Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Mais non !
M. Olivier Klein, ministre délégué. Pour autant, ce soir, nous ne débattons que des moyens.
Enfin, l’examen de ce texte n’est pas précipité : il était nécessaire de connaître les chiffres réels de l’inflation ; à défaut, notre proposition aurait pu être frappée d’inconstitutionnalité. Il nous fallait donc attendre ces chiffres pour avoir le débat d’aujourd’hui.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, d’une motion n° 5.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs (n° 667, 2022-2023).
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a décidé de déposer cette motion de procédure après la discussion générale, afin de ne pas limiter l’expression des groupes politiques.
Chacun a pu ainsi donner son opinion, avancer ses propositions et, si j’ai bien entendu, faire part, le plus souvent, de son opposition à ce texte.
En déposant cette motion, la commission vous propose de donner un coup d’arrêt, en rejetant une méthode que nous ne pouvons accepter, tant cette présentation d’un texte dans la précipitation témoigne d’un mépris renouvelé du Parlement, ainsi qu’une politique indigente du logement, que nous réprouvons.
Concernant la méthode, beaucoup l’ont souligné, nous entendons dénoncer la fausse urgence qui entoure le parcours de ce texte et qui viendrait justifier un examen brusqué dans des délais complètement anormaux. Cette fausse urgence sert à cacher l’impréparation du Gouvernement sur ce sujet, alors que les délais sont connus depuis un an.
On nous parle de prolongation, mais s’agissant de l’ILC, la mesure est d’ores et déjà échue ; il s’agit donc d’un rétablissement.
Nous entendons également dénoncer une méthode irrespectueuse du Parlement et des acteurs du secteur, fondée sur le fait accompli. Il n’y a pas eu de concertation, non plus que d’évaluation.
Comme je l’ai indiqué, nous ne sommes pas hostiles par principe à des mesures d’urgence, quand celles-ci se justifient ; nous les avons d’ailleurs votées l’an passé. Alors, les conditions du débat n’étaient pas les mêmes : nous faisions face à une véritable situation d’urgence, car la guerre en Ukraine venait d’être déclenchée. Nous avons pourtant pu délibérer d’un projet de loi comportant une véritable étude d’impact, fruit d’une concertation entre les acteurs, dans des délais nettement moins ramassés.
L’inflation montre maintenant de premiers signes de repli, mais le Gouvernement pérennise des dispositions d’exception pesant lourdement sur les bailleurs, privés comme sociaux, sans qu’aucune mesure d’accompagnement soit prise au regard de leur impact dans la durée.
Ce texte ne propose d’ailleurs pas plus de garanties pour les locataires face à une hausse des loyers constituant pour beaucoup d’entre eux un réel problème, que je ne minimise pas.
Par cette motion, la commission souhaite également dénoncer l’indigence de la politique du logement du Gouvernement, deux jours après la conclusion du CNR, laquelle a suscité la désillusion et a été reçue comme un signe de mépris par l’ensemble des acteurs du secteur du logement, qui ont travaillé pendant sept mois pour presque rien.
La construction traverse une crise très grave. Le nombre de réservations auprès des promoteurs est tombé au niveau du printemps 2020, au cœur de la crise sanitaire – c’est dire l’importance du marasme.
La RLS, la réduction de loyer de solidarité, et la hausse du taux du livret A assèchent les capacités de construire et de rénover des bailleurs sociaux, alors que le nombre de demandeurs a franchi la barre des 2,4 millions.
Hier, devant la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, que je préside, Christophe Béchu indiquait qu’un point supplémentaire du taux du livret A représentait l’équivalent de la RLS, c’est-à-dire 1,3 milliard d’euros de charges en plus pour les bailleurs. C’est cela qui nous attend au mois d’août, alors que le taux du livret A pourrait encore augmenter, pour dépasser les 4 %.
« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » : c’est cette phrase de Jacques Chirac que m’évoque cette politique de Gribouille.
Il faut relancer la construction, mais on arrête le Pinel sans aucune solution de rechange. On prolonge le PTZ, mais on le limite aux logements collectifs neufs, et uniquement dans les zones tendues, interdisant de facto la primo-accession pour les maisons individuelles et excluant 90 % des communes qui ne sont pas situées en zone tendue. Les demandeurs de logements sociaux n’ont jamais été plus nombreux, mais on continue d’étrangler les bailleurs sociaux, qui seraient des dodus dormants. On veut des investisseurs dans le logement locatif intermédiaire ; pourtant, face à l’inflation, on ne bloque que leurs revenus !
La France serait un paradis fiscal pour investisseurs immobiliers, selon Emmanuel Macron ; drôle de paradis que celui dans lequel, pour 38 milliards d’euros de dépenses, l’État récupère 90 milliards d’euros de recettes !
Depuis 2017, la stratégie du Gouvernement se résume à deux chiffres : 18 % de demandeurs de logements sociaux en plus et 81 % de recettes budgétaires nettes en plus sur le logement. Aujourd’hui, dans le domaine du logement, le dodu dormant, c’est le Gouvernement !
Tout cela a un impact direct sur les Français, qui peinent de plus en plus à se loger ou qui subissent des coûts prohibitifs. Le parcours résidentiel, symbole d’ascension sociale, est bloqué. Les Français se sentent déclassés et profondément lésés, alors que leur aspiration la plus légitime est de donner un toit à leur famille. Le logement est le premier poste de dépense des ménages et il emporte des conséquences immédiates sur le pouvoir d’achat.
Je comprends les inquiétudes exprimées dans cet hémicycle face à la hausse des charges, laquelle s’ajoute à des loyers difficiles à payer, et je les partage largement. J’entends les alertes sur les impayés de loyer et sur les difficultés de la vie qui se traduisent par une baisse jamais vue de la consommation alimentaire des Français.
Pour autant, quelles réponses trouvons-nous dans ce texte ? Quelles réponses avons-nous entendues il y a quarante-huit heures, lors de la conclusion du CNR ? Simplement des mesurettes techniques et court-termistes, bien éloignées des attentes : pas de hausse des APL, pas de hausse du forfait charges, qui ne représente que 40 % des dépenses réelles en la matière, et pas d’espoir pour les Français de retrouver ainsi du pouvoir d’achat immobilier, voire du pouvoir d’achat tout court.
Mes chers collègues, telles sont les raisons qui nous conduisent aujourd’hui à proposer au Sénat d’adopter cette motion tendant à opposer la question préalable, afin de marquer clairement notre opposition à cette législation à la sauvette et à une politique du logement sans vision et sans stratégie, faite seulement de mesurettes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Klein, ministre délégué. Au regard de ce que je me suis efforcé d’expliquer tout au long de ce débat, l’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Serge Babary, pour explication de vote.
M. Serge Babary. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la motion que nous soumet la commission se justifie tant par des raisons de forme que par des arguments de fond.
Les échéances étaient connues. Il incombait donc au Gouvernement d’anticiper la fin du plafonnement des loyers voté l’été dernier dans un rare consensus politique.
Le texte qui nous est soumis est une insulte au travail du Parlement. La navette doit en effet durer moins d’une semaine, et nous avons disposé d’un délai de vingt-quatre heures seulement entre les travaux de commission et l’examen de ce texte en séance publique. En outre, le choix d’une proposition de loi comme véhicule législatif nous prive de toute étude d’impact.
Les derniers mois ont montré que le Parlement attendait que le Gouvernement le respecte. Le Sénat n’est pas une chambre d’enregistrement comptable des oublis du Gouvernement.
Au-delà de la forme, le contenu du texte qui nous est soumis est lui aussi problématique.
La crise du logement est sans précédent. J’en veux pour preuve la déception unanime de la filière après les annonces relatives aux conclusions du Conseil national de la refondation.
La prolongation du plafonnement des loyers envoie aux propriétaires un message délétère, qui risque de peser sur l’investissement locatif.
Le plafonnement est également une mauvaise manière faite aux bailleurs sociaux, qui subiront cette mesure comme une nouvelle forme de ponction, après celle qui découle de la création de la RLS.
En tout état de cause, monsieur le ministre, cette proposition de loi n’est pas une réponse adéquate à l’inflation qui touche les ménages et les PME. Légiférer dans l’urgence, par des mesures de blocage, n’apporte aucune solution pérenne et efficace.
Nous ne pouvons donc qu’exprimer notre mécontentement en votant cette motion et en renvoyant le Gouvernement à ses responsabilités.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Comme je l’ai déjà indiqué, s’il conteste la méthode employée, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste estime qu’il importe de débattre, notamment du gel ou de toute autre méthode visant à réduire les loyers.
Mme Estrosi Sassone a souligné à juste titre la nécessité de sanctionner les conclusions du CNR, mais ce débat doit également permettre de rétablir quelques vérités, car on ne peut pas s’exprimer impunément, monsieur le ministre.
Vous ne pouvez pas, par exemple, vous prévaloir du maintien du PTZ, le prêt à taux zéro, alors que, les sommes allouées à ce dispositif étant divisées par deux, les acquéreurs n’y auront de fait plus accès dans 93 % du territoire.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Exactement !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous évoquez par ailleurs le pacte de confiance avec l’USH. Je forme le vœu que vous ayez raison, monsieur le ministre, mais pour qu’un tel pacte existe, encore faudrait-il que vous rectifiiez vos propositions. L’USH regrette en effet qu’aucune de ses demandes n’ait été prise en compte, et elle s’inquiète que les négociations relatives à Action Logement, qui mériteraient du reste elles aussi d’être longuement commentées, n’aboutissent à une réduction des aides à la pierre.
Tout en estimant qu’il convient de sanctionner la politique menée par le Gouvernement et le traitement qu’il réserve au Parlement, je suis d’avis de continuer à débattre.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Le pouvoir d’achat, et plus encore le logement, qui est la plus lourde dépense contrainte des ménages, sont au centre de toutes les conversations.
Dans ce contexte, renoncer à débattre reviendrait à envoyer un très mauvais signal.
Je rejoins Mme le rapporteur et le groupe Les Républicains quant au constat d’une méthode gouvernementale plus que calamiteuse. Nous soumettre ainsi une proposition de loi en dernière minute constitue un véritable déni du rôle du Parlement. Un tel manque d’anticipation et un tel niveau d’approximation sont réellement regrettables.
Pour autant, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires souhaite discuter de cette proposition de loi, car les locataires ont besoin de savoir ce qui se passera dans les mois à venir. La semaine prochaine, nous débattrons de l’occupation illicite des logements. Nous tenons à continuer à mener ces débats au sein du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.
Mme Viviane Artigalas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je maintiens les propos que j’ai tenus lors de la discussion générale : la méthode employée par le Gouvernement pour traiter d’un sujet aussi important que l’encadrement de la hausse des loyers n’est pas acceptable.
Le présent texte n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact, le dispositif de plafonnement voté il y a un an n’a donné lieu à aucune évaluation, aucune concertation n’a été menée avec les acteurs institutionnels, et j’en passe.
Au demeurant, après un premier quinquennat et au terme de la première année du second, nous sommes désormais malheureusement habitués à cette manière de procéder, irrespectueuse du Parlement comme de la société civile. Ce texte n’est en effet pas le premier que nous avons à traiter dans l’urgence et de pareille façon ; je vous épargnerai la liste, qui est longue, mes chers collègues.
Pour autant, au-delà des légitimes critiques qu’il est de notre devoir de formuler à l’encontre de la méthode du Gouvernement, nous ne pouvons pas nous abstenir d’examiner un texte, certes proposé dans l’urgence et beaucoup trop tardif, mais nécessaire pour soutenir les ménages et les petits commerces.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera donc contre la motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, j’entends votre argument selon lequel cette motion nous priverait de débat. Permettez-moi toutefois de souligner que, à ce stade, nous avons déjà consacré une heure et demie à débattre de cette proposition de loi.
Tout en respectant votre choix, j’estime que, au regard des échanges qui sont déjà intervenus, la discussion des deux articles et des quatre amendements qui ont été déposés ne contribuera à nous éclairer davantage ni par sa durée ni par sa teneur. Il me semble, en revanche, qu’il y a une certaine cohérence dans les arguments qui sont opposés à la discussion de ces articles.
Tout en étant respectueuse de nos débats comme de votre avis, mes chers collègues, je souhaitais simplement attirer votre attention sur ce point.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 5, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 295 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 146 |
Contre | 196 |
Le Sénat n’a pas adopté.
En conséquence, nous passons à l’examen de la proposition de loi.
proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs
Article 1er
À la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article 14 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, l’année : « 2023 » est remplacée par l’année : « 2024 ».
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le premier alinéa de l’article 14 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat est ainsi modifié :
1° L’année : « 2023 » est remplacée par l’année : « 2024 » ;
2° Les deux occurrences du taux : « 3,5 % » sont remplacées par le taux : « 1 % ».
