M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de résolution nous donne l’occasion de mettre en lumière le sujet brûlant des migrations vers notre Europe. Je remercie nos collègues socialistes et écologistes de nous permettre d’en débattre.
Les défis de l’Europe face aux flux migratoires s’incarnent bel et bien dans les récentes mutations qu’a opérées, non sans difficulté, l’Agence européenne des garde-frontières et garde-côtes, communément appelée Frontex.
Cette agence, sans doute la plus connue de nos concitoyens, remplit une triple mission : assurer un rôle de veille permanente aux frontières extérieures de l’Union ; venir en appui des États membres dans la lutte contre la criminalité transfrontalière ; aider les pays tiers qui ont conclu un accord avec l’Union européenne à juguler les flux migratoires irréguliers qui se dirigent vers l’Europe. Jamais une agence supranationale ne s’est vu confier de telles prérogatives de puissance publique.
Le renforcement des missions de Frontex, en 2016 puis en 2019, s’est accompagné d’un accroissement de ses moyens humains et financiers. Ainsi, quelque 5,8 milliards d’euros seront mobilisés dans les années à venir, l’objectif étant d’atteindre 10 000 personnels à l’horizon 2027, qu’ils soient propres à l’institution ou détachés des États membres.
Cette volonté de faire de Frontex l’apanage de la politique migratoire européenne s’est heurtée à de multiples difficultés.
Tout d’abord, la croissance fulgurante de ses moyens dans un temps court n’a pas laissé un délai suffisant au bon calibrage de l’organisation, notamment pendant la crise sanitaire.
Ensuite, le rapport spécial de la Cour des comptes européenne, publié en juin 2021, et celui de l’Office européen de lutte antifraude, paru en février 2022, ont sapé la légitimité de Frontex en raison d’un déficit de transparence dans le coût des opérations et de manquements au respect des droits fondamentaux.
Ces révélations, qui s’ajoutent aux critiques adressées par certains États membres, ont entraîné la démission du précédent directeur, Fabrice Leggeri.
Enfin, des luttes d’influence internes aux institutions européennes consacrées à la politique migratoire ont été mises au jour.
Entre la protection des droits fondamentaux des migrants et la lutte contre l’immigration irrégulière, les positions des États membres divergent sur les priorités opérationnelles de Frontex. Dès lors, il s’avère nécessaire de clarifier ces missions.
L’agence Frontex est confrontée à une transformation de son organisation, alors même qu’elle souffre d’un déficit de légitimité et que ses responsabilités tendent à se renforcer.
Pour reprendre les termes employés par le président de la commission des lois, ces « crises de croissance et de confiance » appellent à proposer un ensemble de recommandations relatives à l’avenir de l’Agence.
Tel est l’objet de la présente proposition de résolution européenne. À cet égard, je tiens à saluer la qualité du travail de la commission des affaires européennes et de la commission des lois.
Le pilotage politique de Frontex a montré ses faiblesses. La récente nomination du nouveau directeur doit s’accompagner de l’instauration d’un conseil d’administration doté de personnels d’une expérience et d’un niveau hiérarchique suffisants. Ainsi, la constitution d’un groupe parlementaire conjoint entre les parlements nationaux et le Parlement européen semble indispensable.
Le contrôle parlementaire ne peut être qu’un atout. Il s’agit, à l’échelle tant des parlements nationaux que du Parlement européen, d’instaurer une stabilité institutionnelle et une légitimité politique au bénéfice d’une organisation en plein développement.
Par ailleurs, le mandat de Frontex doit être clarifié, ce que visent les alinéas 37 et 46 de cette proposition de résolution européenne. Il est impératif de définir certains critères pour le recrutement des contrôleurs et, surtout, des officiers aux droits fondamentaux. Demander qu’une expérience professionnelle dans le domaine des droits fondamentaux soit un prérequis me semble également pertinent. C’est la raison pour laquelle notre groupe soutient vivement la recommandation tendant à soumettre les décisions de l’officier des droits fondamentaux à un avis annuel du Médiateur européen.
Les opérations menées conjointement par l’Agence et les États membres sont réalisées exclusivement à la demande d’un État et sous son autorité. Bien que le rôle de Frontex ne soit en aucune façon de surveiller l’action d’un État souverain, une procédure d’alerte pour violation des droits fondamentaux demeure un recours possible, à condition que les modalités de déclenchement en soient encadrées. Il s’agit d’un élément majeur pour renforcer la confiance dans cette agence, mobilisée par des États membres parfois peu soucieux d’accompagner dignement les personnes migrantes.
La proposition de résolution européenne appelle aussi au maintien de la capacité opérationnelle de Frontex. Si ses effectifs s’accroissent, sa montée en puissance doit aller de pair avec une plus grande transparence sur les effets et les coûts des opérations et avec un renforcement des coopérations entre les États membres et les autres structures communautaires.
Je profite également de ma présence à la tribune ce soir pour appeler de mes vœux une coopération intergouvernementale plus étroite sur la question des migrations secondaires. Mon département, les Hautes-Alpes, qui se situe à la frontière italienne, est particulièrement concerné : en 2019 et en 2020, plus de 11 000 passages illégaux ont été répertoriés entre l’Italie et la vallée du Briançonnais. Ces passages s’effectuent principalement via le col de l’Échelle, tristement célèbre malgré sa beauté. Cette route extrêmement dangereuse, fermée en hiver, est utilisée par des passeurs et par un certain nombre de personnes migrantes en quête d’une destination, d’un horizon plus heureux. Ces personnes, désespérées, sont souvent victimes de l’hiver.
