M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec ses aspects techniques et l’imaginaire futuriste auquel il renvoie, le tout-numérique fait l’objet de critiques parfois légitimes, en particulier les installations et la couverture réseau.
Alors que la presse grand public évoque désormais régulièrement les avancées de l’intelligence artificielle et les potentialités positives comme négatives qui s’ouvrent à nous, le haut débit se fait encore attendre pour une partie de nos concitoyens.
L’objectif de nous voir toutes et tous connectés se heurte à celui de la rentabilité et à la politique du chiffre, qui provoque de nombreux désagréments sur le terrain.
Malfaçons, raccordements ratés, débranchements intempestifs : les collectivités et les usagers font face à de lourdes difficultés lorsqu’il s’agit de désigner un responsable à ces manquements. Selon l’Avicca, qui regroupe les collectivités engagées dans le numérique, près de 75 % des raccordements réalisés en mode Stoc présentent des défauts. Le phénomène n’est pas nouveau et les appels à la vigilance des opérateurs sont récurrents, mais les contrats Stoc V1, V2 et V3 n’y ont rien changé.
La proposition de loi que nous examinons a le mérite, dans un contexte où les usagers, les installateurs ou les installations font l’objet d’un mauvais traitement, de mieux encadrer le déploiement par les opérateurs privés jusqu’alors guidés par la rentabilité, la quantité des foyers raccordés primant la qualité du réseau.
Je salue le travail de nos collègues Patrick Chaize et Patricia Demas, qui posent des limites à une forme de désordre que nous avons constatée dans nos départements. Ainsi, dans les zones rurales, dites zones peu denses, on a parfois dû déployer un réseau d’initiative publique, faute de manifestations d’intérêt de la part des opérateurs privés, par défaut de rentabilité, et consacrer en conséquence un budget important au déploiement du haut débit.
Dans mon département, le coût d’un tel programme s’est élevé à 500 millions d’euros. Même si nous avons bénéficié d’un soutien de la part de l’État, 74 millions d’euros restent à la charge de la collectivité départementale.
La forte hausse du nombre des alertes constatées par l’Arcep en 2022 est révélatrice des difficultés rencontrées par les utilisateurs. La médiatrice des communications électroniques évoquait « les naufragés de la fibre » dans un rapport de 2021, en soulignant les dysfonctionnements occasionnés par des installations bâclées.
Alors que le réseau cuivre, dit réseau historique d’Orange, devrait être démantelé d’ici à 2030, il est légitime d’exiger des opérateurs des garanties afin de permettre le basculement vers la fibre dans les meilleures conditions pour les usagers.
La sous-traitance, qui devait être dérogatoire pour le raccordement final de la fibre au domicile, est devenue la règle, nous l’avons constaté. Or c’est précisément cette sous-traitance en cascade qui provoque des désordres sur le terrain. Les cadences imposées nuisent non seulement aux installations, mais aussi parfois à la sécurité des installateurs, souvent mal formés.
Je pense aux sous-traitants des sous-traitants, à celles et à ceux qui subissent une forme d’ubérisation qui les pousse à réaliser toujours plus de raccordements, sans en avoir véritablement les moyens, et qui sont surtout mal rémunérés.
La mise en place d’un guichet unique pour assurer la prise en charge des difficultés sur le terrain, d’un certificat de conformité sur le modèle des raccordements au gaz et d’un contrat de sous-traitance élaboré par l’opérateur d’infrastructure et soumis à l’Arcep participe des améliorations nécessaires et susceptibles de corriger la situation existante.
Les droits des consommateurs sont par ailleurs renforcés – c’est important – et des sanctions sont prévues en cas d’interruption du service.
Cette proposition de loi pourrait aller plus loin en remettant en cause le modèle même du déploiement de la fibre. Je pense notamment à ce que nous avons su faire pour nos réseaux de télécommunications historiques ou pour celui du gaz et de l’électricité – permettez-moi d’y penser ! ERDF, GRDF ou France Télécom : ces noms résonnent comme des vestiges après tant d’années de déstructuration et de privatisation !
