’ai eu la même attitude à l’Assemblée nationale quand j’ai été interrogé sur des conflits de compétences entre la commission des affaires étrangères et la commission de la défense.
Je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois. La commission des lois s’est saisie pour avis de ce sujet. Nous sommes extrêmement défavorables à une telle création.
La délégation parlementaire au renseignement remplit cette mission. En 2018, elle a rendu un premier rapport. Gageons que, dans les semaines ou les mois à venir, il y aura d’autres rapports de cette nature. Elle bénéficie de l’habilitation secret-défense et de moyens techniques lui permettant de traiter de ces problématiques.
Dans ces conditions, il est inutile de créer des délégations supplémentaires, qui sont d’ailleurs de nature à altérer la maîtrise de l’information et la qualité des relations existant à la fois avec les services de renseignement et avec le Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Instruit par les avis circonstanciés de mes collègues rapporteurs, je retire l’amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 60 rectifié est retiré.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Ce que dit le président Cambon n’est pas faux, nous sommes à cheval sur les compétences d’autres commissions permanentes. Justement, il nous manque parfois une vision transversale sur ces questions.
Par exemple, les regards de la commission des affaires économiques et de la délégation au renseignement dans le domaine militaire ne se croisent pas suffisamment pour mettre au jour un éventuel problème de sécurité économique touchant à notre souveraineté qui prendrait des proportions très importantes. Le regard stratégique transversal qu’apporterait une telle délégation serait, à nos yeux, extrêmement utile, raison pour laquelle nous maintenons l’amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 151 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 22 ter (nouveau)
Le livre VIII du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° L’article L. 833-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque année, la commission adresse un bilan de ses recommandations à la délégation parlementaire au renseignement. » ;
2° Le premier alinéa du I de l’article L. 861-3 est complété par les mots : « ainsi que la délégation parlementaire au renseignement ». – (Adopté.)
Article 22 quater (nouveau)
Le IV des articles L. 853-1 et L. 853-2 du code de la sécurité intérieure est complété par une phrase ainsi rédigée : « La commission dispose d’un accès permanent, complet, direct et immédiat aux renseignements collectés. »
Mme la présidente. L’amendement n° 258, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Cela aurait pu donner lieu à un long débat… L’article 22 quater résulte de la mise en application des recommandations de la CNCTR formulées dans son rapport public de juin 2023.
Le Gouvernement propose de supprimer le contrôle permanent et immédiat de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sur les données conservées par les services. La position de la commission est sensiblement différente, puisqu’elle a introduit le droit pour la CNCTR d’accéder à distance et de manière permanente aux données conservées par les services de renseignement sans avoir à se déplacer.
Par conséquent, elle émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois. Nous avons déjà évoqué ce point en discussion générale, mais je me permets d’apporter quelques précisions.
Les services utilisent de plus en plus de moyens intrusifs pour obtenir les renseignements utiles à leur action. Il n’est bien évidemment pas question de remettre en cause ces pratiques.
Les moyens traditionnels sont contrôlés par le groupement interministériel de contrôle (GIC), lequel n’est pas saisi des techniques les plus intrusives, pour des questions d’adaptation. L’idée est de permettre à la CNCTR d’assurer ce contrôle, en complément du GIC.
J’y insiste, il ne s’agit pas de remettre en cause les capacités à agir, qui sont nécessaires. Toutefois, nous avons aussi besoin d’exercer un contrôle. La question qui se pose est moins celle du principe que celle de la mise en œuvre. Nous pourrions déterminer ensemble un délai, que nous inscririons dans le texte. C’est le point d’achoppement qui ressort des auditions que nous avons menées.
Le sujet est complexe, mais il ne faut pas se priver d’avancer, que ce soit pour la sécurité des services ou pour celle de nos concitoyens.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 22 quater.
(L’article 22 quater est adopté.)
