M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Cet amendement vise à fixer les règles de fonctionnement et la fiscalité du sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne retraite individuelle.
Le plan d’épargne retraite individuel a vocation à servir de cadre pour ce produit d’épargne supplémentaire qu’on retrouvera dans l’ensemble des États membres, en laissant de la flexibilité à chaque État membre en particulier pour fixer les conditions de son propre produit d’épargne.
Il peut en effet y avoir des différences entre les caractéristiques des produits d’épargne de chaque État membre, mais il est nécessaire que ces produits puissent converger au sein d’un produit unique. Il s’agit de protéger les citoyens européens, lorsqu’ils sont amenés à travailler dans un autre État membre de l’Union européenne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Avis favorable. Il nous paraît pertinent d’aligner le fonctionnement et le régime fiscal des deux dispositifs.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2.
Article 3
I. – L’article L. 114-46-3 du code de la mutualité est ainsi rédigé :
« Art. L. 114-46-3. – Les entreprises régies par le présent code qui réalisent des opérations relevant du b du 1° du I de l’article L. 111-1, ou qui réassurent, conformément au II de l’article L. 111-1-1, des engagements mentionnés au b du 1° du I de l’article L. 111-1, sont soumises à l’article L. 533-22-1 du code monétaire et financier. »
II. – L’article L. 931-3-8 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 931-3-8. – Les institutions de prévoyance et leurs unions qui réalisent des opérations relevant du a de l’article L. 931-1, ou qui réassurent, conformément au II de l’article L. 931-1-1, des engagements mentionnés au a de l’article L. 931-1, sont soumises à l’article L. 533-22-1 du code monétaire et financier. »
III (nouveau). – Le VII de l’article L. 114-21 du code de la mutualité est abrogé. – (Adopté.)
Article 4
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de :
1° Transposer la directive (UE) 2021/2118 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2021 modifiant la directive 2009/103/CE concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité et prendre les mesures de coordination et d’adaptation de la législation liées à cette transposition ;
2° Rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions résultant de l’ordonnance prise sur le fondement du présent I pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces dispositions en ce qui concerne Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.
II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance mentionnée au I. – (Adopté.)
Chapitre II
Dispositions en matière de droit des sociétés
Article 5
Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 211-3, les mots : « le cas prévu au second alinéa de » sont remplacés par les mots : « les cas prévus à » ;
2° L’article L. 211-7 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les titres financiers admis aux opérations d’une “infrastructure de marché DLT” au sens du paragraphe 5 de l’article 2 du règlement (UE) 2022/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, et modifiant les règlements (UE) n° 600/2014 et (UE) n° 909/2014 et la directive 2014/65/UE sont inscrits dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé mentionné à l’article L. 211-3 du présent code dans les conditions définies par ce règlement. » ;
3° Les articles L. 742-1, L. 743-1 et L. 744-1 sont ainsi modifiés :
a) Le tableau constituant le second alinéa du I est ainsi modifié :
– la quatrième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :
« |
L. 211-3 |
la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture |
|
L. 211-4 |
l’ordonnance n° 2017-1674 du 8 décembre 2017 |
» ; |
– la septième ligne est ainsi rédigée :
« |
L. 211-7 |
la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture |
» ; |
b) Après le 3° du II, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :
« 3° bis À l’article L. 211-7, les mots : “au sens du paragraphe 5 de l’article 2 du règlement (UE) 2022/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, et modifiant les règlements (UE) n° 600/2014 et (UE) n° 909/2014 et la directive 2014/65/UE” sont supprimés ; ».
M. le président. L’amendement n° 70, présenté par Mmes Apourceau-Poly et Cohen, MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Nous souhaitons supprimer l’article 5, qui porte sur le développement de la technologie dite des registres distribués. Ce sont des plateformes d’un nouveau genre par lesquelles des transactions entre participants s’effectuent sans intermédiation d’une entité centrale et sont automatiquement enregistrées sur des serveurs communs.
