M. Christian Redon-Sarrazy. Ce n’est pas gagné…
M. Roland Lescure, ministre délégué. Vous savez que chaque usine permet de faire renaître l’espoir dans nos territoires. Travaillons ensemble, mesdames, messieurs les sénateurs, pour que l’espoir renaisse en France dans tous nos territoires et que la colère diminue enfin ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Laurent Somon, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l’industrie verte, dont nous commençons aujourd’hui l’examen, se donne pour objectif de réindustrialiser la France et de nous donner les moyens de devenir leaders dans les technologies clés de la transition écologique.
En accélérant les implantations industrielles, en renforçant la prise en compte des enjeux environnementaux dans la commande publique, en améliorant le financement de la transition écologique, vous nous promettez, messieurs les ministres, 40 000 créations d’emplois et 23 milliards d’euros d’investissements supplémentaires à l’horizon 2030.
Qui pourrait s’opposer à un tel programme ? Soyez-en assurés, messieurs les ministres, nous aurions voulu applaudir des deux mains depuis le temps que nous alertons sur les effets délétères de la désindustrialisation, sur cette chimère de l’industrie sans usine et de la tertiarisation à tout-va qui a appauvri nos compatriotes, déstructuré nos territoires, atrophié notre recherche et développement et, plus grave encore, qui a mis en péril notre souveraineté et amoindri nos capacités d’adaptation face aux grands défis de demain, au premier chef celui de la transition écologique.
Nous sommes d’accord sur les objectifs. Oui, il faut adapter notre industrie à la transition écologique pour nous donner les moyens de tenir nos engagements en matière climatique et de biodiversité. Oui, il faut profiter du puissant catalyseur économique que sont les changements d’usage massifs qui s’annoncent dans les secteurs des énergies renouvelables, de l’hydrogène et des batteries.
Nous aurions donc voulu applaudir votre texte, mais force est de constater qu’après avoir suscité l’enthousiasme il a provoqué la déception. Le texte est consensuel, mais bien en deçà des objectifs affichés ; il contient des mesures techniques qui sont sans commune mesure avec le redressement industriel qu’il nous faut opérer.
Quel est l’objet du projet de loi ? Qu’est-ce que l’industrie verte ? Vous avez tenté d’y répondre, messieurs les ministres,…
M. François Patriat. Et très bien répondu !
M. Laurent Somon, rapporteur. … mais nous sommes nombreux à nous interroger, car votre texte est flou. Vous déclarez vouloir décarboner l’industrie et soutenir les technologies des secteurs du développement durable. Mais, en réalité, au-delà des emblématiques mâts d’éoliennes et des giga-usines de batteries, l’industrie la plus verte n’est-elle pas surtout l’industrie qui produit en France, conformément à nos normes environnementales, qui sont parmi les plus élevées au monde ? N’est-ce pas l’industrie de nos petites et moyennes entreprises (PME) et très petites entreprises (TPE), de nos start-up, de nos usines textiles qui innovent, qui regagnent des parts de marché ?
Les grands défis de demain, nous les affronterons aussi avec, hélas, notre industrie de défense, ou avec notre industrie pharmaceutique, que vous avez citée, pour vaincre les nouvelles menaces épidémiologiques. Si la crise sanitaire a eu un mérite, c’est bien celui d’avoir mis au grand jour la fragilité de nos chaînes d’approvisionnement, y compris dans des secteurs stratégiques. Que prévoit votre texte sur ces sujets ?
Le plus gênant dans ce texte n’est pas le flou de son objet ou le caractère disparate des mesures proposées ; c’est son incomplétude. Celle-ci se mesure au nombre d’amendements que nous avons dû déclarer irrecevables, faute de lien avec celui-ci, alors même qu’ils auraient pu profondément enrichir la démarche. Je sais que c’est frustrant et je tiens à vous dire, mes chers collègues, que je partage votre déception.
Je déplore également, monsieur le ministre Le Maire, que vous ayez renvoyé au prochain projet de loi de finances la discussion sur toutes les mesures fiscales et financières envisagées en la matière,…
M. Laurent Somon, rapporteur. … ce qui nous empêche d’avoir une réflexion d’ensemble et rend notre débat très partiel. Qu’est-ce qu’une politique industrielle sans mesures financières et fiscales ? Pas grand-chose, sinon une forme de marketing politique ! Parmi les 40 000 créations de postes promises que j’évoquais tout à l’heure, combien sont supposées découler directement de ce texte ? Nul ne le sait.