Chapitre III
Économie de défense
Article 23
(Non modifié)
I. – Le code de la défense est ainsi modifié :
1° À la fin du dernier alinéa de l’article L. 1141-6, les mots : « par une commission spéciale d’évaluation instituée conformément au dernier alinéa de l’article L. 2234-20 » sont remplacés par les mots : « dans les conditions définies à l’article L. 2212-8 » ;
2° Au 2° de l’article L. 1323-1, les mots : « vertu de l’article L. 2212-1 et qui peuvent être employés selon leurs aptitudes et compte tenu de leur profession » sont remplacés par les mots : « application des articles L. 2212-1 ou L. 2212-2 et qui peuvent être employés selon leurs aptitudes physiques et psychiques et leurs compétences professionnelles ou techniques » ;
3° L’intitulé du chapitre V du titre III du livre III de la première partie est complété par les mots : « et flotte stratégique » et comprend les articles L. 2213-5, L. 2213-6, L. 2213-7 et L. 2213-9, qui deviennent respectivement les articles L. 1335-1, L. 1335-2, L. 1335-3 et L. 1335-4 ;
4° Au premier alinéa de l’article L. 1335-3, tel qu’il résulte du 3° du présent I, la référence : « L. 2213-5 » est remplacée par la référence : « L. 1335-1 » ;
5° À la fin du premier alinéa de l’article L. 2113-2, les mots : « , établissements et services prévus au quatrième alinéa de l’article L. 2212-1 » sont remplacés par les mots : « et services publics ou aux établissements, installations ou ouvrages mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 » ;
6° L’article L. 2161-2 est ainsi modifié :
a) À l’avant-dernier alinéa, les mots : « trois jours » sont remplacés par les mots : « deux mois » ;
b) Le dernier alinéa est supprimé ;
7° Le livre II de la deuxième partie est ainsi modifié :
a) Le titre Ier est ainsi rédigé :
« TITRE IER
« RÉQUISITIONS POUR LES BESOINS DE LA DÉFENSE ET DE LA SÉCURITÉ NATIONALE
« CHAPITRE IER
« Sujétions préalables aux réquisitions
« Art. L. 2211-1. – Le Premier ministre peut ordonner, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État, le recensement, parmi les personnes, les biens et les services susceptibles d’être requis en application du présent livre, de ceux que chaque ministre peut, dans les limites de ses attributions, soumettre à tous les essais ou les exercices qu’il juge indispensables.
« Ces essais et ces exercices sont organisés en tenant compte des nécessités de fonctionnement des entreprises concernées et de la continuité du service public. Ils ne peuvent excéder cinq jours par an, à moins qu’une convention conclue entre les personnes concernées et l’autorité administrative n’en dispose autrement. Ils ouvrent droit à indemnisation dans les conditions prévues à l’article L. 2212-8.
« La programmation des essais et des exercices est portée à la connaissance des personnes concernées et, le cas échéant, de leur employeur au plus tard quinze jours avant leur exécution.
« Art. L. 2211-2. – Dans les cas prévus à l’article L. 2212-1, le blocage des biens mobiliers en vue de procéder à leur réquisition, dans les conditions et selon les modalités définies aux articles L. 2212-3, L. 2212-4 et L. 2212-6, peut être prescrit par décret en Conseil des ministres.
« Ce décret peut préciser l’autorité administrative ou militaire qu’il habilite à procéder à ces mesures.
« Art. L. 2211-3. – Le blocage mentionné à l’article L. 2211-2 comporte, pour le propriétaire ou le détenteur des biens, l’obligation de les présenter à toute demande de l’autorité administrative ou militaire au lieu et dans l’état où ils se trouvaient au jour du blocage.
« Il est levé de plein droit si, à l’expiration de la durée fixée, qui ne peut excéder quinze jours, la réquisition n’a pas été ordonnée ou si l’ordre de blocage n’a pas été renouvelé pour une seconde période de même durée au maximum.
« Art. L. 2211-4. – La personne faisant l’objet de mesures de blocage a droit à l’indemnisation des préjudices matériels résultant de manière directe et certaine de ces dernières, dans les conditions définies au dernier alinéa du I de l’article L. 2212-8.
« Art. L. 2211-5. – Est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 15 000 euros le fait d’utiliser ou de divulguer les renseignements obtenus en application de l’article L. 2211-1.
« Est puni des mêmes peines le fait de ne pas déférer aux mesures de blocage légalement ordonnées en application de l’article L. 2211-2.
« CHAPITRE II
« Principes généraux
« Art. L. 2212-1. – En cas de menace, actuelle ou prévisible, pesant sur les activités essentielles à la vie de la Nation, à la protection de la population, à l’intégrité du territoire ou à la permanence des institutions de la République ou de nature à justifier la mise en œuvre des engagements internationaux de l’État en matière de défense, la réquisition de toute personne, physique ou morale, et de tous les biens et les services nécessaires pour y parer peut être décidée par décret en Conseil des ministres. Ce décret précise les territoires concernés et, le cas échéant, l’autorité administrative ou militaire habilitée à procéder à ces mesures.
« Ces mesures peuvent être mises en œuvre sans préjudice des autres régimes légaux de réquisition.
« Art. L. 2212-2. – Lorsqu’il n’est pas fait application de l’article L. 2212-1 et sans préjudice de l’article L. 4231-5, en cas d’urgence, si la sauvegarde des intérêts de la défense nationale le justifie, le Premier ministre peut ordonner, par décret, la réquisition de toute personne, physique ou morale, de tout bien ou de tout service.