Les opérateurs publics sont pourtant des gages de réussite, de durabilité et d’efficacité pour un déploiement qui est avant tout un enjeu d’intérêt général, avant d’être une source de profit.
À l’heure où nous donnons au numérique une place de plus en plus importante dans nos vies, où la dématérialisation poursuit son chemin, y compris en matière de services publics, cette proposition de loi, grâce aux objectifs qu’elle affiche, participe de la réduction de la fracture numérique, alors que l’on sait que 13 millions de nos concitoyens sont en situation d’illectronisme.
Parce que ce texte permettra une amélioration concrète, visible et attendue sur le terrain, le groupe CRCE le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Stéphane Demilly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons a pour objectif de garantir la qualité des raccordements à la fibre optique réalisés jusqu’à l’abonné tout en évitant la dégradation des équipements des réseaux optiques.
En effet, de nombreux dysfonctionnements sont observés au quotidien par les administrés, qu’il s’agisse de coupures répétées ou de la fragilisation du réseau.
Ces problèmes sont a priori liés au recours à la sous-traitance dite Stoc, c’est-à-dire à la sous-traitance à l’opérateur commercial du raccordement des abonnés à la fibre.
L’Arcep reconnaît ce mode de sous-traitance depuis 2015, à condition que les raccordements soient effectués dans le respect « des règles de l’art ».
Mais force est de constater que de nombreux problèmes sont relevés depuis l’accélération du déploiement de la fibre sur notre territoire. C’est un sujet dont je discute souvent avec mes collègues du groupe Union Centriste, notamment avec Évelyne Perrot, que j’associe à mes propos.
Cette technologie doit pourtant répondre à un besoin grandissant de communication et de numérisation du quotidien des Français. Je pense particulièrement à l’accès aux démarches administratives, qui sont désormais quasiment toutes dématérialisées, que ce soit en matière d’état civil, de sécurité sociale, de scolarité, d’impôts ou encore d’accès au logement. C’est dire combien l’accès aux services publics est devenu un parcours du combattant pour de nombreuses personnes !
Je n’évoquerai pas la fracture numérique et les zones blanches, bien connues de notre assemblée et de nos élus locaux. Ce n’est pas le sujet aujourd’hui, mais cela reste malheureusement un réel problème pour nos concitoyens, comme l’a mentionné précédemment notre collègue Ronan Dantec.
Un accès stable à internet est désormais une nécessité et la fibre optique présente bien des avantages grâce à sa grande capacité de transport d’informations, à ses interférences réduites et à sa meilleure durée de vie. À ce jour, c’est la technologie qui permet d’atteindre les meilleurs débits internet.
La France avait très bien commencé son pari numérique, puisque 34 millions de foyers, d’entreprises et d’administrations ont été rendus raccordables à la fibre optique en 2022. Mais pour que la fibre soit une réalité pour tous, de très importants travaux ont été et sont encore nécessaires.
Les maires, toujours en première ligne lorsque les problèmes apparaissent, nous font part régulièrement des désagréments que rencontrent les utilisateurs. En effet, la fibre, quand on y a goûté, on ne peut plus s’en passer !
Chaque opérateur renvoie à d’autres la responsabilité des dysfonctionnements : tantôt c’est la faute de celui qui a déployé le réseau, de ses éventuels sous-traitants, tantôt c’est celle de celui qui commercialise le service, voire d’un tiers qui serait intervenu pour tout débrancher ! Bref, on ne sait plus vers qui se tourner…
Comme c’est souvent le cas, la mairie devient naturellement le bureau des pleurs, le réceptacle des reproches et l’endroit privilégié où des consommateurs excédés espèrent trouver une réponse à leurs difficultés.
Les différentes initiatives des opérateurs pour répondre aux attentes des élus et des administrés, qu’il s’agisse de la création du mode Stoc V2 en 2020 ou du plan qualité en 2022, n’ont pas permis de rétablir complètement la situation.
Après une longue période de patience, cette situation n’est plus supportable : de nouveaux engagements doivent être pris par les différentes parties, et ce d’autant plus que l’objectif du Gouvernement est de généraliser la fibre optique sur l’ensemble du territoire d’ici à 2025.
La sous-traitance, notamment, doit être mieux encadrée, afin d’éviter une dégradation des réseaux, des déconnexions impromptues ou encore une fragilisation et un vieillissement prématuré des réseaux.
Tel est l’objectif de cette proposition de loi, qui réaffirme que l’opérateur d’infrastructure est responsable des raccordements à son réseau et le garant global de la qualité des travaux.
Le texte prévoit que les contrats de sous-traitance devront être conformes à un modèle élaboré par l’opérateur d’infrastructure, soumis à l’avis préalable de l’Arcep et opposable par les usagers.
Chaque intervenant chargé d’effectuer un raccordement à la fibre remettra à l’abonné un certificat attestant de la conformité des travaux réalisés au cahier des charges.
Ces mesures viennent utilement clarifier le mode de sous-traitance choisi et contribuent à garantir la transparence nécessaire au bon déroulement des travaux de raccordement.
Le présent texte vise également à renforcer les pouvoirs de contrôle et de sanction de l’Arcep, ainsi que les droits des consommateurs en cas d’interruption prolongée du service d’accès à internet.
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a, suivant en cela les orientations de sa rapporteure – que je salue –, modifié la proposition de loi initiale et enrichi l’arsenal des solutions proposées.
À titre d’exemples, le texte prévoit l’élaboration à l’échelon national d’un socle d’exigences minimales de qualité pour la réalisation des raccordements à la fibre, la fixation d’un délai de résolution des dysfonctionnements n’excédant pas dix jours ou encore la traçabilité de la gestion des incidents.
La transparence sur le bon déroulement des travaux est renforcée, la réalisation systématique d’un compte rendu d’intervention étant prévue. L’utilisateur final sera en droit de le consulter, ainsi que le contrat de sous-traitance, ce qui lui permettra de vérifier lui-même la bonne réalisation du raccordement.
Ces mesures sont aujourd’hui nécessaires pour garantir la qualité du réseau et de son déploiement à l’échelon national, le quantitatif ne devant pas, bien sûr, se faire au détriment du qualitatif. Les attentes des élus locaux et des usagers sont fortes à cet égard, vous le savez, mes chers collègues.
Il reste à peine deux ans avant la date butoir fixée pour atteindre le très haut débit pour tous : des mesures concrètes, plus que nécessaires, doivent donc être prises. C’est la raison pour laquelle le groupe Union Centriste votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la fin de l’année 2022, les trois quarts du territoire étaient couverts par la fibre optique et 18 millions de Français avaient souscrit un abonnement.
Notre pays est le champion d’Europe de la fibre optique. Et pourtant, à la fin de 2022, l’Arcep avait reçu près de 45 000 alertes – ce nombre a augmenté de 17 % en un an –, imputables pour une large part à des problèmes liés à l’internet fixe et, notamment, aux raccordements. Entre 15 % et 20 % des abonnés seraient touchés par un dysfonctionnement.
Il suffit d’en parler autour de nous pour constater le ras-le-bol général : la fibre est devenue un sujet de crispation du quotidien.
Alors qu’internet est aujourd’hui un outil indispensable, y compris pour accéder aux services publics les plus essentiels, les coupures à répétition, les erreurs de raccordement et les malfaçons du réseau fibré sont particulièrement mal vécues. Elles sont aussi une source d’inquiétude, alors que le réseau cuivre est progressivement abandonné et qu’il n’existera bientôt plus aucune solution de remplacement à un réseau en fibre sûr et performant.
Aujourd’hui, la réussite est quantitative, quand la qualité est déceptive.
La proposition de loi de notre collègue Patrick Chaize, que nous sommes plusieurs à avoir cosignée au sein du groupe du RDSE, prévoit des solutions pour pallier les dysfonctionnements qui surviennent dans le raccordement final de l’usager.
Cette responsabilité a été sous-traitée par l’Arcep aux opérateurs commerciaux et aux fournisseurs d’accès à internet. Les contrats de sous-traitance dits Stoc sont une exception, une dérogation devenue la règle. Ils ont sans aucun doute permis le déploiement rapide de la fibre et son succès commercial, mais ils sont directement mis en cause pour leur implication dans les problèmes de raccordement, la qualification des intervenants étant souvent insuffisante et le manque de contrôle évident.
Les opérateurs ont pris des engagements en 2020, puis en 2022, sans effets visibles pour les usagers et les collectivités.
Sans remettre en cause l’équilibre actuel et la dynamique du déploiement de la fibre, le texte issu des travaux de la commission comporte des pistes d’amélioration auxquelles nous souscrivons.
Tout d’abord, la proposition de loi précise que, si le raccordement est confié en priorité à l’opérateur commercial, c’est à condition qu’il respecte strictement les règles de l’art. Tout en rappelant que l’opérateur d’infrastructure est responsable de son réseau, nous garantissons ainsi la stabilité des contrats de sous-traitance en cours.
Ensuite, tout en restant la norme, la sous-traitance aux opérateurs commerciaux serait interdite pour les raccordements longs et complexes dans les zones déjà fibrées, dans les communes où la fermeture du réseau cuivré est engagée et en cas de simple changement de fournisseur d’accès à internet par un abonné déjà raccordé.
Ces précisions devraient permettre de concentrer le mode Stoc sur le déploiement massif et rapide de la fibre, tout en garantissant un niveau de qualité optimal dans les zones les plus tendues et dans les cas les plus complexes.
Enfin, les exigences minimales envers les sous-traitants et les sanctions en cas d’interruption prolongée de l’accès à internet seraient relevées, tandis que les pouvoirs de police de l’Arcep seraient étendus.
Le travail effectué par notre rapporteure, dans des délais très contraints, a permis d’aboutir à ce que nous considérons comme une position d’équilibre.
Les opérateurs commerciaux, tout comme l’Arcep et le Gouvernement, sont opposés à ce texte, notamment à certains de ses aspects : ils considèrent que cette proposition de loi pourrait conduire à la déstabilisation d’un modèle qui a fait ses preuves.
Confier le raccordement final à l’opérateur d’infrastructure entraînerait en effet une réorganisation de la filière et, peut-être, un ralentissement du déploiement de la fibre. Mais 80 % des locaux sont aujourd’hui raccordables. L’objectif d’une couverture intégrale du territoire en fibre optique en 2025 est à portée de main. Alors que le réseau cuivre sera bientôt éteint, peut-être devrions-nous dès à présent nous concentrer sur la qualité du réseau fibré plutôt que sur sa vitesse de déploiement, quitte à ralentir un peu la cadence.
L’organisation actuelle a donné lieu à des situations ubuesques : on observe des habitations et des équipements dégradés, des clients débranchés sans raison, des câbles installés de façon anarchique.
Dans le cadre d’une analyse de terrain effectuée l’an dernier, l’Arcep a constaté que, dans 840 points de mutualisation, seule la moitié des câblages respectaient les règles de l’art. En outre, les opérateurs d’infrastructure et les opérateurs commerciaux se renvoyant la balle, il est difficile pour les utilisateurs et les élus locaux d’identifier un responsable.
Ce texte a le mérite d’apporter des solutions : il renverse la hiérarchie de la filière pour faire du plan France Très Haut Débit une réelle réussite. Attentif aux difficultés et aux inquiétudes des usagers et des élus, le groupe du RDSE s’associera à cette démarche.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Didier Mandelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique de notre éminent collègue Patrick Chaize, dont je tiens évidemment à saluer l’excellent travail et la constance de l’engagement sur les sujets liés au numérique.
La qualité des raccordements et la pérennité des réseaux de fibre optique sont essentielles pour le développement du numérique sur le territoire national.
L’auteur de ce texte présente, comme à son habitude, une étude sérieuse et propose une vision globale sur cette question d’avenir qui concerne tous les citoyens, dans tous les territoires.
Actuellement, plus de 15 000 Français sont raccordés à la fibre chaque jour, soit près d’un million de souscriptions à la fibre tous les trimestres. Nous pouvons collectivement saluer les efforts de tous les acteurs de la filière qui contribuent à ce déploiement soutenu. Mais à un tel rythme, des défaillances peuvent survenir.
Aussi cette proposition de loi prévoit-elle d’apporter des réponses aux dysfonctionnements qui surviennent lors du raccordement à la fibre de l’utilisateur final, lesquels sont liés à un recours parfois mal maîtrisé à la sous-traitance dans le cadre du mode de sous-traitance aux opérateurs commerciaux, dit mode Stoc.
Le déploiement de la fibre optique en France est un enjeu majeur pour l’aménagement du territoire, le développement économique et social du pays, ainsi que pour la compétitivité de nos entreprises. C’est également un enjeu de développement durable, puisque la fibre optique est une technologie plus économe en énergie que les technologies existantes et qu’elle favorise la réduction de la consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre.
Je tiens également à souligner avec insistance et force le travail de grande qualité de notre rapporteure Patricia Demas, qui a présenté et fait adopter dix-neuf amendements au nom de notre commission, afin de compléter et de préciser le dispositif de ce texte.
Réparties en trois axes, ces dispositions ont pour objectif de clarifier le cadre de mise en œuvre du mode Stoc et la chaîne des responsabilités, de renforcer les exigences en matière de qualité et de contrôle applicables aux raccordements et, enfin, d’assurer le caractère opérant des dispositifs.
D’un point de vue européen, le déploiement de la fibre optique en France se fait à un très bon rythme, puisque la part de la fibre a doublé en deux ans, passant d’environ 24 % en 2019 à 46 % en 2021. Aujourd’hui, les opérateurs, cela a été dit, ont fibré plus de 70 % du territoire. Notre taux de couverture est ainsi l’un des plus élevés d’Europe, nettement supérieur désormais à celui de la moyenne des pays de l’OCDE. Le travail des différents opérateurs est de nouveau à saluer.
Mais, à l’échelon national, nous constatons de nombreuses disparités dans les raccordements, lesquels font craindre une fracture numérique. C’est parfois le cas entre la ville et la campagne, mais pas toujours, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer. Ainsi, en Vendée, par exemple, ce sont dans deux villes, situées en zone d’appel à manifestation d’intention d’investissement, La Roche-sur-Yon et Les Sables-d’Olonne, que l’opérateur a pris du retard dans le déploiement de la fibre. Il invoque d’ailleurs des prétextes sur lesquels je ne souhaite pas revenir ici, un certain nombre de procédures étant en cours.
Je tiens ici à soutenir le travail des maires et des élus locaux du département de la Vendée, ainsi que celui de l’Arcep, qui ont porté la voix des usagers auprès des opérateurs, afin qu’ils respectent leurs obligations et que leurs investissements soient à la hauteur.
Il convient en effet de n’oublier personne dans le cadre de ce déploiement : ni les territoires urbains, ni les territoires ruraux, ni les particuliers, ni les entreprises, ni les collectivités, en un mot aucun de nos concitoyens, quelles que soient leurs activités. De cette couverture globale et qualitative dépendra la réussite finale du plan France Très Haut Débit.
Dès lors, la présente proposition de loi, examinée et amendée par notre Haute Assemblée, sous la férule de notre rapporteure Patricia Demas, permet de fixer un cadre de mise en œuvre du mode Stoc, de clarifier la répartition des responsabilités, de renforcer les contrôles de la qualité des raccordements et de protéger les droits des usagers en cas d’interruption des services internet.
Dans le détail, il s’agit notamment de rappeler la responsabilité de l’opérateur d’infrastructure dans le choix du mode de réalisation des raccordements et son rôle de garant de la qualité des travaux et d’instaurer un guichet unique assurant la prise en charge des difficultés de raccordement.
Il s’agit également d’interdire le mode Stoc dans les zones fibrées et dans les communes dans lesquelles la fermeture du réseau cuivre est engagée.
Il s’agit aussi d’accroître les pouvoirs de contrôle et de sanction de l’Arcep sur tous les opérateurs intervenant sur le réseau.
Il s’agit enfin de renforcer les droits des consommateurs face aux effets des coupures prolongées d’accès à internet et aux débranchements sauvages, tout en protégeant les opérateurs commerciaux contre d’éventuels abus des consommateurs.
Le temps est désormais aux actes concrets pour garantir la qualité des raccordements à la fibre.
Pour toutes ces raisons, et pour couper court à tout suspense (Sourires.), le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC et au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Martine Filleul. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous partageons tous le même constat : la France est à la pointe en matière de déploiement de la fibre d’un point de vue quantitatif mais, dans le détail, le raccordement des abonnés pose problème.
Bon nombre de Français, naufragés du numérique, connaissent ainsi des galères. Chaque semaine, lorsque je rencontre les élus de mon département, la question du raccordement à la fibre est très régulièrement abordée, comme celle du zéro artificialisation nette (ZAN) ou des finances. Comme toujours, ceux qui sont en première ligne face aux difficultés des administrés – les maires – se sont largement mobilisés, en particulier en interpellant directement l’Arcep.
C’est pourquoi la proposition de loi de notre collègue Patrick Chaize va dans la bonne direction.
Je pense en particulier à l’article 5 relatif au renforcement des droits des consommateurs en cas d’interruption d’un service d’accès à internet, qui permettra de mieux protéger les Français, notamment les plus vulnérables, trop souvent démunis face aux clauses des contrats de leur opérateur. Je pense également à l’article 4, qui prévoit de renforcer le rôle de l’Arcep en tant que police spéciale des opérateurs et qui contribuera à accroître à terme la qualité de notre réseau.
Outre ces deux articles, l’ensemble du dispositif permettra d’améliorer l’effectivité de l’accès à internet et, en conséquence, celle de l’accès aux savoirs et aux droits.
En effet, même s’il s’agit d’un lieu commun, il convient de rappeler que le numérique, et internet en particulier, s’est introduit au cœur de la vie des Français depuis une vingtaine d’années. Il permet non seulement le télétravail, la consommation de biens et de services sur des sites marchands, mais également le maintien du lien avec nos proches, le développement et le partage de nos passions, l’accès à l’information, l’apprentissage ou encore l’accès aux droits sur les plateformes de l’administration publique.
Le numérique permet l’émancipation des individus, mais cet effet émancipateur est à double tranchant : plus la digitalisation de la société avance, plus ceux qui restent sur le bord de la route du numérique se retrouvent progressivement en situation d’exclusion.
Ainsi, notre vigilance doit être toute particulière s’agissant de la fracture numérique, aussi bien celle du premier degré, qui concerne l’accès matériel, physique au numérique, que celle du second degré, qui concerne les usages, ceux des 16 millions de personnes en situation d’illectronisme, un nombre qui ne cesse d’augmenter.
L’éloignement du numérique concerne davantage nos concitoyens les plus précaires, les moins diplômés, ceux pour qui l’accès à l’information et le recours à leurs droits sont un impératif, notamment à l’heure de l’administration 100 % dématérialisée.
Le ministre Jean-Noël Barrot a récemment réitéré les engagements du Gouvernement, notamment la garantie d’un raccordement de tous à la fibre d’ici à 2025. Mais encore faut-il que ce raccordement soit opérationnel !
Si la bataille pour l’inclusion numérique s’annonce encore bien longue, cette proposition de loi constitue une avancée bienvenue pour l’émancipation par le numérique. C’est pourquoi, sans aucun suspense, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain la soutiendra et la votera. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préambule, permettez-moi de vous indiquer, pour ne pas entretenir inutilement le suspense, que je voterai moi aussi cette proposition de loi de Patrick Chaize.
La France a très tôt fait le choix de miser sur le réseau de fibre optique pour en faire demain la norme en matière d’accès aux services à très haut débit, que ce soit pour les particuliers ou les entreprises.
Alors que la fin du réseau téléphonique est engagée dans nos territoires, nous nous trouvons aujourd’hui à un moment charnière pour la mise en œuvre de cette vision stratégique, dans le cadre du plan France Très Haut Débit, prévue initialement pour 2022, puis pour 2025, et même jusqu’à 2030 dans certaines régions.
Le niveau d’exigence et de qualité lors des interventions sur ce réseau doit être à la hauteur de l’enjeu que constitue le très haut débit et doit permettre d’assurer sa pérennité à long terme.
Or nous le constatons aujourd’hui en tant qu’élus locaux, mais également en tant que consommateurs : la dégradation de la situation est telle qu’elle nécessite, outre une prise de conscience, un engagement fort, dût-il passer par la loi.
Pour permettre un rythme rapide de déploiement, lequel constitue un véritable succès qu’il nous faut encourager, le choix tout à fait singulier qu’a fait la France du mode Stoc a pu sembler judicieux : ce sont les opérateurs commerciaux qui raccordent les clients au réseau de fibre optique construit par d’autres, les opérateurs d’infrastructure. Or ce mode est également susceptible de favoriser les manquements, voire de provoquer la dégradation du réseau dans des proportions non négligeables, comme on l’observe depuis 2018.
Les exemples se multiplient : dégradations, vandalisme, déconnexions physiques d’abonnés, raccordements expéditifs relevant de la malfaçon et engendrant, au passage, des nœuds de fibres pouvant provoquer des coupures, fragilisation et vieillissement prématuré des réseaux. J’en passe et des meilleures…
Cette situation, qui perdure malgré la signature en 2021 du contrat Stoc V 2, lequel est destiné à mieux encadrer les pratiques et à régler les nombreux dysfonctionnements, est aujourd’hui inacceptable.
Force est d’ailleurs de constater que les signalements liés à l’internet fixe, et plus particulièrement aux problèmes de raccordement à la fibre, sur la plateforme du régulateur « J’alerte l’Arcep » se multiplient. Ils ont tout simplement doublé en un an et figurent en tête des signalements : ils représentent 37 % du total.
Le choix de ce mode de gestion, que nous n’allons pas remettre en cause aujourd’hui, ne saurait cependant en aucune manière justifier une quelconque dégradation de la qualité du réseau.
Alors que, à terme, la fibre optique jusqu’à l’abonné sera l’unique moyen d’accès aux services numériques en très haut débit, l’exigence de qualité, que ce soit en termes de raccordement ou d’exploitation, appelle un véritable effort de long terme pour que soit assurée une maintenance des infrastructures.
À cet égard, nous sommes aujourd’hui le relais de l’exaspération de nos territoires, qui multiplient les motions contre le plan d’extinction du cuivre prévu tant que les difficultés de raccordement à la fibre ne seront pas résorbées et qui plaident pour un entretien sérieux des infrastructures en place, lesquelles se dégradent dangereusement. Dans la Sarthe, département dont je suis élu, ces motions datent de la semaine dernière !
Aussi, et sans renier les efforts d’ores et déjà fournis par l’Arcep en synergie avec les opérateurs à travers son plan qualité, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui contribue à mettre en place des dispositions légales plus fines, afin de réguler la cacophonie actuelle.
Je salue le travail de son auteur Patrick Chaize, ainsi que celui de la rapporteure qui, loin de déstabiliser le système, a véritablement tenu à ciseler le texte pour apporter des solutions pragmatiques et garantir des raccordements de qualité.
Tout d’abord, face à la sous-traitance en cascade et sur le fondement d’un socle d’exigences minimales, notre rapporteure lutte contre la dilution des responsabilités en renforçant le principe du guichet unique à la charge du responsable du réseau, ce qui permettra d’assurer un service après-vente rapide.
Elle instaure des obligations pour l’intervenant, qui devra fournir un compte rendu d’intervention, ainsi qu’un certificat de conformité au cahier des charges qui lui est imposé.
Elle fait par ailleurs en sorte que l’Arcep puisse jouer efficacement son rôle.
Enfin, elle sécurise les droits du consommateur final, qui ne doit pas pâtir de la situation actuelle et rester démuni lorsqu’il est privé de services, alors même qu’il paie un abonnement.
Le texte que nous examinons aujourd’hui, en apportant des précisions bienvenues et en préservant l’ensemble des acteurs concernés, tend à garantir un environnement propice, qui permettra d’atteindre cet objectif de qualité et de pérennité.
Vous l’aurez compris, je joindrai ma voix à celle de ceux qui approuvent cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)