PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
vice-président
Mme le président. La séance est reprise.
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Mises au point au sujet de votes
Mme le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Lors du scrutin public n° 233 sur l’article 7 du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, les sénateurs Daniel Chasseing, Jean-Pierre Decool et Dany Wattebled souhaitaient s’abstenir.
Mme le président. La parole est à M. Olivier Rietmann.
M. Olivier Rietmann. Lors du scrutin public n° 233 sur l’article 7 du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, ma collègue Sylviane Noël souhaitait voter contre et mon collègue Didier Mandelli souhaitait s’abstenir.
Mme le président. Acte est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin concerné.
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Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 8, à la présentation de l’avis de la commission sur les sous-amendements à l’amendement n° 2127 rectifié.
Article 8 (suite)
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. L’amendement n° 2127 rectifié est particulièrement important, puisqu’il vise à prendre en compte les mères de famille.
Après l’intervention de M. le ministre ce matin et la présentation que j’en ai moi-même fait, qui mettait l’accent sur les principes qui ont animé la commission des affaires sociales pour prendre en compte de la façon la plus précise possible les difficultés rencontrées par les mères de famille ayant une carrière hachée, je rappellerai quelques éléments.
Il suffit d’une majoration de trimestres liée soit à l’éducation des enfants, soit à la maternité : la mesure touche donc les mères, quel que soit le nombre d’enfants, mais également les pères de famille puisqu’existe la redistribution des trimestres de majoration. Nous avons préféré une telle mesure au départ anticipé avant l’âge d’ouverture des droits, ainsi que vous le proposez au travers des sous-amendements, mes chers collègues. En effet, votre proposition induirait, comme je l’ai souligné tout à l’heure, une différence de traitement liée au genre des personnes, ce qui irait à l’encontre du droit européen. Par ailleurs, le coût du dispositif ne serait pas tout à fait le même.
Mme Poncet Monge l’a rappelé, une surcote de 5 % équivaut à une année de retraite, puisque la surcote est une disposition actuarielle : une durée moyenne de retraite à 100 % étant de 20 ans, un complément de 5 % correspond à une année de départ anticipé. Sauf que les 5 % sont viagers et répartis sur 20 ans – ce qui est déjà significatif –, alors qu’en cas de départ anticipé le coût est immédiat pour le système de retraite.
Certains disent que cette mesure est insuffisante : c’est exact. Ils proposent d’élargir par voie d’amendement le dispositif jusqu’à 62 ans. Je dis : non ! À 62 ans, dans le régime actuel, il n’y a pas de surcote : pour bénéficier de la surcote, il faut non seulement avoir atteint le taux plein, mais également aller au-delà de l’âge légal ; il faut donc avoir au moins atteint 62 ans et un trimestre, ce qui correspond à 1,25 % de surcote tout au long de la carrière. Nous avons contingenté la mesure à quatre trimestres de façon que le coût soit raisonnable.
Monsieur le ministre, si vous souhaitez que l’on aille un peu plus loin que le droit actuel afin de gagner encore trois trimestres, ne vous gênez pas pour donner un avis favorable. (M. le ministre sourit.) Je préférerais en effet – mais c’est un avis strictement personnel –…
M. Gérard Longuet. C’est le nôtre aussi !
M. René-Paul Savary, rapporteur. … dépasser le droit actuel, en consentant un effort pour les mères de famille plutôt qu’en votant des mesures d’âge qui ratent leur cible, nous aurons l’occasion d’en discuter ultérieurement. Pour cela, il me faut votre autorisation !
En tout état de cause, même si elle n’est pas suffisante, la mesure présentée par la commission touchera 30 % des femmes qui liquident leur retraite sur une génération, soit 130 000 personnes : c’est un chiffre qui me paraît significatif. C’est donc un dispositif qui mérite toute votre attention.
Mes chers collègues, compte tenu des explications que je vous ai données, qui, je l’espère, sont les plus claires possible, je vous invite à voter l’amendement n° 2127 rectifié, à l’exclusion de toute autre mesure, car c’est lui qui répond le mieux aux préoccupations des mères de famille. Par ailleurs, il contribuera – on peut être répétitif parfois à bon escient – à diminuer l’écart des pensions entre les hommes et les femmes.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’ensemble des sous-amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Je me suis déjà exprimé longuement à la fin de la discussion générale sur l’article.