« Il peut également habiliter l’autorité administrative ou militaire qu’il désigne à procéder aux réquisitions.
« Art. L. 2212-3. – Les mesures prescrites en application des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 sont strictement proportionnées aux objectifs poursuivis et appropriées aux circonstances de temps et de lieu.
« Elles ne peuvent être ordonnées qu’à défaut de tout autre moyen adéquat disponible dans un délai utile.
« Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires.
« Art. L. 2212-4. – La décision de réquisition précise son objet ainsi que ses modalités d’application.
« Art. L. 2212-5. – Les personnes physiques sont réquisitionnées en fonction de leurs aptitudes physiques et psychiques et de leurs compétences professionnelles ou techniques.
« La personne morale requise est tenue de mettre à la disposition de l’autorité requérante toutes les ressources en personnel et en biens de son exploitation et d’effectuer les prestations de service exigées par l’autorité requérante.
« Art. L. 2212-6. – Dans le respect du présent titre, peut être soumis à une mesure de réquisition :
« 1° Toute personne physique présente sur le territoire national ;
« 2° Toute personne physique de nationalité française ne résidant pas sur le territoire national ;
« 3° Toute personne morale dont le siège est situé en France ;
« 4° Tout navire battant pavillon français, que l’armateur soit de nationalité française ou étrangère, y compris en haute mer ou dans des eaux étrangères.
« Art. L. 2212-7. – L’autorité requérante peut faire exécuter d’office les mesures prescrites par la décision qu’elle a édictée.
« Art. L. 2212-8. – I. – La rétribution par l’État de la personne requise compense uniquement les frais matériels, directs et certains, résultant de l’application des mesures prescrites. Elle ne peut être cumulée avec une rétribution par une autre personne physique ou morale.
« Dans le cas d’une réquisition adressée à une entreprise, lorsque la prestation requise est de même nature que celles habituellement fournies à la clientèle, le montant de la rétribution est calculé d’après le prix commercial normal et licite de la prestation.
« En outre, sont intégralement réparés par l’État les dommages matériels subis par la personne requise résultant de manière directe et certaine de l’exécution des mesures prescrites, à moins qu’ils ne résultent de son propre fait. L’État est subrogé dans les droits de la victime lorsque les dommages qu’elle a subis résultent du fait d’un tiers.
« II. – Pour l’application du I, la personne requise fournit à l’autorité administrative ou militaire, si celle-ci en fait la demande, tous les documents ou les éléments d’information permettant d’évaluer le montant de l’indemnisation qui lui est due.
« Nonobstant toutes dispositions relatives au secret professionnel, les administrations publiques et leurs agents sont tenus, pour l’application du présent article, de communiquer aux autorités chargées du règlement des réquisitions tous renseignements utiles à la détermination des indemnités de réquisition. Ces autorités et leurs agents sont tenus au secret professionnel sous les peines définies à l’article 226-13 du code pénal.
« Art. L. 2212-9. – Est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 500 000 euros le fait de ne pas déférer aux mesures légalement ordonnées en application des articles L. 2212-1 et L. 2212-2.
« Art. L. 2212-10. – Le fait pour un fonctionnaire ou un agent de l’autorité publique de procéder à des réquisitions illégales est puni des peines prévues :
« 1° À l’article 432-10 du code pénal si l’auteur est un civil ;
« 2° À l’article L. 323-22 du code de justice militaire si l’auteur est un militaire.
« Art. L. 2212-11. – Les modalités d’application du présent titre sont déterminées par décret en Conseil d’État. » ;
b) Le titre II est abrogé ;
c) Le titre II bis devient le titre II et les articles L. 2224-1 à L. 2224-6 deviennent respectivement les articles L. 2221-1 à L. 2221-6 ;
d) À l’article L. 2221-2, au premier alinéa de l’article L. 2221-3 et au 1° de l’article L. 2221-4, tels qu’ils résultent du c du présent 7°, la référence : « L. 2224-1 » est remplacée par la référence : « L. 2221-1 » ;
e) L’article L. 2234-5-1 devient l’article L. 2221-5-1 et est ainsi modifié :
– le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « En cas de réquisition sur le fondement du présent titre, sont… (le reste sans changement) : » ;
– à la fin du 1°, la référence : « L. 2224-4 » est remplacée par la référence : « L. 2221-4 » ;
f) L’article L. 2236-2-1 devient l’article L. 2221-5-2 et, à la fin, la référence : « L. 2224-3 » est remplacée par la référence : « L. 2221-3 » ;
g) À l’exception des articles mentionnés aux e et f du présent 7°, le titre III est abrogé.
