M. Fabien Gay. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36 de notre règlement.
Monsieur le ministre, vous le savez, nos travaux sont extrêmement suivis. D’ailleurs, les salariés des industries électriques et gazières ont décidé, dès hier soir, avec leur syndicat majoritaire, la CGT, de reprendre leur outil industriel en main, dans le nucléaire, l’hydroélectrique et le thermique.
M. Marc-Philippe Daubresse. Cela s’appelle de la pression !
M. Fabien Gay. De Flamanville à Tricastin, à Martigues ce matin, à Paluel, à Saint-Alban, à Ajaccio, ce sont d’ores et déjà 4 000 mégawattheures en moins sur le réseau électrique. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Ils prennent l’économie en otage !
M. Fabien Gay. Dans le même temps, les Robins des Bois ont, dès hier, procédé à des centaines de distributions d’électricité à celles et ceux qui en avaient été privés ou ont basculé les artisans, commerçants ou petites collectivités au tarif zéro.
Ils se rappellent, d’ailleurs, que vous avez refusé le tarif réglementé pour toutes les collectivités que nous avions proposé, comme vous avez refusé de sortir du marché européen de l’électricité.
Pour notre part, nous les soutenons et saluons leur mobilisation.
Nous reposons la question – je l’adresse directement à M. Retailleau, président du groupe Les Républicains : alors que nous partageons le souci de la souveraineté électrique et énergétique de la France et alors que nous voterons, au mois de juin ou juillet prochain, la création de huit nouveaux EPR, comment y parviendrons-nous sans salariés sous statut et sans régimes spéciaux ?
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Vous l’avez déjà dit !
M. Fabien Gay. Comment attirerons-nous des talents sans attractivité ? Il faut nous le dire !
M. Marc-Philippe Daubresse. Il faut un régime spécial pour cela ?
M. Fabien Gay. À moins que vous ne vous satisfassiez du dumping social et que nous allions chercher des travailleurs et des travailleuses de l’autre côté du monde… À moins que vous ne vous satisfassiez de ce qui a empêché la naissance de l’EPR de Flamanville et que ce soit, en réalité, l’organisation du dumping social que vous vouliez.
Il faut répondre à cette question ! Vous ne pourrez pas rester silencieux aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. Monsieur Gay, votre rappel au règlement ne portait pas sur l’organisation de nos travaux ! C’est un détournement manifeste de procédure. C’est le premier et le dernier.
Je le dis clairement : si, dans la suite de la discussion, un orateur recourt au rappel au règlement pour détourner la procédure, je lui retirerai la parole immédiatement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Martin Lévrier applaudit également.)
La parole est à M. Pierre Laurent, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Laurent. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 23 bis A, dont le premier alinéa prévoit que « les sénateurs s’obligent à participer de façon effective aux travaux du Sénat ».
J’ai une question à poser à nos collègues du groupe Les Républicains : estiment-ils, par l’attitude qu’ils ont adoptée depuis hier, qu’ils participent aux travaux du Sénat ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Nous avons deux rapporteurs !
M. Pierre Laurent. Leur attitude consiste à boycotter les travaux du Sénat et je demande au groupe s’il va continuer ainsi…
M. le président. Monsieur Laurent, votre rappel au règlement est aussi un détournement de procédure !
Cela suffit ! Je vous retire la parole. (Protestations sur les travées du groupe CRCE. – M. Pierre Laurent poursuit son intervention hors micro, sous les exclamations du groupe Les Républicains.)
La parole est à M. Claude Raynal, pour un rappel au règlement
M. Claude Raynal. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 33 du règlement, relatif à la police de la séance.
Sur la forme, je n’ai pas de commentaire à faire sur votre intervention de tout à l’heure. Sur le fond, je partage l’idée que nous devons nous respecter et nous écouter au sein de cette assemblée. J’aurais cependant apprécié que votre interpellation soit élargie à l’ensemble des intervenants.
Je le dis très amicalement, l’intervention de Mme la rapporteure générale, qui s’adresse à une partie de l’hémicycle en lui posant des questions, appelle des réponses. Je rappelle que, une fois que l’on a pris la parole, on ne peut plus intervenir de nouveau dans le débat. Dès lors, comment répondre à des questions qui nous sont posées après coup ?
J’en appelle donc évidemment, sur la forme, au respect de la parole de chacun dans le débat, mais aussi à ce que les rapporteurs s’abstiennent de telles interpellations. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Marc-Philippe Daubresse. En plus, ils veulent encadrer le débat…
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour un rappel au règlement.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, ce rappel au règlement se fonde sur l’article 36 du règlement, relatif à l’organisation de nos travaux.
Nous sollicitons une suspension de séance de quelques minutes pour réorganiser les dossiers de séance à la suite de nombreuses erreurs matérielles dans l’ordre des signataires des amendements. (Exclamations sur les travées du groupe UC.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
Il n’y a pas de suspension de droit pour corriger des erreurs matérielles, mais une brève suspension permettra à chacun de se calmer…
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures cinquante-cinq, est reprise à onze heures.)
M. le président. La séance est reprise.
Article 1er (suite)
Amendements identiques de suppression de l’article
M. le président. Je suis saisi de cinquante et un amendements identiques.
L’amendement n° 2 rectifié est présenté par Mmes Assassi et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, MM. Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas.
L’amendement n° 129 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel.
L’amendement n° 130 est présenté par M. Gontard.
L’amendement n° 131 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Labbé, Parigi et Salmon.
L’amendement n° 200 est présenté par Mme Blatrix Contat.
L’amendement n° 280 est présenté par M. Féraud.
L’amendement n° 312 est présenté par M. Pla.
L’amendement n° 342 est présenté par Mme Briquet.
L’amendement n° 366 est présenté par Mme Féret.
L’amendement n° 449 est présenté par M. Fichet.
L’amendement n° 484 est présenté par M. Chantrel.
L’amendement n° 518 est présenté par M. Gillé.
L’amendement n° 567 est présenté par Mme de La Gontrie.
L’amendement n° 579 est présenté par M. Redon-Sarrazy.
L’amendement n° 666 est présenté par Mme Le Houerou.
L’amendement n° 726 est présenté par M. M. Vallet.
L’amendement n° 808 est présenté par M. Jacquin.
L’amendement n° 821 est présenté par M. Lozach.
L’amendement n° 861 est présenté par M. Durain.
L’amendement n° 896 est présenté par M. Lurel.
L’amendement n° 941 est présenté par M. Cardon.
L’amendement n° 980 est présenté par M. Raynal.
L’amendement n° 1008 est présenté par M. Stanzione.
L’amendement n° 1029 est présenté par Mme G. Jourda.
L’amendement n° 1059 est présenté par M. Houllegatte.
L’amendement n° 1075 est présenté par M. Tissot.
L’amendement n° 1096 est présenté par M. Éblé.
L’amendement n° 1151 rectifié bis est présenté par Mme Lubin.
L’amendement n° 1205 est présenté par M. Mérillou.
L’amendement n° 1238 est présenté par Mme Jasmin.
L’amendement n° 1268 est présenté par M. Montaugé.
L’amendement n° 1314 est présenté par Mme Préville.
L’amendement n° 1338 est présenté par M. Marie.
L’amendement n° 1371 est présenté par M. Bourgi.
L’amendement n° 1404 est présenté par M. Sueur.
L’amendement n° 1434 est présenté par M. Kerrouche.
L’amendement n° 1502 est présenté par Mme M. Filleul.
L’amendement n° 1541 est présenté par Mme Monier.
L’amendement n° 1579 est présenté par M. Assouline.
L’amendement n° 1590 est présenté par M. J. Bigot.
L’amendement n° 1620 est présenté par Mme Poumirol.
L’amendement n° 1650 est présenté par Mme Meunier.
L’amendement n° 1662 est présenté par Mme Bonnefoy.
L’amendement n° 1691 est présenté par M. Leconte.
L’amendement n° 1748 est présenté par M. Todeschini.
L’amendement n° 1789 est présenté par M. Jomier.
L’amendement n° 1817 est présenté par M. Kanner.
L’amendement n° 1990 est présenté par Mme Rossignol.
L’amendement n° 2069 est présenté par M. Jeansannetas.
L’amendement n° 2257 est présenté par Mme Espagnac.
L’amendement n° 3871 est présenté par Mme Apourceau-Poly.
Ces cinquante et un amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement de suppression exprime notre désaccord face à la suppression des régimes spéciaux. Nous plaidons, a contrario, pour leur généralisation.