Les mesures que l’on nous propose vont dans le bon sens, mais elles ne vont pas assez loin, comme en témoignent les dispositions dont la commission des affaires économiques a eu à traiter au fond. Elles visent à améliorer l’attractivité de la France en remédiant à deux faiblesses bien identifiées, que vous avez évoquées : la limitation des disponibilités foncières et la longueur des procédures administratives d’installation.
La question du foncier est fondamentale. En France, deux tiers des intercommunalités déclarent avoir déjà refusé des projets d’implantation économique par manque de foncier. Pour réindustrialiser la France, 16 000 à 20 000 hectares seront nécessaires. Environ la moitié pourrait provenir du recyclage de friches, l’autre moitié requerrait une artificialisation nouvelle. C’est un enjeu majeur !
La commission des affaires économiques a donc complété les dispositions des articles 5 et 6 visant à faciliter la mobilisation du foncier pour des usages industriels : elle a prévu l’identification des friches au sein des schémas de cohérence territoriale (Scot), en complément du pilotage existant aux échelons régional et communal. Elle a permis aux communes de récupérer plus facilement des terrains abandonnés pour y réimplanter de l’industrie.
Messieurs les ministres, il y a beaucoup à faire pour redonner la main aux communes sur leur foncier. Les fourches caudines de l’article 40 de la Constitution nous contraignent, mais j’aimerais que vous preniez l’initiative sur des thèmes comme le régime des biens sans maître, ou encore celui des biens en état d’abandon manifeste.
Afin de permettre un pilotage des implantations industrielles sur le foncier disponible, la commission a aussi limité, sauf exception, les obligations de dépollution après un usage industriel à ce qui est nécessaire pour un nouvel usage industriel. Elle a également permis au tiers demandeur d’intervenir plus tôt, pour anticiper la réhabilitation des friches.
En revanche, la commission s’est opposée à la restriction du champ des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), qui sont soumises à l’obligation de constituer des garanties financières pour financer la remise en état des sites après cessation d’activité : les collectivités se trouvent souvent bien démunies face à ces friches dont les coûts de dépollution peuvent être faramineux. La simplification et la recherche de la compétitivité ne doivent pas se faire au détriment des collectivités locales. Nous attendons un engagement fort de l’État pour accompagner celles-ci, y compris financièrement. Là encore, il manque à ce texte un volet financier pour le rendre crédible !
La commission a aussi introduit une mesure phare, que vous soutenez, je crois, monsieur le ministre Le Maire, quoique l’on n’en trouve nulle trace dans votre projet de loi : l’exclusion de ces projets du périmètre du ZAN. Vous en avez parlé ; c’est bien de le dire, nous venons de l’entendre, mais ce sera mieux de le faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
L’industrie ne représente que 4 % des surfaces artificialisées ; même en comptant sur une accélération de son développement dans les prochaines années, c’est tout au plus 7 % de l’enveloppe d’artificialisation disponible, à l’échelle nationale, pour la décennie 2021-2031 qui sera consacrée à l’industrie. Compte tenu des enjeux en matière d’emploi, de pouvoir d’achat et de souveraineté, prendre le risque de passer à côté de projets industriels par manque de foncier dans les territoires, alors qu’ils représentent si peu d’hectares en valeur absolue, serait une folie. Or deux tiers des EPCI ont refusé des implantations économiques faute de foncier !
Le nouvel article 9 bis exclut donc du décompte du ZAN toute artificialisation induite par des implantations industrielles concourant à la transition écologique et à la souveraineté nationale, quelle que soit leur taille. Il s’agit d’une mesure cardinale pour renforcer notre attractivité, car le foncier est la première ressource que recherchent les industriels pour s’implanter, vous l’avez dit monsieur le ministre.
Il ne s’agit pas ici d’opposer l’industrie à l’écologie ! Nous parlons ici de faciliter l’implantation d’industries qui contribuent à la transition écologique. On favoriserait ainsi l’arrivée en France d’industries qui constitueront les fondations d’une économie sobre en carbone, respectueuse de la biodiversité et de notre environnement, démarche que je désigne par le néologisme « économologie ».
