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Communication d’un avis sur un projet de nomination

Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi ordinaire n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires économiques a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable, par vingt-trois voix pour et aucune voix contre, à la nomination de Mme Laurence Borie-Bancel à la présidence du directoire de la Compagnie nationale du Rhône.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Alain Richard.)

PRÉSIDENCE DE M. Alain Richard

vice-président

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Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
Discussion générale (suite)

Protéger les logements contre l’occupation illicite

Suite de la discussion en deuxième lecture et adoption définitive d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. La séance est reprise.

Nous reprenons la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications en deuxième lecture par l’Assemblée nationale, visant à protéger les logements contre l’occupation illicite.

Discussion générale (suite)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
Exception d'irrecevabilité

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Dominique Théophile. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Dominique Théophile. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir pour examiner une proposition de loi très attendue.

Comme vous, monsieur le rapporteur, nous considérons que le texte adopté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture constitue un bon compromis. Il permet de lutter plus efficacement contre le squat tout en améliorant l’accompagnement des locataires en difficulté. En parallèle, il assure un équilibre entre la défense du droit de propriété et la protection du droit au logement.

Le durcissement des peines encourues en cas de violation de domicile, la création d’un délit d’occupation frauduleuse d’un local ne constituant pas un domicile, la répression de la propagande et de la publicité en faveur du squat et l’alourdissement des peines applicables aux marchands de sommeil sont autant de réponses concrètes aux situations dramatiques et traumatisantes auxquelles sont aujourd’hui confrontés nombre de nos concitoyens.

Plus largement, c’est la santé économique du secteur du logement qui s’en trouvera améliorée. Les mesures de cette proposition de loi sont en effet de nature à rassurer les bailleurs quant à la sécurité de leur investissement.

Nous constatons avec satisfaction que le texte soumis à notre examen comprend de nombreuses dispositions issues d’amendements sénatoriaux.

Mes collègues du groupe RDPI et moi-même sommes heureux d’avoir pu contribuer à l’amélioration du dispositif proposé par l’Assemblée nationale. À cet égard, nous nous réjouissons que nos collègues députés aient maintenu, à l’article 1er A, une disposition issue d’un amendement du président Patriat : la gradation entre la peine prévue pour le squat de domicile et celle applicable au squat de locaux ne constituant pas un domicile.

Pour ce qui concerne l’article 1er C, je salue la sagesse de nos collègues députés. Ils sont revenus sur l’obligation, pour le préfet de département, d’appliquer une décision d’expulsion rendue par le juge dans un délai de sept jours. Cette disposition risquait de porter atteinte au droit au recours. Aussi, elle aurait sans nul doute été censurée par le Conseil constitutionnel.

Monsieur le rapporteur, vous l’avez déjà souligné : depuis l’adoption du texte en première lecture par le Sénat, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution la procédure accélérée d’expulsion, que l’article 2 de cette proposition de loi prévoit d’étendre aux locaux à usage d’habitation.

Tirant les conséquences de la réserve d’interprétation formulée par les sages de la rue de Montpensier, l’Assemblée nationale a opportunément prévu l’obligation, pour le préfet, de prendre en considération la situation personnelle et familiale du squatteur préalablement à la mise en demeure de quitter le logement. Nous saluons cette excellente initiative, qui permet de sécuriser juridiquement le dispositif.

Pour ce qui concerne l’article 2 ter, nous nous félicitons du renforcement du contrôle de la mise à disposition temporaire de locaux vacants à des fins sociales. L’État pourra ainsi prévenir tout risque de voir des entreprises se saisir du dispositif à des fins contraires à son objet initial.

Mes chers collègues, comme moi, vous avez peut-être entendu parler du terrible drame survenu à La Garenne-Colombes le 3 juin dernier. Une sexagénaire ayant accumulé d’importantes dettes de loyer auprès d’un bailleur social s’est immolée devant la mairie de cette commune. Elle a malheureusement succombé à ses blessures.

Cette affaire tragique montre combien il est urgent de renforcer l’accompagnement des locataires en difficulté. Tel est l’objet des articles 5, 7 et 8, que l’Assemblée nationale a votés conforme en deuxième lecture.

