compte rendu intégral
Présidence de M. Vincent Delahaye
vice-président
Secrétaires :
Mme Françoise Férat,
M. Joël Guerriau.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 15 juin 2023 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Convocation du Parlement en session extraordinaire
M. le président. Monsieur le président du Sénat a reçu de Mme la Première ministre communication du décret de M. le Président de la République en date du 19 juin 2023 portant convocation du Parlement en session extraordinaire à compter du lundi 3 juillet 2023.
Par ailleurs, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement confirme l’ordre du jour établi de façon prévisionnelle par la conférence des présidents qui s’est réunie mercredi 14 juin dernier.
3
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
4
Industrie verte
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l’industrie verte (projet n° 607, texte de la commission n° 737, rapport n° 736, avis nos 727, 725 et 731).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Demande de priorité
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. En application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat et en accord avec les autres commissions concernées, la commission des affaires économiques demande l’examen en priorité, au début de la discussion des articles, de l’ensemble du titre II, c’est-à-dire de l’amendement portant sur l’intitulé du titre II, des articles 12 à 14, ainsi que des amendements portant article additionnel qui s’y rapportent.
M. le président. Je suis saisi d’une demande de priorité de la commission sur l’ensemble du titre II du projet de loi, soit les articles 12 à 14, ainsi que sur les amendements portant article additionnel qui s’y rapportent, afin qu’ils soient examinés au tout début de la discussion des articles.
Selon l’article 44, alinéa 6, de notre règlement, la priorité est de droit quand elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Favorable, monsieur le président.
M. le président. La priorité est ordonnée.
Discussion générale
Dans la discussion générale, la parole est M. le ministre. (M. François Patriat applaudit.)
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sortons d’une ère de désindustrialisation,…
M. Fabien Gay. Pas encore !
M. Bruno Le Maire, ministre. … une ère de quarante années durant laquelle la France s’est trahie elle-même. Elle a trahi sa culture ouvrière, elle a trahi son génie industriel, elle a trahi son attachement au progrès, à l’innovation technologique et à la production manufacturière.
Les chiffres sont sans appel : en quarante ans, six cents entreprises fermées, 2,5 millions d’emplois industriels détruits, des territoires laissés à l’abandon, une part de l’industrie dans la richesse nationale tombée de plus de 20 % à un peu plus de 10 % tandis qu’elle restait stable chez nos principaux partenaires européens – l’Allemagne et l’Italie.
Avec le Président de la République, nous voulons maintenant ouvrir une nouvelle ère de réindustrialisation nationale et européenne : c’est l’objet des décisions que nous avons prises depuis plus de six ans ; c’est l’objet de ce projet de loi sur l’industrie verte.
Nous disposons maintenant d’une base nationale pour engager cette réindustrialisation. En effet, cette majorité a eu le courage de réformer la fiscalité du capital (Marques d’ironie sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.), ce que personne n’avait fait avant nous : il n’y a pas d’industrie sans capital et taxer toujours plus le capital, c’est taxer l’industrie et renoncer à toute ambition industrielle !
Nous avons mis en place des dispositifs pour améliorer la formation et la qualification ; nous avons fait de l’apprentissage la voie royale d’accès à l’emploi – nous avons désormais près d’un million d’apprentis chaque année.
Et nous avons, avec la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, simplifié l’ouverture des sites industriels.
Résultat : les chiffres sont, là aussi, sans appel. La France est devenue la nation la plus attractive en Europe pour les investissements étrangers, comme en témoignent toutes les annonces faites lors du récent sommet Choose France. Nous avons rouvert trois cents usines et nous avons créé, pour la première fois depuis quarante ans, 90 000 emplois industriels.
Nous disposons aussi d’une base européenne, résultat d’une longue confrontation avec une idéologie européenne dépassée qui refusait systématiquement, contrairement à ce qui se fait en Chine ou aux États-Unis, qu’un État soutienne, par des subventions ou des crédits d’impôt, le développement d’une industrie à ses débuts.
Avec le Président de la République, nous avons obtenu cette révolution idéologique consistant à laisser les États membres apporter des soutiens financiers au développement de leur industrie sous forme de subventions ou de crédits d’impôt.
Nous avons obtenu cette autre révolution consistant – Dieu sait que cela devrait être de bon sens – à protéger nos technologies et nos savoir-faire contre des investissements de prédation et à protéger nos qualifications.
Nous avons, enfin, les circonstances. Après la crise de la covid, chacun a compris qu’il fallait réorganiser les chaînes de valeur, arrêter d’être trop dépendants des autres nations pour les approvisionnements essentiels et faire revenir sur notre sol les approvisionnements critiques et les chaînes de valeur stratégiques.
Parmi ces circonstances, il en est une des plus difficiles : l’accélération du changement climatique, qui montre qu’il n’y a désormais pas d’autre issue que de prendre le problème à bras-le-corps et d’y apporter des réponses massives, rapides et efficaces.
À partir de là, maintenant que nous avons cette base nationale et cette base européenne et que nous faisons face aux circonstances que je viens de décrire, nous avons devant nous des choix politiques qui sont simples et qui doivent être tranchés.
Il y a trois choix possibles.
Le premier choix, c’est le statu quo : on continue comme avant, la croissance pour la croissance, l’ouverture de sites pour l’ouverture de sites, et peu importe le climat ! Ce statu quo serait criminel pour la planète, criminel pour les générations futures et, de toute façon, inacceptable pour nos compatriotes. La croissance pour la croissance au détriment du climat est une impasse.
Le deuxième choix, c’est la décroissance. Je sais qu’elle a la faveur de certains en France. Je tiens à dire à quel point elle conduira à la relégation de la nation française, à notre affaiblissement collectif et à l’appauvrissement de chacune et de chacun de nos compatriotes. Surtout, elle donnera les résultats inverses de ceux qui sont recherchés : nos compatriotes ne vont pas arrêter d’acheter des voitures, des vélos, des batteries ou des pompes à chaleur, mais, au lieu d’acheter des produits fabriqués sur notre territoire avec nos technologies et nos emplois, ils achèteront les mêmes produits importés, réalisés dans des conditions environnementales moins satisfaisantes.
Avec la décroissance, nous sommes perdants sur tous les tableaux : celui de l’emploi, celui de la richesse et celui du climat.
Le troisième choix, celui que nous vous proposons avec le Président de la République, avec la Première ministre, avec Roland Lescure, c’est la croissance verte, une croissance qui permet de réduire les émissions de CO2 et de lutter contre le réchauffement climatique – c’est le cœur de ce projet de loi relatif à l’industrie verte.
Qu’entend-on par industrie verte ? Deux choses distinctes, mais complémentaires.
L’industrie verte, c’est d’abord la décarbonation de l’industrie existante : on ne construira pas l’industrie de l’avenir sur les ruines de l’industrie du passé. Tous ceux qui nous ont vendu ces sornettes pendant des années et des décennies comme quoi il fallait faire table rase des vieilles industries pour construire dessus des industries nouvelles se trompaient totalement sur le lent processus qui permet d’améliorer les technologies, de profiter des savoir-faire passés pour construire ceux de l’avenir.
L’industrie existante, c’est 18 % des émissions actuelles de CO2 en France. Avec ce projet de loi, nous voulons accélérer la décarbonation des grands sites industriels français.
L’industrie verte, c’est aussi la production des nouvelles technologies vertes qui vont nous permettre d’accélérer la décarbonation de l’industrie française et celle de toute l’économie. C’est ce que j’appelle les Big Five : les pompes à chaleur, les éoliennes, les panneaux photovoltaïques, les batteries électriques et l’hydrogène vert. Ces cinq technologies clés feront la différence entre les nations qui réussissent au XXIe siècle et celles qui importent et qui sont dominées.
Nous voulons que la France exporte, qu’elle soit indépendante et puissante industriellement. Nous voulons investir sur la production de ces cinq technologies vertes.
De ce point de vue, contrairement à ce que j’ai entendu dire parfois, l’industrie verte n’est pas une contradiction dans les termes : c’est une évidence et même une tautologie. Si nous voulons une industrie, elle doit être verte et, pour que nous soyons verts, nous avons besoin de notre industrie.
Alors, comment faire pour avancer dans la direction de la croissance verte que nous vous proposons et qui nous paraît la seule option raisonnable pour la nation française ? Soyons très pragmatiques, très simples. Je crois que c’est l’intérêt de ce projet de loi et je me réjouis que son examen commence au Sénat, dont la sagesse est bien connue – je suis sûr que le texte en sortira encore meilleur. (Sourires ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.)
D’abord, ce qui compte le plus pour un industriel qui veut investir en France, ce qui est le plus difficile à trouver, ce qui pose le plus de problèmes, c’est le foncier. Il est extraordinairement difficile en France, pour un industriel qui veut investir, d’avoir accès à du foncier présentant les caractéristiques voulues.
C’est pourquoi nous vous proposons deux mesures radicales dans ce projet de loi.
La première mesure, c’est de mettre à disposition de l’industrie cinquante sites intégralement dépollués représentant 2 000 hectares – la Banque des territoires y consacrera 1 milliard d’euros d’ici à 2027. Nous pourrons dire à un industriel qui vient en France : « Un site est disponible pour vous, il est prêt à l’emploi. »
La seconde mesure consiste à rehausser la créance environnementale au rang des créances privilégiées pour récupérer 25 % des sommes nécessaires pour dépolluer les sites. C’est un geste politique fort que de faire remonter ces créances environnementales au rang des créances privilégiées.
Je me réjouis aussi que nous ayons trouvé un accord sur l’objectif du « zéro artificialisation nette » (ZAN) (Marques d’étonnement sur les travées du groupe Les Républicains.),…
M. Laurent Burgoa. Ça, on verra…
M. Bruno Le Maire, ministre. … qui a fait couler beaucoup d’encre et ouvert beaucoup de débats parfaitement légitimes. La proposition est de compter à part les projets industriels majeurs, ainsi que tous ceux qui contribuent aux chaînes de valeur du développement durable.
Une fois que vous avez votre site et que vous voulez construire votre usine, le deuxième obstacle auquel vous vous heurtez en France, c’est la lenteur des procédures : nous mettons trop de temps à accorder les autorisations.
Nous voulons, avec ce projet de loi, diviser par deux les délais d’ouverture ou d’agrandissement d’une usine en France : ils passeraient de dix-sept mois en pratique à neuf mois. Pour cela, nous allons opérer une révolution administrative : au lieu d’avoir des autorisations et procédures successives, nous proposons de créer une procédure parallèle (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) permettant d’examiner en même temps les différentes autorisations administratives. Cela se fera sans affecter les exigences environnementales ni la consultation publique, dont la durée passera d’un mois à trois mois.
Au-delà de cette révolution administrative, et toujours avec l’objectif d’accélérer les procédures, nous proposons de définir la notion de projet d’intérêt national majeur. Ces projets, qui concerneront quelques investissements identifiés par décret du Premier ministre, reposeront sur une procédure d’exception.
L’État prendra la main, de manière à accélérer les procédures, sur ce qui concerne le raccordement électrique, le permis de construire ou encore la modification du plan local d’urbanisme (PLU). Cette procédure est indispensable pour attirer en France de plus importants investissements.
Roland Lescure et moi-même avons longuement discuté de ce sujet lors de notre audition devant votre commission des affaires économiques et il nous est apparu qu’il était indispensable que les élus rendent un avis à ce sujet, en particulier les maires et les responsables des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). On ne construit pas une usine contre un territoire ou contre ses représentants. Nous vous proposons donc de recueillir l’avis des élus concernés pour ces projets d’intérêt national majeur.
Troisième étape de la construction d’une usine, pas la moindre : l’accès à des financements. Pour des usines de batteries électriques, d’hydrogène vert ou d’électrolyse, les besoins de financement se chiffrent non pas en millions ni même en centaines de millions d’euros, mais en milliards d’euros, comme vous l’avez vu avec l’agrandissement de STMicroelectronics à Grenoble ou avec les projets ACC à Douvrin et ProLogium à Dunkerque.
Nous avons besoin de financements dans un moment – je crois l’avoir dit clairement hier – où il faut redresser les comptes publics et où, par conséquent, les financements publics sont rares. Nous allons donc mobiliser l’épargne des Français.
Nous vous proposons de mettre en place un plan d’épargne avenir climat (Peac) disponible pour tous les mineurs, bloqué jusqu’à leur majorité, avec un taux de rémunération supérieur au livret A et un régime fiscal très incitatif et tout à fait exceptionnel – zéro charge, zéro impôt. Nous attendons 1 milliard d’euros de collecte de ce plan d’épargne avenir climat.
Toujours pour mobiliser l’épargne des Français, nous souhaitons aussi que, dans les plans d’épargne retraite et les contrats d’assurance vie, au moins une unité de compte soit obligatoirement consacrée aux investissements verts.
Au total, nous voulons mobiliser 5 milliards d’euros d’épargne privée pour le financement de l’industrie verte.
Enfin, toujours sur le financement, nous voulons être – je le disais en introduction – le premier pays en Europe à mettre en place un crédit d’impôt pour la production industrielle verte.
M. Fabien Gay. On en manquait…
M. Bruno Le Maire, ministre. Aujourd’hui, quand nous ouvrons des usines comme ACC, ProLogium ou d’autres, nous apportons des subventions – c’est ce qu’a aussi fait l’Allemagne récemment avec Intel.
Si nous voulons attirer d’autres investisseurs qui ont besoin de rentabiliser leur investissement sur le long terme et d’avoir de la visibilité, il faut aussi accorder des crédits d’impôt.
Je le répète, nous vous proposons, avec ce projet de loi, d’être la première nation en Europe à mettre en place ces crédits d’impôt pour la production industrielle verte.
L’intégralité de ce crédit d’impôt, je le précise, sera financée par la réduction de niches fiscales sur les énergies fossiles, conformément à la stratégie que j’ai définie hier de bascule de la fiscalité brune vers la fiscalité verte. Ce crédit d’impôt sera présenté dans le projet de loi de finances pour 2024.
Après le foncier, la construction de l’usine dans des délais rapides et le financement, ce projet de loi – c’est son quatrième volet – vise à protéger l’investissement ainsi réalisé et à s’assurer de l’absence de menaces par d’autres nations qui bénéficieraient d’avantages exorbitants.
Nous allons donc mettre en place un label d’excellence environnementale européenne, dit triple E, qui doit valoriser les entreprises les plus vertueuses et leur donner un accès privilégié à la commande publique, qui représente 150 milliards d’euros par an. Personne ne peut comprendre que, dans les appels d’offres pour la commande publique, ce soit systématiquement le produit ou le projet le moins cher qui soit valorisé et non pas celui qui est le plus vertueux d’un point de vue environnemental. Nous vous proposons que ce critère de vertu environnementale fasse partie des critères aussi décisifs que les critères économiques et financiers. Je pense que, à tout point de vue, nous en sortirons gagnants.
Je précise également que nous serons la première nation en Europe à réserver le bonus sur les véhicules électriques à ceux qui sont produits dans les conditions environnementales les plus satisfaisantes, c’est-à-dire à des véhicules produits en Europe.
Je dois dire qu’il est compliqué, dans un temps de responsabilité budgétaire où l’argent public est rare, de voir que, sur 1,2 milliard d’euros de subventions accordées pour l’achat d’un véhicule électrique, plus de 40 % partent dans des usines situées hors d’Europe. En effet, aujourd’hui, les bonus sont attribués sur le seul critère que le véhicule est électrique, alors qu’il devrait être attribué sur critère environnemental, en tenant compte des conditions de production. C’est une vraie rupture que nous vous proposons, en réservant ce bonus aux véhicules produits en Europe.
Enfin, nous voulons renforcer la formation et la qualification. Nous défendrons plusieurs mesures sur ce sujet comme l’augmentation de 22 % du nombre de places dans les écoles des mines-télécom à l’horizon 2027 et la création de cent écoles de production, toujours à l’horizon 2027.
Je ne serai pas plus long. À Roland Lescure comme à moi, il nous tarde d’entrer dans le débat sur ce projet de loi qui marque, me semble-t-il, un véritable tournant dans l’histoire économique de notre nation. Nous avons engagé la réindustrialisation : nous vous proposons de l’accélérer et de la verdir. Je suis certain que nous parviendrons à trouver un accord sur ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne veux pas être très long, puisque le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a dit l’essentiel.
Je voudrais quand même vous relater quelques événements qui se sont produits non pas ces dernières années, mais ces dernières semaines, en fait depuis un mois.
Vingt-huit nouveaux investissements ont été annoncés au sommet Choose France, qui représentent 13 milliards d’euros et 8 000 emplois.
J’ai signé la première feuille de route de décarbonation avec le groupe Lhoist, un groupe belge installé en France, qui s’engage à décarboner totalement d’ici à 2050 ses quatre sites – ils font partie des cinquante sites français les plus émetteurs de carbone – et à diviser leurs émissions par deux d’ici à 2030.
Nous avons annoncé l’alliance solaire, qui va permettre de reconstruire une filière de production de panneaux photovoltaïques en France.
Nous avons inauguré l’usine ACC à Douvrin dans le Pas-de-Calais, première gigafactory de batteries électriques.
Nous avons établi une liste de vingt-cinq médicaments essentiels et de huit projets de relocalisation qui vont nous permettre de produire de nouveau ces médicaments en France : 160 millions d’euros d’investissements à la clé.
S’est tenu la semaine dernière le salon VivaTech, qui est désormais le premier salon numérique au monde devant le fameux Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas. Ce salon a une composante industrielle extrêmement importante – c’est un aspect qui, vous le savez, m’est cher.
Se tient cette semaine au Bourget le salon de l’aéronautique et de l’espace. Des commandes historiques, exceptionnelles, y ont été passées et on y voit clairement que cette industrie s’engage, avec le soutien de l’État, sur la voie de la décarbonation pour fabriquer un avion propre et investir dans des start-up qui vont développer les avions du futur.
Tout cela en moins d’un mois !
En outre, l’Insee a publié il y a moins de deux semaines des chiffres qui montrent que plus de 100 000 emplois ont été créés dans l’industrie ces six dernières années – c’est absolument exceptionnel.
Bruno Le Maire l’a dit, ces résultats du mois qui vient de s’écouler sont avant tout le résultat d’années de travail. Ce sont singulièrement les cinq dernières années qui nous ont permis de retrouver la compétitivité pour le site France.
Plus important encore, je pense que ces résultats sont avant tout la conséquence d’un changement de mentalité. L’industrie redevient à la mode en France, parce qu’elle est l’une des solutions de notre décarbonation. Nous avons fait une recherche dans les archives de l’Assemblée nationale et du Sénat : depuis plus de quarante-cinq ans, aucun projet de loi n’avait le mot « industrie » dans son intitulé ! Nous vous proposons aujourd’hui un projet de loi relatif à l’industrie verte – c’est donc une première depuis quarante-cinq ans.
On assiste aujourd’hui à un retour en force de l’apprentissage et à un retour en force des usines. Vous le savez, on ouvre aujourd’hui des usines dans tous vos territoires : dans la Somme, à Nesle ; dans le Doubs, à Allenjoie ; en Saône-et-Loire, à Autun ; en Seine-Maritime, au Havre ; dans la Drôme, à Pierrelatte ; dans l’Aube, à Sainte-Savine ; dans l’Eure, à Louviers ; dans le Pas-de-Calais, à Auxi-le-Château ; en Ardèche, à Ardoix ; en Gironde, à Saint-Loubès. Partout en France, on rouvre des usines et nous pouvons en être extrêmement fiers.
Pour chaque emploi industriel qui est créé, trois ou quatre autres, indirects, le sont dans les services, en particulier dans les services publics – un élément cher au sénateur Fabien Gay. Derrière une usine se cache souvent une école, une poste, etc. Bref, nous avons tous intérêt à ce que cette fierté industrielle retrouvée perdure.
Avec ce projet de loi, nous vous proposons finalement d’accélérer ce que nous faisons depuis cinq ans. Comme vous le savez, quand on entre dans un virage, la meilleure manière d’en sortir avec une courbe parfaite, c’est d’accélérer !
Notre devoir collectif à toutes et à tous, c’est de construire cette France de 2030 qui donnera à chacun les moyens de faire ce qu’il fait de mieux : inventer, financer, créer, penser, façonner, fabriquer, etc.
Que signifie concrètement accélérer ?
Cela veut dire que nous avons besoin d’hommes et de femmes qui soient techniciens, agents de maintenance, ouvriers, ingénieurs, entrepreneurs, investisseurs internationaux, etc. Nous avons aussi besoin de formations adaptées et d’une Europe forte.
Cela veut aussi dire – c’est là l’essentiel de ce projet de loi – que nous avons besoin de foncier, de financements et de simplicité pour l’implantation de projets dans nos territoires.
Nous devons poursuivre le changement de mentalité. C’est exactement ce que nous vous proposons dans le cadre de ce projet de loi, qui est le maillon indispensable d’une stratégie de réindustrialisation globale.
Au fond, ce texte est un élément essentiel d’un dispositif bien plus large qui prend place dans un environnement de compétition internationale accrue. Nous devons rendre davantage de foncier et d’argent disponibles pour les investisseurs afin de financer la réindustrialisation et la transition écologique, tout en mettant en place – c’est important – des règles environnementales et sociales extrêmement rigoureuses.
Ce projet de loi, qui est, je le répète, un élément d’une stratégie d’ensemble, doit nous donner les moyens de réussir, d’atteindre nos ambitions. Bruno Le Maire vous ayant présenté les articles de ce projet de loi, je vais vous en donner quelques illustrations.
L’usine ACC dont je parlais tout à l’heure a été inaugurée deux ans jour pour jour après le dépôt du permis. C’est une exception qui a mobilisé les services de l’État, ainsi que les élus locaux et nationaux, et cette exception doit devenir la règle.
Dans les projets d’intérêt national comme celui du grand port maritime de Dunkerque, nous devons aller plus vite, nous devons raccourcir les délais de manière à gagner encore du temps – c’est l’objet de l’article 3 du projet de loi.
Nous devons répliquer l’exemple du site d’Hambach, où les panneaux photovoltaïques de l’entreprise Holosolis vont être très bientôt fabriqués. Nous avons pu aller vite, parce que le terrain était déjà prêt : un investisseur s’était retiré d’un projet précédent ; du coup, toutes les études avaient déjà été faites, par exemple l’étude faune-flore dite quatre saisons. Nous devons faire en sorte que cet exemple devienne la règle.
Dernier point important : nous devons simplifier la sortie du statut de déchet. Comme souvent, la France a surtransposé une directive européenne et, aujourd’hui, pour fabriquer un tableau de bord d’automobile en plastique à partir d’une bouteille recyclée, il faut un an de procédure pour que ladite bouteille n’ait plus le statut de déchet. Nous vous proposons de passer dans ce qu’on appelle le « statut implicite », qui permettra de simplifier et d’accélérer l’utilisation de nos déchets. L’industrie a vocation à être un exemple d’économie circulaire.
Pour terminer, je veux vous dire que nous saurons que nous avons réussi si, dans cinq ans, nous avons effectivement dégagé 5 milliards d’euros de financement annuel supplémentaire pour l’industrie verte ; si, dans cinq ans, cinquante sites clés en main supplémentaires ont été effectivement mis à disposition, mais aussi occupés par des industriels ; si, dans cinq ans, nous avons effectivement relocalisé en France la production de vingt-cinq de nos médicaments essentiels ; si, dans cinq ans, nous produisons effectivement l’ensemble de la chaîne de valeur du véhicule électrique sur notre territoire ; si, dans cinq ans, notre commande publique est davantage tournée vers un achat qui soit responsable, mais aussi – il faut le dire – français ou européen ; si, dans cinq ans, les émissions de CO2 ont baissé significativement dans l’industrie – nous visons une réduction de 50 % d’ici à 2030 – ; si, dans cinq ans, nous avons créé plus d’emplois – Bruno Le Maire a rappelé que nous avions créé 100 000 emplois en cinq ans, nous devons viser beaucoup plus pour les cinq ans qui viennent.
Nous aurons vraiment réussi, si la colère diminue et si l’espoir renaît.