Sommaire
Présidence de M. Roger Karoutchi
Secrétaires :
Mme Martine Filleul, M. Jacques Grosperrin.
Question n° 401 de M. Pierre-Antoine Levi. – M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports ; M. Pierre-Antoine Levi.
Question n° 345 de Mme Martine Berthet. – M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports ; Mme Martine Berthet.
dispositif « argent de poche » en milieu rural
Question n° 150 de M. Jean-Marie Mizzon. – M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports ; M. Jean-Marie Mizzon.
Question n° 393 de M. Frédéric Marchand. – M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
difficultés des maires face aux situations de sous-occupation des logements sociaux
Question n° 398 de Mme Laurence Muller-Bronn. – M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports ; Mme Laurence Muller-Bronn.
contrôle technique des deux-roues motorisés
Question n° 322 de M. Olivier Cigolotti. – M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports ; M. Olivier Cigolotti.
Question n° 362 de Mme Sylviane Noël. – M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports ; Mme Sylviane Noël.
insécurité et prévention de la délinquance en outre-mer
Question n° 392 de Mme Victoire Jasmin. – M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer.
barème de référence pour le calcul de la pension alimentaire
Question n° 008 de M. Yves Détraigne. – M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer.
régime juridique des colocations de seniors
Question n° 397 de Mme Sonia de La Provôté. – M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer.
soutien de l’état aux projets de résidences de répit partagé
Question n° 406 de Mme Monique Lubin. – M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer ; Mme Monique Lubin.
droit alsacien-mosellan et jours fériés dans la fonction publique territoriale
Question n° 395 de M. Christian Klinger. – M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer ; M. Christian Klinger.
détresse des agriculteurs de dordogne victimes de l’orage du 20 juin 2022
Question n° 387 de Mme Marie-Claude Varaillas. – Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.
soutien au secteur du transport routier
Question n° 375 de M. Jean-Pierre Moga. – Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.
situation alarmante des artisans boulangers face à la hausse des tarifs de l’électricité
Question n° 402 de M. Patrice Joly. – Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.
nouvelles obligations pour les propriétaires de déclarer la situation de leurs biens immobiliers
Question n° 404 de Mme Catherine Procaccia. – Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme ; Mme Catherine Procaccia.
dispositifs d’aide aux boulangeries
Question n° 400 de M. Didier Marie. – Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme ; M. Didier Marie.
difficultés administratives et financières rencontrées par les soldats français blessés
Question n° 382 de Mme Jocelyne Guidez. – Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme ; Mme Jocelyne Guidez.
Question n° 159 de Mme Anne-Catherine Loisier. – Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme ; Mme Anne-Catherine Loisier.
interventions d’élus dans les établissements scolaires
Question n° 386 de M. Henri Cabanel. – Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme ; M. Henri Cabanel.
suppression de l’enseignement technologique en classe de sixième
Question n° 396 de Mme Annick Billon. – Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme ; Mme Annick Billon.
fermetures d’écoles et incidences financières sur les collectivités territoriales
Question n° 408 de Mme Christine Herzog. – Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent
3. L’État territorial, entre mirage et réalité. – Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales
M. Jean-Claude Anglars ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Mme Colette Mélot ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Colette Mélot.
M. Thomas Dossus ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
M. Bernard Buis ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Bernard Buis.
M. Thierry Cozic ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Thierry Cozic.
Mme Michelle Gréaume ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Michelle Gréaume.
M. Jean-Michel Arnaud ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Jean-Michel Arnaud.
M. Jean-Claude Requier ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Jean-Claude Requier.
Mme Agnès Canayer ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Agnès Canayer.
M. Éric Kerrouche ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Éric Kerrouche.
M. Mathieu Darnaud ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Mathieu Darnaud.
compte rendu intégral
Présidence de M. Roger Karoutchi
vice-président
Secrétaires :
Mme Martine Filleul,
M. Jacques Grosperrin.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
difficultés des collectivités territoriales à supporter les coûts des chantiers de rénovation énergétique des établissements scolaires
M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, auteur de la question n° 401, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Pierre-Antoine Levi. L’État a fixé comme objectif de réduire de 40 % la consommation d’énergie des bâtiments publics, chantier évalué à près de 40 milliards d’euros.
Les collectivités locales souscrivent évidemment à cet objectif, tout d’abord pour des raisons écologiques, chacun ayant pris conscience de l’urgence climatique. Les dernières années nous l’ont suffisamment démontré.
Mais la raison est également financière, car des bâtiments rénovés thermiquement sont synonymes de belles économies, dans un contexte où la facture énergétique pèse très lourd dans le budget des communes.
Parmi le bâti ayant besoin de rénovations thermiques, les écoles, les collèges et les lycées sont souvent en haut de la liste. Les collectivités souhaitent agir, mais beaucoup ne le peuvent pas.
Dans de trop nombreux établissements, les élèves doivent s’emmitoufler l’hiver et garder leur manteau. En revanche, durant l’été, certaines classes sont de véritables étuves.
Une telle situation n’est pas acceptable dans notre pays en 2023. Pour y remédier, les collectivités ont besoin d’un soutien, car nombre d’entre elles ne peuvent supporter seules le coût des travaux.
Certes, l’État apporte une contribution au travers de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR). Mais il arrive souvent que les 20 % à 30 % restant des dépenses à financer demeurent insupportables pour les budgets communaux.
Par ailleurs, compte tenu de la forte hausse des matières premières, il arrive régulièrement que les collectivités doivent renoncer à leurs projets, étant souvent incapables d’autofinancer l’augmentation.
J’ai interrogé voilà quelques semaines Mme la ministre des collectivités territoriales à ce sujet.
Comment le Gouvernement compte-t-il appuyer de manière encore plus importante les collectivités dans leur démarche de rénovation énergétique, notamment des bâtiments scolaires ? Ce serait un vrai signal adressé à l’ensemble des maires. La transition écologique ne doit pas être réservée aux seules communes les plus aisées.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le sénateur Levi, vous interrogez le Gouvernement sur le sujet essentiel et particulièrement sensible dans le contexte de la crise de l’énergie de la rénovation énergétique des bâtiments publics, en particulier du bâti scolaire.
Vous avez raison : la situation des plus petites collectivités doit faire l’objet de la plus grande attention.
L’État apporte un soutien important aux projets de rénovation thermique des bâtiments des collectivités. Vous l’avez dit, ces projets sont tout d’abord éligibles à la DSIL et à la DETR, qui sont maintenues à un niveau historiquement élevé en 2023. Ils ont bénéficié également du plan de relance, avec la DSIL et la dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID) dite « rénovation thermique », dont le montant a atteint 950 millions d’euros en 2021, ainsi qu’avec une DSIL exceptionnelle, qui a également permis d’apporter un soutien complémentaire de 950 millions d’euros.
Les collectivités qui bénéficient du soutien de l’État doivent participer à hauteur de 20 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques.
Des exceptions sont cependant prévues pour certains investissements, afin de tenir compte de circonstances exceptionnelles ou de la nature spécifique ou coûteuse de certains projets.
Elles concernent notamment les projets d’investissement en matière de rénovation des monuments protégés, dont on sait qu’il s’agit souvent d’opérations sensibles, complexes et onéreuses.
J’ajoute que ces soutiens sont complétés par l’État par les attributions du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Celles-ci sont susceptibles d’être versées pour les dépenses éligibles, ce qui conduit de fait à limiter le reste à charge pour les communes concernées, en particulier les petites communes.
Par ailleurs, en 2023, l’État rehausse encore cet engagement avec la création du fonds vert, placé sous la responsabilité de M. le ministre Christophe Béchu.
Enfin, il nous faut réfléchir aussi aux modalités de financement de ces travaux.
Une proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale et examinée cette semaine en commission des lois par le Sénat permettra de développer le tiers financement pour la rénovation thermique.
Rénover les écoles est une nécessité, mais également un cercle vertueux, dans lequel les investissements d’aujourd’hui sont les économies de fonctionnement de demain.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour la réplique.
M. Pierre-Antoine Levi. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.
Alors que les maires des petites communes ont la volonté de rénover leurs bâtiments scolaires, ils ne peuvent engager les chantiers, compte tenu de la hausse des matières premières. Dans ces conditions, ne pourrait-on pas imaginer de porter exceptionnellement de 80 % à 90 % le montant des cofinancements ?
enjeux et conséquences du projet de zone spéciale de carrières de gypse et d’anhydride dans la vallée de la maurienne
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, auteure de la question n° 345, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Mme Martine Berthet. Je souhaite attire l’attention du Gouvernement sur les enjeux et les conséquences du projet de zone spéciale de carrières (ZSC) de gypse et d’anhydride dans la vallée de la Maurienne.
Si je conçois l’importance des enjeux d’un tel projet, qui permettrait de gagner en autonomie grâce à un approvisionnement durable en matières premières, je m’interroge sur l’ampleur de la zone retenue pour cent vingt ans et sur ses impacts sociaux, environnementaux et économiques.
En effet, le périmètre prévisionnel de la ZSC recoupe 404 hectares dans la vallée de l’Arvan et 627 hectares en Haute-Maurienne, dont une grande partie autour du village de Bramans, qui se retrouve complètement englobé. Cette zone est extrêmement large quand on connaît le territoire très contraint qui est celui de la Maurienne. Celle-ci accueille déjà plusieurs carrières. Elle est très sollicitée par le chantier de la liaison ferroviaire européenne Lyon-Turin et participe ainsi largement à l’effort national. Il n’est pas envisageable pour ses habitants et ses élus que leur vallée soit sacrifiée.
La vallée de la Maurienne dispose d’un patrimoine naturel, paysager, historique, culturel, exceptionnel et très riche, permettant à de nombreuses activités agricoles et touristiques de prospérer, comme la station de La Norma, concernée par ce projet.
L’implantation d’une nouvelle ZSC entraînerait un grave déséquilibre : trop exiger du territoire mauriennais conduira à défaire tout ce qui a été mis en œuvre ces dernières années, tant par les élus locaux que par l’État, pour le rendre attractif et dynamique.
Aussi, je souhaite connaître les intentions réelles du Gouvernement sur ce projet et sur son dimensionnement, avoir des éclaircissements sur les impacts prévisibles et connaître les alternatives. L’exploitation de nouvelles carrières de ce type a-t-elle été étudiée dans d’autres régions du territoire national ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Madame la sénatrice Berthet, vous alertez le Gouvernement sur un enjeu économique absolument fondamental.
La Savoie possède un fleuron industriel avec l’usine Placoplatre à Chambéry. Cette unité de production de plaques de plâtre, qui rayonne sur le quart sud-est de la France, est une filière d’excellence pour la transition énergétique, notamment pour la rénovation des bâtiments.
Cette unité est par ailleurs indispensable au maintien de l’activité nouvelle de recyclage des déchets de plâtre, dont la collecte sera significativement améliorée avec la montée en puissance de la filière de responsabilité élargie du producteur pour la gestion des produits et matériaux de construction du bâtiment.
Sécuriser l’approvisionnement en gypse pour ce site industriel unique est désormais crucial.
La vallée de la Maurienne présente d’importants gisements propices à l’approvisionnement de ce site, ainsi que des infrastructures favorisant l’usage de modes durables alternatifs à la route.
Les atouts de ce territoire sont sans équivalent en France, comme cela a été souligné dans le schéma régional des carrières.
C’est pourquoi le Gouvernement a décidé en 2021 de lancer une démarche en vue d’instaurer une zone spéciale de carrières visant à garantir la pérennité de cette activité stratégique, dans le respect des règles environnementales essentielles.
Associer le public est apparu indispensable, dans un esprit de lisibilité et de transparence de la démarche engagée ; c’est la motivation de la concertation préalable qui sera lancée prochainement par le préfet de la Savoie, sous l’égide de garants désignés par la Commission nationale du débat public, à laquelle je vous invite à participer et à faire participer.
Pour répondre à vos demandes concernant le calendrier, les résultats de cette concertation permettront d’affiner le périmètre exact pour cette zone spéciale de carrières, au sein de laquelle un projet de carrières pourrait ensuite être autorisé, après avis de l’Autorité environnementale, qui veillera bien entendu à la conciliation des intérêts économiques fondamentaux que vous avez rappelés et à la qualité de prise en compte des enjeux de protection de l’environnement et de la biodiversité. C’est à l’issue de ce temps de concertations que le périmètre précis pourra être prochainement défini.
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour la réplique.
Mme Martine Berthet. Monsieur le ministre, je le redis, les élus mauriennais, soutenus par le conseil départemental de la Savoie, sont fermement opposés à ce projet trop largement dimensionné. Il faut les écouter. Une pétition a d’ailleurs déjà recueilli près de 10 000 signatures.
dispositif « argent de poche » en milieu rural
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, auteur de la question n° 150, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
M. Jean-Marie Mizzon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à Peltre, en Moselle, le dispositif dit « Argent de poche », pourtant plébiscité, n’est plus d’actualité.
Concrètement, afin d’être en conformité avec la règle, l’élu de ce territoire semi-rural ne peut plus proposer à des jeunes de sa commune de participer, dans l’intérêt de la collectivité, à des chantiers de quelques jours contre gratification.
Les « chantiers et stages à caractère éducatif » ont – hélas ! – été recentrés sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ils bénéficient à ce titre d’un régime d’exonération des cotisations sociales à verser à l’Urssaf, dès lors qu’ils sont, notamment, portés par des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), ce qui n’est bien évidemment pas le cas pour une commune rurale !
Dans ces conditions, les jeunes Mosellans ne bénéficient pas tous des mêmes droits. Force est de le constater avec le maire de Peltre, il y a manifestement rupture d’égalité. Et nombre d’élus locaux de demander avec lui que ce dispositif, qui favorise l’engagement des jeunes et leur participation à la vie communale, s’étende bien à l’ensemble d’un territoire, quelle que soit sa spécificité – zones semi-rurales et rurales comprises – et s’applique indifféremment à tous, comme prévu à l’origine.
Le Gouvernement est-il prêt à entendre leur requête, à laquelle je m’associe pleinement tant elle me paraît légitime ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le sénateur Mizzon, je vous remercie de cette question sur le dispositif « Argent de poche », qui peut en effet être clarifié ou évoluer. C’est l’occasion pour moi de rappeler la chance que constitue ce dispositif pour les jeunes, ainsi que les efforts du Gouvernement pour l’étendre aux territoires ruraux.
Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), les chantiers et stages à caractère éducatif sont des actions mises en œuvre sur l’initiative de communes ou d’associations locales à destination de jeunes sans activité ou en difficulté âgés de 14 ans à 26 ans.
Déployé dans le cadre du programme Ville Vie Vacances, le régime social spécifique des rétributions versées a été pérennisé par la lettre-circulaire de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) du 6 juillet 2015. Les sommes versées aux jeunes en contrepartie de ces activités sont assimilables, au regard de prélèvements sociaux, à des gratifications versées aux stagiaires en milieu professionnel et sont par conséquent exclues de l’assiette des cotisations.
À l’occasion du comité interministériel aux ruralités de l’automne 2021, l’extension du dispositif « Argent de poche » aux territoires ruraux a été annoncée. Conformément à l’instruction de la fin de l’année 2021 du ministre délégué chargé des comptes publics, le régime social spécifique des opérations réalisées dans le cadre du programme Ville Vie Vacances a été étendu aux territoires situés en dehors du périmètre des QPV, notamment dans des zones rurales, dès lors que les chantiers et stages à caractère éducatif sont agréés.
Comme pour ce programme, ces actions devront avoir une visée citoyenne, éducative, culturelle, sociale ou environnementale. En vue du traitement des demandes d’application du dispositif et de son contrôle, cette instruction a été diffusée auprès des unions de recouvrement des Urssaf et des caisses générales de sécurité sociale dans les départements et les régions.
Si des clarifications sont encore nécessaires, nous sommes bien évidemment prêts à les apporter, afin qu’il n’y ait pas de sentiment de discrimination ou de non-prise en compte.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour la réplique.
M. Jean-Marie Mizzon. Monsieur le ministre, je suis très satisfait de votre réponse, dont je vous remercie. Je regrette simplement qu’elle ne soit pas encore parvenue jusqu’au département de la Moselle. Quoi qu’il en soit, je me fais fort d’échanger sur ce thème avec le maire qui m’a sollicité.
explosion des tarifs de fourniture d’énergie et impact sur l’institution intercommunale des wateringues du littoral nord de la france
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, auteur de la question n° 393, transmise à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Frédéric Marchand. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur l’explosion des tarifs de fourniture d’énergie et leur impact sur l’institution intercommunale des Wateringues du littoral nord de la France.
Cette institution intercommunale a été créée voilà plus de quarante ans pour mettre en place et gérer les grands ouvrages d’évacuation des crues des wateringues et, notamment, des stations de pompage de grande capacité.
Une telle situation est unique en France et s’explique par le fait que le territoire est un polder, avec des terres situées en dessous du niveau des hautes mers, à l’instar de ceux que l’on connaît aux Pays-Bas ou en Flandre belge. Ces installations consomment, en période de crues, essentiellement en hiver, de fortes quantités d’énergie pour protéger 450 000 personnes, des biens et des activités agricoles, industrielles et commerciales importantes, contre les inondations sur un périmètre de plus de 1 000 kilomètres carrés, dans le triangle regroupant Saint-Omer, Calais et Dunkerque.
La mobilisation des pompes se fait en application de protocoles de gestion approuvés par arrêté préfectoral, et les dépenses effectives sont très variables d’une année à l’autre, en fonction des conditions hydrométriques. Ces dernières pèsent très lourdement sur le budget de l’institution.
En 2022, avec l’application des nouveaux tarifs, les dépenses se maintiennent à hauteur de celles de 2021, alors que seulement 30 % du volume de l’année précédente a été pompé. Elles se seraient élevées à 2,2 millions d’euros sur la base de la même consommation, pour un budget de fonctionnement de 3,8 millions d’euros.
Une telle situation est très préjudiciable pour l’institution, qui doit en outre réaliser d’importants investissements dans le cadre du programme d’actions de prévention des inondations (Papi) du delta de l’Aa, pour maintenir en état un parc d’ouvrage vieillissant et se préparer à faire face aux conséquences du changement climatique.
Par ailleurs, il est à noter que la réforme de la compétence gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi) a fortement alourdi la fiscalité sur la population locale.
Au vu de ces différents éléments, il paraît urgent de trouver des solutions qui puissent permettre à l’institution de continuer à assurer sa mission de protection du territoire et de ses habitants contre les inondations.
Aussi, je vous demande d’étudier la possibilité que cette institution puisse bénéficier de mesures exceptionnelles, en particulier du bouclier tarifaire, afin de limiter l’impact de l’augmentation du prix de l’électricité sur son budget et, ainsi, de pérenniser ses actions au service du territoire.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le sénateur Marchand, vous évoquez la situation de l’institution intercommunale des Wateringues du littoral nord de la France, et plus particulièrement les conséquences de la hausse des tarifs de l’électricité sur le budget de l’institution, qui gère des stations de pompage de grande capacité.
Pour faire face à l’augmentation sans précédent des prix de l’électricité, l’institution intercommunale des Wateringues, comme les autres collectivités ou leurs groupements de taille similaire, bénéficie de plusieurs dispositifs de soutien mis en place par le Gouvernement.
En 2023, le niveau de la part de l’accise sur l’électricité, l’ex-TICFE, c’est-à-dire la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, est maintenu au minimum communautaire pour tous les consommateurs, sauf ceux qui bénéficient déjà de taux très réduits ou d’une exonération. Pour l’institution intercommunale des Wateringues, la baisse du niveau de l’accise, qui sera de 0,5 euro par mégawattheures, est ainsi prolongée tout au long de l’année 2023.
Le Gouvernement a également prolongé en 2023 le bouclier tarifaire sur l’électricité pour les plus petites collectivités. L’institution intercommunale des Wateringues, dont le budget excède ce critère, ne peut, certes, pas bénéficier du bouclier, mais elle est en revanche éligible au dispositif de l’amortisseur électricité, mis en place depuis le 1er janvier 2023, pour aider les collectivités qui ne peuvent pas bénéficier du bouclier tarifaire sur l’électricité.
Concrètement, l’État prend en charge 50 % du coût de la part énergie hors taxe, au-delà d’un prix de référence de 180 euros par mégawattheures, dans la limite d’un montant de la part énergie de 500 euros par mégawattheures.
La baisse du prix apparaîtra directement sur la facture des consommateurs et une compensation financière sera versée par l’État aux fournisseurs d’énergie.
Pour bénéficier de cette aide, les consommateurs n’ont qu’une seule démarche à faire : remplir l’attestation d’éligibilité, en privilégiant le recours aux systèmes dématérialisés d’attestation en ligne, que la grande majorité des fournisseurs a mis en place. Si vous souhaitez que nous étudiions de façon plus détaillée la situation particulière de l’institution intercommunale des Wateringues, je suis à votre disposition.
difficultés des maires face aux situations de sous-occupation des logements sociaux
M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, auteure de la question n° 398, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement.
Mme Laurence Muller-Bronn. Ma question porte sur l’insuffisance de rotation des locataires dans le parc social et sur les difficultés rencontrées par les maires pour procéder à de nouvelles attributions de logements.
Il s’agit de locataires entrés dans le parc social à une époque où ils remplissaient les critères de revenus et de situation de famille, logés, pour certains, dans des appartements de grande surface avec un loyer très modéré. Vingt ans plus tard, leurs revenus ont augmenté ou les enfants sont partis, et ils ne sont plus éligibles au logement social. Pourtant, ils restent dans leur logement.
Cette situation contribue à aggraver la pénurie de logements pour des ménages modestes, qui, eux, devraient pouvoir y accéder.
Ainsi, à Obernai, dans mon département, un élu membre d’une société d’économie mixte (SEM) m’explique que, pour un parc de 756 logements, il y a 400 dossiers en attente et seulement 40 appartements libérés par an. À ce rythme, on en a pour vingt ans ! Ce sont autant de pertes financières pour les collectivités, puisque ces loyers ne sont pas réactualisés.
Les maires m’ont également alertée sur un phénomène trop répandu, hélas : ils savent très bien que, parmi ces locataires, certains sont eux-mêmes propriétaires d’appartements qu’ils louent sur le marché privé. Monsieur le ministre, il faut faire évoluer la loi, l’expulsion n’étant pas une solution.
Soit les personnes dont les revenus sont largement supérieurs au barème acceptent de libérer leur logement au bénéfice de jeunes ménages modestes, soit, pour des raisons d’attachement à leur lieu de vie, elles restent dans leur logement, en acceptant une augmentation en lien avec l’évolution du marché privé.
Face à la pénurie de logements, aux factures énergétiques et aux obligations de rénovation thermique qui incombent aux bailleurs, il est urgent de lutter contre les abus.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Madame la sénatrice Muller-Bronn, vous alertez le Gouvernement sur les enjeux relatifs aux situations de sous-occupation et à l’importance d’améliorer la mobilité résidentielle.
Il convient de préciser que le phénomène de sous-occupation du parc social est important, mais moins que dans l’ensemble du parc de logements. Ainsi, 46 % des ménages locataires du parc social sont en situation de sous-peuplement, contre 71 % pour l’ensemble des Français.
Le traitement de cet enjeu est une politique de long terme, qui s’appuie tant sur la production que sur les attributions de logements sociaux. Ainsi, l’État a engagé une action forte sur la restructuration de l’offre, ayant permis, dans le cadre du plan de relance, de traiter 48 500 logements, afin d’ajuster leur typologie aux besoins du marché local de l’habitat.
De plus, le développement de produits intermédiaires – bail réel solidaire, logement locatif intermédiaire, accession sociale – est une voie d’amélioration importante pour la fluidité des parcours résidentiels.
Pour ce qui concerne les attributions, en cas de sous-occupation, depuis la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan, le bailleur doit proposer au locataire un nouveau logement correspondant à ses besoins.
Par conséquent, dans les zones géographiques caractérisées par un déséquilibre important entre l’offre et la demande de logements, les locataires dans cette situation ayant refusé trois offres de relogement perdent leur droit au maintien dans les lieux. Cela ne s’applique toutefois pas aux locataires âgés de plus de 65 ans, ainsi qu’aux locataires présentant une fragilité particulière. C’est normal et protecteur.
Il faut aussi souligner une importante évolution en cours : la gestion en flux des logements sociaux, qui permet notamment aux bailleurs de s’affranchir des périmètres de programme et de contingent touchant les logements locatifs sociaux.
Naturellement, l’analyse des impacts de ces mesures souvent récentes pourra conduire le Gouvernement à envisager, le cas échéant, des évolutions législatives de ces dispositifs pilotés localement. C’est un chantier que nous sommes prêts, avec le ministre chargé du logement, à examiner avec vous.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour la réplique.
Mme Laurence Muller-Bronn. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Ces problématiques ne représentent que 1 % à 2 % du logement social. Toutefois, l’amélioration de la situation permettrait aux maires de mieux accueillir les primo-accédants.
contrôle technique des deux-roues motorisés
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, auteur de la question n° 322, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Olivier Cigolotti. Ma question concerne le contrôle technique obligatoire pour les deux-roues motorisés.
Le compromis, tel qu’il est formulé dans la directive relative au contrôle technique périodique des véhicules à moteur, laisse à chaque pays le choix d’introduire, ou non, un contrôle technique périodique pour les deux-roues motorisés, suivant le principe de subsidiarité.
En France, un travail a été mené sur les dispositions de la directive qui permettent aux États membres de déroger à son application, en proposant des mesures alternatives bien plus propices à améliorer non seulement la sécurité, mais aussi la performance environnementale de ces véhicules.
Ces « mesures alternatives » couvrent tout le spectre des enjeux auxquels sont confrontés ces véhicules : permis, équipements de protection, renforcement des plans départementaux d’actions de sécurité routière, infrastructures routières, respect des normes de bruits, limitations de vitesse, prime à la conversion, zones à faible émission. Ces dernières sont proposées par le Gouvernement en collaboration avec les fédérations de motards.
Pourtant, le 31 octobre 2022, le Conseil d’État a remis en cause cette orientation du Gouvernement, arguant que de telles mesures étaient insuffisantes et que l’ambition environnementale était insatisfaisante, alors que la directive ne formule strictement aucune exigence pour les deux-roues motorisés.
Par ailleurs, les études les plus récentes et détaillées montrent que moins de 0,5 % des accidents de deux-roues motorisés sont liés à un problème sur le véhicule. C’est pourquoi le contrôle technique obligatoire ne semble absolument pas constituer une solution pertinente.
Alors qu’une baisse de 19 % de la mortalité à deux-roues motorisés est enregistrée depuis dix ans et que les mesures alternatives restent bien mieux adaptées aux objectifs, j’aimerais savoir comment le Gouvernement compte poursuivre le travail engagé, sans imposer un contrôle technique obligatoire et contraignant aux deux-roues motorisés.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le sénateur Cigolotti, vous pointez une problématique sensible, qui m’occupe depuis mon arrivée au ministère des transports.
Je le rappelle brièvement, sans retracer tout l’historique, la directive européenne de 2014 prévoit soit la mise en place d’un contrôle technique obligatoire, soit des mesures alternatives, dans une optique de sécurité routière.
La Commission européenne a rendu publique son intention de proposer, dans les prochains mois, un nouveau projet de directive ou de règlement européens. Il imposera un contrôle technique pour les deux-roues, sans mesures alternatives possibles.
Dans le cadre juridique actuel, le Gouvernement avait privilégié, comme d’autres pays en Europe l’ont fait, la mise en place de mesures alternatives, dont on pensait qu’elles pouvaient atteindre les mêmes objectifs, en lieu et place de l’instauration d’un contrôle technique. Ce travail, conduit par mes prédécesseurs, avait fait l’objet de plusieurs étapes. Un décret, paru à l’été 2021, censé imposer le contrôle technique, a ensuite été abrogé, pour travailler de nouveau sur des mesures alternatives.
Vous l’avez dit, le 31 octobre dernier, le Conseil d’État a jugé que de telles mesures ne pouvaient « qu’être regardées comme trop ponctuelles et manifestement insuffisantes pour assurer efficacement la sécurité des usagers […] au regard des statistiques pertinentes de sécurité routière ». Pour le dire très clairement, cette décision ferme la voie à des mesures alternatives et imposera la mise en place d’un contrôle technique.
C’est dans cette optique, qui ne correspond pas à l’option retenue initialement par le Gouvernement, que j’ai engagé un travail de concertation avec les associations de motards et d’autres associations. Je serai amené à présenter dans quelques semaines le résultat de ces travaux. Je le dis très sincèrement, si nous avons à mettre en œuvre un contrôle technique, je souhaite qu’il soit respectueux des équilibres trouvés. Nous aurons à tirer toutes les conséquences de cette décision de justice, après avoir fait tous les efforts nécessaires pour que les mesures alternatives puissent vivre. Toutefois, le nouveau cadre juridique devra désormais être respecté.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour la réplique.
M. Olivier Cigolotti. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le ministre.
Je tiens simplement à ajouter que, si ce contrôle technique doit être mis en œuvre, il devra être pensé dans une logique de bon sens, c’est-à-dire en privilégiant un contrôle principalement tourné sur le niveau des émissions sonores et polluantes, et peut-être plus particulièrement pour les cyclomoteurs de moins de 50 centimètres cubes.
modification du système de compensation financière des indemnités kilométriques des infirmiers libéraux de haute-savoie
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, auteure de la question n° 362, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Mme Sylviane Noël. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la situation que traversent les infirmiers libéraux, à la suite d’une décision de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Haute-Savoie de modifier les modalités de remboursement de leurs indemnités kilométriques depuis le mois de novembre dernier, ce qui pénalise fortement les professionnels exerçant en zones rurales et de montagne.
En effet, dans ces secteurs parfois éloignés et difficiles d’accès, qui sont escarpés et enneigés une bonne partie de l’année, le rythme de visite des patients est fortement différent de l’exercice en milieu urbain et en fond de vallée. Ces contraintes doivent être prises en compte dans le calcul des compensations kilométriques, faute de quoi le manque à gagner pour les infirmières est inévitable.
Ainsi, la différence entre le nouveau et l’ancien mode de calcul est stupéfiante. À titre d’exemple, sur la commune de Passy, la perte de revenus s’élève à 23 % ; au Grand-Bornand, à 15 % ; et à Taninges, à 22,6 %. Le manque à gagner est réel et se produit dans un contexte de forte inflation, qui touche particulièrement les carburants.
Ces infirmiers libéraux réalisent au quotidien un travail exceptionnel, au plus près des patients et des territoires, permettant le maintien à domicile des malades. Leur action contribue ainsi au désengorgement de nos établissements de santé, fortement embolisés par une pénurie de personnel inédite.
Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour remédier à cette injustice ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Madame la sénatrice Noël, je vous réponds au nom du ministre de la santé François Braun.
Le coût des transports est au cœur des préoccupations de nos concitoyens. C’est particulièrement vrai pour un certain nombre de professionnels, dont les infirmiers libéraux, qui se rendent au domicile des patients.
En 2019, les partenaires conventionnels avaient convenu d’un abattement du tarif du remboursement des indemnités kilométriques, au regard de la distance journalière facturée par l’infirmier.
Cette nouvelle disposition importante permet de limiter les indus et de laisser la possibilité de facturer « en étoile », c’est-à-dire sans mesurer à chaque fois la distance entre le domicile du patient et le cabinet de l’infirmier.
Dans un esprit de souplesse, la possibilité d’adapter les modalités de facturation aux spécificités locales avait été laissée.
Le nouvel accord de la CPAM de Haute-Savoie met en place des règles plus avantageuses : prise en compte des kilomètres effectués au sein d’une même commune, à partir de 1,5 kilomètre, qui n’étaient auparavant pas indemnisés ; valorisation des indemnités au titre de la « zone montagne » étendue à l’ensemble du territoire de la Haute-Savoie.
De manière plus globale, le Gouvernement soutient l’implication des infirmiers libéraux dans la prise en charge des patients à domicile.
L’avenant du mois de janvier dernier prévoit un doublement des nouvelles rémunérations sur le bilan de soins infirmiers pour la période allant jusqu’à 2024, soit plus de 200 millions d’euros.
Ces mesures s’ajoutent aux dispositions de l’avenant de 2019, qui améliore la prise en charge et l’accès aux soins des patients.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 confie de nouvelles missions aux infirmiers, comme l’élargissement de leurs compétences vaccinales ou une expérimentation pour la réalisation des certificats de décès, ce qui est de nature également à améliorer leur pouvoir d’achat.
Sur la question des indemnités en particulier, et pour prendre en compte des situations locales, nous sommes prêts, avec François Braun, à examiner chaque situation avec vous dans les prochaines semaines.
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour la réplique.
Mme Sylviane Noël. J’entends votre réponse, monsieur le ministre. Mais, sur le terrain, les infirmières ont une tout autre vision de ce qui se passe : 14,28 euros pour vingt-quatre visites, soit 60 centimes en moyenne d’indemnités horokilométriques montagne par visite. Voilà la réalité de ce qu’elles vivent dans certains secteurs de Haute-Savoie.
Croyez-moi, à ce niveau-là de revenus, on ne peut pas survivre. Ce genre d’économies de bouts de chandelle ne nous mènera malheureusement à rien. Il faudra alors hospitaliser de nouveau certains patients, qui ne pourront plus être maintenus à domicile. Au final, cela nous coûtera beaucoup plus cher et risque d’accroître la pénurie en matière d’offre de soins dans certains secteurs. Il est donc urgent d’agir.
insécurité et prévention de la délinquance en outre-mer
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, auteure de la question n° 392, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Victoire Jasmin. Ma question porte sur la généralisation des conseils pour les droits et devoirs des familles (CDDF) en outre-mer.
Le CDDF est un dispositif d’aide à la parentalité fondé sur l’action sociale et éducative. Facultatif pour toutes les communes depuis la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite loi Engagement et proximité, le CDDF s’adresse aux parents de « mineurs en difficulté ».
C’est un cadre de dialogue chargé à la fois d’écouter et d’accompagner des familles volontaires qui ont des difficultés dans l’éducation de leurs enfants. Il peut être saisi par le maire chaque fois que le comportement de l’enfant entraîne des troubles à l’ordre et à la sécurité publics.
Or, dans un contexte croissant d’insécurité, les élus locaux d’outre-mer sont inquiets.
En effet, les chiffres fournis en 2021 par le ministère de l’intérieur font figurer les départements d’outre-mer parmi les plus criminogènes de France.
La population de Guadeloupe, tut comme celles de Guyane et de Mayotte, se retrouve plus souvent que celle de l’Hexagone confrontée à des actes de vols et de violences volontaires.
Sur l’année 2020, en Guadeloupe, les infractions en matière de sécurité ou liées à l’alcool posent problème. Les infractions en lien à la conduite sans permis ont triplé.
Cette insécurité concerne également les mineurs. Selon l’enquête Virage de 2018, les violences intrafamiliales sont plus élevées dans les outre-mer que dans l’Hexagone.
Par ailleurs, la Guadeloupe est confrontée à un phénomène de bandes organisées et à un niveau de délinquance juvénile important.
Dès lors, la prévention de la délinquance par des actions de sensibilisation complétant celles qui sont déployées en milieu scolaire est fondamentale pour impliquer et aider les familles en difficulté.
Il convient de permettre aux élus locaux d’activer tous les leviers en matière de sécurité, notamment au sein des groupements locaux de prévention – conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) et conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD) –, mais aussi par la généralisation des conseils pour les droits et devoirs des familles.
Monsieur le ministre, serait-il possible de généraliser ces dispositifs ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la sénatrice, comme vous le savez, les maires ont des fonctions essentielles en matière de prévention de la délinquance sur leur territoire.
Ils jouent un rôle prépondérant dans le diagnostic des phénomènes de délinquance et dans les actions de prévention à mettre en œuvre envers le public identifié.
Par ailleurs, ils participent pleinement à la dynamique locale impulsée par le préfet, dans le cadre du plan départemental de prévention de la délinquance, qui décline la stratégie nationale en la matière.
Dans l’exercice de telles missions, le maire dispose de nombreux outils réglementaires dont le rappel à l’ordre, la transaction et le conseil pour les droits et devoirs des familles, qui fait l’objet de votre question.
L’ensemble de ces dispositifs peut lui permettre d’agir efficacement à l’égard des mineurs en situation de fragilité comme à l’égard de ceux qui sont déjà passés à l’acte et qui courent le risque d’un basculement définitif dans la délinquance.
Lieu de coordination des dispositifs de prévention, le CDDF est également un espace de dialogue et d’alerte. Pour tous les jeunes concernés, une intervention de l’autorité républicaine incarnée par le maire, en présence des parents, est de nature à faire prendre conscience à chacun de ses droits et devoirs.
Le CDDF offre en effet un cadre juridique sécurisé où le maire peut recevoir le jeune mineur et sa famille, revenir sur le fait produit dans la commune et rappeler à ses parents toute l’importance de leur rôle éducatif. De la sorte, le CDDF permet d’assurer la prise en compte et le traitement des faits commis, sans avoir à solliciter une réponse judiciaire de facto limitée par la minorité de leurs auteurs.
Les parents en sortent responsabilisés et confortés dans leur rôle. Écouté et pris en compte, le jeune se sent considéré individuellement dans son parcours. Le maire, quant à lui, joue le rôle de proximité auprès de la population pour lequel il a été élu.
Je comprends donc parfaitement votre opinion sur l’importance des CDDF. Il est nécessaire d’encourager les maires de chaque commune à mettre en place cet outil réglementaire laissé à leur disposition.
À la suite de votre question, je saisirai directement les préfets pour qu’ils insistent auprès des maires sur la nécessité de réunir ses instances. Par ailleurs, le ministère de l’intérieur et des outre-mer a sollicité le Secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, afin qu’il se rapproche de l’Association des maires de France (AMF) et étudie avec elle comment promouvoir efficacement le dispositif. Nous agirons également à notre niveau, au cas par cas. À ce titre, l’expérience du préfet Lalanne en Martinique est éclairante.
barème de référence pour le calcul de la pension alimentaire
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, auteur de la question n° 008, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Yves Détraigne. J’appelle l’attention du Gouvernement sur ma question du 1er avril 2021. Contrairement à ce que la date peut laisser croire, le sujet est très sérieux – il porte sur la pension alimentaire et concerne des millions de familles –, et il aurait mérité une réponse !
La création d’un barème a permis de simplifier le calcul de la pension et il est normal que celui-ci figure sur le site de la Chancellerie. Mais attention à ne pas vouloir trop simplifier les choses, car les enjeux sont importants !
Tout d’abord, il serait bon de préciser sur le site que le barème n’a qu’une valeur indicative. C’est d’autant plus important que le barème prévoit un montant de pension à verser en cas de résidence alternée. Or, dans 75 % des divorces qui fixent une résidence en alternance, aucune contribution alimentaire n’est prévue. Même indicatif, ce barème « officiel », sans notice explicative, peut induire en erreur.
Plus étonnant encore, le barème laisse penser que les ressources du parent bénéficiaire du versement ne sont pas prises en compte dans le calcul de la pension, ce qui est contraire aux dispositions du code civil.
Il ne faut pas sacrifier la justice familiale sur l’autel de la simplification, voire de la déjudiciarisation du contentieux familial.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous apporter tous les éclaircissements utiles ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur Détraigne, le Gouvernement est pleinement mobilisé dans la lutte active contre les retards et les impayés des pensions alimentaires.
J’en veux pour preuve la récente systématisation de l’intermédiation financière des pensions alimentaires par les caisses d’allocations familiales (CAF), qui réduit fortement les inquiétudes liées à la prise en charge financière de l’enfant. J’ai d’ailleurs reçu hier pour une réunion de travail le directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Nous progressons sur le sujet, et je réunirai bientôt tous les directeurs de CAF, en accord avec le directeur général de la Cnaf.
En premier lieu, je veux vous rassurer, le caractère purement indicatif du barème figure au moins à deux endroits sur le site internet : d’une part, dans la fiche intitulée Tout savoir sur la pension alimentaire ; d’autre part, dans le mode d’emploi du simulateur.
En deuxième lieu, la résidence alternée n’exclut pas, par principe, le versement d’une pension alimentaire. En pratique, une telle pension est versée dans deux hypothèses : lorsque les parents ne s’entendent pas pour partager les frais d’éducation et d’entretien de l’enfant ou lorsque l’un des parents ne peut pas assumer la charge financière de la résidence alternée.
La résidence alternée ne peut donc pas être exclue du barème, qui, je le rappelle, est strictement indicatif.
En troisième lieu, je souligne que la pension alimentaire est déterminée par le juge, qui prend en compte les revenus et les charges de chacun des parents. Il n’y a qu’un objectif : assurer l’éducation et l’entretien de l’enfant.
En outre, ainsi que le précise la circulaire du ministre de la justice du 12 avril 2010, qui a accompagné la diffusion aux juridictions de la table de référence, cette table est déterminée selon la méthode dite du « pourcentage des revenus », qui consiste à appliquer au revenu du parent débiteur un coefficient correspondant au coût relatif de l’enfant. Pour les revenus inférieurs à 5 000 euros, c’est-à-dire dans le champ d’application de la table, cette méthode simple produit des résultats identiques à la méthode dite du « partage des revenus », fondée explicitement sur les revenus des deux parents.
Ainsi, les informations diffusées sur le site internet qui sont seulement destinées à permettre le bon fonctionnement de la table et du simulateur ne méconnaissent pas les règles du code civil sur la détermination des pensions alimentaires. En tout état de cause, le sujet est à l’ordre du jour dans toutes les CAF.
régime juridique des colocations de seniors
M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, auteure de la question n° 397, adressée à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.
Mme Sonia de La Provôté. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur l’incertitude qui entoure le régime juridique des colocations de seniors.
Le code de l’action sociale et des familles dispose que sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux les « établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale ».
Ce même code prévoit que la création de ces établissements est soumise à une autorisation, délivrée soit par le président du conseil départemental, soit par le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS), soit conjointement.
La colocation seniors se développe principalement comme solution de remplacement à l’entrée en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et permet de rompre l’isolement social. C’est une demande forte du public visé, ainsi que des familles.
En effet, la colocation apporte aux usagers un cadre de vie sécurisant avec des prestations telles que la présence permanente de personnel, des espaces de vie communs mutualisés : cuisine, salon, etc.
Cependant, les collocations de seniors proposent ou imposent des prestations hôtelières facturées forfaitairement aux résidents, sans aucun cadre prévu : restauration, ménage, gardiennage, gestion des ressources humaines et des auxiliaires de vie.
Ces structures ressemblent fort à des établissements médico-sociaux. Elles devraient donc être soumises à une autorisation ou, du moins, bénéficier d’un encadrement.
Face à ce flou juridique, certaines structures ont ouvert leurs portes sans avoir au préalable obtenu d’autorisation de création auprès des autorités compétentes.
Dans ces circonstances, ni le président du conseil départemental ni le directeur général de l’ARS ne peuvent procéder aux vérifications nécessaires et élémentaires pour s’assurer avant l’ouverture que les conditions d’accueil des personnes âgées, via notamment une visite de conformité, sont garanties.
De quel régime juridique relèvent ces structures et quelles sont leurs obligations pour obtenir une autorisation de création ? Des évolutions réglementaires sont-elles envisagées pour clarifier leur statut et permettre un meilleur contrôle ? Il s’agit d’éviter certains débordements.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la sénatrice, la définition générale de la colocation remonte à la loi du 6 juillet 1989, qui la décrit comme la « location d’un même logement par plusieurs locataires, constituant leur résidence principale, et formalisée par la conclusion d’un contrat unique ou de plusieurs contrats entre les locataires et le bailleur ». Il s’agit là de dispositions de droit commun, qui ne relèvent pas du code de l’action sociale et des familles.
Les habitats que vous évoquez, s’adressant aux personnes âgées en perte d’autonomie et proposant différents services, s’apparentent en effet davantage à des résidences services seniors. Comme telles, elles ne font pas l’objet d’autorisation médico-sociale, car elles ne proposent, outre le logement, que des prestations hôtelières et d’aide administrative.
Vous faites le constat que les autorités compétentes sur le champ de l’autonomie que sont le président du conseil départemental et le directeur général de l’agence régionale de santé ne sont pas en mesure – c’est vrai – de procéder aux vérifications préalables nécessaires dans la mesure où ces colocations ne sont pas des établissements médico-sociaux. Cependant, bien que la réglementation ne permette pas de contrôler les logements en colocation, des inspections sont envisageables dans les cas suivants.
Tout d’abord, les services départementaux comme les ARS ont toute autorité pour assurer un contrôle auprès d’un service d’aide et d’accompagnement ou de soins infirmiers à domicile, qui, eux, font l’objet d’autorisation, intervenant auprès des colocataires.
Ensuite, le préfet peut, lui aussi, intervenir et mobiliser les agents de contrôle de l’ARS, ainsi que des autres services de l’État au motif de contrôler les services sociaux ou médico-sociaux intervenant auprès des colocataires, quelle que soit l’autorité de tutelle.
Enfin, les services des directions départementales de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations peuvent intervenir dans le champ de la protection des consommateurs par rapport aux prestations facturées aux colocataires par les services sociaux ou médico-sociaux précités intervenant à leur domicile.
Vous le voyez, si le développement de solutions de remplacement à l’Ehpad ne fait pas l’objet d’autorisations préalables, mais il ne se fait pas non plus en dehors de tout contrôle. Le ministère des solidarités est pleinement mobilisé pour garantir la plus grande qualité d’accueil et d’accompagnement à toutes les personnes âgées de notre pays.
Certes, ce système d’hébergement se développe, et les contrôles doivent se multiplier. Mais ils se feront a posteriori, conformément à ce que prévoient la loi et le règlement.
soutien de l’état aux projets de résidences de répit partagé
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, auteure de la question n° 406, adressée à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.
Mme Monique Lubin. Ma question concerne l’enjeu du développement de résidences de répit partagé.
Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, le Sénat a adopté à l’unanimité l’amendement que j’avais défendu au nom de mon groupe pour permettre l’accompagnement, dès 2023, du développement de dix résidences de répit partagé sur tout le territoire français. Cet amendement a été balayé par le Gouvernement, qui a recouru à l’article 49.3.
Nous le déplorons, car ces résidences sont un mix associant des prestations hôtelières et de tourisme de qualité à la présence de professionnels médico-sociaux. Nous en avons besoin sur tout le territoire. Il y a en effet plus de 11 millions d’aidants familiaux en France, et sept aidants sur dix refusent l’idée d’un placement définitif de leur proche aidé. Ils aspirent à ce qu’un droit au répit partagé soit effectif.
Plus d’une dizaine de territoires, notamment leurs conseils départementaux en lien avec les associations représentatives des personnes et des aidants, sont ainsi porteurs de tels projets, singulièrement dans les Landes.
Cofinancées par l’État et les départements, ces résidences nécessitent un engagement sociétal fort et spécifique de la part de l’État au titre des crédits médico-sociaux. Au regard du faible coût pour lui de cette mesure par rapport à ce qu’elle est susceptible d’apporter à la population et aux territoires, il nous semble légitime qu’il s’investisse résolument dans cette démarche.
M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées m’a signalé au cours d’une audition en commission des affaires sociales qu’il y avait dans la loi de financement de la sécurité sociale des crédits pouvant bénéficier à de tels porteurs de projets. Mais ceux-ci ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Par ailleurs, aucun crédit ne semble fléché en faveur de ces dispositifs pour les agences régionales de santé.
Le Gouvernement compte-t-il mettre de tels crédits à disposition ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la sénatrice, la stratégie « Agir pour les aidants, 2020-2022 » a permis de poser le soutien aux aidants comme une priorité nationale.
Cette première stratégie comprenait, parmi les six priorités, l’ambition d’accroître et de diversifier les solutions de répit, soutenues par un budget cumulé sur l’ensemble de la stratégie de 105 millions d’euros.
Le Gouvernement a bien évidemment la volonté de poursuivre le travail de soutien aux aidants et a annoncé, début octobre 2022, qu’une deuxième stratégie aidants sera élaborée en 2023. Une concertation avec les acteurs pour la construction de cette stratégie est conduite en ce moment par le Gouvernement, sous l’autorité du ministre compétent.
Pour construire cette stratégie, le Gouvernement s’appuie notamment sur le rapport publié la semaine dernière par l’inspection générale des affaires sociales (Igas) sur le cadre juridique et le financement du répit. En parallèle, la Haute Autorité de santé (HAS) a été saisie sur la définition du répit et l’élaboration de bonnes pratiques professionnelles sur les actions de répit.
Les auteurs recommandent de diversifier les solutions de répit, notamment en adaptant l’offre d’accueil temporaire et en améliorant l’accès au relais à domicile, ainsi qu’aux séjours vacances. Leurs recommandations ne vont pas dans le sens d’un déploiement généralisé des maisons de répit ou de résidences de répit partagées. Ces modèles existants doivent être complétés par une offre plus diversifiée et de proximité, accessible notamment le soir et le week-end. Il s’agit à la fois de renforcer les plateformes de répit existantes et de développer une meilleure suppléance au domicile des personnes aidées.
C’est le modèle que nous déployons, par exemple, à Mont-de-Marsan, avec une maison d’accueil temporaire pour les personnes âgées qui permet de l’hébergement temporaire dans la limite de quatre-vingt-dix jours par an, mais aussi des prises en charge ponctuelles sur la journée via l’accueil de jour.
C’est donc bien en travaillant sur des solutions adaptées et diversifiées aux besoins de chacun que nous pourrons assurer un meilleur soutien aux aidants, qui occupent une place essentielle dans notre politique de solidarité. Toutes les études sont en cours en 2023 : j’espère que notre action sera couronnée de succès.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.
Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, si je comprends bien votre réponse, vous m’avez dit non : il y aurait assez de maisons de répit et ce ne serait pas la solution ? (M. le ministre délégué fait un signe de dénégation.) J’espère avoir mal compris !
droit alsacien-mosellan et jours fériés dans la fonction publique territoriale
M. le président. La parole est à M. Christian Klinger, auteur de la question n° 395, adressée à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.
M. Christian Klinger. Depuis près d’un siècle, l’Alsace et la Moselle sont, en partie, régies par un droit local qui constitue un modèle de différenciation territoriale du droit.
Produit de l’histoire mouvementée des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, le droit local alsacien-mosellan est depuis 2011 un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
Cela étant, au-delà de cet aspect constitutionnel, le droit local alsacien-mosellan réglemente de nombreux aspects de la vie quotidienne, et nos concitoyens y sont fortement attachés.
Pourtant, il semblerait que l’administration centrale oublie ces particularités dans ses instructions et circulaires, notamment en ce qui concerne les jours fériés et chômés. La durée annuelle du temps de travail des fonctionnaires territoriaux a été fixée à 1 607 heures.
À ce sujet, le code général de la fonction publique est on ne peut plus clair : il prévoit, pour les agents de la fonction publique territoriale de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, que le Vendredi saint et la Saint-Étienne sont fériés et chômés.
Pour le calcul de la durée du temps de travail de ces agents de la fonction publique territoriale, il y a lieu de tenir compte de ces deux jours fériés et chômés, c’est-à-dire de prévoir un temps de travail annuel de 1 593 heures, et non de 1 607 heures. Autrement dit, il n’est pas concevable que ces agents soient tenus de rattraper les heures de travail pour ces deux jours.
Monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir préciser votre position sur le sujet. Votre réponse est attendue par l’ensemble des agents des collectivités territoriales d’Alsace et de Moselle, ainsi que par les élus locaux. Ce sera pour vous l’occasion de rappeler votre attachement au droit local alsacien-mosellan.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur, afin d’harmoniser la durée du temps de travail au sein de la fonction publique territoriale, mais également avec la fonction publique de l’État, l’article 47 de la loi de transformation de la fonction publique a supprimé les régimes de travail dérogatoires mis en place avant 2001 dans les collectivités territoriales.
Dans les délais prévus par le législateur, les collectivités territoriales concernées sont tenues de définir, dans la limite d’un an à compter du renouvellement général de leurs assemblées délibérantes, de nouvelles règles relatives au temps de travail de leurs agents.
Les dispositions de la loi de transformation de la fonction publique sont applicables aux collectivités de Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, qui se voient par conséquent appliquer la durée légale annuelle de travail effectif de 1 607 heures.
L’article L. 3134-13 du code du travail prévoit, comme vous l’avez rappelé, que, dans ces départements, le Vendredi saint et le 26 décembre sont des jours chômés. Ces dispositions ne font toutefois pas obstacle à l’application des 1 607 heures dans ces collectivités.
La durée légale de travail s’applique en effet uniformément et indépendamment du nombre de jours chômés, qu’il s’agisse des jours fériés de droit commun ou des jours chômés propres aux départements d’Alsace et de Moselle. Par expérience, je peux vous dire que des problématiques similaires s’agissant des jours chômés et fériés existent dans les outre-mer.
Les collectivités territoriales et leurs établissements publics de Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ne sauraient dès lors se prévaloir des deux jours chômés évoqués pour définir une durée annuelle de travail inférieure à 1 607 heures sans méconnaître les dispositions applicables en la matière.
Par ailleurs, ces jours fériés et chômés restent non travaillés dans les départements concernés.
M. le président. La parole est à M. Christian Klinger, pour la réplique.
M. Christian Klinger. Monsieur le ministre, je ne partage pas votre analyse. En tant que ministre des outre-mer, vous savez qu’il faut respecter les spécificités des territoires ultramarins. Respectez également le droit local alsacien-mosellan ! Le Vendredi saint et la Saint-Étienne sont des jours fériés légaux : ils n’ont donc pas à être travaillés. Il importe donc de modifier les décrets en ce sens !
détresse des agriculteurs de dordogne victimes de l’orage du 20 juin 2022
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, auteure de la question n° 387, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la ministre, il y a huit mois, dans la nuit du 20 juin au 21 juin, une tempête de grêle exceptionnelle et dévastatrice a touché quarante-six communes en Dordogne, dans le secteur du Ribéracois.
M. le ministre de l’agriculture a dépêché sur les lieux deux inspecteurs que j’ai, avec mon collègue sénateur, accompagnés, afin de constater les dégâts d’une ampleur démesurée frappant durement les agriculteurs, les entreprises, les collectivités et les habitants.
Mardi 24 janvier, dans une large unité syndicale, les agriculteurs, au nombre de trois cent, sont venus devant la préfecture de la Dordogne exprimer leur désespoir et demander que soient débloquées des aides du fonds d’urgence, à ce jour très insuffisant, ainsi que la reconnaissance du régime de calamités agricoles.
La chambre d’agriculture a évalué les pertes de cultures à 25 millions d’euros quand le total des aides publiques ne couvre que 13 % du montant estimé des dégâts.
À ce jour, 189 exploitants agricoles ont bénéficié de 1,74 million d’euros d’aide, soit 9 200 euros par exploitant en moyenne, ce qui est très insuffisant lorsque l’on sait qu’aux pertes subies s’ajoutent les frais de remise en culture, l’achat de fourrage, d’aliments pour leurs élevages, ainsi que la remise en état des bâtiments et du matériel agricole.
Depuis huit mois, c’est un territoire meurtri qui se sent abandonné, les aides consenties par l’État étant très en dessous des dégâts constatés.
Il faut avoir entendu le témoignage de ces femmes et de ces hommes qui ont tout perdu et vu ces paysages dévastés pour mesurer la détresse de cette population, dont toutes les maisons, toujours bâchées à ce jour, gardent les stigmates de cet épisode climatique particulièrement violent.
Cette situation exceptionnelle nécessite des moyens exceptionnels. C’est la raison pour laquelle je m’apprêtais ce matin à inviter M. le ministre de l’agriculture à venir en Dordogne, afin qu’il puisse constater lui-même l’ampleur de cette catastrophe et revoir le niveau des indemnisations consenties à ce jour.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Madame la sénatrice Varaillas, le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire est bien conscient de la détresse des agriculteurs du territoire ribéracois. Je lui transmettrai dès la sortie de cet hémicycle l’invitation que vous venez de formuler à son endroit.
Je tiens à apporter quelques éléments de réponse, dont je ne doute pas qu’ils ne vous satisferont pas totalement. Sachez néanmoins que je m’entretiendrai avec M. Fesneau, afin qu’il puisse échanger avec vous sur ces sujets.
Les intempéries dramatiques que vous mentionnez ne sont effectivement pas éligibles au dispositif des calamités agricoles. Ce sont donc des mesures de soutien qui ont été annoncées, comme le dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB), mais aussi le report de cotisations sociales et la prolongation des prêts garantis par l’État (PGE).
M. le ministre Fesneau a également décidé d’une mission du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), afin d’évaluer précisément les dégâts et de répondre au cas par cas aux agriculteurs touchés par ces phénomènes climatiques intenses.
Cette mission a recommandé la mise en place d’un fonds d’urgence de 40 millions d’euros au moins, recommandation immédiatement suivie et mise en œuvre par le ministre Fesneau. Ce fonds est à la main des préfets pour apporter une réponse rapide aux situations de très grande fragilité que vous avez mentionnées, madame la sénatrice.
Ces aides sont accordées dans la limite de 5 000 euros par exploitation, une somme portée au montant estimé nécessaire pour aider les exploitations les plus en difficulté, dans la limite du plafond de minimis. Vous évoquez à juste titre une aide de 9 200 euros par exploitant en moyenne. Cela montre que nous n’atteignons pas, dans bien des situations, ce plafond, qui s’élève à 20 000 euros.
Les situations personnelles des agriculteurs du territoire que vous mentionnez doivent donc continuer à faire l’objet d’un examen approfondi à l’échelon local pour trouver des solutions qui répondent à leurs difficultés.
Telle est la réponse que m’a chargée de vous délivrer M. Marc Fesneau. J’espère que nous aurons d’autres éléments en réponse dans les prochains jours et les prochaines semaines.
soutien au secteur du transport routier
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, auteur de la question n° 375, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Jean-Pierre Moga. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la situation très difficile que traversent les transporteurs routiers du fait de l’envolée des prix du pétrole ces derniers mois et des conséquences économiques de la guerre en Ukraine. Le prix du gazole a ainsi augmenté de 36 % en seulement un an, ce qui représente une hausse considérable à absorber.
De surcroît, l’augmentation cumulée des tarifs des péages sur les années 2022 et 2023 représente 6,7 % et vient entamer la compétitivité du transport routier tricolore.
Madame la ministre, vous pourriez me répondre que les prix du pétrole ont baissé ces derniers mois, ce qui est vrai, mais ils se sont stabilisés à des niveaux bien supérieurs à ceux que nous connaissions à l’aube du conflit en Ukraine.
D’autres pays européens ont décidé de maintenir des dispositifs d’aide pour leurs transporteurs routiers. Dans cet esprit, pouvez-vous nous dire quelles sont les mesures spécifiques que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour soutenir les entreprises de transport françaises face aux hausses de prix des carburants et aux perspectives économiques défavorables pour le premier semestre de l’année 2023 ?
Des aides ponctuelles et exceptionnelles pourraient-elles être mises en place ? Si oui, quelles en seraient les modalités, les montants budgétaires, ainsi que les critères de ciblage pour les entreprises qui y seraient éligibles ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Monsieur le sénateur Moga, vous m’interrogez légitimement sur les dispositifs de soutien aux entreprises du transport routier face aux hausses de prix des carburants. Quitte à vous surprendre, je ne répondrai pas que ces prix ont de nouveau baissé ; ils sont suffisamment volatils pour que l’on ne se réjouisse pas qu’ils baissent après avoir tant augmenté.
En revanche, j’ai à cœur de vous rappeler que, sans attendre, le Gouvernement a mis en place des aides voilà plusieurs mois pour permettre à ce secteur extrêmement stratégique pour notre économie de faire face.
D’abord, nous avons mis en place une aide forfaitaire aux véhicules. Elle s’adresse spécifiquement à nos entreprises de transport public routier, qu’il s’agisse de transport de marchandises, de voyageurs, de véhicules sanitaires ou de transport d’animaux vivants.
Le téléservice qui avait été mis en place permettait de s’inscrire entre le 8 avril 2022 et le 31 mai 2022. De nombreuses demandes en recours ont été déposées jusqu’au 31 août 2022 inclus. Je tiens à vous dire que les premiers paiements, après examen des dossiers, vont intervenir avant la fin du 1er trimestre 2023. Le montant de l’aide dépend du nombre de véhicules de l’entreprise, mais aussi du tonnage de ces derniers. Versée en une fois, cette aide forfaitaire peut atteindre 1 300 euros par véhicule, auxquels s’ajoutent, pour les entreprises de transport de marchandises ou de transport public de voyageurs, le remboursement partiel de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), si elles remplissent certaines conditions, qui sont détaillées sur le site entreprendre.service-public.fr. Le remboursement est calculé à partir de la consommation réelle de gazole, d’essence ou de biocarburants au cours d’un trimestre, et le calcul du montant remboursé se fait sur un taux forfaitaire ou régional. Les montants de la TICPE pour 2023 sont dans l’attente d’être communiqués par la direction des douanes, et les montants des années précédentes sont toujours en vigueur.
Combinées, ces aides devraient permettre aux professionnels du transport routier de faire face à cette crise du carburant.
situation alarmante des artisans boulangers face à la hausse des tarifs de l’électricité
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 402, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Patrice Joly. Voilà quelques mois était annoncée l’inscription de la baguette française au patrimoine immatériel de l’Unesco, mettant en lumière la filière de la boulangerie, ses traditions et ses savoir-faire. Il semblerait que celle-ci soit malheureusement désormais en voie d’extinction dans nos villes et villages !
Affaiblis depuis plusieurs mois par la concurrence des grandes surfaces, qui vendent des baguettes à prix cassé, mais aussi par la hausse des prix du beurre ou de la farine, nos artisans sont aujourd’hui frappés de plein fouet par l’explosion de leurs factures de gaz et d’électricité, parfois multipliées par dix depuis l’automne. Plusieurs boulangers ont déjà été contraints de fermer boutique.
Acteurs indispensables de la vitalité des territoires ruraux, les artisans sont perdus et ne demandent qu’à travailler, mais certainement pas à perte !
Certes, le Gouvernement a mis en place, pour les TPE de moins de 10 salariés avec un chiffre d’affaires annuel de moins de 2 millions d’euros et ayant un abonnement d’une puissance inférieure à 36 kilovoltampères, un bouclier tarifaire permettant de plafonner la hausse de l’électricité à 15 % à partir de février 2023, et ce jusqu’au 31 décembre 2023. Il en est de même s’agissant du gaz. De nombreuses boulangeries consomment bien plus et sont donc, de fait, exclues du dispositif. C’est le cas, par exemple, sur la commune de Millay, dans la Nièvre, où le maire m’a fait part des difficultés de sa boulangerie.
Les fournisseurs ont par ailleurs accepté que l’ensemble des TPE ayant signé un contrat d’électricité au cours du second semestre de 2022 ne paient pas plus de 280 euros le mégawattheure en moyenne sur l’année 2023. C’est bien, mais ce dispositif laisse, lui aussi, un certain nombre de commerces sur le bord de la route.
C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir m’indiquer si de nouvelles mesures, en cohérence avec la réalité des territoires, seront mises en place rapidement pour sauver ces commerces de proximité, qui font vivre tous nos territoires, en particulier nos villages, en contribuant à leur attractivité.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Monsieur le sénateur Joly, je commencerai de façon très directe en vous indiquant que je suis à votre disposition à la fin de la séance si vous voulez me faire part d’un cas particulier de boulangerie menacée, factures à l’appui.
Il y a 33 000 boulangeries en France. Non, la baguette ne disparaîtra pas ! On a suffisamment de raisons de s’inquiéter pour ne pas s’en créer d’autres. Il y a des difficultés – je ne les nie pas –, notamment pour un tiers de nos boulangers qui sont dans le cadre d’un renouvellement de contrat et qui ont été confrontés, soyons clairs, à des tarifs absolument aberrants au second semestre 2022.
C’est pour cette raison que nous avons réagi. Je ne reviendrai pas sur le tarif réglementé de vente (TRV), qui s’adresse à nos TPE. Vous avez bien expliqué que nos boulangers n’y étaient pas souvent éligibles, étant non pas au plafond de 36 kilovoltampères, mais, plus souvent, entre 70, 80 ou 90 kilovoltampères. Je suis bien consciente du problème, et tout le Gouvernement avec moi.
Aussi, dès la fin de l’année dernière, nous avons mobilisé l’ensemble des fournisseurs pour qu’ils s’alignent sur ce que l’on appelle le tarif indicatif de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), évalué aux alentours de 280 euros le mégawattheure, et qui sera le prix maximum que paieront nos TPE, et notamment celles qui ont signé à des tarifs exorbitants. Au-delà de cette aide, l’amortisseur va aussi s’appliquer.
Le problème n’est pas l’ampleur de la mobilisation du Gouvernement, car l’argent est là : 12 milliards d’euros ! Nous devons maintenant faire savoir aux boulangers où se trouvent les aides. Sur la page d’accueil du portail impots.gouv.fr, il y a les coordonnées des conseillers départementaux qui sont là pour orienter nos boulangers, car ces derniers ont autre chose à faire que d’aller chercher les aides. Il faut que l’on se mobilise tous, et je connais l’engagement des sénateurs. Il y a le guichet ; il y a l’amortisseur ; il y a les 280 euros ; il y a aussi des dispositifs d’étalement de charges, si nécessaire.
Monsieur le sénateur, je le répète, je reste à votre disposition pour en reparler après la séance.
nouvelles obligations pour les propriétaires de déclarer la situation de leurs biens immobiliers
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 404, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.
Mme Catherine Procaccia. Ma question porte sur les nouvelles obligations pour les propriétaires de déclarer la situation de leurs biens immobiliers.
La loi de finances pour 2020 oblige, d’ici au 30 juin 2023, 34 millions de Français à déclarer chacun de leurs locaux, d’indiquer à quel titre ils les occupent, ou l’identité des locataires et leur période d’occupation.
Je m’étonne de l’absence de communication auprès des contribuables sur cette nouvelle obligation, sanctionnée par une amende de 150 euros par local oublié, d’autant que les caves et les parkings sont considérés comme des biens indépendants. Par ailleurs, l’administration affecte automatiquement un pourcentage de parties communes qui ne semble pas en rapport avec les tantièmes de copropriété. Enfin, le calcul du nombre de pièces ne correspond pas aux pratiques habituelles : les salles de bains et les cuisines sont comptées comme des pièces, quelle que soit leur dimension. Pis, en cas d’erreur, il est impossible de les corriger soi-même. Je l’ai testé personnellement.
Je souhaite donc savoir ce qu’a prévu le Gouvernement pour accompagner les Français dans ce processus, qui semble en cours de rodage, ainsi que pour les personnes qui continuent à faire des déclarations sur papier.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Madame la sénatrice Procaccia, je reconnais bien là votre sens de la précision. (Sourires.)
Effectivement, les propriétaires doivent indiquer à l’administration fiscale, et ce avant le 1er juillet, à quel titre ils occupent les locaux – habitation principale ou secondaire –, et, quand ils ne les occupent pas eux-mêmes, l’identité des occupants.
Le cœur de votre question porte sur la communication autour de cette obligation. Plusieurs actions ont d’ores et déjà été menées et vont s’intensifier dans les prochains mois. Ainsi, un message spécifique a été affiché en première page des avis de taxe foncière et de taxe sur les logements vacants à l’automne 2022.
Par ailleurs, un encart informant sur les nouvelles démarches est visible sur l’onglet Gérer mes biens immobiliers du site impots.gouv.fr.
Enfin, des actions de communication sont en cours auprès de la presse nationale, locale, des télévisions, des radios, et des campagnes d’information personnalisées ciblées vont être menées à partir du mois de février, via des mails et des courriers papier. Je comprends votre agacement, mais tout cela va se faire, même si c’est avec du retard.
Ces campagnes vont se cumuler avec la campagne de déclaration des revenus en 2023, qui va représenter une étape importante pour communiquer auprès des usagers particuliers. Comme pour toute réforme d’envergure, l’administration fiscale fera aussi preuve de bienveillance à l’endroit des propriétaires qui n’auraient pas été informés.
Je suis malheureusement prise par le temps qui m’est imparti et ne peut aller plus loin. Aussi, je me propose, madame la sénatrice, de vous transmettre, après la séance, un complément de réponse sur l’utilisation du service Gérer mes biens immobiliers.
Pour conclure, vous avez raison de dire que nous devons plus communiquer. Nous sommes au mois de février, et j’espère que le temps qui nous reste sera suffisant pour informer tous les intéressés. Votre question est en tout cas fort légitime.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour la réplique.
Mme Catherine Procaccia. La communication semble indispensable ; la bienveillance aussi ! Il faut bien voir que tout cela était jusqu’alors géré par l’administration, avant que celle-ci ne se décharge sur les particuliers. Madame la ministre, comme beaucoup de personnes, je n’ai pas l’habitude de me connecter à mon espace réservé du site des impôts, hormis pour les payer.
Par ailleurs, il y a un problème avec la qualification des biens retenue. Ainsi, une cuisine ou une cave de 1,5 mètre carré est considérée comme une pièce, mais pas une entrée de 18 mètres carrés. C’est complètement aberrant ! En outre, je le répète, aucune correction n’est possible.
J’espère que ces éléments vont pouvoir être remis en cause et que le Gouvernement va s’interroger sur les modalités de déclaration.
dispositifs d’aide aux boulangeries
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, auteur de la question n° 400, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Didier Marie. Madame la ministre, je me fais aujourd’hui l’écho auprès de vous de l’inquiétude, voire du désarroi des boulangers de Seine-Maritime, qui sont confrontés à une explosion du montant de leur facture d’électricité. Ainsi, 60 % des 3 000 boulangeries que compte le département sont au tarif jaune et voient leur facture augmenter. Celles qui renouvellent leur contrat connaissent des augmentations considérables qui ruinent leurs marges.
Les dispositifs d’aide que vous leur proposez n’apaisent pas leurs craintes. Pire, ils suscitent souvent de la colère, les artisans ayant le sentiment de ne pas être entendus. Le bouclier tarifaire limite, certes, à 15 % la hausse du prix de l’électricité en 2023, mais son bénéfice est subordonné au nombre de salariés – moins de dix –, et à la puissance du compteur électrique. Or les boulangeries ont, pour 80 % d’entre elles, des compteurs supérieurs à 36 kilovoltampères, et n’y sont donc pas éligibles. Les solutions alternatives, à savoir l’amortisseur électricité pour cette puissance de compteur, à condition que plus de 3 % de leur chiffre d’affaires soit dépensé en énergie, ou la garantie que le prix du mégawattheure ne dépassera pas 280 euros, ne répondent pas aux difficultés.
Ces dispositifs ne sont pas à la hauteur, d’autant que les boulangers sont par ailleurs touchés par une envolée du prix des matières premières : + 14 % pour la farine, + 30 % pour le beurre, + 25 % pour le sucre, etc.
Les conséquences de cette situation sont doubles.
D’une part, une augmentation du prix de la baguette est à venir, ce qui frappera le pouvoir d’achat des ménages et contribuera à l’inflation.
D’autre part, nous sommes face à des risques de suppressions d’emplois – certains l’ont déjà fait –, et de disparition d’un grand nombre de commerces, sachant que le boulanger est, dans bon nombre de nos communes rurales, le dernier à être ouvert. Madame la ministre, quelles dispositions nouvelles comptez-vous prendre pour sauver nos boulangeries et la baguette, patrimoine mondial de l’Unesco ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Monsieur le sénateur Marie, j’ai l’honneur d’être la ministre des PME, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, mais je ne suis pas la ministre du commerce de la peur ! Je sais que c’est difficile. Vous faites bien de m’interroger, et c’est le rôle de la représentation nationale. Mais soyez assuré que je m’attelle à trouver des solutions depuis plusieurs mois.
Pour connaître un peu et respecter beaucoup les socialistes, je sais que, contrairement à d’autres partis plus extrémistes, vous ne vous vautrez pas dans ce commerce de la peur. Je pense que notre devoir est d’écrire à nos boulangers non, comme certains l’ont fait, pour leur expliquer comment ils vont mourir, mais pour leur montrer comment ils peuvent s’en sortir.
Je ne peux pas laisser dire que le Gouvernement n’a pas pris la mesure de la crise chez les artisans boulangers. Il y a 12 milliards d’euros à aller chercher !
On m’a parlé de l’Allemagne ou d’autre pays, mais je puis vous dire qu’il n’y a pas un État en Europe qui ait mis autant d’argent à disposition des entreprises.
Nous avons agi puissamment en faveur du pouvoir d’achat des consommateurs. Monsieur le sénateur Marie, quand vous me dites que les boulangers ne veulent pas augmenter le prix de la baguette pour ne pas grever le pouvoir d’achat, je vous réponds que pas un pays européen n’a fait ce que nous avons fait avec notre bouclier tarifaire à 15 %, qui est en fait un plan de relance de la consommation de 110 milliards d’euros pour soutenir le pouvoir d’achat des Français. Nous assumons, et la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie a d’ailleurs dit que le prix de la baguette pouvait être augmenté de 3 % à 5 %. Les consommateurs, aidés sur leur facture d’énergie, peuvent tout à fait supporter une telle augmentation, l’État supportant la hausse des coûts de l’énergie à quasiment 60 %, comme l’a montré Bercy.
Aujourd’hui, il y a une chose à faire, et c’est plus en ancienne entrepreneure qu’en femme politique que je vous parle : il faut que les artisans se rendent sur la page d’accueil du site impots.gouv.fr, où ils trouveront facilement l’amortisseur, le guichet et les coordonnées directes des conseillers départementaux pour sortir de cette crise.
Les dispositifs d’aide existent. Notre mission doit être de les activer. Aujourd’hui, on est loin d’avoir décaissé ces 12 milliards d’euros. Je suis prête à me battre avec acharnement. Mais, de grâce, aidez-moi à faire savoir aux artisans boulangers qu’il faut signer ce formulaire attestant de leur qualité de TPE-PME et le renvoyer à leur fournisseur pour bénéficier des aides. Nous proposons des solutions pour sortir de ce moment difficile.
Je le répète, il faut juste que ces aides soient décaissées – 12 milliards d’euros, ce n’est pas rien ! –, car nous avons aujourd’hui un vrai problème de non-recours.
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour la réplique.
M. Didier Marie. Madame la ministre, il y a, me semble-t-il, un écart entre ce que vous dites et ce que ressentent et vivent les boulangers de mon département, comme vraisemblablement d’autres départements.
J’ai eu ce matin au téléphone le président des boulangers de Seine-Maritime, qui m’a confirmé qu’un grand nombre de ses collègues étaient en grande difficulté et craignaient de devoir licencier ou de fermer leur boulangerie. Les aides que vous mentionnez ne sont pas suffisantes.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Elles ne sont pas décaissées !
difficultés administratives et financières rencontrées par les soldats français blessés
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, auteure de la question n° 382, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire.
Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaiterais attirer l’attention du Gouvernement sur les difficultés administratives et financières rencontrées par les soldats français blessés.
Dans nos administrations, « pour un blessé du fait de son engagement militaire, il devrait exister une présomption de bonne foi : nous devons alléger la charge de la preuve qui pèse sur l’individu, nous devons même la neutraliser. » Afin de mieux les accompagner, nous devons garantir à nos soldats et à leurs familles « une prise en charge immédiate, durable, adaptée et bienveillante », pour reprendre les mots sans ambiguïté du président Emmanuel Macron, lors de son discours du 13 juillet 2022 sur la politique de défense.
Néanmoins, nous constatons l’ampleur des difficultés de nos soldats blessés, tous grades confondus, dans leur parcours médico-administratif, ainsi que leur énorme déception de devoir parfois saisir le tribunal administratif, afin de faire tout simplement valoir leurs droits. Lassés, ils abandonnent souvent.
N’oublions pas que cette action de simplification demandée par nos soldats ne serait qu’une simple expression de reconnaissance pour leurs sacrifices et leur engagement sans faille. La seule chose qu’ils demandent est de pouvoir conserver leur dignité et être en mesure de subvenir dignement aux besoins de leur famille, malgré leurs handicaps. N’oublions pas que toute blessure psychique, physique ou neuropathique a un impact significatif au quotidien.
Madame la ministre, bien que vous ne soyez pas chargée des anciens combattants, savez-vous quelle est parfois la pensée malheureuse de soldats blessés ? Pour nombre d’entre eux, il vaut mieux être un soldat ayant été au sacrifice ultime qu’un soldat blessé, puisque le décès de l’individu débloque toutes les instances. Ne serait-il pas temps de prendre en compte réellement la détresse de nos soldats blessés face à cette triste réalité ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Madame la sénatrice, je n’ai pas l’honneur d’être chargée des anciens combattants, mais il se trouve que je connais très bien le handicap et les drames de la vie. Votre question me touche, et je vais essayer d’y répondre avec le plus de précision possible en me faisant la messagère de Mme Patricia Mirallès.
La prise en charge des blessés que vous mentionnez dépasse amplement le simple devoir moral. Nos militaires doivent pouvoir conduire de manière sereine les missions assignées sans avoir à redouter un deuxième parcours du combattant. C’est pourquoi il est important de faire émerger la présomption de bonne foi en faisant oublier les processus administratifs désincarnés pour instaurer un accompagnement individualisé aussi bienveillant que possible. Nous devons simplifier rapidement la prise en charge tout en développant la dimension territoriale des dispositifs d’aide.
Un nouveau plan d’action ministériel d’accompagnement des blessés et des familles, qui les placera au cœur de toutes les attentions, est prêt à être déployé. Il s’attachera prioritairement à améliorer la prise en charge et le suivi dans le temps long des militaires blessés, à réduire les démarches administratives qui pèsent sur eux, à mieux leur faire connaître les droits et dispositifs d’accompagnement, et à améliorer les dispositifs de reconnaissance et de réparation.
Si les travaux entrepris ces dernières années ont contribué à réduire les délais de traitement des dossiers, soyons clairs, madame la sénatrice Guidez : il nous faut désormais simplifier encore beaucoup les procédures. Cela va passer notamment par l’élargissement des cas d’attribution automatique des droits, mais aussi par la réduction du nombre de démarches et une meilleure accessibilité aux dispositifs grâce à des outils numériques plus modernes.
La secrétaire d’État Patricia Mirallès devrait présenter ce plan et, surtout, le déployer assez rapidement. Je suis à votre disposition si vous souhaitez que je lui fasse remonter des informations. Je vous remercie en tout cas de votre question sur un sujet qui devrait tous nous mobiliser.
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour la réplique.
Mme Jocelyne Guidez. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Je me bats depuis au moins deux ans sur la simplification. J’ai beaucoup interrogé Mme Geneviève Darrieussecq, qui était auparavant chargée des anciens combattants. Je comprends qu’un travail spécifique est mené actuellement. Il est dommage que les parlementaires n’y soient pas associés. J’aurais, pour ma part, été très intéressée. Mais je suis heureuse d’apprendre que la simplification des démarches est au cœur des préoccupations du Gouvernement.
conséquences de l’accord de libre-échange entre l’union européenne et la nouvelle-zélande sur la filière ovine française
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la question n° 159, transmise à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger.
Mme Anne-Catherine Loisier. Ma question porte sur les conséquences de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande sur la filière ovine.
Le 30 juin 2022, la Commission européenne a acté la signature de cet accord bilatéral, qui octroie un quota de 38 000 tonnes équivalent carcasse en plus des contingents déjà accordés historiquement à la Nouvelle-Zélande, concernant la viande congelée principalement.
Ainsi, la quasi-totalité de la viande ovine néo-zélandaise est importée sous l’appellation « en frais » à des prix, que, nous le savons, ne peuvent concurrencer nos éleveurs français, soumis à des normes. Ces animaux sont en fait abattus au mois de janvier pour être vendus juste avant Pâques en France, donc juste à la période où nos éleveurs ont prévu leur mise à bas. Or s’ils n’arrivent pas à vendre leurs animaux, ils sont obligés de les garder, avec des surcoûts pour leur entretien.
Pour qu’elle soit conservée, la viande néo-zélandaise est mise sous poche plastique, ce qui interroge sur la notion de vendu « en frais », s’agissant de viande qui a plus de trois mois.
Les producteurs sont donc inquiets des conséquences de cet accord, qui intervient dans une situation déjà tendue à cause de l’accord avec l’Irlande du Nord dans le cadre du Brexit.
Comment le Gouvernement pense-t-il préserver le revenu de nos éleveurs ovins, par ailleurs touchés par les problématiques liées au loup ? Compte-t-il œuvrer pour rendre plus cohérentes les politiques européennes, qui, paradoxalement, imposent des critères de sobriété et de décarbonation et promeuvent des échanges commerciaux sur des denrées pourtant disponibles en France avec des pays situés de l’autre côté de la planète ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Madame la sénatrice Loisier, je tiens d’abord à vous assurer que, dans cette négociation commerciale, la France est particulièrement vigilante s’agissant des intérêts de nos filières agricoles sensibles.
L’ouverture du marché européen des viandes ovines était l’une des principales revendications de la Nouvelle-Zélande, et nous avons fermement défendu nos filières. L’ouverture finalement accordée est de 38 000 tonnes. Elle sera progressive, sur sept ans, et nous avons limité celle accordée aux viandes fraîches à 13 500 tonnes.
Par ailleurs, la Nouvelle-Zélande est loin d’utiliser l’accès au marché européen dont elle dispose déjà en vertu de nos engagements à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Le risque d’une augmentation des importations avec ce nouvel accord est par conséquent relativement faible, pour ne pas dire très faible, à fonctionnement normal de marché.
Plus largement, vous nous interrogez sur ce que fait le Gouvernement pour rendre plus cohérentes les politiques européennes de durabilité et de commerce ? Je tiens à vous apporter quelques précisions à cet égard.
Le rééquilibrage de la politique commerciale vers une meilleure intégration des enjeux de développement durable est poussé par la France. Sous la présidence française de l’Union européenne, le concept de mesure miroir a d’ailleurs commencé à se généraliser. Il est essentiel – vous le savez très bien –, parce qu’il permet justement d’appliquer les normes de production européenne aux produits importés sur tous les flux commerciaux, couverts ou non par des accords. Ainsi, nous saluons le fait que la Commission ait enfin présenté, au mois de décembre dernier, le projet d’acte permettant la mise en œuvre de l’interdiction d’importer des viandes produites avec des antibiotiques comme facteurs de croissance, et nous nous félicitons de l’accord récent sur la lutte contre la déforestation importée.
Enfin, je veux aussi souligner que l’accord avec la Nouvelle-Zélande est doté du chapitre Commerce et développement durable le plus ambitieux que l’Union européenne ait négocié jusque-là. Il intègre l’accord de Paris comme élément absolument essentiel, mais aussi la possibilité de sanctions commerciales en cas de violation substantielle dudit accord et des droits fondamentaux des travailleurs.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour la réplique.
Mme Anne-Catherine Loisier. Les clauses miroirs sont effectivement déterminantes. Il n’en demeure pas moins que nos éleveurs sont aujourd’hui dans des situations catastrophiques. Ils n’arrivent plus à vivre de leur production, ce qui tend à remettre en cause la souveraineté alimentaire de notre pays. Le sujet reste entier.
interventions d’élus dans les établissements scolaires
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, auteur de la question n° 386, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Henri Cabanel. Madame la ministre, j’ai eu l’occasion d’échanger avec votre collègue ministre de l’éducation nationale au sujet d’une expérimentation que je propose dans mon département de l’Hérault.
Il s’agit de créer des binômes d’élus – parlementaires et élus locaux – pour aller rencontrer périodiquement des jeunes, du niveau primaire jusqu’au lycée : même discours partout, sans prosélytisme, avec le seul filtre de l’information institutionnelle.
L’éducation morale et civique ne remplit pas totalement ce rôle, tant son champ d’intervention s’est développé au fil des années, le tout dans un laps de temps très réduit. C’est ce que le rapport d’information Jeunesse et citoyenneté : une culture à réinventer, que j’ai déposé au mois de juin 2022, s’est attaché à démontrer. Cela ressort également des enquêtes auprès des jeunes. Aussi, j’ai proposé d’organiser des interventions d’élus de la République au sein des établissements scolaires, dans le seul objectif de donner ces informations aux jeunes, à partir d’un contenu établi par l’éducation nationale.
Certes, aujourd’hui, des élus interviennent de façon spontanée dans les écoles, collèges ou lycées, mais les contenus dépendent d’eux seuls. Il est primordial de prévoir un cadre.
Le Gouvernement pourrait-il valider cette expérimentation, qui est encadrée par le rectorat et l’association des maires de l’Hérault et qui sera réévaluée au bout d’une année scolaire ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Monsieur le sénateur Cabanel, la transmission et le respect des valeurs de la République sont au cœur de nos priorités et de nos engagements.
Dès l’école primaire, et tout au long de la scolarité, l’enseignement moral et civique (EMC) permet aux élèves de mieux comprendre le bien-fondé des règles qui régissent les comportements individuels et collectifs et de mieux reconnaître le pluralisme des opinions, des convictions et des modes de vie.
Dans le cadre de cet enseignement, mais aussi d’actions éducatives plus larges, des élus peuvent d’ores et déjà – et c’est heureux ! – intervenir auprès des enseignants afin d’apporter leur concours à la transmission des valeurs de la République, qui est essentielle.
J’entends, monsieur le sénateur, toute l’attention que vous portez au contenu et au bon déroulement de ces interventions qui impliquent des élus, et je la partage.
Nul ne saurait remettre en doute les bienfaits de ces opérations auprès des élèves, à condition qu’elles se déroulent à l’abri de tout prosélytisme et dans le strict respect du principe de neutralité du service public de l’enseignement.
C’est pourquoi, afin qu’elles prennent tout leur sens, il est important qu’elles s’inscrivent, comme c’est déjà le cas, dans le cadre du projet d’école ou d’établissement et qu’elles bénéficient, dans leur conception comme dans leur mise en œuvre, de l’appui des équipes éducatives et pédagogiques des établissements dans lesquels elles prennent place.
Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre proposition, qui concourt à l’éducation à la citoyenneté de nos élèves. Nous continuerons à veiller, avec vous, à ce que les interventions dans le cadre de l’EMC s’inscrivent bien dans le cadre pédagogique le plus adapté et, surtout, dans le respect absolu de la neutralité qui s’impose au service public de l’enseignement.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour la réplique.
M. Henri Cabanel. Madame la ministre, je m’attendais à une telle réponse.
Un important travail a été réalisé dans mon département avec la rectrice d’académie et l’association des maires de l’Hérault, afin d’éviter ce prosélytisme, que j’ai moi-même dénoncé. Je souhaite donc mener cette expérimentation dans un cadre précis, porté par l’éducation nationale au travers du rectorat.
Nombre d’élus effectuent ces interventions, mais je tiens à ce cadre, de manière que toutes les écoles de notre département puissent en bénéficier au cours du mandat des élus.
suppression de l’enseignement technologique en classe de sixième
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, auteure de la question n° 396, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Annick Billon. Madame la ministre, ma question devait initialement porter sur la suppression de l’enseignement technologique en classe de sixième. Ce sujet ayant été largement abordé la semaine dernière, je ne vais pas y revenir, mais je serai vigilante quant aux mesures qui émergeront des concertations en cours.
Je souhaite vous interroger sur un autre sujet d’importance : les fermetures de classes et d’écoles dans les territoires ruraux.
Alors que le Gouvernement a présenté le soutien à la ruralité comme l’une de ses priorités, plusieurs départements sont confrontés à des décisions unilatérales de fermetures de classes. Celles-ci affectent la carte scolaire du monde rural et emportent des conséquences sur l’aménagement du territoire tel que les élus l’envisagent, ainsi que sur les projets d’investissement.
Les propositions de l’État prévoient un abaissement du seuil de fermeture de classes ou d’établissements. Pour autant, il n’est pas acceptable que la baisse du nombre de postes inscrite dans la loi de finances pour 2023 pénalise en premier lieu les zones rurales, dont vous ne pouvez ignorer les difficultés liées à la mobilité. Cela fait d’ailleurs écho à l’engagement de l’État d’appliquer les mesures nos 73 et 74 de l’agenda rural, c’est-à-dire la prise en compte d’un indice d’éloignement, ainsi que des spécificités des classes multi-âges.
Dès lors, quand et comment allez-vous appliquer ces mesures et renoncer à imposer aux élus et aux familles des regroupements forcés dans les écoles des territoires ruraux ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Madame la sénatrice Billon, c’est assez rare, mais cela peut arriver : j’attendais une question sur l’enseignement technologique – j’ai des éléments sur ce thème –, mais, avec cette audace dont il est heureux que les parlementaires fassent preuve, vous m’interrogez plutôt sur les fermetures de classes.
Cette question est tout aussi légitime, mais comme je ne suis pas chargée du sujet, je n’ai pas de réponse satisfaisante à vous apporter. Je pourrais vous livrer des éléments à côté de la plaque, sur la technologie, mais je suggère plutôt que vous me transmettiez votre question, afin que je fasse en sorte de vous apporter rapidement une réponse du ministre de l’éducation nationale qui soit à la hauteur de la précision de votre question.
Ayant été plus longtemps parlementaire que ministre, je considère qu’il ne serait pas respectueux de répondre à la question que vous n’avez pas posée ; je détestais moi-même, comme parlementaire, que le Gouvernement me réponde « bleu » quand je demandais « rouge ».
J’éviterai donc de le faire à mon tour et je m’engage à obtenir rapidement une réponse écrite à cette question orale.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.
Mme Annick Billon. Je vous remercie, madame la ministre, cette proposition est tout à votre honneur.
En réalité, le sujet est tellement récurrent dans les territoires que les questions se multiplient. L’Association des maires ruraux de France (AMRF) demande un moratoire sur ces fermetures, et un ancien sénateur, Alain Duran, avait préparé un rapport concluant que, si l’on peut constater des baisses démographiques, il est possible de les prévoir et de les anticiper, de manière à éviter qu’un couperet ne tombe chaque année.
fermetures d’écoles et incidences financières sur les collectivités territoriales
M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, auteure de la question n° 408, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Christine Herzog. Madame la ministre, je regrette à mon tour l’absence du ministre de l’éducation nationale.
La suppression d’une classe de primaire dans la commune de Landroff, en Moselle, à la rentrée de 2023, vient d’être décidée par le directeur académique des services de l’éducation nationale (Dasen).
Comme toute commune française, Landroff a eu l’obligation d’ouvrir une école élémentaire publique, selon l’article L. 212-2 du code de l’éducation, et d’en financer la construction, la maintenance et la mise aux normes, ce qui lui impose des remboursements à long terme. Cet article fixe le seuil minimum d’élèves pour ouvrir une école à 15. Permettez donc, madame la ministre, de m’étonner de la fermeture d’une classe de 21 élèves !
De plus, les regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI) sont concernés par des départs d’élèves sans dérogation. C’est le cas à Landroff, où cinq enfants ont quitté le RPI ; l’absence de ces élèves n’a pas été sans effet dans la décision de fermeture d’une classe.
Une autre commune de Moselle, Charly-Oradour, a également appelé mon attention sur la suppression d’une classe de maternelle, alors même que la commune vient de viabiliser 93 terrains à bâtir.
Une telle mesure emporte des conséquences sur les projets des familles comme sur les finances de la commune : une école qui ferme une classe n’envoie pas un signal de développement, et ces phénomènes contribuent à la désertification les communes rurales.
Madame la ministre, lorsque les communes ont encore des engagements financiers et subissent des charges annuelles incompressibles pour leur école, comme c’est le cas à Landroff, à Charly-Oradour et dans d’autres communes, pouvez-vous suspendre les fermetures ? L’école de Landroff accueille en outre 21 élèves par classe, et non 15, comme l’exige l’article L. 212-2 du code de l’éducation.
Serait-il possible de différencier le seuil d’élèves par classe dans les zones rurales par rapport aux zones urbaines, et ainsi de constituer des classes de 15 élèves au maximum dans les premières ?
Enfin, êtes-vous disposée à annuler l’obligation de prise en charge des élèves déplacés et à durcir les transferts d’accueil non motivés ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Madame la sénatrice Herzog, voici quelques éléments de réponse sur ce sujet important.
Tout d’abord, le taux d’encadrement en Moselle a continué à s’améliorer, en passant de 21 élèves par classe à la rentrée de 2019 à 19,8 élèves par classe à la rentrée de 2022. À taux annuel constant, une telle évolution pourrait conduire à satisfaire votre demande de classes de 15 élèves d’ici à trois ou quatre ans.
On compte en Moselle deux projets de fermetures d’écoles en zone rurale pour la rentrée de 2023. Les communes de Bourgaltroff et de Guébling constituent un RPI, avec une école à classe unique de 21 élèves, répartie dans chacune des deux communes. Les deux maires envisagent maintenant de fermer leur école et de scolariser leurs élèves dans la commune de Bénestroff, avec l’accord de son maire.
Le conseil municipal de Bourgaltroff a acté la fermeture de l’école le 2 février dernier ; celui de Guébling ne s’est pas encore réuni pour aborder la question. À l’heure actuelle, sans délibération de tous les conseils municipaux concernés, ces deux retraits d’emplois ne seront pas actés par le Dasen de la Moselle.
Cette situation fait l’objet d’un suivi attentif de l’inspectrice de la circonscription de Château-Salins dont dépendent les deux communes. Le ministère de l’éducation nationale ne manquera pas de vous en tenir informé.
M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Pierre Laurent.)
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
L’État territorial, entre mirage et réalité
Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, sur le thème : « L’État territorial, entre mirage et réalité ».
Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour du droit de répartie, pour une minute.
Madame la ministre déléguée, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura retrouvé sa place dans l’hémicycle.
Dans le débat, la parole est à Mme la présidente de la délégation.
Mme Françoise Gatel, présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le titre du débat qui nous réunit cette après-midi peut paraître provocateur : « l’État territorial, entre mirage et réalité ».
Cette apparente provocation est toutefois forte de sa vérité, puisqu’elle rend compte des incertitudes graves pesant sur le rôle de l’organisation de l’État dans nos territoires. Cette question a été particulièrement mise en évidence pendant la crise sanitaire.
Le malaise est palpable chez les élus locaux – ce n’est pas une surprise ! –, au premier rang desquels les maires, mais aussi parmi les usagers, et il s’étend aux agents de l’État eux-mêmes.
L’État déconcentré a pourtant fait l’objet de multiples attentions depuis une quinzaine d’années ; il constitue même l’un des principaux champs de réforme de l’action publique. Les acronymes n’ont pas manqué pour désigner des politiques qui ont touché les services déconcentrés de l’État : la RéATE – réforme de l’administration territoriale de l’État –, la MAP – modernisation de l’action publique –, le PPNG – plan Préfectures nouvelle génération.
Cette cascade de réformes me semble traduire des tâtonnements et des coups de volant un peu brusques, à l’exemple du sort réservé au préfet de département. Pierre angulaire de l’État déconcentré, celui-ci a vu ses marges de manœuvre réduites par l’irruption du préfet de région, puis ses compétences réaffirmées, alors que le pouvoir d’évocation, donc de reprise du sujet, est toujours reconnu au préfet de région. Et, désormais, le préfet sera fonctionnalisé, fondu dans un corps plus large que la préfectorale, laquelle vient de disparaître…
Nous en sommes tous d’accord : cette succession saccadée de réformes est le signe d’un défaut de vision et d’une faiblesse dans l’évaluation de ces politiques publiques successives.
Madame la ministre, l’évaluation des politiques publiques est au cœur de la culture du Sénat, singulièrement de sa délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, pour ce qui la concerne, mais aussi de sa commission des lois.
Or aucune des réformes que je viens d’égrener n’a fait l’objet d’une évaluation ex post digne de ce nom. Tout s’est passé comme si les idées préconçues, les remèdes miraculeux et les intuitions plus ou moins judicieuses prenaient le pas sur la rigueur et sur l’objectivité.
Tirant ce constat d’un déficit d’évaluation, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation s’est particulièrement investie sur le sujet. Je veux saluer l’excellent travail de nos collègues Agnès Canayer et Éric Kerrouche, qui ont conduit, ces derniers mois, une mission d’information remarquable, fouillée et rigoureuse. Celle-ci a abouti à un rapport intitulé À la recherche de l’État dans les territoires, parce que l’on est un peu Indiana Jones quand on est élu local… (Sourires.)
Il s’agit non pas d’un énième marronnier, dans un domaine qui en compte beaucoup, mais bel et bien d’une boussole pour l’avenir, présentant une vision très claire de ce que doit être, et ne doit pas être, l’État dans nos territoires.
Nos deux collègues n’ont pas hésité à prendre directement le pouls du corps préfectoral par un sondage. Il n’est pas si fréquent que les préfets et les sous-préfets se livrent ainsi à cœur ouvert sur leur vécu professionnel, et je tiens à remercier, au nom de la délégation, M. le ministre Darmanin, qui a rendu possible cet exercice inédit, mais fructueux. Madame la ministre, je vous prie d’ailleurs de lui rappeler que nous serons très heureux de lui remettre ce rapport en mains propres.
Cette consultation des membres du corps préfectoral s’est accompagnée d’un sondage auprès des élus locaux. Cette seconde consultation est très intéressante, plus encore lorsque l’on rapproche ses résultats de ceux de la première, car il se trouve que les points de vue des élus locaux et des membres de la préfectorale se rejoignent sur de nombreux points, ce qui rend ce rapport fort pertinent.
Cette comparaison met en lumière plusieurs points saillants. Ainsi, les deux groupes s’accordent sur le fait qu’une réforme territoriale de l’État est souhaitable ; en revanche, ce sont les représentants de l’État qui dénoncent le plus le rythme de la réforme, à 85 %, contre 64 % chez les élus locaux. Si ces derniers ont très majoritairement – à 80 % – le sentiment de ne pas être associés aux réformes, ce sentiment est partagé par 43 % des représentants de l’État, qui regrettent un manque d’association des préfets à ces réformes, voire un déficit de consultation.
Enfin, un point est tout à fait révélateur : un représentant de l’État sur quatre, seulement, estime que la réforme de l’organisation territoriale de l’État est efficace.
Pour autant, attend-on un Grand Soir de l’État territorial ? Selon les termes de nos collègues Canayer et Kerrouche : « Nul besoin d’un nouveau big-bang administratif au sein de l’État territorial ».
En revanche, l’État doit retrouver son efficacité dans le dernier kilomètre et jusqu’à l’ultime citoyen. Pour y parvenir, nous avons la conviction, renforcée par l’analyse que nous avons menée de la crise sanitaire, de la pertinence d’un échelon de l’État au niveau départemental pour relever un grand nombre de défis.
Pour autant, le couple maire-préfet de département doit pouvoir compter, pour bien vivre, sur un accompagnement de l’État qui aurait changé de culture en disposant de plus de moyens ; d’un État qui facilite et qui permette et non d’un État tatillon, contrôleur, voire, s’agissant de certains services, qui interprète à sa manière – erronée ! – l’esprit du législateur.
Les rapporteurs évoqueront leurs suggestions et poseront leurs questions, mais je tiens à relever une proposition révolutionnaire, qui fait le buzz dans le milieu et qui me semble très pertinente : le rattachement des préfets au Premier ministre.
Il n’y a pas d’autre moyen de renforcer la cohésion des politiques de l’État et de leur application. Madame la ministre, si la République est une et indivisible, il me semble que l’État doit l’être tout autant. Il est de bon sens, selon moi, qu’il parle d’une seule voix et que le préfet soit chef d’orchestre.
Madame la ministre, ce rapport est de nature à susciter une intense réflexion. Notre débat s’inscrit dans un calendrier marqué par la volonté du président du Sénat d’avancer, à l’intention du Gouvernement, de nouvelles propositions en matière d’efficience de l’action publique, notamment par le biais de la décentralisation et de la déconcentration.
À l’issue d’un travail qui associe l’ensemble des groupes politiques du Sénat, nos échanges alimenteront cette ambition, et je ne doute pas qu’ils nourriront également la réflexion du Président de la République. Je me suis laissé dire, en effet, que celui-ci considérait comme urgent d’adapter l’architecture institutionnelle pour gagner en efficience…
Nous ne cessons de réformer, de corriger et de poser des pansements, mais nous souffrons d’un mal extrêmement profond : ces réformes successives tétanisent nos élus locaux et empêchent l’action publique dont nos concitoyens ont besoin.
J’ajoute que toutes les réformes territoriales sur lesquelles nous avons travaillé ont éludé la question existentielle : quid de l’État ? Quelles sont ses fonctions et ses compétences ?
Je n’ai de cesse de rappeler que nous devrions mettre fin à ses aventures hasardeuses de recomposition, parce que nous partageons tous un seul objectif : l’efficience de l’action publique dans une relation de confiance entre l’État et les collectivités.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Françoise Gatel, présidente de la délégation. Madame la ministre, vous le voyez, le temps s’écoule : il faut se hâter ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars.
M. Jean-Claude Anglars. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la délégation, mes chers collègues, un État n’existe que sur un territoire donné, avec une population et une organisation institutionnelle durables. L’État étant par nature territorial, l’expression « État territorial » est tautologique.
Plus encore, il existe un lien indéfectible entre l’État et ses services déconcentrés, d’une part, et les collectivités territoriales, de l’autre.
L’expression « État territorial » traduit la difficulté à concevoir l’État à l’échelle locale, laquelle devient alors davantage une variable managériale d’un État soucieux de faire des économies qu’une perspective de développement territorial pensée sur un temps long.
Les nombreuses réformes engagées lors des vingt dernières années illustrent les difficultés à répondre aux deux questions majeures sur le rôle de l’État : quels doivent être les rapports entre l’État et les élus locaux ? Quelle est l’organisation optimale de l’État à l’échelle locale ?
Je rappellerai tout d’abord une évidence, qui tend parfois à être oubliée : « L’administration territoriale de la République est assurée par les collectivités territoriales et par les services déconcentrés de l’État », d’après la loi de 1992 relative à l’administration territoriale de la République.
Si l’État est unitaire, son organisation territoriale passe par une déconcentration effective, au service des collectivités territoriales et de la population.
La réforme continue des services de l’État et les principales lois adoptées à ce sujet ont porté sur la révision et sur la modernisation de l’action publique, avec la révision générale des politiques publiques (RGPP), la MAP, la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (Maptam) ou la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). Leur objectif, qui était d’améliorer la situation, n’a jamais été atteint. Il est aujourd’hui nécessaire que l’État local soit moins dispersé et mieux centré sur ses missions.
En ce sens, la proximité et l’accessibilité de l’État doivent être renforcées dans le cadre départemental, en concertation avec les élus locaux.
Les nombreuses réformes ont créé des difficultés d’assimilation. Il me semble dès lors nécessaire de consolider le rôle de l’État et de mieux associer les élus locaux aux réformes des services déconcentrés.
Je pense également que le rôle du préfet de département est primordial dans la mise en œuvre des réformes et dans la stratégie du dernier kilomètre, afin que les décisions soient prises au plus près des citoyens, dans une logique de subsidiarité permettant d’envisager la différenciation territoriale.
Sans nier le rôle du préfet de région, j’estime que le préfet de département doit être une ressource pour les élus locaux, notamment ceux des plus petites communes, un coordinateur et un pilote des politiques publiques. Pivot entre l’État national et local, il doit pouvoir disposer de ressources humaines et budgétaires suffisantes, ce qui n’est malheureusement plus toujours le cas depuis plusieurs années.
Au contraire de cette tendance, je partage l’idée qu’il faut le réarmer intelligemment.
Tout d’abord, avec davantage de moyens humains, une demande qui émane du corps préfectoral et qui est corroborée par des chiffres édifiants !
Ensuite, en adaptant l’organisation des services déconcentrés. Certains services sous tutelle ministérielle, comme les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) ou l’Office français de la biodiversité (OFB), disposent d’une autonomie excessive. Leur pouvoir de décision pose des problèmes concrets dans la mise en œuvre des politiques publiques, notamment dans les domaines des énergies renouvelables et de la protection contre les risques de prédation. Pour les raisons que j’ai déjà évoquées, ces services déconcentrés devraient être placés sous l’autorité du préfet.
Au total, le démembrement ou l’éclatement de l’État en opérateurs et autres agences ne conduit pas à la simplification territoriale, qui est paradoxalement le maître-mot des réformes depuis quinze ans.
Enfin, les services déconcentrés doivent conserver un haut niveau de compétences pour l’exercice de leurs missions d’ingénierie territoriale.
Sans m’étendre, je terminerai en mentionnant les risques que font peser sur l’organisation territoriale de l’État la fonctionnalisation des préfets, l’augmentation du nombre des préfets thématiques et le délaissement des sous-préfectures.
Pour que l’État territorial ne soit pas qu’un « État plateforme », il est donc nécessaire de renforcer les services déconcentrés de l’État en suivant des principes simples, qui ont été rappelés : proximité et compétences sous l’autorité du préfet, dans le cadre du département.
Il n’y a nul besoin d’un énième big-bang territorial, il faut simplement revenir aux fondamentaux de l’administration territoriale de l’État. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question, qui me permet de rappeler quelques fondamentaux, même si les choses peuvent bien sûr toujours être améliorées.
Comme l’indique la Constitution, le préfet est le représentant de l’État et de chacun des ministres du Gouvernement. C’est lui qui met en œuvre les politiques de l’État, avec l’ensemble des services qu’ils soient placés ou non sous son autorité directe.
Nous avons vu sa capacité à piloter tous les services durant la crise de la covid-19, où le couple maire-préfet a fait preuve de son efficacité au service de nos concitoyens.
M. Mathieu Darnaud. Ah ça, pour le voir, on l’a vu…
M. Mathieu Darnaud. Non, nous avons plutôt constaté son incapacité !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je vous avais mal compris ! Dans ce cas, nous divergeons…
Un point sur lequel nous sommes parfaitement en phase, monsieur Anglars, c’est sur le fait que l’État est par essence territorial.
Je le répète, l’interlocuteur naturel et bien connu des élus, c’est le préfet, qui est le représentant de l’État et de chacun des ministres du Gouvernement. Les élus le savent, ils peuvent également compter sur son équipe de proximité constituée des sous-préfets d’arrondissement. C’est parce que ceux-ci jouent un rôle essentiel que l’État a décidé de les renforcer.
Je le rappelle, cinq sous-préfectures, que j’énumérerai dans une réponse ultérieure, ont rouvert leurs portes, et une nouvelle sous-préfecture a été créée en Guyane. Trente postes de sous-préfet ont été créés par redéploiement des postes de sous-préfet à la relance dans des départements ruraux et dans ceux qui comptent une équipe préfectorale peu nombreuse.
En renforçant l’État territorial, le Gouvernement fait le choix de renforcer les interlocuteurs naturels des élus.
Pour faciliter son action et lui donner de nouvelles marges de manœuvre dans le cadre de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, le préfet est désormais délégué territorial d’un plus grand nombre d’opérateurs qu’auparavant : l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), l’OFB, et en plus de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et l’Agence nationale de l’habitat (Anah).
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Des mesures de simplification ont également été prises en faveur du préfet de département : il peut désormais signer des décisions d’attribution de dotations de soutien à l’investissement local (DSIL), en lieu et place du préfet de région.
M. le président. Madame la ministre déléguée, vous disposez de deux minutes pour répondre à chaque orateur. Je vous demande de respecter le temps de parole qui vous est imparti.
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la quête de l’unité nationale est ancienne. Déjà, à la veille de la Révolution, les Français invitaient à rapprocher les administrations de leurs administrés. Les cahiers de doléances ont permis d’instaurer une nouvelle organisation territoriale, qui devait notamment permettre à chacun de se rendre au chef-lieu de son département en une journée à cheval.
Situées à moins de trente minutes en voiture – et non plus à cheval ! – du domicile de chaque Français, les maisons France Services (MFS) se sont multipliées dans notre pays. Éléments forts de la traduction de l’État territorial, ces espaces couvrent même les zones les plus isolées via des solutions mobiles, comme les terres montagneuses de la Corse.
C’est une bonne chose, car toutes les solutions sont bienvenues pour maintenir une offre de services publics de proximité. Les retours de terrain sont globalement bons, et les Français se les approprient progressivement.
Nous en sommes tous convaincus ici, la diversité de nos territoires fait la richesse de la France. En milieu rural ou urbain, à la montagne ou outre-mer, les élus locaux n’ont pas les mêmes attentes et leurs habitants n’ont pas les mêmes besoins.
Dans une logique de différenciation, les politiques publiques doivent correspondre au mieux aux spécificités de nos territoires. Nous devons raisonner au travers d’une grille de lecture plurielle.
Je souhaiterais également parler de l’accompagnement des élus. La création de l’ANCT en 2020 visait à fluidifier les relations entre l’État et les collectivités territoriales, ainsi qu’à faciliter la réalisation de leurs projets locaux.
Lors de l’examen du budget pour 2023, notre groupe saluait l’augmentation des dotations qui lui sont destinées. Nous venons d’apprendre que les effectifs humains de l’agence seront augmentés dans les préfectures. Cela paraît une excellente nouvelle, qui va dans le bon sens.
Un récent rapport sénatorial pointait justement du doigt le manque d’implication de certains préfets. Selon ce même document, l’agence est trop éloignée du terrain et des préoccupations des élus, alors qu’elle doit remplir sa mission d’outil facilitateur.
Nous le savons, les solutions viennent généralement directement du local. L’État doit prêter une oreille attentive aux remontées du terrain et accompagner les élus face aux défis qu’ils surmontent quotidiennement.
Madame la ministre, le tour de France des régions que vous réaliserez avec les dirigeants de l’Agence devrait permettre de poursuivre le dialogue. Nous espérons que les conclusions que vous en tirerez nourriront de manière effective les politiques publiques conduites par votre ministère.
L’État territorial est fondé sur deux piliers : les collectivités décentralisées et les administrations déconcentrées. Ce système est amené à évoluer régulièrement, pour s’adapter aux évolutions de notre pays et aux besoins des élus.
Ces dernières années, les réformes territoriales se sont succédé. La dernière en date, la loi 3DS, s’inscrit dans la digne voie de la décentralisation, tout en apportant son lot d’ajustements techniques. Pour s’y retrouver, les élus doivent avoir accès à des relais d’information facilitateurs, souples et simples d’accès.
Madame la ministre, comment les missions des agents des préfectures et sous-préfectures pourraient-elles évoluer pour mieux répondre à l’impératif de proximité avec les élus locaux ?
Par ailleurs, quels sont les dispositifs prévus pour prendre davantage en compte l’avis des citoyens dans l’organisation des services déconcentrés et dans l’élaboration des politiques publiques à visée territoriale ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Mélot, vous avez abordé trois points : l’ANCT, la proximité et la façon dont nous renforçons les moyens de l’État en région, et, enfin, les maisons France Services.
En ce qui concerne l’ANCT, le communiqué de presse que nous avons publié hier est largement inspiré du rapport que nous ont remis les trois sénateurs. J’ai accueilli ce travail de façon tout à fait positive malgré les quelques critiques émises. Nous les avons prises comme des pistes d’amélioration sur lesquelles nous avons travaillé pour décider, à la fois, de doubler les effectifs de l’ANCT en région et de les placer dans les sous-préfectures, au plus proche des collectivités territoriales, comme vous le souhaitez.
L’ANCT, qui a été créée au mois de janvier 2020, n’a que trois ans d’existence. Nous travaillerons ensemble sur des axes d’amélioration. Vous l’avez dit, madame la sénatrice, le président Bouillon et le directeur général de l’ANCT vont entreprendre un tour de France des régions.
Vous me demandez comment améliorer la proximité de l’ANCT et des agents qui travaillent dans les préfectures. Tel est justement l’objet de ce tour de France auquel Christophe Béchu et moi-même allons participer : déterminer sur quels leviers nous pouvons agir dans cette perspective.
S’agissant des moyens de l’État dans les régions, je ne veux pas répéter ce que j’ai déjà dit sur ce thème, mais je rappellerai nos deux axes principaux de travail.
Tout d’abord, nous agissons au niveau des préfectures, avec la réouverture de cinq sous-préfectures, le maintien des emplois dans le périmètre de l’administration territoriale de l’État (ATE) en 2021 et en 2022, ainsi que la création de 350 ETP supplémentaires en cinq ans, dont 43 dès cette année, et de 30 postes de sous-préfets créés par redéploiement des postes de sous-préfets à la relance.
Ensuite, le Gouvernement renforce son partenariat avec les collectivités. J’aurai l’occasion de l’évoquer dans mes réponses à d’autres questions.
Je conclurai en saluant vos propos sur les maisons France Services, dont l’efficacité est avérée sur notre territoire. Un budget a été alloué à la création de 200 MFS supplémentaires dans les territoires, pour toujours plus de proximité.
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour la réplique.
Mme Colette Mélot. Madame la ministre, je vous remercie des différents éléments dont vous venez de nous faire part. Les améliorations qui ont déjà été apportées vont vraiment dans le bon sens. Nous espérons qu’il en ira de même pour celles que vous nous annoncerez après votre tour de France.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans un monde idéal, les collectivités territoriales et les services déconcentrés de l’État devraient être en mesure de répondre parfaitement aux besoins des habitantes et des habitants, comme aux besoins des élus de leur territoire.
L’action publique serait facilitée par une organisation claire, fluide et efficace de la gouvernance à l’échelon local. Les actrices et acteurs publics locaux seraient valorisés et disposeraient de compétences et de moyens importants pour jouer leur rôle. Enfin, les services publics seraient accessibles à toutes et tous.
Force est de constater que ce doux rêve n’est pas la réalité !
Les nombreux échanges que chacun d’entre nous peut avoir avec les élus locaux montrent au quotidien le mirage qu’est l’État territorial à proprement parler. L’excellent rapport d’information sur l’État dans les territoires, réalisé au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation par mes collègues Agnès Canayer et Éric Kerrouche, en fait une démonstration limpide.
Prenons déjà l’ensemble des réformes des collectivités et des services déconcentrés. Les années passent, et ces réformes se multiplient au gré des conjonctures politiques. La révision générale des politiques publiques, la modernisation de l’action publique et la loi 3DS en sont autant d’illustrations. Et venant d’une métropole à statut particulier, celle de Lyon, je puis vous indiquer que la lisibilité de l’action publique, qu’elle soit étatique ou territoriale, reste très floue pour nos concitoyens, pour qui le vent des réformes a brouillé la compréhension de l’action publique.
S’il y a un point commun à ces réformes, c’est qu’elles ont été souvent construites de façon brouillonne, avec une concertation très limitée des premiers concernés, c’est-à-dire les élus et, dans une moindre mesure, les représentants de l’État déconcentré.
Il faut aussi se rendre compte de la fatigue des élus face à ces réformes incessantes qui n’ont rien clarifié. Le rapport d’information sur l’État dans les territoires l’explique bien : plus de quatre élus sur cinq estiment ne pas avoir été suffisamment associés aux différentes réformes. Pour les préfets et les sous-préfets, ce chiffre s’élève à 43 %.
En 2016, un autre rapport d’information de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation précisait déjà que l’association aux réformes des acteurs de terrain demeurait insuffisante aux yeux de la majeure partie des élus locaux et des syndicats qui ont été auditionnés.
Comment mener une réforme efficace des politiques de décentralisation et de déconcentration si les autorités locales et les administrations concernées ne sont pas suffisamment consultées, si l’État reste trop à distance ? La réponse, c’est qu’on ne peut pas ! Le rapport de mes collègues le démontre, comme celui, plus récent, sur l’ANCT. Le résultat est là : les réformes ne correspondent pas à leurs attentes et ne résolvent pas un certain nombre de problèmes.
Les moyens, principalement humains, manquent parfois dans les territoires, et cela se fait sentir dans l’ensemble des politiques publiques. En 2011, les agents des directions départementales interministérielles (DDI) étaient 39 796 ; en 2020, ils n’étaient plus que 25 474, soit une chute de 36 %. Les préfectures ne sont pas en reste, qui ont connu une baisse similaire. C’est non pas le statut des agents, comme on a pu le dire ce matin, mais bien l’austérité à bas bruit qui a sclérosé notre capacité à mener des politiques publiques agiles et répondant aux besoins.
La situation des services publics – hôpitaux, écoles et autres guichets administratifs – est délétère dans de nombreuses régions, en particulier dans les zones rurales.
À ce titre, près d’un maire de commune de moins de 1 000 habitants sur deux estime que l’offre de services publics sur son territoire est défaillante. C’est d’autant plus compliqué pour ces maires de petites communes qu’ils sont souvent isolés et qu’ils ne disposent pas des mêmes ressources que les grandes collectivités. Ces dernières sont mieux représentées au sein des agences, comme les agences régionales de santé (ARS) ou l’Anah, et elles peuvent mobiliser des réseaux importants, ce qui n’est pas le cas des élus des petites communes.
Aussi, que faire ? Si l’État territorial est un mirage, pourrait-il devenir réalité ?
Il faut commencer par respecter l’ensemble des parties prenantes et inscrire la concertation et le dialogue au cœur de l’action publique déconcentrée. Un lien de relation de confiance durable doit parfois être retissé d’urgence et plus finement avec l’ensemble des actrices et des acteurs des territoires.
Je rejoins les préconisations de mes collègues sur la nécessité d’une concertation nationale avec les élus en amont de toute réforme des services déconcentrés de l’État ou des collectivités territoriales.
Avec mes collègues du groupe écologiste, je suis convaincu que le principe de subsidiarité doit être consacré, tout comme celui de la différenciation territoriale. Cela ne doit cependant pas être fait au travers de la loi 3DS, comme l’a proposé le Gouvernement. En plus d’échouer à clarifier les compétences, cette loi a accéléré la tendance de l’État à se défausser de certaines de ses prérogatives sur les collectivités.
Or les collectivités territoriales doivent avoir les moyens d’agir. Il faut un maillage plus fin de la répartition des effectifs préfectoraux, notamment dans les sous-préfectures. La proposition qui me semble la plus pertinente et la plus forte du rapport de mes collègues, mais qui n’est pas nouvelle, prévoit de passer enfin d’une logique de contrôle de légalité à une logique de conseil aux collectivités territoriales.
Toutefois, l’État est-il prêt à sortir d’une logique de contraction de ses effectifs pour s’adapter à cette demande, notamment au plus près des territoires, parfois démunis en matière de relais préfectoraux à l’ingénierie de leurs projets ? À mon sens, la clé de l’État territorial, c’est la réponse à cette équation.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Dossus, j’ai déjà en partie répondu à vos interrogations dans mes premières interventions.
Je ne partage évidemment pas votre point de vue sur le mirage que serait l’État territorial. Comme vous le savez, je me suis beaucoup rendue sur le terrain pendant six mois. En tant que secrétaire d’État à la ruralité, j’ai rencontré une quarantaine de préfets de département. Dire de ceux-ci et de leurs équipes qu’ils sont un mirage… Ils ne le prendraient pas très bien, alors qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes !
Je suis allée également à la rencontre des élus locaux – environ une soixantaine par département – à chacune de mes visites officielles. Je me suis jetée dans cette arène en sachant combien les élus locaux demandent plus de proximité et veulent être rassurés. Cette exigence me paraît totalement légitime – j’étais maire jusqu’au 7 juillet 2022.
Néanmoins, je ne puis pas vous laisser dire que l’État territorial est un mirage, parce que beaucoup de choses ont déjà été faites pour améliorer le dialogue et la proximité.
Aujourd’hui, la quasi-totalité du corps préfectoral et des services de l’État dans les régions sont aux côtés des élus locaux. Je vous le dis franchement, la première phrase – si ce n’est pas la première, c’est la deuxième ou la troisième ! – que tous les élus locaux me disent quand je les rencontre, c’est : « Je veux vous dire à quel point le préfet, ses services et le sous-préfet sont efficaces ».
S’il y a des territoires dans lesquels les services de l’État ne donnent pas satisfaction à nos élus, j’en suis extrêmement surprise. Cela peut toujours arriver de-ci de-là, mais on a globalement l’impression que les services de l’État sont aux côtés des élus, tout comme je le suis en tant que représentante du Gouvernement, même si j’évoque lors de mes déplacements des sujets contraignants, comme le zéro artificialisation nette (ZAN). Selon moi, l’État territorial n’est donc pas un mirage.
Vous appelez de vos vœux une meilleure prise en compte de la différenciation, qui nous tient à cœur et sur laquelle nous travaillons. Je pense à des lois passées, comme la loi Montagne, ou au pouvoir dérogatoire du préfet pour s’adapter à une situation sur le terrain.
De même, les caractéristiques de Lyon ont justifié la mise en place d’une organisation spécifique. Le Gouvernement, sous l’autorité de la Première ministre et du Président de la République, veut davantage de différenciation. Nous répondons donc favorablement à votre appel.
Pour conclure, vous avez évoqué les réformes. Oui, vous avez raison, il y en a eu beaucoup par le passé, mais elles se sont arrêtées. Nous sommes en phase de stabilisation.
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il me semble que, en 2023, l’État territorial en France relève davantage de la réalité que du mirage. En effet, ces dernières années, nous avons assisté au réarmement de l’État dans les territoires, un réarmement concret et financier.
Sur le plan concret, tout d’abord, comment débattre de l’État territorial sans évoquer les 2 538 maisons France Services ? Elles représentent à mes yeux le symbole d’une proximité retrouvée, dans nos territoires ruraux, entre l’État et nos concitoyens.
Comme l’a souligné le récent rapport de notre collègue Bernard Delcros, l’intérêt du programme France Services est désormais indéniable. Il réside essentiellement dans la proximité et la dimension humaine de l’accompagnement apporté aux usagers, grâce aussi au déploiement de 4 000 conseillers numériques, à l’heure où le numérique exclut encore parfois une partie de la population de l’accès aux services publics.
Force est de constater que le réseau France Services est aujourd’hui salué par une majorité d’usagers et d’élus locaux. Pas moins de 93,4 % des usagers sont satisfaits de leur démarche dans ces espaces. Quant aux 520 élus locaux interrogés par la plateforme de consultation du Sénat, seuls 6,5 % d’entre eux considèrent que le dispositif n’est pas pertinent. Même certaines communautés de communes, pourtant réticentes en 2019 lorsque le réseau fut créé, ont pu constater que les espaces France Services répondaient aux besoins et aux attentes de la population.