Je conclus mon propos en remerciant, au nom du groupe RDPI, le président Kasbarian, ainsi que les groupes Renaissance et Horizons de l’Assemblée nationale, qui nous ont permis de prendre à bras-le-corps les problématiques du squat et du contentieux locatif. Bien évidemment, les élus du groupe RDPI voteront ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Nathalie Goulet et M. Pierre Médevielle applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Denis Bouad.

M. Denis Bouad. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, on dénombre en France 4,15 millions de personnes mal logées. Ce chiffre est tiré du dernier rapport annuel de la Fondation Abbé-Pierre, publié le lendemain de l’examen de ce texte en première lecture par notre assemblée.

Alors que cette proposition de loi dite « anti-squat » revient devant nous en deuxième lecture, on pourrait être tenté de mettre ce chiffre en regard des quarante situations de squat recensées chaque année dans le pays, mais cela ne me semble pas pertinent. En effet, ce texte mal renommé ne se concentre pas sur la seule question du squat. Il vise également les locataires en difficulté, qui se trouvent en situation d’impayé.

Dans le contexte actuel, les choix opérés par cette proposition de loi nous semblent symboliques d’une forme d’aveuglement face à la crise du logement et à ses conséquences dans notre pays.

Construction de logements sociaux, lutte contre la vacance, revalorisation des aides au logement, plan massif de rénovation thermique : aux yeux des sénateurs socialistes, il existe une foule de chantiers prioritaires. Or, dans ces différents domaines, les réponses gouvernementales ne sont pas à la hauteur.

Monsieur le ministre, c’est au nom de cette ambition que, dès septembre 2022, nous vous avons appelé à faire du logement la grande cause nationale de ce quinquennat. Malheureusement, le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale traduit une ambition toute différente.

Si nous sommes convaincus de la nécessité de protéger les propriétaires contre les occupations abusives, il nous semble essentiel de préserver, comme vous l’avez dit vous-même, un équilibre entre le droit à la propriété et le droit au logement. Or le présent texte vient rompre cet équilibre construit au fil des décennies sans pour autant apporter de nouvelles garanties concrètes aux propriétaires.

En tant que législateurs, nous devons être attentifs à l’efficacité des dispositifs que nous votons. Dans cet esprit, on peut s’interroger sur l’intérêt de la création d’un délit, passible d’une amende de 7 500 euros, pour le locataire en défaut de paiement qui se maintient dans un logement.

Cette mesure n’apporte strictement aucune plus-value aux propriétaires. Ce ne sont pas eux qui percevront ces 7 500 euros. On sait d’ailleurs que, dans la très grande majorité des cas, les dettes locatives ne sont pas recouvrées par les propriétaires. Il en sera évidemment de même du montant de cette amende. En effet, rares sont les locataires qui choisissent de ne pas payer leur loyer et de se retrouver en situation d’expulsion. Au total, cet article aura pour seule conséquence l’engorgement de notre appareil judiciaire.

En première lecture, nous avions également dénoncé la réduction des délais entre le commandement de payer et l’assignation en justice.

De l’avis des professionnels comme des associatifs, cette période est essentielle pour mener tout le travail d’accompagnement social que suppose une procédure d’expulsion. C’est d’ailleurs ce travail qui, dans certains cas, permettra de trouver des solutions de paiement profitables aux deux parties.

On peut bien sûr débattre de la durée des procédures d’expulsion. Entre leur lancement et l’expulsion effective, il s’écoule, en général, dix-huit à vingt-quatre mois. Dès lors, on comprend que l’enjeu n’est pas de réduire de quinze jours le délai entre le commandement de payer et l’assignation.

Dans un grand nombre de cas, la principale cause d’allongement de la procédure est l’absence de solution de relogement, qui empêche le concours de la force publique.

Déjà difficile, le relogement des locataires menacés d’expulsion est encore compliqué par la pénurie de logements sociaux. Une nouvelle fois, nous en revenons à la crise du logement – c’est bien le problème central – et à la nécessité d’une réponse politique à la hauteur des enjeux.

Les décisions prises depuis 2017, notamment la mise en œuvre de la réduction du loyer de solidarité (RLS), ont considérablement fragilisé le secteur du logement social. Les bailleurs sociaux n’ont plus la capacité de produire des logements en nombre suffisant, si bien que la construction de logements sociaux a chuté de 40 %.