II. – Le code des assurances est ainsi modifié :
1° À la fin du deuxième alinéa de l’article L. 160-6, les mots : « 20 de l’ordonnance n° 59-63 du 6 janvier 1959 » sont remplacés par les mots : « L. 2212-8 du code de la défense » ;
2° L’article L. 160-7 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– les mots : « , au sens de l’article 2 de l’ordonnance n° 59-63 du 6 janvier 1959 relative aux réquisitions de biens et de services, » sont remplacés par les mots : « effectuée en application des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code de la défense » ;
– à la fin, les mots : « 20 de l’ordonnance n° 59-63 du 6 janvier 1959 précitée » sont remplacés par les mots : « L. 2212-8 du même code » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « de l’article 2 de l’ordonnance précitée » sont remplacés par les mots : « des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 dudit code » ;
– à la seconde phrase, les mots : « 20 de l’ordonnance précitée » sont remplacés par les mots : « L. 2212-8 du même code ».
III. – Le code de l’énergie est ainsi modifié :
1° À l’article L. 143-3, la référence : « L. 2213-5 » est remplacée par la référence : « L. 1335-1 » ;
2° À la dernière phrase du cinquième alinéa de l’article L. 143-6-1, les mots : « des articles L. 2234-17 et L. 2234-19 » sont remplacés par les mots : « de l’article L. 2212-8 ».
IV. – Au second alinéa du V de l’article L. 218-72 du code de l’environnement, les mots : « prévues par le chapitre IV du titre III du livre II de la deuxième partie » sont remplacés par les mots : « définies à l’article L. 2212-8 ».
V. – Au premier alinéa de l’article L. 323-22 du code de justice militaire, le mot : « militaires » est supprimé.
VI. – L’article 1048 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 1048. – Les actes relatifs au règlement des indemnités consécutives aux réquisitions ordonnées en application des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code de la défense sont exonérés de droits d’enregistrement. »
VII. – Au premier alinéa de l’article L. 522-5 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, les mots : « chapitre III du » sont supprimés.
VIII. – L’article L. 130 du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « deuxième alinéa de l’article L. 2234-24 » sont remplacés par les mots : « second alinéa du II de l’article L. 2212-8 » ;
2° Le second alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « chapitre » est remplacé par le mot : « article » et les mots : « , ainsi qu’aux commissions d’évaluation, » sont supprimés ;
b) La seconde phrase est ainsi rédigée : « Ces autorités et leurs agents sont tenus au secret professionnel sous les peines définies à l’article 226-13 du code pénal. »
IX. – À la seconde phrase de l’article L. 3131-8 du code de la santé publique, les mots : « est régie par le » sont remplacés par les mots : « intervient dans les conditions définies à l’article L. 2212-8 du ».
X. – Le code des transports est ainsi modifié :
1° A La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 5141-2-1 est supprimée ;
1° Au 1° du I de l’article L. 5241-1, les mots : « de l’article L. 2211-1 » sont remplacés par les mots : « des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 » ;
1° bis Après le mot : « biens », la fin du 1° de l’article L. 5242-17 est supprimée ;
2° À la deuxième phrase du dernier alinéa de l’article L. 5331-9, les mots : « prévues par les articles L. 2234-1 à L. 2234-7 » sont remplacés par les mots : « définies à l’article L. 2212-8 » ;
3° L’article L. 5434-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5434-1. – Sans préjudice du droit de réquisition prévu au titre Ier du livre II de la deuxième partie du code de la défense, les règles relatives au transport maritime d’intérêt national sont fixées au chapitre V du titre III du livre III de la première partie du même code. »
XI. – Les I à X du présent article entrent en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard un an après la promulgation de la présente loi.
Mme la présidente. L’amendement n° 259, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
« Est puni des mêmes peines le fait de ne pas déférer :
« 1° À une demande de recensement ou à une convocation à des essais ou à des exercices ordonnée sur le fondement des dispositions de l’article L. 2211-1 ;
« 2° À une mesure de blocage ordonnée sur le fondement de l’article L. 2211-2.
La parole est à M. le ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 153, présenté par M. P. Laurent, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 28
Insérer l’alinéa suivant :
« Dans le cas d’une réquisition sur le fondement d’une menace prévisible, le Parlement est amené à se prononcer. Pour entrer en vigueur, le régime de réquisition formulé par le Président de la République doit être entériné par un vote favorable du Parlement.
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. L’article 23 réécrit complètement le régime des réquisitions, activable en cas de menace actuelle ou prévisible. Or la notion de « menace prévisible » nous semble tout de même très floue.
