M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Piednoir. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition énergétique.

Madame la ministre, après les déclarations successives d’un certain nombre de vos collègues, Mme la Première ministre l’a confirmé lundi dernier : le Gouvernement envisage bel et bien d’interdire l’installation et le remplacement de chaudières à gaz dans l’ensemble du parc immobilier existant, et cela dès 2026, à l’issue d’une concertation avec les acteurs de la filière.

L’objectif de décarbonation de notre mix énergétique est maintenant largement admis, même si la France ne représente que 1 % des émissions de CO2 dans le monde. Il faut bien sûr trouver des solutions rapides et concrètes pour aller dans ce sens, mais certainement pas, comme le dirait le Président de la République, pour « emmerder les Français »…

Or une telle mesure pénaliserait très lourdement les 12 millions de foyers qui se chauffent actuellement au gaz : les solutions de substitution, comme les pompes à chaleur, coûtent environ trois fois plus cher qu’une chaudière à gaz performante.

De plus, cette mesure déstabiliserait une filière en pleine mutation, qui attend des marques de confiance pour continuer à promouvoir la production de biogaz sur notre sol.

En réalité, notre pays a besoin d’une plus grande constance dans la parole de l’État. Il a surtout besoin d’en finir avec une politique écologique punitive, qui multiplie les interdictions.

Aussi, madame la ministre, pouvez-vous préciser les intentions du Gouvernement, en nous indiquant ce qu’il attend de la concertation qui s’ouvre ? Avez-vous la volonté d’entendre les arguments de bon sens qui s’expriment d’ores et déjà ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Monsieur le sénateur Piednoir, je vous rassure : il n’est pas question d’« emmerder les Français »… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Rémy Pointereau. Un peu quand même !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il est surtout question de planifier, afin de donner de la visibilité à l’ensemble des acteurs que vous avez cités : d’une part, les Français qui, aujourd’hui, sont équipés de chaudières fossiles ; de l’autre, toutes les filières qui gravitent autour de ces installations.

La concertation dont il s’agit doit être replacée dans son contexte. Comme vous le savez, le Président de la République nous a assigné une mission on ne peut plus ambitieuse au service de la transition énergétique : que la France soit le premier pays à sortir des énergies fossiles, pour tenir ses objectifs de neutralité climatique à l’horizon de 2050.

C’est pourquoi, sous l’égide de Mme la Première ministre, le Gouvernement travaille méthodiquement, secteur par secteur, pour trouver les voies et moyens permettant de construire cette neutralité carbone.

Nous nous penchons évidemment sur les secteurs du bâtiment et du logement. Notre objectif, c’est d’avoir des logements moins énergivores et moins émetteurs de carbone. C’est une nécessité pour notre planète. C’est aussi plus de confort et moins de factures pour les Français. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Bouloux manifeste sa circonspection.)

Des logements qui émettent moins de carbone, ce sont des logements qui consomment moins de gaz et de fioul pour être chauffés ou refroidis.

Vous le savez, ces efforts ne datent pas d’hier. Ainsi, il n’est plus possible d’installer des chaudières à gaz ou au fioul dans les constructions neuves. Nous avons arrêté tout soutien à ce type d’équipement. Mais, aujourd’hui, nous devons aller plus loin.

C’est pourquoi, avec mes collègues Christophe Béchu et Olivier Klein, j’ai lancé mardi dernier une consultation publique,…

M. François Bonhomme. Pas possible ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. … portant sur la décarbonation du secteur du bâtiment et, notamment, l’accélération de la décarbonation des moyens de chauffage.

Cette concertation doit nous permettre d’élaborer des réponses concrètes et accessibles en prix – vous avez mentionné ce point à juste titre –, tout en anticipant la montée en puissance, dans nos usines, de solutions de substitution. À l’instant, mon collègue Olivier Véran a ainsi mentionné la fabrication de nouvelles chaudières bas-carbone.

Vous le constatez, il ne s’agit pas de prendre des solutions drastiques et immédiates. Mais gouverner, c’est prévoir, et prévoir, c’est anticiper. (Marques dironie sur les travées du groupe Les Républicains.)

C’est ce que nous faisons, au bénéfice des Français et de nos entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour la réplique.