De telles situations ont été évoquées, voilà quelques instants, à l’est de l’Europe, mais elles peuvent également se produire chez nous, en France.
La pression migratoire locale est également renforcée par l’inadéquation des moyens alloués à la police aux frontières, ce qui ne permet pas à celle-ci d’assurer correctement ses missions. De même, les moyens mis à disposition des associations humanitaires à Briançon ne sont pas à la hauteur de l’accompagnement nécessaire pour préserver la dignité des personnes migrantes, prises en charge dans l’urgence.
Par cette proposition de résolution, le Sénat appelle nos démocraties européennes à être à la hauteur de leurs idéaux. Nous ne pouvons rester indifférents au sort de ces enfants, de ces femmes et de ces hommes qui aspirent à un avenir meilleur en franchissant nos frontières extérieures et intérieures.
Pour autant, nous ne devons pas être naïfs. Voilà quelques jours, le nouveau directeur exécutif de Frontex s’est engagé à rétablir la confiance dans l’Agence, à en réorganiser le travail et à produire des résultats tangibles sur le plan humanitaire, dans le respect des droits fondamentaux.
Frontex doit muer afin de trouver l’équilibre entre l’absence de naïveté dont elle doit faire preuve à nos frontières face à des migrations parfois organisées et l’indispensable accompagnement, digne et humain, de personnes ayant fait le choix, parfois politique, souvent économique et social, de nourrir d’autres espérances à l’intérieur des frontières européennes.
Mes chers collègues, comme vous l’imaginez, le groupe Union Centriste, conformément au souci constant d’équilibre qui lui est propre, votera en faveur de cette proposition de résolution européenne, mais conserve l’objectif de renforcer notre humanité à l’égard des populations les plus fragiles qui arrivent en Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en février 2022, l’ONU a alerté l’Union européenne sur la « normalisation » du refoulement illégal des réfugiés à nos frontières.
De plus, le rapport de l’organisation Human Rights Watch est accablant à l’égard de l’agence européenne Frontex. La surveillance aérienne qu’elle exerce permet en effet aux garde-côtes libyens d’intercepter des bateaux de migrants. Ces derniers sont renvoyés de force en Libye, où ils sont confrontés à la violence, à des abus, à l’esclavage et à la torture.
Ces faits sont directement imputés à Frontex, qui devient alors complice d’actes inhumains.
Par ailleurs, le rapport de l’Office européen de lutte antifraude dénonce des actes similaires impliquant des agents de Frontex en Albanie et à la frontière entre la Grèce et la Turquie.
Nous ne pouvons ni fermer les yeux sur ces révélations, étayées par des preuves, ni faire comme si notre soutien à Frontex devait primer le respect de nos principes fondamentaux.
Je ne partage pas vraiment l’avis des rapporteurs, selon lesquels la mission première de Frontex serait de garantir le contrôle efficace des frontières extérieures de l’Union européenne afin de lutter contre l’immigration clandestine. Le respect des droits de l’homme doit dépasser toute considération idéologique pour devenir la boussole de nos actions.
Les tragédies se succèdent : d’abord, à Lampedusa, en 2013 ; puis lors des naufrages de plus de 800 migrants en 2015 ou encore de quelque 27 migrants dans la Manche l’année dernière ; enfin, en mer Méditerranée, où sont morts une trentaine de migrants depuis le début de l’année.
Nous devons prendre toute la mesure de la gravité de l’échec de Frontex dans l’accomplissement de ses missions. D’après les chiffres de l’Agence européenne, près de 330 000 entrées irrégulières ont été enregistrées en 2022 en Europe.
Le système en place est incapable de répondre à la problématique migratoire qui traverse l’Europe. Environ 10 % de ces entrées irrégulières sont le fait de femmes et près de 9 % de mineurs. Je les ai rencontrés au campement de la porte d’Ivry, où quelque 400 adolescents sont livrés à eux-mêmes dans des tentes d’infortune. Les exemples sont nombreux : ces situations sont-elles véritablement dignes de la France ?
L’Union européenne souhaite placer la politique migratoire au sommet de ses priorités. Il est urgent de réformer Frontex : sa mission de contrôle doit être indissociable de sa mission de protection des droits fondamentaux.
La Grèce, la Pologne, la Bulgarie, quant à elles, réclament le financement européen d’un mur anti-migrants et de barbelés le long de leurs frontières.
L’échéance des élections européennes arrive à grands pas. Hélas, sans un système d’asile et de migration harmonisé et fort, je crains qu’une nouvelle poussée des extrêmes ne surgisse lors des résultats du suffrage. Je voterai contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Pierre Laurent applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que resterait-il des frontières de l’Union européenne sans l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, communément appelée Frontex ?
Aujourd’hui plus que jamais, c’est une responsabilité commune que de surveiller et d’entretenir les frontières extérieures de l’Union européenne.
En premier lieu, Frontex est indispensable compte tenu de sa raison d’être, à savoir la connaissance et la régulation des flux migratoires aux portes de l’Union européenne. Elle doit rester le centre de gravité de nos débats.
Chaque événement international qui s’est produit au cours de ces dernières années a conduit à un accroissement de ces flux. Je citerai trois exemples : en 2019 et 2020, les tensions entre la Turquie et l’Union européenne se sont concrètement traduites par des pressions étrangères sur les autorités locales de Frontex et par le risque de migrations précipitées dans les territoires de l’Union.
En 2021, les tensions avec la Biélorussie ont provoqué ce qu’il faut appeler une crise frontalière, de laquelle a résulté un afflux massif de migrants venus du Moyen-Orient vers le nord de l’Europe.
En 2022, c’est bien évidemment le conflit en Ukraine qui a conduit à des déplacements de populations entières vers les territoires des États membres.
Dans certains cas, il ne s’agit aucunement de crises migratoires au sens strict, ni de mouvements de population spontanés, ni même de simples questions d’asile et de droits de l’homme. Il s’agit plutôt de tentatives de déstabilisation étrangères et de périls pour notre sécurité commune. Or, plus ces flux migratoires sont imposants, plus ces défis sécuritaires sont importants, plus la réponse de l’Union européenne doit être forte.
C’est la raison pour laquelle Frontex constitue désormais non seulement un moyen de coordination de nos frontières, mais également une force opérationnelle, qui doit être capable de se projeter dans ces zones, afin de soutenir les États concernés. L’échelle continentale de nos frontières et l’ampleur des flux migratoires l’exigent.
En second lieu, la finalité de l’action de Frontex reste inchangée, à savoir la préservation de l’ordre et de la sécurité aux frontières extérieures de l’Union européenne. Or, là encore, les défis se sont multipliés au cours des dernières années, accroissant ainsi les missions confiées à cette agence.
Il en est ainsi en raison d’abord du terrorisme international, qui rend nécessaires une maîtrise accrue de nos frontières et une plus grande vigilance à l’endroit des zones de conflit.
C’est ensuite en raison de la criminalité transfrontalière, qui s’est ajoutée aux missions de Frontex depuis 2016.
Enfin, les trafics qui se déroulent dans les zones frontalières rendent indispensable l’appui aux États membres.
Il en résulte une nouvelle hausse salutaire des moyens et des capacités opérationnelles de Frontex, puisque l’Agence est appelée à intervenir en soutien des États et parfois directement sur le terrain.
Un constat d’ensemble s’impose ainsi à tous les États membres et à l’Union européenne elle-même : nos frontières ne peuvent se réduire à de simples zones d’accueil. Nos États membres ne peuvent faire face seuls aux défis géopolitiques et sécuritaires du continent tout entier. L’élargissement du mandat de Frontex et la croissance de ses moyens opérationnels sont une évidente nécessité. C’est ce qui doit conduire cette organisation à devenir la plus grande agence européenne tournée vers le maintien de l’ordre à nos frontières et vers la bonne application de notre politique migratoire.
Nous voudrions insister sur la croissance naturelle de cette agence, qui justifie pleinement l’adoption, sans modification, de cette proposition de résolution par la commission des affaires européennes.
Elle est non seulement naturelle, parce qu’elle répond aux défis que nous venons de souligner, mais également logique, car elle s’inscrit dans le prolongement de nos propres valeurs républicaines.
Raymond Barre soulignait déjà, en 1976, lors de son discours de politique générale, l’importance de tourner davantage notre attention vers la liberté, la responsabilité et la sécurité. La raison d’être de Frontex ne s’en écarte pas, puisqu’elle a pour objet de contrôler des frontières extérieures contre l’immigration irrégulière, les pressions étrangères et l’insécurité dans l’Union européenne. Ne laissons pas croire que la liberté implique l’insécurité ; la sécurité, bien au contraire, est indispensable à la liberté !
La proposition de résolution européenne de nos collègues Jean-François Rapin et François-Noël Buffet répond pleinement à cet enjeu en ce qu’elle tend à apporter notre soutien à l’agence Frontex. Elle vise ainsi à la stabiliser efficacement sur les plans politique et juridique.
Juridiquement, il faut acter l’irréversibilité du mandat de Frontex, renforcé en 2016. Les moyens opérationnels de l’Agence doivent accompagner cette croissance. L’enjeu de la sécurité frontalière s’en trouve satisfait. D’une part, Frontex n’intervient qu’à la demande des États membres : il ne revient pas à l’Agence de les surveiller ni même d’intervenir par elle-même, mais de les soutenir quant au maintien de l’ordre à leurs frontières. D’autre part, la coordination de la lutte contre la criminalité transfrontalière, l’immigration irrégulière et la sécurité intérieure s’avèrent préservées dans les strictes conditions déterminées par les États membres.
Il faut ensuite soutenir politiquement l’autorité de son futur directeur exécutif. La place institutionnelle de Frontex au sein de l’Union européenne et la crédibilité internationale de l’Agence s’avèrent liées par cette condition politique. C’est pourquoi nous voudrions réaffirmer ici tout le soutien que nous apportons à Frontex, et ce malgré les critiques et les polémiques dont elle a fait l’objet.
Mes chers collègues, accordons-nous au moins sur un point.
Quelles sont les conclusions des rapports consacrés à l’activité de Frontex, qui ont d’ailleurs été cités dans les travaux préparatoires de cette proposition de résolution ? Tous relèvent que si Frontex n’a pas participé directement à des opérations de refoulement, elle ne les a néanmoins pas empêchées.
Certes, les incidents et les atteintes aux droits fondamentaux ont révélé des insuffisances structurelles dans leur traitement ; bien sûr, les cadres dirigeants se sont plaints de l’ignorance des enjeux opérationnels de l’agence. Mais que manque-t-il véritablement à Frontex, si ce n’est davantage de moyens, afin de pouvoir précisément garantir le respect des droits fondamentaux ?
La seule introduction, en 2019, d’un officier aux droits fondamentaux, assisté de contrôleurs et d’un code de conduite ne suffit pas. Pour que ces garanties deviennent effectives jusqu’au cœur des missions opérationnelles de Frontex, il faut continuer à la soutenir et lui fournir les moyens idoines.
Les recommandations jointes à cette proposition de résolution convergent justement vers ce renforcement des moyens : accroissement de la transparence et instauration d’un contrôle parlementaire.
Soutenir Frontex afin de l’aider surmonter sa « crise de croissance et de confiance » ne peut se faire qu’au travers de l’augmentation de ses moyens et de l’expression de notre assentiment. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Claude Kern et Franck Menonville applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, d’ici quelques semaines nous examinerons le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.
La gestion des flux migratoires est l’un des sujets majeurs de nos politiques publiques de ces dernières années. Les controverses récentes autour de l’agence Frontex n’ont certainement pas participé à l’apaisement du débat, mais l’ont plutôt relancé, notamment au regard du sens de la mission de l’Agence.
Chacun le sait ici, Frontex remplit deux missions principales. Pour reprendre les termes du règlement européen de 2016 relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, qui a institué l’Agence, la première consiste à faciliter et à rendre plus efficace l’application des mesures de l’Union européenne relatives à la gestion des frontières extérieures. La seconde est de contribuer à l’application du droit de l’Union à toutes les frontières extérieures, notamment en matière de droits fondamentaux.
Faut-il être gêné par cette seconde mission et ne tenir compte que de la première ? L’une et l’autre ne semblent pas incompatibles, à condition d’être menées sans dérive et avec la confiance réciproque de chacun des États membres, ce qui devrait aller de soi dans l’Union européenne…
Nous touchons là au véritable problème que rencontre Frontex. Il ne tient pas simplement à une question de statut : ce sont non pas quelques lignes dans un règlement qui donneront sa légitimité à une institution, mais les faits, les décisions et les actes de ceux qui la font vivre.
De ce point de vue, tout le monde s’accorde à souligner les manquements, les dérives et les fautes commises ces dernières années.
Je ne m’épancherai pas sur la démission de son ancien directeur exécutif à la suite du rapport de l’Office européen de lutte antifraude et des accusations d’avoir couvert des opérations de refoulement de migrants vers la Turquie par la Grèce entre 2019 et 2020. Si l’Agence en ressort fragilisée, cette situation peut constituer une opportunité pour le nouveau directeur et lui donner l’occasion de fixer un cap. Celui-ci semble en avoir conscience puisqu’il s’est engagé à rétablir la confiance – que beaucoup de nos concitoyens ont perdue – dans l’Agence.
C’est là que se trouve le véritable enjeu des prochaines années pour Frontex. Les orateurs précédents ont largement souligné combien les moyens mis à sa disposition étaient importants. L’Agence dispose en effet de moyens juridiques renforcés pour assister les États membres dans le suivi des flux migratoires, le contrôle des frontières, la lutte contre l’immigration illégale et les réseaux criminels transfrontaliers, par exemple, mais également dans l’organisation des opérations de retour des migrants n’ayant pas le droit de rester sur le territoire de l’Union européenne.
L’Agence devrait également être dotée de moyens matériels et humains supplémentaires, notamment un contingent permanent de 10 000 garde-frontières et garde-côtes d’ici à 2027, ainsi qu’un avion, qui est d’ores et déjà déployé dans la Manche. Un tel dispositif ne peut être accompagné d’autant de controverses. Il nous faut œuvrer à la stabilité de l’Agence dans ses deux missions initiales, qui vont de pair.
En revanche, je rejoins volontiers les auteurs de cette proposition de résolution sur un point, celui du rôle des parlements nationaux.
Mes chers collègues, vous proposez de mettre en place, dans chaque parlement national, un « groupe de contrôle parlementaire, sur le modèle de celui établi pour contrôler les activités d’Europol », afin de garantir « la nécessaire association des parlements nationaux au contrôle de Frontex ».
Notre groupe rappelle régulièrement son attachement à la construction européenne et plaide pour que les institutions de l’Union européenne affirment leur légitimité, sans qu’il faille nécessairement les associer aux institutions nationales. Force est toutefois de constater que, face aux crises, et lorsque nous sommes dans un processus de reconstruction d’une légitimité, comme c’est le cas avec Frontex, le rôle des nations est essentiel. Il permet d’observer et de réguler afin de pouvoir faire confiance de nouveau.
Certes, l’Agence est actuellement responsable devant le Parlement européen et le Conseil, mais je crois que l’idée d’un contrôle parlementaire à l’échelle nationale participera à la justification de ses actions futures et permettra d’éviter de nouvelles crises.