De la même manière, la liste des motifs d’activation du régime est relativement longue et peut couvrir des situations extrêmement diverses. Or les réquisitions empiètent lourdement sur les libertés. Aussi, il nous semble important d’assortir ce nouveau régime des réquisitions d’une sécurité démocratique supplémentaire en prévoyant, pour les réquisitions entreprises sur le fondement d’une menace prévisible, une validation par le Parlement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. L’article 23 nous semble équilibré. Il donne en effet au juge les moyens de contrôler la pertinence des mesures de réquisition au regard des objectifs visés et des circonstances de temps et de lieu.
Je rappelle le dispositif : le Parlement se prononce sur le régime des réquisitions sur la base de l’article 23 ; l’exécutif met en œuvre ces réquisitions ; le juge contrôle les mesures prises. Chacun des trois pouvoirs est dans son rôle et le Parlement dispose de pouvoirs de contrôle sur l’action de l’exécutif.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 23, modifié.
(L’article 23 est adopté.)
Après l’article 23
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 112, présenté par Mme Duranton, MM. Haye, Patriat, Gattolin, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert, Dennemont et Hassani, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au troisième alinéa de l’article L. 614-4 et de l’article L. 614-20 du code de la propriété intellectuelle, les mots : « ministre chargé de la propriété industrielle » sont remplacés par les mots : « directeur de l’Institut national de la propriété industrielle ».
La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Il s’agit de faire évoluer le droit existant pour retrouver de l’agilité et de la fluidité.
Dans le cadre d’une compétition internationale en matière de normes, il est primordial de s’appuyer sur des institutions réactives, à même de protéger notre savoir-faire et les droits de propriété intellectuelle des déposants.
Cet amendement vise donc à transférer la compétence résiduelle du ministre chargé de la propriété industrielle au directeur de l’Institut national de la propriété intellectuelle (Inpi), comme c’est déjà le cas pour les brevets nationaux, et ce afin d’économiser du temps et d’éviter des dépenses que nos entreprises pourront réaffecter plus utilement.
Mme la présidente. L’amendement n° 176, présenté par M. Haye, est ainsi libellé :
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa des articles L. 614-4 et L. 614-20 du code de la propriété intellectuelle est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque la demande est émise par une entreprise titulaire de l’autorisation mentionnée à l’article L. 2332-1 du code de la défense, et par dérogation aux dispositions du présent alinéa, les autorisations prévues aux premier et deuxième alinéas du présent article sont accordées par le directeur de l’Institut national de la propriété industrielle. »
La parole est à M. Ludovic Haye.
M. Ludovic Haye. Cet amendement étant quasiment identique, je le considère comme défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Nous sollicitons l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 112 et demande de retrait de l’amendement n° 176 au bénéfice du premier pour des raisons purement rédactionnelles.
Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Même avis.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 23, et l’amendement n° 176 n’a plus d’objet.
Article 24
I. – Le code de la défense est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article L. 1141-3 est supprimé ;
2° Le titre III du livre III de la première partie est complété par un chapitre IX ainsi rédigé :
« CHAPITRE IX
« Dispositions relatives à la sécurité des approvisionnements des forces armées et des formations rattachées
« Art. L. 1339-1. – I. – Afin de garantir la continuité de l’exécution des missions des forces armées et des formations rattachées ou de sécuriser leur approvisionnement, l’autorité administrative peut ordonner, par arrêté, aux entreprises titulaires de l’autorisation mentionnée à l’article L. 2332-1 la constitution d’un stock minimal de matières, de composants, de rechanges ou de produits semi-finis stratégiques dont elles sont tenues d’assurer le réapprovisionnement continu au fur et à mesure de leur utilisation pour les besoins de leurs activités, et ordonner la communication des informations strictement nécessaires pour s’assurer du respect de cette obligation. Cet arrêté précise le volume dudit stock ainsi que la durée durant laquelle celui-ci doit être maintenu et est réexaminé au moins une fois tous les ans au regard des exigences de proportionnalité mentionnées au présent I.
« La valeur du stock dont la constitution est prescrite en application du présent article ne peut excéder une proportion maximale du chiffre d’affaires relatif aux ventes de matériels mentionnés au 1° du présent I effectuées au cours des deux exercices précédents, fixée par décret. Cette proportion peut être différenciée selon les matières, les composants, les rechanges et les produits semi-finis en cause.
