M. Olivier Rietmann. Cet amendement de Mme Estrosi Sassone a pour objet d’exonérer de cotisations vieillesse à la charge de l’employeur les rémunérations versées aux salariés qui font le choix de continuer de travailler dès lors qu’ils sont en droit de liquider leur retraite. Un tel choix peut être bon pour l’épanouissement personnel du salarié, ainsi que pour l’entreprise, dans le cadre d’un tuilage ou pour préserver la continuité de l’activité.
Cette exonération est à la fois un outil pour accompagner certaines fins de carrière et une incitation pour les employeurs à recruter des seniors, avec une baisse du coût du travail. Elle favorise également la transition entre l’emploi et la retraite pour des salariés qui ne souhaitent pas partir dès lors qu’ils le peuvent. Enfin, cette exonération des cotisations pour les salariés seniors stimulera l’emploi au sein des entreprises où ils travaillent, puisqu’elle permettra d’éventuelles embauches avec les économies réalisées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. J’ai été très intéressé par cet amendement et nous avons essayé de le traduire dans le texte.
Il pose des problèmes d’effet de seuil et d’effet d’aubaine. En effet, ceux qui sont déjà en emploi pourraient bénéficier de cette exonération en avançant leur déclaration de départ à la retraite pour revenir ensuite.
Actuellement, le départ à la retraite n’est pas une norme législative. Nous ne pouvons donc pas nous appuyer dessus dans un texte de loi. C’est la raison pour laquelle, au-delà des risques d’effet d’aubaine, nous ne l’avons pas retenu.
Pour tout vous dire, pour avoir une cohérence d’ensemble dans nos mesures, nous avions songé en commission d’instaurer, parallèlement à la surcote accordée aux mères de famille, un dispositif d’exonération pour les encourager à continuer à travailler afin de bénéficier d’une meilleure retraite.
Cependant, pour revenir à votre amendement, nous ne pouvons pas créer un tel dispositif dans la loi, le départ à la retraite n’étant pas une norme. Votre proposition mérite une réflexion du ministère et des partenaires sociaux. Là encore, je vous renvoie au projet de loi Travail.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. C’est un débat absolument majeur.
Je partage l’analyse juridique du rapporteur. J’ajoute que l’adoption d’un tel dispositif aurait un certain coût. Par ailleurs, il existe déjà des exonérations générales bénéficiant aux seniors, jusqu’à 2,5 Smic avec les allégements généraux et le « bandeau » maladie, et même jusqu’à 3,5 Smic avec le « bandeau » famille. Ces exonérations supplémentaires seraient finalement concentrées sur un petit nombre de seniors, à savoir ceux qui ont la rémunération la plus importante. Or je ne suis pas sûr que la question de l’exonération de cotisations soit le moteur principal dans le recrutement de ces salariés.
Néanmoins, cela fera partie des sujets qui seront abordés à l’occasion du projet de loi Travail.
M. Olivier Rietmann. Je le retire, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 124 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 4639 rectifié, présenté par Mmes Schillinger et Havet, M. Haye, Mme Duranton et MM. Mohamed Soilihi, Marchand, Lemoyne, Rambaud, Buis et Hassani, est ainsi libellé :
I. – Après l’article L. 241-32, il est inséré un article L. 241-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 241-3-… – Par dérogation aux dispositions de l’article L. 241-3, en cas d’embauche d’un salarié de plus de 55 ans, le montant de la cotisation relative à la couverture des charges de l’assurance vieillesse et de l’assurance veuvage est réduit pour la partie à la charge de l’employeur et pour la partie à la charge du salarié. Un décret fixe le taux réduit. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Il s’agit d’un amendement d’appel.
Alors que le taux d’emploi des seniors en France reste inférieur à celui de la moyenne européenne, le report de l’âge légal de départ à la retraite présente un risque de précarisation des travailleurs de plus de 55 ans. Ce risque pèse particulièrement sur les femmes, qui sont plus sujettes aux carrières hachées et, de ce fait, plus en difficulté pour justifier de l’ensemble de leurs trimestres au moment de leur départ à la retraite.
En conséquence, le report d’âge légal doit s’accompagner de mesures sociales fortes en faveur de l’emploi des seniors. Aussi, nous proposons de favoriser l’embauche des salariés de plus de 55 ans au moyen d’allégement des cotisations sociales relatives à l’assurance vieillesse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Je pensais que le groupe RDPI était sensible au rendement financier de cette réforme. C’est en tout cas l’argument que le Gouvernement oppose systématiquement aux propositions que nous faisons. (Sourires.)
Le but de la réforme étant de combler les déficits et non pas de les creuser, je pense que, si nous prévoyons une telle largesse jusqu’à 55 ans, M. le ministre chargé des comptes publics va tomber de son fauteuil ! (Nouveaux sourires.)
En conséquence, la commission demande le retrait de cet amendement, tant qu’il existe d’autres dispositifs permettant de maintenir les emplois des seniors. De surcroît, comme l’a précisé M. le ministre pour l’amendement précédent, l’exonération porterait plus sur les salaires les plus élevés, les salaires les plus bas bénéficiant d’autres mesures.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je veux rassurer M. le rapporteur, Mme Schillinger ne me fera jamais tomber de mon fauteuil. Nous sommes évidemment bien accrochés ensemble… (Rires au banc des commissions.)
Madame la sénatrice, je vous remercie de nourrir le débat sur la question de l’emploi des seniors, qui est absolument majeure. Je l’ai dit tout à l’heure, je suis réservé sur les exonérations de cotisations liées à un âge donné : il y a en effet un risque d’effet de seuil pénalisant ceux qui sont juste en dessous de l’âge fixé.
Par ailleurs, le rapporteur l’a rappelé, ce type de mesure a un coût : un point de baisse des cotisations, c’est 1 milliard d’euros. Votre amendement ne fixe pas le nombre de points de baisse, puisqu’il renvoie à un décret, mais, s’il est adopté, il aura un coût certain, pour un effet plus incertain sur l’emploi. Néanmoins, je le répète, ce débat se prolongera lors de l’examen du projet de loi Travail.
Le Gouvernement demande donc également le retrait de cet amendement.
M. le président. Madame Schillinger, l’amendement n° 4639 rectifié est-il maintenu ?
Mme Patricia Schillinger. Non, je le retire, monsieur le président. Mon but était d’évoquer le sujet.
M. le président. L’amendement n° 4639 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 3154 rectifié, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 1er de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat est ainsi modifié :
1° Les I à V sont abrogés ;
2° Au premier alinéa du VI, les mots : « exonérée dans les conditions prévues au V du présent article, est également » sont remplacés par le mot : « est ».
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Les mesures de la loi sur le partage de la valeur sont défiscalisées et exonérées de cotisations et contributions sociales.
Monsieur le ministre, vous êtes content, car ce dispositif rencontre, paraît-il, un grand succès, avec plus de 5 millions de bénéficiaires. Cela ne m’étonne pas.
Je rappelle que la prime ainsi désocialisée et défiscalisée peut aller jusqu’à 6 000 euros, mais qu’elle n’est pas compensée par l’État auprès des caisses de sécurité sociale.
Nous avons déposé un amendement exigeant l’application de la loi Veil, qui a été voté par notre assemblée, mais il a « sauté » en commission mixte paritaire – à la suite de votre intervention, je suppose.
Ce dispositif représente donc une perte de recettes sensible pour les comptes de la sécurité sociale et prive les salariés des aides du régime sur la garantie des salaires (AGS), qui, elles, auraient été pérennes. Je passe sur la démonstration, mais, pour nous, c’est un effet de substitution, autrement appelé effet d’aubaine.
Cependant, les salariés sont en train de faire le lien entre cotisations et droits, ce qui est très bien. Ce salaire désocialisé et défiscalisé dont vous leur faites « cadeau » – puisqu’aucune taxe n’y est assujettie – est une perte de recettes pour la protection sociale et un creusement des déficits, car il n’est pas compensé par l’État. Quelque part, vous êtes en train de leur présenter la facture avec ces mois de travail en plus.
Les salariés réalisent ainsi qu’il s’agit d’un cadeau à court terme, mais d’une perte à long terme. Tout comme les fonctionnaires, ils s’aperçoivent que ces primes désocialisées et défiscalisées ne comptent pas dans le calcul de la pension et participent à la baisse tendancielle des revenus de remplacement.
Nous voulons replacer ces primes dans le droit commun.
M. le président. L’amendement n° 4475 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le V de l’article 1er de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « les cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle à la charge du salarié et de l’employeur ainsi que des participations, » sont supprimés ;
2° Le deuxième alinéa est supprimé.
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Par cet amendement, nous pointons le double discours du Gouvernement, qui prétend vouloir sauver le régime par répartition ou empêcher la faillite du système, mais qui s’attache en même temps, dès que l’occasion se présente, à soustraire aux cotisations des éléments de rémunération octroyés aux travailleurs.
Les mesures récemment prises n’auraient prétendument pas d’impact sur les recettes de la sécurité sociale. Notre principe, c’est que tout travail mérite salaire. Or toute cotisation est du salaire.
Les heures supplémentaires coûteraient 200 millions d’euros en année pleine en 2023, mais la monétisation des RTT, qui procède de la même finalité serait, elle, sans impact financier.
Selon le même raisonnement, la prime Macron, mal nommé « partage de la valeur », car désocialisée, ne pèserait pas sur les finances de la sécurité sociale. Pourtant, elle a bien un effet d’éviction sur le salaire et devrait, de ce fait, se voir appliquer par défaut le taux de cotisation appliqué à chaque tranche de salaire pour calculer le manque à gagner de cette forme de rémunération au détriment du salaire.
Monsieur le ministre, ne propagez pas l’idée que les cotisations sont soutirées aux travailleurs et qu’elles les privent de revenus. Les cotisations sont du salaire. Partageons la valeur en entier jusqu’au moindre euro. En somme, soumettons à cotisation chaque euro versé aux travailleuses et aux travailleurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ces deux amendements visent finalement à vider de son contenu le dispositif de prime de partage de la valeur qui a été assez récemment mis en place, puisqu’il date du 22 août dernier.
Mes chers collègues, il n’est qu’à voir le nombre d’entreprises et de salariés qui y ont eu recours. S’il a un tel succès, c’est bien qu’il répond aux besoins d’un certain nombre de Français et de leurs familles.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Ces amendements visent à mettre fin à la prime de partage de la valeur, dite prime Macron, en leur appliquant le niveau de cotisations sociales générales hors allégement, c’est-à-dire jusqu’à 60 points.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il s’agit de les socialiser !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Pour une prime à 1 000 euros versée par l’entreprise à un salarié, il faut payer jusqu’à 600 euros de cotisations. Autant dire qu’il n’y a plus de prime.
Mme Raymonde Poncet Monge. Eh bien, compensez !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je rappelle que cette prime a bénéficié l’an dernier à 5,5 millions de salariés, dont 2 millions dans des entreprises de moins de 50 salariés, pour un montant global de 4,5 milliards d’euros. Les primes les plus importantes étaient dans les TPE. Ce dispositif n’a donc pas bénéficié exclusivement aux cadres des grands groupes.
Selon vous, le versement de ces primes défiscalisées et désocialisées se fait au détriment du financement de la protection sociale. Je ne suis pas d’accord avec ce constat. Il s’agit d’outils mis à la disposition d’entreprises, qui, en raison de l’incertitude économique, ne peuvent pas augmenter les salaires, parce qu’elles s’engageraient sur des charges supplémentaires pour les années à venir sans savoir ce que sera la conjoncture.
L’alternative n’est pas « la prime ou du salaire ». C’est bien souvent « la prime ou rien ». Cette allocation de prime se fait donc non pas au détriment du financement de la protection sociale, mais au bénéfice de la rémunération du salarié et de son pouvoir d’achat.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Merci de ces chiffres, monsieur le ministre : 5 millions de salariés pour 789 euros en moyenne.
Tout d’abord, je relève que nous n’avions pas besoin d’une loi l’été dernier pour doubler le plafond de la prime, qui était déjà à 1 000 euros. Il n’a servi à rien de la porter à 2 000 euros.
M. Fabien Gay. C’est la réalité, monsieur le ministre.
Ensuite, le dispositif a concerné 5 millions de salariés, certes, mais sur plus de 26 millions de salariés. Ainsi, seuls 18 % des salariés touchent la prime Macron, les 82 % restant n’ayant pas touché grand-chose. Présenté ainsi, je trouve que c’est plus parlant, car, quand vous dites 5 millions, on a l’impression que tout le monde l’a touchée.
La question de l’augmentation des salaires est bien posée pour l’ensemble des salariés, y compris ceux qui ont touché la prime de partage de la valeur. On le voit bien, on a affaire à un détournement pour éviter d’augmenter les salaires.
Je le répète, 82 % des salariés n’ont rien touché, car il n’y a pas eu d’augmentation massive des salaires en France, sauf là où il y a eu des luttes, lesquelles, à chaque fois, ont payé.
Il y a bien un problème autour des salaires bruts et nets, c’est-à-dire autour de la socialisation du salaire, qui a vocation à irriguer les caisses de la sécurité salaire, au contraire de la prime Macron. Si les négociations annuelles obligatoires (NAO) tournent autour des primes, nous assécherons définitivement les recettes de la protection sociale.
C’est aussi simple que cela. Évidemment, nous n’avons pas dit aux salariés de refuser la prime lorsqu’elle leur était proposée, mais nous leur avons demandé de pousser les négociations sur l’augmentation des salaires.
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. La question est la suivante : comment ne pas affaiblir les comptes de la sécurité sociale avec ce type de mesure ?
Lors de la discussion du budget, nous avons examiné un excellent amendement de Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, qui avait pour objet de rejeter le principe de non-compensation à la sécurité sociale du coût de la prime de partage de la valeur, que le Gouvernement a inséré subrepticement dans le texte considéré comme adopté par l’Assemblée nationale et sur lequel les députés n’ont donc pas pu se prononcer. Par sagesse, notre assemblée avait voté cet amendement, dont l’objet mériterait d’être réintroduit pour que l’on arrête de dépouiller la sécurité sociale.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4475 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2 bis (nouveau)
I. – Le chapitre VII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’intitulé de la section 6 est ainsi rédigé : « Contributions sur les indemnités versées à l’occasion de la rupture conventionnelle et de la mise à la retraite » ;
2° L’article L. 137-12 est ainsi rédigé :
« Art. L. 137-12. – Il est institué, à la charge de l’employeur et au profit de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, une contribution assise sur les indemnités versées à l’occasion de :
« 1° La mise à la retraite d’un salarié à l’initiative de l’employeur mentionnée à l’article L. 1237-5 du code du travail, pour la part exclue de l’assiette des cotisations de sécurité sociale en application du 7° du II de l’article L. 242-1 du présent code ;
« 2° La rupture conventionnelle mentionnée aux articles L. 1237-11 à L. 1237-15 du code du travail, pour leur part exclue de l’assiette des cotisations de sécurité sociale en application du 7° du II de l’article L. 242-1 du présent code.
« Le taux de cette contribution est fixé à 30 %. » ;
3° L’article L. 137-15 est ainsi modifié :
a) Au 3°, les mots : « , qui sont exclues de l’assiette des cotisations de sécurité sociale en application du douzième alinéa » sont remplacés par les mots : « ainsi que des indemnités mentionnées au 6° de l’article 80 duodecies du code général des impôts, qui sont exclues de l’assiette des cotisations de sécurité sociale en application du 7° du II » ;
b) Le huitième alinéa est supprimé.
II. – Le 7° du II de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le premier alinéa du présent 7° est également applicable aux indemnités mentionnées au 6° de l’article 80 duodecies du code général des impôts versées aux salariés et agents en droit de bénéficier d’une pension de retraite d’un régime légalement obligatoire. »
III. – Le présent article est applicable aux cotisations et aux contributions dues au titre des périodes d’emploi courant à compter du 1er octobre 2023.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.
Mme Raymonde Poncet Monge. En plus de renflouer les caisses de la Cnav, cet article permettra de limiter les ruptures conventionnelles imposées à un employé en raison de son âge, qui ont tendance à se substituer aux licenciements. Il est donc bienvenu.
Force est de constater que les ruptures conventionnelles collectives se sont substituées aux licenciements économiques collectifs pour éviter des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE). Selon le Conseil d’orientation pour l’emploi, les pics de sortie par âge sont différents selon le type de rupture. Pour les ruptures conventionnelles, selon la taille de l’entreprise, le pic est fixé entre 59 ans ou 60 ans et 62 ans. La fréquence des ruptures conventionnelles et des licenciements augmente donc en fin de carrière.
Ces pics se déplacent aussi dans le temps, en fonction des modifications des paramètres des retraites, ce qui va certainement arriver de nouveau. À l’approche de l’âge de la retraite, quelle que soit la taille de l’entreprise, on constate que les ruptures conventionnelles et les licenciements non économiques, essentiellement les licenciements pour inaptitude, se substituent aux démissions. Tous deux augmentent mécaniquement avec le report de l’âge d’ouverture des droits à la retraite. Il y a donc une double corrélation.
De plus, rappelons-le, le nombre de seniors passant d’un emploi au chômage est extrêmement élevé et les probabilités de retrouver un emploi après 50 ans sont très faibles. Nous accueillons donc cet article positivement, même s’il faut veiller à ce que l’harmonisation du régime social des indemnités de mise à la retraite et de rupture conventionnelle incite à maintenir le salarié dans l’entreprise plutôt qu’à le licencier, quel que soit le motif.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, sur l’article.
M. Jean-Claude Tissot. L’article 2 bis, sous le prétexte d’éviter les effets d’aubaine causés par la substitution du dispositif de la rupture conventionnelle à celui de la mise à la retraite, cache quand même un « loup » particulièrement inquiétant.
En effet, ce dispositif d’harmonisation exclut volontairement les ruptures conventionnelles collectives, lesquelles comme par hasard, sont très majoritairement conduites par les grands groupes.
Au prétexte de vouloir harmoniser, vous créez, une nouvelle fois, une opposition entre les petites et moyennes entreprises et les très grands groupes, qui ont pourtant des moyens humains et financiers bien différents.
Dès la création des ruptures conventionnelles collectives par l’ordonnance du 22 septembre 2017, l’un des premiers cadeaux faits aux grandes entreprises et au Medef, nous vous avons alerté sur les effets pervers de ce dispositif.
C’est notre ancien collègue, Jean Louis Tourenne, qui, en 2018, indiquait que PSA allait utiliser les ruptures conventionnelles collectives pour se séparer de 1 300 salariés, parmi les plus âgés, et les remplacer par autant de jeunes aux salaires moins élevés. Dernièrement, la Première ministre, Mme Élisabeth Borne, indiquait même qu’il s’agissait d’une pratique « abusive », voire « discriminatoire ».
Les exemples récents de grands groupes utilisant cet outil des ruptures conventionnelles collectives ne manquent malheureusement pas, que ce soit Orange, Stellantis ou, une nouvelle fois, Renault.
Alors que le taux d’emploi des seniors est particulièrement faible en France – 56 % pour les 55-64 ans en 2021 selon la Dares –, il conviendrait peut-être de prendre toutes les dispositions pour l’emploi des seniors, en commençant par une prise en compte des ruptures conventionnelles collectives dans ce nouveau régime.
Vous voyez, messieurs les ministres, à chaque article, nous vous proposons des sources nouvelles de financement, en l’occurrence avec le renforcement de l’emploi des seniors. C’est donc bien la preuve que d’autres solutions existent pour l’équilibre de notre modèle social. En toute logique, nous vous proposerons des amendements pour intégrer les ruptures conventionnelles collectives dans le nouveau régime social et fiscal introduit par cet article.
M. le président. L’amendement n° 3095 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Le Houerou et Jasmin, M. Jomier, Mmes Poumirol, Meunier, Rossignol et Blatrix Contat, MM. Bourgi, Cardon et Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Durain et Leconte, Mme Monier, MM. Temal, Tissot, Lurel, Féraud et Marie, Mme de La Gontrie, MM. Raynal et Stanzione, Mme Carlotti, M. Redon-Sarrazy, Mme Artigalas, MM. Jacquin, Assouline, Mérillou, Houllegatte et Lozach, Mme Van Heghe, MM. Magner, Roger, Montaugé, Cozic et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
1° Remplacer les mots :
La rupture conventionnelle mentionnée
par les mots :
Les ruptures conventionnelles mentionnées
2° Après la référence :
L. 1237-15
insérer les mots :
et L. 1237-19 à L. 1237-19-12
La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. L’article 2 bis introduit à l’Assemblée nationale tend à harmoniser les règles sociales et fiscales des différents modes de rupture du contrat de travail. L’objectif est d’éviter les effets d’aubaine.
Les plus gros utilisateurs de ruptures conventionnelles, en particulier celles qui visent les salariés âgés, en fin de carrière, dits seniors, dont le Gouvernement prétend vouloir favoriser l’emploi, sont les grands groupes. Or ce mode précis de rupture du contrat de travail est totalement exclu du dispositif de cet article. Pourquoi ?
En excluant les ruptures conventionnelles collectives, cet article passe à côté de son objectif. Cet amendement du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vise donc à les intégrer au nouveau régime social et fiscal introduit à cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. L’adoption de cet amendement procurerait des recettes supplémentaires pour la Cnav, ce à quoi nous ne sommes pas insensibles.
La commission s’est penchée sur les ruptures conventionnelles et a constaté un pic d’utilisation – comme par hasard ! – deux à trois ans avant l’âge légal, c’est-à-dire à 59 ans ou 60 ans. J’ai découvert une forme de consensus chez les partenaires sociaux, tant salariés que patronaux, ces derniers s’y étant progressivement attachés. On ne va pas se plaindre d’un consensus ; reste que cette pratique me dérange un peu. Je préférerais une volonté partagée de s’approprier les index seniors.
Nous nous sommes félicités quand l’Assemblée nationale a modifié le texte à cet égard, car cela s’inscrivait dans notre stratégie pour faire en sorte que les seniors ne soient pas les variables d’ajustement de l’emploi dans l’entreprise.
Il s’agit donc de pénaliser un peu plus la rupture conventionnelle en passant de 20 % à 30 %. En ce qui concerne la mise à la retraite d’office par l’employeur à 70 ans, nous harmonisons la fiscalisation, ce qui me semble une mesure de justice sociale.
J’en viens aux ruptures conventionnelles collectives. Je trouve qu’elles sont en quelque sorte la variable d’ajustement. Nous nous sommes interrogés sur la pertinence d’augmenter la fiscalisation, mais il nous a paru préférable d’en parler aux partenaires sociaux dans le cadre de la préparation du projet de loi Travail. Nous avons donc choisi de ne pas étendre le régime de la mesure individuelle à la mesure collective.
C’est pourquoi la commission sollicite l’avis du Gouvernement et souhaite avoir son analyse sur ce sujet.