Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il s’agit d’un amendement de repli tendant à déplafonner les cotisations, qui s’inscrit à la suite de la série que nous venons de présenter.
Nous avons quelque peu baissé le taux de déplafonnement tant pour les salariés – seuls ceux qui gagnent plus de 3 666 euros seraient concernés, je vous le rappelle – que pour les entreprises.
Pourquoi avançons-nous de telles propositions, sinon parce que l’enjeu, c’est d’augmenter les recettes et de renforcer la justice dans les cotisations pour assurer la retraite, et non d’allonger la durée légale de travail pour y accéder ? À chaque fois pourtant, vous tirez un trait sur toute hypothèse de nouvelles cotisations !
Nos concitoyens, qui ne sont pas des fanatiques de l’impôt ou du prélèvement, ne sont pas aussi opposés que vous l’imaginez à une telle hypothèse. De récents sondages ont clairement montré qu’ils préféreraient nettement une hausse des cotisations, qui ne concernerait en l’occurrence qu’un certain niveau de salaires, plutôt que deux ans supplémentaires de travail, dont ils voient les conséquences et la dureté. Oui, ils sont favorables à une légère augmentation des prélèvements !
Au-delà de ce point, il y a une zone grise : toutes les rémunérations ne font pas l’objet de prélèvements. Ne pas prélever de cotisations sur l’intéressement, les primes ou autres revient à considérer que, par principe, le salaire, qui est le cœur de la rémunération, ne doit pas être augmenté. C’est pourquoi vous multipliez les primes – enfin, n’exagérons rien, seules 700 000 personnes ont touché la prime Macron, ce qui est loin de concerner l’ensemble de la masse salariale…
M. le président. L’amendement n° 4272 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase du troisième alinéa de l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, après les mots : « ces cotisations », sont insérés les mots : « , qui ne peut être inférieur à 2,32 % pour les salariés et 4,12 % pour les employeurs, ».
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Par cet amendement, nous souhaitons faire figurer explicitement dans l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale un nouveau taux de cotisation sociale.
Cette proposition s’inscrit, comme précédemment, dans notre volonté de démontrer qu’il existe d’autres moyens pour pérenniser le régime de retraite par répartition que celui du recul de l’âge du départ à la retraite. Plutôt que de voler deux années d’une retraite en bonne santé, si utiles à la société, il faut aller chercher là où il y a de l’argent : chez les plus riches !
Je vous rappelle d’ailleurs que l’annulation des exonérations de cotisations sociales, soit près de 85 milliards d’euros, selon les prévisions pour 2023, rapporterait tout de suite près de 18,4 milliards d’euros pour la branche vieillesse, sans compter les économies pour le budget de l’État, qui compense actuellement ces exonérations.
L’augmentation des cotisations sociales et la suppression des exonérations indues participeraient à l’effort important pour revenir à la retraite à 60 ans et porter à 2 000 euros brut la retraite minimum. Une telle réforme exigerait 100 milliards d’euros par an.
L’instauration d’une cotisation pour les retraites sur les dividendes nets, soit 50 milliards d’euros en 2021 à hauteur de 28 %, comme pour les salaires, rapporterait 14 milliards d’euros. De plus, une hausse de 5 % des salaires dans le privé et de 5 % du point d’indice des fonctionnaires rapporterait respectivement 9 milliards d’euros et 1,5 milliard pour la branche retraite.
Voilà quelques pistes à destination du ministre et de la droite sénatoriale.
M. le président. L’amendement n° 4271 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase du troisième alinéa de l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, après les mots : « ces cotisations », sont insérés les mots : « , qui ne peut être inférieur à 2,31 % pour les salariés et 4,11 % pour les employeurs, ».
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Marie-Noëlle Lienemann a eu raison de rappeler que la plupart de concitoyens, qui refusent le report de l’âge du départ à la retraite à 64 ans, préféreraient que leurs cotisations augmentent, y compris dans un contexte où leur pouvoir d’achat est particulièrement abîmé. C’est précisément ce que nous proposons au travers du relèvement minime du niveau de cotisations des plus aisés. Ce serait d’ailleurs quasiment sans aucun contrecoup dans leur vie quotidienne.
D’ailleurs, ils sont nombreux à investir actuellement dans des instruments de capitalisation. Aussi, nous proposons de réinjecter ces sommes colossales dans le système de solidarité.