Entre 2017 et 2022, ce sont 15 milliards d’euros d’économies qui ont été réalisés sur le logement des Français les plus modestes ; et, malgré de nombreux signaux d’alerte, le ministre chargé des comptes publics annonçait le mois dernier que le ministère du logement serait particulièrement concerné par la baisse des dépenses publiques envisagées pour 2024.

Après la baisse des aides personnalisées au logement, après les milliards d’euros d’économies imposés au titre de la RLS, quelles seront les nouvelles baisses de crédits des politiques du logement ? Surtout, quelles en seront les conséquences pour les Français, qui ont de plus en plus de mal à se loger ?

Cette proposition de loi ne résout pas les problèmes des propriétaires. En revanche, elle pourrait accélérer la précarisation extrême de certains locataires.

Les acteurs associatifs, tout comme la Défenseure des droits, et même les rapporteurs spéciaux de l’Organisation des Nations unies chargés du logement et de l’extrême pauvreté, se sont inquiétés des conséquences de cette proposition de loi. Dans un courrier adressé à notre gouvernement, ces derniers ont relevé « l’absence d’étude d’impact sur les conséquences qui pourraient résulter des changements introduits par ce texte ».

Monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, ces mises en garde devraient vous interpeller.

Une nouvelle fois, les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’opposeront à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, en première lecture, nous avons déjà dit tout le mal que nous pensions de ce texte, avant de voter contre.

Nos arguments pouvaient se résumer en quelques mots : cette proposition de loi déséquilibre les rapports entre propriétaires et locataires,…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. … au détriment des seconds. Elle fragilise davantage encore les familles les plus démunies et les mal-logés sous prétexte de traiter un nombre infime de situations.

Il arrive en effet que de petits propriétaires voient leur lieu de vie squatté. Pour faire face à ces problèmes, la loi contient déjà un certain nombre d’outils. Peut-être méritent-ils d’être encore renforcés ; quoi qu’il en soit, ces cas de figure sont extrêmement rares.

En résumé, on a utilisé ces faits divers et ces drames pour justifier une offensive contre les locataires et les plus démunis.

Contre cette proposition de loi, nos arguments sont encore plus forts aujourd’hui, car, hélas !, la situation s’est détériorée.

Nous l’avons déjà dit en première lecture : il ne devrait pas y avoir d’expulsion sans relogement. En effet, le logement n’est pas un bien comme les autres : c’est un élément essentiel de la dignité humaine. Quand on expulse quelqu’un, quel que soit son statut, ce n’est pas une solution de le jeter à la rue.

Le Président de la République avait dit, en 2017, qu’il ne voulait plus voir personne à la rue, que c’était l’une de ses priorités. Or une telle politique ne fait qu’aggraver le problème.

Nous ajoutions que la meilleure solution était une politique plus favorable à la mise en œuvre du droit au logement opposable, du Logement d’abord et du droit au logement pour tous.

Nous proposions également des outils pour mieux combattre les impayés. Je vous rappelle que nous avons toujours défendu la garantie universelle des loyers (GUL), votée par le Sénat au titre du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur). Cette garantie protégerait de manière équilibrée les propriétaires et les locataires. En parallèle, nous insistions sur la revalorisation des APL pour limiter les impayés.

Que voyons-nous depuis ?

Premièrement, le nombre d’impayés augmente dans des proportions extrêmement préoccupantes. Cette évolution est certes récente – après la crise covid on ne l’observait pas encore –, mais elle prend désormais une ampleur considérable. C’est sans doute la conséquence de l’inflation.

Deuxièmement, le nombre de demandeurs d’habitation à loyer modéré (HLM) a littéralement bondi.

Troisièmement, pour les familles modestes, les APL couvrent une part de moins en moins grande des dépenses de logement, notamment du fait de l’augmentation des loyers et des charges.

Monsieur le ministre, une fois de plus, votre gouvernement cultive le « en même temps » : il durcit les lois en direction des locataires et des plus démunis et, en même temps, il ne prend pas les décisions nécessaires pour contrecarrer la crise du logement.

Les conclusions du Conseil national de la refondation Logement ne peuvent que nous inquiéter. Aucune régulation des loyers n’est prévue. L’indice de référence des loyers (IRL) est relevé de 3,5 % quand les rémunérations de la fonction publique n’augmentent que de 1,5 % : les traitements des fonctionnaires ne suivent pas l’inflation. Il n’y a ni augmentation des aides à la pierre, ni baisse de la TVA, ni remise en cause de la RLS. Et pour le Logement d’abord, qui, face à de tels problèmes, devrait être l’un des outils privilégiés, vous ne proposez que 160 millions d’euros supplémentaires, quand les associations – je vous renvoie aux conclusions du CNR – fixaient leur seuil minimal à 400 millions d’euros.

Bref, la politique que vous menez ne fera qu’accroître les problèmes. Non seulement elle menace la dignité d’un certain nombre de nos concitoyens, mais, en réalité, elle ne résoudra aucun des graves problèmes dont il s’agit, notamment les cas marginaux que vous avez invoqués.

Une fois de plus, nous voterons contre cette proposition de loi.

Monsieur le ministre, je tiens à vous dire que j’ai été meurtrie par vos propos sur « les honnêtes gens ».

Vous avez dit : je défends les honnêtes gens…

M. le président. Veuillez conclure, chère collègue.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Figurez-vous que, parmi les gens qui squattent, il y a des personnes qui sont tout à fait honnêtes, mais en détresse sociale. (Mme Dominique Estrosi Sassone proteste.)

Nous ne sommes pas pour la politique des squats. Nous sommes pour la politique qui garantit…

M. le président. Chère collègue !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. … le droit au logement des plus démunis…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. … contre les squats ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon discours n’aura pas tout à fait la même teneur que le précédent…

Après les débats auxquels cette proposition de loi a donné lieu à l’Assemblée nationale et au Sénat, je ne comprends pas que l’on persiste à opposer, d’un côté, les gentils protecteurs des mal-logés et, de l’autre, les méchants défenseurs des propriétaires.

Ce texte ne mérite pas tant d’indignité. Il n’a pas vocation à résoudre l’ensemble des problèmes de logement : il a pour but de régler le problème du squat…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Exactement !

Mme Nathalie Goulet. Il a donc un objet tout à fait délimité, auquel il fait bien de s’attaquer.

Le fait d’être mal-logé ne justifie évidemment pas le squat. Le fait d’être propriétaire ne protège pas des difficultés financières. J’y insiste, il serait temps de sortir du manichéisme.

Le présent texte porte sur l’occupation illicite des logements, qui recouvre à la fois le phénomène du squat et la situation des locataires défaillants. Il s’agit bien entendu de deux sujets distincts.

Je tiens à rendre hommage à notre rapporteur, André Reichardt, ainsi qu’à Dominique Estrosi Sassone, Valérie Létard et Marie-Noëlle Lienemann, qui sont, dans cette maison, les bonnes fées du droit au logement et de l’urbanisme ! (Sourires.)

Leur travail, comme celui des commissions des lois et des affaires économiques, a permis de rééquilibrer ce texte : il en avait encore besoin après sa première lecture au Sénat.

Monsieur le ministre, la procédure accélérée n’ayant pas été enclenchée, ce texte bénéficie de deux lectures dans chaque chambre, ce qui présente tout de même beaucoup d’avantages, en particulier pour éviter les malfaçons : dans un délai qui reste raisonnable, nous adoptons des textes de meilleure facture…

M. André Reichardt, rapporteur. Très bien !

Mme Nathalie Goulet. C’est tout de même plus satisfaisant que de voter la loi au lance-pierre.

D’un côté, nous avons des squatteurs sans droit ni titre, qui élèvent par moments la violation de domicile au rang de combat idéologique, utilisant notamment des guides du squat ; nous avons d’ailleurs pris des dispositions pour sanctionner la publication de tels documents.

Les propriétaires comme les locataires peuvent être victimes de squat : les chiffres en témoignent. Nous avons souhaité renforcer la lutte contre ce phénomène en supprimant la possibilité pour le juge d’accorder des délais à un squatteur faisant l’objet d’une décision d’expulsion. En cela, nous envoyons un signal clair à ceux et celles qui pensent pouvoir ignorer le droit de propriété, consacré par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

De l’autre côté, nous avons des locataires qui ne paient pas ou plus leur loyer. À cet égard, le présent texte fait bien la différence entre les personnes subissant des accidents de la vie et les locataires de mauvaise foi.