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à abaisser à 1 % le plafonnement de la hausse de l’indice des loyers commerciaux, actuellement fixé à 3,5 %.
Pour de nombreux commerçants, TPE et PME, le loyer est en effet le premier poste de charges, son montant atteignant parfois jusqu’à 20 % du chiffre d’affaires qu’ils réalisent. Or les commerçants doivent déjà faire face à la montée des prix des matières premières et de l’énergie, alors même que leurs revenus directs sont affectés par la diminution des dépenses des ménages causée par l’inflation.
L’augmentation de l’ILC a déjà eu pour conséquence désastreuse la fermeture de nombreux magasins qui n’ont pas réussi à suivre la hausse généralisée des prix. Bien qu’elle soit préférable à des hausses de 6,8 % à 10 %, la hausse de 3,5 % subie par les locataires l’année dernière doit être réduite à 1 % pour les prochains mois, afin d’endiguer la vague de faillites et relancer les petits commerces.
Cette proposition, qui permettra aux commerçants de s’acquitter de leur loyer, paraît constituer un juste point d’équilibre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Par cet amendement, vous proposez, mon cher collègue, de limiter la hausse de l’ILC à 1 %.
Je rappelle que le taux de 3,5 % actuellement en vigueur a été retenu, car il constitue un compromis entre la libre fluctuation de l’ILC dans le cadre de sa composition statistique, très liée à l’inflation, et le gel ou une augmentation beaucoup plus faible de celui-ci.
Si les commerçants peuvent rencontrer des difficultés – je ne le nie pas –, les propriétaires sont eux aussi confrontés à la hausse de leurs charges, ne serait-ce que la revalorisation des valeurs locatives sur la base de l’inflation, qui, elle, n’est pas plafonnée.
Les loyers constituent en outre une part limitée – en moyenne 16 % – des charges d’un commerce.
J’estime enfin que les difficultés que bon nombre de commerçants rencontrent aujourd’hui sont davantage liées à la perte de pouvoir d’achat des Français qu’à la hausse des loyers.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Klein, ministre délégué. La proposition du Gouvernement de plafonner l’augmentation à 3,5 % est équilibrée, mais aussi, s’agissant de contrats privés, constitutionnelle.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. En effet, les causes de la fragilité des commerces sont multifactorielles, madame le rapporteur.
Il n’en demeure pas moins que la hausse des loyers affecte les commerçants, sans doute davantage que les propriétaires privés, qui ont plus de capacité de résilience, me semble-t-il. Nous pourrons le vérifier dans les mois à venir.
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er n’est pas adopté.)
Article 2
L’article 12 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 précitée est ainsi modifié :
1° Au II, les mots : « deuxième trimestre de l’année 2023 » sont remplacés par les mots : « premier trimestre de l’année 2024 » ;
2° Au III, les mots : « deuxième trimestre de l’année 2023 » sont remplacés par les mots : « premier trimestre de l’année 2024 » ;
3° Au premier alinéa du IV, les mots : « deuxième trimestre de l’année 2023 » sont remplacés par les mots : « premier trimestre de l’année 2024 ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1, présenté par Mme Lienemann, M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les quatrième à douzième alinéas de l’article 12 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« II. – L’indice de référence des loyers s’établit, jusqu’au premier trimestre 2024, au niveau de l’indice publié le 16 avril 2023 au Journal officiel. »
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes chers collègues, lors de la discussion générale, j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer en faveur du gel des loyers pour cette année.
J’entends les arguments relatifs aux difficultés auxquelles les bailleurs privés sont confrontés. Toutefois, comme mon collègue Salmon, j’estime que les propriétaires privés sont plus résilients que d’autres acteurs. En effet, entre 1984 et 2018, les loyers après inflation ont été multipliés par deux et demi, ce qui n’a été le cas d’aucun autre revenu.
Sur la même période – mes données ne sont certes pas très récentes, mais ces évolutions se sont confirmées depuis 2018 –, le résultat brut courant par logement des bailleurs privés, après déduction de toutes les charges, a été multiplié par 3, soit par environ 2,7 ou 2,8 une fois ôtés les critères de confort.
La catégorie des bailleurs a par ailleurs connu d’importantes mutations, puisque les multipropriétaires à revenus élevés sont de plus en plus nombreux.