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. C’est difficile à dire ! (Sourires.)
M. Laurent Somon, rapporteur. En ce qui concerne le second vecteur d’accélération mobilisé dans ce projet de loi, à savoir l’accélération des procédures administratives, nous avons travaillé dans deux directions : d’une part, permettre à l’ensemble de la chaîne de valeur de bénéficier de ces mesures d’accélération, en élargissant le champ des bénéficiaires de la procédure de déclaration de projet aux activités de recherche et développement et aux sous-traitants ; d’autre part, mieux associer les collectivités territoriales à la nouvelle procédure accélérée créée à l’article 9.
L’acceptation locale est essentielle au succès du déploiement d’implantations industrielles dans les territoires. À trop vouloir accélérer sans concerter, à trop vouloir passer en force, l’État ne fera que générer la méfiance et soulever les oppositions.
Il ne s’est passé que deux ans entre l’annonce de l’implantation à Douvrin de la gigafactory d’ACC, en 2021, que vous avez mentionnée, monsieur le ministre Lescure, et son ouverture, il y a quelques jours. Cela s’est fait sans cette nouvelle procédure,…
M. Laurent Somon, rapporteur. … mais l’État et les collectivités ont travaillé en parfaite symbiose, ce qui est gage de fluidité et d’accélération. C’est ce que nous devons rechercher, plutôt que de court-circuiter les collectivités locales !
Alors, messieurs les ministres, donnez des moyens aux services déconcentrés de l’État pour mieux accompagner les porteurs de projets dans les territoires, pour mieux outiller les collectivités, pour coconstruire avec elles ces projets stratégiques et en assurer le pilotage, avec toutes les parties prenantes ! C’est ainsi que nous gagnerons, ensemble, la bataille de la réindustrialisation.
Cela étant dit, la commission partage l’objectif de permettre l’installation rapide de très grands projets stratégiques. Dans un esprit de responsabilité, elle a donc conservé la nouvelle procédure créée à l’article 9, mais elle l’a profondément réformée, pour redonner l’initiative aux collectivités. Nous avons ainsi dû forcer l’État à dialoguer avec les collectivités, puisque vous ne le prévoyiez pas.
Évidemment, nous avons prévu qu’aucune évolution des documents d’urbanisme ne pourrait intervenir sans l’accord des collectivités concernées.
M. Laurent Burgoa. Très bien !
M. Laurent Somon, rapporteur. C’est une évidence qu’il convenait de rappeler, tout comme la nécessité d’assurer une vraie consultation du public.
Je voudrais pour finir saluer le travail de mes collègues rapporteurs pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, de la commission des lois et de la commission des finances, auxquelles la commission des affaires économiques a délégué l’examen de certains articles.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le rapporteur !
M. Laurent Somon, rapporteur. Ce texte n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Il présente néanmoins d’intéressantes avancées, que nous avons choisi d’accompagner, de renforcer et d’améliorer, dans la limite, étroite, de nos prérogatives.
J’espère, comme vous, messieurs les ministres, que notre débat sera constructif, car nous avons tous le même objectif. (Applaudissements sur les travées du groupe Le Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, au nom de laquelle je m’exprime aujourd’hui, partage les objectifs du Gouvernement, mais relève l’écart entre l’intention affichée et les dispositions du présent texte.
Celui-ci, messieurs les ministres, est un patchwork de mesures très techniques et parfois cosmétiques qui devraient, à notre sens, avoir peu d’effet sur les émissions de gaz à effet de serre et ne contribuer qu’à la marge à la réindustrialisation de la France.
À l’inverse, certains leviers restés à l’écart de ce texte, et qui semblent plutôt relever du pouvoir réglementaire, pourraient avoir un impact bien plus grand au regard de cet objectif ; je pense par exemple à l’encadrement des délais contentieux en matière d’implantations industrielles.
Afin d’améliorer ce texte imparfait, notre commission a donc adopté 34 amendements dans un triple objectif : garantir l’intégrité environnementale du projet de loi, corriger des dispositifs qui n’atteignent pas leur cible, enfin, assurer la sécurité juridique d’un texte imprécis.
Je commencerai par le premier volet, à savoir les modifications visant à garantir l’intégrité environnementale du projet de loi.
