compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Marie Mercier,
M. Jean-Claude Tissot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
J’appelle chacun de vous, mes chers collègues, au respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
réforme des retraites (i)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. Guillaume Gontard. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.
Le prince-président (Exclamations sur les travées du groupe RDPI.) nous a gratifiés à l’heure méridienne de sa bonne parole.
Totalement hors-sol, il a annoncé continuer à avancer à marche forcée.
Totalement hors-sol, il a osé comparer l’un des plus grands mouvements populaires de notre histoire à la sédition factieuse des suprémacistes blancs envahissant le Capitole.
Totalement hors-sol, il a insulté les manifestantes et les manifestants, sans avoir un mot pour condamner les exactions de la police (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), qui, sous vos ordres, tabasse, nasse, jette des grenades en pleine tête, roule à moto sur les gens, intimide et arrête n’importe qui, n’importe quand, sous le regard alarmé du Défenseur des droits. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Totalement hors-sol et plus à une incohérence près, il a tout de même reconnu que cette réforme était brutale et, surtout, qu’elle ne s’intéressait ni à la réalité du travail, ni à la pénibilité, ni aux fins de carrière, ni aux reconversions.
Madame la Première ministre, avec gravité, avec inquiétude, nous vous le demandons solennellement : revenez à la réalité et retirez cette réforme avant d’avoir un drame sur la conscience. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur Guillaume Gontard, après des semaines où l’on a pu voir beaucoup de postures, il est temps de rappeler quelques vérités. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)
Oui, cette réforme est nécessaire pour assurer l’avenir de nos retraites. (Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
M. Hussein Bourgi. N’importe quoi !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Sans elle, les déficits s’accumuleraient et nous serions contraints à des hausses d’impôts ou à des baisses de pensions, au détriment des plus modestes et des classes moyennes.
Oui, cette réforme a fait l’objet de concertations intenses. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.) Depuis l’automne dernier, le ministre du travail Olivier Dussopt et moi-même avons rencontré les organisations syndicales et patronales et les groupes parlementaires à de nombreuses reprises. Le projet a d’ailleurs considérablement évolué grâce à ces concertations.
M. Hussein Bourgi. Grâce à M. Retailleau !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Oui, cette réforme est le fruit d’un débat parlementaire long et dense : il a donné lieu à plus de 175 heures de débats en séance et un accord a été trouvé en commission mixte paritaire.
Oui, le compromis fonctionne. Nous avons travaillé ensemble, bâti un projet qui reprend des propositions que la majorité sénatoriale prônait parfois depuis longtemps, mais aussi des idées qui n’étaient pas les vôtres, issues de l’Assemblée nationale. Ce projet, vous l’avez adopté par deux fois à une large majorité. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
M. David Assouline. C’est la méthode Coué !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. À cet égard, je tiens à saluer les membres de la majorité sénatoriale et ceux qui soutiennent l’action du Président de la République pour leur engagement au service de notre modèle social. (Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
Enfin, oui, nous avons respecté l’esprit et la lettre de la Constitution et nous sommes arrivés au terme du cheminement parlementaire de cette réforme.
En revanche, non, on ne peut pas brader l’intérêt général…
Mme Cécile Cukierman. C’est pourtant ce que vous faites !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. … par démagogie ou par peur de l’impopularité.
Non, les violences ne sont pas excusables et je veux rendre hommage à nos policiers et à nos gendarmes pour leur engagement au service de l’ordre républicain. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)
Monsieur Gontard, comme l’a dit le Président de la République tout à l’heure, nous entendons les doutes et les colères qui s’expriment dans les mouvements sociaux… (Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
Mme Cécile Cukierman et M. Fabien Gay. Non, vous n’entendez pas !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. … et qui dépassent largement la question des retraites. Je pense à cette demande de justice : nous devons veiller à ce que les travailleurs bénéficient davantage des profits exceptionnels de certaines entreprises. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Cécile Cukierman. En taxant les superprofits ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je pense aux attentes de nos concitoyens dans leur rapport au travail, à notre capacité à prévenir l’usure professionnelle et à offrir des perspectives de carrière à chacun.
Mme Éliane Assassi. En les faisant travailler deux ans de plus ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Nous devons continuer sur le chemin de la réindustrialisation et du plein emploi, car ils permettront d’assurer notre souveraineté et l’avenir de notre modèle social.
Nous devons veiller à l’ordre républicain en prévoyant des moyens supplémentaires pour nos forces de l’ordre et notre justice. Nous devons permettre à nos compatriotes de vivre mieux en prenant des décisions aux effets sensibles et rapides, en travaillant avec nos collectivités sur la santé, sur l’éducation et sur la transition écologique. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
Ce cap fixé, le Président de la République m’a chargée d’engager un travail avec tous les parlementaires qui veulent agir pour notre pays. Nous en sommes capables, nous l’avons montré encore récemment en bâtissant des majorités de projet, comme sur la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables ou encore hier, à l’Assemblée nationale, sur le nucléaire.
Monsieur Gontard, dans des périodes d’inquiétude, l’immobilisme n’est jamais la solution. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.
M. Guillaume Gontard. Madame la Première ministre, sortez de votre posture, de votre déni, et revenez à la réalité !
Je vous pensais plus lucide que le Président de la République. Même les ressorts autoritaires de nos Constitutions d’un autre temps sont brisés. Vous ne pouvez pas gouverner en technocrate de palais contre le peuple.
Nous sommes entrés cette semaine dans un de ces moments récurrents de notre histoire où le fleuve de la colère populaire est sorti de son lit. Seul le pouvoir exécutif peut en tarir la source et rétablir le calme.
Retirez votre réforme et remettez tout à plat – le travail, la retraite –, comme l’a lui-même annoncé le Président de la République tout à l’heure. Tant que vous y êtes, lancez aussi la refonte de nos institutions anachroniques pour que les mots du Président de la République – « J’ai le sens de la démocratie. » – ne soient pas un énième mensonge, une énième provocation. Vous n’avez de toute façon plus de majorité pour faire autre chose. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
contribution sur les profits des entreprises
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Colette Mélot. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Dans un contexte de forte inflation, nos entrepreneurs sont préoccupés. Ils ont suivi avec beaucoup d’attention les incidents des secteurs bancaires étrangers, ainsi que les réponses apportées par les régulateurs.
Indispensable pour contenir l’envolée des prix, qui ronge le pouvoir d’achat de nos concitoyens, la hausse des taux directeurs entraîne dans le même temps un renchérissement du crédit. Alors que l’investissement est toujours nécessaire à une économie en croissance, il l’est encore davantage lorsque l’on a pour ambition de réindustrialiser le pays.
Le Président de la République a rappelé à plusieurs reprises combien il était essentiel à notre souveraineté que nous puissions de nouveau produire en France.
Nous partageons ce constat et nous avons soutenu les mesures prises par le Gouvernement afin de favoriser le retour de l’industrie sur notre sol, notamment la baisse des impôts de production.
Aujourd’hui, le chef de l’État a annoncé la mise en place prochaine d’une contribution des entreprises en faveur des salariés.
Monsieur le ministre, dans un contexte où nos entreprises ont autant besoin d’être rassurées que nos concitoyens, pourriez-vous nous donner des éclaircissements sur ce nouveau dispositif ? S’agit-il d’une nouvelle taxe ? Comment la compétitivité et la capacité d’investissement de nos entreprises seront-elles préservées ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Madame la sénatrice Colette Mélot, nous partageons totalement votre objectif (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE.) de trouver le bon équilibre entre la compétitivité des entreprises, notamment de notre industrie, et la nécessité de mieux partager la valeur pour les salariés, pour que tous ceux qui travaillent en aient tout simplement pour leur engagement.
C’est ce que nous avons fait depuis six ans. Nous avons simplifié l’intéressement et les accords de participation. Nous avons supprimé la taxe à 20 % qui pesait sur les accords d’intéressement et de participation. Nous avons mis en place, en accord avec le Président de la République, la prime défiscalisée jusqu’à 6 000 euros pour redistribuer de la valeur aux salariés.
Nous avons également demandé à toutes les entreprises qui bénéficient de rentes – je pense aux entreprises énergéticiennes – de redistribuer cette rente par le biais de la contribution sur la rente inframarginale, qui rapporte plusieurs milliards d’euros et qui finance le bouclier énergétique que nous avons mis en place avec la Première ministre.
La proposition du Président de la République est la troisième étape de cette meilleure répartition de la valeur entre le salarié et l’entreprise. Nous voulons que les entreprises qui font du rachat d’actions contribuent davantage à une meilleure rémunération des salariés, car elles ont les moyens de le faire. Nous voulons les obliger à distribuer plus d’intéressement, plus de participation, plus de primes défiscalisées, lorsqu’elles font du rachat d’actions. Nous voulons que ce soit substantiel. Nous pourrions par exemple envisager un doublement des sommes versées au titre de la participation et de l’intéressement ou des primes défiscalisées pour toutes les grandes entreprises qui font du rachat d’actions.
De quelles entreprises parlons-nous ? Nous parlons des grandes entreprises, celles qui comptent plus de 5 000 salariés et celles qui font du rachat d’actions.
Quelle est la méthode que la Première ministre et le Gouvernement privilégient ? Nous ferons une proposition aux partenaires sociaux pour qu’ils négocient une meilleure participation, un meilleur intéressement, une distribution plus large d’actions avec les grandes entreprises qui ont recours au rachat d’actions. Telle est la proposition que, avec la Première ministre et le Président de République, nous faisons pour un meilleur partage de la valeur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour la réplique.
Mme Colette Mélot. Monsieur le ministre, je vous remercie de nous avoir rappelé les mesures qui avaient déjà été prises et les nouvelles mesures dont nous attendons, bien sûr, de nombreuses retombées – une nouvelle répartition, une contribution des grandes entreprises –, afin que l’intéressement et la participation puissent améliorer les conditions de vie de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
guichet unique pour les entreprises
M. le président. La parole est à M. Serge Babary, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Serge Babary. Le 18 janvier dernier, j’ai interrogé le ministre de l’économie et des finances sur les difficultés de fonctionnement du guichet unique des entreprises mis en place le 1er janvier. Sa réponse s’était alors voulue rassurante : le dispositif serait corrigé « dans les toutes prochaines semaines », une échéance ayant été fixée au « début du mois de mars, pas plus tard » !
Depuis, cette échéance est sans cesse repoussée.
Sur votre suggestion, madame la ministre, la délégation sénatoriale aux entreprises s’est déplacée à l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi) le 8 février dernier et a pu constater l’ampleur et la complexité de la tâche.
En dépit de solutions temporaires telles que la réouverture d’Infogreffe, ce service de simplification continue de dysfonctionner jusqu’à compromettre en particulier l’avenir de la filière artisanale.
Première difficulté, le registre national des entreprises n’est pas fiable et ne comporte aucune mention d’appartenance au secteur des métiers et de la qualité artisanale.
Les chambres de métiers et de l’artisanat (CMA) sont dans l’incapacité de fournir des extraits d’inscription issus du registre national, la synthèse obtenue après validation n’étant pas reconnue par les partenaires, banques et assureurs.
Seconde difficulté, la complexité du système de catégorisation est telle que les entreprises artisanales ne sont tout bonnement plus identifiées !
L’alerte est donnée, les chambres des métiers et de l’artisanat ne peuvent plus exercer leurs missions de contrôle. Elles sont contraintes de maintenir leurs logiciels métiers en doublon du guichet unique, ce qui représente un coût important.
Le réseau des CMA a formulé des propositions. Madame la ministre, quelles suites allez-vous y donner ? Quelles mesures allez-vous prendre pour fiabiliser le registre issu du guichet unique et permettre une meilleure identification de l’activité et de la qualification artisanales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Monsieur Serge Babary, vous le savez, depuis le 1er janvier dernier, nous travaillons constamment à rendre le guichet unique totalement opérationnel pour les formalités d’entreprise. Comme vous l’indiquez, nous en avons parlé ensemble et je vous remercie d’ailleurs, en tant que président de la délégation sénatoriale aux entreprises, d’avoir pris le temps de rencontrer les équipes de l’Inpi pour mesurer leur engagement.
Le déploiement se poursuit. À ce jour, nous dénombrons plus de 470 000 formalités, créations et modifications. Vous le savez, monsieur Babary, il n’y a pas aujourd’hui de problèmes concernant les créations. En revanche, des difficultés subsistent concernant les formalités de modification et de cessation d’activité.
Hier, nous avons franchi une nouvelle étape, les formalités de cessation ayant été basculées sur le guichet unique, ce qui nous rapproche de l’objectif de parvenir à un outil unique d’ici à la fin du mois de juin prochain et nous en donne la garantie.
Pour autant, il existe des marges d’amélioration, vous les avez mentionnées, monsieur Babary, notamment en ce qui concerne le traitement des déclarations des entreprises artisanales. Je pense au problème des multi-validations qui se pose quand un artisan doit obtenir la validation de ses données non seulement par la CMA, mais aussi par le greffier du tribunal de commerce. Mes services se sont saisis du sujet, ils accélèrent leurs travaux pour améliorer et faciliter le partage d’informations.
La qualité et la précision du registre national des entreprises sont aussi un enjeu. Ce registre, que vous connaissez, a été conçu pour regrouper les données de toutes les entreprises. Il est légitime que les entreprises du secteur des métiers et de l’artisanat soient clairement identifiées en tant que telles au sein du registre. Des insuffisances demeurent encore pour l’instant. Là aussi, nous accélérons et nous travaillons pour les corriger le plus rapidement possible.
Enfin, comme vous l’avez mentionné, monsieur le sénateur, la catégorisation, dont je rappelle qu’elle a été bâtie et définie avec tous les partenaires du projet, y compris, soyons clairs, CMA France, est l’un des enjeux les plus importants et les plus complexes pour le fonctionnement du guichet unique. L’engagement du ministère de l’économie est total.
Pour vous être rendu à l’Inpi le 8 février, vous le savez, monsieur Babary, ce projet, comme tout projet informatique d’ampleur, est complexe, mais nous serons au rendez-vous fin juin. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. Hussein Bourgi. Comme nous !
M. le président. La parole est à M. Serge Babary, pour la réplique.
M. Serge Babary. La difficulté principale, c’est que ce nouveau dispositif devait être opérationnel au 1er janvier dernier. Par conséquent, depuis trois mois, les entreprises rencontrent de grandes difficultés, non plus à s’inscrire, comme vous l’avez souligné, madame la ministre, mais à procéder à quelque modification que ce soit. Les artisans sont confrontés aux mêmes problèmes : dans la mesure où ils ne peuvent être pris en considération, leurs relations avec les banques, les assureurs et autres intervenants s’en trouvent compromises.
M. le président. Il faut conclure !
M. Serge Babary. Il faut donc faire au plus vite. Comme je l’ai déjà indiqué à M. le ministre de l’économie, simplifier est difficile et la numérisation ne règle pas tout. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
rapport du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (I)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-François Longeot. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Il y a deux jours, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) publiait la synthèse de son sixième rapport. Ce document, très attendu, résonne comme un coup de semonce. L’humanité est au pied du mur. Face au réchauffement climatique, c’est agir ou périr.
Monsieur le ministre, le gouvernement auquel vous appartenez et l’Union européenne en ont bien conscience, ce dont témoignent les efforts d’accélération de la transition environnementale.
Pourtant, aujourd’hui même paraît une étude sur l’impact que risque d’avoir cette transition sur l’emploi dans notre pays. Selon cette étude, qui émane du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii), un service qui dépend de Matignon et dont la qualité des travaux n’est plus à démontrer, la transition écologique pourrait avoir le même effet que la désindustrialisation ayant eu lieu depuis 1997.
À l’heure où Bercy achève la coconstruction de son projet de loi pour une industrie verte, le problème est crucial. Les auteurs de l’étude soulignent que, « selon la Commission européenne, entre 35 % et 40 % des emplois pourraient être touchés par la transition écologique ». La question clé est de savoir s’il pourra y avoir une réallocation de main-d’œuvre fluide entre les secteurs gagnants, c’est-à-dire les secteurs décarbonés, et les secteurs polluants.
Dans la situation actuelle, rien n’est moins sûr, car, jusqu’à présent, les plans sociaux ne se sont jamais faits sans casse humaine, au moins pour les travailleurs les moins qualifiés, qui ont toujours peiné à retrouver un emploi et encore plus à ne pas subir une importante baisse de salaire.
Monsieur le ministre, ma question est simple : comment anticipez-vous le problème de la mutation nécessaire de l’emploi dans le cadre de la transition vers une industrie verte ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Hélas, trois fois hélas, notre pays n’a pas eu besoin de transition climatique pour connaître des délocalisations industrielles de masse, comme c’est le cas depuis trois décennies.
La faute française, elle est là : 2 millions d’emplois industriels détruits depuis les années 1980, des usines qui ferment absolument partout, une part de la production industrielle dans la richesse nationale qui passe de 20 % à juste un peu plus de 10 %. (M. Philippe Bas s’exclame.) Ces délocalisations sont le résultat de trois décennies de politique anti-industrielle.
Sous l’égide du Président de la République, depuis 2017, les gouvernements successifs ont pris les mesures nécessaires pour obtenir des résultats. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Catastrophe !
M. Bruno Le Maire, ministre. Les premières décisions que nous avons prises ont été de baisser l’impôt sur les sociétés, de diminuer les impôts de production, de mettre en place un prélèvement forfaitaire unique. Parce qu’il n’y a pas d’industrie sans capital, baisser la fiscalité sur le capital, c’est accroître l’industrialisation du pays. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
Voilà des vérités que personne ne voulait voir en face. Résultat : nous ouvrons aujourd’hui plus d’usines que nous n’en fermons.
M. Bruno Le Maire, ministre. Mieux, nous avons recréé pour la première fois depuis trois décennies 88 000 emplois industriels depuis deux ans en France.
Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est un mensonge !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je vais vous dire ma conviction : la transition climatique est une chance pour notre industrie. Le ministre chargé de l’industrie et moi-même allons proposer un projet de loi pour une industrie verte, qui favorisera la commande publique pour les produits industriels verts français et européens.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Allez le dire dans le Pas-de-Calais !
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous allons mettre en place des crédits d’impôt et des mesures fiscales plus fortes pour tous ceux qui travaillent dans les secteurs de l’hydrogène vert, des batteries électriques, des panneaux solaires, des véhicules électriques, pour favoriser la création d’emplois verts et industriels dans notre pays. Nous allons faire en sorte d’accélérer l’ouverture des usines et l’extension des usines vertes existantes pour accroître les relocalisations industrielles et les créations d’emplois.
M. Fabien Gay. Quand ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous devons conjuguer croissance et climat. Telle a toujours été la ligne de force du Gouvernement, de la Première ministre et du Président de la République. Les résultats sont là, nous allons accélérer. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
réforme des retraites (ii)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le ministre, un peuple refuse de se soumettre, il est vent debout contre une réforme dont il ne veut pas : le recul à 64 ans de l’âge de départ à la retraite.
Face au mouvement social massif, qui porte l’exigence de retrait, face à une Assemblée nationale qui n’a voté la réforme ni en première lecture ni en commission mixte paritaire, vous vous enfermez, avec le Président de la République, dans un repli autoritaire, lourd de danger pour la démocratie.
Vous avez affirmé vouloir aller au bout du cheminement démocratique. Quelle provocation ! C’est bien un chemin de croix auquel nous assistons, rythmé par les articles de la Constitution désormais connus de tous : 47-1, 44.3 et 49.3.
Monsieur le ministre, comment parler de cheminement démocratique, alors que, depuis jeudi, le droit de manifester est mis en cause ?
Le groupe CRCE demande que soit mis à l’étude le comportement des forces de sécurité depuis jeudi soir. Il ne s’agit pas de cautionner des dégradations, mais nous assistons à des violences policières et à des réquisitions inacceptables. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le maintien de l’ordre relève de votre responsabilité. Pour autant, l’ordre, ce n’est pas le matraquage et le gazage à tout va ! C’est savoir entendre la foule, l’opinion, le peuple qui dit non !
La colère est là, elle monte. La morgue et le mépris du chef de l’État ne passeront pas cette fois et la répression policière ne peut être la voie pour résoudre cette crise politique, sociale, très profonde.
Le chef de l’État, droit dans ses bottes, ne veut ni dissolution, ni référendum, ni remaniement. Qu’il retire alors ce projet si injuste.
M. François Patriat. Il a été adopté tout de même !
Mme Michelle Gréaume. Si, par malheur, M. Macron ne veut pas assumer cet échec, s’il s’y refuse, nous le contraindrons par la demande de référendum d’initiative partagée que nous avons lancée !
M. Macron, lors de son interview insipide et inutile, a affirmé choisir l’intérêt général. En réalité, entre le peuple et l’intérêt des riches, il choisit l’intérêt des riches.
Demain sera une formidable journée, où un peuple uni, une foule immense, légitime, se lèvera pour défendre sa condition, pour défendre ses droits.
M. le président. Votre question !
Mme Michelle Gréaume. Madame la Première ministre, il est encore temps : retirez votre projet ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.