Si nous ne prônons pas le gel des loyers ad vitam aeternam, nous pensons que l’instauration d’une telle disposition est aujourd’hui possible, parallèlement à une régulation plus globale des prix du logement, en faveur de laquelle nous plaiderons lors des débats budgétaires.
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 12 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat est ainsi modifié :
1° Le II est ainsi modifié :
a) Les mots : « deuxième trimestre de l’année 2023 » sont remplacés par les mots : « premier trimestre de l’année 2024 » ;
b) Le taux : « 3,5 % » est remplacé par le taux : « 1 % » ;
2° Le III est ainsi modifié :
a) Les mots : « deuxième trimestre de l’année 2023 » sont remplacés par les mots : « premier trimestre de l’année 2024 » ;
b) Le taux : « 2,5 % » est remplacé par le taux : « 1 % » ;
3° Au premier alinéa du IV, les mots : « deuxième trimestre 2023 » sont remplacés par les mots : « premier trimestre de l’année 2024 ».
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à abaisser à 1 % le plafonnement de l’indice de référence des loyers, actuellement fixé à 3,5 %. Cela permettrait d’aider sensiblement les locataires sans pour autant – j’y reviendrai – nuire aux bailleurs.
Alors que le montant moyen des loyers s’établit aujourd’hui à 723 euros, les ménages, particulièrement les plus précaires, ont besoin de cette mesure. L’inflation a déjà fortement affecté leurs revenus, au point que l’on a observé, durant l’hiver 2022-2023, une augmentation de 22 % de la fréquentation des banques alimentaires, ainsi qu’une hausse de 10 % des factures d’énergie impayées.
Au sein de la catégorie durement touchée des dépenses dites « essentielles », le loyer n’est pas épargné. Le plafonnement en vigueur a certes permis de limiter la hausse à 25 euros par mois en moyenne, mais cette mesure ne suffit pas.
Depuis 2017, l’État a économisé 4,2 milliards d’euros par an grâce à la réforme de l’aide personnalisée au logement, et depuis l’instauration de la réduction du loyer de solidarité, il ponctionne les organismes de logement social à hauteur de 1,3 milliard d’euros par an.
Si les locataires doivent supporter de nouvelles hausses pouvant atteindre 300 euros par an, certains d’entre eux ne seront plus en mesure de conserver un logement digne ni de respecter les échéances de leur bail. C’est pourquoi le plafonnement de l’augmentation de l’indice de référence des loyers à 1 % nous paraît indispensable.
Plutôt que le gel des loyers proposé par nos collègues communistes, ce plafonnement à 1 % nous permet d’indiquer aux propriétaires que, si nous estimons qu’ils sont davantage en mesure de résister à l’inflation que les ménages, nous ne les oublions pas pour autant.
Il conviendra en effet à l’avenir de prendre en compte les investissements de rénovation thermique qui s’imposeront aux propriétaires, mais c’est un autre sujet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’amendement n° 1 de Mme Lienemann vise à geler l’indice de référence des loyers, tandis que l’amendement n° 3 de M. Salmon tend à plafonner l’augmentation de cet indice à 1 %. Mon argumentation sera toutefois identique s’agissant de ces deux amendements.
Je comprends tout à fait les inquiétudes qui pèsent sur la situation de bon nombre de locataires et j’ai déploré avec force, lors de la discussion générale, lors de la défense de la motion tendant à opposer la question préalable, ainsi que dans mon rapport, que cette proposition de loi ne comporte aucune garantie en matière de revalorisation des APL et du forfait pour charges.
Néanmoins, la décision de plafonner la hausse de l’IRL à 3,5 % est le fruit d’une volonté de compromis et de partage équilibré des charges entre propriétaires et locataires, au regard des coûts suscités par l’inflation.
Compte tenu des enjeux qu’emporte une telle disposition en matière d’investissement locatif ou de rénovation énergétique du parc privé, il ne me paraît pas souhaitable d’aller au-delà.
Dans le parc social, la compensation évoquée grâce à un allègement ou à une suppression de la réduction du loyer de solidarité est malheureusement un vœu pieux, puisque cette hypothèse vient d’être rejetée par le Gouvernement dans le cadre des conclusions du Conseil national de la refondation.
L’avis de la commission est donc défavorable sur ces deux amendements.