« Les valeurs maximales du stock fixées par décret ainsi que les mesures prescrites par arrêté sont proportionnées au regard :
« 1° Du volume et de la nature des matériels vendus par chaque entreprise concernée ainsi que des commandes en cours ;
« 2° Des besoins des forces armées et des formations rattachées au regard des objectifs mentionnés au premier alinéa du présent I ;
« 3° Des conditions d’approvisionnement pour la matière, le composant, le rechange ou le produit semi-fini concerné.
« Les entreprises concernées peuvent, par convention soumise à l’approbation de l’autorité administrative, mutualiser la constitution et la gestion des stocks prescrits en application du présent article.
« Par dérogation à l’obligation de réapprovisionnement continu fixée au premier alinéa du présent I, les entreprises concernées peuvent utiliser en tout ou partie les stocks minimaux mentionnés au même premier alinéa sous réserve de la délivrance d’une autorisation par l’autorité administrative qui en fixe le volume maximum d’utilisation et les modalités de recomplètement ultérieur.
« Les entreprises concernées ne peuvent être indemnisées des préjudices relatifs aux coûts de la constitution et de l’entretien des stocks prescrits en application du présent article.
« II. – L’autorité administrative peut, après mise en demeure restée infructueuse, infliger à l’entreprise qui a commis un manquement aux obligations définies au I une amende dont le montant ne peut excéder le double de la valeur des stocks non constitués, dans la limite de 5 % du chiffre d’affaires annuel moyen constaté au cours des deux exercices précédents. En cas de récidive constatée dans un délai de trois ans à compter du prononcé d’une amende en application du présent II, l’autorité administrative peut retirer l’autorisation mentionnée à l’article L. 2332-1, selon les modalités définies à l’article L. 2332-11.
« Art. L. 1339-2. – I. – Afin de garantir la continuité de l’exécution des missions des forces armées et des formations rattachées, de sécuriser leur approvisionnement, d’honorer les engagements internationaux auxquels la France est partie en matière de défense ou d’assurer la poursuite de coopérations internationales en ce domaine, l’autorité administrative peut ordonner, par arrêté, à toute entreprise avec laquelle elle a conclu un marché de défense ou de sécurité mentionné à l’article L. 1113-1 du code de la commande publique de réaliser tout ou partie des prestations faisant l’objet du marché par priorité sur tout autre engagement contractuel. Le cas échéant, l’arrêté précise, par dérogation aux stipulations contractuelles, le délai dans lequel la réalisation des prestations est attendue.
« Les mesures prescrites en application du présent I sont proportionnées aux objectifs poursuivis et appropriées aux circonstances de temps et de lieu.
« L’autorité administrative peut, dans les mêmes conditions, ordonner à toute entreprise française titulaire d’un contrat passé avec une organisation internationale ou avec un État tiers de réaliser tout ou partie des prestations faisant l’objet du contrat par priorité sur tout autre engagement contractuel.
« Les sous-contractants de tout niveau exécutent par priorité, dans les mêmes conditions, celles de leurs obligations dont l’exécution est indispensable à la réalisation du marché ou contrat mentionné aux premier et troisième alinéas du présent I.
« II. – Le titulaire du marché ou du contrat mentionné au I et les sous-contractants mentionnés au dernier alinéa du même I ont droit à l’indemnisation des préjudices matériels résultant de manière directe et certaine des mesures prescrites par l’autorité administrative.
« Ils fournissent à l’autorité administrative, si celle-ci en fait la demande, tous les documents ou les éléments d’information de nature à justifier le montant de l’indemnisation due.
« III. – L’autorité administrative peut, après mise en demeure restée infructueuse, infliger à l’entreprise qui a commis un manquement aux obligations définies au présent article une amende dont le montant ne peut excéder le double de la valeur des prestations dont elle a ordonné l’exécution prioritaire, dans la limite de 5 % du chiffre d’affaires annuel moyen constaté au cours des deux exercices précédents.
« Art. L. 1339-3. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent chapitre. »
II. – (Non modifié) Le I entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard un an après la promulgation de la présente loi.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 298, présenté par M. Cambon, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Alinéas 6 et 16, premières phrases
Après le mot :
administrative
insérer les mots :
, après consultation de l’entreprise concernée,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cambon, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’inclure la notion de consultation de l’entreprise concernée dans les dispositifs prévus aux articles L. 1339-1 et L. 1339-2 du code de la défense créés par le présent projet de loi, et ce afin d’assurer la prise en compte des impératifs et des sujétions s’imposant par ailleurs à ladite entreprise. C’est une demande pressante de nos entreprises de défense.
Mme la présidente. L’amendement n° 184 rectifié bis n’est pas soutenu.