Il s’agit tout simplement d’un moyen de contourner le dépositaire central, institution essentielle au bon fonctionnement des marchés financiers qui garantit que les transactions sont exécutées correctement et en temps voulu.
Il faudrait consacrer « l’innovation financière pour permettre des gains d’efficience aux acteurs de marché ». Nous ne partageons pas cette position. Elle fait peser une menace qui n’est pas seulement réglementaire, comme il est indiqué dans l’étude d’impact, mais qui porte sur la nature même des transactions.
Ce « régime pilote », une sorte d’expérimentation, vise à introduire la blockchain pour les transactions cotées, ce qui n’était jusqu’alors permis que sur du non-côté.
Les principaux risques que nous identifions sont de natures différentes.
Derrière le souci de démocratisation qui serait accru grâce à ces technologies se cache en réalité une capacité de fractionner à l’envi les titres détenus rendant la détention infinie et sectionnable, diluant le capital et les responsabilités et créant de la confusion pour les entreprises qui s’y adonneraient.
Le mythe de la « finance pour tous » est une hérésie. Il implique de disposer de capitaux, dont les ménages sont privés. Cette fausse démocratisation se fera – on y assistera sur le temps long – au détriment des autres investissements et des produits d’épargne réglementée. Le groupe CRCE en est convaincu.
Derrière cette expérimentation, l’objectif inavoué est de créer une connexion entre le monde de la finance traditionnelle et celui des crypto-actifs. Ce rapprochement à bas bruit avait été tenté au mois d’avril 2021 par la plateforme d’échange de cryptomonnaies Binance. Concrètement, les utilisateurs avaient la possibilité d’acheter via des cryptomonnaies adossées à des monnaies réelles une fraction ou l’entièreté d’une action de l’entreprise Tesla ou Apple, par exemple.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Avis défavorable, puisque la commission a adopté le dispositif sans modification.
Je vais tenter de rassurer Mme Cohen. Le régime pilote proposé est très encadré, puisqu’il ne pourra pas être utilisé par les plus gros acteurs du secteur, qui en sont exclus. Au demeurant, tout cela s’effectuera sous l’autorité des superviseurs nationaux et européens.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Le Gouvernement est d’accord avec la commission des finances et émet un avis défavorable sur cet amendement.
Face à des innovations comme celle des registres distribués, c’est-à-dire de la blockchain, nous devons essayer de nous prémunir de deux réflexes.
Le premier serait de nous détourner complètement de toute tentative de régulation, en laissant les choses se faire jusqu’à ce qu’un accident survienne.
Le second serait de sur-réguler, quitte à inhiber complètement l’innovation.
En matière financière, il faut avoir la main tremblante, puisque, traditionnellement, la place de Paris est puissante en Europe. Depuis le Brexit, elle s’est considérablement renforcée, devenant la première place financière européenne en termes de capitalisation boursière. La capitalisation boursière de la place de Paris est même devenue supérieure à celle de Londres.
M. Bruno Sido. Tant mieux !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. En matière d’application des registres distribués, donc de la blockchain, aux opérations financières, l’Union européenne a choisi de mettre en place un régime expérimental, un régime pilote, qui va durer trois ans, renouvelable une fois.
Ce régime va permettre de laisser émerger de manière encadrée, sous le regard attentif du régulateur, un certain nombre de solutions dont nous pourrons juger dans trois ans si elles sont ou non pertinentes et si elles servent ou non l’intérêt des entreprises européennes et des citoyens.
Par conséquent, il nous paraît très précieux de conserver l’article 5.
M. le président. L’amendement n° 48, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
mentionné à l’article L. 211-3 du présent code dans les conditions définies
par les mots :
dans les conditions prévues au deuxième alinéa, ou dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé dans les conditions fixées
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Dans la rédaction actuelle de l’article 5, le régime pilote que j’évoquais à l’instant n’est ouvert qu’aux titres au porteur. Cet amendement vise à l’élargir aux titres nominatifs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Avis favorable. Il est cohérent que le régime puisse s’appliquer à la fois aux titres au porteur et aux titres nominatifs.
M. le président. L’amendement n° 47, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer vingt-et-un alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 441-1 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« IV. - Les personnes morales demandant à être agréées comme dépositaires centraux mentionnés au 1° du I et qui demandent simultanément une autorisation spécifique pour exploiter un système de règlement DLT ou un système de négociation et de règlement DLT, respectivement au titre des articles 9 et 10 du règlement (UE) n° 2022/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, et modifiant les règlements (UE) n° 600/2014 et (UE) n° 909/2014 et la directive 2014/65/UE, sont agréées dans les conditions fixées au II au présent article.
« Les demandes d’autorisation spécifique déposées dans les conditions décrites au présent paragraphe, ainsi que celles déposées par des dépositaires centraux mentionnés au I, sont accordées, ainsi que les exemptions qui leur sont liées au titre des articles 5 ou 6 du même règlement, par l’Autorité des marchés financiers, après consultation de la Banque de France.
« L’Autorité des marchés financiers est chargée de la surveillance de l’application des exemptions accordées au titre dudit règlement ainsi que de la surveillance de l’application dudit règlement par les dépositaires centraux ayant obtenu une autorisation spécifique. Elle consulte la Banque de France avant de prendre toute mesure au titre des articles 9, 10, 11 ou au titre des autres articles dudit règlement. L’Autorité des marchés financiers coopère avec les autorités compétentes des différents États membres et avec l’Autorité européenne des marchés financiers dans les conditions fixées par ledit règlement.
« Un décret précise les modalités d’application du présent IV. » ;
…° L’article L. 421-10 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est insérée la référence : « I. - » ;
b) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« II. – Les demandes déposées par des personnes morales mentionnées au I relatives à la reconnaissance d’un marché réglementé et demandant simultanément une autorisation spécifique pour exploiter un système multilatéral de négociation DLT ou un système de négociation et de règlement DLT, respectivement au titre des articles 8 et 10 du Règlement (UE) n° 2022/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, et modifiant les règlements (UE) n° 600/2014 et (UE) n° 909/2014 et la directive 2014/65/UE sont délivrées dans les conditions fixées au I du présent article.
« Les demandes d’autorisation spécifique déposées dans le cadre décrit au présent paragraphe, ainsi que celles déposées par les entreprises de marché déjà reconnues, sont accordées, ainsi que les exemptions qui leur sont liées, par l’Autorité des marchés financiers, après consultation de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et, lorsque la demande concerne l’exploitation d’un système de négociation et de règlement DLT, de la Banque de France.
« L’Autorité des marchés financiers est chargée de la surveillance de l’application des exemptions et de la surveillance de l’application de l’application du même Règlement par les entreprises de marché ayant obtenu une autorisation spécifique. Lorsqu’elle prend des mesures prudentielles au titre des articles 8, 10,11 ou des autres articles dudit règlement, elle consulte l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Concernant l’exploitation d’un système de négociation et de règlement DLT, lorsqu’elle prend des mesures aux titres des articles 10 et 11 ou au titre des autres articles du même règlement, elle consulte aussi la Banque de France. L’Autorité des marchés financiers coopère avec les autorités compétentes des différents États membres et avec l’Autorité européenne des marchés financiers dans les conditions fixées par ledit Règlement.
« Un décret précise les modalités d’application du présent II. » ;
….° L’article L. 532-1 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est insérée la référence : « I. - » ;
b) Au troisième alinéa, après le mot : « du », sont insérés les mots : « I du » ;
c) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« II. – Les prestataires de services d’investissement, autres que les sociétés de gestion de portefeuille, demandant à être agréés pour fournir des services d’investissement conformément au I et qui demandent simultanément une autorisation spécifique pour exploiter un système multilatéral de négociation DLT ou un système de négociation et de règlement DLT, respectivement au titre des articles 8 et 10 du règlement (UE) n° 2022/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, et modifiant les règlements (UE) n° 600/2014 et (UE) n° 909/2014 et la directive 2014/65/UE, sont agréés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution dans les conditions fixées au I du présent article.
« Les demandes d’autorisation spécifique déposées par les prestataires de services d’investissement, autres que les sociétés de gestion de portefeuille, agréés ou demandant à être agréés dans les conditions visées au présent paragraphe pour fournir des services d’investissement conformément au I pour exploiter un système multilatéral de négociation DLT ou un système de négociation et de règlement DLT au titre du même règlement, ainsi que les exemptions qui leur sont liées, sont accordées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution après avis conforme de l’Autorité des marchés financiers.
« L’avis conforme de l’Autorité des marchés financiers est délivré après consultation de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, le cas échéant dans le cadre de l’approbation du programme d’activité par l’Autorité des marchés financiers dans les conditions fixées à l’article L. 532-4, et lorsque la demande concerne l’exploitation d’un système de négociation et de règlement DLT, de la Banque de France.
« L’Autorité des marchés financiers est chargée de la surveillance de l’application des exemptions et de la surveillance de l’application par les prestataires de services d’investissement, autres que les sociétés de gestion de portefeuille, ayant obtenu une autorisation spécifique. Lorsqu’elle prend des mesures prudentielles au titre des articles 8, 10 et 11 ou au titre des autres articles du même règlement, elle consulte l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Concernant l’exploitation d’un système de négociation et de règlement DLT, lorsqu’elle prend des mesures au titre des articles 10, 11 ou d’autres articles dudit règlement, elle consulte aussi la Banque de France. L’Autorité des marchés financiers coopère avec les autorités compétentes des différents États membres et avec l’Autorité européenne des marchés financiers dans les conditions fixées par le même règlement.
« Un décret précise les modalités d’application du présent II. »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Il s’agit de répartir les responsabilités entre les deux régulateurs : l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et l’Autorité des marchés financiers (AMF).
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Avis favorable. Il nous paraît opportun de prévoir un dispositif d’agrément spécifique pour les infrastructures de marché ayant recours à la technologie des registres distribués, en répartissant cette responsabilité entre l’AMF et l’ACPR.
M. le président. L’amendement n° 62, présenté par M. Maurey, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 54-10-4 du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée : « À une date fixée par décret, et au plus tard à compter du 1er octobre 2023, les personnes souhaitant exercer cette profession et n’étant pas enregistrées doivent demander l’agrément prévu à l’article L. 54-10-5. »
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Le présent amendement, sur lequel nous serons sûrement un peu moins en accord, monsieur le ministre, vise à imposer à tout acteur voulant exercer la profession de prestataire de services sur actifs numériques (PSAN) d’être agréé au préalable par l’AMF à compter du 1er octobre 2023.
La faillite récente de la société FTX a mis en lumière les risques inhérents à tout investissement dans des crypto-actifs.
Les États membres de l’Union européenne se sont accordés cet été sur le règlement dit Mica (Markets in Crypto-Assets), relatif aux marchés de crypto-actifs. Ce règlement prévoit un agrément obligatoire et doit entrer en vigueur au mois d’octobre 2024, une période transitoire de dix-huit mois étant prévue pour les acteurs bénéficiant déjà d’un enregistrement ou d’un agrément. Les entreprises enregistrées pourront donc continuer leurs activités sans agrément jusqu’au mois de mars 2026.
Nous craignons que cette période transitoire de dix-huit mois ne crée, en quelque sorte, une incitation pour les entreprises concernées à s’enregistrer, ce qui aurait pour conséquence de différer dans le temps l’entrée en vigueur effective de la procédure d’agrément.
C’est pour cette raison, après en avoir débattu avec les représentants de l’AMF, que je propose d’anticiper la mise en place du dispositif d’agrément au 1er octobre 2023. Aujourd’hui, aucun PSAN n’a demandé son agrément, tandis qu’une soixantaine de prestataires sont enregistrés.
Cet amendement vise donc à sécuriser le secteur, qui est complexe et sujet à risques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Le Gouvernement entend et partage les préoccupations de M. Maurey, mais sollicite le retrait de cet amendement, pour des raisons à la fois philosophiques et techniques.
Je veux d’abord préciser que cet amendement est un peu une piqûre de rappel bienvenue : compte tenu de l’actualité du marché des crypto-actifs, nos travaux sur le sujet doivent se poursuivre, voire être accélérés.
Mais je veux revenir quelques années en arrière, quand on s’est posé la question, en 2018, de la manière dont on allait aborder la question de la régulation de ces objets étranges qu’étaient les crypto-actifs.
La France a fait le choix d’une régulation flexible. Nous avons créé un enregistrement facultatif consistant pour le prestataire en services de crypto-actifs à donner un certain nombre d’informations sur ses clients, son identité, etc. Cet enregistrement permet finalement d’avoir pignon sur rue.
L’agrément est un niveau supplémentaire de régulation. Il permet de garantir aux clients que des mesures de protection sont en place ; un tel agrément aurait peut-être évité l’épisode américain de FTX…
Ces deux modes de régulation facultatifs, c’est-à-dire l’enregistrement et l’agrément, avaient vocation à rendre la France attractive pour les nouveaux acteurs. C’est un grand succès, pour deux raisons.
D’abord, le cadre européen créé depuis lors s’inspire fortement des modalités françaises de régulation. Ainsi, le règlement Mica, qui va entrer en vigueur à l’horizon 2024, reprend largement les conditions que nous avions fixées pour l’agrément, si bien que les entreprises enregistrées ou agréées en France accéderont plus facilement à l’agrément européen, ce qui rend notre pays extrêmement attractif.
Ensuite, depuis la loi Pacte, soixante entreprises ont sollicité un enregistrement, et une entreprise est en voie d’être agréée. L’agrément n’est donc pas encore très répandu, mais ces indicateurs montrent tout de même le succès de la réforme que nous avons engagée.
La raison que je qualifierais de « philosophique » pour laquelle cet amendement nous paraît excessivement restrictif tient au fait qu’il serait risqué de contraindre les entreprises à solliciter un agrément au plus tard le 1er octobre 2023, alors que l’écosystème qui s’est développé en France permet à notre pays d’être identifié en Europe comme étant attractif.
Peut-être faudra-t-il, dans le cadre de la transition vers Mica, inciter très fortement les entreprises à solliciter l’agrément, voire à les y contraindre, si elles ne le font pas suffisamment tôt. Mais le faire dès le 1er octobre prochain risque de modifier complètement l’image qu’ont de la place de Paris les investisseurs, français ou étrangers, et de mettre un coup d’arrêt au développement de la finance crypto dans notre pays.
D’un point de vue technique, les délais qui sont proposés dans cet amendement nous paraissent intenables. Il faudrait que l’AMF délivre en quelques mois un agrément au moins aux soixante acteurs ayant d’ores et déjà obtenu l’enregistrement.
Cette difficulté technique enverrait là aussi un signal contraire à ce que nous avons voulu faire jusque-là et qui a permis le développement de ce marché. Or, comme je le disais, le règlement européen s’inscrit dans la continuité des choix que nous avons faits depuis 2018-2019. Il me semble que nous avons tout intérêt à profiter de cette continuité.
Nous devrons peut-être prendre des mesures, le cas échéant fortes, pour inciter les acteurs à s’engager dans la procédure d’agrément. Mais fixer d’ores et déjà la date du 1er octobre 2023 nous paraît prématuré.
C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, tout en comprenant les réserves exprimées et en s’engageant à poursuivre nos échanges sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Je tiens à préciser quelques éléments.
Par mon amendement, je ne prévois pas que les sociétés aujourd’hui enregistrées devront être agréées au 1er octobre 2023. La mesure vaudrait seulement pour celles qui ne sont pas enregistrées.
En outre, aujourd’hui, l’enregistrement n’est pas facultatif, contrairement à l’agrément. Selon la loi Pacte, l’enregistrement est obligatoire.
Nous avons déposé cet amendement, parce que le superviseur lui-même, l’AMF, s’inquiète de cette période transitoire extrêmement longue, dix-huit mois, qui risque d’inciter les entreprises à s’enregistrer au lieu de demander un agrément.