M. Stéphane Piednoir. Madame la ministre, ici même il y a quinze jours, votre collègue Christophe Béchu nous disait que l’on en avait fini avec l’écologie punitive…

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. C’est vrai !

M. Stéphane Piednoir. De grâce, n’ouvrez pas la voie à une nouvelle colère sociale. Ne faites pas payer aux Français les errements et les volte-face que, ces dernières années, l’exécutif a multipliés – nous savons tous de quoi il s’agit. Ne laissez pas les foyers les plus modestes supporter une mesure totalement déconnectée de leur réalité du quotidien. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Évelyne Perrot et M. Ludovic Haye applaudissent également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mercredi 14 juin, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Alain Richard.)

PRÉSIDENCE DE M. Alain Richard

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

4

 
Dossier législatif : proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs
Discussion générale (suite)

Indices locatifs

Rejet en procédure accélérée d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs (proposition n° 667, résultat des travaux de la commission n° 682, rapport n° 681).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs
Question préalable

M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a près d’un an, dans cet hémicycle, la majorité d’entre vous était d’accord pour voter des mesures tendant à minimiser les effets d’une inflation que nous savions croissante.

Je pense au bouclier tarifaire sur les prix de l’énergie, à la revalorisation des aides personnelles au logement (APL), à la hausse des minima sociaux, et, bien sûr – sujet qui nous occupe aujourd’hui –, à l’indice de référence des loyers (IRL) et au plafonnement de l’indice des loyers commerciaux (ILC).

Je m’arrête brièvement sur le sujet du commerce, car, je m’en souviens, c’est précisément sur l’initiative des parlementaires de cette chambre que ce premier dispositif a été introduit dans le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence, avait rassemblé autour d’une table les représentants des commerces, des bailleurs, des foncières, ainsi que les parlementaires, pour parvenir à un accord essentiel pour nos commerçants de proximité.

Ainsi, en fixant à 3,5 % la hausse de ces loyers pour les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), nous avons apporté un précieux bol d’air aux 430 000 petits commerces en France qui ont souscrit des baux commerciaux pour exploiter leur activité, ainsi que, par conséquent, à leurs clients, qui ont été préservés de la hausse des prix qui s’en serait ensuivie.

Sans ce plafonnement, l’indice de référence des loyers se serait établi à 6,26 % sur un an. Ainsi, à la faveur de cette mesure, la hausse de l’IRL a été quasiment divisée par deux.

Désormais, l’enjeu est de ne pas relâcher nos efforts, me semble-t-il. Dans les dernières projections, la hausse de l’indice est encore élevée ; sans doute le demeurera-t-elle dans les prochains mois. Voilà pourquoi la proposition de loi que vous examinez aujourd’hui revêt une grande importance.

Oui, nous avons encore besoin de protéger nos petits commerces ! Nous devons les protéger en prolongeant un dispositif équilibré dans son périmètre, dans sa durée et dans son intensité. J’insiste sur ces termes, car, s’agissant d’une dérogation aux principes constitutionnels de la liberté et de la stabilité contractuelles, nous redoublons de prudence.

C’est la raison pour laquelle nous rétorquons à ceux qui nous reprochent une impréparation que nous avons agi avec mesure. En effet, une trop grande anticipation des prévisions d’inflation nous plaçait inévitablement dans une situation de fragilité juridique.

Il n’est jamais neutre que l’État intervienne dans les relations contractuelles privées.

C’est pourquoi, au travers de la proposition de loi, nous avons pris garde à cibler les commerçants les plus exposés, à savoir les TPE et les PME, c’est-à-dire les entreprises qui ont les marges les plus faibles et le moins de latitude dans leurs négociations avec les bailleurs, en particulier avec les foncières. Nous avons également veillé à borner cette intervention dans le temps, soit jusqu’au premier trimestre 2024, quand l’inflation, pour soutenue qu’elle demeure, devrait avoir nettement reflué.

Au-delà de cette mesure rapide, ponctuelle et dictée par la nécessité, comme Olivia Grégoire a eu l’occasion de le dire aux députés la semaine dernière, nous avons lancé, voilà quelques semaines, le conseil national du commerce. C’est le lieu où évoquer les mutations du commerce et les thématiques structurelles qui vont bien au-delà du problème conjoncturel de l’inflation.