L’amendement n° 260, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
1° Première phrase
a) Remplacer les mots :
aux entreprises titulaires
par les mots :
à toute entreprise titulaire
les mots :
elles sont tenues
par les mots :
elle est tenue
et le mot :
leurs
par le mot :
ses
b) Supprimer les mots :
, et ordonner la communication des informations strictement nécessaires pour s’assurer du respect de cette obligation
2° Seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Cet arrêté, qui détermine le volume dudit stock au regard des exigences définies aux deuxième à sixième alinéas du présent I, est réexaminé au moins une fois tous les deux ans.
II. - Alinéas 7 à 9
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le stock mentionné au précédent alinéa est proportionné au regard :
« 1° De la situation économique de chaque entreprise concernée ;
III. – Alinéa 10
Remplacer les mots :
au regard des objectifs mentionnés au premier alinéa du présent I
par les mots :
, en cours ou prévisibles, en matériels intégrant la matière, le composant, le rechange ou le produit semi-fini en cause
IV. – Alinéa 11
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« 3° Des conditions générales d’approvisionnement et de conservation, notamment en termes de délais, de la matière, du composant, du rechange ou du produit semi-fini en cause.
« Ce stock ne peut excéder un volume correspondant à la couverture des besoins mentionnés au 2° pour une durée de vingt-quatre mois.
La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Nous sommes dans une discussion commune, mais ces amendements ne disent pas tous complètement la même chose. Néanmoins, je considère que l’amendement n° 260 est défendu. Je reviendrai plus en détail sur le sujet quand je donnerai les avis du Gouvernement sur les autres amendements.
Mme la présidente. L’amendement n° 299, présenté par M. Cambon, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
1° Première phrase
Remplacer les mots :
aux entreprises titulaires
par les mots :
à toute entreprise titulaire
les mots :
elles sont tenues
par les mots :
elle est tenue
et le mot :
leurs
par le mot :
ses
2° Seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Cet arrêté, qui détermine le volume dudit stock au regard des exigences définies aux deuxième à sixième alinéas du présent I, est réexaminé une fois par an.
II. – Alinéas 7 à 9
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le stock mentionné au précédent alinéa est proportionné au regard :
« 1° De la situation économique de chaque entreprise concernée ;
III. – Alinéa 10
Remplacer les mots :
au regard des objectifs mentionnés au premier alinéa du présent I
par les mots :
, en cours ou prévisibles, en matériels intégrant la matière, le composant, le rechange ou le produit semi-fini en cause
IV. – Alinéa 11
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« 3° Des conditions générales d’approvisionnement et de conservation, notamment en termes de délais, de la matière, du composant, du rechange ou du produit semi-fini en cause.
« Ce stock ne peut excéder un volume correspondant à la couverture des besoins mentionnés au 2° pour une durée de vingt-quatre mois.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 260.
M. Christian Cambon, rapporteur. Cet amendement vise à préciser les modalités d’application du principe de proportionnalité au mécanisme de constitution des stocks stratégiques.
Le dispositif proposé modifie l’actuelle rédaction de l’article 24, qui prévoit que la valeur du stock prescrit ne peut excéder une proportion maximale du chiffre d’affaires de l’entreprise.
Cet amendement tend en outre à prévoir une prise en compte de la situation économique des entreprises soumises à l’obligation de constitution des stocks stratégiques, une durée maximale de vingt-quatre mois de couverture des besoins d’approvisionnement pour le volume des stocks et, de manière générale, la prise en considération des conditions générales d’approvisionnement et de conservation de la matière, du composant, du rechange ou du produit semi-fini.
Ces précisions sont de nature à renforcer les garanties apportées aux entreprises qui seront concernées par l’obligation de constituer des stocks.
Je suis donc défavorable à l’amendement n° 260, au profit de l’amendement n° 299 de la commission, dont la rédaction diffère légèrement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. J’estime que l’amendement n° 298 est déjà satisfait – en tout état de cause, je ne vois pas bien ce que son adoption apporterait. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
En revanche, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 299.
Je maintiens toutefois l’amendement n° 260, même si je sais qu’un amendement du Gouvernement a peu de chances d’aboutir…
Mme la présidente. L’amendement n° 170, présenté par M. Haye, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Après le mot :
matières,
insérer le mot :
munitions,
La parole est à M. Ludovic Haye.
M. Ludovic Haye. Cet amendement vise simplement à préciser la nature du stock minimal de matières ou de composants d’intérêt stratégique en ajoutant le terme « munitions » à la liste.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Les munitions, qui constituent des produits finis, ne peuvent entrer dans la liste des stocks pouvant être constitués.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Une munition étant un produit fini – notion clé – de ce que nous cherchons à réaliser –, elle n’entre pas dans les stocks stratégiques.
À son tour, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Haye, l’amendement n° 170 est-il maintenu ?