Le Gouvernement soutient l’amendement adopté par la commission des affaires sociales, qui présente le double mérite de permettre, d’une part, le maintien d’un avantage de temps sous forme d’une majoration de la durée d’affiliation au régime pour les femmes et, plus largement, pour les assurés bénéficiant de trimestres dits familiaux, qui n’ont pas une carrière complète au moment de l’âge d’ouverture des droits, d’autre part, une surcote pour celles qui, au contraire, ont atteint la durée d’affiliation requise à 63 ans, alors qu’il restera quatre trimestres à travailler.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 2127 rectifié. En revanche, il émet un avis défavorable sur l’ensemble des sous-amendements, pour les mêmes raisons que celles qui ont été évoquées par M. le rapporteur, y compris les questions d’équilibre budgétaire.
J’ouvre une parenthèse pour préciser qu’un certain nombre d’interventions ont souligné la difficulté qui subsiste quant à la différence de niveau de pension entre les hommes et les femmes. C’est évidemment à la fois un constat et un regret qui sont partagés, mais le fondement de la solution pour que les pensions des hommes et des femmes soient identiques tient non pas au système de retraite, mais bien à l’égalité professionnelle et à la résorption des inégalités tout au long de la vie. C’est un sacré chantier, si vous me permettez une expression aussi familière, qui dépasse très largement le cadre de ce projet de loi.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. L’amendement n° 2127 rectifié est l’ambulance qui suit l’offensive terrestre contre la retraite à 62 ans. Bien entendu, comme on est respectueux des conventions, on ne va pas tirer sur l’ambulance. Voilà pourquoi je voterai cet amendement.
Pour autant, je formulerai quelques remarques.
Ma première remarque concerne les sous-amendements. Monsieur le rapporteur, on pourrait à la fois voter des majorations de durée d’assurance et une augmentation de la surcote : les deux ne sont pas contradictoires. Quand l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes s’élève à 35 %, pourquoi ne pas prévoir d’augmenter spécifiquement les pensions des femmes ?
Ma deuxième remarque concerne la nature des écarts de pensions entre les hommes et les femmes. Ces écarts s’expliquent par deux facteurs : les carrières trouées et la faiblesse des rémunérations des femmes pendant toute leur durée d’activité, qui altère aussi le montant de leur pension.
De ce point de vue, cet amendement, dont l’objet concerne spécifiquement les mères de famille, fait l’impasse sur les inégalités salariales. Malheureusement, il n’y a pas que les mères de famille qui souffrent de rémunérations insuffisantes et inégalitaires : les femmes qui n’ont pas d’enfant sont dans la même situation. L’écart résiduel de rémunération entre les femmes et les hommes est de 9 %, indépendamment des carrières, à poste égal, à travail égal et à diplôme égal.
En excluant toutes les femmes qui ne sont pas mères de famille, le dispositif prévu ne répond pas à l’écart de rémunération spécifique entre les femmes et les hommes, qui affecte également la carrière des femmes qui ne sont pas mères de famille.
M. René-Paul Savary, rapporteur. C’est vrai, mais on ne peut pas répondre à tous les problèmes.
Mme Laurence Rossignol. Enfin, si cette mesure est utile, je doute de sa portée nataliste : à 28 ou à 30 ans, les jeunes femmes qui veulent mettre un bébé en route ne pensent pas à la surcote. Ce qu’elles veulent savoir, c’est si elles pourront travailler, élever leur enfant, avoir un logement, une place en crèche et si leur carrière souffrira de cette maternité ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. J’ai eu au moins à deux reprises l’occasion de m’exprimer sur cet amendement et sur la logique politique qui le sous-tend, quand j’ai présenté pour mon groupe la motion référendaire et encore hier.
En fait, ce qui n’est pas juste – nous l’avons souligné de nombreuses fois –, c’est le fait de reporter l’âge de départ à la retraite à 64 ans. Cela pénalise plus particulièrement les femmes : toutes les femmes, qu’elles soient mères de famille ou non.
Nous nous sommes exprimés sur les carrières hachées et les inégalités salariales, mais, qu’il s’agisse aussi bien du Gouvernement que de la commission, vous n’avez pas voulu nous entendre.
Nous avons déposé un sous-amendement global visant à réécrire cet amendement : il a été rejeté. Vous ne réglez donc en rien la problématique des femmes qui ont des carrières hachées et de petits salaires, et qui seront les grandes perdantes de cette réforme. Je l’ai dit encore hier, lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement, même si le ministre essaye de nous démontrer le contraire.
Comme nos collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, dans la mesure où il constitue un petit « plus », un petit « mieux » pour quelques femmes, nous voterons cet amendement. Pour autant, cette mesure est totalement insuffisante et ne répond pas à la demande des femmes.
La proposition des communistes pour régler cette question est la suivante : le montant du congé parental d’éducation doit être équivalent à 100 % du salaire, ce qui éviterait la question de la surcote. Ne répondez pas que vous manquez d’argent pour financer cette mesure : nous avons plein de solutions, mais vous les refusez !
En attendant que vous mûrissiez votre réflexion, nous voterons en faveur de ce très petit pas, car il faut bien commencer par quelque chose…
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. M. le ministre a raison : la neutralisation des trimestres enfants n’est pas uniquement due à l’allongement d’âge, elle est aussi due au fait que les femmes travaillent plus – c’est l’effet générationnel, l’effet de noria. Toutefois, il n’a raison qu’aux deux tiers, car un tiers des trimestres a été effacé par la réforme de 2010, et ce sera plus important encore avec la réforme actuelle.
Nous vous l’avons rappelé, 120 000 femmes par génération font aujourd’hui le choix de partir à 62 ans. Elles remplissent donc les deux conditions mentionnées et elles partent à taux plein. Les trimestres enfants vont tous devenir des trimestres travaillés.
Monsieur le rapporteur, la surcote est bien une neutralité actuarielle, mais l’esprit de la surcote est le volontariat. Jusqu’à présent, ces femmes qui, à 62 ans, travaillaient encore deux ans bénéficiaient de 10 % : c’était neutre sur leur patrimoine retraite, les deux ans qu’elles n’avaient pas, elles les gagnaient par la surcote. Aujourd’hui, vous ne leur en donnez plus que la moitié. Ce faisant, vous faites baisser le patrimoine retraite de ces 120 000 femmes, qui utilisaient majoritairement leurs trimestres enfants.
Nous vous l’avons dit, les mesures d’âge sont anti-redistributives, elles accroissent les inégalités. Pour autant, vous les préférez, car vous voulez que l’on produise plus et, surtout, que le pacte de stabilité soit respecté à court terme. Vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, les effets de ces deux mesures ne sont pas les mêmes à court terme ; c’est pour cela que vous privilégiez la surcote.
Quoi qu’il en soit, comme mes collègues, je voterai cet amendement, qui est l’une des mesures d’atténuation de la brutalité de la réforme.
Mme le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.
Mme Viviane Artigalas. Cet amendement est une petite mesure de compensation qui a été négociée, mais il n’annulera pas la brutalité de ce projet de loi.
Avec cet article 8, vous avez au moins le mérite de la cohérence dans la casse de notre système de solidarité. Vous voulez faire travailler deux ans de plus nos concitoyens, quelles que soient leurs difficultés et la durée de leur carrière. D’autres mesures de compensation seront peut-être votées, mais vouloir faire travailler deux ans de plus des personnes déclarées inaptes au travail, les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), de l’allocation de cessation anticipée d’activité, les travailleurs ayant une carrière longue, les travailleurs handicapés, les travailleurs ayant une incapacité permanente à la suite d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle, les fonctionnaires handicapés, c’est-à-dire les plus fragiles et les plus précaires, c’est vraiment une logique de brutalité !
Bien évidemment, les femmes seront les grandes perdantes de cette réforme. Je le répète, ce n’est pas cette petite mesure proposée par la commission qui améliorera leur retraite. Quoi qu’il en soit, nous la voterons malgré tout, car mieux vaut tenir que courir. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Nous voterons cet amendement pour des questions d’équilibre, de justice et de valeur.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Olivier Henno. Il faut plus de justice vis-à-vis des femmes. Il existe un écart de rémunération entre les femmes et les hommes : 10 % à fonction égale ou à diplôme égal. C’est insupportable, mais on ne peut pas non plus tout attendre de cette réforme du système de retraite.
On peut se soucier de cette injustice à l’occasion d’une réforme du système de retraite – pourquoi pas ? –, mais on ne s’en est toujours pas souciés autant, je pense notamment à la réforme Touraine, sans ouvrir de nouveau la polémique.
Nous aurions voulu aller plus loin, mais nous voterons cet amendement au bénéfice duquel nous avons retiré les amendements que nous avions déposés, notre principal souhait étant d’aller au bout de cette discussion.
Par ailleurs, j’ai entendu les propos de Mme Vogel. Je ne suis pas souvent d’accord avec elle, mais je reconnais que son argumentation est construite. Néanmoins, dans le cadre d’un système de retraite par répartition, il est tout à fait indispensable, voire légitime, de s’occuper de démographie et de la dimension nataliste : elle est intrinsèque au système.
Enfin, dernier mot, pour nous, la famille, contrairement à ce que j’ai entendu dire tout à l’heure, n’est ni une idéologie ni une doctrine : c’est une valeur, mes chers collègues !
Être mère ou père de famille, ce n’est pas un gros mot, c’est une valeur essentielle et la cellule de base de la société. Comme le disait Victor Hugo, la famille, c’est la plus solide des forteresses ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – Mmes Véronique Guillotin et Colette Mélot applaudissent également. – Mme Laurence Cohen s’exclame.)
Mme le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Le RDSE est un groupe où chacun est libre de son vote, mais, pour une fois, nous allons tous voter cet amendement afin de rendre justice aux femmes qui ont une carrière hachée.
Néanmoins, nous éprouvons une certaine frustration par rapport à la manière dont se déroulent nos discussions. Nous aurions préféré un véritable débat. Tel n’est malheureusement pas le cas.
Certains reprochent à la majorité sénatoriale d’avoir utilisé des procédures d’ordre réglementaire pour museler les temps de parole des uns et des autres. Je rappelle que celles-ci n’ont été déclenchées qu’à partir de l’article 7. Depuis le début, la gauche cherche à ralentir le débat. C’est bien la première fois depuis que je siège au Sénat que je vois des amendements identiques signés individuellement par les membres d’un même groupe et défendus un par un, pour gagner du temps ! (Mme Monique Lubin s’exclame.)
L’ADN du RDSE, c’est le débat. Notre volonté est d’aller jusqu’au bout de l’examen de ce texte. Que chacun se prononce clairement sur ses objectifs, car il est de notre responsabilité d’éclairer les Français. L’image que nous donnons aujourd’hui n’est pas bonne. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains. – Mme Colette Mélot applaudit également.)
Mme le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.
M. Yan Chantrel. Je parlerai plus globalement de l’article 8, car vous nous en avez privés au tout début, avec vos artifices et votre volonté de nous bâillonner et de brider nos prises de parole.
Mme le président. Monsieur Chantrel, votre propos doit porter sur l’amendement et les sous-amendements.
M. Jérôme Durain. On attaque le contenu de l’intervention !
M. Yan Chantrel. Rassurez-vous, madame la présidente, c’est en lien.
On ne dirait pas que c’est la présidence qui parle, c’est plutôt la présidence de la droite… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Vincent Éblé. Est-ce la présidence de séance ou la police de la pensée ?
Mme le président. Monsieur Chantrel, je ne peux pas vous laisser dire cela : ici, je suis la présidente de séance de tout l’hémicycle ! (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)
Mme Sophie Primas. Excusez-vous !
M. Yan Chantrel. Mes chers collègues, votre intimidation ne marchera pas ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Olivier Paccaud. C’est indigne d’un parlementaire !
M. Yan Chantrel. Vous essayez de nous bâillonner depuis hier, mais vous ne priverez pas les Français du débat.
Malgré vos coups de force, nous continuerons de les défendre, ne vous en déplaise : c’est la démocratie, il faut l’accepter !
Mme Laure Darcos. Changez de chambre !
M. Max Brisson. Provocation !
M. Yan Chantrel. Je vais devoir demander une suspension de séance si ça continue…
Mme le président. Je ne l’accorderai pas.
M. Yan Chantrel. Ce qu’il faut retenir du recul de l’âge de départ à la retraite à 64 ans, c’est qu’il touche les plus fragiles, notamment ceux dont parle l’amendement de M. Savary, et, au premier chef, celles et ceux qui bénéficient d’une retraite anticipée et qui sont les victimes de votre réforme : les titulaires d’une pension d’invalidité, les travailleurs déclarés inaptes au travail, les allocataires de l’AAH et de l’allocation de cessation anticipée d’activité, les travailleurs ayant eu une carrière longue, les travailleurs handicapés, les travailleurs qui ont une incapacité permanente à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, les fonctionnaires handicapés… (Exclamations et marques d’impatience sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Rappels au règlement
M. Roger Karoutchi. J’ai dit ce matin que j’espérais un débat serein… Je vous remercie de m’avoir entendu.
Je me permets de faire savoir à M. Chantrel et à l’ensemble de nos collègues que, si le climat reste le même, il faudra appliquer la totalité du règlement.
Je pense notamment à l’article 95, qui prévoit très clairement que toute provocation et toute atteinte à la présidence de séance entraîne la censure avec exclusion temporaire du Palais du Sénat. (Très bien ! et applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP.)
Mme le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour un rappel au règlement.
M. Jérôme Durain. La majorité semble avoir la faculté de savoir ce que contiennent nos amendements avant même d’en avoir pris connaissance. Ainsi, hier, la présidente de la commission des affaires sociales a déclaré irrecevables nos sous-amendements sans même les avoir lus. Aujourd’hui, madame la présidente, vous avez la faculté de savoir ce que notre collègue Chantrel allait dire avant même qu’il ne s’exprime. Il avait à peine commencé son propos en dénonçant la volonté de nous bâillonner : il en a le droit !
Mme Dominique Estrosi Sassone et M. Bruno Retailleau. Il n’a pas dit cela !
Mme le président. Poursuivez, monsieur Durain, mais je vous invite à consulter le compte rendu de débat.
M. Jérôme Durain. Nous regarderons la vidéo ensemble.
La suite de l’intervention de M. Chantrel a montré que son propos portait bien sur le fond du texte. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) On n’est pas obligés d’en arriver aux extrémités que nous promet M. Karoutchi.
Je sais que, politiquement, cela devient compliqué pour vous. On mesure bien, à l’aune des rectifications de vote, que vos positions s’effritent. Quand on lit la presse locale, on comprend aussi votre embarras : tout cela n’est pas très populaire.
Mme Françoise Gatel. Non !
M. Jérôme Durain. Laissez-nous travailler. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Vous connaissez notre attachement à cette assemblée, à l’ordre qui y règne, à la qualité des débats que nous produisons ensemble. Si vous contribuez au calme, vous pourrez compter sur nous. (Mêmes mouvements.)
Mme le président. Voyons d’où viennent les provocations… Personnellement, en tant que présidente de séance, je n’ai pas apprécié.
Mes chers collègues, je souhaite sincèrement que nos débats conservent la sérénité qui fait la marque de fabrique de notre assemblée et qui contribue à la bonne image de nos travaux.
Je n’hésiterai pas, afin de maintenir la sérénité de nos débats, à faire usage des prérogatives que le règlement confère à la présidence de séance.
Ce rappel ayant été fait, nous reprenons le cours normal de la discussion.
Article 8 (suite)
Mme le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote.
M. Bernard Fialaire. Je voterai l’amendement du rapporteur, mais pas parce que j’ai l’article 7 honteux ou pour me racheter d’une mauvaise action que j’aurais commise !
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Bernard Fialaire. Au contraire, je le voterai parce qu’il existe une cohérence à demander certains efforts et à corriger, par ailleurs, certaines inégalités.
Je ne suis pas économiste – je n’écoute d’ailleurs pas les économistes, car je m’en méfie.
M. Vincent Éblé. Vous devriez.
M. Bernard Fialaire. Je me base sur ce que me disent les personnes que je rencontre. Elles travaillent aussi dur que celles que rencontre la gauche, mais elles ont aussi un peu de bon sens.
Quand l’espérance de vie augmente de dix ans en quarante ans,…
M. Rachid Temal. Sept ans !
M. Bernard Fialaire. … quand il y a davantage de départs à la retraite que de gens qui entrent sur le marché du travail, quand la démographie baisse, nul besoin d’avoir fait Polytechnique pour comprendre que le système n’est pas équilibré et qu’il faut faire collectivement un effort supplémentaire.
M. Éric Kerrouche. C’est incroyable !
M. Bernard Fialaire. Les gens qui travaillent dur, qui se lèvent tôt le matin, sont disposés à y consentir, quoi que l’on en dise ! Ils l’ont d’ailleurs déjà accepté, par exemple, lorsqu’on leur a demandé de travailler un jour de plus en faveur des personnes âgées et de la dépendance. C’est aussi l’honneur de nos concitoyens, c’est la marque de la solidarité nationale !
Quand on veut une retraite par répartition, malgré les difficultés et la dureté du travail, on doit pouvoir faire cet effort supplémentaire pour équilibrer le régime et éviter à nos enfants de payer à la fois nos retraites et les dettes que nous leur laisserons ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI, UC et Les Républicains.)
Rappel au règlement
Mme Raymonde Poncet Monge. On a reproché à M. Chantrel de ne pas s’exprimer sur l’amendement et de tenir des propos hors sujet.
Pourtant, celui qui est intervenu avant lui a fait exactement la même chose. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Il a dit que le débat n’était pas intéressant, que nous utilisions des procédés dilatoires, que nous meublions, etc. Dans les deux minutes qui lui étaient imparties, il n’a pas du tout parlé de l’amendement : il a pris la parole pour nous tacler, alors que nous venions de présenter des arguments sérieux sur la surcote, le patrimoine retraite, le rendement à court terme ou à long terme pour défendre telle solution plutôt que telle autre.
Toute personne qui s’écarte du sujet de l’amendement doit être également sanctionnée, madame la présidente !
Article 8 (suite)
Mme le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. J’avoue que je suis très circonspecte sur l’amendement de M. le rapporteur.
Évidemment, par rapport à ce que le Gouvernement nous propose, les 5 % de surcote représentent un mieux, une atténuation des effets négatifs du projet de loi. Reste que c’est toujours moins que ce que les femmes ont aujourd’hui !
Mme Monique Lubin. Actuellement, une femme qui arrive à l’âge légal de la retraite, c’est-à-dire à 62 ans, avec tous ses trimestres, aura 10 % de surcote si elle décide de travailler jusqu’à 64 ans.
Mme Raymonde Poncet Monge. Exact !
Mme Monique Lubin. Certes, le dispositif de M. Savary est meilleur que celui du Gouvernement, mais il apporte bien moins aux femmes que celui qui prévaut aujourd’hui.
Mme Raymonde Poncet Monge. Et en plus elles n’ont pas le choix !
Mme Monique Lubin. J’allais le dire, ma chère collègue ! (Sourires sur les travées des groupes SER et GEST.)
On va les obliger à aller jusqu’à 64 ans, même si elles ont la totalité de leurs trimestres à 62 ans, et on leur donne gentiment 5 %, alors qu’elles peuvent aujourd’hui obtenir 10 % dans les mêmes conditions, mais sur la base du volontariat.
Monsieur le rapporteur, je sais que vous êtes sincère, mais votre proposition ne me plaît pas. Beaucoup de mes collègues, y compris dans les rangs de la gauche, la trouvent plutôt pas mal…