Monsieur le garde des sceaux, je me réjouis de vous retrouver pour l’examen de ce texte, peu après le vote du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice : pour traiter de ces questions, votre présence est évidemment la bienvenue, et le binôme que vous formez avec votre collègue chargé du logement se révèle tout à fait efficace.

Je me félicite de vous voir tous deux au banc du Gouvernement pour débattre de problèmes dont nous aurons à traiter lors de l’examen du projet de loi de finances. En effet, nous devrons assurer les moyens d’exécuter les décisions prises…

Non seulement les locataires défaillants ne doivent pas tous être mis sur le même plan, mais – je le répète – ils ne sauraient être confondus avec les squatteurs. C’est pourquoi nous avons tenu, au Sénat, à maintenir les pouvoirs d’office du juge pour l’octroi de délais de paiement aux locataires de bonne foi : le présent texte ne pénalise que les locataires de mauvaise foi, qui refusent de régulariser leur situation ou de quitter le logement qu’ils occupent de manière illicite. C’est l’équilibre que le Sénat et l’Assemblée nationale ont trouvé.

Tel qu’il ressort de l’Assemblée nationale, le présent texte remplit sa fonction : assurer la lutte contre les squats.

C’est en alliant ces considérations d’efficacité et de justice que nous parviendrons à rétablir la confiance des Français dans la propriété. Les squats sont des opérations extrêmement irritantes, qui font régulièrement la une des journaux ; peut-être ces situations sont-elles marginales, mais il n’en est pas moins nécessaire de les traiter.

Cette proposition de loi atteint son but et nous la voterons des deux mains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. André Reichardt, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac.

M. Christian Bilhac. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, la conception qu’ont nos sociétés de la propriété et le régime juridique qui y est associé figurent parmi les éléments fondamentaux de notre droit.

De Locke à Rousseau, la notion de propriété a inspiré nombre de penseurs au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Nos textes fondateurs gardent la trace de leurs débats, à commencer par la Déclaration des droits de l’homme, qui – je me permets de le rappeler – dispose que « le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme », parmi lesquels la liberté et la propriété.

C’est au législateur d’agir pour éviter que des propriétaires ne se trouvent désemparés face à l’occupation d’un bien dont l’acquisition a nécessité, parfois, des années de travail et de sacrifice.

Chacun a en tête les cas médiatisés de retraités à faibles revenus dont les résidences sont squattées. Face à ces affaires, l’administration semble impuissante et incapable de réagir.

Nous l’affirmons : il faut défendre les propriétaires. Bien sûr, cela ne signifie pas que nous n’avons pas conscience des réalités sociales conduisant à ces situations dramatiques. La précarité et la paupérisation de notre société doivent être combattues, en même temps qu’il faut garantir le respect de la propriété.

Il est peut-être naïf de le rappeler, mais l’État français devrait être en mesure, d’un côté, de protéger des occupations illicites et, de l’autre, de veiller à la prise en charge des personnes démunies. Nous constatons, hélas ! des défaillances dans ces deux domaines.

Quoi qu’il en soit, pour assurer la répression du squat, cette proposition de loi est la bienvenue.

Je pense en particulier aux dispositions pénales introduites par le présent texte, lesquelles viennent combler une lacune de notre droit. Comment imaginer qu’il n’existe à ce jour ni délit ni peine pesant sur l’occupation d’un immeuble sans titre, sur le seul fondement de l’atteinte au droit de propriété, indépendamment de la notion de domicile ? Ironie de l’ordre du jour sénatorial : nous débattons de ce texte quelques jours après avoir examiné un projet de loi relatif aux douanes, qui met précisément en avant cette notion.

Il faut que la loi incrimine ces agissements largement et les quantums de peine proposés me semblent justes. Toutefois, pour ce qui concerne ces dispositions innovantes, nous saluons les apports du Sénat : ils permettront de distinguer parfaitement le squatteur du locataire pour ne sanctionner que le premier des deux.

Nous sommes également favorables à la nouvelle prorogation, par l’article 2 bis, du dispositif introduit par la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion. Cet outil permet de confier à des organismes agréés l’occupation temporaire de locaux vacants afin d’assurer leur protection et leur préservation.

Naturellement, le problème des occupations illicites appelle la question des locaux vacants, notamment dans les zones hyper-urbanisées, au regard de la difficile situation du logement social.