M. Ludovic Haye. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 170 est retiré.
L’amendement n° 169, présenté par M. Haye, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – L’autorité administrative s’engage à privilégier les entreprises qui produisent sur le territoire français ou européen pour la constitution d’un stock minimal de munitions nécessaires à la continuité de l’exécution des missions des forces armées et des formations rattachées.
La parole est à M. Ludovic Haye.
M. Ludovic Haye. Cet amendement vise à encourager l’autorité administrative à solliciter les entreprises françaises, a minima européennes, afin d’approvisionner son stock de munitions, de matières ou composants d’intérêt stratégique.
Aujourd’hui, par exemple, on achète essentiellement la petite munition – fabriquée sur des machines françaises – à Israël, via la Belgique. Dès lors, développer l’industrie munitionnaire en France, à partir de machines françaises, serait une très bonne chose.
Privilégier les entreprises de notre base industrielle et technologique de défense constituera un premier pas vers la constitution d’une industrie munitionnaire française clairement identifiée, étape indispensable vers une forme de souveraineté dans le domaine munitionnaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Pour les mêmes raisons qu’à l’amendement précédent, la commission émet un avis défavorable : les munitions sont un produit fini.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 261, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 16, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
que ceux liés à l’exportation ou au transfert des matériels mentionnés aux 2° et 3° de l’article L. 2331-2 du présent code
II. – Alinéa 18
Compléter cet alinéa par les mots :
que ceux mentionnés à l’article L. 1113-1 du code de la commande publique
La parole est à M. le ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 154, présenté par M. P. Laurent, Mmes Gréaume, Apourceau-Poly et Assassi, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay, Lahellec, Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 23
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le Président de la Polynésie française est obligatoirement consulté par le ministre des armées sur l’exploration, l’exploitation, l’importation, l’exportation, la circulation, l’utilisation et la détention des matières premières stratégiques, notamment les éléments de terres rares, situées en Polynésie française.
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Nous allons pouvoir terminer en beauté nos travaux de ce jour en adoptant cet amendement communiste, qui vise à instaurer une consultation obligatoire et systématique du président de la Polynésie française par le ministère des armées dès lors que les ressources naturelles de la Polynésie sont en jeu, quand bien même ces ressources devraient être qualifiées de matières premières stratégiques.
L’article 14 du statut d’autonomie de la Polynésie française prévoit que l’État est seul compétent pour ce qui concerne les matières premières stratégiques telles qu’elles sont définies pour l’ensemble du territoire de la République.
Or la détermination desdites matières premières stratégiques relève exclusivement de l’État, qui est libre d’y inclure, par exemple, les éléments de terres rares, dont les fonds marins polynésiens sont particulièrement riches.
Pourtant, selon l’article 47 de ce même statut d’autonomie, il appartient à la Polynésie française d’exercer et de réglementer l’exploitation de ses ressources naturelles biologiques et non biologiques, notamment celles du sol et du sous-sol de sa zone économique exclusive. De même, par des résolutions annuelles de son assemblée générale, l’ONU ne cesse, depuis 2013, d’exhorter la France à garantir la souveraineté permanente du peuple polynésien à l’égard de ses ressources naturelles, comprenant ses ressources marines et sous-marines, et donc l’ensemble des terres rares qui s’y trouvent.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Tout d’abord, la commission se demande pourquoi cet amendement vise à circonscrire cette obligation à la seule Polynésie française.
Par ailleurs, s’agissant de matières premières stratégiques, il nous semble très important de limiter le plus possible notre dépendance vis-à-vis de l’extérieur.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Avis défavorable.
Vous avez parlé de « peuple polynésien », monsieur Laurent, mais je rappelle que nos concitoyens polynésiens font partie du peuple français, qui est indivisible.
3
Hommage à une vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cigolotti.
M. Olivier Cigolotti. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que nous arrivons au terme de cette première journée d’examen de la LPM, vous me permettrez, je l’espère, une petite digression.
Je voulais, au nom du groupe Union Centriste, saluer notre collègue Valérie Létard, qui assurait ce soir sa dernière présidence de séance, et la remercier de son investissement. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent. – M. le ministre applaudit également.)
Mme la présidente. Merci, mes chers collègues ! Vous me manquerez beaucoup. (Sourires.)
M. Rachid Temal. Vous nous manquerez aussi !
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vais lever la séance.
Nous avons examiné 94 amendements au cours de la journée. Il en reste 192 à examiner sur ce texte.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
4
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 28 juin 2023 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (texte de la commission n° 740, 2022-2023).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 28 juin 2023, à zéro heure trente-cinq.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER