Mme la présidente. L’amendement n° 23, présenté par Mme Briquet, M. Montaugé, Mme Préville, MM. Kanner, Marie, Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lurel et Raynal, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Gillé, Houllegatte et Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Isabelle Briquet.
Mme Isabelle Briquet. Nous vous proposons un amendement de suppression de l’article, pour deux raisons.
En premier lieu, le maquis des dispositifs d’investissement mériterait, plutôt qu’une ordonnance, une remise à plat complète des dispositifs de financement de l’activité économique, une simplification et une clarification.
En second lieu, si l’on peut comprendre la volonté de favoriser l’investissement en France et dans l’Union européenne, la mobilisation de l’épargne des particuliers, a fortiori dans un cadre qui ne semble pas directement lié aux enjeux politiques de ce texte, mériterait de faire l’objet de davantage de débats, ce qui n’est pas permis par une législation par ordonnance.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des finances ?
Mme Christine Lavarde, rapporteur pour avis. Avis défavorable, d’autant que l’amendement n° 406 rectifié précisera le champ de l’ordonnance.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 322, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer le mot :
six
par le mot :
neuf
La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous avions proposé que le Gouvernement soit habilité à légiférer par ordonnance pendant un délai de douze mois ; la commission a souhaité réduire ce délai à six mois.
Nous proposons un compromis à neuf mois pour tenir compte notamment de l’application de la réglementation sur les Eltif en janvier 2024, ce qui nous laissera le temps d’ajuster le dispositif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des finances ?
Mme Christine Lavarde, rapporteur pour avis. La commission avait proposé un délai de six mois. D’une part, la réglementation sur les Eltif entrera en vigueur dans environ six mois. D’autre part, nous avons bien entendu l’urgence à nous saisir de cette question pour ne pas défavoriser Paris par rapport à Luxembourg.
Je ne suis pas contre un délai de neuf mois, mais j’ai besoin de comprendre pourquoi ces trois mois supplémentaires seraient nécessaires. Les dispositions d’Eltif 2.0 sont beaucoup plus souples que celles d’Eltif 1.0. Ces trois mois supplémentaires permettront-ils d’éviter que les fonds se tournent vers Luxembourg, leader européen sur le segment ? Permettront-ils au Gouvernement de réaliser un travail plus précis ? Nous avons besoin de plus d’explications.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. En règle générale, j’aime aller vite, mais, en l’occurrence, nous avons besoin de consulter, notamment l’Autorité des marchés financiers. Nous manquerons en outre de recul sur l’application d’Eltif 2.0. Le délai de neuf mois me semble un bon compromis. Les consultations risquent de prendre du temps. J’aimerais tenir en six mois, mais c’est probablement trop court.
Voilà pourquoi nous demandons au Parlement une habilitation de neuf mois.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Christine Lavarde, rapporteur pour avis. Avis de sagesse. J’entends que s’il est possible de faire en moins de neuf mois, on fera en moins de neuf mois.
Mme Christine Lavarde, rapporteur pour avis. Cela nous satisferait.
Mme la présidente. L’amendement n° 406 rectifié, présenté par Mme Lavarde, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
en vue
par le mot :
afin
II. – Alinéas 3 et 4
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
a) D’adapter les dispositions relatives à la composition, à l’émission de titres financiers, aux outils de gestion de la liquidité et à la constitution des fonds professionnels spécialisés, des fonds professionnels de capital investissement et des organismes de financement spécialisé pour faciliter leur obtention de la dénomination « ELTIF » en application du règlement (UE) 2015/760 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2015 relatif aux fonds européens d’investissement à long terme ;
b) D’adapter les règles relatives à la composition et à la constitution des fonds d’investissement alternatifs ouverts à des investisseurs non professionnels pour assurer leur complémentarité avec les fonds mentionnés au 1° ;
c) De faciliter l’éligibilité aux fonds communs de placement d’entreprise des fonds ayant été agréés conformément au règlement (UE) n° 2015/760 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2015 précité et pouvant être commercialisés en application de ce règlement auprès d’investisseurs de détail au sens du 3 de l’article 2 du même règlement ;
III. – Alinéa 5
Supprimer les mots :
du présent I
La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. J’avais annoncé en commission mon souhait de préciser le champ de l’habilitation, car l’ordonnance ne repassera pas devant le Parlement.
Compte tenu des informations recueillies au cours de nos auditions, cet amendement vise à préciser le champ de l’habilitation en ciblant les fonds professionnels et les règles qui pourront être assouplies pour favoriser leur labellisation en Eltif, en précisant que les règles des fonds ouverts aux investisseurs non professionnels pourront être adaptées pour assurer leur complémentarité avec les modifications apportées aux fonds professionnels précités et en prévoyant que les modifications apportées pourront conduire à prévoir l’éligibilité des Eltif aux fonds communs de placement d’entreprise.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 19, modifié.
(L’article 19 est adopté.)
Après l’article 19
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 12 rectifié est présenté par MM. Breuiller, Salmon, Fernique, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard, Labbé et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.
L’amendement n° 29 rectifié est présenté par Mmes Briquet, Préville et Bonnefoy, MM. Montaugé, Marie, Kanner, Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lurel et Raynal, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mme Blatrix Contat, MM. Gillé, Houllegatte et Mérillou, Mme Monier, MM. Redon-Sarrazy, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 22-10-10, il est inséré un article L. 22-10-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 22-10-10-1. – I. – Cet article s’applique aux sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé et qui entrent dans le champ d’application de la Directive (UE) 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 modifiant le règlement (UE) n° 537/2014 et les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises.
« Ces sociétés publient chaque année une mise à jour de leur stratégie en matière de durabilité en conformité avec les obligations d’information prévues par l’article 19 bis de la même directive afin de s’assurer que le modèle et la stratégie de l’entreprise soient compatibles avec les objectifs de transition vers une économie durable et de limitation du réchauffement planétaire à 1,5° C, conformément à l’accord de Paris et à l’objectif d’atteinte de la neutralité climatique tel qu’établi dans le Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) no 401/2009 et (UE) 2018/1999.
« Cette stratégie doit notamment inclure les indicateurs suivants :
« 1° Les émissions de gaz à effet de serre directes et indirectes de l’entreprise en valeur absolue et relative, et leur évolution sur les trois dernières années ;
« 2° Les objectifs de réduction des gaz à effet de serre de l’entreprise, formulés en valeur absolue et relative pour ses émissions directes et indirectes à court terme, moyen terme et long terme ;
« 3° Les dépenses d’investissements prévues à court et moyen terme de l’entreprise, et les contributions au financement de l’investissement en valeur absolue et relative pour les entreprises financières, et leur répartition par activité et nature ;
« 4° Les dépenses opérationnelles de l’entreprise en valeur absolue et relative et leur répartition par activité ;
« 5° Le ou les scénarios de références utilisés pour déterminer les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et la stratégie de l’entreprise ;
« 6° La contribution éventuelle des émissions de gaz à effet de serre capturées par l’entreprise à l’atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre en valeur absolue et relative ;
« 7° Une explication de l’intégration des enjeux climatiques sur la gouvernance et la gestion des risques ;
« 8° Une évaluation de l’alignement du 1° à 7° avec l’objectif de limitation du réchauffement planétaire à 1,5 degré Celsius reposant sur un scénario avec peu ou pas de dépassement et un recours limité aux technologies à émissions négatives ;
« 9° Une explication de la contribution éventuelle de la compensation carbone à la stratégie de l’entreprise.
« II. – Chaque année, deux projets de résolutions sont soumis à l’approbation de l’assemblée générale des actionnaires dans les conditions prévues aux articles L. 225-98 et L. 22-10-32 du présent code :
« 1° Un projet de résolution sur la stratégie mentionnée au I du présent article ;
« 2° Un projet de résolution sur la mise en œuvre de cette stratégie.
« Le projet de résolution mentionné au 1° du présent II indique également de quelle manière ont été pris en compte le vote des actionnaires et, le cas échéant, les avis exprimés lors de l’assemblée générale des actionnaires précédente.
« III. – Lorsque l’assemblée générale des actionnaires n’approuve pas à une majorité qualifiée des deux tiers des votes exprimés au moins un des deux projets de résolution mentionnés au II, les composantes variable et exceptionnelle de la rémunération du président du conseil d’administration, du directeur général et de chaque directeur général délégué est diminuée d’au moins 50 % par rapport à ce que prévoir la politique de rémunération prévue par l’article L. 22-10-18, selon des modalités définies par décret en Conseil d’État. » ;
2° Au deuxième alinéa du I de l’article L. 225-100, les mots : « ou L. 225-68 » sont remplacés par les mots : « , L. 225-68 ou L. 22-10-10-1 ».
La parole est à M. Daniel Breuiller, pour présenter l’amendement n° 12 rectifié.
M. Daniel Breuiller. Cet amendement vise à rendre obligatoire pour les grandes sociétés la publication d’une stratégie de transition complète sur laquelle les actionnaires pourront s’appuyer pour juger la crédibilité des mesures prises par l’entreprise pour respecter ses engagements climatiques.
La liste des indicateurs est largement inspirée des propositions de la commission climat et finance durable de l’Autorité des marchés financiers.
Par cet amendement, nous proposons également que cette stratégie soit soumise au vote annuel des actionnaires à travers deux résolutions distinctes : l’une sur la stratégie, l’autre sur sa mise en œuvre.
En cas de rejet d’au moins une de ces deux résolutions, les parts variable et exceptionnelle de la rémunération des dirigeants de l’entreprise seraient réduites de moitié.
Il s’agit de créer un cercle vertueux au sein du comité de direction, en offrant davantage de moyens d’expression aux actionnaires pour juger de la qualité des plans de transition des entreprises. Les investisseurs désireux de décarboner leurs portefeuilles pourront ainsi améliorer l’efficacité de leur politique d’engagement et de vote. Cela inciterait également les entreprises à prendre des résolutions toujours plus respectueuses de l’environnement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour présenter l’amendement n° 29 rectifié.
Mme Isabelle Briquet. Cet amendement, qui est identique à celui de mon collègue, s’inscrit dans une démarche de conditionnalité des aides publiques, dans un contexte – il faut bien le souligner – de raréfaction de l’argent public.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des finances ?
Mme Christine Lavarde, rapporteur pour avis. Je vous renvoie une fois de plus à la directive sur le reporting de durabilité des sociétés (CSRD), qui entre en vigueur en 2024. Elle prévoit un certain nombre des exigences que vous sollicitez.
Je sollicite donc le retrait de ces deux amendements identiques, faute de quoi l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 rectifié et 29 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Intitulé du projet de loi
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 135, présenté par MM. Salmon, Fernique, Breuiller, Benarroche, Dossus, Dantec, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet intitulé :
Projet de loi de contribution à la marge à la décarbonation et à la réindustrialisation
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. La volonté d’encadrer pour la première fois les activités industrielles sous le prisme de l’ambition climatique va évidemment dans le bon sens. Mais la décarbonation ne peut pas être le seul angle envisagé.
Force est de constater que l’objectif affiché est en décalage avec ce catalogue de mesures. Celles-ci demeurent insuffisantes pour servir cette ambition. Malheureusement, on semble encore gouverner par la communication, voire l’affichage.
Nos échanges ont fait émerger des sujets de fond.
La nécessité d’un récit sur l’industrie s’impose. Une industrie, mais pour quelle production ? Pour quels besoins ?
Je pense par exemple aux objets connectés. Les études montrent que l’appétence des Français pour ces objets est très faible. Pourtant, on prépare des campagnes de publicité faisant le choix d’une croissance insoutenable dans laquelle les objets se transforment toujours plus rapidement en déchets. Nous devons changer de paradigme industriel, afin d’aller vers une industrie au service du climat.
Ce projet de loi était l’occasion d’encourager la relocalisation s’inscrivant dans les écosystèmes territoriaux et plus respectueuse de l’environnement, et le non-développement d’une production industrielle insensée. C’est indispensable si l’on veut atteindre nos objectifs environnementaux, notamment climatiques.
Avec ce texte, les pouvoirs publics accompagnent encore insuffisamment les TPE et PME vers la transformation de leur mode de production, la sobriété et la protection de la biodiversité.
Mes chers collègues, il convient d’être très précis sur les intitulés des textes soumis au vote du Parlement. C’est pourquoi nous souhaitons mettre l’intitulé du projet de loi en adéquation avec son contenu. Ce texte n’est rien de plus qu’un « projet de loi de contribution à la marge à la décarbonation et à la réindustrialisation ».
Mme la présidente. L’amendement n° 159, présenté par M. Montaugé, Mmes Préville et Briquet, MM. Marie et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Gillé, Houllegatte et Lurel, Mme Monier, M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet intitulé :
Projet de loi visant à accélérer les procédures de concertation et d’implantation de sites industriels
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Le terme « industrie verte » reste un slogan – il en faut ! – sans vision stratégique globale ni projet de société.
De surcroît, ce texte réduit la concertation aussi bien avec le public qu’avec les élus. C’est pourquoi nous proposons de le renommer « projet de loi visant à accélérer les procédures de concertation et d’implantation de sites industriels ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Somon, rapporteur. Je rejoins les auteurs de l’amendement n° 135 sur le caractère imprécis du titre. Que recouvre la notion « industrie verte » ? Mais ne soyons pas réducteurs : laissons de la liberté. L’industrie la plus verte n’est-elle pas celle qui est la nôtre, c’est-à-dire celle qui produit en France avec nos normes environnementales, celles-ci étant déjà suffisamment développées ?
Comme vous, nous attendions des mesures plus ambitieuses en faveur de la réindustrialisation. Le Parlement a joué son rôle en faisant évoluer le texte, dans la limite de ses prérogatives.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement sur l’amendement n° 135.
L’intitulé proposé par les auteurs de l’amendement n° 159 ne correspond qu’au titre Ier du projet de loi : il ne tient pas compte du titre II, sur la commande publique, ni du titre III, sur le financement de la transition écologique inscrites. L’avis est donc également défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 159.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera pour ce projet de loi relatif à l’industrie verte.
Nous apprécions que des mesures soient adoptées pour accélérer l’implantation d’activités industrielles et pour favoriser la décarbonation.
Nous connaissons trop d’exemples de difficultés d’implantation d’activités économiques. Je pense notamment, en Bretagne, au groupe Le Duff-Bridor, qui n’a pas pu implanter d’usine en Ille-et-Vilaine en raison de procédures administratives trop longues. Le chemin vers la réindustrialisation effective de notre pays, dans le respect des objectifs de décarbonation auxquels le groupe Union Centriste souscrit, est encore long. Les procédures administratives, et notamment celles qui concernent la commande publique, doivent être simplifiées.
Nous nous réjouissons des avancées obtenues, mais il faut tenir compte de la réalité du terrain, et notamment de la position des élus. Grâce au Sénat, la place des élus territoriaux dans le processus de décision sur l’implantation d’activités économiques est garantie. C’est essentiel, car il ne peut être question de leur imposer des décisions venues d’en haut : le terrain doit être associé au développement local.
En matière de financement, nous souhaitons que ces premières mesures soient suivies par d’autres. L’enjeu financier de la transition énergétique est colossal : nous devons nous y atteler.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à l’industrie verte n’est pas à la hauteur. Bien entendu, il faut relocaliser ; bien entendu, il faut décarboner…
Mais, dans ce texte, il n’y a rien sur la biodiversité, rien sur l’eau, rien sur l’efficacité. De quelle industrie parlons-nous ? Nous regrettons l’absence de définition ; la loi entretient le flou sur le périmètre.
Les TPE et les PME sont largement absentes ; la notion d’écosystème industriel n’est pas prise en compte ; l’accélération se fait aux dépens des droits de l’environnement et de la qualité du débat public ; les écoconditionnalités, si elles sont parfois présentes, ne sont pas associées à un processus de contrôle et de sanctions en cas de non-respect.
Il y a, certes, des avancées sur la sortie du statut de déchet ou sur la mobilisation des friches industrielles, mais, clairement, le compte n’y est pas. Avec le plan d’épargne avenir climat, on crée un outil de financement risqué, destiné aux plus aisés, sans garantie que ses fonds soient affectés au développement d’une industrie verte, en dépit des efforts de notre rapporteure. La mobilisation de l’épargne des Français en direction d’une industrie totalement tournée vers la transition écologique n’a pas trouvé ici les bons outils.
Je regrette aussi l’absence d’une grande partie de la droite sénatoriale. Nous avons assisté à un dévoiement du scrutin public : en dépit de vos grands discours sur l’industrie et l’économie, vous avez fait défection ! La main invisible du marché aurait-elle rendu les sénateurs de droite également invisibles ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. Vous n’êtes pas tellement plus nombreux ! (M. Daniel Salmon le conteste.)
Mme Éliane Assassi. La droite est pourtant majoritaire !
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l’issue de nos débats, ce texte reste très procédural, comme l’ont été la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables et le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.
Ce texte, au périmètre très restreint, ne définit aucune stratégie d’ensemble de développement durable, aucun chemin de transition de modèle de développement. Le changement de modèle dont nous avons pourtant besoin ne peut se résumer à la question de la décarbonation, aussi importante soit-elle.
Nous aurions dû nous interroger collectivement sur l’économie dont nous avons besoin. Il revient donc au Gouvernement d’inviter le Parlement et les Français à en débattre, pour faire émerger des politiques publiques justes, adaptées et acceptées. L’économie de demain sera hyperindustrielle, centrée sur la personne et l’œkoumène, c’est-à-dire le cadre de vie au sens large.
Encore une fois, la Nation a besoin d’un grand récit mobilisateur pour façonner collectivement son avenir. Or ce texte n’en dit rien ou presque. Il n’est nulle part question de relais d’emplois s’agissant du thermo-fossile. C’est pourtant essentiel.
De nombreux domaines seront cruciaux : la santé au sens large, l’alimentation, l’éducation, la culture, la mobilité, la sécurité, l’habitat, etc. Nous devons bâtir un monde nouveau dans lequel les territoires, et pas seulement les métropoles, joueront un rôle absolument déterminant.
Je salue la prise en compte de Territoires d’industrie.
Je termine sur le ZAN. Nous sommes tous d’accord pour le compter à part. Mais comment fait-on concrètement pour rester dans la trajectoire du zéro artificialisation nette en 2050 ? Nous sommes bien loin d’avoir tranché cette question. Le texte reste flou.
Mme la présidente. Monsieur Montaugé, il faut conclure.
M. Franck Montaugé. Vous l’aurez compris, il nous reste de nombreux sujets de préoccupations. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’abstiendra.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour explication de vote.
Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, à la fin d’un débat de qualité, mais mené à marche forcée en dépit de l’importance des enjeux, nous partageons tous le même constat : notre pays a besoin d’un nouveau souffle industriel et de nouvelles perspectives permettant à notre appareil productif de se transformer en profondeur.
La réindustrialisation est un sujet majeur au regard des défis que nous devons affronter en termes de souveraineté, de maîtrise de la chaîne des valeurs et de reconstruction de nos compétences et savoir-faire.
Il n’y aura pas de réindustrialisation efficace sans objectifs clairs. Nous regrettons que la notion d’industrie verte n’ait jamais été définie, et ce après plusieurs heures de débat.
Vous continuez à réfléchir projet par projet, alors qu’il s’agit de construire et reconstruire des filières entières. Rien non plus sur la transformation des industries existantes !
Nous ne pourrons pas réindustrialiser contre les élus locaux et les collectivités territoriales, à l’égard desquels vous semblez nourrir une certaine défiance, comme si la désindustrialisation était de leur fait ! Je prétends au contraire que les élus locaux sont les premiers interlocuteurs des porteurs de projets et les plus à même d’assurer l’acceptabilité de nouveaux projets qui doivent s’insérer dans un écosystème complexe.
La réindustrialisation ne saurait se faire contre l’environnement, les procédures et la protection de la biodiversité. Ce discours d’un autre temps n’est plus audible, à l’heure où nous constatons au quotidien les conséquences du changement climatique. La priorité aux friches et aux sites existants est une nécessité absolue si nous voulons tenir nos engagements en matière de sobriété foncière.
Enfin, il ne suffit pas d’appeler à la réindustrialisation de la France, que vous présentez devant les patrons des multinationales réunis à Versailles plutôt que devant les parlementaires comme « la mère des batailles ».
Vous ne prévoyez pas de financements pérennes, en lieu et place des fonds étrangers, non plus que d’investissements importants en faveur de l’éducation, de la formation et de l’assistance à la reconversion professionnelle pour les nombreux ouvriers dont les sites ont fermé malgré les aides publiques massives, que vous refusez toujours de conditionner.
Même si nous saluons les travaux des différentes commissions, nous nous abstiendrons sur ce projet de loi.