Aussi, au nom de la ministre déléguée, je réitère l’invitation à participer à une concertation sur la réforme du bail commercial, qui englobera la question de l’ILC, bien sûr, mais pas uniquement. Toutes vos idées seront les bienvenues sur ce sujet crucial.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez émis des critiques sur la forme.

Tout d’abord, certains d’entre vous parlent d’impréparation ou de manque d’évaluation. Pour ma part, je remercie les députés de la majorité de s’être emparés de ce sujet. Le plafonnement de l’IRL doit être voté avant le 1er octobre 2023, j’y insiste. Il n’y avait donc pas d’urgence à présenter un texte. Nous voulions essayer de donner de la visibilité aux Françaises et aux Français, compte tenu du contexte actuel.

C’est pour cela que nous avons proposé un texte qui pouvait être adopté avant le 30 juin 2023, même s’il n’y a pas d’obligation, puisque nous avons, je le répète, jusqu’au 1er octobre. Nous pouvons tout de même espérer que la reconduction d’un dispositif tendant à protéger les locataires confrontés à une crise de grande ampleur puisse être approuvée en moins de quatre mois par le Parlement sans que ses travaux en soient empêchés…

Par ailleurs, les prévisions d’inflation ont évolué jusqu’à récemment. En mars, les prévisions pour le deuxième trimestre 2023 – nous y sommes – n’étaient pas finalisées, puisqu’elles variaient de plus ou moins 1 %, ce qui est un ordre de grandeur considérable.

Il fallait donc attendre que les prévisions soient le plus possible stabilisées pour prendre la bonne décision. Aujourd’hui, les prévisions sont de qualité, grâce à la confirmation de la stabilisation de la dynamique économique, comme l’indiquent toutes les banques centrales, qui s’apprêtent à cesser de remonter leurs taux d’intérêt.

J’en viens, enfin, à la critique relative au manque d’évaluation. Voici, sur la base de plusieurs éléments, nos évaluations : près de 490 millions d’euros seront économisés par les locataires en année pleine avec le rythme des revalorisations de loyers, si toutes les revalorisations se font selon l’IRL ; or la hausse de loyers est de près de 2 % en 2022.

Les éléments très fins d’évaluation sont difficiles à obtenir alors que la crise dure encore et que le deuxième trimestre de cette année n’est pas terminé. Plutôt que d’évaluer trop précisément, nous faisons le pari scientifique d’appliquer aux mêmes problèmes les mêmes solutions – elles ont fait leurs preuves –, à savoir la prolongation technique du dispositif déjà existant, qui a permis de limiter la hausse des loyers à 2 % en 2022.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous laisse donc justifier auprès des 430 000 commerçants la hausse des loyers qu’ils connaîtront si le plafonnement de l’ILC cesse,…

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Aucun problème !

M. Olivier Klein, ministre délégué. … alors que les prévisions de l’Insee, l’Institut national de la statistique et des études économiques, nous indiquent que les prochains mois resteront difficiles.

Je vous laisse aussi la justifier auprès des millions de ménages, notamment les plus modestes, et auprès de leurs élus locaux. (Marques dagacement au banc des commissions.) Ces derniers sont confrontés aux problèmes de logement lors des rendez-vous avec leurs administrés, qui leur demandent ce qui se passera pour eux et ce qu’il en sera de leur pouvoir d’achat si le « bouclier loyer » n’est pas adopté… Nous en avons parlé longuement lors des questions d’actualité au Gouvernement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en votant contre ce texte, vous acceptez que les locataires du parc privé encaissent une hausse de loyer de près de 10 %, alors que nous voulons tous, je le crois, préserver leur pouvoir d’achat.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Inventons donc le loyer gratuit…

M. Olivier Klein, ministre délégué. En 2022, un bailleur a donc pu revaloriser son loyer d’au maximum 3,6 %.

En 2023, sans le vote du prolongement, un bailleur privé pourra revaloriser son loyer jusqu’à 6,1 %. Ceux qui refusent le plafonnement acceptent donc une hausse de près de 10 % des loyers pour l’année 2022-2023, soit 60 euros par mois en moyenne de plus pour les locataires du parc privé.

Sous l’effet du prolongement, l’impact total s’élèvera à 7 % maximum, contre 12 % si aucun plafonnement n’a lieu après ce débat.

S’il est prolongé, le plafonnement des loyers aura divisé par deux l’inflation des loyers potentiellement en vigueur sans l’action du Gouvernement. De plus, il aura permis 1 milliard d’euros d’économies par an pour les locataires du parc privé, qui s’ajoutent aux revalorisations structurelles décidées en 2023 pour les APL.

Ce dispositif a également fait ses preuves pour protéger les locataires sans fragiliser les propriétaires. Sans le plafonnement, la hausse aurait pu aller jusqu’à 6,3 % dans le parc locatif social et privé. En pratique, la hausse mesurée par l’Insee a été de 2 % en 2022, contre 0,6 % en 2021. Cela montre que le dispositif a un effet, mais aussi que les propriétaires ne revalorisent pas systématiquement les loyers au maximum.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques. Tout à fait !

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Précisément !

M. Olivier Klein, ministre délégué. J’ai confiance en eux. Je sais que certains sont des propriétaires modestes et qu’ils sont obligés d’augmenter les loyers pour faire face à l’inflation.

M. Olivier Klein, ministre délégué. Je sais que, pour la majorité des autres, quand ils le peuvent, ils prennent part à l’effort de solidarité et n’augmentent pas les loyers. Les propriétaires recherchent, pour beaucoup, un équilibre intelligent.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Faisons-leur confiance !

M. Olivier Klein, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, l’inflation va certes diminuer d’ici au début de l’année 2024, mais de façon moins rapide qu’attendu ; les prochains mois resteront difficiles.

Aussi, l’indice de revalorisation des loyers ne va pas s’ajuster immédiatement. La prolongation permet donc d’agir en responsabilité, en préparant au mieux un avenir encore incertain.

Au moyen de cette prolongation, le dispositif temporaire aura protégé les Français pendant toute la période de forte inflation et jusqu’à la fin, conformément à l’objectif fixé à l’issue de la concertation avec les professionnels.

Oui, les professionnels ont été associés, et je salue à cet égard le travail du député Thomas Cazenave,…

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Le pompier de service ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Klein, ministre délégué. … qui a discuté avec plusieurs acteurs avant l’examen du texte.

Je terminerai en mettant en avant deux points.

Premièrement, les bailleurs sociaux ne sont pas concernés par la prolongation actuelle – au reste, nous restons ouverts au débat. Les dispositions du texte actuel les laissent donc libres des loyers qu’ils fixeront au 1er janvier 2025, même si je sais pouvoir compter sur leur responsabilité pour limiter la hausse quand c’est nécessaire.

D’ailleurs, je sais que les bailleurs sont favorables à la protection des locataires et qu’ils n’appliqueront pas de hausse des loyers supérieure à 3,5 % au 1er janvier 2025.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Dans ce cas, pourquoi voter cette proposition de loi ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. J’ai reçu leur engagement en ce sens, et je les crois.

Deuxièmement, on me rétorque que ce texte ne répondrait pas à la crise du logement. Pardonnez-moi de vous le dire, mais tel n’est pas son objet !

Mme Anne-Catherine Loisier. Vraiment ? (Sourires sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Klein, ministre délégué. Ce texte a pour objet de prolonger les boucliers, afin de protéger les commerçants et les ménages de l’inflation.

Je sais que nombre de parlementaires s’intéressent au sujet du logement – nous l’avons vu tout à l’heure –, et je m’en félicite.

D’ailleurs, la restitution du volet logement du Conseil national de la refondation (CNR), qui a eu lieu lundi dernier, a été l’occasion pour la Première ministre de faire nombre d’annonces, que j’ai détaillées tout à l’heure lors des questions d’actualité au Gouvernement avec Christophe Béchu.

M. François Bonhomme. Bravo ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Klein, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite que nous débattions des deux articles qui vous sont proposés. Aussi, je ne puis que regretter vivement la question préalable du groupe Les Républicains.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Non, de la commission !

M. Olivier Klein, ministre délégué. Je sais que la majorité des groupes du Sénat souhaitent avoir ce débat, sans que ce texte soit politiquement instrumentalisé, si j’ose dire. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. François Bonhomme. Parlez-en au ministre !