En effet, il s’agit de régimes pionniers en matière de droit à la retraite, en cela qu’ils reconnaissent la pénibilité physique du travail, qui raccourcit parfois la durée de vie.
La pénibilité, ce sont les contraintes liées au maintien de services 365 jours par an et 24 heures sur 24, dans des conditions exigeantes : travail de nuit, horaires décalés, astreintes, port de charges lourdes, environnement de travail bruyant, exposition à des substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR)…
En outre, les régimes spéciaux indexent les pensions sur les salaires, au contraire du régime général, qui les indexe sur les prix. Ce type d’indexation induit chaque année une perte de pouvoir d’achat pour les retraités. Aussi, sur quinze ans, le recul est estimé à 20 points. Autrement dit, une pension qui représentait, au moment de la liquidation, en 2015, 80 % du Smic, ne représentera plus, en 2030, que 60 % du Smic.
L’indexation sur les prix fait donc basculer une grande partie des retraités dans la pauvreté et dans la dépendance aux aides sociales. C’est pourquoi il est absolument urgent d’amorcer dès maintenant un retour pour toutes et tous à l’indexation sur les salaires. Cela constitue une condition sine qua non de la pérennité du système par répartition.
Ainsi, nous demandons la généralisation des régimes spéciaux au régime général et donc la suppression de cet article.
Madame la rapporteure générale, je vous invite, avant de donner des arguments, à être sûre de votre fait. Nous avons auditionné, en commission des affaires sociales, M. Nicolas Mitjavile, directeur général de la Caisse nationale des industries électriques et gazières (Cnieg), qui nous a dit que son régime était parfaitement équilibré. Il a même évoqué une trésorerie de 700 millions d’euros, gérée par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).
Nous voulons débattre de nos désaccords, mais faisons-le sur le fondement d’arguments qui reposent sur la réalité des faits.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 129.
Mme Raymonde Poncet Monge. Ne sachant pas comment justifier sa réforme, le Gouvernement a tenté d’invoquer, en faisant preuve d’un certain culot, la justice sociale. Ainsi sont avancés, dans l’exposé des motifs, les principes d’équité, d’universalité, etc.
Procéder à une politique de justice et d’équité, ce serait appliquer des mesures ambitieuses et sérieuses de prise en compte de la pénibilité à tous les travailleurs de toutes les branches qui accomplissent des travaux pénibles ou qui sont exposés à des facteurs de pénibilité, plutôt que de niveler les droits sociaux par le bas.
La vraie question est de savoir si ces régimes spéciaux sont justifiés ou non par la pénibilité des métiers classés en catégorie active. Je rappelle que des tableaux très pertinents, comportant de nombreuses subdivisions définissent les critères de pénibilité, que nous essayons, en vain, de faire reconnaître – notamment en vue d’ouvrir, dans les autres branches, la possibilité de profiter de départs anticipés.
J’ai entendu, lors des auditions que nous avons menées en commission, quelqu’un dire que, dans ces régimes spéciaux, les salariés partaient parfois à la retraite sans « être cassés ». Ah bon ? Tout est dit lorsque l’on qualifie – et certains l’ont fait – d’« effet d’aubaine » le départ anticipé de salariés qui ont été exposés à des risques, mais ne sont pas « cassés ».
Les effets d’aubaine ne sont jamais ceux des employeurs… Ceux que l’on traque sans répit, ce sont ceux dont bénéficient les travailleurs, c’est-à-dire des salariés qui sont couverts par leur appartenance à une catégorie active ou à un régime spécial et qui partent à la retraite – quelle honte en effet… –, alors qu’ils pouvaient continuer de travailler jusqu’à l’apparition des premiers symptômes de dégradation de leur santé.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 130.
M. Guillaume Gontard. La suppression des régimes spéciaux concerne les industries électriques et gazières, la RATP, les clercs et employés de notaires, la Banque de France et les membres du Conseil économique, social et environnemental, pour les agents qui seront recrutés à compter du 1er septembre 2023.
La suppression de ces régimes spéciaux constitue une stratégie supplémentaire du Gouvernement pour faire oublier le principal : le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Ce gouvernement est prêt à toutes les manœuvres pour opposer les Français les uns aux autres. Les régimes spéciaux sont stigmatisés pour pouvoir niveler par le bas les droits à la retraite. Le but de ce gouvernement est clair : fissurer le front uni qui se dresse contre cette réforme injuste.
Cette stigmatisation est d’autant plus injuste que les régimes spéciaux concernent non pas l’ensemble des salariés de ces professions, mais seuls ceux qui occupent des fonctions impliquant des conditions de travail difficiles. À titre d’exemple, seuls 5 % des salariés de la RATP sont concernés par son régime spécial.
Si certains régimes spéciaux ont été supprimés, c’est seulement parce que la réforme du régime général a ouvert aux salariés des conditions proches de ces régimes.
Les régimes spéciaux protègent les salariés en prenant en compte la pénibilité de leur travail. Ils sont également nécessaires pour attirer de nouveaux salariés vers des secteurs tendus, au sein desquels les difficultés de recrutement ne vont que s’accroître.
Cette volonté de suppression est totalement hors sol, puisque le but est de remplacer les régimes spéciaux par le compte professionnel de prévention (C2P), dispositif inutile et même contre-productif, dont la Cour des comptes estime qu’il n’est pas à la hauteur des objectifs qui lui ont été assignés. Le C2P n’a plus aucune vertu de prévention.
Cela dit, il n’y a là rien d’étonnant : cette réforme injuste s’inscrit dans la continuité de la politique menée par Emmanuel Macron depuis 2017. La pénibilité et la souffrance au travail qui touchent les salariés sont complètement ignorées par ce gouvernement.
Le Président de la République avait ainsi supprimé quatre critères de pénibilité en 2017 : les postures pénibles, les vibrations mécaniques, les manipulations de charges lourdes et les agents chimiques dangereux. Et voilà que le Gouvernement veut maintenant supprimer ce qu’il reste de droits aux salariés qui travaillent dans des conditions difficiles !
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 131.
M. Thomas Dossus. Tout d’abord, je tiens à alerter le président Retailleau qui, dans son intervention en discussion générale, nous enjoignait de choisir entre la société du droit à la paresse et celle du travail que la paresse et la langueur semblent avoir gagné les rangs de son groupe, qui se livre à un non-débat. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Rires sur les travées du groupe CRCE.)
Madame la rapporteure, vous avez demandé que l’on fasse faire des efforts à tous les Français. Comme l’ont dit certains de mes collègues, un régime n’est pas étudié dans ce projet de loi : le nôtre. Quel exemple donnons-nous aux Français en nous attaquant à plusieurs régimes, mais pas au nôtre ?
Vous continuez de dérouler la maxime « forts avec les faibles, faibles avec les forts » : vous êtes durs avec les travailleuses et les travailleurs tandis que ceux qui bénéficient des superprofits et de la rente sont exemptés.
Pourtant, ce sont bel et bien celles et ceux qui travaillent qui savent ce qu’est la valeur du travail : une valeur non pas morale, mais économique et marchande, comme l’a rappelé notre collègue Laurence Rossignol. Ce sont bel et bien ces travailleurs du public et du privé qui font tourner le pays et le maintiennent à flot depuis la pandémie.
Nous aurions aimé débattre en préambule des facteurs de pénibilité, plutôt que de niveler les droits vers le bas pour tout le monde.
Monsieur le ministre, nous aimerions vous suivre lorsque vous prétendez vouloir sortir de la logique de statut pour aboutir à la reconnaissance de plusieurs facteurs de pénibilité et d’usure, mais l’article 1er ne le permet pas. Il s’agit d’un article de division, auquel nous disons « non ! », comme à ceux qui le suivent.
Si vous voulez que nous vous suivions sur les facteurs d’usure et de pénibilité, demandez l’examen en priorité de l’article 9, afin que nous puissions débattre de ces facteurs avant de procéder à un nivellement vers le bas pour tout le monde.
M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour présenter l’amendement n° 200.
Mme Florence Blatrix Contat. L’article 1er supprime, pour les agents recrutés à compter du 1er septembre 2023, les régimes spéciaux de retraites de cinq entités. Cet amendement vise à revenir sur cette suppression.
En réalité, les régimes spéciaux concernent non pas l’ensemble des salariés des secteurs concernés, mais uniquement ceux qui ont les conditions de travail les plus pénibles. Ainsi, en 2019, les retraités recevant une pension au titre des régimes spéciaux représentaient environ 6 % de l’ensemble des retraités.