Aussi, malgré certaines réserves, le groupe RDSE votera cette proposition de résolution européenne dont il comprend les enjeux. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de résolution européenne sur l’avenir de l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (frontex)
Le Sénat,
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Vu l’article 12 du traité sur l’Union européenne,
Vu les articles 67 et 77 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
Vu le règlement (UE) 2019/1896 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2019 relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, et abrogeant les règlements (UE) n° 1052/2013 et (UE) 2016/1624, en cours d’évaluation par la Commission européenne,
Vu le rapport spécial de la Cour des comptes de l’Union européenne daté du 7 juin 2021 déplorant une action « pas assez efficace jusqu’ici » de Frontex aux frontières extérieures de l’Union européenne,
Vu les décisions du Médiateur européen en date du 15 juin 2021 et du 17 janvier 2022,
Vu le rapport d’enquête confidentiel de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), publié partiellement dans la presse, le 13 octobre 2022,
Considérant la crise subie depuis plusieurs mois par l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, communément appelée Frontex ;
Considérant, comme l’illustre le rapport spécial précité de la Cour des comptes de l’Union européenne, que cette crise est d’abord la « crise de croissance » d’une agence dotée, par le règlement 2019/1896 précité, de moyens inédits pour contribuer à la surveillance des frontières extérieures de l’Union européenne mais qui n’a pas disposé du temps nécessaire pour opérer les recrutements et les réformes lui permettant de mettre en œuvre l’intégralité de son mandat dans le respect des procédures ;
Considérant que cette crise est également « une crise de confiance » à l’égard d’une agence mise en cause, d’une part, pour de potentiels irrégularités et manquements dans sa gestion interne et, d’autre part, pour sa participation alléguée à des violations de droits fondamentaux de migrants irréguliers en mer Égée ;
Considérant que l’OLAF a, en conséquence, ouvert en novembre 2020 une enquête sur ces accusations et que le rapport qui en a résulté en février 2022 a conclu à un fonctionnement défaillant, caractérisé par l’ignorance des procédures à suivre, un défaut de loyauté et plusieurs manquements de la part de la direction ;
Considérant la publication partielle de ce rapport confidentiel dans la presse, le 13 octobre 2022 ;
Considérant que le Médiateur européen a émis plusieurs recommandations concrètes à destination de l’agence Frontex pour assurer effectivement le respect des droits fondamentaux dans ses décisions et ses opérations ;
Considérant la constitution unilatérale d’un groupe de contrôle de l’activité de Frontex par la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen (LIBE), le 23 février 2021, en vue de contrôler le corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, et son rapport d’enquête du 14 juillet 2021, sur des allégations de violations de droits fondamentaux par Frontex, affirmant n’avoir « pas trouvé de preuve » d’actions directes de refoulement illégales ou d’expulsions collectives commises par l’agence ;
Considérant néanmoins la mise en place d’une surveillance renforcée de Frontex par le Parlement européen et les reports successifs du vote de la décharge budgétaire de l’agence Frontex au titre de l’exercice 2019, en mars 2021, puis de l’exercice 2020, en mai et en octobre 2022, en raison de « l’ampleur des fautes graves et des possibles problèmes structuraux » constatés ;
Considérant avec gravité la démission de M. Fabrice Leggeri de ses fonctions de directeur exécutif de l’agence Frontex, intervenue à la suite de ces enquêtes et audits, le 28 avril 2022, et la désignation de Mme Aija Kalnaja en tant que directrice exécutive temporaire, et leurs auditions par les commissions des affaires européennes et des lois du Sénat, respectivement le 14 juin 2022 et le 10 novembre 2022 ;
Considérant la nomination le 20 décembre 2022 par le conseil d’administration de Frontex de M. Hans Leijtens aux fonctions de directeur exécutif ;
Considérant la consultation menée par la Commission européenne, du 5 septembre au 3 octobre 2022, et la procédure d’évaluation du règlement (UE) 2019/1896 précité, en vue d’une éventuelle modification de ce dernier fin 2023 ;
Considérant la détection par l’agence Frontex de 330 000 franchissements irréguliers des frontières extérieures de l’Union européenne en 2022, soit le volume le plus important depuis 2016 et une augmentation de 64 % par rapport à l’année précédente ;
Considérant les tentatives d’instrumentalisation des mouvements migratoires par certains pays tiers riverains de l’Union européenne, soucieux de fragiliser la solidarité et la sécurité des États membres ;
Considérant la forte augmentation des traversées maritimes vers le Royaume-Uni par des migrants en situation irrégulière, à partir des côtes françaises, devenues frontières extérieures de l’Union européenne depuis l’entrée en vigueur du Brexit ;
Considérant le déploiement actuel de plus de 2 000 officiers du contingent permanent de Frontex dans le cadre de dix-huit opérations simultanées ;
Considérant la mise en œuvre imminente, fin 2023, d’un système européen de gestion intégrée des frontières avec l’instauration d’une base de données relatives aux entrées et aux sorties des ressortissants de pays tiers franchissant les frontières extérieures de l’Union européenne (EES) et l’entrée en vigueur du système électronique d’information et d’autorisation concernant les voyages (ETIAS) qui, après les vérifications nécessaires, délivrera une autorisation de voyage dans l’Union européenne aux ressortissants de pays tiers non soumis à visa ;