Mes chers collègues, lors du lancement de l’agenda rural, le programme France Services était une priorité. Aujourd’hui, ses maisons sont une réalité et, surtout, le programme est un franc succès, à l’image de l’espace France Services de Die, dans mon département de la Drôme, qui enregistre 5 580 demandes annuelles, justifiant ainsi la demande d’une nouvelle labellisation dans le territoire du Diois.
Le renforcement de l’État territorial s’illustre également depuis ces dernières semaines dans certains territoires. Nantua dans l’Ain, Rochechouart en Haute-Vienne, Château-Gontier en Mayenne, Clamecy dans la Nièvre, Montdidier dans la Somme, Saint-Georges-de-l’Oyapock en Guyane : fin 2022, nous avons été témoins de la réouverture ou de la création de sous-préfectures en France.
Quand je parle du réarmement de l’État territorial, je pense également à la création de 200 brigades de gendarmerie prévue dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) promulguée en janvier 2023. La cartographie des implantations réalisée en lien avec les préfets et les collectivités sera d’ailleurs publiée très prochainement.
Je pense enfin à la relocalisation des services de la direction générale des finances publiques (DGFiP) dans 50 villes médianes sélectionnées depuis 2021. Nous avons pu en bénéficier dans la Drôme et en Ardèche – je salue au passage notre collègue Mathieu Darnaud. Autant d’exemples concrets qui montrent que l’État territorial est non plus un mirage, mais bel et bien une réalité perceptible et saluée.
Toutefois, comme chacune et chacun d’entre nous le sait, le réarmement de l’État territorial ne peut être complet que s’il est financé. Cette question est d’ailleurs un marronnier dans cet hémicycle !
Ainsi, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, la mission « Administration générale et territoriale de l’État », qui porte notamment les moyens du réseau préfectoral, des services placés sous l’autorité des préfets de région et des directions départementales interministérielles, a connu une hausse de crédits de 13,3 % par rapport à 2022. Une telle augmentation viendra renforcer de manière inédite les moyens et les effectifs de l’administration territoriale de l’État, à hauteur de 2,79 milliards d’euros.
Cette évolution met fin à plus de vingt années de réduction systématique des effectifs départementaux et – nous le souhaitons – à la lente érosion des liens entre l’État et ses citoyens.
Autre motif de satisfaction de ce budget : le nombre d’apprentis dans le réseau de l’administration territoriale devrait continuer à croître en 2023. Rappelons que 622 apprentis étaient présents dans ce réseau au 31 décembre 2021 ; ils étaient deux fois moins nombreux en 2020.
Quelle ne fut pas notre surprise lorsque nous avons assisté au rejet des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » par le Sénat… Toujours est-il que l’État territorial dispose aujourd’hui de moyens financiers supplémentaires non négligeables. Et c’est ce choix budgétaire qui permet le déploiement concret du réarmement sur tous les territoires !
Cela étant, il reste encore beaucoup à faire, et de nombreux progrès peuvent être réalisés pour renforcer l’État territorial dans notre pays.
Que pourrions-nous améliorer ? Nous avons des marges de manœuvre en matière d’ingénierie de l’État. L’ANCT doit, je le crois, renforcer ses liens avec les élus.
En réponse à la remise du rapport d’évaluation de notre délégation, hier, vous avez, madame la ministre, souhaité un nouveau souffle pour l’ingénierie des collectivités, afin de faire de l’ANCT un interlocuteur de proximité et du quotidien pour les élus locaux. Comment ce nouveau souffle pourrait-il se concrétiser ?
Par ailleurs, l’efficacité est bien évidemment au cœur de la perception en matière de service public. Le baromètre de l’action publique a été une formidable création. Mais dans quelle mesure les citoyens se saisissent-ils de cet outil ? Comment pourrions-nous le développer ?
J’envisage enfin l’État territorial, qui est un vecteur de cohésion sociale, comme un État facilitateur, travaillant de manière complémentaire avec tous les acteurs locaux au service premier de nos administrés. Dans quelle mesure l’État territorial pourrait-il aller davantage vers ces derniers ?
Ce sont autant de réflexions que je souhaitais partager avec vous à l’occasion de ce débat, mes chers collègues, et qui rappellent que l’État territorial n’est ni un mirage ni une chimère : il est bel et bien une réalité, dont nous devons renforcer l’existence. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Buis, vous avez abordé plusieurs sujets.
Je serai très rapide s’agissant de l’ANCT, que j’ai déjà évoquée et sur laquelle je reviendrai encore. Je ferai seulement un zoom sur la question de l’ingénierie.
L’ANCT est un outil d’ingénierie dans les territoires. Afin de compléter son dispositif, nous travaillons à l’heure actuelle sur un programme qui permettrait d’accompagner les petites communes, citées par M. Dossus comme des collectivités requérant une grande attention.
Par ailleurs, vous avez souligné combien les maisons France Services sont utiles et à quel point elles permettent de descendre par capillarité dans nos territoires, avec les 2 600 espaces France Services. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous devez faire savoir qu’il reste 200 maisons France Services à déployer, si possible avec des véhicules. Car un véhicule permet de couvrir une dizaine de villages, ce qui est extrêmement précieux.
Monsieur Buis, vous l’avez dit, le renforcement et le réarmement de l’État territorial passent par des moyens humains ; j’ai largement développé ce point. Mais il passe aussi par des budgets, qui ont été votés, comme vous l’avez rappelé, en augmentation pour la première fois de plus de 13 %.
Je conclurai mon propos avec le baromètre des résultats de l’action publique, que vous avez évoqué. Le Président de la République a souhaité mettre en place dès 2021 cet outil, qui porte en son sein des objectifs et une évaluation que vous appelez tous de vos vœux et qui sont pour nous extrêmement importants.
Ce baromètre présente aux Français pour chaque politique des indicateurs chiffrés, précis, déclinés pour les 101 départements de métropole et d’outre-mer, qui portent sur la situation initiale, en 2017 ou à la date de lancement d’une réforme, sur le niveau d’avancement et sur l’objectif que nous visons pour 2022.
Depuis sa mise en ligne, il a reçu 2,12 millions de visites, avec en moyenne 90 000 visites par mois : c’est dire à quel point il est utile.
Vous me demandez s’il sera pérennisé, comme vous le souhaitez. La réponse est oui, monsieur le sénateur, et nous le renforçons même en l’étendant à 60 politiques prioritaires du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour la réplique.
M. Bernard Buis. Je vous remercie, madame la ministre, des précisions que vous avez apportées sur le baromètre de l’action publique et sur le développement de l’ANCT dans les petites collectivités.
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Thierry Cozic. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au travers de la loi relative à l’administration territoriale de la République, dite loi ATR, on retrouve le lien de l’État territorial, entre l’État et ses services déconcentrés, d’une part, et les collectivités territoriales, d’autre part. Mais comment définir cet État territorial ?
Nous pourrions évoquer les services rendus par l’État au travers de ses missions, les services publics et les services au public.
Les réformes de l’État territorial résultent de la sédimentation de phases de la décentralisation. Elles se sont enchaînées ces dernières années, en dépit de l’intention louable d’améliorer le fonctionnement des services pour répondre au mieux à la demande d’État dans les territoires.
Force est de constater que le compte n’y est pas et que le résultat est perfectible. C’est notamment le cas au regard de la baisse des moyens de l’État dans les territoires, trop souvent prélude d’une dégradation à bas bruit de l’offre de services publics. S’y ajoute l’extrême difficulté qu’éprouvent les élus locaux à identifier le bon interlocuteur dans les méandres de l’administration territoriale.
Les conséquences de ces réformes, systématiquement dépourvues d’évaluation, ont ainsi fini par jeter le trouble, tant chez les élus locaux que chez les agents de l’État eux-mêmes.
Nous avons perdu le lien entre les élus et les services déconcentrés de l’État, qui ne s’y retrouvent plus.
À la faveur, si je puis dire, de la crise de la covid-19, le couple maire-préfet a été remis en lumière, mais il n’est pas superfétatoire de s’interroger sur son efficacité.
Tous deux représentants de l’État et dotés de la compétence générale, ils incarnent la République dans les territoires. Le maire et le préfet coproduisent l’action publique au quotidien. Le préfet est le représentant à la fois du Gouvernement, de l’État et du territoire qu’il administre. C’est dans le savant dosage entre ces trois fonctions qu’il doit être jugé. De fait, une étroite collaboration entre élus et préfet est nécessaire, mais à quel prix ?
Les communes gèrent de plus en plus de compétences pour lesquelles elles ne disposent pas de moyens affectés. Malheureusement, ces charges nouvelles sont loin d’être compensées par un État qui, tout en déléguant de plus en plus ses pouvoirs, continue à vouloir les contrôler à distance.
Par ailleurs, le processus d’érosion de la fiscalité locale se poursuit.
À la suite de la suppression de la taxe professionnelle et de la taxe d’habitation, couplée à une baisse des impôts de production, les collectivités semblent frappées par une recentralisation rampante de leurs ressources.
Symbole des relations orageuses entre le président Macron et les maires, la suppression de la taxe d’habitation a été vécue comme injuste et inique par la plupart de nos élus locaux. Je rappelle que cette suppression aura eu pour effet de faire passer de 54 % à 35 % le taux d’autonomie financière des intercommunalités.
Cette réforme ne trahissait que trop bien la vision du candidat Macron, qui n’a jamais caché le peu d’intérêt qu’il portait à l’autonomie fiscale. Selon lui, il s’agissait d’un combat d’arrière-garde au regard de plusieurs exemples européens où l’absence de fiscalité propre n’empêche pas les collectivités d’être puissantes.
Pour ma part, je crois sincèrement qu’il n’y a pas de pouvoir politique sans pouvoir fiscal. Avec les réformes mises en œuvre ces dernières années, le Gouvernement considère les collectivités territoriales comme des sous-traitants de l’État. J’en veux pour preuve le basculement systématique de leurs ressources vers des dotations dont une partie est indexée sur le produit d’impôts nationaux.
De fait, nos collectivités sont placées à la merci du Gouvernement, qui peut modifier comme bon lui semble les dotations et compensations en loi de finances.
Soyons honnêtes : dans cette affaire, en réalité, c’est la pensée dominante de Bercy qui l’a emporté, cette vieille idée tenace qui anime souvent la haute administration française et selon laquelle l’autonomie fiscale locale ne serait pas souhaitable, car les élus locaux ne sauraient pas gérer les finances publiques.
Aussi, madame la ministre, comment penser un État territorial qui ne soit pas un mirage ? On ne peut parler d’État territorial sans lui octroyer les leviers financiers autonomes qui lui permettraient d’administrer ce même territoire !
Sans changement de doctrine de la part du Gouvernement, pensez-vous, madame la ministre, que l’idée d’État territorial ait encore un sens girondin ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Cozic, vous abordez le sujet de l’autonomie des collectivités.
Je ne partage évidemment pas votre analyse de la situation : je pense au contraire qu’il faut tordre le cou à l’idée d’une perte d’autonomie financière des collectivités. En effet, celle-ci a augmenté en vingt ans. (Marques d’étonnement sur les travées du groupe SER.)
Ainsi, le taux d’autonomie financière s’est accru de dix points pour le bloc communal ; entre 2003 et 2020, il est passé de 59 % à 75 % pour les départements et de 41,7 % à 73,9 % pour les régions. Ce n’est pas le lieu de développer ces chiffres, mais je me tiens très sincèrement à votre disposition, monsieur le sénateur, pour approfondir ce sujet et partager nos analyses.
Ensuite, il y a eu des suppressions d’impôt. Il faut s’en réjouir, et le Gouvernement les assume pleinement : la suppression de la taxe d’habitation, c’est plus de pouvoir d’achat pour les Français ; la fin de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), c’est plus de compétitivité pour nos entreprises. Oui, ce sont des marqueurs de notre gouvernement !
Je ne puis donc pas partager votre sentiment quand vous dénoncez le peu d’intérêt que le président Macron accorderait à l’autonomie des collectivités locales. Sur ce point, je ne suis pas d’accord !
En revanche, je veux souligner l’intensité de son intérêt pour la suppression des impôts.
M. Éric Kerrouche. Ah, ça !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. La compensation de ces suppressions d’impôts est un sujet qui nous préoccupe tous, notamment les élus locaux parmi nous.
Vous estimez que l’autonomie des collectivités est compromise ; je comprends parfaitement votre analyse, mais nous pensons pour notre part qu’elle a été prise en compte et préservée grâce à la compensation des suppressions d’impôts locaux, car les recettes fiscales perdues ont été remplacées par d’autres recettes fiscales du même montant et de même nature.
M. Éric Kerrouche. Pas de même nature !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je vous propose donc, monsieur le sénateur, pour ne pas être trop longue, d’approfondir avec vous ce sujet un peu technique, à votre convenance.
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour la réplique.
M. Thierry Cozic. Madame la ministre, vous l’avez dit : nous ne pouvons pas être d’accord.
J’entends bien toutes les données que vous avez présentées, notamment sur l’autonomie du bloc communal, des départements et des régions ; pour ma part, je vous ai cité la perte d’autonomie subie par le bloc intercommunal. Il faudra donc que nous croisions nos chiffres, parce que nous n’avons pas les mêmes résultats.
En ce qui concerne la suppression de la taxe d’habitation, certes, je ne conteste pas la volonté du Gouvernement de supprimer les impôts pour donner du pouvoir d’achat… Pourquoi pas, si tel est votre souhait, mais il faut aussi considérer comment nos enfants et nos petits-enfants devront assumer la gestion de la dette qui s’accumule aujourd’hui ; il faut savoir comment on finance tout cela.
En outre, j’ai le sentiment que cette réforme se fait, aujourd’hui, au profit d’une classe très aisée, plutôt qu’en faveur des gens qui ont un peu moins de moyens.
Enfin, madame la ministre, supprimer ce lien entre le citoyen et la commune était selon moi une erreur.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation n’a cessé de travailler et d’auditionner des acteurs et des associations pour trouver des réponses à ses questions, qui ne datent pas d’aujourd’hui, sur la place de l’État territorial, sur sa présence et sur son action au sein de notre République.
Cet État territorial est encore trop absent, trop observateur, trop loin des réalités de nos collectivités et des demandes de nos habitants.
Madame la ministre, l’État doit s’appuyer sur ses services déconcentrés en leur donnant les moyens d’agir ; c’est uniquement de cette manière que l’administration territoriale de la République pourra assurer sa mission de service public auprès de celles et ceux qui en ont besoin au quotidien.
Or, à coups de réformes successives, vous avez éloigné l’État de nos territoires, de nos collectivités territoriales. Cela fait plus de dix ans que l’État se désengage, à coups de fermetures de services préfectoraux et de baisses budgétaires qui ont des conséquences drastiques sur la gestion quotidienne au sein des services déconcentrés de l’État.
Alors, oui, la réalité est celle-ci : l’égalité républicaine promise par l’État est une illusion, un mirage. Pourquoi un désengagement si fort de l’État ?
Ce sont, comme trop souvent, les collectivités territoriales qui subissent cet entassement des réformes, souvent sans les ressources ni l’ingénierie nécessaire.
Il y a quelques mois encore, nous étions interpellés par les maires de nos départements concernant les demandes de passeport et de carte d’identité nationale : les administrations ne disposaient pas des moyens humains et financiers requis pour assurer ce service public, sans compter les délais de traitement allongés en préfecture pour les mêmes raisons.
Je ne vous parle même pas de celles et ceux qui ont besoin de renouveler leur titre de séjour pour continuer de travailler, pour obtenir un emploi ou pour se loger dignement. Les files d’attente, dès six heures du matin, n’en finissent pas dans les préfectures ; voilà la réalité de l’État territorial !
J’aimerais m’arrêter, mais la réalité nous rattrape. Aussi, pour compenser le manque de moyens, on privilégie la déshumanisation, avec la forte dématérialisation qui affecte le service public.
Prenons l’exemple des maisons France Services, qui ont été créées pour accompagner cette dématérialisation, mais qui sont confrontées à des obstacles : les liens sont rompus avec l’administration, les agents n’ont pas la formation adéquate et, de ce fait, ne peuvent garantir aux usagers un service public à la hauteur. Un maire sur deux d’une commune de moins de 1 000 habitants estime que l’offre de services publics sur son territoire est défaillante.
La crise sanitaire a témoigné de l’importance, voire de la nécessité, d’associer les élus locaux aux décisions qui affectent les collectivités territoriales. De ce fait, le lien avec les représentants de l’État, les préfets, est plus que jamais nécessaire. La place du préfet de département et du sous-préfet d’arrondissement est importante. Le couple maire-préfet doit vraiment exister.
Or, aujourd’hui, quatre élus locaux sur cinq estiment ne pas avoir été suffisamment associés aux différentes réformes des services déconcentrés de l’État. Celui-ci doit mettre à la disposition des élus locaux une ingénierie efficace et efficiente, afin de les accompagner au quotidien, notamment pour les grands projets.
Durant l’examen du projet de loi de finances pour 2023, nous avons défendu cette volonté de transparence, notamment dans l’attribution de subventions de l’État au travers de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et de la DSIL.
Il faut rendre visibles les critères, instaurer des commissions qui expliqueraient chaque projet et motiveraient les refus. Pour bénéficier du fonds vert, les élus locaux doivent pouvoir compter sur le préfet, qui jugera si le projet s’inscrit bien dans une démarche écologique. Encore une fois, un travail en amont d’échanges et de concertation entre les élus locaux et le préfet sera indispensable.
Madame la ministre, les politiques et les réformes imposées par le haut ne permettront pas à l’État territorial d’exister et de jouer le rôle qu’on lui demande, à savoir assurer une mission de service public auprès de nos territoires et de leurs habitants.
Il faut que le préfet soit identifié et à l’écoute de celles et de ceux qui occupent le terrain au quotidien. Il faut que les moyens alloués soient à la hauteur des besoins. Il faut aussi de l’horizontalité dans la pratique, pour que nos territoires soient réellement « réarmés », comme le souhaitait l’ancien Premier ministre Jean Castex.
Aussi, madame la ministre, je vous interroge : comment comptez-vous renouer ce lien rompu entre l’État et ses territoires ? Prendrez-vous en considération les réflexions menées au sein de notre délégation ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Gréaume, vous employez des termes forts, comme « désengagement » ou « déshumanisation ». Bien sûr, je ne les partage pas. J’espère que ce n’est qu’une perception et que les actions que nous conduisons la dissiperont.
Je veux vous apporter quelques éléments de réponse et vous offrir des éclairages complémentaires de ceux que j’ai déjà donnés.
Les maisons France Services, accompagnées des conseillers numériques, sont tout sauf de la déshumanisation. De tels lieux n’avaient jamais existé au cours des cinquante dernières années, voire dans toute l’histoire de la République : il y a 2 600 MFS, dans lesquelles des conseillers numériques renseignent les citoyens et les accompagnent pour neuf services d’État. Le dispositif est mis en place avec les collectivités territoriales, pour être au plus près du citoyen ; l’État en finance entre la moitié et les deux tiers.
En revanche, vous avez raison concernant les services aux étrangers : c’est pourquoi l’État entreprend, depuis plusieurs mois déjà, un effort continu pour réarmer ces services.
Le nombre d’agents qui leur sont affectés a augmenté de 63 % en douze ans, pour répondre à l’urgence et favoriser un service de qualité à l’usager. Mais, vous le savez comme moi, le contexte de crise géopolitique et migratoire que nous connaissons ces dernières années a entraîné une augmentation significative de la charge qui pèse sur ces services, notamment en matière de séjour et d’asile.
On pourrait donc encore mieux faire, comme je le rappelle toujours, mais je suis là pour vous rappeler ce qui est déjà fait et saluer le travail remarquable accompli dans nos départements par nos préfets, nos sous-préfets et nos secrétaires généraux de préfecture.
Parallèlement, la dématérialisation des démarches administratives des étrangers, au travers de l’administration numérique pour les étrangers en France (Anef), devrait permettre, à terme, d’alléger la charge des services préfectoraux qui leur sont dédiés et de gagner en efficacité et en qualité de service vis-à-vis de ces étrangers.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour la réplique.
Mme Michelle Gréaume. Madame la ministre, je veux vous répondre sur un point : si l’on parle de déshumanisation, c’est bien parce que les personnes qui se retrouvent aujourd’hui devant un ordinateur ne sont pas forcément des jeunes.
Or les plus anciens n’y sont pas habitués, ils préfèrent avoir affaire à quelqu’un. En outre, je vous prie de croire que, quand on est bloqué dans une démarche informatique, il est très difficile d’en sortir ! Il faut bien tenir compte de ce problème, madame la ministre. (Mme la ministre opine.)
Madame la ministre, notre délégation aux collectivités territoriales fait un travail formidable, dont il faut tenir compte !
Mme Michelle Gréaume. C’est tout ce que je souhaite : que vous teniez compte de ces observations formulées par tous les membres de la délégation. (M. Pascal Savoldelli applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant toute chose, je tiens à remercier de l’organisation de ce débat la très dynamique présidente de notre délégation aux collectivités territoriales.
Il est question aujourd’hui de l’État territorial, autrement dit de la présence dans nos vallées, sur nos littoraux ou dans nos îles d’administrations dépendant directement du pouvoir central. Longtemps, le centre de gravité institutionnel et politique de notre pays fut exclusivement à Paris. Du fait d’une idéologie jacobine et d’une organisation centralisatrice, les normes devaient s’appliquer uniformément sur l’ensemble du territoire.
Néanmoins, l’impératif d’adapter l’application des normes aux circonstances locales et, surtout, la nécessaire efficacité des politiques publiques ont suscité plusieurs vagues de décentralisation, inaugurées par les lois Defferre, à partir de 1982, mais aussi l’émergence d’une différenciation territoriale, avec la loi Montagne de 1985.
Adossée à un État territorial, que je préfère aujourd’hui appeler « la France des sous-préfectures », cette politique de décentralisation et de déconcentration a montré son efficacité dans les territoires.
Le bilan de cette France des sous-préfectures n’est pourtant pas, de mon point de vue, totalement satisfaisant. Le dernier rapport de notre délégation, intitulé À la recherche de l’État dans les territoires, est de ce point de vue sans appel.
Pour commencer, la baisse des moyens financiers et humains est largement perceptible, notamment dans les territoires les moins dotés. Les directions départementales interministérielles ont perdu 36 % de leurs effectifs entre 2011 et 2020.
Cet état de fait est directement responsable du sentiment d’abandon, souvent exprimé par les élus locaux et, spécifiquement, les maires ruraux. Les normes s’accumulent au même rythme que les responsabilités, alors que les interlocuteurs des services de l’État se raréfient et que les finances locales sont toujours plus contraintes, comme plusieurs orateurs l’ont déjà rappelé cet après-midi.
Quel est le résultat de cet effet de ciseaux ? La disparition de services publics de proximité et la lassitude des citoyens.
Ce rapport sur les services déconcentrés de l’État met également en lumière le manque de lisibilité institutionnelle pour les élus locaux. À titre d’illustration, les réponses au questionnaire élaboré par les rapporteurs montrent que 64 % des élus locaux considèrent que « les agences de l’État sont trop nombreuses ». Cette appréciation est partagée par les préfets et les sous-préfets, dans une proportion encore plus large, de 80 %. C’est bien connu : plus les effectifs diminuent, plus les services se multiplient !
Ainsi, pour le maire d’une commune rurale, il est souvent complexe d’appréhender l’organisation territoriale de l’État. Encore la semaine dernière, lors d’une tournée dans mon département, les maires me le confirmaient : pour eux, l’unique interlocuteur connu et accessible, aussi efficace que possible, demeure le sous-préfet d’arrondissement.
Le troisième enseignement majeur du rapport est le manque de concertation. Plus de quatre élus locaux sur cinq estiment ne pas avoir été suffisamment associés aux différentes réformes des services déconcentrés de l’État. Je m’inscris évidemment dans cette tendance statistique, en affirmant que ce ressenti est transposable à un grand nombre de politiques publiques.
C’est d’ailleurs une des problématiques dont se saisira la mission d’information sur l’avenir de la commune et du maire en France, dont j’ai l’honneur d’être l’un des vice-présidents et dont la création envoie un signal fort au grand public et à la cohorte de nos collègues maires et élus locaux.
Pourtant, l’élu local est à la République ce que le cœur est au corps humain. Il est le premier réceptacle des attentes citoyennes, comme on l’a vu à l’époque des « gilets jaunes » ou pendant la crise du covid-19. C’est le garant du dernier mètre des politiques publiques ; la proposition de loi déposée par Valérie Létard et Jean-Baptiste Blanc sur l’objectif du zéro artificialisation nette le montrera encore, si tant est que ce soit nécessaire.
Aussi, madame la ministre, je veux dire au Gouvernement : faites confiance aux élus locaux !
Comment faire de l’État territorial une réalité ? Cela passe évidemment par un renforcement du couple bien-aimé des Français, le couple maire-préfet. Et il s’agit bien du maire et du préfet de département.
M. Mathieu Darnaud. Tout à fait !
M. Daniel Gueret. Absolument !
M. Jean-Michel Arnaud. En effet, je me souviens des déclarations de Mme la Première ministre lors la convention des intercommunalités de France ; elle y indiquait que, selon elle, il y avait un nouveau couple territorial, entre les préfets – de région ou de département – et les présidents d’intercommunalité. Cela ne nous paraît pas être une ligne satisfaisante si l’on veut enraciner la confiance dans les territoires et maintenir une commune et des maires actifs.
Du côté de l’État, le principe de subsidiarité doit offrir aux préfets des pouvoirs accrus. À cet égard, la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur contient une disposition qui va dans le bon sens. Désormais, en cas de crise, le champ de l’autorité fonctionnelle des préfets sera élargi aux services et établissements ne relevant pas de leur autorité en temps normal.
Une autre idée a été rappelée tout à l’heure par Françoise Gatel : faire en sorte que le Premier ministre soit l’autorité coordinatrice et fonctionnelle du préfet dans le département. Cela aussi me paraît aller dans le sens d’une meilleure coordination des services et d’une lisibilité accrue des politiques de l’État central dans les territoires.
Il faut également redonner des moyens aux services déconcentrés de l’État, les réarmer pour qu’ils soient au plus proche des territoires.
Cela doit s’accompagner d’une amélioration de la lisibilité des champs d’action des services déconcentrés. Face à la jungle administrative, les collectivités, notamment celles dont le personnel est le plus limité en nombre, à savoir les communes rurales, doivent pouvoir trouver facilement l’interlocuteur adapté à leurs besoins.
Un autre rapport de notre délégation, fort prolixe en la matière, portant sur l’Agence nationale de la cohésion des territoires, recommande de faire du sous-préfet d’arrondissement leur interlocuteur de premier niveau sur les questions d’ingénierie.
Je tiens à souligner, pour être équilibré dans mon propos, en bon centriste que je suis (Sourires sur les travées du groupe UC.), que la mise en place de sous-préfets complémentaires dans les territoires est une bonne chose, qui permettra notamment, dans les territoires dotés de peu de services préfectoraux, de disposer d’un interlocuteur de plus grande efficacité en proximité.
Je crois en revanche pouvoir dire – si besoin était de le rappeler – que la dotation des préfectures n’est pas suffisante. Il y a eu une vraie hémorragie de leurs agents dans des services importants pour les maires et pour les collectivités locales, tels que les directions départementales des territoires (DDT), dont les effectifs ont fondu comme neige au soleil ces dernières années.
Or ce sont des interlocuteurs précieux et quotidiens des collectivités et de leurs élus, pour les politiques liées au droit foncier, pour les questions de légalité, ou encore pour les questions de contentieux ou de précontentieux.
Je ne veux pas non plus passer sous silence la situation du personnel des directions départementales des finances publiques (DDFiP). Comment voulez-vous que les collectivités gèrent correctement leurs finances, avec des comptables publics ou des régies, si elles n’ont pas la possibilité d’avoir des interlocuteurs en nombre suffisant, qui soient à proximité et non pas simplement regroupés dans le chef-lieu de département ?
Des instances temporaires ont également été mises en place pendant la crise sanitaire ; je pense en particulier à la concertation menée par les délégués départementaux des ARS sur les questions de santé durant cette période. Je crois qu’il faut tirer l’enseignement de cette approche efficace et faire en sorte que les délégations départementales des ARS soient mieux soutenues et reçoivent beaucoup plus d’autonomie dans les territoires.
Je terminerai mon propos, madame la ministre, par deux interpellations.
Premièrement, vous avez affirmé, à plusieurs reprises, qu’il était important de réaliser un travail effectif sur la différenciation territoriale. Chiche !
Dès lors, madame la ministre, sur la question des compétences eau et assainissement, allez-vous enfin vous laisser convaincre, avec le Gouvernement, de permettre aux collectivités de choisir librement leur manière de s’organiser en la matière, dans chaque territoire ?
Allez-vous leur laisser la liberté de choisir entre un cadre communal et un cadre intercommunal ? Et n’allez pas nous prétendre, comme votre collègue présent ici ce matin, que ce choix est largement conditionné par des enjeux d’hygiène ou de sécurité d’approvisionnement en eau : je crois que c’est un mauvais argument !
Deuxièmement, concernant les maisons France Services, qui sont en quelque sorte des guichets mis en place par les collectivités locales pour le compte de l’État, je vous invite à nous garantir que les financements prévus par l’État pour la rémunération de leurs collaborateurs, qui sont employés par les collectivités, seront maintenus dans la durée.
En effet, les MFS et les collectivités locales qui en ont la responsabilité peuvent courir un grave danger si elles ne disposent plus des financements nécessaires pour payer des collaborateurs recrutés selon un tel statut. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Françoise Gatel, présidente de la délégation. Très bien ! Voilà un centriste qui parle clair et franc !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Arnaud, je ne reprendrai pas tous les propos élogieux que vous avez tenus à l’égard des sous-préfets d’arrondissement. Je veux simplement rappeler que nous trouvons en eux, ainsi que dans les sous-préfets référents ruralité, ou encore dans les sous-préfets France 2030 et investissements, des serviteurs de l’État qui sont en partenariat étroit avec nos élus locaux, comme vous l’avez souligné.
Vous avez aussi évoqué un certain nombre d’actions que vous jugez efficaces. Je voudrais mettre au premier rang d’entre elles un programme que vous n’avez pas cité expressément, Petites Villes de demain. Il s’agit d’un programme très efficace mené par l’ANCT dans les sous-préfectures. Peut-être, comme vous l’avez laissé entendre, pourrait-on être plus efficace encore en la matière : oui, on peut toujours faire mieux, on le doit et on va le faire, mais ensemble !
Tel est bien l’objet de ce débat, dont je me félicite : essayer de saisir toutes les idées que nous n’avons pas encore essayées et qui nous semblent pertinentes, pour faire mieux, au service des élus locaux, bien sûr, mais aussi des citoyens.
Vous dites souhaiter que nous fassions confiance aux élus locaux. Mme Gréaume vient à ce propos de rappeler l’engagement de Jean Castex. Je veux dire à quel point la Première ministre se place, elle aussi, dans une véritable relation de confiance avec eux, et à quel point le couple maire-préfet est important à ses yeux, même si elle a souligné que le couple préfet-président d’intercommunalité avait également du sens.
Comme vous le savez, les compétences communales et intercommunales sont différentes. On a vu l’efficacité du couple maire-préfet sur des sujets sanitaires, et ce couple est très précieux dans bien des domaines encore qui entrent dans le champ de compétence du maire. Sur des sujets qui relèvent de la compétence intercommunale, il est très important aussi de tisser du lien entre le préfet et le président d’intercommunalité. Je ne pense pas que le bon centriste que vous êtes doive les opposer ! (Sourires.)
Ensuite, parmi les nombreuses remarques intéressantes que vous avez formulées, je voudrais relever la mention du fonds vert. Celui-ci a l’immense vertu d’être au service de nos territoires et de nos élus locaux, d’être à la main des préfets et de bénéficier à des investissements pour la transition écologique et énergétique. C’est un fonds interministériel extrêmement précieux et très apprécié.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Enfin, concernant le financement des MFS, vous avez mon entier soutien : il faut faire en sorte qu’il soit quelque peu prolongé.
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.
M. Jean-Michel Arnaud. Madame la ministre, permettez-moi tout d’abord de saluer les gendarmes présents dans nos tribunes ; on a besoin de forces de l’ordre dans nos départements, et les gendarmeries y sont précieuses.
Vous ne m’avez pas répondu – je n’en suis pas surpris – sur la compétence eau. Cela tombe bien : nous avons une proposition de loi sur ce sujet ; il y en aura peut-être une deuxième, peut-être une troisième… Nous allons également organiser des débats sur ce sujet, avec Françoise Gatel, Mathieu Darnaud et de nombreux collègues encore : très clairement, nous n’allons pas vous lâcher sur ce sujet ! (M. Mathieu Darnaud rit.)
En effet, si l’eau, par définition, passe rapidement, elle permet aussi de faire fructifier les territoires, en faisant pousser de belles graines. C’est pourquoi nous n’entendons rien lâcher sur ce point. Nous regrettons, si je puis rester dans un champ lexical aquatique, cette fuite en avant, car le sujet sera de toute façon remis sur la table.
Nous vous proposons de vous placer à côté des élus locaux et de prouver par l’exemple que l’on peut laisser la liberté de choisir son modèle d’organisation dans un cadre local, dans la proximité.
Saisissez donc au bond cette proposition généreuse et constructive, madame la ministre, et nous vous applaudirons avec beaucoup de force. Nous remercierons ce gouvernement de nous avoir entendus ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme j’ai déjà eu souvent l’occasion de le rappeler à cette tribune, dans une vie antérieure, j’ai été professeur d’histoire-géographie. Mais le sujet retenu pour le débat de ce jour – « L’État territorial, entre mirage et réalité » – me rappelle plutôt les bonnes heures de la terminale et les sujets du baccalauréat de philosophie. (Sourires.)
En effet, vous n’ignorez pas que les historiens, les géographes et les philosophes aiment souvent s’écharper sur les concepts et les récits, afin de défricher ce qui relèverait du mythe ou du réel, de l’illusion ou du vécu. Autant dire que l’intitulé du débat a tout pour me plaire !
Seulement, pour vous parler en toute transparence, j’ai été dubitatif en découvrant son objet, car je n’ai pas su exactement ce que signifiait l’expression « État territorial ». Est-ce une variante de l’État unitaire ? De l’État fédéral ? De l’État décentralisé ou de l’État déconcentré ? Vise-t-on la France en particulier, ou s’agit-il, plus largement, d’un modèle théorique abstrait ?
Bien entendu, je comprends l’esprit de la formule : elle vise le rapport de l’État à son territoire, ou à ses territoires, et plus spécifiquement le rapport entre les services déconcentrés de l’État et les collectivités territoriales. C’est finalement un moyen de nous confronter à l’ambiguïté du lien entre le territoire de l’État et les territoires dans l’État. Bref, voilà un vaste programme, que notre assemblée ne craint pas d’affronter. Je m’en réjouis !
En effet, par cette expression, nous poursuivons les travaux déjà engagés en 2016 par le Sénat à la suite du rapport d’information rédigé par Éric Doligé et Marie-Françoise Perol-Dumont.
Nos anciens collègues dressaient le constat suivant : les services déconcentrés de l’État sont confrontés à une succession de réformes qui remettent périodiquement en question leurs modalités d’organisation, leurs priorités d’action et leurs moyens matériels et humains.
Plusieurs axes de progression étaient ressortis de ce rapport, parmi lesquels je relèverai la volonté de maintenir la proximité de l’administration déconcentrée avec les collectivités territoriales, mais surtout de donner à ces dernières les moyens de surmonter la complexité de l’organisation administrative et de ses procédures.
Il y a quelques semaines, nos collègues Agnès Canayer et Éric Kerrouche se sont chargés de dresser un nouveau bilan de ces problématiques, via un nouveau rapport, d’ailleurs excellent, sur le thème de l’État territorial. Je veux souligner la qualité de leur travail et faire observer que notre assemblée tient assidûment son rang de chambre des territoires.
Surtout, il ressort de ce travail que les problématiques identifiées dès 2016 demeurent, pour l’essentiel, les mêmes.
C’est tout particulièrement le cas de l’ingénierie territoriale, qui continue de poser de nombreuses difficultés dans nos collectivités. Les petites communes et communautés de communes de notre ruralité, symboles de la diversité territoriale de notre pays, sont les plus concernées.
Là-bas, les acteurs locaux, élus et agents constatent une baisse régulière des compétences des services déconcentrés de l’État.
Le RDSE étant forcément sensible à cette question, nous avons souhaité, en 2018, y apporter une réponse en créant l’ANCT. Celle-ci devait remédier à l’insuffisance, voire à l’absence de moyens d’ingénierie, ainsi qu’à la trop grande complexité des procédures, accrue par la multiplication des intervenants et des opérateurs.
Hélas, de nombreux progrès restent à faire, l’agence ne pouvant répondre à elle seule à une telle problématique. Nos collègues Josiane Costes et Charles Guené l’avaient d’ailleurs souligné en 2020 dans leur rapport intitulé Les collectivités et l’ANCT au défi de l’ingénierie dans les territoires.
Une pluralité d’acteurs sont mobilisés : intercommunalités, services départementaux et régionaux, services privés d’ingénierie, etc. Pourtant, il reste des carences. Les besoins en ingénierie des collectivités territoriales les moins densifiées sont encore largement non pourvus.
Il nous reste donc de quoi nous occuper dans les années à venir pour mettre en place des dispositifs qui favoriseront la bonne administration de nos territoires. Et cela devra naturellement venir de l’État.
En conclusion, pour revenir à l’intitulé du débat, s’il faut choisir entre mirage et réalité, l’idée d’un « État territorial » donne moins à représenter la réalité qu’à la transformer.
Mme Françoise Gatel, présidente de la délégation. Très bien !
M. Jean-Claude Requier. Elle offre un cap : celui d’une administration homogène et collaborative entre les services déconcentrés de l’État et les collectivités territoriales.
En voulant décrire et expliquer cette notion d’État territorial à partir de nos expériences locales, nous découvrons finalement un moyen d’analyser les sources du mal que rencontrent nos administrations et, ce faisant, des remèdes se dégagent. De ce point de vue, il n’y a ni mirage ni réalité, mais une méthode et une volonté ! (Applaudissements sur des travées des groupes RDSE et Les Républicains. – MM. Pierre Louault et Éric Kerrouche applaudissent également.)
Mme Françoise Gatel, présidente de la délégation. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Requier, vous avez abordé plusieurs sujets – l’administration déconcentrée auprès des collectivités territoriales, les difficultés d’ingénierie territoriale – et appelé de vos vœux une plus grande simplification.
En ce qui concerne le maintien de l’administration déconcentrée auprès des collectivités, je redis à quel point le Gouvernement renforce les moyens de l’État. Comme promis, je listerai les cinq sous-préfectures qui ont rouvert leurs portes : Château-Gontier en Mayenne, Clamecy dans la Nièvre, Montdidier dans la Somme, Rochechouart en Haute-Vienne et Nantua dans l’Ain, auxquelles s’ajoute la nouvelle sous-préfecture créée à Saint-Georges, en Guyane.
Ensuite, j’insiste sur le fait que, après des années de diminution des effectifs, aucun emploi n’a été supprimé sur le périmètre de l’administration territoriale de l’État en 2021 et en 2022. Au contraire, nous ajoutons des postes : 350 ETP supplémentaires seront créés en cinq ans, dont 43 dès cette année ; plus 30 postes de sous-préfet, par redéploiement des postes de sous-préfet à la relance, dans les départements ruraux ; plus les sous-préfets référents thématiques ; plus 200 brigades de gendarmerie. J’en profite pour saluer très amicalement les gendarmes qui viennent de quitter la tribune.
Vous avez évoqué la création de l’ANCT : il s’agit selon nous du lieu où s’incarne le choc d’ingénierie que nous voulons créer au profit de nos collectivités territoriales. Vous appelez à renforcer ses moyens : c’est déjà une réalité. En effet, nous avons doublé dès le premier semestre 2023 les effectifs des délégués de proximité, qui sont dépêchés par l’ANCT dans les préfectures. Chaque région en comptera au moins un, afin que toutes les collectivités locales, y compris les plus petites, disposent d’un interlocuteur privilégié sur les questions d’ingénierie.
À ce propos, je vous confirme que nous travaillons sur un programme visant à servir les plus petites de nos communes, dont les besoins d’ingénierie sont réels. J’aurai plaisir, dans le cadre du nouveau souffle de l’agenda rural, à venir vous en parler d’ici à un mois, si vous le souhaitez.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour la réplique.
M. Jean-Claude Requier. Madame la ministre, mon groupe a porté ici, avec M. de Nicolaÿ, qui était rapporteur au nom de la commission, le texte portant création de l’ANCT. Celui-ci a été édulcoré à l’Assemblée nationale, où on l’a affaibli en introduisant l’échelon régional, qui est trop lointain. À l’origine, nous comptions mettre sur pied un organisme départemental placé sous l’autorité du préfet afin de combler les silos qui séparent les administrations.
Je me réjouis toutefois que vous renforciez les effectifs de l’ANCT.
Pour ce qui est des sous-préfectures, j’en suis un fervent défenseur, en particulier dans le monde rural. En effet, les maires trouvent appui et conseil auprès des sous-préfets – et des sous-préfètes ! Il s’agit d’un maillage essentiel pour administrer les territoires ruraux.
M. Jean-Claude Requier. Je dis souvent aux maires de mon département : « Si vous voulez défendre et fortifier les sous-préfectures, faites travailler les sous-préfets ! »
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Agnès Canayer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si réforme de l’État territorial et décentralisation vont de pair, il n’y aura pas de décentralisation réussie sans une déconcentration pertinente.
Aussi, je regrette la méthodologie défaillante des trop nombreuses réformes de l’État déconcentré depuis quinze ans. Françoise Gatel a eu raison de rappeler l’enchaînement frénétique et l’empilement des réformes, qui ont donné le tournis aux élus locaux et désorienté les agents de l’État eux-mêmes.
Si encore cette frénésie de réformes s’accompagnait d’évaluations régulières et d’une analyse des retours d’expérience, nous pourrions, à la rigueur, la suivre. Il est, hélas ! frappant que, dans ce mouvement perpétuel, chaque nouvelle réforme ne soit jamais précédée d’une évaluation sérieuse, rigoureuse et documentée de la réforme précédente.
La mission d’information que nous avons menée, mon collègue Éric Kerrouche et moi-même, a permis de souligner cette lacune. Elle a mis en évidence l’insatisfaction profonde des maires et des autres élus locaux. Alors que 61 % des élus locaux considèrent que la réforme de l’organisation de l’État est souhaitable, 82 % d’entre eux regrettent de ne pas avoir été associés à ces réformes, qui les concernent pourtant en priorité.
En outre, plus de la moitié des maires, notamment ceux de communes de moins de 1 000 habitants, estiment que l’offre de l’État s’est dégradée ou est défaillante sur leur territoire. Ce hiatus est d’autant plus préjudiciable que le couple maire-préfet a fait ses preuves, en particulier pendant la crise sanitaire. Chacun sait, dans cet hémicycle, le rôle essentiel des maires et de leurs équipes pour apporter une réponse efficace et de proximité.
Les élus locaux ne sont plus dans la défiance envers l’État territorial. Au contraire, ils attendent de lui qu’il soit un véritable partenaire, un accompagnateur plus attentif.
Ainsi, une clarification du rôle de l’État dans nos territoires est désormais indispensable. Il est urgent de mieux répartir les compétences de l’État sur la base de deux principes essentiels : la subsidiarité et la différenciation. Ce n’est qu’à cette condition que l’État pourra irriguer tout le territoire jusqu’au dernier kilomètre.
La contractualisation entre l’État et les collectivités représente une modalité intéressante pour aller vers davantage de souplesse. Elle permet de sortir de la logique des appels à projets, qui, en leur imposant un cadre strict et trop technique, brident les initiatives des petites communes au lieu de les soutenir.
Par ailleurs, certains sujets de tension doivent être déminés afin de rendre plus effective la relation maire-préfet. Les conditions d’attribution de la DETR et de la DSIL sont particulièrement concernées.
Actuellement, le préfet décide seul des attributions pour les projets dont le montant est inférieur à 100 000 euros, les élus n’ayant parfois même pas accès aux informations sur les dossiers qui ont été déposés à cet effet. Aussi avons-nous proposé, au terme de la mission d’information menée au nom de la délégation aux collectivités territoriales, davantage de transparence dans l’attribution des dotations.
En ce qui concerne l’accompagnement des projets et des investissements locaux, la question du devenir de l’ingénierie territoriale d’État se pose. Figure de proue de l’État dans les territoires pendant longtemps – chacun se souvient notamment du rôle des directions départementales de l’équipement (DDE) –, l’offre d’ingénierie se trouve amoindrie, pour ne pas dire déstabilisée, depuis la disparition de l’assistance technique de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire (Atésat). Nous pouvons même nous interroger sur la capacité de l’État à entretenir et à pérenniser son expertise technique.
Il n’est pas anodin de constater que, en matière d’ingénierie, les communes les moins peuplées recourent surtout aux départements, voire aux intercommunalités, qui ont développé leur propre expertise.
En parallèle, les plus grandes collectivités se tournent davantage vers des prestataires privés et, de manière accessoire, vers l’État et ses opérateurs. Si la création de l’ANCT marque un progrès, il ressort de notre enquête que celle-ci souffre d’un vrai déficit de notoriété auprès des élus locaux.
Mme Agnès Canayer. Par ailleurs, l’offre d’études qu’elle propose n’est, souvent, pas suivie des financements nécessaires pour mener à bien les projets – il faut y remédier.
En conclusion, et pour revenir au titre de notre débat, l’État territorial a longtemps été une réalité structurante. Pour ne pas en être réduit à devenir un mirage, il doit être guidé par une vision claire et être alimenté par les recommandations de notre rapport dont j’espère, madame la ministre, que vous saurez vous inspirer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Gatel, présidente de la délégation. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Canayer, en ce qui concerne la nécessité de proximité, je ne renouvellerai pas mes propos sur la façon dont le Gouvernement renforce les moyens de l’État territorial, pour reprendre votre intitulé.
J’apporterai quelques précisions sur l’ANCT, qui a pour objectif d’instituer une logique de guichet unique, au plus proche des territoires. Du fait de sa jeunesse, elle fait l’objet de certaines critiques, notamment au sein de l’excellent rapport du Sénat. Pourtant, l’ANCT a connu de nombreuses réussites, notamment dans l’accompagnement des collectivités dans leur besoin en ingénierie.
Ainsi, dans le cadre du programme Petites Villes de demain, 1 600 petites centralités de moins de 20 000 habitants sont accompagnées et 906 postes de chef de projet sont subventionnés.
Pour ce qui est du programme Action cœur de ville, quelque 5 milliards d’euros sont mobilisés sur cinq ans, pour accompagner 234 communes sur 222 territoires métropolitains et ultramarins. Au 15 octobre 2022, 312 opérations de revitalisation de territoire (ORT) avaient été signées.
Par ailleurs, la Première ministre m’a permis d’aller voir, depuis le mois de juillet, ce qui se passe réellement sur le terrain en matière d’ingénierie afin de procéder à une évaluation. J’ai autant que vous, mesdames, messieurs les sénateurs, l’intime conviction que nous devons accentuer l’évaluation de l’efficacité de nos politiques publiques avant d’embrayer sur de nouvelles lois, de nouveaux textes ou programmes.
C’est ce que j’ai fait pendant six mois et j’espère qu’il en ressortira quelque chose d’efficace. Le premier bilan sera dressé à la fin de l’année afin de réorienter certaines actions si nous constatons qu’elles ne sont pas aussi efficaces que nous le souhaitions dans les ruralités.
Vous appelez de vos vœux plus de subsidiarité. Bien sûr, on peut toujours faire plus et mieux, mais, en mettant fin aux appels à projets et en confiant le fonds vert aux préfets, nous envoyons un fort signal dans le sens d’une déconcentration telle que nous la voulons et telle que les préfets la mettent en œuvre.
Pour ce qui est de la différenciation, je voudrais vous dire à quel point je suis fière de vous soumettre, en janvier 2024, un projet de loi qui constituera un acte II pour les zones de revitalisation rurales (ZRR). Cette loi portera en son sein la différenciation de nos territoires.
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour la réplique.
Mme Agnès Canayer. Madame la ministre, l’ANCT constitue effectivement un progrès, mais elle est largement perfectible. En revanche, en ce qui concerne l’offre d’ingénierie, elle est un peu à l’image de l’État, qui est dispersé dans ses réponses et ses actions. Pour lui donner de la lisibilité et de la clarté de manière que les élus locaux soient véritablement accompagnés, nous devons améliorer la coordination de cette offre sur les territoires.