La réindustrialisation ne doit pas se faire au détriment du principe pollueur-payeur. La commission a ainsi rétabli l’obligation de garanties financières pour assurer la réhabilitation des friches industrielles, que le Gouvernement proposait de supprimer à l’article 6.
Notre commission a également souhaité préserver le principe et la qualité de la participation du public, gage de l’acceptabilité des projets d’industrie verte. Nous avons ainsi aménagé, par plusieurs amendements, la modernisation de la procédure de consultation proposée par le Gouvernement aux articles 2 et 3, pour assurer un meilleur équilibre entre démocratie environnementale et réindustrialisation.
La compensation des atteintes à la biodiversité, prévue à l’article 7, a été modernisée et sécurisée : notre commission a souhaité mieux distinguer les notions de « restauration » et de « renaturation », d’une part, de « compensation », d’autre part.
Notre commission a rétabli, à l’article 2 bis, l’accélération des procédures d’instruction des projets d’énergies renouvelables dans les zones d’accélération de la production d’énergies renouvelables introduites par la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite loi ENR, accélération sur laquelle le Gouvernement proposait de revenir.
Enfin, nous avons complété le volet du texte consacré à l’économie circulaire, en prévoyant à l’article 4 A la création de projets territoriaux d’industrie circulaire.
Le deuxième volet de notre approche comprend les modifications visant à corriger des dispositifs qui n’atteignent pas leur cible.
À l’article 13, afin de garantir que les organisations assujetties respecteront leur obligation d’établir un bilan d’émissions de gaz à effet de serre (Beges), notre commission a relevé les sanctions administratives applicables et a supprimé l’exclusion facultative des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession en cas d’irrespect, proposée par le Gouvernement.
Par cohérence, la possibilité de mobiliser des critères qualitatifs, notamment environnementaux, pour attribuer les marchés publics a été étendue aux contrats de concession.
Enfin, notre commission a conforté la consécration juridique de la sortie implicite du statut de déchet, prévue à l’article 4, en proposant une rédaction plus robuste.
Le troisième volet comprend les modifications tendant à renforcer la sécurité juridique d’un texte parfois imprécis.
À l’article 4, nous avons ainsi relevé les sanctions afférentes aux transferts transfrontaliers de déchets et corrigé une non-conformité de la rédaction au droit de l’Union européenne.
Nous avons aussi étendu aux plus petites collectivités la possibilité de mutualiser entre plusieurs acheteurs publics un schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser), à l’article 13.
Enfin, pour sécuriser le recours aux procédures de participation mutualisées, nous avons prévu que soit défini par décret le « territoire délimité et homogène » figurant à l’article 3.
En résumé, pour les articles qui concernent la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, ce projet de loi relatif à l’industrie verte est loin de constituer une révolution, même s’il apporte des améliorations mesurées et corrige des imperfections. Il témoigne au moins de la volonté du Gouvernement, que notre commission partage, de renforcer l’attractivité de la France pour assurer une réindustrialisation que nous souhaitons la plus verte possible. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Franck Menonville applaudit également.)
Mme Christine Lavarde, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il me revient de parler exclusivement du titre III, relatif au financement de l’industrie verte.
Au préalable, je voudrais exprimer notre regret quant à l’absence de définition de cette notion : l’industrie verte, est-ce seulement les pompes à chaleur, les panneaux solaires, les pales d’éoliennes, l’hydrogène vert ou encore les batteries électriques ? N’est-ce pas également transformer nos chaînes de production ou améliorer le bâti des usines, de manière à décarboner réellement notre économie ?
Nous avons en tout cas le sentiment que le texte s’éloigne par moments d’une définition restreinte de l’industrie verte, sans pour autant évoquer explicitement la décarbonation de l’industrie dans son ensemble. En effet, le titre III traduit plutôt deux autres objectifs, sans lien direct avec les enjeux environnementaux : attirer l’épargne privée vers les entreprises non cotées et maintenir la compétitivité de la place de Paris.
Seuls les articles 15 et 16 concernent directement le financement de l’industrie verte.
L’article 15, qui prolonge l’article 72 de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite Pacte, instaure une obligation de référencement, dans les contrats d’assurance vie, d’unités de compte constituées de fonds labellisés, et ce pour chaque label qui pourrait être reconnu par l’État au titre du financement de la transition écologique.
À noter, messieurs les ministres, qu’une obligation de référencement n’est qu’une proposition et ne signifie pas qu’il y aura nécessairement souscription par l’épargnant.