Considérant enfin le rôle premier des parlements nationaux dans l’évaluation de l’efficacité de la surveillance des frontières, dans l’affectation des moyens permettant cette surveillance et dans le vote de la contribution des États membres au budget de l’Union européenne qui financent l’agence Frontex ;
Sur un soutien renouvelé à l’agence Frontex en tant qu’agence européenne de surveillance des frontières
Réaffirme son attachement à la pérennité de l’Espace Schengen, espace de libre circulation des personnes, des biens et des capitaux inédit dans le monde, qui constitue l’un des principaux acquis de l’Union européenne ; rappelle que la libre circulation à l’intérieur de cet espace doit aller de pair avec un contrôle efficace et permanent de ses frontières extérieures ;
Constate que l’efficacité de ce contrôle dépend du soutien que Frontex, Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, apporte aux États membres ;
Précise que le règlement (UE) 2019/1896 précité confie un mandat renforcé à l’agence Frontex, qui la dote d’un contingent permanent de 10 000 garde-frontières et garde-côtes à échéance 2027, lui demande d’agir sans délai dans le respect des droits fondamentaux, lui permet d’organiser aisément des opérations de retour et l’autorise à coopérer avec les pays tiers ;
Rappelle le rôle déterminant de la France dans l’octroi à Frontex de ce mandat élargi et le soutien sans faille du Sénat au développement des prérogatives de l’agence ;
Déplore l’augmentation récente de la violence aux frontières, qui s’est encore tristement manifestée par le décès d’un garde-frontière bulgare le 7 novembre 2022, et apporte son plein soutien aux personnels déployés sur les théâtres d’opération en saluant leur professionnalisme et leur disponibilité ;
Souligne enfin que le contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne est étroitement lié à la politique migratoire et à la politique de l’asile et soutient en conséquence les efforts de l’Union européenne et des États membres pour défendre cette approche globale, dans les discussions en cours sur le Nouveau Pacte sur la migration et l’asile comme sur la révision du code frontières Schengen ;
Sur le renforcement du pilotage politique de l’agence Frontex
Déplore la durée excessive du processus de désignation du directeur exécutif de l’agence, alors qu’une augmentation sensible des franchissements irréguliers des frontières extérieures de l’Union européenne est constatée et que les tensions géostratégiques au sud et à l’est de l’Union européenne s’accroissent ;
Regrette le choix du Gouvernement français de s’abstenir de désigner un candidat au poste de directeur exécutif dans les délais impartis, alors même que l’administration française dispose des compétences et des talents requis ; estime qu’un tel choix pourrait entériner un recul préjudiciable de l’influence française sur la définition des politiques européennes de l’Espace de liberté, de sécurité et de justice ;
Appelle, par défaut, le Gouvernement français à défendre auprès du nouveau directeur exécutif la nécessité de préserver le rôle premier des États membres au sein du conseil d’administration de Frontex et de conforter l’agence dans sa mission de surveillance des frontières extérieures de l’Union européenne ;
Estime que le conseil d’administration de l’agence doit désormais exercer la plénitude de son pouvoir d’orientation et de contrôle politique à l’égard du directeur exécutif et être composé en conséquence de personnels disposant d’une expérience et d’un niveau hiérarchique suffisants ;
Recommande en outre un pilotage politique accru de l’agence par les ministres chargés des affaires intérieures des États membres, lors de réunions dédiées du Conseil de l’Union européenne et de sessions exceptionnelles du conseil d’administration de l’agence au cours desquelles ils pourraient donner régulièrement des lignes directrices à l’agence ;
Sur la clarification du mandat de Frontex
Sur le respect des droits fondamentaux
Souligne que l’agence Frontex a pour mission première le soutien aux États membres dans la surveillance des frontières extérieures de l’Union européenne et doit, ce faisant, agir dans le respect des droits fondamentaux ;
Rappelle que le règlement (UE) 2019/1896 précité a mis en place un dispositif spécifique de protection des droits fondamentaux au sein de Frontex, avec la désignation d’un officier aux droits fondamentaux assisté de contrôleurs chargés du respect de ces droits, la mise en place d’un forum consultatif compétent pour conseiller l’agence en la matière et l’établissement d’un mécanisme de traitement des plaintes en faveur des personnes estimant que l’action ou l’inaction de l’agence a porté atteinte à leurs droits ;
Salue les mesures annoncées par la direction intérimaire pour rendre effectifs sans délai ces dispositifs et ces procédures et tirer les enseignements des divers audits et enquêtes de la Cour des comptes de l’Union européenne, du Médiateur européen et de l’OLAF, en particulier l’amélioration de l’accessibilité et de la publicité du mécanisme de traitement des plaintes précité et la nomination de quarante-six contrôleurs des droits fondamentaux ;
Considère que l’officier aux droits fondamentaux devrait obligatoirement, avant sa nomination, attester d’une expérience approfondie en matière de gestion des frontières et d’une maîtrise effective des procédures de traitement des incidents liés aux droits fondamentaux ; considère en outre que les contrôleurs aux droits fondamentaux devraient également obligatoirement faire valoir, préalablement à leur recrutement, une expérience opérationnelle dans le domaine de la surveillance des frontières ;
Estime impératif que l’officier et les contrôleurs aux droits fondamentaux bénéficient des moyens adaptés à l’accomplissement de leur mission ;
Recommande l’instauration d’un dialogue permanent, au sein de l’agence, entre son directeur exécutif et l’officier aux droits fondamentaux, afin de ne pas institutionnaliser deux chaînes hiérarchiques distinctes et structurellement rivales ;
Confirme la nécessité que le conseil d’administration de l’agence procède à l’évaluation professionnelle annuelle de l’officier aux droits fondamentaux et suggère que ses décisions en matière de respect des droits fondamentaux fassent l’objet d’un avis annuel du Médiateur européen, afin d’en garantir un contrôle extérieur ;
Prend acte de la refonte bienvenue, en avril 2021, de la procédure d’alerte en cas d’incident sérieux ; invite cependant à s’assurer que les modalités de déclenchement d’une alerte pour violation des droits fondamentaux par des personnels de Frontex, en cas de simple suspicion d’une telle violation, ne soient pas de nature à permettre une instrumentalisation de la procédure par des parties hostiles à l’existence même de Frontex et à une multiplication des contentieux, source de paralysie ;
Sur les opérations conjointes
Souligne que, dans le cadre d’une opération conjointe, l’agence Frontex intervient seulement en réponse aux sollicitations de l’État demandeur, qui a un rôle premier dans la surveillance de ses frontières, et sous son autorité ; ajoute que ces opérations sont fondées sur le principe de coopération loyale ;
Rappelle que la mission de Frontex n’est en aucun cas de surveiller les actions des États membres en matière de droits fondamentaux ;
Estime que les personnels de Frontex ne sauraient être tenus juridiquement responsables d’éventuelles actions litigieuses commises, dans le cadre d’opérations conjointes, par les services de l’État partenaire ;
Sur le maintien de l’efficacité opérationnelle de Frontex
Insiste sur l’extension substantielle des prérogatives de l’agence Frontex, devenue l’agence opérationnelle la plus importante de l’Union européenne dans le cadre du règlement 2019/1896 précité ; souligne ainsi que Frontex exerce désormais des prérogatives de puissance publique inédites pour une agence communautaire ;
Remarque simultanément que la sécurité de l’Union européenne est aujourd’hui fragilisée, à la fois par la hausse précitée des franchissements irréguliers de ses frontières extérieures, par l’instrumentalisation de la pression migratoire par certains pays tiers à des fins de déstabilisation de l’Union européenne et par la criminalité transfrontalière, qui a un rôle majeur dans l’ouverture de routes migratoires irrégulières et l’exploitation de la détresse des migrants ;
Observe que ces menaces exigent de l’agence Frontex une meilleure anticipation des risques migratoires, une « offre » de services mieux adaptée aux situations des États membres et une plus grande réactivité en cas de crise ;
Sur le renforcement du soutien aux opérations de Frontex
Souligne que l’élargissement des compétences et l’accroissement du budget de l’agence Frontex doivent s’accompagner d’une augmentation proportionnelle de sa responsabilité et de sa transparence ;
Appelle à cet égard, comme la Cour des comptes de l’Union européenne, à l’amélioration des informations communiquées par Frontex sur les objectifs, l’impact et les coûts de ses opérations ; soutient également les efforts en cours pour améliorer la procédure de passation des marchés publics suivie par l’agence et mettre en place un dispositif crédible d’audit interne ;
Estime que l’attractivité des postes proposés par l’agence doit être améliorée, en particulier par la revalorisation du coefficient indemnitaire appliqué actuellement aux personnels de l’agence en conformité avec l’implantation géographique de son siège ;
Demande le recrutement de l’expertise nécessaire pour remédier en urgence à la fragilité de l’agence dans la conception et la diffusion d’analyses de risques et d’évaluations des vulnérabilités ; sollicite en outre une amélioration de la transmission des informations par les États membres à Frontex, condition sine qua non d’une meilleure qualité de ses analyses de risques ;
Souhaite ardemment l’organisation régulière d’exercices opérationnels conjoints entre les personnels de l’agence Frontex et les services compétents des États membres ;
Sur l’amélioration de la réponse opérationnelle de Frontex
Insiste sur l’importance symbolique et opérationnelle du contingent permanent de Frontex, constitué de personnels formés à la surveillance des frontières portant pour la première fois un uniforme aux couleurs de l’Union européenne et incarnant une solidarité concrète de l’Union européenne avec les États membres dans la surveillance des frontières ;
Demande avec solennité l’accélération des efforts actuels pour assurer le respect des engagements budgétaires et du calendrier prévu pour la mise en œuvre effective d’un contingent de 10 000 officiers à échéance 2027 ; ajoute que ces efforts de recrutement doivent être menés en considérant la compétence des personnels et en reflétant la diversité géographique des États membres ;
Sur l’amélioration de la capacité opérationnelle de Frontex
Estime stratégique le rôle des opérations de surveillance maritime conjointes auxquelles participe l’agence Frontex sur les rives sud de l’Union européenne, dans la lutte contre l’immigration irrégulière et les réseaux criminels transfrontaliers ;
Souligne en particulier l’efficacité du partenariat existant entre Frontex et la Grèce pour protéger les frontières extérieures de l’Union européenne, et soutient les échanges actuels destinés à conforter ce partenariat tout en précisant la responsabilité de chaque acteur dans les opérations ;
Appelle au renforcement de la veille opérationnelle de Frontex dans la surveillance des côtes françaises et belges de la Manche et de la mer du Nord, afin de contribuer à leur sécurisation, de dissuader les départs, d’améliorer le démantèlement des réseaux de passeurs et de sauver des vies humaines ;
Salue la rapidité du déploiement des équipes de l’agence Frontex aux frontières extérieures de l’Union européenne et de l’Ukraine, dès l’invasion de cette dernière par la Russie, et la contribution de ces équipes, tant à la fluidification de l’enregistrement et de l’identification des ressortissants ukrainiens, afin de leur octroyer la protection temporaire dans l’Union européenne, qu’à la surveillance renforcée des passages frontaliers ;
Affirme la pertinence de la nouvelle capacité donnée à l’agence Frontex de soutenir l’action des pays tiers contre l’immigration irrégulière et de déployer dans ces pays, en application d’accords de statut, des personnels en charge de l’analyse des risques migratoires ou, en appui aux autorités nationales, de la surveillance de leurs frontières ; salue les premiers effets positifs de ces accords en Albanie et en Moldavie et estime nécessaire de poursuivre la signature de tels accords, en priorité dans les pays des Balkans occidentaux qui constituent aujourd’hui la première route des migrants irréguliers vers l’Union européenne ;
Rappelle le rôle déterminant de l’agence Frontex dans la préparation, l’organisation et l’accompagnement des retours de migrants irréguliers n’ayant pas vocation à demeurer dans l’Union européenne, dans leur pays d’origine ; constate l’importance de son appui aux autorités françaises dans ce domaine ;
Encourage l’agence Frontex à renforcer son dispositif de lutte contre la criminalité transfrontalière, qui organise et exploite l’immigration irrégulière vers l’Union européenne et en son sein, par une coopération accrue avec les services compétents des États membres, ainsi qu’avec les agences Eurojust et Europol ;
Se félicite de la responsabilité confiée à l’agence Frontex pour la gestion de l’unité centrale d’ETIAS, qui sera opérationnelle en permanence afin de procéder aux vérifications approfondies des informations transmises par les ressortissants de pays tiers non soumis à visa en vue de l’obtention d’une autorisation de voyage ;
Sur le contrôle parlementaire de l’agence Frontex
Relève que l’article 112 du règlement (UE) 2019/1896 précité prévoit la mise en place d’un contrôle parlementaire conjoint de Frontex reposant sur la participation du Parlement européen et des parlements nationaux des États membres ;
Regrette cependant que le Parlement européen ait constitué unilatéralement depuis plusieurs mois un groupe de travail et de suivi de l’activité de l’agence et procède à des auditions régulières de ses responsables, sans volonté d’y associer les parlements nationaux des États membres de l’Union européenne ;
Estime nécessaire et urgente la mise en place d’un contrôle parlementaire conjoint ; rappelle en effet que, si elle est aujourd’hui partagée avec l’agence Frontex, la surveillance des frontières des États membres demeure une mission constitutive de leur souveraineté nationale dont ils sont responsables en premier ressort ;
Propose que le groupe de contrôle parlementaire conjoint s’inspire de celui mis en place entre 2016 et 2018 pour contrôler l’agence européenne de coopération policière, Europol ;
Précise que ce groupe, coprésidé par le Parlement européen et le Parlement national de l’État membre assumant la présidence semestrielle du Conseil de l’Union européenne, pourrait de ce fait être constitué de quatre membres par Parlement national et de plusieurs membres pour le Parlement européen, et qu’il devrait se réunir au moins une fois par semestre ;
Affirme que ce groupe pourrait entendre à sa demande l’ensemble des responsables et des personnels de l’agence Frontex, poser des questions au conseil d’administration et au directeur exécutif, et procéder à des vérifications sur pièces et sur place ;
Précise que ce groupe de contrôle parlementaire conjoint pourrait être représenté au sein du conseil d’administration de Frontex par un de ses membres issu des parlements nationaux, dans la mesure où le règlement relatif à Frontex prévoit déjà la possible représentation du Parlement européen à ce conseil ;
Remarque que la mise en place de ce contrôle parlementaire conjoint sur les activités de l’agence Frontex nécessite une décision de la Conférence des Présidents des Parlements de l’Union européenne mais n’est en revanche pas conditionnée à une modification préalable du règlement (UE) 2019/1896 précité ;
Sur une éventuelle révision du règlement Frontex
Constate que la Commission européenne a ouvert une période d’évaluation de la mise en œuvre du règlement (UE) 2019/1896 précité, afin d’apprécier, fin 2023, la nécessité d’une révision de ce règlement ; regrette à cet égard la durée trop brève de la consultation publique ouverte par la Commission européenne sur ce dossier et l’absence de consultation systématique des parlements nationaux ;
Estime en tout état de cause que l’évaluation de la Commission européenne intervient trop tôt pour conclure à une éventuelle révision de ce cadre juridique ; souligne que l’ouverture de nouvelles négociations interinstitutionnelles sur le devenir de l’agence Frontex risquerait de paralyser l’action de l’Union européenne en ce domaine, alors que cette dernière ne parvient déjà pas à s’accorder sur le Nouveau Pacte sur la migration et l’asile, dans un contexte de regain des pressions migratoires et de menaces géostratégiques inédites ;
Conclut à la nécessité de laisser à l’agence Frontex le temps de mettre en œuvre l’intégralité de son mandat actuel ;
Estime, par conséquent, inopportune toute réforme du règlement 2019/1896 précité qui serait proposée fin 2023 ;
Invite le Gouvernement à faire valoir cette position dans les négociations au Conseil.