M. Olivier Klein, ministre délégué. Rejeter l’examen de ce texte…

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Deux articles et quatre amendements !

M. Olivier Klein, ministre délégué. … uniquement pour faire passer un message de colère vis-à-vis de la procédure parlementaire n’est pas à la hauteur des enjeux et de la situation difficile que vivent nos concitoyens.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous n’allez tout de même pas nous donner des leçons de morale !

M. Olivier Klein, ministre délégué. Je le dis encore une fois : prenons nos responsabilités – notre texte est équilibré –, protégeons les locataires, les commerçants et les petits propriétaires.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes saisis en urgence de cette proposition de loi, déposée à l’Assemblée nationale par le député Thomas Cazenave.

Elle a pour objet de prolonger à hauteur de 3,5 %, jusqu’au premier trimestre 2024, le plafonnement de la hausse de l’indice des loyers commerciaux et de l’indice de référence des loyers d’habitation, qui avaient été décidés, respectivement, jusqu’au premier trimestre 2023 et jusqu’au deuxième trimestre 2023, dans le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, que nous avons voté l’été dernier.

L’examen de cette proposition de loi m’amène à formuler deux séries de remarques, sur la méthode tout d’abord, sur le fond ensuite.

En ce qui concerne la méthode, je fais le quintuple constat d’une impréparation, d’une précipitation, d’une absence d’évaluation, d’un manque de concertation et d’un non-accompagnement financier des acteurs.

M. François Bonhomme. La totale ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Tout d’abord, alors que les délais sont connus depuis l’an passé, le Gouvernement semble en avoir pris conscience voilà quelques jours seulement.

M. François Bonhomme. Il a été touché par la grâce !

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. D’ailleurs, même s’il s’agit d’une prolongation, selon les termes de la proposition de loi, l’encadrement de l’ILC est juridiquement déjà échu, puisqu’il s’achevait au premier trimestre de cette année. C’est donc en janvier ou février dernier que nous aurions dû examiner un projet de loi de prolongation, et non aujourd’hui dans la précipitation.

De fait, cette proposition de loi a été déposée le 23 mai. Elle a été examinée par l’Assemblée nationale moins d’une semaine plus tard en commission et en séance. Dans cette course de vitesse législative, notre commission a été contrainte de l’examiner hier, moins de sept jours après, et vingt-quatre heures seulement avant son examen en séance publique.

M. François Bonhomme. Félicitations !

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je voudrais rappeler que, en application de l’article 42, alinéa 3, de la Constitution, la discussion en séance, en première lecture, d’un projet ou d’une proposition de loi ne peut intervenir qu’à l’expiration d’un délai de six semaines après son dépôt, puis, devant la seconde assemblée, qu’à l’expiration d’un délai de quatre semaines, et qu’un délai de deux semaines est ménagé entre l’examen en commission et la séance.

Les conditions d’examen de cette proposition de loi dépassent les bornes de ce qui est admissible si l’on veut mener un travail parlementaire sérieux.

Dans ces délais, il est naturellement impossible d’organiser une véritable consultation des multiples parties prenantes. En effet, les différents acteurs ont été pour la plupart placés devant le fait accompli. À ma connaissance, et à la différence du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, dont nous avons été saisis l’été dernier, aucune véritable concertation n’a été organisée entre les parties pour chercher un compromis.

Ce texte va même à l’encontre de la parole donnée par le ministre, qui voyait dans cette loi « un dispositif exceptionnel qui ne serait pas reconduit. »

M. François Bonhomme. On n’est même plus surpris !

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. En choisissant de se cacher derrière le faux-nez d’une proposition de loi, le Gouvernement se dispense en outre de toute étude d’impact.

Pourtant, l’an passé, le coût pour les propriétaires du plafonnement de la hausse de l’indice de référence des loyers d’habitation avait été évalué à 705 millions d’euros. Ce n’est pas négligeable !

Quant à la hausse de l’indice des loyers commerciaux, elle avait effectivement été plafonnée par un amendement de notre collègue Jean-Baptiste Lemoyne. Elle n’avait donc pas fait l’objet d’une étude d’impact, mais, à tout le moins, elle résultait d’une concertation.