L’article 16, quant à lui, crée ce fameux nouveau produit d’épargne réservé aux mineurs, le plan d’épargne avenir climat, dont les fonds devront être alloués au financement de l’économie productive et de la transition écologique.
La commission des finances a largement précisé le fonctionnement de ce produit, complètement absent du texte déposé par le Gouvernement. Ce fonctionnement s’apparentera à celui du plan d’épargne retraite (PER), avec une gestion pilotée à horizon obligatoire.
J’étais un peu étonnée, monsieur le ministre Le Maire, de vous entendre vous engager sur le niveau de rémunération de ce produit. En effet, dès lors que ces fonds ne sont pas garantis, il est difficile d’être certain qu’à la fin l’épargnant aura plus – surtout en valeur réelle, si l’on tient compte de l’inflation – que ce qu’il a déposé sur un tel plan d’épargne pour une durée de dix-huit, vingt, ou même vingt-cinq ans s’il avait souscrit à zéro mois pour aller jusqu’aux vingt-cinq ans.
Mme Christine Lavarde, rapporteur pour avis. Je vous ai aussi entendu, monsieur le ministre, vous féliciter de la défiscalisation de ce produit, mais celle-ci est absente du présent projet de loi. Pardonnez-moi, mais, quand on présente un nouvel outil, il est tout de même utile, pour sa parfaite compréhension par tout le monde, de pouvoir calculer son coût. C’est ce qu’a fait la commission des finances. Je comprends que vous ne partagiez pas ce point de vue, mais il nous a semblé important d’avoir un dispositif complet.
J’en viens au problème de l’abondement du Peac. Dans la version initiale du texte, dès lors que la souscription est faite l’année de naissance de l’enfant, cet abondement est ouvert à tous. Il nous semble pourtant que ce plan d’épargne est un produit risqué, qui engage les fonds déposés sur une longue période, il ne s’agit donc pas d’un produit destiné au grand public, ou à tous les Français : il faut avoir le courage de le dire ! Dès lors, dans un contexte de raréfaction de la ressource publique, cet abondement ouvert à tous pourrait constituer un effet d’aubaine ; c’est la raison pour laquelle la commission des finances l’a supprimé.
J’irai plus vite sur les fonds européens d’investissement de long terme (Eltif), qui font l’objet des articles 18 et 19. De fait, ce sujet est assez éloigné du financement direct de l’industrie verte.
En réalité, le titre III traite surtout de la question du financement des entreprises. L’article 17 crée ainsi une obligation de proposer à l’épargnant titulaire d’un contrat d’assurance vie ou d’un PER une part minimale d’investissement dans des entreprises non cotées. Là encore, il s’agit d’une simple obligation de proposition, qui ne se traduira pas nécessairement par une souscription.
Les fonds du plan d’épargne avenir climat iront aussi vers les petites entreprises, ce qui soulève un certain nombre de difficultés.
Ainsi, le financement d’activités non cotées par des dispositifs qui peuvent être fermés à tout moment après une certaine durée de détention soulève des problèmes de liquidité. Recourir à la seule valeur estimative n’est pas protecteur des épargnants.
Plus généralement, ces différentes dispositions accroissent la prise de risque des épargnants. La commission des finances, dans la continuité des travaux d’Albéric de Montgolfier et de Jean-François Husson sur ces sujets, a donc adopté plusieurs dispositions visant à renforcer le devoir de conseil tout au long du contrat.
Enfin, messieurs les ministres, je vous appelle surtout à ne pas faire de greenwashing.
Mme Christine Lavarde, rapporteur pour avis. Aujourd’hui, pardonnez-moi, mais nous avons un certain nombre de critiques à adresser au label investissement socialement responsable (ISR) et, dans une moindre mesure, au label Greenfin. J’attends beaucoup de votre futur label triple E, parce que, si nous perdons la confiance des épargnants, ce texte ne servira strictement à rien.
Pour le dire autrement, si la commission des finances convient, avec le Gouvernement, de la nécessité de recourir à l’épargne privée pour pallier l’absence d’argent public pour le financement de la transition écologique et le soutien au tissu industriel, elle est en revanche très circonspecte sur l’efficacité des dispositifs proposés. Le Gouvernement escompte 5 milliards d’euros de collecte, ce qui est très loin des enjeux financiers de la transition environnementale. En 2021, les investissements climatiques ont représenté en France, toutes origines confondues, 84 milliards d’euros. Décarboner les quatre secteurs de l’industrie lourde à l’origine de près de 10 % des émissions nationales de gaz à effet de serre nécessite de mobiliser 14 milliards d’euros chaque année ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements au banc des commissions. – Mme Marta de Cidrac applaudit également.)
M. Jean-Yves Roux, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi qui nous réunit aujourd’hui exprime une ambition que la commission des lois partage pleinement, à savoir la meilleure prise en compte des enjeux climatiques au sein de la commande publique.
Il y a deux ans déjà, lors de l’examen de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, nous avions soutenu et même renforcé la démarche de verdissement de la commande publique qui figurait dans ce texte.
Quel contraste, cependant, avec le présent projet de loi !
Alors que celui-ci nous est décrit comme un moyen de « privilégier une commande publique responsable », force est de constater que, si les mesures proposées ne sont pas inutiles, leur modestie pose néanmoins question, tant le décalage est grand par rapport à la présentation qui en a été faite.
J’en veux pour preuve la mesure phare de l’article 13, qui ne consiste qu’à déplacer vers la partie législative du code de la commande publique des dispositions de sa partie réglementaire, afin de rappeler aux acheteurs publics qu’ils ont la faculté de prendre en compte des critères environnementaux lors de l’appréciation de l’offre économiquement la plus avantageuse.
S’agissant de l’article 12, dont l’examen a été délégué au fond à la commission des lois, il nous y est proposé d’instaurer, par voie d’ordonnance, un nouveau motif d’exclusion des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession, dont pourraient être frappées les entreprises qui ne satisferaient pas à leurs obligations de transparence résultant de la transposition de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD). Pour mémoire, cette directive européenne impose aux grandes entreprises de publier en matière de durabilité des informations extrafinancières incluant notamment des données environnementales.
Depuis plusieurs années désormais, il est régulièrement proposé au législateur d’insérer dans le code de la commande publique de nouveaux motifs d’exclusion de la commande publique. Ce fut par exemple le cas lors de l’examen de la loi Climat et résilience.
L’objet d’une telle approche, qui peut se comprendre, est d’inciter les entreprises à respecter des obligations de nature économique, sociale, éthique, ou encore environnementale, en utilisant la commande publique comme outil incitatif.
Toutefois, cette multiplication des motifs d’exclusion des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession soulève un enjeu d’effectivité et d’application du droit au regard de leur très faible utilisation par les acheteurs publics. Même le représentant de l’Union des groupements d’achats publics (Ugap), la principale centrale d’achats publics, m’a indiqué, lors de son audition, que l’on ne mettait jamais en œuvre ces dispositifs d’exclusion des contrats publics, qui ont pourtant fleuri dans le code de la commande publique en l’espace de quelques années.
C’est pourquoi, lors de votre audition par les quatre rapporteurs, monsieur le ministre Le Maire, je vous ai interrogé sur les instructions que vous envisagiez de donner afin de rendre enfin applicables ces pans entiers du droit de la commande publique, en sensibilisant davantage les acheteurs publics sur les facultés d’exclusion que leur offre le code de la commande publique.
Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour donner suite à l’engagement que vous avez alors pris devant nous de mettre en œuvre des actions de communication afin d’inciter les acheteurs publics à avoir davantage recours aux motifs d’exclusion des contrats publics que le Gouvernement soumet fréquemment à nos votes.
Nonobstant ces réserves et du fait de notre choix délibéré de faire confiance à cet engagement du Gouvernement, la commission des lois a adopté une position constructive sur l’article 12.
Sans pour autant nous illusionner sur la portée réelle de cet article, nous l’avons en effet approuvé, en considérant qu’il participera à renforcer l’effet de signal qu’il a pour les entreprises.
Néanmoins, conformément à la position constante du Sénat, consistant à limiter le recours aux ordonnances aux cas les plus justifiés, la commission des lois a adopté deux amendements à cet article, visant à mieux encadrer le périmètre de l’habilitation à légiférer par ordonnance demandée par le Gouvernement et à en réduire le délai à trois mois. (Applaudissements au banc des commissions. – M. Franck Menonville applaudit également.)