Mes chers collègues, j’en viens au second volet de ce texte, à savoir les dispositions relatives aux locataires en difficulté. À cet égard, nous avons été particulièrement vigilants. En effet, nous souhaitons éviter tout amalgame entre ces personnes et les squatteurs, dont les situations sont fondamentalement différentes.

Dès la première lecture, les élus de notre groupe s’étaient inquiétés d’un possible déséquilibre entre les droits des propriétaires et la protection des locataires. Toutefois, tel qu’il nous est soumis à l’issue de la navette, le présent texte semble satisfaisant. Aussi, comme en première lecture, les membres du RDSE voteront majoritairement cette proposition de loi. (M. Pierre Médevielle applaudit.)

M. André Reichardt, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cette seconde lecture, nous arrivons au terme de l’examen du présent texte, qui ne contient plus que cinq articles en débat, la plupart ayant d’ores et déjà été votés par l’Assemblée nationale dans la rédaction établie par le Sénat.

Je tiens tout particulièrement à remercier notre rapporteur, André Reichardt, avec qui nous avons pu travailler de manière très constructive en première lecture, puis dans la suite de la navette.

Tout d’abord, je rappellerai les apports majeurs du Sénat pour assurer la répression du squat et la gestion des impayés de loyer.

Le squat est un viol de l’intimité (M. le garde des sceaux acquiesce.) et nous souhaitons qu’il soit réprimé sans faiblesse : je me réjouis que ce texte reprenne l’essentiel des dispositions de la proposition de loi que j’avais déposée sur ce sujet et que le Sénat a votée en janvier 2020.

Il sera désormais possible de s’attaquer aux réseaux qui organisent et favorisent le squat.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Voilà !

Mme Dominique Estrosi Sassone. La protection du domicile est étendue. En outre, en pérennisant le logement intérimaire sous contrôle strict de l’État, le présent texte promeut une alternative légale à l’occupation de sites inoccupés, au bénéfice de personnes fragiles ou en mobilité.

Pour ce qui concerne les impayés de loyer, l’apport du Sénat a été tout aussi déterminant. Dans l’intérêt des propriétaires comme des locataires, nous avons préservé les possibilités d’accord amiable et de règlement de la dette locative sous l’égide du juge. Ce dernier doit pouvoir vérifier le montant de la dette et la décence du logement. Il doit également être en mesure d’établir un échéancier et de fixer des délais de paiement sur la base d’un diagnostic social et financier renouvelé.

Sur ma proposition, le Sénat a renforcé l’accompagnement des locataires en difficulté, ainsi que la prévention précoce des impayés et des expulsions, dans un nouveau chapitre de cette proposition de loi. Ce dernier a été définitivement adopté par l’Assemblée nationale et je m’en réjouis.

Dans chacun de nos départements, la saisine des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives aura lieu beaucoup plus tôt. Ces instances disposeront de pouvoirs renforcés. En parallèle, le temps prévu pour la réalisation du diagnostic social et financier sera doublé : en résultera une nette amélioration de l’action des travailleurs sociaux.

Parmi les dispositions encore en discussion, je relèverai deux points.

Premièrement, nous avons su adapter et sécuriser le présent texte pour tenir compte de la récente décision du Conseil constitutionnel validant la procédure d’évacuation forcée prévue par l’article 38 de la loi Dalo. Il s’agit notamment des cas où le logement squatté est le futur domicile de la victime, en particulier lorsqu’elle vient de l’acheter ou de conclure le bail.

Deuxièmement, en cas de procédure d’impayé, il conviendra que le préfet informe les locataires de l’ensemble de leurs droits, qu’il s’agisse des délais de paiement ou du maintien dans les lieux. Ce sera également un volet essentiel de la réforme du diagnostic social et financier qui résultera de ce texte. En effet, il est de l’intérêt des deux parties que ces éléments aillent de pair afin que le locataire conserve son logement et que le propriétaire récupère son dû. Sans le corollaire du maintien dans les lieux, l’échéancier établi par le juge n’aurait pas de sens.

À nos yeux, nous avons su trouver un équilibre, en étant plus fermes contre les squatteurs et les locataires de mauvaise foi tout en assurant une meilleure prévention des expulsions, sans en faire peser le poids sur les propriétaires. C’est la raison pour laquelle les élus du groupe Les Républicains voteront cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)