Il faut savoir que les nouveaux PER, lancés voilà deux ans, représentent plus de la moitié des cotisations retraite supplémentaires, selon la Drees. Cette hausse s’expliquerait par le développement du PER individuel, dont les versements représenteraient près de trois quarts des cotisations sur les dispositifs individuels, plus précisément 73 %.
À la fin de 2021, près de 20 milliards d’euros de cotisations ont été collectés dans le cadre du contrat de retraite supplémentaire, soit une hausse de 27 % en euros courants, par rapport à la fin 2020.
Pour les nouveaux PER, la collecte dépend du type de contrat : individuel, d’entreprise collectif ou d’entreprise obligatoire. Les montants des cotisations sont respectivement de 8 milliards, 2,2 milliards et 970 millions d’euros de cotisations. Voilà qui pourrait venir abonder utilement le régime par répartition !
M. le président. L’amendement n° 4270 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase du troisième alinéa de l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, après les mots : « ces cotisations », sont insérés les mots : « , qui ne peut être inférieur à 2,30 % pour les salariés et 4,10 % pour les employeurs, ».
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, mon intervention vaudra présentation des deux amendements nos 4270 rectifié et 4269 rectifié. Comme quoi, il ne faut jamais désespérer du groupe communiste ! (Sourires.)
Depuis des semaines, le Gouvernement argue du caractère absolument indispensable, incontournable, de la réforme, en suivant une approche budgétaire, financière et même, paraît-il, démographique. Le système de retraites serait déficitaire d’environ 18 milliards d’euros par an et ne serait pas à l’équilibre avant le milieu des années 2030.
Pourtant, nous souhaitons rappeler ici que, dès 2020, le COR, qui a servi de boussole à beaucoup d’entre nous, nuançait ce constat en estimant que le système de retraite n’était pas menacé et que le déficit serait de l’ordre de 0,3 % maximum du PIB à l’horizon 2025. Vous en conviendrez, c’est un niveau qui n’a rien d’alarmant.
Les dernières études du COR vont plus loin. Les dépenses de retraites ont été revues à la baisse : alors que les pensions représentaient 14 % du PIB avant la crise, elles se situent aujourd’hui autour de 13,7 %. La nuance de 0,3 % est importante, d’autant que les trajectoires montrent que la part des retraites dans le PIB continuera de baisser dans les années à venir.
Dans ces conditions, nous proposons une solution pour remédier au déficit temporaire par la création d’une contribution additionnelle déplafonnée sur l’ensemble des revenus d’activité, dont le taux serait de 1,4 % pour les salariés et de 3,4 % pour les employeurs. Cette solution ne pénaliserait ni les bas salaires, ni les travailleurs en deçà d’un revenu mensuel de 3 666 euros, ni les personnes assujetties.
M. le président. L’amendement n° 4269 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase du troisième alinéa de l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, après les mots : « ces cotisations », sont insérés les mots : « , qui ne peut être inférieur à 2,29 % pour les salariés et 4,09 % pour les employeurs, ».
Cet amendement a déjà été défendu.
L’amendement n° 4346 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase du troisième alinéa de l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, après le mot : « cotisations », sont insérés les mots : « , qui ne peut être inférieur à 2 % pour les salariés et 3,8 % pour les employeurs, ».
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Il est défendu.
M. le président. L’amendement n° 4344 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase du troisième alinéa de l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, après le mot : « cotisations », sont insérés les mots : « , qui ne peut être inférieur à 3 % pour les employeurs, ».
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Chacun en conviendra, la question du niveau des cotisations patronales pour financer l’assurance vieillesse est un véritable sujet. Nos amendements vont dans le sens d’une augmentation des cotisations patronales, car, du côté des salariés, des efforts ont été faits depuis trente ans, qui ont entraîné de lourds sacrifices.
Pour nous, ce sont des reculs sociaux qui sont, bien sûr, fortement préjudiciables à nos compatriotes. Je rappelle que, depuis 1993, le montant des pensions de retraite est calculé en fonction non plus des dix, mais des vingt-cinq meilleures années. Depuis cette année-là, le nombre de trimestres de cotisations pour une pension complète est passé de 37,5 années, soit 150 trimestres, à 40 années, soit 160 trimestres. Depuis 1993, les pensions des retraités sont indexées non plus sur les salaires bruts, mais sur les prix, entraînant un ralentissement de leur revalorisation et, par conséquent, une diminution du pouvoir d’achat.