Mettre fin aux régimes spéciaux sous prétexte d’équité et d’une supposée universalité est une diversion pour faire oublier que chacun va pâtir du report de l’âge légal.
Il est faux d’affirmer que les régimes spéciaux sont un privilège à abolir. La situation devant l’emploi est inégale. Certaines professions, par leurs horaires, les effets qu’elles produisent sur le corps et le stress qu’elles engendrent, sont particulièrement pénibles. Les régimes spéciaux sont la contrepartie de sujétions particulières.
Par ailleurs, les métiers concernés sont essentiels à notre pays et relèvent de secteurs qui rencontrent des difficultés de recrutement. La mise en cause des régimes spéciaux de retraite renforcera cette carence. Prendre en compte la pénibilité est non pas un privilège, mais une mesure de justice sociale.
Il s’agit de régimes pionniers, souvent issus de la négociation. Votre volonté de les supprimer est idéologique et dogmatique. Plutôt que de chercher à aligner les droits des salariés vers le bas en supprimant les régimes spéciaux, il faut au contraire que l’ensemble des salariés exposés à la pénibilité puissent partir plus tôt. Voilà en quoi consisterait la justice sociale !
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter l’amendement n° 280.
M. Rémi Féraud. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er, car on ne supprime pas des décennies d’histoire sociale de la France de la sorte, sans aucune négociation, sans aucune compensation et sans aucun accord avec la moindre organisation syndicale.
La suppression des régimes spéciaux est l’arbre qui cache la forêt. M. Retailleau a déclaré qu’il souhaitait supprimer des cas flagrants d’injustice. Or ce genre de cas, il y en a beaucoup et il y en a de vrais.
Vous avez supprimé l’ISF à un moment où les inégalités de patrimoine augmentaient – rétablissons-le !
Vous avez supprimé la flat tax, ce qui fait que le travail est bien plus taxé que le capital – supprimons-la !
Vous avez refusé d’instaurer un minimum jeunesse alors que les jeunes représentent un quart des bénéficiaires des Restos du cœur – instaurons-le !
Vous avez refusé de taxer les superprofits. Nous avons appris ce matin que la Compagnie maritime d’affrètement Compagnie générale maritime (CMA GGM) avait réalisé, en 2022, 23,5 milliards d’euros de bénéfice net, qui n’est taxé qu’à 2 %, à la faveur de l’application d’une taxe au tonnage plutôt que d’une imposition sur les bénéfices. Supprimons ce privilège !
S’il s’agit de supprimer des privilèges, nous avons des idées : commençons par supprimer le régime spécial des superprofits et des très riches dans ce pays ! Dès lors, vous nous trouverez à vos côtés.
En attendant, nous proposons de supprimer cet article et, pourquoi pas, d’organiser, comme l’a suggéré la rapporteure générale, un référendum. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Émilienne Poumirol. Bravo !
M. le président. L’amendement n° 312 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour présenter l’amendement n° 342.
Mme Isabelle Briquet. Les régimes dits spéciaux résultent de luttes et de conquêtes sociales. Quel besoin y a-t-il de les supprimer, qui plus est en les présentant comme des régimes de faveur ? Aucun besoin, aucune urgence.
Les dépenses des régimes spéciaux diminuent de façon constante en part du PIB et avec elles les ressources nécessaires pour assurer leur équilibre budgétaire.
Aussi, la manifestation de cette volonté de suppression des régimes spéciaux s’apparente plutôt à une manœuvre de diversion pour atténuer la seule réalité de cette réforme : le report de l’âge légal, dont tout le monde pâtira incontestablement.
Par ailleurs, à l’heure où les secteurs concernés peinent à recruter, la mise en cause de certains régimes spécifiques de retraite est contre-productive. Il est au contraire nécessaire de renforcer l’attractivité des secteurs déficitaires en emplois. Cette mesure est donc pour le moins malvenue.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour présenter l’amendement n° 366.
Mme Corinne Féret. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er, car si vous dites, monsieur le ministre, souhaiter mettre fin aux régimes spéciaux sous prétexte d’équité et d’une supposée universalité, il s’agit en réalité d’une diversion pour faire oublier que cette réforme, c’est deux ans de plus pour tous ! N’oublions pas l’argument majeur de cette réforme.
Une fois de plus, vous faites preuve d’une volonté de diviser les Français entre ceux qui seraient privilégiés et les autres. Or ceux qui seraient privilégiés travaillent dans des conditions extrêmement pénibles. Mais ce n’est vraisemblablement pas votre priorité, puisque vous avez supprimé, dès 2017, quatre critères de pénibilité sur dix. Cela dit tout de votre conception de la pénibilité, que vous n’appelez même plus ainsi, mais « usure professionnelle ».
Par ailleurs, je tiens à revenir sur les propos du rapporteur René-Paul Savary selon lesquels cette mesure ne serait pas brutale, car elle s’appliquerait de manière progressive d’ici à 43 ans. Dans ce cas, pourquoi M. Retailleau, qui appartient au même groupe politique que lui, a-t-il déposé un amendement portant article additionnel après l’article 7, et seulement à ce stade de l’examen du texte – pourquoi ne pas l’avoir déposé sur l’article 1er pour en discuter dès maintenant ?– visant à supprimer les régimes spéciaux dès 2023 ? Si ce n’est pas une mesure brutale, je ne sais pas comment la qualifier.
Il est vrai que la totalité des membres du groupe Les Républicains ne figurent pas parmi les cosignataires de cet amendement. Au reste, c’est votre affaire, cela ne nous regarde pas… Pour autant, je constate, une fois de plus, votre silence dans ce débat si important pour l’avenir de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour présenter l’amendement n° 449.
M. Jean-Luc Fichet. À l’heure où les secteurs concernés sont, pour plusieurs d’entre eux, en manque d’agents et de salariés, la mise en cause des services spéciaux de retraite renforcera cette carence de recrutement.
M. le rapporteur Savary nous a expliqué, en somme, qu’il ne fallait pas parler de ces métiers difficiles afin de ne pas aggraver les difficultés de recrutement. Cette méthode me semble un peu juste…
La fin des régimes spéciaux est une diversion pour faire mieux passer la pilule du passage à la retraite à 64 ans. Certaines professions, par leurs horaires, les effets qu’elles produisent sur le corps ou le stress qu’elles engendrent, sont particulièrement pénibles et sont parfois même source de souffrances.
En vue de réduire le nombre de salariés se retrouvant en situation de longue maladie à la suite de nombreuses interventions de chirurgie ou à cause de troubles musculo-squelettiques, il vaudrait mieux ne pas relever de deux ans l’âge de départ à la retraite.
Aussi, je propose de supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour présenter l’amendement n° 484.
M. Yan Chantrel. Ce débat, qui porte sur les régimes spéciaux, nous permet de constater que deux visions du modèle social français s’opposent…
M. Laurent Duplomb. Une de droite et une de gauche !
M. Yan Chantrel. Selon vous, non seulement il n’est plus possible de prélever le moindre euro supplémentaire sur les grandes entreprises et les grandes fortunes, mais il faudrait même diminuer leur taux de prélèvement.
En conséquence, afin de maintenir l’équilibre du budget, vous avez, hier, baissé les prestations de l’assurance chômage, et vous voulez maintenant détricoter les régimes spéciaux, qui protègent celles et ceux qui exercent des métiers pénibles.
Pour vous, la vie et le marché se confondent : l’utilité se mesure à la seule valeur commerciale. Avant de vous demander comment améliorer la vie des êtres humains et le sort de la planète qui les nourrit, vous commencez toujours par vous demander à quoi consentiront les puissances de l’argent.
Or, pour les puissances de l’argent, chaque crise est l’occasion de réclamer de l’aide de la part de l’État. À l’inverse, dans les temps de prospérité, elles crient à la spoliation si on leur demande de contribuer davantage à la solidarité nationale.
La vision que nous défendons depuis le début de l’examen de ce texte, c’est celle d’Ambroise Croizat, qui s’était promis, à la Libération, que la retraite serait « non plus une antichambre de la mort, mais une nouvelle étape de la vie ». Vivre décemment jusqu’à son dernier souffle, laisser en paix les corps brisés par l’usure, voilà la grande conquête du XXe siècle sur laquelle vous voulez revenir avec cette réforme.