M. Loïc Hervé. Très bien !

Mme Elsa Schalck. Mettre en lumière le respect de la vie privée des mineurs, c’est aussi sensibiliser les jeunes eux-mêmes. Je rappelle que 63 % des moins de 13 ans ont un compte sur un réseau social et que 80 % des parents déclarent ne pas savoir exactement ce que leurs enfants y font. Sensibiliser les parents revient donc à sensibiliser également les enfants, qui sont de futurs ou d’actuels utilisateurs des réseaux sociaux.

En conclusion, ce texte met en évidence un problème émergent, mais pourtant déjà bien ancré dans notre société, qui nécessite de trouver un point d’équilibre entre, d’une part, la liberté d’expression des parents et, d’autre part, l’intérêt supérieur des enfants.

En tout état de cause, il appelle à une prise de conscience, dans le sens d’une responsabilisation des parents, pour qu’internet reste un outil au service de l’apprentissage, de la connaissance, de la découverte et des liens entre jeunes et ne devienne pas un univers où l’exposition de l’intimité de ces derniers ouvrirait la voie à de multiples dangers.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.Mme la rapporteure applaudit également.)

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le développement de l’usage du numérique présente bien des avantages, notamment en permettant de conserver un lien social et familial malgré la distance géographique.

La diffusion de photographies de famille ou de vidéos sur les réseaux sociaux remplace nos anciens albums photos. Une fête de famille, des vacances, des loisirs, un événement sportif ou culturel, la fête de l’école… : tout est prétexte à partager la vie de ses enfants.

Or si la généralisation de l’usage d’internet et des réseaux sociaux dans nos vies a fait émerger de nouvelles opportunités, elle expose également nos concitoyens à de nouveaux risques et menaces que nous devons prendre en considération.

En effet, dans le cyberespace, ces photos, ces vidéos, ces renseignements personnels peuvent être visualisés et repartagés à l’insu des intéressés. Ainsi, la moitié des photographies qui s’échangent sur les forums pédopornographiques auraient été initialement publiées par les parents sur les réseaux sociaux. Ces derniers diffusent bien souvent des photos et des vidéos de leurs enfants sans penser à tous ces risques ; il est urgent de mieux les informer !

Aussi, en raison de la surexposition grandissante de l’image de l’enfant et de l’usage malveillant qui pourrait en être fait par des tiers, il semble primordial d’adapter notre arsenal juridique pour mieux appréhender l’exercice des droits des enfants dans cet environnement numérique.

La proposition de loi que nous examinons cet après-midi ne réglera pas tous les problèmes. Elle ne rendra pas non plus à certains parents le bon sens qui leur manque, mais elle permettra sensibilisation et responsabilisation des parents pour protéger les droits des enfants.

En faisant œuvre de pédagogie, elle aura le mérite de rappeler à tous que l’enfant n’est pas un objet, mais une personne titulaire de droits fondamentaux pour sa propre construction, comme le droit à l’image.

Lors de l’examen du texte en commission, des modifications utiles et pertinentes ont été apportées.

Je rejoins la position de la commission, qui a consacré de façon expresse l’obligation des parents de veiller au respect de la vie privée de leur enfant, y compris de son droit à l’image, au titre de leurs prérogatives liées à l’exercice de l’autorité parentale.

Je me réjouis également que la commission ait souhaité que la diffusion au public d’images relatives à la vie privée d’un enfant – photos ou vidéos – nécessite l’accord des deux parents.

De plus, je me félicite que la commission ait renforcé le pouvoir de la Cnil en cas d’atteinte aux droits des mineurs. Ainsi, celle-ci pourra agir en demandant de bloquer un site internet dans les cas où l’éditeur ne répondrait pas aux demandes d’effacement ou ne prouverait pas avoir obtenu l’accord des deux parents pour la publication concernant l’enfant.

Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, à l’ère de l’ultra-digitalisation, les enfants sont plus que jamais mis en danger par leur surexposition sur internet, particulièrement sur les réseaux sociaux. Il est donc nécessaire que nous nous accordions sur un texte opérant, afin de continuer à garantir à l’ensemble des mineurs une protection suffisante.

Le groupe Les Indépendants accompagnera toute démarche tendant à préserver les intérêts de l’enfant. Avec conviction, il votera en faveur de cette proposition de loi, utilement modifiée en commission. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en 1965, le chimiste et physicien Gordon Moore théorisait que, chaque année, la complexité des semi-conducteurs – qui sont au cœur de nos ordinateurs et de nos téléphones portables – allait, à coût constant, doubler.

Jusqu’à présent, sa théorie s’est vérifiée, année après année. Cette complexification constante et à coût constant a démocratisé l’accès au numérique, au point que nous avons désormais toutes et tous des téléphones portables, des iPads – comme celui sur lequel je lis mon intervention –, des ordinateurs, qui nous permettent de tout photographier, de filmer chaque moment de la vie et de les partager en direct sur les réseaux sociaux.

Or, comme souvent, le cadre législatif ne suit guère, ou tout du moins pas assez rapidement. C’est particulièrement vrai pour ce qui concerne le droit à l’image des enfants, qui n’est plus du tout adapté à notre époque. Pour beaucoup d’individus, ce qu’ils auront fait enfants pourra être vu par tous parce que des parents ont trouvé amusant de publier, à un moment donné, une vidéo de leurs enfants sur Instagram.

Souvent, les parents n’ont pas conscience des répercussions que peut avoir la publication de telles images, notamment celle de séquences qui mettront potentiellement leurs enfants – qui n’avaient pas la maturité nécessaire pour décider de publier ou non ces images – très mal à l’aise des années plus tard et susciteront des moqueries, voire du harcèlement.

En outre, il existe un risque réel de détournement des images des mineurs, à des fins d’usurpation d’identité, de chantage, de cyberharcèlement ou de pédopornographie. En effet, les pédocriminels se nourrissent très souvent d’images qui ont été postées à la légère par des parents.

Aussi est-il évident qu’il nous faut mieux encadrer le droit à l’image des enfants dans la loi pour enfin tenir compte de la démocratisation du numérique et de l’exposition des mineurs.

C’est pourquoi le groupe écologiste soutient pleinement cette proposition de loi. Nous saluons en particulier l’introduction de la notion de vie privée dans la définition de l’autorité parentale. Si l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme consacre le droit à la vie privée et que la convention internationale des droits de l’enfant précise que ce droit s’applique bien également aux enfants, la définition de l’autorité parentale dans le droit français n’y fait à ce jour pas référence. Il était donc urgent de l’ajouter.

De plus, nous approuvons l’ajout, en commission, de l’article 5, qui prévoit que la Cnil puisse ordonner le blocage d’un site internet en cas d’atteinte aux droits et aux libertés des enfants. Actuellement, la loi prévoit ce blocage pour les atteintes subies par les mineurs et majeurs, mais uniquement si l’atteinte est grave ou immédiate. Cet assouplissement des conditions de recours pour les mineurs renforce leur protection en ligne. Je remercie donc la rapporteure de son initiative.

Cette disposition vient utilement compléter une proposition de loi qui comportait jusque-là un angle mort : au-delà des mesures visant à responsabiliser les parents, la responsabilité des opérateurs de réseaux sociaux avait été quelque peu oubliée. Pourtant, les réseaux sociaux jouent un rôle clé dans les atteintes au droit à l’image des enfants. Au bout du compte, où ces images sont-elles diffusées ? Elles ne sont pas placardées dans la rue ; elles sont publiées sur les réseaux sociaux !

En complément du droit à l’oubli, qui permet aux enfants ou aux enfants devenus majeurs de demander le retrait de ces publications – il s’agit d’un élément très important –, nous souhaitons permettre aux titulaires de l’autorité parentale de demander le retrait d’images montrant leurs enfants diffusées par des tiers.

Concrètement, le groupe écologiste demande que tout opérateur d’un réseau social mette en place un mécanisme de signalement afin que les parents puissent signaler des images de leurs enfants ayant été diffusées sans ou contre leur accord.

Enfin, je rappelle que les mineurs ne sont pas des êtres dénués d’avis. Bien sûr qu’il faut responsabiliser les parents – c’est l’objet de ce texte –, mais il ne faut pas oublier que les enfants sont doués de droits fondamentaux et, aussi, de cerveaux ! Un enfant peut être gêné par une photo et exprimer une opposition à sa publication en ligne ; il faut en tenir compte.

Ce n’est pas facile à faire : j’ai moi-même fait l’expérience de tenter d’expliquer ce qu’implique la publication d’une photo sur les réseaux sociaux à ma nièce de 6 ans. Il s’agissait d’un dessin qu’elle avait fait. Elle a fini par me répondre qu’elle n’était pas assez grande pour comprendre ce que je lui expliquais – ce qui est déjà une grande preuve de maturité.

Mais, dans la plupart des cas, les parents ne prennent pas soin de demander l’avis de leurs enfants avant de publier une image, et même lorsqu’ils le font, tous n’ont pas conscience de l’importance de cette demande ni de la manière de la formuler. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons inscrire dans la loi le fait que les parents doivent associer leurs enfants à l’exercice du droit à leur image en fonction de leur âge et de leur degré de maturité.

Au fond, la réponse au développement du numérique doit être triple : responsabiliser les parents vis-à-vis des conséquences de la diffusion d’images, faciliter la suppression des images en ligne et associer les enfants.

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi. (M. Julien Bargeton applaudit.)

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l’essor du numérique et l’avènement des réseaux sociaux ont profondément révolutionné la vision que nous avons de notre image et l’usage que nous en faisons pour nous-mêmes, mais aussi pour nos enfants.

Dans ce contexte, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui tend à mieux faire respecter le droit à l’image des enfants par leurs parents, qui en sont responsables.

Cela a été répété, mais il faut le redire, à l’âge de 13 ans, un enfant a déjà en moyenne 1 300 images de lui qui circulent sur internet !

Ce comportement numérique des parents, apparemment anodin, n’est pourtant pas dénué de risques.

Ces risques sont d’abord pédocriminels, puisque 50 % des photographies qui s’échangent sur les forums pédopornographiques ont été initialement publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux.

Ces risques sont ensuite liés à la prédation sexuelle, car les lieux fréquentés par les enfants ou les informations personnelles qu’ils livrent peuvent être identifiés sur des photos.

Des risques de cyberharcèlement, de harcèlement scolaire ou encore d’usurpation d’identité, enfin, peuvent aussi exister.

Évidemment, l’immense majorité des parents agit par naïveté. La fierté et la méconnaissance des dangers liés au partage de l’image de leur enfant sur internet les poussent parfois à l’imprudence. Quelques-uns le font par bêtise, malveillance ou profit.

C’est pourquoi il était nécessaire d’essayer de trouver un équilibre entre liberté d’expression et intérêt supérieur de l’enfant, entre sensibilisation aux risques et répression.

Ce texte, à visée pédagogique surtout, s’inscrit dans la droite ligne de plusieurs initiatives parlementaires qui ont été prises au cours des dernières années en vue de renforcer la protection du droit à l’image des enfants sur internet.

Je pense notamment à la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, qui a reconnu aux mineurs un droit à l’oubli numérique, à la loi du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne, grâce à laquelle les mineurs n’ont pas besoin du consentement de leurs parents pour demander l’effacement de leurs données personnelles.

Je pense également à la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne et à la proposition de loi relative à la prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans, toujours en cours de navette parlementaire.

Le Gouvernement s’est également engagé à accompagner les parents face aux enjeux de parentalité numérique pour prévenir les usages excessifs et inappropriés des écrans, en soutenant ces initiatives parlementaires, en lançant une campagne nationale de prévention consacrée à la parentalité numérique ou encore au travers de la création d’une plateforme d’information et d’accompagnement à la parentalité numérique.

Plus précisément, la proposition de loi qui est soumise à notre examen prévoit d’introduire dans la définition de l’autorité parentale la notion de vie privée, afin de sensibiliser les parents à l’importance qu’ils doivent accorder à cet enjeu, au même titre que la sécurité, la santé ou la moralité de leur enfant.

La commission a, en revanche, choisi de supprimer l’article 2, qu’elle a jugé redondant, et l’article 4, dont les dispositions ont été considérées comme inopérantes. Je salue à cette occasion le travail de Mme la rapporteure.

Ce texte, issu des travaux de l’Assemblée nationale, permettait aussi au juge aux affaires familiales d’interdire à un parent de publier ou diffuser toute image de son enfant sans l’autorisation de l’autre parent lorsqu’il y avait désaccord entre eux sur l’exercice des actes non usuels relevant du droit à l’image de l’enfant. Afin d’éviter une interprétation différente de la notion d’actes usuels ou non usuels entre juridictions, la commission a décidé d’inscrire dans la loi que la diffusion au public de contenus relatifs à la vie privée d’un enfant nécessiterait l’accord des deux parents et que, en cas d’atteinte aux droits des mineurs en matière de données à caractère personnel, la Cnil pourrait agir en référé.

Il nous semble important de renforcer la protection des enfants tout en évitant de rigidifier à l’excès le quotidien des familles, ce que, à notre sens, cette nouvelle rédaction risque de provoquer. Aussi, nous vous soumettrons un amendement proposant de permettre au juge d’interdire à un parent de diffuser tout contenu relatif à l’enfant sans l’autorisation de l’autre parent, sans faire référence aux actes non usuels de l’autorité parentale qui figurait dans le texte adopté par l’Assemblée nationale.

Le groupe RDPI se félicite de l’examen de ce texte qui répond à un défi sociétal actuel et accompagnera les parents dans l’exercice de leur parentalité numérique, afin d’éviter un usage abusif du droit à l’image des enfants et leur surexposition sur les plateformes sociales. (M. Julien Bargeton applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Else Joseph. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Else Joseph. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le développement des réseaux sociaux et leur utilisation massive par un public jeune et moins jeune ont créé une situation d’immersion massive de nos enfants dans l’espace numérique. Nous n’avons pas fini de découvrir ce nouveau continent, qui a ses espoirs, mais aussi ses travers.

Ce n’est pas la première fois que le législateur ou les pouvoirs publics interviennent dans le champ numérique par rapport aux enfants.

Dans le passé, nous avons réagi au phénomène de cyberharcèlement ; récemment, nous l’avons fait sur les enfants influenceurs et sur la majorité numérique. On le voit, nous sommes véritablement au cœur d’une préoccupation qui touche tous les éducateurs, tous les parents.

Internet peut en effet donner le meilleur comme le pire. Le romantisme des stories ou l’innocence des likes ne doivent pas occulter ce sombre terrain de chasse pour les prédateurs et autres usagers malveillants.

Les chiffres sont terrifiants. Plus de 300 millions de photographies sont diffusées par jour sur les réseaux sociaux, 1 300 photographies par enfant sont publiées en ligne avant l’âge de 13 ans, 50 % des photographies qui s’échangent sur les forums pédopornographiques ont été initialement publiées par les parents sur les réseaux sociaux – sans oublier les nombreuses images détournées.

Dans ce souci de protéger les plus fragiles, nous devons donc préserver le droit à l’image des enfants, des enfants exposés, trop exposés.

Le respect du droit à l’image n’est au fond qu’une application des exigences de l’autorité parentale qui s’imposent aux parents au titre de l’article 371-1 du code civil, que beaucoup de ceux qui, parmi nous, ont été officiers d’état civil comme maires ou adjoints au maire connaissent.

Comme l’a rappelé la rapporteure, l’autorité parentale implique vis-à-vis de l’enfant « le respect dû à sa personne », donc le droit à la vie privée. Cette notion de vie privée de l’enfant met l’accent sur le devoir qu’ont les parents de la respecter. C’est aussi la pratique par certains parents du prank, ces canulars aux dépens de l’enfant, qui peuvent provoquer chez ce dernier des troubles psychologiques altérant l’acceptation de soi et de son image. (Mme la rapporteure acquiesce.)

En effet, c’est d’abord aux parents qu’incombe la protection de leurs enfants dans cet univers numérique. La solution est donc dans ces obligations qui s’imposent aux parents au nom de l’exercice de l’autorité parentale.

Puisqu’ils veillent à la sécurité et à la santé de leurs enfants dans le respect dû à leur personne, comme l’affirme le code civil, les parents doivent en tirer toutes les conséquences.

Aux parents de limiter l’exposition des enfants aux écrans. Cela a été dit, mais cela doit être encore rappelé. Il faut fixer des limites et éviter une familiarisation précoce aux écrans. C’est un enjeu de santé et de sécurité dans la protection des enfants. Rien ne pourra remplacer la responsabilité des parents, qui est immense dans ce domaine !

Aux parents eux-mêmes de faire preuve de sobriété en évitant de communiquer des photos ou des vidéos où l’on voit leurs enfants. Cette sobriété numérique doit profiter à tout le monde et respecter l’intimité de l’enfant, surtout à un moment où les vies privées sont encore liées et, dans tous les sens du terme, connectées.

C’est par ailleurs pour cette raison que la commission des lois a préféré une rédaction plus modeste de l’article 1er du texte pour tenir compte du fait que la sécurité, la santé et la moralité peuvent justifier une atteinte à la vie privée de l’enfant par les parents.

Cette obligation de veiller au respect de la vie privée de l’enfant s’inscrit dans l’exercice de l’autorité parentale.

Parce que l’enfant est encore sous la dépendance de ses parents, même s’il publie souvent seul les photos, la commission des lois a rappelé le nécessaire accord des deux parents pour la diffusion au public de contenus relatifs la vie privée de l’enfant.

Cela permet de rappeler la gravité de cet acte, donc de mieux réfléchir à la publication de ces images. Cela permettra aussi d’éviter des divergences éventuelles entre juridictions, par exemple sur l’autorisation de l’un ou des deux parents pour publier une image. Quid des parents divorcés pas toujours en accord ?

Si la protection du droit à l’image des enfants revient aux deux parents, encore faut-il les aider dans cette tâche lourde et pourtant noble.

Au-delà de l’utilité ou de la pertinence de tel dispositif dans notre législation, nous souffrons surtout de l’absence d’une véritable politique publique de l’espace numérique.

Toutes les familles ne sont pas logées à la même enseigne et la prévention reste encore un domaine lacunaire.

Il faut une véritable politique globale, et non une simple réaction au coup par coup. Certes, rien ne remplace les parents, mais on peut tout de même les aider et les accompagner. Il faut une aide à la parentalité dans ce domaine, comme nous le voyons au travers de certaines initiatives de terrain. La société, l’école ont aussi un rôle à jouer.

L’information à l’égard des parents doit être développée. Ils sont les premiers garants de la protection de leurs enfants et doivent être alertés notamment sur la conséquence de la diffusion d’images.

La santé doit aussi englober le volet numérique. Il faut en effet parler de « santé numérique », laquelle reste évidemment dans le prolongement de la santé physique ou mentale, mais tend tout de même à devenir un domaine spécifique.

Il faut utiliser les vecteurs traditionnels et les adapter à ce nouveau contexte. Dans son rapport, notre collègue Valérie Boyer préconise la création d’une nouvelle page dans le carnet de santé, qui pourrait contenir des informations sur l’exposition des enfants aux écrans ou aux réseaux sociaux. Je salue cette initiative.

Parce qu’il n’y a pas de prévention sans mise en cause des dangers, il faut élaborer un véritable programme de santé publique, qui doit accompagner tous les enfants dans leur parcours scolaire, et ce de la maternelle au lycée.

Dans toutes les étapes de leur scolarité, les enfants doivent, dès leur plus jeune âge, être sensibilisés aux risques d’internet, afin que leur droit à l’image soit préservé. Plus ce sera tôt, mieux ce sera, et ce de la manière la plus pédagogique possible. Ce que nous avons fait contre la drogue ou contre l’obésité, nous pouvons le faire sur l’usage d’internet et sur celui des réseaux sociaux.

N’ayons pas peur de sensibiliser les enfants et de leur parler des dangers auxquels ils sont exposés. C’est toujours en le disant que les choses vont mieux ! N’attendons pas des drames et ne nous résignons pas à rester les bras croisés au prétexte que l’on ne peut pas faire grand-chose dans cet univers complexe. La fluidité d’internet ne saurait justifier l’absence d’interdits ni surtout d’appréhension des conséquences pérennes de ces diverses publications, tout comme l’absence du droit à l’oubli. Le passé numérique ne doit pas devenir un passif.

Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le défi est vaste, mais les enfants sont l’avenir de notre société et nous devons à tout prix les préserver ! L’impératif de protection doit l’emporter quand il s’agit de la jeunesse.

Le groupe Les Républicains votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la rapporteure applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants
Article 2

Article 1er

Le deuxième alinéa de l’article 371-1 du code civil est complété par les mots : « , et notamment à sa vie privée ».

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants
Article 3

Article 2

(Supprimé)

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants
Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 4

Article 3

L’article 372-2 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La diffusion au public de contenus relatifs à la vie privée de l’enfant fait l’objet d’un accord de chacun des parents. »

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Patriat, Iacovelli, Richard, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après le troisième alinéa de l’article 373-2-6 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il peut également, en cas de désaccord entre les parents sur l’exercice du droit à l’image de l’enfant, interdire à l’un des parents de diffuser tout contenu relatif à l’enfant sans l’autorisation de l’autre parent. Ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé. »

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement vise à éviter que le texte que nous nous apprêtons à voter n’entraîne des effets de bord.

En commission, l’article 3 a été entièrement réécrit : désormais, la diffusion publique de contenus relatifs à la vie privée d’un enfant est subordonnée à l’accord des deux parents. Si nous saluons la volonté de la rapporteure de créer les conditions d’une harmonisation de la jurisprudence, nous craignons que la notion très large de « contenus relatifs à la vie privée de l’enfant » ne complexifie le quotidien des familles. En effet, la rédaction retenue par la commission aurait notamment pour conséquence d’obliger les tiers à recueillir l’accord des deux parents pour les diffusions restreintes et conformes à l’intérêt de l’enfant, par exemple dans le cadre scolaire.

Par ailleurs, nous considérons que le dispositif proposé par la commission tend à instaurer une hiérarchie injustifiée entre les différents droits de l’enfant. Il entraînerait en effet une sanctuarisation du droit à la vie privée, alors que, pour les actes concernant d’autres droits, tels que le droit à la santé, l’accord d’un seul parent pourrait suffire.

Pour toutes ces raisons, nous proposons de rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale, tout en supprimant la référence aux actes non usuels de l’autorité parentale. Concrètement, nous proposons d’accorder au juge la possibilité d’interdire à un parent de diffuser tout contenu relatif à son enfant, sans l’autorisation de l’autre parent en cas de désaccord sur l’exercice du droit à l’image de l’enfant. Cette interdiction concernerait à la fois les actes usuels et les actes non usuels de l’autorité parentale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Boyer, rapporteure. Mon cher collègue, même si je comprends votre intention, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, qui est satisfait.

Si elle va dans le sens que nous souhaitons, la rédaction que vous proposez n’ajoute rien au droit existant. En effet, elle n’est qu’un simple rappel de ce que peut déjà faire le juge aux affaires familiales.

L’apport que la commission a proposé est de soumettre à l’accord des deux parents toute diffusion d’informations relatives à la vie privée de l’enfant au public. En fait, nous proposons un véritable changement de paradigme, puisque les parents seront obligés de réfléchir avant de poster des images de leur enfant sur des réseaux sociaux ouverts au public, car ce n’est pas un acte qui va de soi.

Comme l’a souligné Dominique Vérien dans son intervention, il n’y a aucune urgence à diffuser publiquement des photos de son enfant. Je trouve que c’est une bonne formule. Par ailleurs, Else Joseph a parlé de sobriété numérique : là encore, il est très important pour la protection des plus fragiles d’adopter ce nouveau paradigme.

C’est pourquoi la commission des lois propose de mettre fin à cette sorte d’insouciance numérique dont font montre les parents en publiant des photos de leurs enfants. Tous nos collègues qui ont pris la parole dans la discussion générale ont dénoncé la diffusion d’un nombre incroyable d’images d’enfants, le fait qu’elles se retrouvent sur des sites pédopornographiques pour la moitié d’entre elles, qu’elles soient exploitées…

Il me semble important d’adopter cette sobriété et de mettre fin à cette insouciance. Comme le souligne Bruno Studer lui-même, l’apport de ce texte est pédagogique. Si l’on veut qu’il le soit de façon effective, il faut que les parents prennent conscience qu’ils ne peuvent plus agir comme ils le font aujourd’hui.

Certes, nous pouvons poursuivre la réflexion dans le cadre de la navette parlementaire, mais je répète que cet amendement est à mon sens totalement satisfait.