Depuis cette même année, les régimes spéciaux ont été alignés sur les conditions du régime général, au détriment de la prise en compte de la pénibilité des métiers – il en a été question hier dans cet hémicycle.
Pour ces raisons, nous considérons que le patronat doit accepter de payer davantage les salariés en remontant le niveau de cotisations, afin d’augmenter le salaire socialisé qui est le fondement même de notre système de sécurité sociale.
M. le président. L’amendement n° 4345 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase du troisième alinéa de l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, après le mot : « cotisations », sont insérés les mots : « , qui ne peut être inférieur à 2 % pour les employeurs, ».
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Chers collègues de la gauche, l’ensemble de vos amendements visent à augmenter les cotisations, en particulier patronales, ou à modifier le taux des cotisations pour les salaires les plus hauts.
Cela revient à alourdir les charges des entreprises – et de toutes les entreprises.
M. Yan Chantrel. Ce sont des cotisations, pas des charges !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il n’est en effet jamais question dans vos amendements de taux particulier pour le secteur privé, pour le secteur public ou encore pour le milieu associatif. Tous les secteurs sont concernés. Vous « chargez » l’entreprise, ce qui signifie que vous chargez aussi les coûts de production. Là encore, c’est la compétitivité de la France qui est mise en jeu.
Cela aura aussi des répercussions sur l’emploi. Or nous cherchons à atteindre le plein emploi, et non à supprimer des emplois ou à ralentir les embauches dans notre pays. C’est le premier point auquel je voulais que vous prêtiez attention.
Les cotisations sont très élevées en France, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire. Il suffit de regarder les déclarations sociales nominatives des entreprises sur lesquelles figure le niveau de cotisations !
Est-ce vraiment le bon moment pour ajouter des charges aux entreprises, alors que, à l’instar de nos concitoyens, elles doivent faire face à des difficultés liées au coût de l’énergie et relever de nombreux enjeux, comme la décarbonation ? On l’a dit ce matin, les entreprises doivent aussi faire des efforts et des progrès, notamment en ce qui concerne les carrières hachées, le temps partiel, l’intégration des femmes et l’emploi des seniors.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Nous sommes ici au cœur du débat sur le financement de notre système de retraite. (M. Bernard Jomier acquiesce.) Ce qui me satisfait, c’est qu’au travers de vos amendements, mesdames, messieurs les sénateurs de la gauche, vous reconnaissez qu’il existe bien un problème de financement,…
M. Fabien Gay. On est d’accord !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. … alors que cela a pu faire débat, y compris médiatiquement, ces derniers mois. On a parfois entendu certains responsables politiques remettre en cause le fait qu’il y aurait un problème de financement et que notre système de retraite serait déséquilibré.
Mme Éliane Assassi et M. Fabien Gay. Pas nous !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Dont acte.
Si vous proposez d’augmenter les cotisations, c’est bien que vous reconnaissez qu’il y a un problème de financement de notre système.
Face à ce problème de financement de notre système, si nous ne faisons rien, nous aurons dans quelques années de gros problèmes pour payer les pensions des retraités. Il faut donc prendre les bonnes décisions.
Plusieurs possibilités existent. De ce point de vue, la ligne que vous défendez a le mérite de la cohérence : vous proposez d’augmenter la pression fiscale et sociale, les impôts et les cotisations.
M. Fabien Gay. Sur les plus hauts revenus !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. En l’occurrence, il s’agit ici des cotisations sur l’entreprise ou sur le salarié.
Les amendements en discussion commune visent à prévoir des taux et des assiettes différents.
M. Fabien Gay. On propose d’élargir l’assiette, soyez précis !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Globalement, vous proposez d’augmenter soit les cotisations de l’employeur, soit celles du salarié.
Contrairement à ce que j’ai pu entendre, vous n’avez pas seulement visé les salariés qui auraient un salaire supérieur à 3 700 euros.
M. Fabien Gay. Supérieur à 3 667 euros !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. L’exposé des motifs de certains amendements indique que ne sont visés que les salariés gagnant plus de 3 600 euros, mais ils sont rédigés de telle sorte – et je peux vous assurer que mes services les ont analysés – que leur adoption conduirait à augmenter les cotisations de l’ensemble des salariés. Ainsi, si l’amendement n° 4284 rectifié était voté, un salarié au Smic perdrait 410 euros de salaire sur l’année !
J’ai entendu certains dire que cela représentait quelques dizaines d’euros par mois et que ce n’était pas grand-chose. Je me souviens qu’au moment de la baisse de 5 euros des aides personnelles au logement (APL) on nous expliquait que 5 euros, c’était énorme ! (Protestations sur les travées du groupe CRCE. – Mme Victoire Jasmin proteste également.)
Là, vous retirez plusieurs dizaines, voire une cinquantaine d’euros à des salariés, alors même que, on le sait, dans cette période d’inflation, un certain nombre de Français connaissent des difficultés. Je ne suis pas évidemment pas d’accord avec ce type de proposition.
D’autres amendements ont pour objet des augmentations de cotisations salariales, à partir de 2 900 euros de salaire net. Avec ce montant, vous touchez un quart des salariés. Je vous alerte sur un point : 10 % des Français payent aujourd’hui 70 % de l’impôt sur le revenu.
M. Laurent Duplomb. C’est quelque chose !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Les Français qui travaillent dur pour toucher ce niveau de salaire voient beaucoup d’argent public être investi, dépensé, pour accompagner des Français qui ne travaillent pas. Les classes moyennes françaises ont aujourd’hui le sentiment que c’est toujours à elles que l’on demande des efforts pour financer des mesures qui ne les concernent jamais. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Je suis en désaccord avec la ligne que vous défendez, mais c’est un beau débat. Selon moi, l’adoption de ces amendements entraînerait soit une destruction d’emplois, soit une destruction de pouvoir d’achat.
Je répondrai maintenant à deux interventions spécifiques.
Monsieur Gay, vous m’avez interrogé sur les exonérations de cotisations. L’État compense aujourd’hui 70 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales,…
M. Fabien Gay. C’est bien trop !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. … qui ont été décidées sous tous les gouvernements.
J’ai cité tout à l’heure l’exemple du gouvernement de François Hollande, avec ses 25 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales. Je pourrais aussi évoquer un gouvernement auquel les communistes ont participé, celui de la gauche plurielle de Lionel Jospin : il a doublé le montant des exonérations de cotisations sociales, qui sont passées de 10 à 20 milliards au cours de la législature concernée.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il avait baissé la TVA !
M. David Assouline. C’était en lien avec les 35 heures !
Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est pour cela qu’il n’a pas été réélu et c’est ce qui vous arrivera demain !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. L’Insee a estimé à 300 000 le nombre d’emplois créés via ces exonérations sociales.
Le montant de la compensation de l’État à la sécurité sociale s’élève donc à 70 milliards d’euros et, je vous confirme, puisque telle était votre question, monsieur Gay, qu’il n’est pas du tout prévu de revenir sur cette mesure.
Madame Lienemann, vous avez indiqué que 700 000 salariés seulement avaient perçu la prime Macron.
Nous venons de publier les chiffres pour 2022 : 5,5 millions de salariés en ont bénéficié – et pas seulement des salariés de grandes entreprises ou de multinationales ! Ainsi, 2 millions de salariés qui ont touché la prime travaillent dans des entreprises de moins de 50 salariés. C’est dans les très petites entreprises (TPE) que le montant de la prime Macron est le plus élevé, avec une moyenne de 1 000 euros.
Cela ne correspond pas du tout aux chiffres que vous avez donnés. Au contraire, cette prime est un très bel outil de partage de la valeur dans l’entreprise, que nous soutenons évidemment.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. Michel Canévet. Excellent !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Madame la rapporteure générale, la thèse selon laquelle l’augmentation raisonnable – nous n’avons pas fait de propositions démesurées – des cotisations patronales de retraite nuirait à la compétitivité des entreprises françaises fait partie, permettez-moi de le dire, des « ronrons » avancés sans preuve.
M. Gérard Longuet. Il suffit de voir le déficit commercial de notre pays !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Justement ! Malgré les 150 milliards d’euros de baisses de cotisations, le déficit commercial se creuse. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a plus de stratégie industrielle,…
Mme Valérie Boyer. Parce qu’on a bradé notre industrie !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … parce qu’on a laissé faire le dumping social, parce qu’on a laissé augmenter le prix de l’énergie dans le cadre du marché européen. (M. Laurent Duplomb s’exclame.) Vous avez laissé s’affaiblir tous les éléments de la compétitivité historique de la France par vos choix européens. (M. Arnaud Bazin le conteste.) Il ne vous reste plus qu’une seule chose à essayer : baisser le « coût » du travail, et cela ne marche pas !
M. Michel Canévet. Selon vous !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Non, pas selon moi ! Nous sommes tous d’accord pour constater que le déficit de la balance commerciale est abyssal !
Il faut des politiques industrielles. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Seule Mme Lienemann a la parole !
Mes chers collègues du groupe Les Républicains, si vous souhaitez intervenir, il est tout à fait possible de demander à vous inscrire en explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mais oui, n’hésitez pas à me répondre, mes chers collègues ! Ne manquez pas de participer à cette argumentation si nécessaire à notre débat !
Par ailleurs, nous demandons une augmentation de l’assiette des cotisants,…
Mme Cathy Apourceau-Poly. Eh oui !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … et pas du niveau global des cotisants !
Évidemment, l’élargissement de l’assiette peut conduire à une augmentation de la cotisation.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Fabien Gay ou d’autres vous expliqueront pourquoi.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je commencerai par adresser à M. Attal une supplique : qu’il cesse ses provocations !
M. Laurent Duplomb. Quand c’est vous, en revanche, c’est normal !
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, vous voulez qu’on aille plus vite : si vous nous provoquez, nous irons plus lentement…
Le communiqué de l’intersyndicale – elle ne vous l’a pas envoyé, je vais lui demander de le faire – se terminait par le souhait qu’à partir de demain on mette la France à l’arrêt. Mettre la France à l’arrêt, ce n’est pas la mettre à genoux – cela, c’est vous qui vous en occupez !
J’interviens sur l’amendement n° 4283 rectifié et revient sur le problème des cotisations. Monsieur Attal, puisque vous êtes attentif aux sondages, en voici un : 66 % des jeunes actifs de 18 ans à 24 ans, c’est-à-dire les deux tiers, sont favorables à l’augmentation des cotisations plutôt qu’au levier que vous activez, à savoir l’allongement de l’âge d’ouverture des droits à la retraite. Cette tranche d’âge n’est pourtant pas favorisée en matière de pouvoir d’achat ! Il serait donc préférable que vous ne parliez pas au nom des salariés sur la question du pouvoir d’achat.
Je termine sur la question de la compétitivité, qui est peut-être davantage votre sujet. Nous n’avons pas le même diagnostic : ce n’est pas le coût du travail qui pèse sur la compétitivité, c’est celui du capital ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Oui, quand les dividendes représentent 10 % du PIB, quand on élabore une stratégie délétère d’investissement pour obtenir des profits,… (Nouvelles exclamations et marques d’impatience sur les mêmes travées.)
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Raymonde Poncet Monge. … c’est bien le coût du capital qui plombe la compétitivité.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Briquet. La réforme des retraites proposée par le Gouvernement va contribuer à renforcer les inégalités, alors même que celles-ci se creusent. Le prétexte financier mis en avant par le Gouvernement n’est pas crédible.
En effet, il existe de nombreuses sources de financement qui permettraient de ne pas pénaliser de nouveau les travailleurs et les travailleuses, tout en renforçant une solidarité largement mise à mal depuis plusieurs années.
Monsieur le ministre, votre réforme n’est pas une réforme de notre système de retraite ! C’est une mesure d’économie que vous avez choisie délibérément, un arbitrage économique. Bruno Le Maire ne s’en est d’ailleurs jamais caché : c’est le moyen choisi pour envoyer un signe à Bruxelles et afficher ainsi une réduction globale du déficit que le Gouvernement a lui-même aggravé.
Cette réforme est aussi, et surtout, un moyen de poursuivre une politique d’allégement fiscal pour les plus aisés et le désarmement fiscal de notre pays.
Belle manière de dire aux Français les plus modestes : payez et payez toujours, contentez-vous du peu de services publics qui résistent encore et, cerise sur le gâteau, travaillez et cotisez deux ans de plus !