M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le sénateur Cigolotti, vous pointez une problématique sensible, qui m’occupe depuis mon arrivée au ministère des transports.
Je le rappelle brièvement, sans retracer tout l’historique, la directive européenne de 2014 prévoit soit la mise en place d’un contrôle technique obligatoire, soit des mesures alternatives, dans une optique de sécurité routière.
La Commission européenne a rendu publique son intention de proposer, dans les prochains mois, un nouveau projet de directive ou de règlement européens. Il imposera un contrôle technique pour les deux-roues, sans mesures alternatives possibles.
Dans le cadre juridique actuel, le Gouvernement avait privilégié, comme d’autres pays en Europe l’ont fait, la mise en place de mesures alternatives, dont on pensait qu’elles pouvaient atteindre les mêmes objectifs, en lieu et place de l’instauration d’un contrôle technique. Ce travail, conduit par mes prédécesseurs, avait fait l’objet de plusieurs étapes. Un décret, paru à l’été 2021, censé imposer le contrôle technique, a ensuite été abrogé, pour travailler de nouveau sur des mesures alternatives.
Vous l’avez dit, le 31 octobre dernier, le Conseil d’État a jugé que de telles mesures ne pouvaient « qu’être regardées comme trop ponctuelles et manifestement insuffisantes pour assurer efficacement la sécurité des usagers […] au regard des statistiques pertinentes de sécurité routière ». Pour le dire très clairement, cette décision ferme la voie à des mesures alternatives et imposera la mise en place d’un contrôle technique.
C’est dans cette optique, qui ne correspond pas à l’option retenue initialement par le Gouvernement, que j’ai engagé un travail de concertation avec les associations de motards et d’autres associations. Je serai amené à présenter dans quelques semaines le résultat de ces travaux. Je le dis très sincèrement, si nous avons à mettre en œuvre un contrôle technique, je souhaite qu’il soit respectueux des équilibres trouvés. Nous aurons à tirer toutes les conséquences de cette décision de justice, après avoir fait tous les efforts nécessaires pour que les mesures alternatives puissent vivre. Toutefois, le nouveau cadre juridique devra désormais être respecté.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour la réplique.
M. Olivier Cigolotti. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le ministre.
Je tiens simplement à ajouter que, si ce contrôle technique doit être mis en œuvre, il devra être pensé dans une logique de bon sens, c’est-à-dire en privilégiant un contrôle principalement tourné sur le niveau des émissions sonores et polluantes, et peut-être plus particulièrement pour les cyclomoteurs de moins de 50 centimètres cubes.
modification du système de compensation financière des indemnités kilométriques des infirmiers libéraux de haute-savoie
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, auteure de la question n° 362, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Mme Sylviane Noël. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la situation que traversent les infirmiers libéraux, à la suite d’une décision de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Haute-Savoie de modifier les modalités de remboursement de leurs indemnités kilométriques depuis le mois de novembre dernier, ce qui pénalise fortement les professionnels exerçant en zones rurales et de montagne.
En effet, dans ces secteurs parfois éloignés et difficiles d’accès, qui sont escarpés et enneigés une bonne partie de l’année, le rythme de visite des patients est fortement différent de l’exercice en milieu urbain et en fond de vallée. Ces contraintes doivent être prises en compte dans le calcul des compensations kilométriques, faute de quoi le manque à gagner pour les infirmières est inévitable.
Ainsi, la différence entre le nouveau et l’ancien mode de calcul est stupéfiante. À titre d’exemple, sur la commune de Passy, la perte de revenus s’élève à 23 % ; au Grand-Bornand, à 15 % ; et à Taninges, à 22,6 %. Le manque à gagner est réel et se produit dans un contexte de forte inflation, qui touche particulièrement les carburants.
Ces infirmiers libéraux réalisent au quotidien un travail exceptionnel, au plus près des patients et des territoires, permettant le maintien à domicile des malades. Leur action contribue ainsi au désengorgement de nos établissements de santé, fortement embolisés par une pénurie de personnel inédite.
Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour remédier à cette injustice ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Madame la sénatrice Noël, je vous réponds au nom du ministre de la santé François Braun.
Le coût des transports est au cœur des préoccupations de nos concitoyens. C’est particulièrement vrai pour un certain nombre de professionnels, dont les infirmiers libéraux, qui se rendent au domicile des patients.
En 2019, les partenaires conventionnels avaient convenu d’un abattement du tarif du remboursement des indemnités kilométriques, au regard de la distance journalière facturée par l’infirmier.
Cette nouvelle disposition importante permet de limiter les indus et de laisser la possibilité de facturer « en étoile », c’est-à-dire sans mesurer à chaque fois la distance entre le domicile du patient et le cabinet de l’infirmier.
Dans un esprit de souplesse, la possibilité d’adapter les modalités de facturation aux spécificités locales avait été laissée.
Le nouvel accord de la CPAM de Haute-Savoie met en place des règles plus avantageuses : prise en compte des kilomètres effectués au sein d’une même commune, à partir de 1,5 kilomètre, qui n’étaient auparavant pas indemnisés ; valorisation des indemnités au titre de la « zone montagne » étendue à l’ensemble du territoire de la Haute-Savoie.
De manière plus globale, le Gouvernement soutient l’implication des infirmiers libéraux dans la prise en charge des patients à domicile.
L’avenant du mois de janvier dernier prévoit un doublement des nouvelles rémunérations sur le bilan de soins infirmiers pour la période allant jusqu’à 2024, soit plus de 200 millions d’euros.
Ces mesures s’ajoutent aux dispositions de l’avenant de 2019, qui améliore la prise en charge et l’accès aux soins des patients.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 confie de nouvelles missions aux infirmiers, comme l’élargissement de leurs compétences vaccinales ou une expérimentation pour la réalisation des certificats de décès, ce qui est de nature également à améliorer leur pouvoir d’achat.
Sur la question des indemnités en particulier, et pour prendre en compte des situations locales, nous sommes prêts, avec François Braun, à examiner chaque situation avec vous dans les prochaines semaines.
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour la réplique.
Mme Sylviane Noël. J’entends votre réponse, monsieur le ministre. Mais, sur le terrain, les infirmières ont une tout autre vision de ce qui se passe : 14,28 euros pour vingt-quatre visites, soit 60 centimes en moyenne d’indemnités horokilométriques montagne par visite. Voilà la réalité de ce qu’elles vivent dans certains secteurs de Haute-Savoie.
Croyez-moi, à ce niveau-là de revenus, on ne peut pas survivre. Ce genre d’économies de bouts de chandelle ne nous mènera malheureusement à rien. Il faudra alors hospitaliser de nouveau certains patients, qui ne pourront plus être maintenus à domicile. Au final, cela nous coûtera beaucoup plus cher et risque d’accroître la pénurie en matière d’offre de soins dans certains secteurs. Il est donc urgent d’agir.
insécurité et prévention de la délinquance en outre-mer
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, auteure de la question n° 392, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Victoire Jasmin. Ma question porte sur la généralisation des conseils pour les droits et devoirs des familles (CDDF) en outre-mer.
Le CDDF est un dispositif d’aide à la parentalité fondé sur l’action sociale et éducative. Facultatif pour toutes les communes depuis la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite loi Engagement et proximité, le CDDF s’adresse aux parents de « mineurs en difficulté ».
C’est un cadre de dialogue chargé à la fois d’écouter et d’accompagner des familles volontaires qui ont des difficultés dans l’éducation de leurs enfants. Il peut être saisi par le maire chaque fois que le comportement de l’enfant entraîne des troubles à l’ordre et à la sécurité publics.
Or, dans un contexte croissant d’insécurité, les élus locaux d’outre-mer sont inquiets.
En effet, les chiffres fournis en 2021 par le ministère de l’intérieur font figurer les départements d’outre-mer parmi les plus criminogènes de France.
La population de Guadeloupe, tut comme celles de Guyane et de Mayotte, se retrouve plus souvent que celle de l’Hexagone confrontée à des actes de vols et de violences volontaires.
Sur l’année 2020, en Guadeloupe, les infractions en matière de sécurité ou liées à l’alcool posent problème. Les infractions en lien à la conduite sans permis ont triplé.
Cette insécurité concerne également les mineurs. Selon l’enquête Virage de 2018, les violences intrafamiliales sont plus élevées dans les outre-mer que dans l’Hexagone.
Par ailleurs, la Guadeloupe est confrontée à un phénomène de bandes organisées et à un niveau de délinquance juvénile important.
Dès lors, la prévention de la délinquance par des actions de sensibilisation complétant celles qui sont déployées en milieu scolaire est fondamentale pour impliquer et aider les familles en difficulté.
Il convient de permettre aux élus locaux d’activer tous les leviers en matière de sécurité, notamment au sein des groupements locaux de prévention – conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) et conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD) –, mais aussi par la généralisation des conseils pour les droits et devoirs des familles.
Monsieur le ministre, serait-il possible de généraliser ces dispositifs ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la sénatrice, comme vous le savez, les maires ont des fonctions essentielles en matière de prévention de la délinquance sur leur territoire.
Ils jouent un rôle prépondérant dans le diagnostic des phénomènes de délinquance et dans les actions de prévention à mettre en œuvre envers le public identifié.
Par ailleurs, ils participent pleinement à la dynamique locale impulsée par le préfet, dans le cadre du plan départemental de prévention de la délinquance, qui décline la stratégie nationale en la matière.
Dans l’exercice de telles missions, le maire dispose de nombreux outils réglementaires dont le rappel à l’ordre, la transaction et le conseil pour les droits et devoirs des familles, qui fait l’objet de votre question.
L’ensemble de ces dispositifs peut lui permettre d’agir efficacement à l’égard des mineurs en situation de fragilité comme à l’égard de ceux qui sont déjà passés à l’acte et qui courent le risque d’un basculement définitif dans la délinquance.
Lieu de coordination des dispositifs de prévention, le CDDF est également un espace de dialogue et d’alerte. Pour tous les jeunes concernés, une intervention de l’autorité républicaine incarnée par le maire, en présence des parents, est de nature à faire prendre conscience à chacun de ses droits et devoirs.
Le CDDF offre en effet un cadre juridique sécurisé où le maire peut recevoir le jeune mineur et sa famille, revenir sur le fait produit dans la commune et rappeler à ses parents toute l’importance de leur rôle éducatif. De la sorte, le CDDF permet d’assurer la prise en compte et le traitement des faits commis, sans avoir à solliciter une réponse judiciaire de facto limitée par la minorité de leurs auteurs.
Les parents en sortent responsabilisés et confortés dans leur rôle. Écouté et pris en compte, le jeune se sent considéré individuellement dans son parcours. Le maire, quant à lui, joue le rôle de proximité auprès de la population pour lequel il a été élu.
Je comprends donc parfaitement votre opinion sur l’importance des CDDF. Il est nécessaire d’encourager les maires de chaque commune à mettre en place cet outil réglementaire laissé à leur disposition.
À la suite de votre question, je saisirai directement les préfets pour qu’ils insistent auprès des maires sur la nécessité de réunir ses instances. Par ailleurs, le ministère de l’intérieur et des outre-mer a sollicité le Secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, afin qu’il se rapproche de l’Association des maires de France (AMF) et étudie avec elle comment promouvoir efficacement le dispositif. Nous agirons également à notre niveau, au cas par cas. À ce titre, l’expérience du préfet Lalanne en Martinique est éclairante.
barème de référence pour le calcul de la pension alimentaire
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, auteur de la question n° 008, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Yves Détraigne. J’appelle l’attention du Gouvernement sur ma question du 1er avril 2021. Contrairement à ce que la date peut laisser croire, le sujet est très sérieux – il porte sur la pension alimentaire et concerne des millions de familles –, et il aurait mérité une réponse !
La création d’un barème a permis de simplifier le calcul de la pension et il est normal que celui-ci figure sur le site de la Chancellerie. Mais attention à ne pas vouloir trop simplifier les choses, car les enjeux sont importants !
Tout d’abord, il serait bon de préciser sur le site que le barème n’a qu’une valeur indicative. C’est d’autant plus important que le barème prévoit un montant de pension à verser en cas de résidence alternée. Or, dans 75 % des divorces qui fixent une résidence en alternance, aucune contribution alimentaire n’est prévue. Même indicatif, ce barème « officiel », sans notice explicative, peut induire en erreur.
Plus étonnant encore, le barème laisse penser que les ressources du parent bénéficiaire du versement ne sont pas prises en compte dans le calcul de la pension, ce qui est contraire aux dispositions du code civil.
Il ne faut pas sacrifier la justice familiale sur l’autel de la simplification, voire de la déjudiciarisation du contentieux familial.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous apporter tous les éclaircissements utiles ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur Détraigne, le Gouvernement est pleinement mobilisé dans la lutte active contre les retards et les impayés des pensions alimentaires.
J’en veux pour preuve la récente systématisation de l’intermédiation financière des pensions alimentaires par les caisses d’allocations familiales (CAF), qui réduit fortement les inquiétudes liées à la prise en charge financière de l’enfant. J’ai d’ailleurs reçu hier pour une réunion de travail le directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Nous progressons sur le sujet, et je réunirai bientôt tous les directeurs de CAF, en accord avec le directeur général de la Cnaf.
En premier lieu, je veux vous rassurer, le caractère purement indicatif du barème figure au moins à deux endroits sur le site internet : d’une part, dans la fiche intitulée Tout savoir sur la pension alimentaire ; d’autre part, dans le mode d’emploi du simulateur.
En deuxième lieu, la résidence alternée n’exclut pas, par principe, le versement d’une pension alimentaire. En pratique, une telle pension est versée dans deux hypothèses : lorsque les parents ne s’entendent pas pour partager les frais d’éducation et d’entretien de l’enfant ou lorsque l’un des parents ne peut pas assumer la charge financière de la résidence alternée.
La résidence alternée ne peut donc pas être exclue du barème, qui, je le rappelle, est strictement indicatif.
En troisième lieu, je souligne que la pension alimentaire est déterminée par le juge, qui prend en compte les revenus et les charges de chacun des parents. Il n’y a qu’un objectif : assurer l’éducation et l’entretien de l’enfant.
En outre, ainsi que le précise la circulaire du ministre de la justice du 12 avril 2010, qui a accompagné la diffusion aux juridictions de la table de référence, cette table est déterminée selon la méthode dite du « pourcentage des revenus », qui consiste à appliquer au revenu du parent débiteur un coefficient correspondant au coût relatif de l’enfant. Pour les revenus inférieurs à 5 000 euros, c’est-à-dire dans le champ d’application de la table, cette méthode simple produit des résultats identiques à la méthode dite du « partage des revenus », fondée explicitement sur les revenus des deux parents.
Ainsi, les informations diffusées sur le site internet qui sont seulement destinées à permettre le bon fonctionnement de la table et du simulateur ne méconnaissent pas les règles du code civil sur la détermination des pensions alimentaires. En tout état de cause, le sujet est à l’ordre du jour dans toutes les CAF.
régime juridique des colocations de seniors
M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, auteure de la question n° 397, adressée à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.
Mme Sonia de La Provôté. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur l’incertitude qui entoure le régime juridique des colocations de seniors.
Le code de l’action sociale et des familles dispose que sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux les « établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale ».
Ce même code prévoit que la création de ces établissements est soumise à une autorisation, délivrée soit par le président du conseil départemental, soit par le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS), soit conjointement.
La colocation seniors se développe principalement comme solution de remplacement à l’entrée en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et permet de rompre l’isolement social. C’est une demande forte du public visé, ainsi que des familles.
En effet, la colocation apporte aux usagers un cadre de vie sécurisant avec des prestations telles que la présence permanente de personnel, des espaces de vie communs mutualisés : cuisine, salon, etc.
Cependant, les collocations de seniors proposent ou imposent des prestations hôtelières facturées forfaitairement aux résidents, sans aucun cadre prévu : restauration, ménage, gardiennage, gestion des ressources humaines et des auxiliaires de vie.
Ces structures ressemblent fort à des établissements médico-sociaux. Elles devraient donc être soumises à une autorisation ou, du moins, bénéficier d’un encadrement.
Face à ce flou juridique, certaines structures ont ouvert leurs portes sans avoir au préalable obtenu d’autorisation de création auprès des autorités compétentes.
Dans ces circonstances, ni le président du conseil départemental ni le directeur général de l’ARS ne peuvent procéder aux vérifications nécessaires et élémentaires pour s’assurer avant l’ouverture que les conditions d’accueil des personnes âgées, via notamment une visite de conformité, sont garanties.
De quel régime juridique relèvent ces structures et quelles sont leurs obligations pour obtenir une autorisation de création ? Des évolutions réglementaires sont-elles envisagées pour clarifier leur statut et permettre un meilleur contrôle ? Il s’agit d’éviter certains débordements.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la sénatrice, la définition générale de la colocation remonte à la loi du 6 juillet 1989, qui la décrit comme la « location d’un même logement par plusieurs locataires, constituant leur résidence principale, et formalisée par la conclusion d’un contrat unique ou de plusieurs contrats entre les locataires et le bailleur ». Il s’agit là de dispositions de droit commun, qui ne relèvent pas du code de l’action sociale et des familles.
Les habitats que vous évoquez, s’adressant aux personnes âgées en perte d’autonomie et proposant différents services, s’apparentent en effet davantage à des résidences services seniors. Comme telles, elles ne font pas l’objet d’autorisation médico-sociale, car elles ne proposent, outre le logement, que des prestations hôtelières et d’aide administrative.
Vous faites le constat que les autorités compétentes sur le champ de l’autonomie que sont le président du conseil départemental et le directeur général de l’agence régionale de santé ne sont pas en mesure – c’est vrai – de procéder aux vérifications préalables nécessaires dans la mesure où ces colocations ne sont pas des établissements médico-sociaux. Cependant, bien que la réglementation ne permette pas de contrôler les logements en colocation, des inspections sont envisageables dans les cas suivants.
Tout d’abord, les services départementaux comme les ARS ont toute autorité pour assurer un contrôle auprès d’un service d’aide et d’accompagnement ou de soins infirmiers à domicile, qui, eux, font l’objet d’autorisation, intervenant auprès des colocataires.
Ensuite, le préfet peut, lui aussi, intervenir et mobiliser les agents de contrôle de l’ARS, ainsi que des autres services de l’État au motif de contrôler les services sociaux ou médico-sociaux intervenant auprès des colocataires, quelle que soit l’autorité de tutelle.
Enfin, les services des directions départementales de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations peuvent intervenir dans le champ de la protection des consommateurs par rapport aux prestations facturées aux colocataires par les services sociaux ou médico-sociaux précités intervenant à leur domicile.
Vous le voyez, si le développement de solutions de remplacement à l’Ehpad ne fait pas l’objet d’autorisations préalables, mais il ne se fait pas non plus en dehors de tout contrôle. Le ministère des solidarités est pleinement mobilisé pour garantir la plus grande qualité d’accueil et d’accompagnement à toutes les personnes âgées de notre pays.
Certes, ce système d’hébergement se développe, et les contrôles doivent se multiplier. Mais ils se feront a posteriori, conformément à ce que prévoient la loi et le règlement.
soutien de l’état aux projets de résidences de répit partagé
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, auteure de la question n° 406, adressée à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.
Mme Monique Lubin. Ma question concerne l’enjeu du développement de résidences de répit partagé.
Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, le Sénat a adopté à l’unanimité l’amendement que j’avais défendu au nom de mon groupe pour permettre l’accompagnement, dès 2023, du développement de dix résidences de répit partagé sur tout le territoire français. Cet amendement a été balayé par le Gouvernement, qui a recouru à l’article 49.3.
Nous le déplorons, car ces résidences sont un mix associant des prestations hôtelières et de tourisme de qualité à la présence de professionnels médico-sociaux. Nous en avons besoin sur tout le territoire. Il y a en effet plus de 11 millions d’aidants familiaux en France, et sept aidants sur dix refusent l’idée d’un placement définitif de leur proche aidé. Ils aspirent à ce qu’un droit au répit partagé soit effectif.
Plus d’une dizaine de territoires, notamment leurs conseils départementaux en lien avec les associations représentatives des personnes et des aidants, sont ainsi porteurs de tels projets, singulièrement dans les Landes.
Cofinancées par l’État et les départements, ces résidences nécessitent un engagement sociétal fort et spécifique de la part de l’État au titre des crédits médico-sociaux. Au regard du faible coût pour lui de cette mesure par rapport à ce qu’elle est susceptible d’apporter à la population et aux territoires, il nous semble légitime qu’il s’investisse résolument dans cette démarche.
M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées m’a signalé au cours d’une audition en commission des affaires sociales qu’il y avait dans la loi de financement de la sécurité sociale des crédits pouvant bénéficier à de tels porteurs de projets. Mais ceux-ci ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Par ailleurs, aucun crédit ne semble fléché en faveur de ces dispositifs pour les agences régionales de santé.
Le Gouvernement compte-t-il mettre de tels crédits à disposition ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la sénatrice, la stratégie « Agir pour les aidants, 2020-2022 » a permis de poser le soutien aux aidants comme une priorité nationale.
Cette première stratégie comprenait, parmi les six priorités, l’ambition d’accroître et de diversifier les solutions de répit, soutenues par un budget cumulé sur l’ensemble de la stratégie de 105 millions d’euros.
Le Gouvernement a bien évidemment la volonté de poursuivre le travail de soutien aux aidants et a annoncé, début octobre 2022, qu’une deuxième stratégie aidants sera élaborée en 2023. Une concertation avec les acteurs pour la construction de cette stratégie est conduite en ce moment par le Gouvernement, sous l’autorité du ministre compétent.
Pour construire cette stratégie, le Gouvernement s’appuie notamment sur le rapport publié la semaine dernière par l’inspection générale des affaires sociales (Igas) sur le cadre juridique et le financement du répit. En parallèle, la Haute Autorité de santé (HAS) a été saisie sur la définition du répit et l’élaboration de bonnes pratiques professionnelles sur les actions de répit.
Les auteurs recommandent de diversifier les solutions de répit, notamment en adaptant l’offre d’accueil temporaire et en améliorant l’accès au relais à domicile, ainsi qu’aux séjours vacances. Leurs recommandations ne vont pas dans le sens d’un déploiement généralisé des maisons de répit ou de résidences de répit partagées. Ces modèles existants doivent être complétés par une offre plus diversifiée et de proximité, accessible notamment le soir et le week-end. Il s’agit à la fois de renforcer les plateformes de répit existantes et de développer une meilleure suppléance au domicile des personnes aidées.
C’est le modèle que nous déployons, par exemple, à Mont-de-Marsan, avec une maison d’accueil temporaire pour les personnes âgées qui permet de l’hébergement temporaire dans la limite de quatre-vingt-dix jours par an, mais aussi des prises en charge ponctuelles sur la journée via l’accueil de jour.
C’est donc bien en travaillant sur des solutions adaptées et diversifiées aux besoins de chacun que nous pourrons assurer un meilleur soutien aux aidants, qui occupent une place essentielle dans notre politique de solidarité. Toutes les études sont en cours en 2023 : j’espère que notre action sera couronnée de succès.