Enfin, en passant par une proposition de loi, le Gouvernement se dispense de prendre les indispensables mesures d’accompagnement financier et d’apporter un certain nombre de garanties aux bailleurs comme aux locataires.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’an passé, dans la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, une hausse des APL accompagnait la mesure de plafonnement des indices. Tel n’est pas le cas aujourd’hui, car insérer une telle mesure dans une proposition de loi ou par amendement serait contraire à l’article 40 de la Constitution.

Cet état de fait me conduit à formuler ma seconde série de remarques sur le fond du texte.

La mesure de prolongation que l’on nous présente comme indispensable et urgente ne peut dispenser le Gouvernement d’une véritable politique en matière de logement et de pouvoir d’achat. Limiter la hausse des loyers face à une inflation certes élevée n’est qu’une réponse partielle et de court terme à un problème beaucoup plus large.

Par ailleurs, notre pays est confronté à une crise sans précédent de la construction de logements. Et ce ne sont pas les mesurettes annoncées lors du Conseil national de la refondation qui changeront la donne !

Il nous faut relancer l’investissement et l’accession de manière beaucoup plus ambitieuse. Mais comment voulez-vous encourager la location de logements contre la location saisonnière si vous faites passer le message que les indices de références ne seront pas respectés, alors que les loyers saisonniers, eux, ne sont pas régulés ?

De plus, les charges pesant sur les propriétaires ne sont pas allégées. La revalorisation des valeurs locatives sur l’inflation pour le calcul de la taxe foncière n’a pas été plafonnée. L’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) la chiffre à près de 3 milliards d’euros. N’oublions pas non plus que la rénovation énergétique des logements est à la charge des propriétaires.

Le plafonnement n’est pas moins lourd de conséquences pour les bailleurs sociaux. En effet, l’inflation se répercute notamment sur leurs emprunts à long terme, dont le taux varie en fonction du taux du livret A.

À cause d’un encours de dette de l’ordre de 150 milliards d’euros et d’un taux de livret A passé de 0,5 % à 3 % en un an, les charges d’intérêts des organismes de logement social se trouvent alourdies de 3,75 milliards d’euros, ce qui affecte très fortement leur capacité à investir. Or cette hausse se répercute également sur l’IRL, donc les loyers, mais également sur les APL et les salaires.

En bloquant ce mécanisme sans compensation, le Gouvernement impose une nouvelle ponction aux bailleurs sociaux, alors que la réduction de loyer de solidarité (RLS) représente déjà 1,3 milliard d’euros par an. Comment espérer ensuite qu’ils puissent répondre présents aussi bien en matière de rénovation que de construction ?

En prolongeant le plafonnement de la hausse des loyers, le Gouvernement n’apporte en outre qu’une réponse partielle à la baisse du pouvoir d’achat. Comme je l’ai déjà indiqué, ce texte n’offre aucune garantie sur la revalorisation des aides personnelles au logement en faveur des locataires les plus modestes.

Au cours des années passées, la hausse des APL a été déconnectée de l’IRL. L’exemple le plus flagrant est le forfait de charges, dont l’augmentation a été deux fois moins rapide que la dépense réelle au cours des dernières années. D’ailleurs, il ne couvre plus que 40 % des charges effectives. Or, nous le savons tous ici, les charges augmentent plus vite que les loyers !

Enfin, la limitation de la hausse des loyers n’exonère pas le Gouvernement d’une réflexion sur la hausse des salaires. C’est tout particulièrement flagrant dans les commerces qui sont confrontés à une situation difficile : la fréquentation des commerces non alimentaires aurait reculé de 20 %. Selon les chiffres publiés en avril dernier par l’Insee, les achats alimentaires ont diminué de 10 % en un an, et la baisse est beaucoup plus importante sur certaines catégories de produits.

Limiter la hausse des loyers ne permettra pas de redonner vraiment du pouvoir d’achat à certains Français, mais elle en prendra à d’autres : les propriétaires.

C’est pour l’ensemble de ces raisons que la commission des affaires économiques a décidé de rejeter cette proposition de loi. Nous refusons la méthode et l’absence de prise en compte globale par le Gouvernement de la crise du logement et du pouvoir d’achat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)