Quant à l’évaluation, il est vrai qu’il s’agit d’un sujet fort et récurrent. Il est important, avant d’introduire toute nouvelle politique publique, de ne pas reproduire les erreurs du passé, en l’occurrence celle d’additionner les réformes sans évaluation préalable jusqu’à en faire une sorte de millefeuille.
Toutefois, madame la ministre, le baromètre ne peut en aucun cas être un outil d’évaluation. On ne peut pas évaluer uniquement par les chiffres et par la quantité : il faut également tenir compte de la qualité de l’action qui est menée. (M. Mathieu Darnaud applaudit.)
Mme Françoise Gatel, présidente de la délégation. Absolument !
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Éric Kerrouche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en entendant mon collègue de la majorité gouvernementale M. Buis, je me disais qu’il devait être confortable de vivre dans un monde de Oui-Oui territorial. (Sourires. – Mme la ministre déléguée s’indigne.)
Madame la ministre, nous pouvons légitimement nous demander si l’État a encore les moyens de ses ambitions dans nos territoires. Il peut paraître étonnant de se poser cette question dans un pays qui, depuis la loi du 28 pluviôse an VIII, a donné une place particulière à l’État territorial. Pourtant, celui-ci suscite des doutes et des critiques.
La mission d’information que nous avons conduite, Agnès Canayer et moi-même, pointe de nombreux enjeux, mais je me contenterai d’évoquer ceux qui sont relatifs aux moyens et à l’organisation.
Rares sont les champs de l’action publique qui ont connu autant de réformes que celui dont nous parlons. Mais cette spécificité est trompeuse : loin d’être un signe de vitalité et de bonne santé, elle traduit surtout un malaise profond et des objectifs qui n’ont pas été atteints, d’où des remises en chantier répétées à un rythme qui va s’accélérant.
À chaque fois, la réforme de l’État territorial est pourtant sous-tendue par une ambition louable et clairement affichée : améliorer le fonctionnement des services et répondre au mieux à la demande d’État dans les territoires. La réalité est très différente, puisque nous constatons une baisse continue des moyens de l’État.
Les élus ne s’y trompent d’ailleurs pas : deux élus sur trois estiment que le service public s’est dégradé sur leur territoire, et près de 60 % d’entre eux considèrent que les moyens des services déconcentrés sont insuffisants. Je vous rappelle également – et c’est révélateur – que 70 % des membres du corps préfectoral que nous avons interrogés estiment, eux aussi, que les moyens humains qui sont mis à leur disposition sont insuffisants.
Il est très difficile de chiffrer les effectifs de l’État dans nos territoires : les changements de périmètres, les suppressions de directions – avant qu’elles ne soient recréées – ou encore les rattachements à différents ministères tendent à brouiller les cartes. Aussi le ministère de l’intérieur doit-il impérativement se doter d’outils de suivi de l’ensemble des personnels déconcentrés qui lui ont été rattachés ces dernières années, au travers notamment des directions départementales interministérielles (DDI).
Malgré tout, les chiffres sont parlants : les effectifs des DDI ont été amputés de 15 000 fonctionnaires entre 2011 et 2022, soit une baisse de 36 %. La plupart du temps, ces coupes dans les effectifs sont supposées avoir été compensées par une organisation plus efficiente, par des gains de productivité et par la diffusion de nouveaux outils technologiques. Au reste, nous ne pouvons ni confirmer ni infirmer ces suppositions, car rien n’est évalué ex post.
À l’inverse, les exemples de dégradation des services rendus aux collectivités territoriales abondent.
Cette politique, dictée par une perspective purement comptable, montre ses limites. Le contrôle de légalité en est un bon exemple. Nous devons nous interroger sur la façon dont est rendu ce service. Les préfectures contrôlent, depuis bien longtemps, non plus la totalité des actes des collectivités locales, mais un nombre restreint d’actes dits « à enjeu » – la commande publique, les actes budgétaires, la gestion des ressources humaines. Or, même dans ce cadre, l’État n’atteint que 90 % de ses objectifs.
Dans notre pays, tout se passe comme si l’État territorial était resté figé dans une réalité qui ne correspond absolument plus à celle des collectivités locales. L’effet d’inertie est considérable : dans certains départements ou régions, les effectifs des services de l’État correspondent non plus à la réalité du terrain, mais à un héritage du passé. Un récent rapport de la Cour des comptes a d’ailleurs appuyé ce constat que nous avions dressé dans notre rapport.
Il faut sortir de ce carcan pour adapter l’État territorial aux besoins contemporains. Vous avez évoqué, madame la ministre, les sous-préfectures, qui ont été touchées de plein fouet par la RGPP. S’il est très bien d’en rouvrir six, c’est sans commune mesure avec la réalité des besoins de l’ensemble des territoires.
Je vous rappelle que la carte des sous-préfectures n’a pas été revue en profondeur depuis la réforme Poincaré de 1926, alors que les périmètres ont été modifiés, y compris ceux des collectivités territoriales. Il conviendrait de tenir compte de ces modifications, tout en garantissant l’autonomie et les moyens des sous-préfectures. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Kerrouche, j’ai beaucoup apprécié ce débat, et j’épargnerai aux sénateurs présents la poursuite de ce qui tourne, dans certains échanges, au dialogue de sourds. Moyens insuffisants, difficulté à compter les agents de l’État, brouillage de cartes, aucune évaluation ex post, politique comptable, etc. Mon intime conviction est totalement orthogonale avec vos propos.
J’essaye simplement de travailler. Peut-être le fais-je avec des « Oui-Oui territoriaux », comme vous les appelez, car j’ai beaucoup de mal à travailler avec des « ouin-ouin territoriaux ».
M. Roger Karoutchi. Ça, c’est sûr…
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. En France, le verre est toujours à moitié vide. S’il était plein, nos concitoyens seraient heureux, la France ne serait pas si clivée, elle ne compterait pas tant de citoyens et de parlementaires révoltés… Non, rien n’est parfait, cher monsieur. Oui, tout peut être amélioré. À cet égard, mon bureau vous est ouvert.
Seulement, je préfère travailler avec des personnes constructives, pour essayer de faire évoluer les choses, qu’avec d’autres qui ne font que pointer tout ce qui va mal, même si cela comporte des réalités que nous devons améliorer.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour la réplique.
M. Éric Kerrouche. Il est sûr qu’il est plus simple de ne travailler qu’avec des gens qui sont d’accord avec vous – c’est d’ailleurs ce que vous faites depuis longtemps –, mais cela peut être problématique. (M. Mathieu Darnaud s’amuse.)
J’entends ce que vous dites, madame la ministre, mais je me permettrai de reprendre les propos, très importants dans la méthodologie en sciences sociales, du sociologue Émile Durkheim, selon lequel les faits sont têtus. Ces faits, nous les avons pointés, Mme Canayer et moi-même, dans le rapport que nous avons rendu. Vous pouvez les contester et sélectionner les critères qui, a priori, vous satisfont, mais je ne pense pas que ce soit une bonne chose.
Par ailleurs, la question est non pas de savoir si nous sommes d’accord ou pas, mais de fixer un niveau d’exigence vis-à-vis de l’État territorial qui soit à la hauteur du rôle que celui-ci devrait remplir dans les territoires.
Vous affirmez avoir freiné les baisses d’effectifs depuis deux ans. Je vous rappelle qu’il s’agit d’un second quinquennat…
Notre objet est non pas de dire que tout va mal, madame la ministre, mais de regarder la vérité en face pour essayer de tracer un chemin à partir de celle-ci – et ce avec tout le monde, pas seulement ceux qui vous font plaisir politiquement.
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il faut feindre que tout change pour que rien ne change : je me permets d’emprunter cette fameuse réplique du Guépard, car elle me semble de circonstance, madame la ministre. En effet, j’ai le sentiment, au cours de nos débats sur la constitution de l’ANCT, les maisons France Services, la déconcentration de l’État, d’entendre toujours les mêmes intentions de la part du Gouvernement.
Pour couper court à une éventuelle réplique par laquelle vous m’opposeriez un manque d’objectivité, permettez-moi de prendre quelques exemples concrets, m’adossant en cela aux propos d’Éric Kerrouche selon lesquels les faits sont têtus.
Vous avez évoqué la réussite des maisons France Services. Nous ne la contestons pas. Je m’empresse simplement de vous dire, madame la ministre, que celles-ci remplacent des services de l’État que nous avons vus disparaître, notamment les trésoreries, parmi tant d’autres. Il s’agit donc non pas d’une offre nouvelle, mais d’une offre de substitution à des services qui existaient auparavant.
Vous avez également évoqué un réarmement de l’État territorial. Je vous invite, puisque vous êtes encline à vous déplacer – ce que je salue –, à venir dans mon beau département de l’Ardèche, où vous pourrez constater si les annonces faites par le Gouvernement ont été suivies d’effets. Le centre des impôts de Tournon-sur-Rhône devait accueillir 50 cadres de la DGFiP ; nous attendons toujours de voir arriver le premier d’entre eux.
Je vous invite donc à venir dans les sous-préfectures de Largentière ou de Tournon-sur-Rhône, où vous verrez que le réarmement dont l’État territorial a besoin, ce sont des moyens humains supplémentaires. Voilà ce que nous attendons de pied ferme.
Par ailleurs, vous affirmez œuvrer pour que l’ANCT nourrisse un lien de proximité avec les élus. Là encore, nous attendons ce rapprochement. Dans cet hémicycle, nous avons toujours fait preuve du plus grand pragmatisme. Lorsqu’il s’est agi de débattre sur la création de l’ANCT, nous avons appelé de nos vœux un état des lieux de l’ingénierie réelle sur les territoires. Pardon de vous dire que cela aussi, nous l’attendons toujours.
De même, nous attendons des actions qui sont mises en œuvre sur nos territoires, telles que Petites Villes de demain, que vous avez citée, qu’elles puissent apporter non seulement des moyens d’ingénierie, mais aussi des moyens financiers, faute de quoi les projets issus de cette ingénierie ne pourront pas être réalisés.
Enfin, et c’est le nœud du problème – le nœud gordien –, nous ne pourrons parler d’État territorial qu’en donnant aux préfets de département les moyens de coordonner l’action de l’État.
Permettez-moi, madame la ministre, de m’opposer sur deux points à vos propos.
Tout d’abord, je cherche encore le pouvoir dérogatoire des préfets auquel vous avez fait référence. Pour qu’il puisse voir le jour, il faudrait réformer la Constitution, et plus particulièrement son article 72. Vous affirmez que le préfet a pu coordonner l’action de l’État pendant la crise de la covid-19. Je prends à témoin les 35 000 maires de France, qui ont dû lire minutieusement les protocoles scolaires et sanitaires pour ouvrir ou fermer les écoles. Les préfets ont eu les plus grandes difficultés à agir pour interpeller les services de l’éducation nationale. Voilà la réalité, voilà le vécu des maires ! (Mme Agnès Canayer et M. Sébastien Meurant approuvent.)
Vous nous invitez à être pragmatiques ? Chiche ! Être pragmatique, c’est demander au Gouvernement de mettre en application ce qu’il nous promet. Lors de l’examen de la loi 3DS, dont nous étions rapporteurs, Françoise Gatel et moi-même, que n’avons-nous pas entendu de la part du Gouvernement qui s’engageait à déconcentrer, à réarmer, à renforcer les pouvoirs de coordination des préfets… Or les seules propositions à avoir connu une traduction pratique et législative sont celles qu’a faites le Sénat.
M. Mathieu Darnaud. Faire du préfet le délégué de l’office français de la biodiversité, c’est ici que cela a été décidé ! Mettre en place un pouvoir dérogatoire des préfets, c’est ici que nous l’avons voulu, même si nous l’attendons malheureusement encore. Voilà des mesures claires et pragmatiques, qui montrent que nous sommes prêts à avancer.
L’intitulé du débat nous invite à déterminer si l’État territorial est un mirage ou une réalité. Je suis un défenseur de l’État territorial, je pense donc que c’est une réalité ; en revanche, vos engagements sont souvent des mirages. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Sébastien Meurant. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Darnaud, je viendrai en Ardèche avant la fin du mois d’avril.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Mathieu Darnaud. Avec plaisir !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Voilà une première réponse positive. (Sourires à droite.)
Pour ce qui est de réarmer nos territoires, cela revient simplement à poursuivre ce que nous faisons. Ne pointons pas nos différences. Je vous ai donné des chiffres objectifs, que vous jugez insuffisants : nous y travaillerons ! Nous sommes tous convaincus que les services de l’État dans les régions peuvent être renforcés de manière à mieux travailler localement avec les élus.
J’ai rappelé ce que nous faisons en matière d’ingénierie : l’argent qui a été injecté et continue de l’être, les améliorations que nous allons apporter à l’ANCT sur la recommandation du Sénat, le programme en ingénierie dans les petits villages, etc. Je pense vous avoir rassuré sur le fait que nous sommes en train d’améliorer notre offre d’ingénierie.
En ce qui concerne le lien que vous faites avec l’investissement, peut-être vous projetez-vous déjà en 2024, auquel cas nous aurons le temps d’y travailler. Car, pour ce qui concerne l’année 2023, la DETR et la DSIL ont été abondées de 2 milliards d’euros de manière structurelle. À la DETR, qui a doublé ces dix dernières années, s’ajoutent les 2 milliards d’euros du fonds vert, ce qui revient à doubler encore cette dotation. Le fonds vert est certes orienté en priorité sur l’écologie et la transition énergétique, mais nous injectons tout de même 4 milliards d’euros pour donner suite aux travaux d’ingénierie que les maires conduiront avec le soutien de l’ANCT, que nous finançons en très grande partie.
Enfin, j’entends vos remarques sur le pouvoir dérogatoire des préfets, mais ceux-ci y ont tout de même recouru 350 fois depuis qu’ils en disposent. Vous considérez que c’est insuffisant ; pour ma part, je suis incapable de vous dire s’il faudrait qu’ils dérogent plus ou moins.
Par ailleurs, je partage vos propos sur les sujets éducatifs. Nous devons adapter aux territoires la politique publique que nous conduisons à l’échelle nationale, sous la houlette de Pap Ndiaye, avec qui je dois m’entretenir demain.
En conclusion, le pouvoir dérogatoire existe ; nous pouvons simplement appeler à ce qu’il soit quelque peu amplifié.
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour la réplique.
M. Mathieu Darnaud. Madame la ministre, je vous accueillerai avec plaisir dans le beau département de l’Ardèche et nous aurons l’occasion de poursuivre nos réflexions, notamment sur la DETR. Trop souvent, en effet, celle-ci vient compenser ce qu’un département comme le mien perd par exemple en matière d’accompagnement sur l’eau du fait du désengagement progressif des agences de l’eau – je ne doute d’ailleurs pas qu’il en sera de même pour le fonds vert.
Je tiens à concentrer mon propos sur la question des préfets et vous inviter, madame la ministre, comme vous l’avez fait à l’occasion de l’examen de la loi 3DS, à vous inspirer des travaux du Sénat, en particulier de l’excellent rapport d’information d’Agnès Canayer et d’Éric Kerrouche. Le tableau qui y est brossé correspond à une réalité et est le reflet des attentes de l’État territorial sur le territoire, mais plus encore des élus locaux qui attendent beaucoup de vous et, surtout, du concret.
M. le président. En conclusion du débat, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, mes premiers mots seront pour remercier Françoise Gatel, la très dynamique présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. (Sourires.) Madame la sénatrice, c’est un vrai plaisir de travailler avec vous, vous êtes un véritable aiguillon, qui plus est un aiguillon constructif, à l’instar de la délégation dans son entier.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec beaucoup de sincérité que je vous remercie d’avoir inscrit ce débat sur le thème : « L’État territorial, entre mirage et réalité » à l’ordre du jour de vos travaux. Comme M. Jean-Claude Requier, je me suis moi aussi beaucoup intéressée à « l’esprit de la formule ». L’intitulé du débat qui a été retenu était riche de sens.
Certes, les discussions peuvent toujours être plus approfondies, encore plus nourries et ambitieuses, mais je me suis pliée avec beaucoup de plaisir à cet exercice, qui était une première pour moi.
J’ai pris beaucoup de notes, que je transmettrai à mon cabinet, et je vous confirme que nous travaillerons sur les axes d’amélioration que j’ai mentionnés.
Je vis comme un honneur d’avoir été invitée à ce débat autour de l’État territorial organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Vous connaissez ou, peut-être, découvrez mon attachement aux collectivités territoriales, à la ruralité, aux élus locaux, à l’initiative territoriale, mais aussi au débat parlementaire. Ce débat, j’espère que nous pourrons le renouveler à de nombreuses occasions dans les semaines et mois à venir, convaincue que c’est ainsi que nous trouverons les solutions les plus adaptées aux difficultés que rencontrent nos concitoyens.
Ce débat était aussi pour moi l’occasion de rappeler certains points de l’action du Gouvernement à destination des collectivités territoriales, auxquelles je suis tout particulièrement attachée. Il m’a également été permis de rappeler combien le travail accompli par les préfets, les sous-préfets, les services de l’État en région était efficace.
Notre pays, en raison du contexte international, est confronté à une inflation importante qui touche directement les collectivités, notamment dans leurs coûts de fonctionnement. Les mesures que nous avons prises dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2023 visent à résoudre ces difficultés.
La prolongation du bouclier tarifaire, qui limite l’augmentation des coûts de l’énergie à 15 % dans les petites communes, la mise en place d’un amortisseur électrique grâce auquel l’État prend en charge 50 % des surcoûts au-delà d’un prix de référence de 325 euros par mégawattheure, la reconduction d’un filet de sécurité étendu à toutes les collectivités ou encore l’augmentation de la dotation globale de fonctionnement de 320 millions d’euros pour la première fois depuis treize ans sont autant de mesures qu’il était urgent et indispensable de prendre.
Pour moi, c’est peut-être ici même que résident les fondements de l’État territorial, dans sa capacité à accompagner chaque collectivité, à ne laisser aucun maire sur le bord de la route, en période de crise.
Cette présence bienveillante doit être en permanence renforcée et se mettre toujours plus au service des collectivités territoriales, qui sont, elles-mêmes, au service du bien commun et de nos concitoyens. Sur ce point, la volonté du Président de la République et du Gouvernement a été clairement affirmée et réaffirmée.
La réouverture de cinq sous-préfectures, la création d’une nouvelle sous-préfecture, le déploiement de 2 538 maisons France Services sur tout le territoire ou encore les mesures présentes dans la Lopmi, avec le déploiement de plus de 200 brigades de gendarmerie supplémentaires dans les territoires ruraux et périurbains, démontrent notre volonté de réimplanter l’État dans nos territoires.
La création de l’ANCT, voilà maintenant trois ans, marquait aussi la volonté forte du gouvernement précédent de rapprocher les moyens de l’État des collectivités territoriales. J’ai pris connaissance, avec attention, du rapport d’information du Sénat que vous m’avez remis hier : même s’il ne faut pas nier que des axes d’amélioration demeurent, l’existence même de cette jeune administration va dans le bon sens.
C’est pour cette raison que l’ANCT verra ses moyens en ingénierie doubler dans les territoires. Dès 2024, le marché de l’ingénierie sera par ailleurs déconcentré afin de rapprocher le processus décisionnel des territoires et les élus. Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, cette agence évolue, grandit et se rapproche des territoires.
Je conclus en ajoutant que l’État n’oublie pas le volet investissement pour les collectivités territoriales, notamment avec le fonds vert : 2 milliards d’euros supplémentaires seront à la main des préfets dès 2023.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, la réalité de l’État territorial, c’est un État qui accompagne, soutient et aide les collectivités territoriales au quotidien. Ne voyez pas dans mes propos un élan d’autosatisfaction : j’ai conscience des leviers qui restent à mobiliser, mais je voulais aussi souligner ce qui avait été fait – et bien fait.
Aussi, je mesure le chemin qu’il nous reste à parcourir ensemble, les difficultés que rencontrent nos collectivités et les défis qui se présentent à nous. Ce n’est qu’ensemble que nous parviendrons à progresser. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Mme Françoise Gatel, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Je tiens à remercier l’ensemble de nos collègues présents aujourd’hui à l’occasion de ce débat : les questions étaient toutes extrêmement pertinentes. J’en profite pour adresser des remerciements particuliers aux membres de la délégation. Monsieur le président Requier, j’ai apprécié votre volonté de définir ce qu’était un débat et ce qui en constituait le sujet.
Madame la ministre, je vous le dis en toute amabilité et avec beaucoup de gentillesse, mais aussi avec ma franchise habituelle : un débat est un espace de discussion pour construire une réflexion sur un sujet et trouver des solutions. Ce n’est ni un grand oral ni un espace de justification. Il n’est en effet pas dans notre idée de faire un procès au Gouvernement ; notre souhait, c’est que la France marche et que les maires, qui portent de grandes responsabilités, puissent être accompagnés par l’État.
Madame la ministre, cela ne va peut-être pas vous plaire, mais, là encore, je vous le dis avec aménité. Certains ont parlé d’un après-midi de Oui-Oui ; pour ma part, ce n’est pas ce que j’ai ressenti. À certains moments, cela m’a plutôt fait penser à cette séquence que les jeunes ne connaissent pas où Georges Marchais, à un journaliste qui lui faisait remarquer : « Ce n’est pas la question qui vous a été posée », répondait : « Ce n’était peut-être pas votre question, mais c’est ma réponse ! »
Vous l’avez d’ailleurs souligné, madame la ministre, le rapport d’information d’Agnès Canayer et d’Éric Kerrouche va à l’essentiel. C’est un travail de fond, qui doit être considéré comme une contribution positive et rigoureuse à la réflexion que le Gouvernement mène – je ne doute pas de votre intention – et qui anime le Président de la République. Puissions-nous faire œuvre utile et avoir pour perspective de trouver des solutions. Je sais que c’est votre état d’esprit, madame la ministre, mais ce n’est pas ce que nous avons ressenti cet après-midi.
Il faut une exigence d’évaluation, cela a été rappelé. Il faut évaluer ce que l’on fait et il faut encourager les expérimentations. Je rejoins la position d’Agnès Canayer : un comptage ou un baromètre ne sont pas une évaluation. Peut-on avoir des évaluations qualitatives ?
Madame la ministre, nous l’avons dit d’emblée, et vous le savez : l’évaluation qui a été faite ou la mesure de la satisfaction ne doit pas concerner que les élus ; elle doit être élargie au corps préfectoral, qui est constitué de gens absolument remarquables.
Madame la ministre, je vous invite à participer aux états généraux de la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales, qui se tiendront le 16 mars prochain. Nous voulons travailler ensemble avec des engagements clairs, y compris du Gouvernement, sur une fabrique de la loi qui soit efficace et efficiente.
La différenciation, vous y croyez, madame la ministre. Moi aussi, j’y crois ! Le pouvoir réglementaire local appartient au préfet. Même si cela agace tout le monde, j’y reviens, car c’est un véritable problème : l’eau et l’assainissement ! Si nous en parlons encore, c’est bien que tout n’est pas réglé. Nous savons bien que l’eau n’a jamais coulé dans un périmètre administratif et nous ne disons pas que les communes doivent rester seules. Faisons en sorte de travailler à des solutions efficaces, car les Hautes-Alpes ne sont pas la Bretagne.
Madame la ministre, vous n’avez pas répondu à l’excellente recommandation du rattachement du préfet au Premier ministre. Pourtant, cela permettrait une unité de la voix de l’État : nous disposerions d’une chaîne de commandement et d’un chef d’orchestre, dont on a vu l’efficacité pendant la crise sanitaire.
Madame la ministre, je suis heureuse de ce temps de discussion. Pour autant, et ce n’est pas un grief personnel, car je sais votre volonté d’écouter et de comprendre, il faudrait que l’on reconnaisse que, lorsque les sénateurs s’expriment, ce n’est ni pour embêter le monde ni pour passer un après-midi récréatif.
Mme Françoise Gatel, présidente de la délégation. C’est vraiment parce que nous avons des convictions, que nous voulons des solutions et que nous vous proposons d’agir ensemble, comme vous l’avez indiqué.
Si le prochain débat peut être l’occasion d’une véritable discussion et non d’un jeu de ping-pong, j’en serai heureuse et ravie. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI, INDEP et Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « L’État territorial, entre mirage et réalité. »
4
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 14 février 2023 :
À neuf heures trente :
Questions orales.
À quatorze heures trente et le soir :
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à améliorer l’encadrement des centres de santé (texte de la commission n° 324, 2022-2023) ;
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé (texte de la commission n° 329, 2022-2023).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à seize heures vingt-cinq.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER