Sommaire

Présidence de M. Pierre Laurent

Secrétaires :

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, M. Loïc Hervé.

1. Procès-verbal

2. Questions orales

mesures pour le transport du quotidien

Question n° 301 de M. Daniel Breuiller. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Daniel Breuiller.

signalisation pour les non-voyants dans le métro parisien

Question n° 302 de M. Pierre Louault. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Pierre Louault.

déploiement des réseaux express régionaux métropolitains

Question n° 299 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

objectif ambitieux du « zéro artificialisation nette » des sols fixé à l’horizon 2050

Question n° 289 de M. Patrice Joly. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

multiplication des décharges de multiplication des décharges de déchets de chantiers dans les territoires de l’essonne

Question n° 095 de Mme Jocelyne Guidez. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Jocelyne Guidez.

incohérences relatives à la gestion du loup en france

Question n° 219 de Mme Marta de Cidrac, en remplacement de M. Arnaud Bazin. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

application du bouclier tarifaire aux copropriétés équipées d’un chauffage à gaz collectif

Question n° 241 de Mme Dominique Estrosi Sassone. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Dominique Estrosi Sassone.

mise en œuvre du concept de descente douce des trajectoires aéroportuaires

Question n° 247 de Mme Marta de Cidrac. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Marta de Cidrac.

situation des locataires du parc social face à l’envolée des coûts de l’énergie

Question n° 252 de M. Serge Babary. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Serge Babary.

révision de l’arrêté du 5 juillet 1990 fixant les consignes de délestage sur les réseaux électriques et services d’eau potable et d’assainissement

Question n° 273 de M. Daniel Laurent. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Daniel Laurent.

réparation et excavation préalable d’éoliennes avant leur installation

Question n° 296 de Mme Brigitte Lherbier. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

mise à disposition du registre des procurations

Question n° 279 de Mme Évelyne Renaud-Garabedian. – Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté.

nouvelles mesures pour le financement du permis de conduire

Question n° 090 de M. Pascal Martin. – Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté ; M. Pascal Martin.

législation sur les forêts cinéraires

Question n° 021 de Mme Elsa Schalck. – Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté.

nécessaire réaffectation dans le nord-pas-de-calais d’un hélicoptère de la sécurité civile dragon 62

Question n° 123 de M. Jean-François Rapin. – Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté ; M. Jean-François Rapin.

situation de l’agence nationale du traitement informatisé des infractions

Question n° 236 de M. Didier Marie. – Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté.

transformation en projet de loi de la proposition de loi constitutionnelle visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse

Question n° 307 de Mme Mélanie Vogel. – Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté.

situation de la filière gras périgourdine

Question n° 293 de M. Serge Mérillou. – M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

augmentation alarmante du coût de l’électricité pour les agriculteurs

Question n° 261 de Mme Martine Filleul. – M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; Mme Martine Filleul.

nouveau dispositif des mesures agroenvironnementales et climatiques dans le marais poitevin

Question n° 262 de M. Philippe Mouiller. – M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

fiscalité applicable à l’intervention de tiers de confiance essentiels dans la mise en œuvre de l’accueil familial

Question n° 285 de Mme Catherine Deroche. – M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications ; Mme Catherine Deroche.

conséquences de la dissolution de novarhéna

Question n° 209 de M. Christian Klinger. – M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications ; M. Christian Klinger.

utilisation abusive de la location-gérance et droits des salariés

Question n° 275 de Mme Annie Le Houerou. – M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications.

situation des boulangeries

Question n° 288 de M. Bruno Belin. – M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications.

menace sur la souveraineté agricole

Question n° 249 de M. Gilbert Bouchet. – M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications.

compensation de l’augmentation des indemnités des élus des petites communes

Question n° 282 de Mme Frédérique Puissat. – M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications ; Mme Frédérique Puissat.

situation des secrétaires de mairie des plus petites communes

Question n° 246 de Mme Patricia Schillinger. – M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications.

perspectives d’insertion des jeunes en outre-mer

Question n° 308 de Mme Victoire Jasmin. – M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications ; Mme Victoire Jasmin.

report de la révision du règlement reach sur les substances chimiques

Question n° 243 de Mme Laurence Rossignol. – M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications ; Mme Laurence Rossignol.

handicap à l’école et pénurie d’accompagnants d’élèves en situation de handicap dans les alpes-maritimes

Question n° 303 de M. Bruno Belin, en remplacement de M. Philippe Tabarot. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel ; M. Bruno Belin.

ségrégation scolaire

Question n° 300 de M. Pierre Ouzoulias. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel ; M. Pierre Ouzoulias.

situation des conseillers pédagogiques

Question n° 283 de M. Jean-Jacques Michau. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel.

prise en charge des activités physiques adaptées par l’assurance maladie et stratégie nationale pour le sport-santé et bien-être

Question n° 294 de M. Jean-Jacques Lozach. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel.

projet d’unité mobile de néonatalogie de l’hôpital sainte-musse de toulon

Question n° 291 de M. André Guiol. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.

absence d’accord transfrontalier franco-italien portant sur la prise en charge de la patientèle étrangère par la sécurité sociale

Question n° 257 de M. Jean-Michel Arnaud. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; M. Jean-Michel Arnaud.

inquiétudes au sujet du développement de l’antibiorésistance

Question n° 222 de Mme Corinne Imbert. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; Mme Corinne Imbert.

remboursement du matériel paramédical d’occasion et d’aide à l’autonomie

Question n° 268 de M. Henri Cabanel. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; M. Henri Cabanel.

inquiétudes relatives à la réforme des transports sanitaires urgents

Question n° 277 de M. Franck Menonville. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.

aide à la vie partagée

Question n° 265 de M. Olivier Cigolotti. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; M. Olivier Cigolotti.

situation de l’accueil de la petite enfance

Question n° 211 de Mme Colette Mélot. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.

conséquences de la mise en œuvre de la zone à faibles émissions mobilité d’île-de-france

Question n° 267 de Mme Laure Darcos. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; Mme Laure Darcos.

conséquences de la réforme du master sur les concours de niveau bac+4

Question n° 264 de M. Pierre-Antoine Levi. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; M. Pierre-Antoine Levi.

Suspension et reprise de la séance

3. Candidatures à une commission mixte paritaire

4. Adaptation au droit de l’Union européenne dans divers domaines. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Demande de priorité

Demande de priorité des articles 20, 23 et 24. – M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications ; Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales. – Adoption.

Discussion générale

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications

Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

M. Cyril Pellevat, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis de la commission des finances

M. Didier Marie, rapporteur pour avis de la commission des lois

M. Jean-François Rapin, au nom de la commission des affaires européennes

Mme Cathy Apourceau-Poly

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

M. Stéphane Artano

M. Jean-Claude Anglars

Mme Colette Mélot

M. Jacques Fernique

M. Frédéric Marchand

5. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

6. Adaptation au droit de l’Union européenne dans divers domaines. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (suite)

Mme Michelle Meunier

M. Michel Canévet

Mme Angèle Préville

Clôture de la discussion générale.

Article 20 (priorité)

Amendement n° 16 rectifié de M. Stéphane Sautarel. – Retrait.

Amendement n° 19 rectifié de M. Stéphane Sautarel. – Retrait.

Amendement n° 84 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 17 rectifié de M. Stéphane Sautarel. – Retrait.

Amendement n° 18 rectifié de M. Stéphane Sautarel. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Article 23 (priorité)

Amendement n° 44 rectifié bis de Mme Corinne Imbert. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 24 (priorité) – Adoption.

Article 1er – Adoption.

Article 2

Amendement n° 68 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet par scrutin public n° 105.

Adoption de l’article.

Après l’article 2

Amendement n° 49 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Articles 3 et 4 – Adoption.

Article 5

Amendement n° 70 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.

Amendement n° 48 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 47 du Gouvernement. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 5

Amendement n° 62 de M. Hervé Maurey. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 6 – Adoption.

Article 7

Amendements identiques nos 63 de M. Hervé Maurey et 71 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Retrait de l’amendement n° 63 et rejet de l’amendement n° 71.

Adoption de l’article.

Article 8

Amendements identiques nos 2 de M. Didier Marie, 28 rectifié de Mme Martine Berthet, 56 de M. Jacques Fernique et 72 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Adoption des quatre amendements supprimant l’article.

Amendement n° 29 rectifié de Mme Martine Berthet. – Devenu sans objet.

Amendement n° 81 du Gouvernement. – Devenu sans objet.

Articles 9 et 10 – Adoption.

Article 11

Amendement n° 73 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet par scrutin public n° 106.

Amendement n° 59 du Gouvernement. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 12

Amendement n° 1 rectifié ter de Mme Frédérique Puissat. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 13 – Adoption.

Après l’article 13

Amendement n° 78 de Mme Nadège Havet. – Retrait.

Article 14 – Adoption.

Article 15

Amendement n° 67 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.

Adoption de l’article.

Articles 16 et 17 – Adoption.

Article 18

Amendement n° 79 de M. Didier Marie. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 19 – Adoption.

Article 20 (précédemment examiné)

Articles 21 et 22 – Adoption.

Articles 23 et 24 (précédemment examinés)

Article 25 – Adoption.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

7. Politique de l’immigration. – Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat

Mme Élisabeth Borne, Première ministre

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion

M. François-Noël Buffet

M. Jean-Yves Leconte

M. Philippe Bonnecarrère

M. François Patriat

M. Pierre Laurent

Mme Colette Mélot

Mme Maryse Carrère

M. Guy Benarroche

Mme Esther Benbassa

M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger

M. Olivier Dussopt, ministre

M. Gérald Darmanin, ministre

Mme Élisabeth Borne, Première ministre

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

8. Adaptation au droit de l’Union européenne dans divers domaines. – Suite de la discussion et adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Article 26

Amendement n° 21 de Mme Angèle Préville. – Rejet.

Amendement n° 61 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 53 rectifié bis de M. Jacques Fernique. – Rejet.

Amendement n° 22 rectifié de Mme Angèle Préville. – Rejet.

Amendement n° 54 rectifié de M. Jacques Fernique. – Rejet.

Amendement n° 60 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 52 de M. Jacques Fernique. – Rejet.

Mme Cathy Apourceau-Poly

Adoption de l’article.

Après l’article 26

Amendements identiques nos 6 rectifié bis de M. Stéphane Sautarel et 34 rectifié de M. Antoine Lefèvre. – Retrait des deux amendements.

Articles 26 bis (nouveau) et 27 – Adoption.

Article 28

Amendements identiques nos 30 rectifié ter de Mme Jocelyne Guidez, 43 rectifié quater de M. Philippe Mouiller, 46 rectifié de Mme Angèle Préville, 57 rectifié de Mme Mélanie Vogel et 77 du Gouvernement. – Adoption des cinq amendements.

Amendement n° 74 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Devenu sans objet.

Amendement n° 55 de M. Jacques Fernique. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article 29 – Adoption.

Article 30

M. Jean-Claude Tissot

Amendement n° 50 de M. Laurent Duplomb. – Adoption.

Amendements identiques nos 58 rectifié de M. Joël Labbé et 76 du Gouvernement. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 64 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 65 du Gouvernement et sous-amendement n° 83 de M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. – Adoption du sous-amendement et de l’amendement modifié.

Adoption de l’article modifié.

Article 31 – Adoption.

Vote sur l’ensemble

Mme Michelle Meunier

M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports

Adoption du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.

9. Ordre du jour

Nomination de membres d’une commission mixte paritaire

compte rendu intégral

Présidence de M. Pierre Laurent

vice-président

Secrétaires :

Mme Jacqueline Eustache-Brinio,

M. Loïc Hervé.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

mesures pour le transport du quotidien

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, auteur de la question n° 301, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.

M. Daniel Breuiller. Madame la ministre, j’attire votre attention sur les mesures nécessaires pour les transports du quotidien en Île-de-France, notamment la TVA à 5,5 % – une mesure votée par notre assemblée –, et l’augmentation du versement mobilité dû par les entreprises, que les écologistes ont soutenue lors des débats sur le projet de loi de finances (PLF).

La situation atteint un seuil critique. Les réseaux se dégradent, des missions sont annulées, les temps d’attente sont interminables, les rames sont bondées et les usagers souffrent.

Île-de-France Mobilités annonce une augmentation importante du passe Navigo, qui serait porté à 84 euros. Les ménages ne peuvent pas supporter des coûts supplémentaires pour un service dégradé.

Si l’enjeu des transports franciliens est avant tout de la responsabilité de la région Île-de-France et de sa présidente Valérie Pécresse, l’État ne peut pas s’y soustraire. La région capitale accueille de nombreux événements économiques et touristiques, dont les jeux Olympiques et Paralympiques en 2024. Surtout, ce réseau comptabilise 12 millions de voyages quotidiens, notamment de personnes qui travaillent.

Alors que la pollution atmosphérique s’aggrave et provoque 6 000 décès prématurés par an, ce qui a conduit à la condamnation de notre pays pour une insuffisance coupable, le soutien aux transports collectifs doit être inscrit dans les priorités. L’arrivée prochaine du Grand Paris Express déséquilibrera encore plus les budgets d’Île-de-France Mobilités.

Madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il proposer lors de la conférence de financement ? Retiendra-t-il la TVA à 5,5 % pour affirmer une priorité aux transports collectifs ? Quelles marges de manœuvre est-il prêt à donner sur le versement mobilité à la région Île-de-France et aux autres autorités organisatrices de la mobilité ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Breuiller, le prix des transports en commun apparaît attractif en France comparé à la moyenne des prix des transports en commun pratiqués chez nos voisins européens.

C’est notamment le résultat d’un choix de politique publique avec une prise en charge importante des coûts par la collectivité. La TVA sur les transports publics est d’ailleurs déjà au taux réduit de 10 %.

Abaisser la TVA à 5,5 %, ainsi que vous le demandez, aurait un coût important pour les finances publiques, mais surtout il n’est aucunement garanti que cet allégement fiscal serait répercuté sur les voyageurs par une baisse du prix des billets.

En réalité, comme vous l’évoquez dans votre question, pour inciter les gens à utiliser les transports en commun, c’est non pas tant le prix qui fait la différence aujourd’hui que la qualité du service : régularité, fréquence, propreté et sécurité. C’est ce sur quoi doivent en priorité porter au quotidien les efforts des autorités organisatrices et de leurs opérateurs.

Concernant Île-de-France Mobilités, le Gouvernement n’est pas favorable à une hausse du versement mobilité. Ce serait non seulement pénaliser le coût du travail, à rebours de la politique du Gouvernement, mais également nuire à l’attractivité de la région. Le Sénat lui-même a rejeté une telle mesure d’augmentation qui a été proposée dans le cadre du PLF pour 2023.

Je rappelle également que les entreprises contribuent déjà pour moitié à la couverture des dépenses d’exploitation en Île-de-France, en prenant notamment à leur charge la moitié du coût des abonnements de leurs salariés. En outre, les recettes du versement mobilité ont augmenté de 5 % par an depuis dix ans.

De son côté, l’État n’a jamais ménagé son soutien pour garantir la continuité d’un service public essentiel aux Français.

Île-de-France Mobilités a ainsi bénéficié, dans le cadre de la crise sanitaire, d’une aide de plus de 2 milliards d’euros, et ce sans conditions, quand d’autres pays exigeaient en contrepartie des efforts draconiens – augmentations de tarifs, réductions de l’offre, etc.

Au vu des circonstances exceptionnelles, le Gouvernement a décidé de renouveler l’année prochaine son aide aux autorités organisatrices.

Le ministre chargé des transports, Clément Beaune, a ainsi annoncé mardi dernier une aide exceptionnelle de 200 millions d’euros de l’État à Île-de-France Mobilités, ainsi que 100 millions d’euros pour les autorités organisatrices hors Île-de-France.

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Cette mesure forte a pour but de venir en aide aux usagers et d’accompagner la mise en œuvre des améliorations nécessaires et attendues de la qualité de l’offre de transports.

M. le président. Madame la ministre déléguée, je vous demande de veiller à respecter votre temps de parole : nous avons beaucoup de questions à examiner !

La parole est à M. Daniel Breuiller, pour la réplique.

M. Daniel Breuiller. Madame la ministre, je ne partage évidemment pas votre point de vue sur la TVA à 5,5 %, que d’autres pays européens ont adoptée : ce serait une mesure utile pour les autorités organisatrices afin d’améliorer le service aux usagers.

Les usagers n’ont pas à combler le trou de 950 millions d’euros d’Île-de-France Mobilités. Le Gouvernement, après avoir été silencieux durant tout le débat budgétaire au Sénat, ne peut pas se contenter d’une aide de 200 millions d’euros, alors qu’il met quarante à cinquante fois plus pour soutenir les carburants automobiles.

Je vous invite donc à changer de politique !

signalisation pour les non-voyants dans le métro parisien

M. le président. La parole est à M. Pierre Louault, auteur de la question n° 302, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.

M. Pierre Louault. Le 2 novembre 1989, Hélène Missoffe, sénatrice du Val-d’Oise, alertait le ministre des transports sur les difficultés auxquelles se heurtaient les non-voyants dans le métro, en lui demandant de faire annoncer le nom des stations par les conducteurs.

Il y a quelques jours, un habitant d’Indre-et-Loire me sollicitait sur ce même sujet pour sa petite-fille, non-voyante, qui prend le métro parisien quotidiennement pour se rendre à son lieu de stage. Elle doit compter le nombre de stations afin de ne pas rater son arrêt. Imaginez la panique pour une jeune fille de 18 ans, venant de province de surcroît, dans ce grand labyrinthe qu’est le métro parisien !

Quelle ne fut donc pas ma surprise de retrouver cette question écrite, vieille de trente-trois ans, sur un sujet qui n’a toujours pas été réglé…

Le Gouvernement a récemment nommé Jean Castex à la présidence de la RATP ; vous avez donc un lien direct avec la structure en charge de l’exploitation des métros parisiens.

Ma question est donc simple : qu’allez-vous faire pour qu’un sénateur ou une sénatrice ne pose pas cette même question dans trente-trois ans, alors même que la solution proposée ne coûte rien ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Louault, l’État soutient la mise en accessibilité des réseaux de transport en accord avec les obligations fixées par la loi sur le handicap de 2005, laquelle prévoit une exception pour les réseaux souterrains de transports ferroviaires et guidés existants au 12 février 2005, dont le métro historique parisien.

Pour ce qui concerne l’Île-de-France, les mesures relatives à l’accessibilité des lignes du métro parisien relèvent en premier lieu de la compétence de l’autorité organisatrice Île-de-France Mobilités, en lien avec l’opérateur, la RATP. Île-de-France Mobilités a approuvé son agenda d’accessibilité programmée en 2015.

Tous les quais et toutes les salles d’échanges des stations du métro parisien sont déjà équipés d’annonces visuelles et sonores.

S’agissant de l’annonce sonore de la prochaine station à bord, les lignes en sont progressivement dotées au gré du renouvellement de leur matériel roulant, coorganisé par Île-de-France Mobilités et la RATP. À ce jour, les lignes 1, 2, 3, 4, 5, 9, 13 et 14 sont déjà équipées d’annonces sonores automatiques. La ligne 11 en sera équipée à la mise en service des nouvelles rames en 2023. Ce sera ensuite le cas de la ligne 6 à partir de fin 2023, puis des lignes restantes – 7, 8, 10, 12, 3 bis et 7 bis – avec la mise en service du nouveau matériel roulant MF 19 de façon progressive entre 2025 et 2035.

M. le président. La parole est à M. Pierre Louault, pour la réplique.

M. Pierre Louault. En attendant la mise en place de ces équipements, il ne serait pas très compliqué, pour les lignes non équipées, de demander aux conducteurs d’annoncer les stations. Les non-voyants ne choisissent pas leurs trajets !

déploiement des réseaux express régionaux métropolitains

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, auteure de la question n° 299, transmise à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la ministre, le 27 novembre dernier, le chef de l’État a annoncé son ambition de voir créer une dizaine de réseaux express régionaux (RER) dans les métropoles de France.

Cette ambition, nous la partageons, car elle est bénéfique à l’environnement comme aux salariés qui, chaque jour, ont le choix entre être coincés dans les bouchons ou l’être dans des trains bondés, quand ils circulent…

Nombre d’arrêts ont été supprimés, par exemple, pour ce qui concerne le Pas-de-Calais, dans les gares de Meurchin, Achiet-le-Grand ou encore Boulogne-sur-Mer.

Avec 6,5 millions d’habitants, la région des Hauts-de-France est parmi les plus peuplées du pays, l’agglomération de Lille concentrant à elle seule 1,5 million d’habitants. Surtout, des dizaines de milliers de personnes s’y rendent chaque jour, en grande partie depuis le bassin minier.

Le projet de Réseau express Grand Lille défendu par l’ancien conseil régional du Nord-Pas-de-Calais devait permettre le désengorgement des accès à la métropole, mais il a été remisé à la faveur de la fusion des régions.

Il prévoyait la création de six nouvelles gares, dont une gare souterraine à Lille évaluée à 2,1 milliards d’euros, ainsi que la pose de 56 kilomètres de lignes nouvelles pour desservir plus efficacement les villes d’Hénin-Beaumont, de Lens et de Douai et permettre un meilleur raccordement des grandes villes du nord du pays.

Les élus du bassin minier y sont prêts, ainsi que les présidents des agglomérations. Personne ne doute de l’intérêt du projet : l’engorgement de l’autoroute A1 et le surpeuplement des rames de TER conduisent les élus du bassin minier, tous bords politiques confondus, à demander régulièrement la relance de ce projet.

Aujourd’hui, à l’aune des annonces du Président de la République, il est temps de ressortir ce projet des cartons.

Quels moyens seront alloués à la région Hauts-de-France pour ce projet, madame la ministre ? À quelle échéance les premiers voyageurs pourront-ils emprunter ces trajets ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Apourceau-Poly, le Président de la République a en effet annoncé le 27 novembre dernier l’objectif de mettre en œuvre une dizaine de RER métropolitains.

Ces services express métropolitains doivent permettre, par l’amélioration des infrastructures des principales étoiles ferroviaires, de fournir une meilleure offre ferroviaire dans les grandes métropoles.

En cohérence avec la priorité donnée aux mobilités du quotidien, au premier rang desquelles, vous l’avez dit, les relations domicile-travail, le Gouvernement soutient cette démarche aux côtés des collectivités concernées – régions et métropoles.

À sa demande, SNCF Réseau a ainsi établi en 2020 un schéma directeur du développement des RER métropolitains.

Par ailleurs, une enveloppe de 30 millions d’euros a été dédiée, dans le plan de relance, au lancement d’études de RER métropolitains dans les métropoles à fort potentiel, dont celle de Lille ; cette enveloppe a été mise en place au cours des exercices 2021 et 2022.

L’État finance ainsi, aux côtés de la région Hauts-de-France et de la métropole de Lille, les études de faisabilité lancées en 2021 visant à définir, puis à approfondir, un scénario de RER métropolitain pour l’étoile ferroviaire lilloise.

Ce projet de grande ampleur, estimé à ce jour entre 4 milliards et 5 milliards d’euros, comprend – vous l’avez mentionné – un projet de barreau nouveau dénommé Réseau express Hauts-de-France entre Lille et le bassin minier.

Comme le Président de la République l’a annoncé en février 2022, l’État sera présent aux côtés des acteurs locaux pour la mise en place de ce projet.

objectif ambitieux du « zéro artificialisation nette » des sols fixé à l’horizon 2050

M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 289, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Patrice Joly. Madame la ministre, si nous partageons l’objectif du « zéro artificialisation nette » (ZAN) des sols fixé à l’horizon 2050 et celui, intermédiaire, de réduction de moitié de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici à 2030, des points de crispation demeurent tant sur la méthode employée que sur le fond du dispositif.

Le Gouvernement a confié aux régions le soin de mettre en œuvre cette nouvelle règle d’urbanisme ; son niveau de gestion réduit considérablement le rôle des élus locaux qui deviennent ainsi de simples exécutants devant se conformer à l’interprétation contraignante des règles. Je partage leurs inquiétudes de se voir déposséder d’une telle mission dans la gestion des espaces à aménager, alors même que ces élus de proximité, proches du terrain, disposent d’une connaissance fine des réalités locales et de leurs enjeux.

Car le cœur du problème se trouve au niveau communal : comment justifier que des communes rurales soient évincées de la démarche, alors même qu’elles ont été, par le passé, peu consommatrices de foncier, qu’elles doivent faire face à l’accueil de nouvelles populations et travailler au développement de leur territoire ?

Sur le déploiement et la temporalité du dispositif, il y a lieu de noter les délais fixés, relativement contraints, qui ne laissent pas suffisamment de place au dialogue, à l’interaction et à la coconstruction.

En effet, le conseil régional assure le pilotage du ZAN avec comme principal interlocuteur la conférence des schémas de cohérence territoriale (Scot). Or on ne peut ignorer que de nombreux départements restent totalement ou partiellement dépourvus de Scot, d’où l’absence d’élus siégeant à la conférence régionale des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet).

Aussi, madame la ministre, pour rassurer les élus locaux des territoires ruraux, pouvez-vous m’indiquer les garanties que vous comptez apporter à des territoires peu consommateurs de foncier par le passé afin qu’ils puissent bénéficier du foncier nécessaire à leur développement et à l’accueil de populations ?

Quels aménagements entendez-vous mettre en œuvre pour que la réalisation de cet objectif puisse se concrétiser sans pénaliser les territoires ruraux ?

Enfin, avec mes collègues du groupe socialiste, nous nous sommes positionnés en faveur du report de la première étape de réalisation de l’objectif fixé à 2030. Quelle est votre position quant à cette demande ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur, vous avez interrogé M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; ne pouvant être présent, il m’a chargée de vous répondre.

Chaque année, ce sont en moyenne 20 000 hectares d’espaces agricoles, naturels et forestiers qui sont consommés en France. La lutte contre l’artificialisation est un enjeu majeur pour préserver les sols, la biodiversité et l’activité agricole.

La France s’est donc fixé l’objectif d’atteindre le zéro artificialisation nette des sols en 2050 avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers dans les dix prochaines années, donc à l’horizon 2030, comme vous l’avez indiqué.

Tous les territoires sont concernés, y compris les territoires ruraux. Sur la dernière décennie, la consommation d’espaces est d’ailleurs majoritairement, à hauteur de 61 %, localisée sur les territoires détendus, plus particulièrement en périurbain peu dense à très peu dense.

Tous les territoires doivent donc contribuer à l’atteinte de cet objectif, même si la loi prévoit que leur effort sera modulé en fonction de leurs besoins spécifiques.

Cette trajectoire progressive est à décliner dans les documents de planification et d’urbanisme : d’ici au 22 février 2024 pour les Sraddet, au 22 août 2026 pour les Scot et au 22 août 2027 pour les plans locaux d’urbanisme (PLU).

Une nouvelle extension des délais n’est pas, pour l’instant, à l’ordre du jour.

La territorialisation de la trajectoire ZAN devra moduler le rythme d’artificialisation des sols en tenant compte des besoins et des enjeux locaux : dynamiques démographiques et économiques, équilibre du territoire. Cette dernière dimension comprend la question du désenclavement rural, et il est clair que nous pourrons donc continuer à construire dans ces territoires.

Néanmoins, et pour rassurer les élus quant à la bonne prise en compte de cet enjeu, la Première ministre, en clôture du Congrès des maires, a formulé plusieurs annonces dans le prolongement de discussions que nous avons eues avec les associations d’élus et les parlementaires.

Elle s’est notamment engagée à étudier des pistes en vue de garantir que toutes les communes rurales puissent bénéficier de possibilités de construction, en particulier lorsqu’elles ont peu construit par le passé.

Elle s’est aussi engagée à permettre la contractualisation entre l’État et le bloc communal en cas de blocage au niveau des territoires pour trouver des solutions et parvenir à un équilibre entre développement de projets d’intérêt majeur et sobriété foncière.

En revanche, le Gouvernement n’a pas prévu, à ce stade, de modifier le calendrier prévu pour les Sraddet et les autres documents d’urbanisme, même si nous cherchons à laisser le plus de temps possible à la concertation.

multiplication des décharges de déchets de chantiers dans les territoires de l’essonne

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, auteure de la question n° 095, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Mme Jocelyne Guidez. Je souhaiterais attirer l’attention du Gouvernement sur la multiplication des décharges de déchets de chantiers sur des terres naturelles ou d’anciens terrains à vocation agricole dans le département de l’Essonne.

Avec l’augmentation des grands projets urbains, les espaces naturels et les terres agricoles sont devenus autant de décharges potentielles pour certaines grandes entreprises du bâtiment, lesquelles n’hésitent pas à contourner les règles pour y déverser leurs tonnes de gravats, dont certains peuvent s’avérer dangereux.

Ayant été interpellée à plusieurs reprises par les élus locaux et les acteurs associatifs, je partage pleinement leurs préoccupations relatives aux questions environnementales et à la dégradation du cadre de vie des habitants des villes moyennes, des petites villes et des villages situés à la périphérie des grandes métropoles. Je comprends parfaitement leur profond sentiment d’injustice face à l’absence de réaction étatique.

Il est primordial de conserver la biodiversité de l’environnement des communes de la grande couronne parisienne dans un esprit d’égalité des territoires. Aussi, il est urgent d’apporter des solutions immédiates, particulièrement pour les communes de Fleury-Mérogis, Cheptainville-Lardy et Saint-Hilaire, qui sont démunies face à ce phénomène et qui ont besoin d’aide pour réhabiliter leurs terrains et espaces naturels pollués par ces exhaussements, dits aussi remodelages.

Nos villes et villages n’ont pas vocation à devenir les victimes collatérales du développement urbain des métropoles et grandes agglomérations. Il s’agit d’une inégalité environnementale manifeste, qui s’ajoute, dans un silence inadmissible, aux inégalités sociales et territoriales déjà bien ancrées dans ce département.

Je souhaiterais connaître, madame la ministre, les mesures que vous envisagez de prendre pour protéger les territoires essonniens contre ces atteintes graves à l’environnement qui ont un impact sur la vie quotidienne des habitants. Il est temps de se saisir de cette question sensible et importante et de mettre un terme à ces pratiques scandaleuses, totalement en contradiction avec les engagements issus de la Convention citoyenne pour le climat.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Guidez, vous avez interrogé M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui m’a chargée de vous répondre.

Votre question porte sur trois projets de stockage de déchets de chantier en Essonne et leur impact environnemental et agricole.

Tout d’abord, je rappelle que les installations de stockage de déchets inertes sont des équipements importants pour la protection de l’environnement. Elles permettent d’éviter que des terres excavées ou certains déchets de chantiers ne soient dispersés dans l’environnement, sous forme de dépôts sauvages, et garantissent que le stockage est réalisé dans des conditions respectueuses de l’environnement.

Les conseils régionaux sont responsables à l’échelle de leur territoire de la planification de ces installations de stockage. Les services de l’État chargés de l’environnement s’assurent que ces installations soient implantées et exploitées dans de bonnes conditions de sécurité et de respect de l’environnement, notamment au titre de leurs missions d’instruction et d’inspection des installations classées pour la protection de l’environnement.

En ce qui concerne les trois projets que vous évoquez, les situations sont différentes.

Dans le cas de Saint-Hilaire, un projet d’installation de stockage était effectivement prévu. Néanmoins, une instance de classement au titre des paysages ayant été signée par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, la procédure d’autorisation environnementale est suspendue, rendant l’avenir du projet incertain.

Dans le cas de Fleury-Mérogis, il s’agit non pas d’un projet d’installation de stockage, mais d’un programme d’aménagement agricole et de mise en culture réalisé sous maîtrise d’ouvrage de la commune et sur des terrains lui appartenant.

Enfin, dans le cas de Cheptainville-Lardy, si la commune a été approchée sur le sujet, il n’y a, à ce jour, aucun projet d’installation de stockage déposé auprès des services de l’État.

En tout état de cause, la création d’installations de stockage en Île-de-France répond à un réel besoin, identifié dans le plan régional de prévention et de gestion des déchets d’Île-de-France. Celui-ci fait en effet état de la nécessité de créer de nouvelles capacités de stockage de terres, à hauteur de 2 millions de tonnes par an jusqu’en 2025.

Par ailleurs, ce plan encourage le rééquilibrage territorial des capacités de stockage de déchets inertes vers l’ouest et le sud de la région Île-de-France, la Seine-et-Marne accueillant actuellement environ 70 % du tonnage régional de déchets inertes.

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour la réplique.

Mme Jocelyne Guidez. Madame la ministre, j’ai posé cette question dès 2021, et il m’a fallu attendre décembre 2022 pour enfin avoir une réponse. Il est dommage que le Gouvernement mette autant de temps à nous répondre !

incohérences relatives à la gestion du loup en france

M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, en remplacement de M. Arnaud Bazin, auteur de la question n° 219, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Mme Marta de Cidrac. Je supplée M. Arnaud Bazin, empêché par le manque de transports en commun dans le Val-d’Oise.

Mon collègue réitère trois questions posées et rappelées il y a deux ans, reprises par le ministre chargé des relations avec le Parlement, mais qui sont restées sans réponse. La pertinence de ces questions a été confirmée par la Commission européenne dans une communication d’octobre 2021, qui souligne qu’il y a « lieu de vérifier si les pertes d’animaux d’élevage sont réellement dues à la prédation par les loups ».

Pointée par la Cour des comptes en 2010, et relevée par le rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) de 2019, l’incohérence de la situation française appelle des éclaircissements. En effet, c’est le pays qui détient le taux de pertes ovines possiblement imputables au loup le plus élevé, mais c’est aussi le pays dont les aides publiques à la protection et à l’indemnisation des troupeaux sont les plus élevées eu égard au nombre de loups.

Deux hypothèses : soit le nombre de pertes ovines possiblement dues aux loups est surestimé, soit la protection des troupeaux est inefficace, voire non effective.

Ainsi, M. Bazin souhaiterait connaître : les critères permettant d’attribuer les pertes au loup ; le pourcentage de relevés techniques réalisés sur le lieu de l’attaque rapporté au nombre de constats déclaratifs ; et, enfin, le nombre de comptes rendus de visites et contrôles sur place, et de contrôles de schéma de protection et du cahier de pâturage, effectués et analysés par les services instructeurs.

La Commission européenne, dans la communication précitée, estime que le système français est un bon exemple de système de surveillance précis permettant d’obtenir des données solides et appropriées à la conservation et la gestion des loups.

Pourtant, des déclarations du Gouvernement tendent à aller dans le sens des demandes des chasseurs et éleveurs, qui proposent de recompter les loups, estimant que les dénombrements officiels de l’Office français de la biodiversité (OFB) sous-estiment leur population.

M. Bazin souhaite donc savoir si le système de comptage de l’OFB est effectivement remis en cause ; dans l’affirmative, sur quelle base scientifique ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur les raisons du niveau élevé de prédation par le loup en France, malgré le financement public considérable des moyens de protection des troupeaux.

Cela s’explique à la fois par la présence d’un élevage pastoral extensif, avec des troupeaux parfois importants dans les zones de présence du loup, et par l’existence de nouvelles zones de prédation n’ayant pas fait encore l’objet de mesures de protection. Il est important de rappeler que la France est le seul pays où le coût du gardiennage est pris en charge par la collectivité.

En ce qui concerne l’éventuelle surestimation du phénomène, il apparaît normal qu’en cas de doute sur l’attribution de la responsabilité d’un dommage à un prédateur, ce doute profite à l’éleveur. Par ailleurs, les constats déclaratifs restent aujourd’hui très minoritaires par rapport à ceux réalisés par des agents publics. Ils sont réservés aux troupeaux situés dans des départements de présence ancienne du loup, et aux cas d’attaques faisant moins de cinq victimes.

En dehors des zones nouvelles de prédation, les indemnisations de dommages sont subordonnées à la mise en place de mesures de protection. Des efforts sont faits à cette fin, avec notamment une démarche engagée auprès des élevages subissant les plus fortes prédations. Inauguré en 2020, cet accompagnement concerne aujourd’hui les 200 élevages concentrant 50 % de la prédation. Cela alimente également l’observatoire des mesures de protection, qui est en cours de développement.

La mise en œuvre effective des mesures de protection est d’abord contrôlée dans le cadre de leur financement par l’État au titre de la bonne utilisation des fonds publics. Elle l’est également dans le cadre de l’instruction des demandes de tirs de défense, et, systématiquement, avant chaque tir effectué par les louvetiers ou la brigade d’intervention de l’OFB.

La méthode française de suivi de la population de loups est reconnue comme l’une des plus complètes et efficaces en Europe. Il est en revanche essentiel que la confiance demeure entre tous les acteurs concernés, éleveurs comme chasseurs. Des efforts ont été entrepris en ce sens depuis la fin de l’année 2021. Ils ont porté leurs fruits, puisque davantage d’indices de présence ont été collectés au cours de l’hiver 2021-2022.

Le fait que les tirs augmenteraient la prédation reste une hypothèse, ni confirmée ni infirmée. Des recherches sont encore en cours à ce sujet. En tout état de cause, depuis quelques années, priorité est donnée aux tirs de défense effectués sur des loups en situation d’attaque.

M. le président. Madame la ministre déléguée, je vous saurai gré de faire tenir vos réponses dans les deux minutes qui vous sont imparties.

application du bouclier tarifaire aux copropriétés équipées d’un chauffage à gaz collectif

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la question n° 241, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Ma question porte sur la mise en œuvre du bouclier tarifaire dans les copropriétés équipées d’un chauffage à gaz collectif et, a fortiori, dans toutes celles dont les contrats d’énergie sont indexés sur les marchés.

Entre les rattrapages de charges de l’année 2021-2022 et les appels de charges pour 2023, bon nombre de copropriétaires sont aujourd’hui pris en étau, avec le risque d’une multiplication des défauts de paiement, voire d’abandon de projets de travaux de rénovation énergétique, ce qui est pour le moins paradoxal.

Le bouclier tarifaire présente aujourd’hui deux problèmes majeurs. Tout d’abord, il n’est compensé qu’après les avances de charges, laissant courir un reste à charge exorbitant le temps de sa mise en œuvre. Ensuite, il est très nettement sous-dimensionné au vu de l’explosion du prix du gaz et de la hausse des factures.

Par exemple, dans une copropriété comme celle du Parc Lubonis à Nice, le devis pour les charges de chauffage s’élève à plus de 600 000 euros, le bouclier tarifaire s’appliquant à hauteur de seulement 91 076 euros. Le reste à charge serait donc de 593 703 euros, soit une augmentation des frais pour les copropriétaires de 593 % !

Résultat : le conseil syndical a décidé de ne pas mettre en route le chauffage collectif. Combien de temps cela pourra-t-il durer avec l’arrivée du grand froid ?

Madame la ministre, allez-vous enfin proposer un alignement du bouclier tarifaire des copropriétés équipées d’un chauffage collectif au gaz sur celui qui s’applique aux copropriétés équipées de compteurs individuels de chauffage ? (Mme Frédérique Puissat applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Estrosi Sassone, le bouclier pour les copropriétés au gaz couvre, comme le gel du tarif réglementé de vente (TRV) de l’énergie pour les ménages en contrat individuel, l’écart entre le TRV gelé et le TRV hors gel. D’après les nombreuses remontées que nous avons eues, le bouclier fonctionne bien.

Certains cas sont, il est vrai, plus compliqués, notamment quand les copropriétés ont signé des contrats à prix fixe dans des conditions très défavorables, au-dessus des TRV hors gel. Le ministre de la ville et du logement et la ministre de la transition énergétique sont pleinement mobilisés pour assurer une égalité de traitement entre tous. Parce que nous devons aller vite, le texte couvrant le deuxième semestre 2023 est sorti le 15 novembre dernier, pour apporter une réponse dès que possible.

Le Gouvernement est également engagé dans la mise en place d’une aide ad hoc pour les contrats signés dans des conditions très défavorables, et qui ne sont pas bien couverts par le bouclier.

S’agissant du décalage entre les versements et les besoins en trésorerie, la loi de finances pour 2023 va permettre aux copropriétés disposant d’un contrat de fourniture de gaz de bénéficier du versement de l’aide équivalente aux boucliers directement sur leur facture.

Si cela ne répond pas à toutes les situations, nous envisagerons alors une aide spécifique pour répondre aux besoins de trésorerie, et éviter ainsi de laisser des copropriétés en difficulté dans l’attente du versement de l’aide bouclier.

Vous pouvez être assurée, madame la sénatrice, de l’entière mobilisation du Gouvernement pour s’assurer que, dans cette crise énergétique, personne ne soit laissé de côté.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Les copropriétaires sont aujourd’hui très inquiets, parce que des avances doivent être faites avant une éventuelle régularisation plusieurs mois après. De surcroît, le dispositif est une véritable usine à gaz car les syndics, les fournisseurs d’énergie, les copropriétaires et l’administration doivent se mettre d’accord.

Il y a urgence, madame la ministre. Soyez vigilante sur ce dossier, qui peut provoquer une explosion sociale dans toutes les copropriétés équipées d’un chauffage collectif au gaz.

mise en œuvre du concept de descente douce des trajectoires aéroportuaires

M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, auteure de la question n° 247, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.

Mme Marta de Cidrac. Le 10 novembre dernier, j’ai interrogé le ministre des transports sur le concept de descente douce des trajectoires d’approche aéroportuaire.

Présenté dans le cadre des Assises nationales du transport aérien en 2021, ce concept vise à réduire les nuisances sonores des aéronefs commerciaux amorçant leur descente lorsqu’ils sont à proximité des habitations et lorsque leur plan de vol ne permet pas d’autre itinéraire.

Depuis 2016, cette procédure est parfois utilisée pour les vols de nuit ou pendant les périodes de moindre trafic. Sa généralisation ne serait certes pas sans conséquence sur l’organisation des flux aériens dans le ciel francilien, mais la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) prévoit bien un déploiement opérationnel du concept à l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle à l’horizon 2023.

Pour de nombreux vols, et particulièrement les vols transatlantiques, la descente vers l’aéroport de Roissy commence dans le ciel yvelinois, ou du moins dans les départements de l’ouest francilien. Beaucoup de communes des Yvelines subissent donc d’insupportables nuisances sonores, nocturnes et diurnes, dues au trafic aérien. L’hypothèse d’une réduction du bruit est scrutée avec attention et impatience par nos concitoyens et par les élus locaux de ces territoires.

La DSNA l’a confirmé, après son annonce par la précédente ministre des transports, Mme Borne, la généralisation des descentes douces serait pour 2023.

Madame la ministre, alors que nous approchons à grands pas de la date butoir sans pour autant être informés d’évolutions imminentes, pouvez-vous nous indiquer où en est la mise en œuvre opérationnelle de cette mesure ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice de Cidrac, vous appelez mon attention sur le concept de descente douce des trajectoires d’approche aéroportuaire, qui vise à réduire les nuisances sonores des aéronefs commerciaux à destination de l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle.

La descente douce ou descente continue est une technique de pilotage qui permet l’optimisation des profils verticaux de descente par les pilotes, et ce grâce à des procédures de circulation aérienne adaptées et basées sur des données de positionnement par satellite.

Dans la continuité des annonces faites à l’occasion des Assises nationales du transport aérien, des études techniques et opérationnelles de conception de telles procédures ont été lancées par la direction générale de l’aviation civile (DGAC).

Elles ont conduit à la réalisation de tests grandeur nature sur une des pistes d’atterrissage de l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle. Ces expérimentations ont été mises à profit pour analyser les impacts opérationnels, environnementaux et réglementaires de telles procédures, dans le contexte très spécifique de cet aéroport doté de quatre pistes exploitées simultanément.

Les travaux techniques sont toujours en cours. Ils concernent notamment la définition des procédures d’approche, leur exploitation par les pilotes, l’analyse des éventuels impacts sur la sécurité des vols et, enfin, les conséquences sur les conditions de survol des territoires potentiellement concernés par ces changements.

Un calendrier précis pourra être élaboré et proposé aux parties prenantes lorsque ces études parviendront à leur terme.

Le projet de mise en service de descentes douces à Paris-Charles-de-Gaulle sera bien entendu présenté aux instances de concertation. Il fera, selon toute vraisemblance, l’objet de l’organisation d’un débat public par la Commission nationale du débat public (CNDP), préalablement à une enquête publique. Les services de l’État s’attachent actuellement à ces tâches opérationnelles, techniques et organisationnelles.

M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour la réplique.

Mme Marta de Cidrac. Madame la ministre, je vous remercie de ces éléments de réponse.

Ne perdons pas de vue l’objectif de 2023, en pensant à toutes ces communes qui attendent avec impatience des réponses contre ces nuisances importantes.

situation des locataires du parc social face à l’envolée des coûts de l’énergie

M. le président. La parole est à M. Serge Babary, auteur de la question n° 252, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement.

M. Serge Babary. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les conséquences de la hausse des coûts de l’énergie sur les locataires des parcs sociaux.

Avec l’envolée des prix de l’énergie – gaz et électricité –, en 2022, et malgré la mise en place d’un bouclier tarifaire, de nombreux locataires ne sont plus en mesure de s’acquitter des charges communes. Cette situation devrait aller en s’aggravant en 2023 en raison de la hausse du prix de l’électricité pour les parties communes et de celle du gaz pour les chaufferies collectives, prévues dès le mois de janvier 2023.

Dans mon département d’Indre-et-Loire, cette situation a conduit de nombreux locataires à manifester contre l’augmentation des charges communes, ce qui a contraint certains offices publics de l’habitat à procéder à un lissage des charges locatives.

Le delta facturé aux locataires des parcs sociaux restant élevé en dépit des mesures prises par le Gouvernement, le nombre des impayés devrait considérablement augmenter dans les mois qui viennent. Aussi, je souhaiterais savoir si, et dans quelle mesure, le bouclier énergétique pourrait être plus favorable aux locataires du parc social, et si les bailleurs sociaux pourraient bénéficier du bouclier tarifaire pour leur consommation d’électricité dans les parties communes.

Au-delà de la question du prix de l’énergie, il faut savoir que, depuis plusieurs mois, les fournisseurs ne répondent plus aux consultations des bailleurs sociaux pour l’achat de gaz et d’électricité.

Quant aux fournisseurs actuels, ils ont d’ores et déjà indiqué qu’ils ne répondront pas aux consultations et qu’ils demanderont même la coupure des approvisionnements pour le 1er janvier 2023. Les bailleurs sociaux du département sont extrêmement inquiets.

Madame la ministre, avez-vous connaissance de ces difficultés ? Quelles sont les solutions envisagées ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Babary, le décret du 9 avril 2022 a étendu le bouclier tarifaire pour le gaz aux ménages chauffés collectivement au gaz naturel ou par un réseau de chaleur utilisant le gaz naturel. Comme pour les tarifs réglementés, ce bouclier a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2022. Un décret, publié le 15 novembre dernier, précise ainsi les modalités pratiques de cette prolongation.

Un autre décret, en cours de concertation, étendra prochainement le bouclier tarifaire aux ménages bénéficiant d’un chauffage collectif électrique. Ce bouclier sera rétroactif à partir du mois de juillet, et étendu sur toute l’année 2023.

Le périmètre permettra une couverture de tous les logements, y compris les logements du parc social, ainsi que des parties communes.

L’objectif du Gouvernement est évidemment de protéger tous les Français de la même manière. Nous travaillons d’ailleurs très étroitement avec l’ensemble des acteurs pour veiller à ce que personne ne soit laissé de côté.

Par ailleurs, s’agissant du chèque énergie, nous mènerons des travaux complémentaires pour déterminer comment les locataires de logements dotés d’un chauffage collectif pourraient utiliser ce chèque pour régler directement leurs charges, ce qui pose aujourd’hui des difficultés juridiques et opérationnelles.

Dans l’attente de ces travaux, je souhaite insister sur le fait que ces locataires peuvent d’ores et déjà utiliser le chèque énergie dont ils sont bénéficiaires pour le paiement de leur facture d’électricité individuelle, liée à leur propre contrat.

M. le président. La parole est à M. Serge Babary, pour la réplique.

M. Serge Babary. Merci pour votre réponse, madame la ministre. Par ma question, je souhaitais aussi attirer votre attention sur les agissements des fournisseurs d’énergie vis-à-vis des bailleurs sociaux.

Les fournisseurs ne répondent plus aux appels d’offres ; dans les relations de gré à gré, ils laissent parfois à leurs clients une ou deux heures seulement pour prendre une décision sur un prix qui peut être extravagant. Les contrats proposés ont un caractère léonin, en tout cas par la durée imposée, souvent aussi par les montants en jeu. Je souhaite vraiment que le Gouvernement prête attention à cette situation.

révision de l’arrêté du 5 juillet 1990 fixant les consignes de délestage sur les réseaux électriques et services d’eau potable et d’assainissement

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 273, adressée à Mme la ministre de la transition énergétique.

M. Daniel Laurent. Madame la ministre, le Gouvernement entend-il réviser l’arrêté du 5 juillet 1990 fixant les consignes générales de délestages sur les réseaux électriques, afin de faire figurer les services d’eau potable et d’assainissement parmi les activités relevant du service prioritaire ?

En cas de débordement des eaux usées ou d’arrêt du fonctionnement des stations de pompage ou d’épuration, qui ne peuvent pas toutes disposer de groupes électrogènes, on encourt en effet des risques importants en matière d’alimentation en eau potable, de sécurité incendie et de protection des milieux aquatiques.

La filière conchylicole s’inquiète, en cette période de forte activité, de possibles coupures d’électricité affectant les équipements d’assainissement collectif.

Il est tout à fait incompréhensible que les services publics de l’eau et de l’assainissement ne constituent pas, de façon systématique, des activités relevant des services prioritaires, au vu des incidences en termes de salubrité publique et de pollution.

Par ailleurs, alors que des aides de compensation sont prévues pour les entreprises du secteur de l’eau et de l’assainissement de droit privé, les régies publiques du même secteur n’y seraient pas éligibles.

En Charente-Maritime, la régie d’exploitation des services d’eau est le premier opérateur de production et de distribution d’eau potable sous statut d’établissement public à caractère industriel et commercial ; ses dépenses d’électricité devraient passer de 3 millions en 2021 à 8,6 millions d’euros en 2024.

Dans quelles conditions de tels opérateurs peuvent-ils accéder aux mesures mises en place pour les collectivités ou les entreprises ?

Madame la ministre, j’aimerais connaître les réponses que vous pouvez apporter à ces deux questions, car il y a urgence à agir.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Daniel Laurent, notre pays traverse sa plus grave crise énergétique depuis les chocs pétroliers des années 1970. La crise ukrainienne et la volonté de la Russie d’utiliser l’approvisionnement énergétique comme moyen de pression entraînent des tensions sans précédent sur les marchés du gaz et, par voie de conséquence, sur les marchés électriques.

La communication réalisée par le Gouvernement depuis la fin du mois de novembre a permis de rappeler que toutes les dispositions nécessaires pour aborder l’hiver dans les meilleures conditions possible ont été prises ou sont en cours d’instruction.

Le premier levier activé est celui de la réduction de notre consommation d’électricité, qui s’intègre dans la démarche plus globale du plan de sobriété énergétique.

Le second levier est celui de la maximisation des moyens de production. Cela passe d’abord par le suivi rapproché de la disponibilité nucléaire et par la sécurisation de nos approvisionnements en gaz. Cela passe aussi par l’accélération des projets d’énergies renouvelables en cours ou par l’autorisation d’usages à des seuils supérieurs au cadre usuel.

Néanmoins, la Première ministre a précisé que, si le système électrique venait à être confronté à une situation de tension inédite et si tous les autres leviers activés se révélaient insuffisants, des coupures locales, ciblées et temporaires pourraient théoriquement intervenir en dernier recours pour certains usagers raccordés aux réseaux publics de distribution d’électricité.

Les installations d’eau potable et d’assainissement ne figurent pas explicitement dans l’arrêté du 5 juillet 1990 fixant les catégories d’usagers dits « prioritaires ». Cela ne signifie pas pour autant que ces installations ne sont pas prises en compte par les préfets dans l’exercice de priorisation qu’ils réalisent à l’échelon local.

Au regard des différentes demandes et difficultés qui ont pu émerger dans le cadre de l’élaboration des listes d’usagers prioritaires, le Gouvernement a conscience du besoin de réinterroger les critères de priorité inscrits dans l’arrêté du 5 juillet 1990.

Dans le cas où des évolutions seraient nécessaires, celles-ci ne devraient toutefois pas conduire à élargir trop sensiblement le champ des usagers pouvant être priorisés, car les consommations électriques préservées ne doivent pas dépasser 38 % de la consommation du département.

Ce travail pourra être mené en 2023, à l’aune du retour d’expérience de l’hiver 2022-2023.

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, pour la réplique.

M. Daniel Laurent. Votre réponse, madame la ministre, ne me satisfait pas tout à fait.

Une circulaire transmise aux préfets précise que ceux-ci devront porter une attention particulière aux gestionnaires des services publics d’eau et d’assainissement. Convenez que cela n’est pas suffisant au vu des risques sanitaires : vous savez bien que, dans une ville, si l’assainissement est hors service pendant trop longtemps, il y aura des catastrophes et l’insalubrité sera totale !

réparation et excavation préalable d’éoliennes avant leur installation

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, auteur de la question n° 296, adressée à Mme la ministre de la transition énergétique.

Mme Brigitte Lherbier. Madame le ministre, j’aimerais attirer l’attention du Gouvernement sur le problème que pose, dans de nombreuses communes, l’installation de nouvelles éoliennes.

Étant sénateur des Hauts-de-France, j’ai reçu sur ce sujet des appels de Nordistes, notamment du Dunkerquois, qui sont très réticents.

En effet, des élus locaux ne comprennent pas pourquoi des opérateurs sont autorisés à procéder à de nouvelles installations alors que des éoliennes anciennes attendent toujours d’être rénovées, réparées, ou même démantelées.

En effet, la côte d’Opale est, depuis plusieurs années, un lieu expérimental d’implantation d’éoliennes en bordure de mer, entre Dunkerque et Berck. Mon collègue Jean-François Rapin, sénateur du Pas-de-Calais, pourra le confirmer.

Des habitants de la région ont relevé un nombre important d’éoliennes défectueuses, notamment sur le site de Widehem. Je me suis rendue sur place pour constater qu’effectivement de nombreux moulins ne tournaient pas, ou ne tournaient qu’extrêmement lentement. Les pales étaient, pour la plupart, manquantes ou cassées.

Ces éoliennes avaient été mises en service en 2000 et 2001. Or la tempête du 6 janvier 2012 a déchiqueté les pales de nombreuses installations. Pour autant, aucune réparation n’a été constatée jusqu’à présent.

Chaque élu cherche à lutter contre la pénurie d’énergie qui frappe notre pays. Il nous faut cependant préserver nos sites naturels d’une pollution visuelle et terrestre, en obligeant les opérateurs à procéder à un entretien rigoureux et rapide de ces installations.

Madame le ministre, que comptez-vous faire à ce sujet ? N’oublions pas qu’il est nécessaire d’emporter l’adhésion des élus si l’on veut développer l’utilisation des éoliennes !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Lherbier, vous m’interrogez sur la possibilité d’instaurer de nouvelles obligations de réparation ou de démantèlement des éoliennes endommagées préalablement à la construction et à l’installation de nouveaux appareils.

La crise actuelle nous rappelle l’importance de la maîtrise de notre production d’énergie. Nous devons mettre fin à notre dépendance énergétique vis-à-vis d’autres pays. C’est pourquoi le Gouvernement agit pour accélérer le développement des énergies non carbonées, à savoir les énergies renouvelables et l’énergie nucléaire.

La ministre de la transition énergétique a lancé un grand plan d’accélération des énergies renouvelables : son volet réglementaire comporte déjà près de trente textes entrés en vigueur depuis cet été ; son volet organisationnel est mis en œuvre par les services déconcentrés de l’État pour accélérer le traitement des projets.

Le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables constitue le volet législatif de ce grand plan. Il est actuellement examiné par l’Assemblée nationale après son adoption, à la quasi-unanimité, par le Sénat.

L’article 3 de ce texte, voté la semaine dernière par l’Assemblée, permettra d’instituer, dans tous les territoires, des zones d’accélération du développement d’énergies renouvelables.

Aux termes de son article 1er quinquies A, « en cas de renouvellement d’une installation de production d’énergie renouvelable, les incidences notables que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement sont appréciées au regard des incidences potentielles résultant de la modification ou de l’extension par rapport au projet initial ».

Il est donc légitime de s’interroger sur l’utilisation la plus efficiente possible des éoliennes et sur la manière dont elles peuvent être réparées ou démantelées. Le cadre réglementaire actuellement en vigueur se fonde sur l’arrêté ministériel du 26 août 2011, qui a été modifié le 10 décembre 2021 pour préciser que les obligations de démantèlement, jusqu’à l’excavation totale des fondations, s’appliquent aussi en cas de renouvellement d’un parc.

Par ailleurs, la France s’implique sur ce sujet à l’échelon européen. Un accord politique a été trouvé entre les ministres de l’énergie des États membres de l’Union européenne lors de la réunion du Conseil du 24 novembre dernier. Il fixe une durée maximale de six mois à la procédure d’octroi de permis pour les projets de repowering ; ce délai inclut toutes les évaluations des incidences de ces projets sur l’environnement. Cet accord devrait donner lieu à un règlement européen dans les toutes prochaines semaines.

mise à disposition du registre des procurations

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian, auteur de la question n° 279, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Madame la secrétaire d’État, l’article 3 de la Constitution dispose que le suffrage « est toujours universel, égal et secret ».

Dans le cas des élections sénatoriales des Français établis hors de France, l’atteinte que porte le vote par procuration au principe de secret du suffrage est plus que légitime et proportionnée.

L’article 53 de la loi du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France permet le vote par procuration. Son article 51 exige que la liste d’émargement reste déposée sur la table du bureau de vote pendant toute la durée des opérations de vote, mais ne prévoit nullement que ce registre doive être communiqué avant le vote.

Pourtant, le secrétariat de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE), qui organise cette élection, communique aux membres du collège électoral qui en font la demande le registre des procurations, avant le vote.

Ce registre dématérialisé, facilement communicable à des tiers, contient les noms des mandants et de leurs mandataires. Or, si l’on connaît la sensibilité politique du mandataire, qui doit obligatoirement faire partie du collège électoral – rappelons que celui-ci est très limité, puisqu’il n’est composé que de 533 grands électeurs –, il est aisé de deviner pour qui le mandant entend voter.

Il m’a été signalé à de multiples reprises que des reproches avaient été adressés à certains mandants à la suite de la communication de ce registre. Ces commentaires sont même allés jusqu’à provoquer l’établissement d’une nouvelle procuration, certains électeurs ayant eu peur de subir des représailles politiques.

Pour éviter les pressions, il me semble que la loi doit être interprétée strictement.

Ne serait-il pas possible, et même préférable, d’exiger de l’administration qu’elle limite la communication du registre des procurations à une simple consultation de la version imprimée de la liste d’émargement le jour du vote ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice Renaud-Garabedian, en 2022, pour les deux tours de l’élection présidentielle, puis des élections législatives, plus de 3,7 millions de procurations ont été établies par les Français.

Le vote par procuration constitue une dérogation, reconnue par le Conseil constitutionnel, au principe du vote secret et personnel. À ce titre, il fait l’objet d’une procédure encadrée et contrôlée, en particulier pour éviter toute fraude électorale.

Dans ce cadre, seul le registre des procurations permet à un électeur doutant de la régularité de l’établissement d’une procuration de soulever ce grief à l’appui d’une saisine du juge électoral.

Afin de garantir l’effectivité du contrôle des procurations par les électeurs, ce registre, désormais extrait du répertoire électoral unique (REU), comprend toujours les noms et prénoms du mandant et du mandataire, ainsi que l’identité et la qualité de l’autorité qui a établi la procuration, la date et le lieu de son établissement, et la durée de validité de la procuration.

Ces éléments sont des garanties tant pour les électeurs qui souhaiteraient introduire un recours que pour les membres du bureau de vote, car ils leur permettent de contrôler la véracité des procurations et ainsi la transparence et la sincérité du scrutin. Le registre est un instrument indispensable pour examiner à la fois les identités des mandants et des mandataires et le respect du plafond des procurations.

Dès lors, la mise à disposition du registre des procurations, même dans le cas que vous évoquez d’un collège électoral peu nombreux, est indispensable.

Néanmoins, pour répondre précisément à votre interrogation, le seul fait de pouvoir identifier le mandant et le mandataire d’une procuration sur le registre des procurations ne saurait constituer une atteinte au secret du vote, dans la mesure où cette identification ne conduit pas à une divulgation réelle du choix de l’électeur.

Si un électeur se trouvait être soumis à des pressions, il devrait saisir sans attendre le juge électoral, qui est compétent pour rechercher si d’éventuelles manœuvres ont été de nature à altérer la sincérité du scrutin.

C’est pour ces raisons, madame la sénatrice, que le Gouvernement n’envisage pas de supprimer les mentions relatives aux noms et prénoms des mandataires sur le registre des procurations.

nouvelles mesures pour le financement du permis de conduire

M. le président. La parole est à M. Pascal Martin, auteur de la question n° 090, transmise à Mme la ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.

M. Pascal Martin. Madame la secrétaire d’État, comme vous le savez, le permis de conduire est, pour les jeunes, un véritable passeport vers l’autonomie.

Il se révèle vital pour ceux qui résident dans des zones rurales ou périurbaines, là où les Français ne peuvent compter que sur des solutions de transport personnelles pour leur vie sociale, scolaire et professionnelle.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à une double réalité : d’un côté, les mesures mises en place pour faire baisser le prix du permis de conduire ne sont pas suffisamment opérantes ; de l’autre, les écoles de conduite voient leurs frais augmenter drastiquement du fait de l’inflation.

Seule une action concrète sur les financements permettrait d’aider les jeunes à accéder à la mobilité et à l’emploi.

Les professionnels proposent de mettre en œuvre une mesure utile, qui profiterait à la grande majorité des jeunes et aurait un impact financier limité pour l’État : la portabilité du compte personnel de formation (CPF) au sein de la cellule familiale.

Ainsi, les parents pourraient utiliser tout ou partie des sommes créditées sur leur compte personnel de formation pour financer la formation de leurs enfants au permis de conduire.

Sur le modèle de la portabilité d’autres droits acquis, tels que les pensions de réversion, ou encore les congés et jours de RTT, on renforcerait ainsi l’efficacité du CPF, qui connaît certes un fort engouement, mais ne bénéficie pas toujours à ceux qui en auraient le plus besoin, notamment les jeunes âgés de 16 à 24 ans.

Cette mesure renforcerait la solidarité intergénérationnelle en concentrant l’allocation des ressources des travailleurs sur un enjeu d’emploi, d’égalité et de justice sociale.

Je vous demande, madame la secrétaire d’État, de bien vouloir me préciser votre position sur ce sujet.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Pascal Martin, le dispositif du compte personnel de formation, tel qu’il est conçu, offre des droits attachés à chaque personne tout au long de sa carrière professionnelle ; il constitue un réel progrès social.

En effet, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a instauré un droit individuel utilisable par tout salarié, tout au long de sa vie active, y compris en période de recherche d’emploi, pour suivre une formation certifiante. Le CPF est alimenté automatiquement au début de l’année qui suit l’année travaillée et les droits qui y sont afférents restent acquis même en cas de changement d’employeur.

Ces droits sont ainsi rattachés au salarié tout au long de sa vie professionnelle ; à ce titre, ils ne peuvent faire l’objet d’un don. Ils s’appuient sur un fonds mutualisé, issu de la contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance, obligatoirement versée par les entreprises, qui permet aujourd’hui le financement de plus de deux millions de comptes par an.

L’initiative que vous proposez pourrait être intéressante, mais les droits au CPF reposent sur cette contribution qui vise à couvrir les demandes des bénéficiaires s’inscrivant dans une démarche individuelle de formation ; à ce titre, ils ne peuvent devenir cessibles.

La formation au permis de conduire est aujourd’hui une action éligible au CPF, dans la mesure où elle contribue à la réalisation ou à la sécurisation du projet professionnel du titulaire du compte.

En outre, le Gouvernement a développé plusieurs aides afin d’accompagner les jeunes de 15 à 25 ans, les apprentis d’au moins 18 ans, les demandeurs d’emploi et les personnes en situation de handicap dans le financement de leur permis de conduire.

Par exemple, chaque jeune de 15 à 25 ans peut bénéficier du dispositif « permis à 1 euro par jour », qui permet un échelonnement du paiement de cette formation, sans intérêt et avec des mensualités plafonnées à 30 euros.

M. le président. La parole est à M. Pascal Martin, pour la réplique.

M. Pascal Martin. Madame la secrétaire d’État, le CPF est un progrès social, c’est incontestable. Il conviendrait selon moi d’envisager de le rendre cessible.

En effet, même si des collectivités, et notamment certaines communes, font des efforts d’accompagnement pour les jeunes, il n’en reste pas moins que, pour ceux d’entre eux qui connaissent de vraies difficultés, cette solution serait tout à fait intéressante.

législation sur les forêts cinéraires

M. le président. La parole est à Mme Elsa Schalck, auteure de la question n° 021, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Mme Elsa Schalck. Madame la secrétaire d’État, je souhaiterais vous interroger sur une évolution de société qu’appellent de leurs vœux de plus en plus de nos concitoyens et d’élus : pouvoir faire de la forêt sa dernière demeure.

Une forêt cinéraire est définie comme un site d’inhumation d’urnes funéraires biodégradables. Elle permet de vivre le deuil différemment, en offrant des lieux de mémoire et de recueillement en pleine nature, qui sont aussi pour les familles des défunts une alternative plus économique et écologique que les cimetières classiques. Cette approche prend également en compte le manque de places dans ces derniers. Comme dans un cimetière, chaque arbre d’une telle forêt devient une concession pérenne.

Les forêts cinéraires existent dans des pays européens voisins, à l’instar de la Suisse, du Luxembourg et de l’Allemagne, où la première forêt cinéraire a été inaugurée il y a déjà vingt et un ans et où l’on en recense actuellement une centaine.

Malheureusement, dans notre pays, la réglementation peut être bloquante, comme a pu nous le montrer l’exemple de la commune d’Arbas, en Haute-Garonne, dont le projet a été arrêté en raison de blocages administratifs dus à des contradictions au sein des services de l’État.

Ces contradictions résultent d’incompatibilités avec le droit funéraire en vigueur : en France, disperser les cendres d’un défunt en pleine nature est autorisé, mais l’opération doit être gratuite. En outre, une urne inhumée doit permettre la conservation des cendres, ce qui interdit en l’état les urnes biodégradables.

En Alsace, les communes sont de plus en plus nombreuses à vouloir disposer d’une forêt cinéraire et trouvent, à cette fin, d’autres solutions. C’est le cas de la commune de Muttersholtz, dans le Bas-Rhin, qui a décidé d’implanter une telle forêt grâce à des urnes fabriquées avec des matériaux naturels, comme le bois ou la pierre.

La commune d’Illkirch-Graffenstaden en fera de même sous peu en créant un jardin des souvenirs, qui permettra d’allier nature et lieu de mémoire.

Madame la secrétaire d’État, comment comptez-vous accompagner les communes qui s’engagent dans un projet de forêt cinéraire ? Envisagez-vous de préciser le cadre juridique pour de tels aménagements ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice Schalck, les projets de forêt cinéraire constituent des sites cinéraires dits « isolés », car ils sont situés hors d’un cimetière et ne sont pas contigus à un crématorium. La création et la gestion de ces sites reviennent exclusivement aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre.

Les projets que vous évoquez ne peuvent être mis en œuvre car ils sont incompatibles avec le droit funéraire en vigueur. En effet, l’inhumation d’une urne biodégradable dans ce type de site, après réservation d’un emplacement, revient à faire payer aux familles des prestations qui doivent être gratuites.

En l’état actuel du droit, la dispersion des cendres à l’issue de la crémation est notamment autorisée « en pleine nature ». Cette opération, qui peut par exemple s’effectuer au sein d’un espace naturel forestier, est gratuite, mais ne peut donner lieu à la matérialisation d’une sépulture.

Le Gouvernement reste toutefois attentif à cette situation et aux attentes des élus locaux souhaitant s’engager dans ces projets. Afin de les accompagner, les services de l’État demeurent à la disposition des collectivités qui souhaitent, dans le respect du droit en vigueur et en veillant à la protection des intérêts des familles et de la dignité des défunts, créer un site cinéraire isolé, à l’esthétique et au fonctionnement plus écologiques que les cimetières et les sites cinéraires traditionnels.

nécessaire réaffectation dans le nord-pas-de-calais d’un hélicoptère de la sécurité civile dragon 62

M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, auteur de la question n° 123, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Jean-François Rapin. Madame la secrétaire d’État, en 2015, les moyens de la sécurité civile du Pas-de-Calais se sont vus amputés par le transfert de l’hélicoptère Dragon 62, qui opérait sur le département, vers la Guyane. Je ne conteste pas ce transfert, la Guyane ayant besoin de moyens complémentaires de sécurité civile.

Néanmoins, le département du Pas-de-Calais revêt en ce moment un caractère particulier, notamment dans la zone du Touquet, où l’hélicoptère Dragon 62 était implanté.

En effet, vous le savez, sur ce littoral, plusieurs questions importantes se posent.

Tout d’abord, le tourisme évolue énormément : la fréquentation augmente de façon exponentielle. Or la confluence de trois estuaires implique des dangers substantiels, notamment liés aux marées montantes.

Par ailleurs, nous sommes confrontés au problème migratoire, dont l’enjeu est à la fois la surveillance des côtes et les interventions pour secours aux personnes.

Madame la secrétaire d’État, les élus du Pas-de-Calais, mais aussi les services de secours, qui le réclament souvent, souhaitent que soit de nouveau envisagée la réimplantation de cet hélicoptère sur l’aéroport du Touquet, au mieux sur une période annuelle, au pire sur une période estivale.

Dans le contexte de la renégociation du schéma d’implantation, que compte faire le Gouvernement pour ce département ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Rapin, la flotte d’hélicoptères de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) compte actuellement 35 hélicoptères – nombre qui sera porté à 37 d’ici à quelques jours.

L’acquisition de nouveaux appareils – deux en 2021 et deux en 2022 – a ainsi permis, dans un temps court, de résoudre en partie les difficultés liées aux défaillances du prestataire logistique et au vieillissement du parc d’hélicoptères EC145.

Mais l’équilibre reste fragile, entre la ressource humaine disponible et une ressource technique qui n’est pas encore optimale, à tel point qu’un détachement permanent est actuellement fermé depuis plus d’un an.

Dans le cadre du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), ont été actés le renouvellement de la flotte actuelle et l’atteinte d’un objectif cible de 40 appareils, objectif qui permettra de remplir le contrat opérationnel d’ouverture des bases et détachements existants en lien avec les ressources humaines disponibles.

Une étude sur l’implantation et la répartition actuelle des bases pourra alors être conduite, en lien avec les implantations des hélicoptères de la gendarmerie nationale et de celles des HéliSmur du service mobile d’urgence et de réanimation (Smur). Elle concernera bien entendu la faisabilité de l’ouverture d’une base dans la zone de défense nord.

Dans cette attente, je rappelle que la région Hauts-de-France dispose de sept hélicoptères, dont trois d’État. Ainsi, quatre HéliSmur sont implantés respectivement à Amiens, Arras, Laon et Lille, un EC135 et un Écureuil de la gendarmerie nationale sont implantés à Amiens et un Dauphin de la marine nationale au Touquet.

Ces implantations permettent donc de couvrir actuellement les besoins en l’absence d’hélicoptère de la sécurité civile.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour la réplique.

M. Jean-François Rapin. Merci de votre réponse, madame la secrétaire d’État. Je m’attendais à ce que vous dressiez un panel de ce qui existe dans les Hauts-de-France, mais, vous le savez, les interventions du service d’aide médicale urgente (Samu) ne sont pas les mêmes que celles de la sécurité civile.

Vous avez cité le Dauphin de la marine nationale : j’en suis heureux, mais je vous signale qu’il est actuellement impossible de coordonner les actions de la sécurité civile, du Samu et de la marine nationale. En effet, les heures d’intervention de cette dernière étant limitées, l’hélicoptère ne peut pas être mobilisé à tout instant.

situation de l’agence nationale du traitement informatisé des infractions

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, auteur de la question n° 236, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Didier Marie. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur le problème rencontré par la ville de Rouen dans le cadre de la dépénalisation du stationnement payant.

La collectivité fait usage de véhicules à lecteur automatique de plaques d’immatriculation pour sanctionner le non-paiement du stationnement. Elle a conclu une convention avec l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions (Antai), qui est chargée de l’envoi du forfait de post-stationnement à l’adresse de la carte grise des propriétaires de véhicules en défaut de paiement.

Si ce forfait de post-stationnement n’est pas acquitté dans les délais, la direction générale des finances publiques (DGFiP) adresse un avertissement avec une majoration à hauteur de 50 euros. Or c’est à cette étape de la procédure qu’un grand nombre d’usagers indiquent n’avoir pas reçu ce forfait de post-stationnement. Ceux-ci saisissent alors la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP), qui interroge à son tour l’Antai sur la preuve de l’envoi de ce forfait à l’adresse référencée sur la carte grise du requérant.

L’Agence n’apportant jamais la preuve demandée, la CCSP annule systématiquement la majoration et demande à la collectivité d’adresser à l’Antai cette décision d’annulation. Quand la CCSP annule la majoration ou la somme du forfait et de la majoration, l’Agence doit alors prévenir la DGFiP pour procéder au remboursement.

Toutefois, la collectivité a constaté que la décision d’annulation n’est pas systématiquement transmise à la DGFiP, car les requérants qui n’ont pas obtenu remboursement sollicitent la CCSP pour faire exécuter les décisions. La collectivité regrette l’illisibilité du processus et craint donc que cela n’aboutisse à des condamnations pécuniaires à son encontre.

Madame la secrétaire d’État, que compte entreprendre le Gouvernement pour simplifier les échanges entre l’ensemble de ces administrations et la commune ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat. Monsieur le sénateur Marie, l’Antai a été sollicitée, dès 2018, lors de la mise en place de la réforme du stationnement payant, pour proposer plusieurs services aux collectivités sur leur territoire.

L’Agence joue ainsi un rôle double : d’une part, elle assure, pour les collectivités qui en font le choix, l’édition et l’envoi des avis de paiement des forfaits de post-stationnement (FPS) ; d’autre part, elle émet le titre permettant la majoration de 50 euros pour le compte de l’État, si l’avis de paiement de FPS n’a pas été réglé dans un délai de trois mois.

En 2021, l’Agence a ainsi adressé plus de 11 millions d’avis de paiement de FPS pour le compte de différentes collectivités locales, dont environ 132 000 pour la ville de Rouen – chiffre à mettre en perspective avec les 52 millions de courriers traités annuellement par l’Antai.

Elle apportait jusqu’à présent les informations relatives à l’envoi des avis de paiement aux collectivités locales qui le lui demandaient ; charge à celles-ci de les relayer devant la CCSP pendant l’instruction des requêtes. Toutefois, la jurisprudence de cette juridiction administrative tend à ne pas reconnaître à ces informations la valeur de preuve de la notification.

Afin de trouver une solution à ce problème, l’Agence développe, depuis 2021, une interconnexion informatique avec la CCSP qui devrait permettre, à terme, la transmission des éléments de preuve quant à la notification des avis de paiement de FPS.

En ce qui concerne les décisions rendues par la CCSP, et contrairement à ce qui a pu être indiqué, l’Antai transmet systématiquement à la DGFiP les messages d’annulation de FPS envoyés par les collectivités.

Néanmoins, l’augmentation du nombre de requêtes déposées devant la CCSP au fil des ans – plus de 150 000 en 2021 – a mécaniquement allongé les délais de traitement des dossiers. Il peut se passer un délai important entre la contestation du FPS majoré et la prise de décision de la CCSP, pendant lequel des dossiers peuvent avoir été sortis pour archivage dans les trésoreries locales.

Par conséquent, les trésoreries doivent alors passer d’un traitement rapide et automatisé du remboursement à un traitement manuel qui allonge, par définition, les délais de remboursement.

transformation en projet de loi de la proposition de loi constitutionnelle visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, auteure de la question n° 307, transmise à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Mélanie Vogel. Madame la secrétaire d’État, vous le savez, lors d’un vote historique à l’Assemblée nationale le 24 novembre dernier, les députés ont adopté une proposition de loi constitutionnelle visant à introduire le droit à l’avortement dans la Constitution.

Cette proposition de loi, qui était portée par Mathilde Panot, a été adoptée grâce à des votes émanant de tous les groupes, validant une proposition de formulation commune à une écrasante majorité.

Le Gouvernement s’est déclaré, depuis la réélection d’Emmanuel Macron, favorable à cette modification de la Constitution – sa position ayant été contraire durant le premier mandat, je m’en félicite !

Ma question est la suivante : le Gouvernement compte-t-il déposer un projet de loi visant à inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution ?

En effet, il s’agirait du véhicule législatif le plus approprié, car le chemin parlementaire d’une proposition de loi ne nous permet pas d’adopter celle-ci en Congrès, et nous impose de passer par un référendum.

Or un référendum ne paraît ni nécessaire ni justifié sur le plan démocratique, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, 86 % de la population se déclare favorable à cette modification. Nous ne voyons donc pas pourquoi il serait absolument nécessaire d’organiser un référendum.

Par ailleurs, l’organisation d’un référendum coûte des dizaines de millions d’euros. À un moment où les finances publiques sont, nous dit-on, sous tension, pourquoi dépenserions-nous une telle somme pour poser aux Françaises et aux Français une question à laquelle nous connaissons déjà la réponse ?

Enfin, la tenue d’un référendum implique une campagne référendaire. Celle-ci se tiendrait alors pendant des mois, durant lesquels toutes les personnes qui s’opposent au droit à l’avortement disposeraient d’une tribune pour s’opposer à un droit pourtant défendu par une écrasante majorité des Françaises et des Français.

Je le redis, ma question est très simple : le Gouvernement déposera-t-il un projet de loi ? Attendez-vous un vote favorable du Sénat ou comptez-vous agir avant ? Surtout, si vous ne voulez pas agir en ce sens, pouvez-vous nous expliquer pourquoi car personne n’en comprend les raisons ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice Vogel, le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) pour nos concitoyennes est l’un de nos droits fondamentaux les plus absolus.

Nul – je dis bien nul – ne doit pouvoir retirer aux femmes le droit de disposer de leur corps. C’est pourquoi le Président de la République a annoncé, dès janvier dernier, vouloir l’inscrire dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

La décision choquante et incompréhensible de la Cour suprême outre-Atlantique n’a fait que renforcer notre volonté en ce sens. Certains diront que l’exemple américain n’a pas sa place en France. Certes, nos institutions fonctionnent différemment ; le droit à l’IVG est ici mieux protégé. Mais, de grâce, ne prenons pas de risque, car il suffira d’une crise pour que le droit des femmes soit remis en cause !

C’est pourquoi, comme l’ont annoncé la Première ministre et le garde des sceaux, le Gouvernement appuiera toutes les initiatives parlementaires engagées sur cette question. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait le 19 octobre dernier en soutenant avec force votre proposition de loi, madame la sénatrice. Malheureusement, ce texte, qui évoquait également la contraception, a été rejeté de seulement 17 voix – nous le regrettons.

Vous le savez, le 24 novembre dernier, le garde des sceaux a de nouveau répondu présent en soutenant la proposition de loi de la présidente Panot qui a, elle, été largement adoptée à l’Assemblée nationale, ce dont le Gouvernement se félicite.

Je note d’ailleurs que, pour concentrer nos efforts, la majorité et la présidente Aurore Bergé ont retiré leur proposition de loi.

Il revient désormais au Sénat de se prononcer sur la nouvelle version adoptée, qui est selon nous plus à même de faire consensus en ce qu’elle ne mentionne pas la contraception et renvoie à la loi.

En effet, je rappelle que, en matière de révision constitutionnelle, quel que ce soit le véhicule législatif – que ce soit une proposition de loi ou un projet de loi –, la règle est la même : il faut que les deux chambres donnent leur accord. Or cela ne semble pas être acquis à ce stade, en particulier en ce qui concerne la chambre dans laquelle nous nous trouvons.

Le Parlement est dans son rôle, le Gouvernement est dans le sien pour soutenir ces initiatives, qui sont engagées et cheminent, afin que le droit à l’IVG soit enfin protégé dans notre norme suprême.

situation de la filière gras périgourdine

M. le président. La parole est à M. Serge Mérillou, auteur de la question n° 293, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Serge Mérillou. Monsieur le ministre, Noël approche et, cette année, le foie gras du Périgord – et de bien d’autres régions – se fera malheureusement rare sur les tables. Symbole de l’excellence de notre gastronomie, la filière gras nage en plein cauchemar.

Le 6 décembre, trois nouveaux foyers d’influenza aviaire ont été détectés en Dordogne. Quelque 600 éleveurs du Périgord sont menacés, et avec eux toute une économie basée sur la vente directe ou l’agrotourisme. L’activité des acteurs de la filière périgourdine a été réduite de 60 % du fait de la grippe aviaire, alors que la crise sanitaire avait déjà entraîné une mise à l’arrêt de la production.

Plans de mise à l’abri, de claustration et d’abattage des bêtes… Ces moyens de lutte contre la propagation de l’épidémie sont efficaces, mais ne doivent pas constituer la panacée. Il nous faut un vaccin, et vite !

Face aux pertes colossales engendrées par cette épidémie, nous devons impérativement soutenir la filière. Les éleveurs sont pris à la gorge. Certains n’ont pas encore reçu le solde des abattages d’avril et sont de nouveau contraints de réduire leur nombre d’animaux…

Il y a véritablement urgence. Pourtant, les aides et subventions de l’État ne sont pas à la hauteur. Dépenses de mise aux normes, achat de nouveaux animaux, frais énergétiques en hausse : la filière est plus que jamais fragilisée.

Nous devons aller plus loin dans l’accompagnement des acteurs et dans la prise en charge totale des pertes, et ce dans des délais raisonnables.

Monsieur le ministre, le 7 décembre, vous disiez ici même qu’une partie de la filière aurait disparu sans les aides accordées l’année dernière. Personne ne le conteste. Toutefois, la situation a encore empiré et rien ne présage une embellie. Envisagez-vous de renforcer les aides accordées à la filière ? Avez-vous des précisions à apporter aux éleveurs concernant le vaccin ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Mérillou, merci de votre question, qui nous permet à nouveau de parler de cette filière durement touchée depuis des années et en particulier en 2022, avec des perspectives pour 2023 qui n’engagent pas à l’optimisme.

Tout d’abord, nous avons été obligés de renforcer les mesures de protection, en passant le niveau de risque à élevé sur tout le territoire national, bien que la zone du Sud-Ouest, et plus largement du Grand Ouest, soit particulièrement concernée, afin de pouvoir répondre aux demandes.

Ensuite, nous avons mobilisé des moyens financiers. Vous estimez, monsieur le sénateur, qu’ils ne sont pas à la hauteur… Il me semble qu’un montant de 1,1 milliard d’euros, sur un chiffre d’affaires de presque 7 milliards d’euros, représente tout de même des moyens importants.

Néanmoins, vous avez raison, les éleveurs sont confrontés à un problème de trésorerie, certains d’entre eux étant victimes pour la deuxième fois d’un épisode de grippe aviaire. J’ai donc décidé du versement d’une seconde avance à partir de la mi-janvier 2023, pour les éleveurs qui auront déposé un dossier de demande d’indemnisation avant la fin de l’année.

Nous ferons en sorte d’accélérer le processus pour permettre aux éleveurs de faire face, grâce aux dispositifs qui sont à l’œuvre, aux problèmes de trésorerie, ceux-ci constituant, me semble-t-il, la plus grande urgence.

Ensuite, à une échelle plus globale, nous devons travailler à dédensifier les élevages, comme cela a été fait, dans une partie de la région Sud-Ouest, au travers du plan Adour-Garonne, afin d’être plus résilients face aux épisodes de grippe aviaire. Je salue les travaux qui sont réalisés en ce sens avec la filière dans ce territoire ; ils ont vocation à être élargis au-delà de cette région une fois que nous aurons identifié les mesures à prendre.

Par ailleurs, la vaccination constitue évidemment un élément de réponse. Comme vous le savez, nous avons obtenu, sur ce sujet, de pouvoir mener une expérimentation dans cinq pays d’Europe, dont la France, où elle concerne particulièrement les palmipèdes.

Nous obtiendrons des réponses d’ici à la fin du mois de décembre ou au début du mois de janvier quant à la faisabilité de la vaccination. Ainsi, dès le début de l’année prochaine, je mettrai en place un plan définissant les moyens de déploiement de cette vaccination, afin de donner aux éleveurs des perspectives.

Il faudra également travailler sur les questions d’export, car nous devons nous mettre d’accord avec des pays tiers pour continuer à exporter malgré la vaccination – c’est ce à quoi je me suis employé pas plus tard qu’hier avec la Commission européenne.

augmentation alarmante du coût de l’électricité pour les agriculteurs

M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, auteure de la question n° 261, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Mme Martine Filleul. Monsieur le ministre, j’ai été interpellée par les agriculteurs de la commune de Wambaix, dans le département du Nord, qui m’ont exposé la situation alarmante qu’ils connaissent en raison de la hausse des coûts de l’énergie.

En effet, les plants de pommes de terre doivent être conservés dans des bâtiments frigorifiques à une température de 2 degrés, pendant plus de sept mois, avant d’être expédiés aux agriculteurs chargés de les planter.

L’électricité est donc un facteur de production crucial pour la filière. Les contrats arrivent à leur terme et le prix du kilowattheure sera revu fortement à la hausse.

La consommation de ces agriculteurs ne leur permet pas de bénéficier du bouclier tarifaire. Malgré des travaux d’isolation, les factures pourraient atteindre jusqu’à 500 % d’augmentation par rapport à 2021 – j’insiste, 500 % d’augmentation !

L’incapacité des agriculteurs à réfrigérer les plants entraînerait une chute de la production de pommes de terre. Or celle-ci est déjà réduite en raison de la crise du covid, de la multiplication des pucerons et des sécheresses de l’été 2022.

On le sait, le Nord est le premier producteur de ce produit populaire. Il en nourrit d’ailleurs des millions de Français, dont c’est l’aliment préféré. Dans ce seul département, des centaines d’agriculteurs pourraient voir leur production compromise.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour venir en aide à ces producteurs de pommes de terre ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Filleul, je vous remercie de votre question. Vous avez raison, votre région est importante, la production de semences de pommes de terre se situant en amont dans la chaîne de production agricole. Les dérèglements climatiques et la question énergétique ont des effets importants sur la filière.

Qu’avons-nous fait jusqu’à présent ?

Tout d’abord, nous avons essayé d’atténuer la hausse des prix de l’énergie, car c’est là le problème principal. Les producteurs de plants de pommes de terre et d’endives – les producteurs d’endives rencontrent des difficultés du même ordre – bénéficient de l’allégement à son minimum légal européen de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) et du mécanisme d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) qui leur permet d’accéder à un tarif plus bas que celui du marché général.

Ensuite, le plan de résilience a permis d’abonder dès cette année l’enveloppe des prises en charge des cotisations sociales à hauteur d’environ 60 millions d’euros supplémentaires pour les exploitations confrontées à des hausses de charges significatives.

Par ailleurs, nous travaillons encore actuellement sur des dispositifs complémentaires – Bruno Le Maire et Roland Lescure les ont évoqués – et bien ciblés sur des filières très spécifiques, dont vous avez décrit la saisonnalité des appels d’énergie. Il s’agit de leur permettre de passer ce cap énergétique. Nous réfléchissons à la fois à des mécanismes d’aide et à de nouveaux soutiens de trésorerie, soit des prêts, soit des prêts garantis par l’État (PGE) dans le cadre du PGE Résilience.

Il s’agit là de mesures d’urgence, comme celles que j’ai évoquées précédemment pour la filière du foie gras.

Enfin, comme vous le savez, j’ai lancé un plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes. La filière de la pomme de terre est une filière d’excellence en France. Il faut travailler à améliorer la résilience de ces filières à la fois face aux questions énergétiques – je pense à la décarbonation d’un certain nombre d’entre elles – et au dérèglement climatique, dont on a pu mesurer les effets cette année. Les sécheresses à répétition, en particulier, ont eu de lourds effets sur la production, et pas seulement sur la production de semences.

M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour la réplique.

Mme Martine Filleul. Monsieur le ministre, vous avez pris un certain nombre de mesures. Vous en annoncez de nouvelles : je m’en réjouis mais il faut les mettre en œuvre le plus rapidement possible, car les agriculteurs ont réellement besoin de votre aide. Notre souveraineté alimentaire est en jeu.

nouveau dispositif des mesures agroenvironnementales et climatiques dans le marais poitevin

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, auteur de la question n° 262, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Philippe Mouiller. Monsieur le ministre, ma question porte sur les futures mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec), en cours de finalisation et qui préoccupent les élus deux-sévriens ainsi que les acteurs du Marais poitevin.

Le Marais poitevin, zone humide de 110 000 hectares, est aménagé sur la totalité de sa surface et l’agriculture y occupe une place prépondérante. Les prairies naturelles humides constituent le principal habitat naturel à préserver.

Depuis plus de vingt ans, l’État, les collectivités territoriales, les gestionnaires et les chambres d’agriculture mettent en œuvre une stratégie de reconquête du Marais, l’objectif étant en particulier de préserver les prairies naturelles et de regagner des surfaces.

C’est pourquoi, en complément des moyens mobilisés par le parc naturel régional du Marais poitevin, les mesures agroenvironnementales jouent un rôle central dans la panoplie des outils qui permettent d’atteindre cet objectif.

À compter de 2023, ce dispositif doit faire l’objet d’une révision, qui nourrit l’inquiétude de l’ensemble des acteurs du Marais poitevin, et en premier lieu des agriculteurs.

Recentrés sur la zone humide du Marais, des éleveurs, notamment deux-sévriens, n’auront plus accès aux mesures agroenvironnementales. De plus, la réforme entraînera des lourdeurs administratives en raison de la mise en place de l’obligation de réaliser un diagnostic d’exploitation et d’élaborer un plan de gestion pour chaque parcelle engagée. L’exploitant agricole aura également l’obligation de suivre une formation dans les deux premières années de son contrat et d’enregistrer ses pratiques au fil de l’année.

Les budgets annoncés devraient être inférieurs à ceux qui ont été jusqu’à présent distribués dans le cadre du précédent dispositif. Compte tenu de la réduction des enveloppes, un plafonnement à 15 000 euros sera instauré en Nouvelle-Aquitaine et les plafonnements dans les Pays de la Loire seront probablement revus.

Les diminutions des montants perçus par les éleveurs auront des impacts sur la situation financière des exploitations, sur l’accélération de la diminution du nombre d’éleveurs et sur la gestion des prairies.

Concrètement, les montants des indemnités par hectare vont être revus à la baisse.

Pourriez-vous nous préciser, monsieur le ministre, les mesures que vous entendez prendre afin de préserver cette zone humide ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Le catalogue national des Maec annexé au plan stratégique national (PSN) a été élaboré dans le cadre d’une large concertation avec l’ensemble des parties prenantes.

Afin d’accompagner les agriculteurs selon leur niveau de performance environnementale initial, ce catalogue comprend plusieurs niveaux de mesures, adaptées à la diversité des contextes économiques, environnementaux et agronomiques des territoires – vous avez décrit les spécificités du vôtre, monsieur le sénateur.

Chaque cahier des charges du catalogue est assorti d’un montant unitaire national, qui permet de compenser les surcoûts et le manque à gagner résultant de la mise en œuvre des obligations prévues – c’est d’ailleurs le principe qui sous-tend ces mesures depuis très longtemps.

Ces montants ont fait l’objet d’une vérification par un organisme extérieur à l’administration, conformément à la réglementation européenne en vigueur.

En particulier, concernant la nouvelle Maec relative au maintien en eau des zones basses de prairies dans les marais, les calculs des surcoûts et du manque à gagner ont abouti à un montant de 216 euros par hectare et par an.

La différence de rémunération entre les mesures similaires dont pouvaient bénéficier jusqu’à présent les éleveurs du Marais poitevin et la nouvelle mesure du PSN provient d’une révision des modalités de calcul, qui prennent en compte les enjeux environnementaux, et seulement eux.

Les surcoûts liés aux pratiques de fertilisation ne sont effectivement plus rémunérés. Néanmoins, avec cette nouvelle méthode de calcul, toutes les surfaces de l’exploitation peuvent faire l’objet d’un engagement dans le cadre des mesures prévues, y compris les surfaces en bandes tampons le long des cours d’eau pour lesquelles il existe une interdiction de fertilisation du fait de la conditionnalité. La baisse du montant unitaire pourra donc être compensée par une augmentation des surfaces engagées des exploitations.

En outre, l’absence de rémunération de l’interdiction de fertilisation permet d’ouvrir la mesure à tout le territoire, y compris en zone vulnérable. Ces différents éléments ont fait l’objet de discussions avec les différentes parties prenantes.

Il convient enfin de noter que le cumul entre la Maec relative au maintien en eau des zones basses de prairies dans les marais et la Maec relative à la protection des espèces a été rendu possible à l’échelle de l’exploitation, mais aussi de la parcelle, ce qui permettra d’assurer une rémunération complémentaire aux agriculteurs.

J’ai bien pris note de votre remarque sur les éventuelles lourdeurs administratives, monsieur le sénateur. Je suis prêt à travailler sur ce sujet avec vous dans le cadre du déploiement de la politique agricole commune (PAC) 2023-2027.

Il n’est pas anormal, reconnaissons-le, que des éléments permettant d’attester que les mesures sur lesquelles l’agriculteur s’est engagé sont bien mises en œuvre, mais il faut veiller à alléger autant que possible les procédures administratives. On sait qu’il s’agit là d’un élément sensible pour les agriculteurs.

fiscalité applicable à l’intervention de tiers de confiance essentiels dans la mise en œuvre de l’accueil familial

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, auteure de la question n° 285, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Mme Catherine Deroche. Ma question porte sur la clarification du régime fiscal applicable à la solution adaptée et sécurisée de prise en charge des personnes en perte d’autonomie, qu’elles soient âgées et/ou en situation de handicap, qu’est l’accueil familial.

Selon la doctrine fiscale, les personnes contraintes de recourir à l’accueil familial bénéficient du maintien d’avantages fiscaux auxquels elles auraient eu droit, le cas échéant, si elles étaient restées chez elles en ayant recours à une aide à domicile.

Dans cette dernière hypothèse, les bénéficiaires ont droit à de nombreuses aides financières et les frais résultant de l’intervention d’un service d’aide à domicile ouvrent droit à un crédit d’impôt. Or ni la loi ni la doctrine ne précisent explicitement si le recours, par un bénéficiaire, à un organisme tiers permettant la coordination et la mise en œuvre d’un séjour en accueil familial, aux côtés des conseils départementaux, ouvre droit lui aussi à un crédit d’impôt.

Je souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Madame la sénatrice, je vous remercie pour cette question qui attire l’attention sur le soutien apporté par l’État aux familles en cas de perte d’autonomie de leurs proches.

Vous sollicitez en particulier une clarification publique de l’éligibilité au crédit d’impôt « services à la personne » (Cisap) des dépenses liées à ce que l’on appelle l’accueil familial.

L’accueil familial permet à une personne âgée ou handicapée d’être accueillie au domicile d’une personne rémunérée pour cette prestation. La personne hébergée signe avec l’accueillant familial un contrat qui fixe les conditions matérielles, humaines et financières de l’accueil. Le coût de l’accueil comprend différentes charges supportées par l’accueillant, comme la préparation des repas ou le repassage, ainsi que la rémunération de ce dernier. Comme vous le soulignez, ces prestations entrent pleinement dans le champ du crédit d’impôt.

En effet, afin de ne pas désavantager les personnes contraintes de recourir à l’accueil familial, ces dernières bénéficient du maintien des avantages fiscaux auxquels elles auraient eu droit, le cas échéant, si elles étaient restées chez elles en ayant recours à une aide à domicile. Elles sont ainsi éligibles au Cisap.

Concrètement, lorsque la pièce d’habitation au sein de la famille d’accueil constitue la résidence principale ou secondaire du bénéficiaire du crédit d’impôt, la rémunération de l’accueillant ouvre droit au Cisap.

La question que vous posez renvoie à une situation particulière, qui est celle des dépenses de coordination et d’intermédiation. Les activités visées peuvent être assurées par des plateformes de services à la personne, les groupements d’employeurs exclusivement dédiés aux services à la personne ou les unions et fédérations d’associations.

Comme cela est confirmé dans la circulaire du 11 avril 2019 relative à la déclaration et à l’agrément des organismes de services à la personne, les dépenses engagées en vue de financer les activités qui concourent directement et exclusivement à coordonner et à délivrer des services à la personne et qui sont rendues à la résidence du contribuable peuvent ouvrir droit au crédit d’impôt.

Par conséquent, je vous confirme que cette règle vaut également en cas d’accueil familial.

Les dépenses engagées au titre du recours à un organisme tiers permettant la coordination et la mise en œuvre de la délivrance de services à la personne éligibles au crédit d’impôt, dans le cadre d’un séjour en accueil familial, ouvrent elles-mêmes droit au crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, toutes autres conditions relatives au Cisap étant supposées être remplies.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique.

Mme Catherine Deroche. Je vous remercie de cette clarification, monsieur le ministre.

Alors que l’on attend la loi Grand Âge et que l’on sait qu’il est nécessaire de proposer un large éventail de solutions d’accueil pour les personnes en perte d’autonomie ou en situation de handicap, l’accueil familial a toute sa place. Lors d’un récent débat sur la fin de vie, on a vu combien les accueillants de personnes âgées étaient importants.

conséquences de la dissolution de novarhéna

M. le président. La parole est à M. Christian Klinger, auteur de la question n° 209, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Christian Klinger. Cette question, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, porte sur les conséquences de la dissolution de Novarhéna.

Novarhéna devait être un outil de « projet de territoire », lancé en grande pompe par le ministre de la transition écologique de l’époque et annoncé comme étant « la référence à l’échelle européenne en matière d’économie bas-carbone ». Était prévue la création d’un espace frontalier favorable aux entreprises françaises et allemandes, qui devait entraîner un volume d’affaires de 130 millions d’euros. Par ailleurs, une extension du port rhénan avait également été envisagée. Enfin, une nouvelle zone industrielle devait être créée.

Cette société devait donc être « la » locomotive de la reconversion du territoire de Fessenheim. Ce sera surtout un fiasco, qui aura coûté au passage un demi-million d’euros. Novarhéna devait permettre de remplacer les emplois détruits à la suite de la fermeture de Fessenheim. Nous ne connaîtrons malheureusement que des désillusions, car Novarhéna a été dissoute au mois d’octobre dernier.

Aujourd’hui, on sait que la fermeture de Fessenheim était une décision politique et idéologique, mais surtout une erreur alors que la centrale était sûre, rentable et qu’elle faisait vivre plus de 2 000 foyers.

Emmanuelle Wargon, alors secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique, avait annoncé que le Gouvernement « serait au rendez-vous au moment où l’arrêt de la centrale aura vraiment un impact ». Le rendez-vous est arrivé…

Monsieur le ministre, à quoi a servi ce demi-million d’euros ? Qu’envisagez-vous de faire pour recréer les 2 000 emplois perdus ? Quels projets sont envisagés pour ce territoire ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le sénateur Klinger, le fonctionnement de la centrale de Fessenheim a joué un rôle important pendant quarante ans dans l’économie et la vie du territoire.

L’annonce de la fermeture de la centrale a conduit à une remise en question profonde du modèle économique et social sur lequel le développement du territoire s’est appuyé ces dernières décennies. Le développement d’activités tournées vers l’industrie du futur, l’innovation, les énergies, la culture et l’agriculture constitue une réelle opportunité pour le Haut-Rhin.

Conformément à son ambition, l’État s’est engagé dans un projet de territoire pour accompagner la reconversion du territoire, améliorer sa desserte et en faire un modèle de transition et d’innovation. C’est dans ce cadre que la société d’économie mixte (SEM) Novarhéna a été créée en 2019, simultanément à la signature du projet de territoire.

Ce dernier a déjà donné lieu à de nombreuses concrétisations. Je pense à des projets photovoltaïques locaux et de méthanisation, à l’extension du port Colmar/Neuf-Brisach, dans lequel l’État est investisseur, ou au début du chantier d’aménagement de la zone d’activité de Novarhéna.

C’est précisément au regard de l’ambition que nous avons pour le territoire de Fessenheim que la décision de dissolution de la SEM a été prise, compte tenu de la faible surface auquel elle pouvait candidater. Cette décision ne remet nullement en cause le projet de territoire.

En effet, de nombreux autres projets sont à l’étude. Ils traduisent notre ambition constante pour l’avenir du territoire de Fessenheim, d’abord dans le domaine des transports. Je pense à la rénovation de la ligne de fret Colmar-Volgelsheim, au renforcement de la plateforme d’accélération vers l’industrie du futur du Centre technique des industries mécaniques (Cetim), à la ligne ferroviaire de voyageurs Colmar-Fribourg et à la reconstruction du dernier pont sur le Rhin, détruit lors de la Seconde Guerre mondiale. Cette ambition se traduit ensuite dans le secteur de l’énergie et de l’industrie, comme en témoigne le projet de technocentre porté par EDF.

Ce projet, conçu par EDF et Orano, permet, vous le savez, d’envisager le renforcement d’une économie circulaire au sein de la filière nucléaire. Il s’inscrit d’ailleurs bien dans la stratégie du Gouvernement en faveur de la filière nucléaire française, des moyens financiers importants ayant été engagés dans le cadre d’abord du plan de relance, puis du plan France 2030.

Innovation, reconversion : c’est notre défi collectif pour le territoire de Fessenheim, emblème des enjeux territoriaux de la transition écologique.

Je veux le dire ici : les perspectives économiques du territoire sont réelles et enthousiasmantes. Elles permettront au territoire de se diversifier tout en s’appuyant sur sa riche histoire dans le nucléaire. Soyez assuré, monsieur le sénateur, de la mobilisation du Gouvernement sur ce dossier.

M. le président. Je vous rappelle que vous disposez de deux minutes pour répondre à la question, monsieur le ministre délégué.

La parole est à M. Christian Klinger, pour la réplique.

M. Christian Klinger. Ce qui manque, ce sont des réalisations concrètes pour compenser les conséquences de l’arrêt de la centrale de Fessenheim, qui était le poumon économique du territoire.

Je rappelle que cette centrale permettait de produire 1 800 mégawatts d’énergie bas-carbone. Or nous importons actuellement 2 600 mégawatts de Grande-Bretagne, 2 200 d’Espagne et 5 800 d’Allemagne, fabriqués à partir de charbon et de gaz. Nous avons vraiment perdu au change !

J’ajoute enfin que la pollution atmosphérique a été multipliée par huit à la suite de la remise en service des centrales électriques au charbon.

utilisation abusive de la location-gérance et droits des salariés

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, auteure de la question n° 275, transmise à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Mme Annie Le Houerou. Monsieur le ministre, ma question porte sur les effets possibles et redoutés du système de location-gérance mis en place par le groupe Carrefour et les risques que cette externalisation fait peser sur les salariés et sur leurs droits.

Dans le département des Côtes-d’Armor, Carrefour envisage de confier la gestion de son hypermarché de Langueux, près de Saint-Brieuc, à une entreprise tierce dans le cadre d’une location-gérance. Ce serait également le cas du site de Guingamp, le site de Paimpol étant déjà passé sous ce statut. À Trégueux, 230 salariés sont concernés et inquiets.

Les exemples se multiplient : en 2023, la direction de Carrefour prévoit de faire passer 41 magasins, dont 16 hypermarchés, en location-gérance.

La location-gérance permet au groupe Carrefour d’externaliser les salariés de ses magasins et donc de ne pas payer les salaires dans les mêmes conditions, tout en gardant la maîtrise sur l’enseigne, l’activité et les profits.

Il s’agit d’un système intéressant pour les dirigeants de Carrefour et ses actionnaires, mais beaucoup moins pour les salariés. Ces derniers ne pourront plus bénéficier des avantages sociaux de l’entreprise mère, ce qui entraînera leur précarisation, car ils ne seront plus protégés par la convention collective.

Alors que le groupe a présenté au mois de novembre son plan stratégique « Carrefour 2026 », qui doit notamment permettre de réaliser 4 milliards d’euros d’économies d’ici à quatre ans, Carrefour se veut rassurant en indiquant qu’aucune décision n’a encore été prise. Il rappelle que cette stratégie engagée depuis quelques années, qui consiste à passer en location-gérance des magasins déficitaires, permet d’éviter leur fermeture et donc des conséquences dommageables pour l’emploi.

De notre côté, nous sommes inquiets face au risque de casse sociale et de perte d’acquis sociaux pour ces salariés, et ce alors que la situation de Carrefour est positive, si l’on en juge par ses résultats et la rétribution des actionnaires.

Monsieur le ministre, comment le Gouvernement envisage-t-il d’encadrer le système de location-gérance afin d’éviter que des entreprises comme Carrefour n’en abusent, au détriment des salariés et de leurs droits ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Madame la sénatrice Annie Le Houerou, pour le droit du travail, la location-gérance constitue une forme de modification de la situation juridique de l’employeur.

Cette modification est encadrée et présente des garanties pour les salariés. En cas de location-gérance, tous les contrats de travail en cours subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. Ce contrat est utilisé par près de 2 000 entrepreneurs chaque année.

À jurisprudence constante, il ressort de l’analyse de la Cour de cassation que la mise en location-gérance de magasins du groupe Carrefour n’entraînera aucune modification des éléments essentiels du contrat de travail des salariés concernés par le transfert, notamment en matière de rémunération et de conditions de travail.

S’agissant du statut collectif, la location-gérance emporte la mise en cause des accords collectifs. En effet, les conventions et accords collectifs restent applicables à l’ensemble des salariés jusqu’à l’entrée en vigueur de conventions ou accords de substitution.

À défaut d’accord, les dispositions conventionnelles continuent à s’appliquer pendant un an à compter de l’expiration du préavis de trois mois, soit quinze mois au total. Si, au terme de ce délai, il n’a pas été conclu d’accord d’adaptation ou de substitution, les salariés bénéficient d’une garantie de rémunération dont le montant annuel ne peut être inférieur à la rémunération versée, en application de la convention ou de l’accord mis en cause, lors des douze derniers mois.

S’agissant de la convention collective de branche applicable, deux situations sont possibles. Si l’entreprise qui reprend l’activité est soumise à la même convention collective, il n’y a pas de changement pour le salarié, qui continue à en bénéficier. Si elle relève d’une convention collective différente, l’application de l’ancienne convention collective de branche des salariés transférés sera automatiquement remise en cause et cessera après un délai maximum de quinze mois.

Concernant la mise en location-gérance de magasins du groupe Carrefour, il est probable que l’activité reste la même. La convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire devra alors continuer de s’appliquer.

Il ressort ainsi que le cadre législatif existant de la location-gérance protège le droit des salariés tout en constituant une opportunité pour tous les entrepreneurs. Il n’apparaît donc pas nécessaire de modifier la législation en vigueur.

situation des boulangeries

M. le président. La parole est à M. Bruno Belin, auteur de la question n° 288, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.

M. Bruno Belin. Monsieur le ministre, alors que la baguette vient d’être sacralisée par l’Unesco, nos quelque 33 000 boulangeries subissent l’asphyxie de leur trésorerie, notamment en raison de la crise de l’énergie – chacun peut s’imaginer combien chambres froides et fours à pain sont énergivores.

Les boulangers sont les mineurs de fond de l’alimentation, et nous sommes au début de la haute saison, puisque les fêtes de fin d’année approchent, bientôt suivies par l’Épiphanie et Pâques. Nous devons donc trouver toutes les solutions susceptibles de les aider à traverser les six mois qui viennent.

Des pistes existent, sur lesquelles je souhaiterais connaître votre avis. Il est possible de reporter le remboursement des prêts garantis par l’État (PGE), ou encore de « réinjecter » la part de ces prêts déjà remboursée pour financer des travaux de rénovation énergétique. Je suis convaincu que nous devons également geler la TVA et toutes les contributions recouvrées par l’Urssaf.

Il faut également impliquer le monde bancaire : les banques ne doivent pas inquiéter, mais faciliter les choses. Peut-être faut-il mobiliser aussi les grandes enseignes, qui se targuent de vendre pour quelques centimes un produit aussi important dans notre culture et notre histoire. La grande distribution pourrait constituer un fonds abondant la trésorerie des boulangeries.

Bref, pour aider les boulangeries françaises, un nouveau « quoi qu’il en coûte » s’impose dans les mois qui viennent. Monsieur le ministre, quelles propositions concrètes le Gouvernement peut-il formuler pour ce secteur d’activité si important pour notre pays et nos territoires ?

Car l’on commence à voir, dans les tribunaux de commerce, que les boulangeries les plus fragiles sont les premières à craquer. Je pense par exemple à celles implantées en milieu rural, où elles sont d’une très grande utilité vu les difficultés de mobilité des habitants de ces territoires.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le sénateur Bruno Belin, je partage vos préoccupations sur la situation des boulangeries.

Depuis septembre, nous sommes en lien constant avec les entreprises et leurs représentants, et nous savons que celles qui ne sont pas éligibles au bouclier tarifaire font face à la hausse des coûts de l’énergie, qui s’ajoute à l’augmentation des coûts des matières premières.

Nous avons agi sur trois fronts.

D’abord, en exigeant des fournisseurs qu’ils adoptent des comportements responsables. Nous avons signé une charte pour que toutes les entreprises aient une offre adaptée.

Ensuite, en mobilisant l’appareil d’État pour répondre aux questions et besoins des entreprises. C’est le rôle, notamment, des conseillers départementaux à la sortie de crise.

Enfin, nous avons déployé des aides pour les entreprises concernées, qui s’ajoutent au mécanisme, déjà protecteur de nos entreprises, de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh). Ces aides ont été élaborées cet été et constamment améliorées depuis.

Bruno Le Maire a annoncé la décision prise récemment avec la Première ministre d’octroyer un soutien supplémentaire aux petites et moyennes entreprises (PME) consommant beaucoup d’énergie. À partir du 1er janvier 2023, deux dispositifs pourront se cumuler pour les entreprises les plus exposées.

D’abord, avec le dispositif amortisseur électricité, l’État prendra en charge directement une partie de la facture d’électricité au-dessus de 180 euros par mégawattheure. Ce dispositif bénéficiera à toutes les PME et très petites entreprises (TPE) non éligibles au bouclier tarifaire.

Ensuite, parmi ces entreprises, celles qui sont énergo-intensives et dont la facture, après prise en compte de l’amortisseur, représente plus de 3 % de leur chiffre d’affaires, auront accès à une aide versée par la direction générale des finances publiques. C’est un nouveau soutien de l’État, qui prendra donc à sa charge environ 35 % de la hausse de la facture d’électricité.

Certes, même après cette aide, la part de la hausse des coûts qui restera à la charge des entreprises sera importante. Les entrepreneurs le savent, tout comme ils savent que les efforts, substantiels, doivent être équitablement répartis. Tous font face à des choix compliqués de réorganisation de leur production ou d’établissement de leurs prix, par exemple.

Il est essentiel que les entreprises se saisissent des aides qui existent. Je vous encourage donc à diffuser la liste des conseillers départementaux à la sortie de crise aux entrepreneurs que vous rencontrez, afin que ceux-ci soient accompagnés dans cette période difficile.

menace sur la souveraineté agricole

M. le président. La parole est à M. Gilbert Bouchet, auteur de la question n° 249, transmise à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Gilbert Bouchet. Monsieur le ministre, ma question est relative à la situation très préoccupante dans laquelle se trouve le syndicat intercommunal d’irrigation drômois (SID), à la suite de l’augmentation du prix de l’électricité.

La Drôme est le premier département agricole de la région Auvergne-Rhône-Alpes, avec une production évaluée à 760 millions d’euros qui se traduit par plusieurs milliers d’emplois. Le SID regroupe 126 communes de la Drôme et deux communes d’Isère. Il gère, entre autres, 2 000 kilomètres de réseaux sous pression, des stations de pompage et des canaux d’irrigation. Sa consommation annuelle d’énergie électrique est, en 2022, de 67 gigawattheures. Alors que le SID doit conclure un nouveau contrat de fourniture d’électricité, il ne peut assumer le surcoût résultant de la flambée des prix de l’énergie.

À la suite de ma demande écrite, vous m’avez signalé que le SID serait éligible à l’amortisseur électricité. C’est une avancée, qui va lui permettre de plafonner le prix de l’électricité à 180 euros le mégawatheure, ce qui constitue un gain annuel de 3,6 millions d’euros.

Mais si ce gain est important, il n’est pas suffisant pour permettre aux exploitants d’assumer un coût d’irrigation trop élevé par rapport à leur gain de production. Et le profil de consommation du SID est particulier, puisque celle-ci est forte en été, hors période de tension sur les réseaux. Le syndicat souhaiterait donc obtenir un bouclier tarifaire spécifique aux consommations atypiques pour l’irrigation, afin de contenir l’augmentation du prix du mégawattheure à 30 % par rapport à 2022, avec un plafond à 120 euros le mégawattheure.

Que proposez-vous, monsieur le ministre, pour répondre à cet appel à l’aide ? Il faudrait une solution acceptable par tous, afin que l’augmentation du prix de l’électricité ne signe pas la fin de l’agriculture drômoise et de ses activités agroalimentaires connexes.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Merci pour votre question, monsieur le sénateur Gilbert Bouchet.

Vous le savez, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour faire face à la hausse des coûts de l’énergie. Au-delà des dispositifs mis en place, je souligne que nous appliquons une méthode qui a fait ses preuves : l’écoute. Comme pendant la crise sanitaire, les ministres de Bercy et l’ensemble des équipes du ministère, à Paris comme dans les départements, sont mobilisés pour répondre aux inquiétudes des entreprises, adapter les aides si besoin est, regarder ce qui peut être fait – bref, aider.

Concernant le SID, je sais que le ministre Bruno Le Maire a demandé à son cabinet de prendre contact avec vous, ce qui a été fait le 8 décembre dernier.

M. Gilbert Bouchet. C’est exact.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Vu le chiffre d’affaires et le nombre de ses salariés, le SID peut bénéficier des dispositifs mis en place par le Gouvernement. Pour 2022, il devrait donc toucher une aide de 1,5 million d’euros. Pour 2023, si la facture avoisine réellement les 30 millions d’euros, ce que le cabinet de Bruno Le Maire vérifiera sur les pièces que vous lui enverrez, il devrait bénéficier d’une aide de 6,5 millions d’euros.

Le ministère a publié le 6 décembre dernier les coordonnées de l’ensemble des interlocuteurs disponibles pour répondre à toutes les interrogations légitimes des entreprises, collectivités, associations et syndicats. Sur le site impot.gouv.fr, un ensemble de services – foire aux questions, simulateur de calcul des aides, modèles de documents – permet aux entreprises de s’informer sur les dispositifs et de trouver des renseignements précis en fonction de leur situation.

Par ailleurs, un numéro vert est disponible, le 0806 000 245. Et, dans chaque département, votre conseiller départemental à la sortie de crise est l’interlocuteur attitré. Comptez enfin sur l’engagement et la disponibilité totale des ministres de Bercy, de leurs équipes, et des services du ministère.

compensation de l’augmentation des indemnités des élus des petites communes

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, auteur de la question n° 282, transmise à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Frédérique Puissat. Monsieur le ministre, même si cette question n’est pas tout à fait dans votre champ de compétences, je sais que vous êtes, comme nous, sensible à l’engagement des conseillers municipaux, adjoints et maires de toutes les communes de France, et singulièrement de ceux des petites communes rurales, de moins de 500 habitants, qui disposent de peu de services administratifs et techniques.

De nombreux parlementaires ont déjà interrogé le Gouvernement sur l’évolution de la dotation particulière « élu local » (DPEL). L’enveloppe qui lui est consacrée a augmenté plusieurs fois depuis 2017. Mais la communication autour de la DPEL laissait entendre aux élus locaux que les indemnités désormais fixées au plafond seraient, sinon intégralement, du moins à hauteur de 80 % ou 90 %, compensées par l’État. Or la réalité est tout autre.

Je prendrai comme exemple la belle commune iséroise d’Oris-en-Rattier, qui compte moins de 500 habitants et dépense 22 000 euros par an pour payer les indemnités de ses élus – un maire et trois adjoints touchant 450 euros par mois environ, ce qui n’est pas démesuré. Or la compensation n’a pas augmenté depuis des années, et s’élève à 6 000 euros, ce qui laisse 16 000 euros – une somme importante – à la charge du budget communal.

Entre la réalité vécue par les élus et la communication, n’y a-t-il pas une différence ? N’y a-t-il pas là une difficulté sur laquelle nous devrions tous travailler ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Vous appelez l’attention du Gouvernement, madame la sénatrice Frédérique Puissat, sur la compensation de la revalorisation des indemnités de fonction des maires et des adjoints.

Conscient de l’implication permanente des élus locaux, le Gouvernement a souhaité revaloriser les plafonds de ces indemnités, en portant une attention particulière aux élus locaux des petites communes, dans le cadre de la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.

L’article 92 de ce texte a ainsi augmenté le barème indemnitaire des maires et des adjoints de 50 % dans les communes de moins de 500 habitants, de 30 % dans les communes de 500 à 999 habitants, et de 20 % dans les communes de 1 000 à 3 499 habitants.

Pour accompagner cette évolution, la loi de finances pour 2020 a augmenté de 28 millions d’euros la DPEL, portant son montant total à près de 93 millions d’euros, auxquels la loi de finances rectificative pour 2020 a ajouté 8 millions d’euros supplémentaires.

La DPEL constitue un soutien nécessaire que l’État apporte aux communes dont les moyens financiers sont les plus faibles. Ciblée sur les seules communes de moins de 1 000 habitants dont le potentiel financier par habitant ne dépasse pas 125 % de la moyenne, elle s’adresse aux communes rurales les moins peuplées, dont les budgets sont les plus contraints et qui disposent donc de marges de manœuvre réduites pour voter des indemnités à leurs maires et adjoints.

Cette dotation n’avait pas été augmentée depuis 2010. Les 36 millions d’euros supplémentaires votés en 2020 sont un véritable gage de reconnaissance de l’engagement de nos élus.

Par ailleurs, l’ensemble des communes sont bénéficiaires de l’augmentation de la dotation générale de fonctionnement prévue par le projet de loi de finances pour 2023, qui permettra de soutenir le financement de leurs dépenses de fonctionnement. Cette dotation sera en effet revalorisée de 320 millions d’euros, parmi lesquels 200 millions d’euros seront consacrés à l’augmentation de la dotation de solidarité rurale – dont bénéficie en 2022 la commune d’Oris-en-Rattier, à hauteur de 4 907 euros.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour la réplique.

Mme Frédérique Puissat. La commune d’Oris-en-Rattier va devenir célèbre !

Monsieur le ministre, entre les grands chiffres énoncés dans cet hémicycle et le ruissellement attendu dans les territoires, les différences sont parfois notables.

Une génération d’élus, plutôt sédentaires, va s’en aller, et nous aurons peut-être du mal à les remplacer. Sur ce sujet, nous sommes tous prêts à travailler. Or ces élus ont le sentiment de ne pas recevoir la reconnaissance qui leur est due… J’ai hésité à poser cette question mais je ne regrette pas de l’avoir fait, et je crois que d’autres parlementaires y reviendront. Nous ne devons pas évacuer ce sujet, et toujours nous assurer que le ruissellement est bien réel – y compris jusqu’à Oris-en-Rattier !

situation des secrétaires de mairie des plus petites communes

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, auteur de la question n° 246, adressée à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le ministre, pas une semaine ne s’achève sans que les maires et les élus municipaux, dont nous portons la voix au Sénat, soulignent l’importance cruciale de leur secrétaire de mairie pour mener à bien les chantiers de leur mandat.

Budget communal, documents administratifs et techniques, accueil des habitants, organisation du conseil municipal, gestion des ressources humaines sont autant de tâches pour lesquels les secrétaires de mairie sont essentiels. Dans nos petites communes rurales, ils sont l’incarnation de la République décentralisée.

Pourtant, ils sont en voie de disparition. Le déficit de reconnaissance s’est creusé d’année en année, et force est de constater que le métier a nettement perdu en attractivité et que nos élus municipaux peinent à pourvoir les postes laissés vacants, notamment à la suite de départs à la retraite.

Ce sujet de préoccupation croissante n’est pas nouveau en milieu rural. Il a été soulevé dès 2021 lors du déploiement des maisons France Services. Le ministère de la transformation et de la fonction publiques avait alors missionné l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) pour proposer des solutions.

Le 5 octobre 2021, l’AMF a présenté 26 préconisations pour réformer le métier, qui portent entre autres sur la modification du statut, l’élargissement de l’ouverture aux contractuels ou encore la création d’un regroupement d’employeurs.

Toutes ces questions liées à l’attractivité des carrières des secrétaires de mairie figuraient également parmi les chantiers de la Conférence sur les perspectives salariales de la fonction publique, qui s’est achevée en mars 2022.

Quelles sont les prochaines étapes envisagées par le Gouvernement pour améliorer les conditions d’exercice de ce métier en tension ? Quel est le calendrier envisagé pour leur mise en œuvre, fortement attendue sur le terrain ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser le ministre Stanislas Guerini, qui, ne pouvant être présent, m’a chargé de vous répondre.

Vous l’avez dit, les secrétaires de mairie jouent un rôle fondamental pour le bon fonctionnement de nos communes, notamment les plus rurales. Il existe déjà plusieurs outils à la main des maires pour mieux prendre en compte les conditions d’exercice de leurs fonctions, notamment pour gérer leur planning lorsque les intéressés sont employés à temps incomplet, dans les plus petites communes, et donc rattachés à plusieurs employeurs. C’est souvent le cas, et il faut continuer à accompagner au mieux ces situations pour répondre à la réalité des besoins des petites communes et permettre aux agents de bénéficier globalement d’une activité à temps plein.

Pour mieux reconnaître leurs responsabilités en termes de rémunération, les maires peuvent les faire bénéficier d’un régime indemnitaire pouvant aller, pour les catégories C, jusqu’à 12 600 euros brut annuels. C’est également pour mieux valoriser et reconnaître ce métier que le Gouvernement précédent a choisi de doubler, en février 2022, la nouvelle bonification indiciaire (NBI), attribuée aux secrétaires de mairie des communes de moins de 2 000 habitants, ce qui représente une augmentation de plus de 70 euros par mois.

Nous devons désormais aller plus loin en agissant sur le recrutement, la formation, la carrière et les parcours professionnels du métier de secrétaire de mairie.

Le chantier « parcours-rémunérations » que le ministre de la transformation et de la fonction publiques lancera en janvier 2023 permettra d’avancer sur ces sujets.

Au-delà des aspects statutaires, les secrétaires de mairie attendent également qu’on facilite leur quotidien et qu’on leur permette un meilleur accès aux formations, à l’information, et qu’on leur permette aussi de travailler davantage en réseau. Nous devons évidemment les aider en sens, surtout quand on sait que près de 40 % d’entre eux seront à la retraite d’ici à huit ans. Nous devons continuer à rendre ce métier attractif.

Les ministres Stanislas Guerini et Dominique Faure y travaillent activement, en lien étroit avec les employeurs territoriaux. Les propositions de l’AMF que vous évoquiez sont étudiées avec beaucoup d’attention par mes collègues, tout comme celles de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), ainsi que le travail mené par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG) ou encore Pôle emploi.

perspectives d’insertion des jeunes en outre-mer

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, auteure de la question n° 308, adressée à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

Mme Victoire Jasmin. Ma question, qui s’adresse au ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, concerne l’inadéquation entre l’offre de formation et les perspectives d’insertion des jeunes en outre-mer, et singulièrement en Guadeloupe. Il faut apporter des solutions aux entreprises, certes, mais aussi aux jeunes et à leurs familles.

Les récentes études de l’Insee sur la population en Guadeloupe montrent depuis plusieurs années une tendance au déclin démographique. Cette situation, hautement préoccupante, résulte d’une inversion de la courbe des naissances, d’un vieillissement généralisé de la population et d’une émigration massive des jeunes âgés de 18 à 35 ans – en âge de procréer, donc. Le dépeuplement est donc accentué par le départ de très nombreux jeunes, qui partent pour se former ou pour travailler dans l’Hexagone ou à l’étranger, et ne reviennent malheureusement pas.

Nous devons de surcroît porter une attention particulière aux femmes, qui pâtissent toujours de diverses discriminations à l’embauche et à la rémunération.

Nous pouvons résoudre ces problèmes si nous mettons les formations en adéquation avec les besoins des entreprises et des territoires.

Monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour mettre en place une offre de formation adaptée aux besoins de la Guadeloupe et de chaque territoire des outre-mer ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Madame la sénatrice, la question de la formation initiale et continue est capitale pour le développement des territoires ultramarins, en particulier de la Guadeloupe, dont vous avez rappelé l’important déficit démographique. Nous devons poursuivre nos efforts pour toujours mieux accompagner nos jeunes et les préparer aux compétences dont nos territoires ultramarins ont besoin.

L’apprentissage est l’un des leviers efficaces de formation des natifs sur leurs territoires, qui garantit de plus l’adéquation aux besoins des entreprises. Pour la Guadeloupe, ce ne sont pas moins de 2 570 apprentis qui se sont formés dans une entreprise du territoire, alors qu’ils n’étaient que 175 en 2017 !

Afin de permettre l’apprentissage de tous les gestes professionnels sans recourir à de la mobilité contrainte en métropole, nous allouons annuellement au conseil régional de Guadeloupe environ 6 millions d’euros pour soutenir les investissements et le fonctionnement des centres de formation d’apprentis (CFA). Par ailleurs, l’État s’engage durablement aux côtés des territoires pour le développement de l’apprentissage, en maintenant une aide à l’embauche d’apprentis de 6 000 euros, qui concernera bien entendu les entreprises de Guadeloupe.

La réforme que nous porterons sur le lycée professionnel s’accompagnera d’une réflexion sur la carte des formations pour ouvrir des filières davantage en adéquation avec le tissu économique du territoire et plus en cohérence avec les métiers de demain. L’État, via le plan France 2030, accompagnera les collectivités dans le renouvellement des plateaux techniques et la formation des professeurs aux métiers de demain pour accélérer le processus, garantir le maintien des jeunes sur les territoires et favoriser leur insertion dans les entreprises locales.

Par ailleurs, pour améliorer l’insertion professionnelle des jeunes, le contrat d’engagement jeune est déployé depuis le 1er mars 2022. Il vise à proposer un accompagnement adapté et personnalisé aux jeunes qui en ont besoin, avec une sécurisation financière quand cela est nécessaire.

Pour 2023, il est prévu de financer 300 000 entrées en contrat d’engagement jeune par le réseau des missions locales et de Pôle emploi.

Enfin, pour les jeunes les plus éloignés du service public de l’emploi, sans revenu et rencontrant des difficultés de plusieurs ordres, qu’elles soient sociales, éducatives ou de santé, des appels à projets régionaux ont été lancés et seront déployés sur l’ensemble du territoire.

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour la réplique.

Mme Victoire Jasmin. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. J’espère vraiment que des actions concrètes seront menées.

Au-delà des problèmes rencontrés par les jeunes à la recherche d’un emploi se pose aussi la question des stages, car beaucoup d’entreprises n’acceptent pas de jouer le jeu de la gratification. Je tenais à attirer votre attention également sur ce sujet.

report de la révision du règlement reach sur les substances chimiques

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, auteure de la question n° 243, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée de l’Europe.

Mme Laurence Rossignol. Nous avons appris voilà deux mois que, malgré des attentes fortes, la révision de la réglementation européenne sur les produits chimiques dite Reach pourrait être repoussée, probablement à la fin de l’année 2023. Dans les faits, elle risque fort d’être reportée après les élections européennes.

Cette annonce nourrit de grandes inquiétudes. Cela signifierait en effet que des décisions visant à exclure du marché européen des familles de produits chimiques dangereuses seront reportées d’autant.

Pourtant, depuis son entrée en vigueur en 2007, les nombreuses faiblesses du règlement Reach ont été régulièrement dénoncées, notamment la complexité et la lenteur des processus d’évaluation.

La révision de ce règlement est donc indispensable. Il s’agit notamment de permettre d’évaluer les produits chimiques non plus substance par substance, mais par famille de produits, d’identifier les perturbateurs endocriniens – un sujet important –, de prendre en compte l’exposition à des mélanges de substances en vue de limiter le risque d’effet cocktail, ou encore d’interdire certains usages par le grand public et les professionnels de substances dangereuses.

Il semblerait que la Commission européenne ait renoncé à faire avancer ce dossier sous la pression de certains acteurs économiques. De son côté, la France est bien silencieuse : à notre connaissance, elle n’a pris aucune position officielle sur le sujet, alors qu’elle était autrefois en pointe sur la question de la santé environnementale.

Monsieur le ministre, quelle est la position de la France ? Le Gouvernement est-il prêt à soutenir une révision rapide du règlement Reach ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Madame la sénatrice, la France s’est clairement positionnée sur le report de la révision de Reach. Dès le 4 octobre dernier, le ministre Christophe Béchu s’est joint à six ministres européens de l’environnement pour rédiger un courrier, consultable en ligne me semble-t-il, appelant la Commission à réviser rapidement le règlement.

Le 2 novembre, lors d’une audition au Sénat, mon collègue a clairement souligné la nécessité d’adopter un cadre plus contraignant avant les prochaines élections européennes, rappelant l’urgence de durcir nos règles, y compris pour que l’industrie chimique puisse se préparer, alors que les modifications du règlement ne prendront effet que cinq ans après la révision.

Le Gouvernement est conscient du caractère essentiel de cette révision pour la santé de nos concitoyens, préoccupés par la pollution chimique, et pour la protection de l’environnement. Il connaît également les inquiétudes de certains secteurs à l’égard des modifications qui pourraient être décidées et l’importance pour ces derniers d’avoir une visibilité sur le cadre à venir.

Soyez-en assurée, madame la sénatrice, la France continuera de plaider auprès de la Commission européenne et de ses partenaires européens, comme elle le fait déjà depuis des mois, pour une révision rapide du règlement Reach.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.

Mme Laurence Rossignol. Je vous remercie, monsieur le ministre. Il n’est pas suffisant que la France plaide, en se contentant d’une obligation de moyens. Il faut maintenant passer aux résultats.

La France n’est pas n’importe quel pays européen : elle pèse au sein de l’Union, notamment dans le domaine de la santé environnementale. Les ministres peuvent en outre compter sur le soutien des associations et des parlementaires engagés sur ces sujets.

Il est indispensable que la révision du règlement intervienne le plus tôt possible. Dans l’intervalle, les substances se diffusent et leur toxicité gagne un nombre toujours plus important d’habitants de nos pays.

handicap à l’école et pénurie d’accompagnants d’élèves en situation de handicap dans les alpes-maritimes

M. le président. La parole est à M. Bruno Belin, en remplacement de M. Philippe Tabarot, auteur de la question n° 303, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Bruno Belin. Madame la secrétaire d’État, je pose cette question au nom de mon collègue Philippe Tabarot, malheureusement contraint à l’isolement dans son département.

L’inclusion des élèves handicapés dans les Alpes-Maritimes est confrontée, comme sur l’ensemble du territoire national, à une crise sérieuse de l’accompagnement.

Entre précarisation et manque d’offre, son département connaît une pénurie d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH).

Sur les 8 536 élèves présentant un handicap dans les Alpes-Maritimes, 4 434 devraient bénéficier d’un soutien humain, pour seulement 1 545 AESH en poste.

Ces chiffres révèlent le désarroi des élèves et de leurs parents, qui ne peuvent se satisfaire de ne pas avoir le nombre d’heures correspondant aux droits ouverts par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), et parfois même de n’en avoir aucune.

La condition salariale des AESH est à l’inverse de l’attention que l’école devrait porter à l’autisme ou au polyhandicap. Une proposition de loi accélérant la possibilité de « CDIsation » des AESH a été récemment votée par le Sénat, qui l’a améliorée. Elle constitue une première avancée, mais surtout un appel lancé au Gouvernement pour qu’il mène sans tarder une réforme structurelle.

Madame la secrétaire d’État, une belle idée, aussi noble soit-elle, sera toujours insuffisante si elle ne se pare pas d’une ambition renforcée. La réalité vécue par les familles est plus proche aujourd’hui d’un parcours du désespoir que des vertus angéliques de papier.

En 2019, une circulaire promettait une rentrée « pleinement » inclusive. Alors que nous entamons dans quelques jours l’année 2023, des parents financent sur leurs deniers privés des AESH de temps scolaire, faute d’un meilleur accompagnement…

Quelle est aujourd’hui la position du Gouvernement sur cette question si sensible ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur le sénateur Belin, permettez-moi tout d’abord d’adresser mes vœux de prompt rétablissement au sénateur Tabarot.

Cette question extrêmement intéressante touche au regard que nous posons sur l’avenir de nos enfants et de nos adolescents.

Le système scolaire français accueille plus de 430 000 élèves en situation de handicap en classe ordinaire et mobilise aujourd’hui plus de 132 000 AESH, dont 4 000 recrutés à la rentrée 2022. Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit pour sa part 4 000 postes supplémentaires.

Le nombre d’accompagnants, qui sont essentiels pour ces enfants, est en augmentation constante, de 50 % entre 2017 et 2022. On compte aujourd’hui un AESH pour huit enseignants, ce métier étant devenu en quelques années le deuxième de l’éducation nationale en termes d’effectifs.

Toutefois, des manques peuvent encore perdurer, dans les Alpes-Maritimes – vous l’avez rappelé – comme dans d’autres territoires. Pour l’académie de Nice, la délégation de 60 AESH supplémentaires qui vient d’être accordée permettra d’améliorer le taux de couverture et de notification.

Je tiens également à rappeler que trois avancées majeures sont intervenues récemment pour l’attractivité de ce métier.

Premièrement, un amendement adopté lors du projet de loi de finances, avec l’avis favorable du Gouvernement, prévoit une augmentation salariale nette de 10 % de l’ensemble des AESH dès le 1er septembre 2023.

Deuxièmement, la prime REP et REP+ (réseaux d’éducation prioritaire) sera étendue aux AESH et aux assistants d’éducation (AED).

Troisièmement, nous nous engageons, conformément à un engagement du Président de la République, à favoriser l’accès au temps complet des AESH, car il est essentiel de lutter contre la précarisation de ces personnels. Les services de l’éducation nationale travaillent d’arrache-pied pour leur proposer d’élargir leurs missions.

En conclusion, je soulignerai comme vous, monsieur le sénateur, que la proposition de loi Victory, qui permet à ces personnels d’obtenir un CDI après un premier contrat de trois ans, a été votée à l’unanimité.

Comme vous le constatez, il me semble que nous sommes sur le bon chemin pour accompagner les élèves en situation de handicap.

M. le président. La parole est à M. Bruno Belin, pour la réplique.

M. Bruno Belin. Dans les Alpes-Maritimes comme ailleurs, Philippe Tabarot constate surtout une promesse politique déçue, rattrapée par une réalité : celle de l’appauvrissement de la politique d’inclusion à l’école.

ségrégation scolaire

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, auteur de la question n° 300, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la secrétaire d’État, le ministère de l’éducation nationale a tardé à publier les indices de position sociale (IPS) des écoles élémentaires et collèges français. Il a finalement été contraint de le faire par la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada).

Pourquoi nous avoir caché ces chiffres ? Sans doute car ils sont catastrophiques ! Ils montrent qu’il existe aujourd’hui une très forte ségrégation sociale dans nos établissements scolaires. Pour le dire de façon quelque peu abrupte, les riches vont dans des écoles de riches, les pauvres dans des écoles de pauvres… C’est la triste réalité.

Dans les Hauts-de-Seine, les quinze collèges à l’IPS le plus faible sont des établissements publics, tandis que les quinze collèges à l’IPS le plus élevé sont des établissements privés. Cette ségrégation scolaire renforce les phénomènes connus de ségrégation sociale et territoriale. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a d’ailleurs montré que le système éducatif français était l’un des systèmes occidentaux les plus injustes socialement.

Que peut-on faire, que pouvez-vous faire, madame la secrétaire d’État, pour changer les choses ?

Sachant que 73 % du budget des établissements privés sous contrat est fourni par l’État, ce dernier ne pourrait-il pas conditionner son aide à l’atteinte d’objectifs de mixité sociale ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur le sénateur Ouzoulias, l’école de la République est évidemment le premier lieu où nos jeunesses doivent se rencontrer, quelles que soient leurs origines, leurs situations sociales ou culturelles.

L’école doit offrir à tous les mêmes opportunités. Et pour que cette égalité des chances devienne réalité, il faut lutter contre le déterminisme, et donc contre le manque de mixité.

Parce que ce sujet lui tient à cœur, dès sa prise de fonction, le ministre de l’éducation nationale Pap Ndiaye a choisi de faire de la mixité sociale sa priorité d’action.

Dans la circulaire de rentrée 2022, il a posé une première brique en demandant aux recteurs de fixer des objectifs de progression de la mixité sociale dans les établissements. Plusieurs leviers ont été activés.

Tout d’abord, des offres pédagogiques attractives ont été proposées dans les établissements défavorisés. Ainsi, plus de 43 nouvelles sections internationales ont été créées à la rentrée scolaire 2022 dans des collèges figurant parmi les plus défavorisés de 21 académies. La même démarche s’applique pour des classes à horaires aménagés – danse, théâtre et sections sportives –, ou encore pour des classes bilingues.

Ensuite, l’action du ministère de l’éducation nationale s’est portée sur la mixité au sein des lycées et des collèges. Depuis la rentrée scolaire 2021, 94 lycées publics parmi les plus favorisés identifiés par les académies se sont vus attribuer des objectifs de progression de leur taux d’élèves boursiers. Depuis la rentrée 2022, cette action a été étendue à 230 collèges. Ces mesures doivent s’inscrire dans la durée et être amplifiées.

Enfin, le nerf de la guerre réside dans le travail sur la sectorisation et l’affectation, qui permet de corriger les effets de la ségrégation – pour reprendre un terme que vous avez employé – par l’habitat. Tel est notamment l’objectif des opérations portant sur la redéfinition de la carte scolaire – un sujet très débattu ! –, qu’il s’agisse de définir des secteurs multicollèges ou de revoir certaines sectorisations.

Vous avez raison, monsieur le sénateur, il est aussi possible d’engager des discussions avec l’enseignement privé ; il ne faut pas avoir de tabou. L’action en faveur de la mixité sociale à l’école n’a de sens que si elle est globale, partenariale et ancrée dans la réalité de nos territoires.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour la réplique.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la secrétaire d’État, j’entends votre réponse, mais je constate une différence de traitement : au public, vous fixez des engagements ; avec le privé, vous engagez des négociations…

J’aurais aimé que vous me répondiez que vous alliez rectifier certaines choses, notamment pour que l’enseignement privé intègre la sectorisation – il permet aujourd’hui de la contourner. Les paroles ne suffisent plus, madame la secrétaire d’État, nous voulons des actes.

situation des conseillers pédagogiques

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Michau, auteur de la question n° 283, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Jean-Jacques Michau. Madame la secrétaire d’État, permettez-moi d’attirer votre attention sur la situation des conseillers pédagogiques du premier degré qui interviennent dans l’accompagnement et la formation des enseignants et qui participent à la mise en œuvre de la politique éducative nationale.

J’ai en effet été interpellé directement par l’Association nationale des conseillers pédagogiques et autres formateurs, qui s’inquiète de l’évolution des missions de ses adhérents.

Depuis plusieurs années se manifeste un désintérêt grandissant pour ces fonctions. Elle s’explique par une charge de travail croissante due à une accumulation de tâches administratives, à la mise en œuvre d’un ambitieux plan de formation nationale continue des professeurs des écoles, à l’accompagnement et à la formation des contractuels, de plus en plus nombreux, ainsi qu’à un manque d’attractivité financière du métier.

Face à cette situation, les enseignants se détournent des missions de formateurs du premier degré, beaucoup invoquant leur manque de formation ou une qualité de vie au travail qui se dégrade, allant parfois jusqu’au mal-être professionnel.

Il est regrettable de constater le nombre croissant de postes de conseillers pédagogiques vacants ou occupés à titre provisoire par des non-titulaires du diplôme requis. Une démarche de compensation indemnitaire a certes été engagée, mais elle n’a pas bénéficié à tous les conseillers pédagogiques.

Je souhaiterais donc connaître les moyens qui seront engagés pour renforcer la place centrale des conseillers pédagogiques dans le bon fonctionnement du système éducatif et éviter que des enseignants expérimentés et diplômés ne se détournent de ces missions.

De même, je vous serais reconnaissant de me faire savoir quelle « revalorisation des conditions salariales des conseillers pédagogiques » pourrait être envisagée, avec l’ambition de promouvoir une école de la réussite pour tous les élèves.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur le sénateur Michau, vous avez raison, les missions de formation et d’accompagnement des enseignants, des directeurs d’école et de l’ensemble des équipes pédagogiques du premier degré remplies par les conseillers pédagogiques sont essentielles au bon fonctionnement de nos écoles.

Ces conseillers assurent la jonction entre les écoles et le pilotage départemental. Ils accompagnent les équipes pédagogiques en leur qualité d’experts, promeuvent le travail collectif et les pratiques innovantes, mettent en œuvre la formation initiale et continue des professeurs des écoles.

Afin de reconnaître leur engagement et l’importance de leurs missions, nous avons revalorisé l’indemnité de fonctions dont ils bénéficient de 500 euros, afin de la porter à 1 500 euros annuels, depuis le 1er janvier 2022. Cette indemnité sera de nouveau augmentée de 1 000 euros annuels à compter du 1er janvier 2023. En portant cette indemnité à 2 500 euros annuels, le ministère entend ainsi renforcer l’attractivité de ces fonctions. Il faut aussi y ajouter la nouvelle bonification indiciaire, soit un régime indemnitaire annuel de 4 071 euros brut au total.

Par ailleurs, les conseillers pédagogiques assurant l’animation pédagogique au sein des REP et REP+ vont bénéficier, à compter du 1er janvier 2023, de l’extension de leur indemnité de fonctions. Les textes ont été publiés au Journal officiel du 9 décembre 2022. À compter du 1er janvier 2023, ils toucheront donc 3 302 euros annuels en part fixe, auxquels s’ajouteront en part modulable 500 euros annuels en REP et 702 euros en REP+.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse a engagé un processus volontaire et ambitieux de revalorisation indemnitaire pour rendre plus attractives ces fonctions.

prise en charge des activités physiques adaptées par l’assurance maladie et stratégie nationale pour le sport-santé et bien-être

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, auteur de la question n° 294, adressée à Mme la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.

M. Jean-Jacques Lozach. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur la politique gouvernementale en matière de sport-santé et bien-être.

Les bénéfices des activités physiques et sportives (APS) sur la santé des Français sont documentés, démontrés et reconnus. Pratiquées à tous les âges de la vie, ces dernières participent, entre autres, à la prévention collective et individuelle des pathologies, des traumatismes et de la perte d’autonomie.

La dynamique des jeux Olympiques de 2024, attribués en septembre 2017, aurait pu être le catalyseur de politiques publiques de prévention plus ambitieuses, innovantes et véritablement inclusives, qui soient en mesure de répondre aux chocs de santé publique que nous subissons.

En effet, la sédentarité, accentuée par la crise sanitaire, frappe toutes les catégories d’âge, et plus sévèrement les classes populaires et les jeunes. Les temps d’exposition aux écrans explosent lorsque ceux qui sont consacrés à la pratique sportive se tassent. Cela favorise l’obésité et la mortalité prématurée.

Par ailleurs, le renforcement de la place faite aux APS à l’école, du premier degré jusqu’à l’enseignement supérieur, est une impérieuse nécessité.

Les trente minutes d’activité physique quotidienne (APQ), consacrées dans la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France, et effectives depuis la rentrée de septembre dernier, marquent une première étape. Une mission sénatoriale veillera dans les prochaines semaines à l’effectivité de leur généralisation.

Enfin, le défi de la dépendance et l’objectif d’allongement de l’espérance de vie en bonne santé passeront par la réduction du nombre de chutes, ainsi que par une meilleure gestion de la baisse des capacités cardio-respiratoires et de la perte de masse musculaire.

Le rôle des activités physiques thérapeutiques dites adaptées est prépondérant pour traiter certaines maladies chroniques ou faire face à la perte d’autonomie.

À ce titre, faut-il aller plus loin, madame la secrétaire d’État, que le remboursement de la prescription d’activité physique adaptée (APA) et systématiser le remboursement par l’assurance maladie ? Des expérimentations sont-elles en cours ? Des scénarios différents de prise en charge financière sont-ils envisagés ?

Nous pensons que le remboursement est à la fois la condition du déploiement de l’APA à une plus large échelle et le geste politique central de rupture pour lequel œuvrer.

À cet égard, où en est le rapport prévu à l’article 3 de la loi précitée ? Ce rapport, censé traiter la question de la prise en charge des APA médicalement prescrites, aurait dû être remis en septembre 2022.

Enfin, les maisons sport-santé (MSS) disposent-elles à ce stade des moyens suffisants pour remplir leur mission de pilote et de coordinateur des APA dans les territoires ? Je pense notamment au volet formation.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur le sénateur Lozach, je vous transmets la réponse de la ministre des sports.

Vous soulignez à juste titre que les bienfaits de l’activité physique sur la santé sont aujourd’hui scientifiquement démontrés et éprouvés – le débat est clos sur ce sujet –, aussi bien pour la prévention que pour l’amélioration de la qualité de vie des patients atteints de pathologies chroniques.

La Haute Autorité de santé rappelle régulièrement que l’activité physique constitue une thérapie non médicamenteuse, permettant par exemple de réduire les risques de développement du cancer du sein, du colon et de la vessie, mais également les effets secondaires de nombreuses pathologies lourdes.

C’est pourquoi le Gouvernement a engagé, dès 2019, une stratégie nationale sport-santé destinée à promouvoir, à tout âge, l’activité physique comme un outil accessible à tous et permettant de préserver son capital santé.

C’est dans cet esprit que la loi du 2 mars 2022 a ouvert la prescription d’activité physique adaptée à l’ensemble des médecins et élargi le champ d’application aux personnes atteintes de maladies chroniques ou présentant des facteurs de risque, ainsi qu’aux personnes en situation de perte d’autonomie.

Cette même loi prévoit la remise au Parlement d’un rapport sur la prise en charge de l’APA, qui vous sera communiqué – on me l’a garanti, monsieur le sénateur – dans les prochains jours.

Aujourd’hui, en cohérence avec la décision du Président de la République de faire du sport la grande cause nationale 2024, le Gouvernement est prêt à aller plus loin.

Aussi, la ministre des sports et le ministre de la santé et de la prévention ont confié au docteur Dominique Delandre une mission visant à formuler des propositions pour accélérer le développement du sport-santé.

Cette mission se penchera notamment sur les 26 expérimentations dites « article 51 », qui permettent de proposer aux patients une prise en charge de l’activité physique adaptée. Le bilan qui en sera réalisé permettra au Gouvernement d’envisager de nouvelles mesures dans les prochains mois.

Monsieur le sénateur, vous pouvez compter sur nous pour aller plus loin.

projet d’unité mobile de néonatalogie de l’hôpital sainte-musse de toulon

M. le président. La parole est à M. André Guiol, auteur de la question n° 291, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. André Guiol. Madame la ministre, l’architecture actuelle des services de néonatalogie des hôpitaux ne permet pas la présence permanente des parents auprès de leur bébé hospitalisé, alors même que cette présence est prévue dans la nouvelle charte du nouveau-né hospitalisé, établie par le Gouvernement en novembre 2021.

Dans un contexte de surcharge des services de santé causée, premièrement, par la pandémie de covid et par les épidémies de bronchiolite et de grippe, deuxièmement, par le manque d’attractivité des professions de santé, lui-même lié à des conditions de travail difficiles et à l’insuffisance de la reconnaissance salariale, et, enfin, troisièmement, par la carence de médecins, de pédiatres spécialisés et de personnel paramédical en puériculture, toute organisation nouvelle permettant de soulager ces services serait opportune et bienvenue.

Un certain nombre de professionnels particulièrement impliqués dans les services néonatals proposent de mettre en place une équipe mobile de néonatalogie pour permettre un retour précoce des enfants et de leur famille à la maison.

La proposition, déjà très élaborée et affinée par l’équipe du centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer, a fait l’objet d’un courrier adressé au ministre de la santé et de la prévention, qui est resté à ce jour sans réponse.

Devant l’importance de cette proposition, j’ai également saisi les services de Mme la Première ministre et j’en ai fait l’objet de la question de ce jour.

Le sud de la France étant déjà peu pourvu en services de néonatalogie au regard de sa population, je vous remercie, madame la ministre, de prendre en considération cette proposition d’équipe mobile, en raison des avantages considérables que cette alternative à l’hospitalisation traditionnelle offrirait aux familles. Elle pourrait être mise en place, peut-être à titre expérimental, au centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer.

Cet hôpital dispose de l’unique service de médecine néonatale de type 2B – c’est-à-dire comportant des lits de soins intensifs, mais pas de lits de réanimation – du département du Var. En 2021, il a enregistré 900 entrées en néonatalogie et 3 200 naissances ont été recensées dans sa maternité.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, le ministre François Braun regrette de ne pouvoir être présent ce matin. Il m’a priée de vous fournir les éléments suivants en réponse à votre question.

Afin de favoriser des sorties d’hospitalisation des nouveau-nés prématurés, un décret du 11 avril 2022 ouvre la possibilité de réaliser, à titre expérimental, des soins de néonatalogie à domicile.

C’est dans ce cadre juridique que l’agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d’Azur (ARS Paca) a relayé, en avril 2022, un appel à manifestation d’intérêt national.

En Paca, deux établissements, dont le centre hospitalier intercommunal Sainte-Musse à Toulon, ont exprimé leur souhait de développer des équipes mobiles de néonatalogie, en déposant des projets de qualité conformes aux attendus réglementaires.

La dimension territoriale affirmée du projet et les synergies entre la ville et l’hôpital constituent des atouts qui ont été soulignés lors de l’analyse des dossiers.

Le service de néonatalogie du centre hospitalier de Toulon est un acteur incontournable à l’échelle régionale. Situé entre les deux métropoles de Marseille et de Nice, il répond aux besoins de l’ensemble du département du Var et, par extension, des départements limitrophes.

Son équipe médicale et paramédicale possède les savoir-faire pour accueillir, prendre en charge et accompagner les nouveau-nés et leurs parents pendant l’hospitalisation et au décours. Par ailleurs, il s’agit d’une des équipes pilotes en soins de développement. Ces acquis seront transférables dans le cadre du projet d’équipe mobile.

Au-delà de la qualité intrinsèque du dossier, l’ARS a souligné le consensus et l’engagement collectif autour de cette expérimentation, qui bénéficie d’un fort soutien de la direction de l’établissement comme des représentants des usagers.

Par conséquent, le ministère a sélectionné ce projet parmi ceux qui feront partie de l’expérimentation et qui seront annoncés dans un arrêté à paraître prochainement.

M. André Guiol. C’est parfait !

M. le président. Voilà une bonne nouvelle ! Elles sont rares en cette matinée de questions orales.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. C’est pour cela qu’il faut la souligner !

absence d’accord transfrontalier franco-italien portant sur la prise en charge de la patientèle étrangère par la sécurité sociale

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, auteur de la question n° 257, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. Jean-Michel Arnaud. Madame la ministre, depuis le 1er mai 2022, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Nice, qui gère désormais – en lieu et place de la CPAM de Bastia – le traitement des dossiers administratifs de santé des citoyens italiens, ne prend plus en charge les consultations en faveur de ces derniers.

Ainsi, une partie non négligeable des consultations qui sont réalisées au centre hospitalier des Escartons, à Briançon, soit à quelques kilomètres de la frontière italienne, n’est plus remboursée. Cela a pour conséquence un manque à gagner de plus de 2,5 millions d’euros pour l’établissement en question, et donc pour le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud Gap-Sisteron (Chicas).

Au-delà de la situation financière à court terme, la pérennité du centre hospitalier est réellement en jeu. La patientèle italienne représente une part importante de l’activité – 13 % en chirurgie – et 25 % des professionnels médicaux et praticiens de cet établissement sont italiens, majoritairement piémontais.

L’absence d’accord transfrontalier en matière de sécurité sociale risque, en définitive, de réduire la fréquentation de l’établissement et de favoriser le départ des professionnels de santé qui ne pourraient plus organiser la continuité des soins. Car oui, l’Italie est le seul État frontalier de l’Hexagone avec lequel nous n’avons pas, à ce jour, d’accord d’une telle nature !

Mon interrogation est donc double, madame la ministre. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour préserver transitoirement la situation financière du centre hospitalier des Escartons et exiger, en particulier, la poursuite du remboursement des actes par la CPAM de Nice ?

À plus long terme, pourquoi, à la différence des autres États frontaliers, n’avons-nous pas d’accord avec l’Italie ? Quelles sont donc les initiatives prises par le Gouvernement pour achever la mise en œuvre et la ratification d’un tel accord transfrontalier franco-italien de prise en charge de la patientèle italienne ?

La prise en charge sanitaire des populations transfrontalières est un enjeu non seulement de la construction européenne – vous savez combien j’y suis attaché –, mais aussi de l’égal accès aux soins pour tous au sein de l’Union européenne.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, attentifs à la situation du centre hospitalier de Briançon, les services du ministère de la santé ont pris contact avec les différents acteurs impliqués, notamment la CPAM et l’ARS, afin d’apporter non seulement une réponse de court terme, mais également une solution pérenne aux patients frontaliers.

Des actions seront engagées pour traiter les dossiers litigieux dans les jours à venir. Aussi, le risque de départ des professionnels de santé italiens est un sujet pris en considération dans la recherche de solutions à court et moyen termes.

À moyen et long termes, dans la continuité des travaux engagés depuis 2021, les autorités françaises sont favorables à la mise en place d’une coopération sanitaire avec l’Italie.

Les services du ministère, les ARS, ainsi que notre ambassade à Rome, ont travaillé à un projet d’accord de coopération sanitaire transfrontalier franco-italien, qui s’inscrit pleinement dans le cadre du traité du Quirinal, qui devrait entrer en vigueur au début de 2023.

Ce projet de coopération, qui vise notamment à encadrer juridiquement et à faciliter les soins des populations dans les territoires enclavés ou mal desservis, a quant à lui été transmis aux autorités de santé italiennes au début du mois de juillet 2022. Il est depuis à l’étude.

Nos services demeurent en contact régulier avec leurs interlocuteurs italiens pour souligner l’attachement de la France à la signature de cet accord. La nouvelle équipe ministérielle italienne étant désormais installée, notre ambassade a prévu d’entamer une nouvelle démarche auprès de nos homologues.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.

M. Jean-Michel Arnaud. Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions, qui ne me satisfont cependant qu’à moitié.

L’aspect positif est que la discussion est désormais engagée.

Mais je sais aussi les difficultés liées à la répartition des compétences. Comme toutes les régions italiennes, le Piémont dispose de la compétence santé. Des discussions internes à l’Italie sont donc en cours entre l’État central et les régions.

Cela étant dit, il y a urgence. Nous devons apporter des réponses à ce problème, en particulier dans les Hautes-Alpes, où le centre hospitalier des Escartons rencontre de véritables difficultés qui menacent son avenir.

Rappelons que cet établissement est non seulement important pour les populations locale et italienne, mais aussi pour un grand nombre de touristes qui fréquentent nos stations de sports d’hiver.

inquiétudes au sujet du développement de l’antibiorésistance

M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, auteure de la question n° 222, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Mme Corinne Imbert. Madame la ministre, en déposant cette question orale sur l’antibiorésistance – sujet que vous connaissez parfaitement –, je ne pensais pas que nous serions en pleine pénurie d’amoxicilline.

Apparue dès les années 1940, l’antibiorésistance se définit comme la capacité d’un micro-organisme à résister aux effets des antibiotiques. En raison du cocktail entre antibiotiques anciens et nouvelles bactéries, cette tendance s’est accélérée à partir des années 2000 avec l’apparition de bactéries hautement résistantes.

L’utilisation exponentielle des antibiotiques, en santé tant humaine qu’animale, est la cause principale de ce phénomène, et nous nous dirigeons probablement vers des impasses thérapeutiques dans le traitement de nombreuses maladies infectieuses.

L’antibiorésistance est un problème mondial, qui pourrait devenir incontrôlable. Cette réalité est encore trop méconnue du grand public, malgré une sensibilisation régulière de nos concitoyens et une mortalité attribuable à l’antibiorésistance en France estimée à 5 500 décès.

Madame la ministre, je souhaiterais savoir ce que le Gouvernement entend mettre en place, le cas échéant en concertation avec d’autres pays, afin de lutter efficacement et durablement contre l’antibiorésistance.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, vous le savez, l’antibiorésistance est un phénomène naturel dont l’ampleur est fortement associée à une consommation trop importante d’antibiotiques. « Les antibiotiques, c’est pas automatique » : nous nous en souvenons tous.

La prévention de l’antibiorésistance appelle un engagement fort des pouvoirs publics, intégrant la santé animale et des écosystèmes, dans une approche globale. La feuille de route interministérielle dédiée, publiée en 2016, est ainsi en cours d’actualisation.

Des progrès sont à souligner : les prescriptions d’antibiotiques en ville ont baissé de 20 % entre 2009 et 2019 et la consommation en établissement connaît une tendance baissière.

Pour autant, notre consommation d’antibiotiques reste trois fois supérieure à celle des plus faibles consommateurs européens et les niveaux d’antibiorésistance sont toujours préoccupants en France.

Dans le sillage des plans précédents, le ministère de la santé a publié en février 2022 sa stratégie nationale 2022-2025 de prévention des infections et de l’antibiorésistance, avec une vision renouvelée et ambitieuse. Elle repose sur deux piliers complémentaires : le bon usage des antibiotiques et les actions de prévention et de contrôle des infections. Ne pas tomber malade réduit en effet le recours à l’antibiothérapie et donc l’antibiorésistance.

Les professionnels et citoyens y sont fortement associés, par une formation renforcée et des campagnes de communication dédiées.

Ces objectifs sont pilotés au niveau régional par les ARS, appuyées par des structures locales et des équipes mobiles. Ce maillage territorial fin est une spécificité française.

La France travaille également au développement de nouveaux produits luttant contre l’antibiorésistance, en complément d’une prévention renforcée.

Enfin, il convient de souligner le vif engagement international de la France sur ces thématiques, notamment à l’échelle européenne.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour la réplique.

Mme Corinne Imbert. Je salue toutes les campagnes de sensibilisation qui sont effectivement conduites auprès du grand public. Elles sont indispensables, car la pandémie d’antibiorésistance est silencieuse. Il s’agit non pas d’un phénomène accessoire et limité dans le temps, mais bien d’un fléau qui pourrait, à terme, compromettre toutes les avancées réalisées dans le domaine de la médecine et de la recherche. Ce risque est parfois, à mon sens, trop sous-estimé.

Les coûts engendrés par l’antibiorésistance se chiffrent en centaines de milliards d’euros à l’échelle mondiale et, vous l’aurez compris, l’urgence est là.

« Les antibiotiques, c’est pas automatique » – la formule est en effet dans tous les esprits –, mais ce n’est pas magique non plus. Il faut un engagement de la part, à la fois, des prescripteurs et des pharmaciens. La bonne observance thérapeutique est évidemment essentielle.

Enfin, la dispensation à l’unité n’est pas forcément la bonne solution. Nous avons bien vu que l’expérimentation n’avait pas été véritablement concluante. Nous devons garder du bon sens.

remboursement du matériel paramédical d’occasion et d’aide à l’autonomie

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, auteur de la question n° 268, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. Henri Cabanel. Madame la ministre, ma question porte sur le remboursement du matériel paramédical d’occasion et d’aide à l’autonomie.

Si la loi du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 a bien prévu, dans son article 39, la prise en charge par l’assurance maladie des dispositifs médicaux remis en bon état d’usage, le décret d’application n’a toujours pas été publié.

Dans un contexte de crise économique et sociale, où les actions pour lutter contre l’inflation semblent être une priorité pour le Gouvernement, il est étonnant que ce décret n’ait toujours pas entériné la mesure votée en 2019.

Le matériel paramédical d’occasion est une véritable solution pour faire des économies, tant pour le budget de la sécurité sociale que pour le budget familial, a fortiori pour ceux qui sont confrontés à des frais supplémentaires en raison d’une maladie, d’un handicap ou, pour les personnes âgées, d’une perte d’autonomie. Il permet de développer l’économie circulaire, ce qui en fait une mesure favorable pour l’environnement.

Madame la ministre, quand ce décret sera-t-il officiellement publié ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, la mise en place de ce dispositif est essentielle pour le Gouvernement, afin de faciliter financièrement l’accès aux aides techniques et d’accélérer le déploiement de l’économie circulaire en matière de matériel médical.

Cette réforme d’envergure nécessite des discussions approfondies avec les nombreux acteurs impliqués. Les échanges se structurent autour de plusieurs textes qui sont nécessaires pour l’entrée en vigueur de l’article 39 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.

Le décret d’application est notamment couplé à une norme en cours d’élaboration. Travaillée avec toutes les parties prenantes au cours de l’année 2022, celle-ci permettra de définir les activités et les responsabilités des acteurs de la remise en bon état d’usage. Ces travaux importants serviront de socle au développement de cette activité. Il convient donc de prendre le temps nécessaire.

En pratique, les services du ministère m’ont remis un projet de décret finalisé, que nous allons soumettre pour avis au Conseil d’État afin de permettre une publication au deuxième trimestre 2023.

La norme que j’ai évoquée servira également de socle à l’homologation des centres qui réaliseront les activités de remise en bon état d’usage.

Plus largement, le déploiement de l’économie circulaire est un élément important dans la réalisation de l’ambition gouvernementale d’amélioration des conditions d’accompagnement des personnes âgées ou en situation de handicap.

Pour renforcer encore notre ambition, nous prévoyons de reprendre les négociations tarifaires avec les industriels et distributeurs de matériel médical, afin de faire aboutir la réforme de la prise en charge, entamée voilà un peu plus d’un an.

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour la réplique.

M. Henri Cabanel. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse : le deuxième trimestre 2023 me semble une très bonne échéance.

Je le répète, à l’ère de l’économie circulaire et de la sobriété énergétique, il est plus qu’urgent d’aller dans ce sens. Beaucoup d’associations y travaillent dans nos territoires.

Je tiens à citer l’une d’elles, qui œuvre dans mon département : Grandir et vieillir ensemble. Les bénévoles de cette association mènent un ensemble d’actions, notamment une collecte de fauteuils roulants, qu’ils remettent en état et distribuent aux plus nécessiteux.

Il est important d’offrir un cadre à de telles initiatives et, à ce titre, je suis heureux de la réponse que vous venez de nous apporter.

inquiétudes relatives à la réforme des transports sanitaires urgents

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, auteur de la question n° 277, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. Franck Menonville. Ma question porte sur la réforme des transports sanitaires urgents (TSU) qui, depuis son entrée en vigueur, le 1er juillet 2022, est source de difficultés pour la profession ambulancière exerçant en milieu rural.

Premièrement, la rémunération forfaitaire de chaque transport, fixée à 150 euros, est appliquée jusqu’au vingtième kilomètre, chaque kilomètre supplémentaire étant rétribué 2,32 euros : ce système pénalise les territoires ruraux, où la garde est bien souvent éloignée du lieu de prise en charge du patient et des centres hospitaliers.

Deuxièmement, l’instauration d’un nouveau mode de calcul via le revenu minimum garanti (RMG), qui est de 64 euros de l’heure ou de 768 euros pour une garde de douze heures, est elle aussi pénalisante. En effet, il faut déduire de ce RMG les transports, les sorties blanches et les transports de garde refusés par les ambulanciers. Ce nouveau système est moins favorable que le précédent pour les ambulanciers en milieu rural.

Troisièmement, la gestion par trimestre du calcul du RMG et de son versement crée des difficultés qu’accentue la hausse actuelle des prix des carburants.

Cette situation est lourde de conséquences pour nos territoires : la prise en charge des patients s’en trouve mise en péril, ce qui renforce l’inégalité d’accès aux soins d’urgence dont souffre le monde rural. Par ricochet, les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), déjà sous tension, sont encore plus saturés.

Madame la ministre, comment comptez-vous prendre en compte les spécificités des territoires ruraux et quelle adaptation comptez-vous mener ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, la réforme des transports sanitaires urgents prend en compte la diversité des situations locales, notamment dans les territoires ruraux.

L’indemnité de garde de 346 euros est remplacée par la notion de revenu minimum garanti : ce RMG a été mis en place afin d’inciter les transporteurs à effectuer des gardes, en particulier dans les secteurs ruraux où il y a peu d’interventions. Dans le cas où le transporteur n’assure pas suffisamment de trajets pour couvrir ses charges, un complément est versé. Les interventions non suivies de transport sont également prises en charge, à hauteur de 80 euros.

D’un point de vue organisationnel, la réforme permet d’assurer une garde ambulancière sur l’ensemble des plages horaires ; mais cette répartition, par horaire et par secteur, est modulée dans chaque territoire selon les besoins d’intervention locaux.

Une logique de seuil a servi de base à la définition du positionnement des moyens de garde par période. Afin de tenir compte des spécificités des départements à faible activité et à fortes contraintes, un seuil dérogatoire a été instauré, notamment dans la Meuse. En outre, à l’été 2021, ces différents seuils ont été abaissés, ce qui a favorisé l’organisation de la garde dans les territoires ruraux.

Le ministère est très attentif aux remontées du terrain quant à l’application de cette réforme ; pour accomplir de nombreux déplacements, je sais très bien que c’est un véritable enjeu. (M. Franck Menonville le confirme.) Le bilan financier relatif au circuit de paiement effectué sera communiqué en fin d’année et un bilan organisationnel est prévu pour le premier trimestre 2023. Des discussions pourront être ouvertes en vue d’éventuels ajustements.

aide à la vie partagée

M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, auteur de la question n° 265, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. Olivier Cigolotti. Madame la ministre, ma question porte sur la mise en œuvre de l’aide à la vie partagée (AVP).

La question du « bien vieillir » et de l’autonomie dans notre territoire est une préoccupation réelle. À ce titre, le département de la Haute-Loire et les acteurs locaux se mobilisent au bénéfice des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, dans le cadre du déploiement d’habitats inclusifs.

Ainsi, la mise en œuvre de l’AVP dans mon département va permettre, d’ici à deux ans, à près de 100 personnes, réunies en dix habitats, de partager un « chez eux » accessible et animé.

Au-delà de ce constat positif, certains habitats partagés s’apparentent à des résidences-services – ils proposent en effet une offre complète – sans pour autant être reconnus comme habitats inclusifs. Dans des territoires comme la Haute-Loire, la réalité de ces logements est bien éloignée de celle des grandes résidences-services, regroupant plusieurs dizaines de places. Les projets dont il s’agit sont souvent le fruit d’un engagement personnel de leur porteur et totalisent moins de quinze unités.

Ces lieux de vie constituent une réponse prometteuse pour sortir du dilemme vécu par les personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie, lorsque la vie collective en établissement n’est ni souhaitée ni nécessaire et lorsque la vie chez soi, comme avant, n’est plus possible.

Le vieillissement et l’autonomie sont des problématiques majeures pour les territoires ruraux. Il est nécessaire d’opter pour une approche pragmatique, mêlant le public et le privé : il est donc indispensable que l’État puisse envisager de nouveaux dispositifs afin de valoriser ces habitats.

Au-delà de l’AVP, qui constitue aujourd’hui une mesure starter, je souhaiterais connaître les dispositions que le Gouvernement compte prendre en faveur de ces solutions, qui sont essentielles, notamment pour nos territoires ruraux.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, vous avez raison de rappeler l’importance de l’aide à la vie partagée.

L’AVP vise à permettre aux personnes âgées ou en situation de handicap de financer les coûts d’une vie partagée dans l’habitat inclusif. Elle contribue ainsi pleinement à favoriser le libre choix du lieu de vie.

Dès sa mise en place, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021, cette aide avait vocation à remplacer le forfait pour l’habitat inclusif. C’est ce mouvement qu’opère le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, au terme d’une transition qui permettra de simplifier le mode de financement de l’habitat inclusif et d’en accélérer le déploiement, y compris dans les zones rurales.

L’AVP sera attribuée aux habitants par le conseil départemental et compensée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), à hauteur de 80 % en 2022, puis, à l’horizon 2025, à hauteur de 50 %. On anticipe que le financement par la CNSA restera stable jusqu’en 2025, autour de 45 millions d’euros par an, et qu’il augmentera avec la croissance de l’habitat inclusif. Le développement de ce mode d’hébergement repose en effet sur une politique incitative régulièrement discutée entre la CNSA et les conseils départementaux.

Au total, 96 départements auront inscrit l’AVP dans leur règlement départemental d’aide sociale et établi leur programme d’ici à la fin de l’année.

Au-delà de ce dispositif, c’est bien un continuum de solutions que nous mettons en place. La mise en œuvre de MaPrimeAdapt’ permettra aux personnes aux revenus modestes d’aménager leur logement aux contraintes liées à l’âge ou au handicap. En parallèle, la prochaine Conférence nationale du handicap permettra de faire évoluer l’offre médico-sociale pour toujours mieux répondre aux attentes des personnes.

M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour la réplique.

M. Olivier Cigolotti. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.

La Haute-Loire, comme bien d’autres départements ruraux, doit faire face au vieillissement d’une population dont les revenus sont souvent très modestes. L’aide à la vie partagée est une solution intermédiaire entre le maintien à domicile et la prise en charge dans un établissement, mais ce dispositif doit impérativement inclure un plus grand nombre d’habitats avec services.

situation de l’accueil de la petite enfance

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, auteure de la question n° 211, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l’enfance.

Mme Colette Mélot. Madame la ministre, même si le Président de la République a fait de la petite enfance une priorité nationale, en soulignant le caractère décisif des mille premiers jours de la vie et en formulant le souhait que la France investisse dans un programme d’accompagnement des parents, il manque en France 230 000 places de crèche, en plus des 446 000 existantes.

Si notre pays a pu s’enorgueillir d’un système de la petite enfance performant, il est désormais en perte de vitesse face à ses voisins européens : aujourd’hui, 40 % des enfants n’ont aucune solution d’accueil. Cette situation est d’autant plus inquiétante que 160 000 départs à la retraite sont attendus d’ici à 2030 parmi les 290 000 assistantes maternelles en exercice.

Certes, le Président de la République et la Première ministre ont annoncé la formation de 100 000 nouveaux professionnels d’ici à 2027 ; mais encore faut-il trouver des candidats !

La profession n’attire plus, en raison des conditions de travail, des niveaux de salaires trop bas, de l’absentéisme non remplacé, du manque de moyens ou encore du manque de reconnaissance. Or elle exige, à juste titre, de plus en plus de formations, notamment la validation d’épreuves du CAP petite enfance.

En souffrance depuis plusieurs années, les crèches peinent ainsi à recruter, et ce n’est pas l’assouplissement apporté par l’embauche de salariés non diplômés qui va régler le problème.

Les professionnels de la petite enfance ne se contentent pas d’accueillir l’enfant et de jouer avec lui. Ils sont chargés de la sécurité, de l’hygiène, de l’accompagnement des enfants et de la communication avec eux. Ils dialoguent également avec les parents et le reste de l’équipe, tout en assurant l’organisation de la structure.

Enfin, un déficit accru de solutions d’accueil aurait – nous le savons – de graves répercussions sur l’emploi : la vitalité des modes de garde de la petite enfance est une condition importante du dynamisme économique.

Aussi, quelles actions le Gouvernement compte-t-il lancer pour donner un nouveau souffle aux modes de garde de la petite enfance ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, l’accueil du jeune enfant est aujourd’hui la première préoccupation des parents et, en la matière, les difficultés sont connues : il manque environ 200 000 places de crèche pour répondre à la demande.

Beaucoup a déjà été fait, avec le plan Rebond en sortie de crise covid, doté de 200 millions d’euros, ou encore avec la réforme du complément de libre choix du mode de garde (CMG), assurée par le PLFSS pour 2023. Mais il nous faut aller plus loin pour mettre en place une offre d’accueil à la fois sécurisée et de qualité, financièrement accessible à tous et suffisamment large.

C’est l’ambition du futur service public de la petite enfance, au sujet duquel le ministre Jean-Christophe Combe a annoncé, le 21 novembre dernier, le lancement d’une grande concertation dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR).

Le premier trimestre 2023 verra cette concertation se déployer dans dix territoires, afin que toute la diversité des situations soit prise en compte pour l’élaboration de ce nouveau service public.

En outre, la création du service public de la petite enfance exigera un travail d’ampleur, déjà entrepris dans le cadre d’un comité de filière dédié, pour restaurer l’attractivité des métiers : à ce titre, il convient de se pencher sur la qualité de vie au travail, sur les parcours et formations ou encore sur les salaires.

Dès le mois de juillet dernier, mon collègue Jean-Christophe Combe a débloqué 2,5 millions d’euros pour créer un observatoire de la qualité de vie au travail et organiser une campagne de promotion de ces métiers. Le 22 septembre, il a confirmé que l’État accompagnerait des revalorisations salariales, sous réserve que soit défini un socle social commun pour ces métiers ; à la demande des partenaires sociaux, le Gouvernement a saisi l’inspection générale des affaires sociales (Igas) afin qu’elle les accompagne en ce sens.

conséquences de la mise en œuvre de la zone à faibles émissions mobilité d’île-de-france

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, auteure de la question n° 267, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Mme Laure Darcos. Ma question s’adressait au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; je remercie Mme Firmin Le Bodo d’être présente !

Les chefs d’entreprise d’Île-de-France, en particulier ceux de l’Essonne, sont très inquiets : la mise en place progressive de la zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m) est un véritable casse-tête pour les 100 000 sociétés des secteurs du bâtiment, des travaux publics et du transport routier qui exercent leur activité au sein de la métropole.

Ces entreprises sont déjà lourdement frappées par les restrictions d’accès aux communes situées dans le périmètre de l’autoroute A86. Elles le seront plus encore par la limitation de circulation qui s’appliquera aux véhicules classés Crit’Air 3 à partir du 1er juillet 2023, comme l’a décidé le conseil de la métropole du Grand Paris.

Comment desservir les chantiers en cours, assurer les livraisons ou répondre à des marchés avec des véhicules ne correspondant plus aux critères exigés ?

Ces entrepreneurs s’estiment d’autant plus pénalisés que les aides de l’État, même cumulées à celles de la région et de la Ville de Paris, sont nettement insuffisantes pour le renouvellement de leurs flottes et que les offres de véhicules à faibles émissions sont inexistantes chez les constructeurs.

C’est un véritable mur écologique et économique qui se dresse devant ces entreprises.

Le premier comité ministériel sur les zones à faibles émissions (ZFE), qui s’est tenu le 25 octobre dernier, est l’exemple même du défaut de concertation avec les organisations professionnelles : ces dernières ont pris connaissance a posteriori de nouvelles mesures coercitives adoptées à cette occasion.

Madame la ministre, mes questions sont les suivantes : allez-vous entendre la voix des chefs d’entreprise, qui vous demandent d’agir avec souplesse et pragmatisme ? Envisagez-vous de revoir, avec leurs organisations représentatives, le calendrier de déploiement de la ZFE d’Île-de-France, afin de tenir compte des évolutions technologiques en cours et des délais de mise sur le marché des nouveaux véhicules ?

Le Gouvernement envisage-t-il, en faveur des professionnels, des aides financières massives pour rendre les énergies alternatives plus compétitives et inciter durablement les entreprises à y recourir ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, mon collègue Christophe Béchu regrette de ne pouvoir être présent ce matin et m’a priée de vous fournir les éléments de réponse suivants. D’ailleurs, étant chargée de la santé environnementale, je travaille beaucoup avec lui sur ce sujet. (Mme Laure Darcos acquiesce.)

La zone à faibles émissions mobilité fait partie des outils à la main des collectivités territoriales pour améliorer la qualité de l’air. Ces dernières définissent le périmètre d’application des ZFE, les critères et les échéances retenus. Les étapes de concertation et d’information permettent de prendre en compte les contraintes de l’ensemble des acteurs, en adaptant les horaires de restriction ou en instituant des dérogations ciblées en complément des exemptions prévues à l’échelle nationale.

L’État met à disposition des statistiques du parc de véhicules afin d’aider les collectivités territoriales à définir une trajectoire de restriction à la fois ambitieuse, réaliste et socialement acceptée.

Par ailleurs, pour ce qui concerne le transport routier de marchandises, une task force interministérielle, associant l’ensemble des parties prenantes depuis la fin de l’année 2020, vise à construire la trajectoire de transition énergétique de ce secteur.

Lors du premier comité ministériel de suivi des ZFE, qui, comme vous le signalez, s’est réuni le 25 octobre dernier, Christophe Béchu, Clément Beaune et moi-même avons annoncé la mise en place d’un comité de concertation chargé d’explorer les possibilités d’harmonisation.

Enfin, l’État apporte son soutien aux territoires souhaitant ou devant créer une ZFE au travers d’aides renforcées à l’acquisition de véhicules peu polluants, par le déploiement de mobilités douces ou encore, en 2023, avec la création du fonds vert, dont un volet sera spécifiquement dédié aux ZFE-m.

Les collectivités territoriales sont invitées à prendre des mesures complémentaires. Ainsi, la région d’Île-de-France propose quatre aides à l’achat d’un véhicule propre pour les professionnels et l’aide « Métropole roule propre ! » du Grand Paris vient compléter la prime à la conversion accordée par l’État.

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour la réplique.

Mme Laure Darcos. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, mais les problèmes que j’évoque vont sans doute encore s’accentuer dans les prochains mois.

Quand on parle des entreprises, on parle notamment des petits artisans qui n’ont pas les moyens de changer de véhicule : c’est aussi à eux que je pense.

conséquences de la réforme du master sur les concours de niveau bac+4

M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, auteur de la question n° 264, adressée à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Pierre-Antoine Levi. Ma question porte sur les conséquences de la réforme du master sur les concours de niveau bac+4.

Madame la ministre, comme vous le savez, dans les facultés de droit et de sciences politiques, la sélection de nos étudiants en master intervient, depuis la rentrée de septembre 2020, dès le master 1.

Cette réforme est bénéfique pour les étudiants qui, dans l’ancien système, seraient passés en master 1 sans obtenir un master 2. En effet, si le passage en master 1 était automatique dès lors que vous validiez votre licence, le passage en master 2 se révélait compliqué, car c’était le moment où survenait la sélection. L’étudiant qui n’avait pas été retenu, malgré l’obtention de son master 1, devait trouver un master 2 loin de chez lui, accepter un master dans une spécialité qui n’était pas la sienne ou tout simplement abandonner l’université.

Certes, avec la sélection, nous pouvons nous réjouir que les étudiants admis en master 1 aillent automatiquement en master 2 après validation de leur quatrième année. Mais ce système a aussi ses travers.

C’est une réforme qui touche principalement les facultés de droit. Il faut bien avoir à l’esprit que, dans cette discipline, les étudiants choisissent aussi la voie des concours. Or, en resserrant l’accès au master 1, cette réforme pénalise de nombreux étudiants qui souhaiteraient passer un concours ou un examen de niveau bac+4.

Je pense tout d’abord au célèbre certificat d’aptitude à la profession d’avocat (Capa) : un étudiant qui n’a pas de bac+4 ne pourra pas passer cet examen et ne deviendra donc jamais avocat. Dès lors, il subira la double peine : pas de master 1 en raison de la sélection et pas de concours qui nécessite une qualification à bac+4. Et, dans le domaine du droit, il y en a beaucoup.

Voici quelques exemples de professions : commissaire contrôleur des assurances, ingénieur des ponts, des eaux et des forêts, inspecteur de la jeunesse et des sports ou encore puéricultrice de catégorie A. Bien entendu, je n’oublie pas non plus le concours de l’École nationale de la magistrature (ENM).

Ainsi, ma question est la suivante : que compte faire le Gouvernement pour remédier à cette conséquence négative de la réforme des masters ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser ma collègue Sylvie Retailleau, en déplacement en Guyane.

La réforme instituée par la loi du 23 décembre 2016 a adapté le deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat (LMD), conformément au processus de Bologne. Il s’agissait d’harmoniser les systèmes nationaux européens d’enseignement pour permettre une reconnaissance des diplômes nationaux dans tout l’espace européen d’enseignement supérieur.

L’objectif était double : permettre à chaque étudiant inscrit en première année de master d’achever son cursus sans subir de sélection entre la première et la seconde année ; et offrir à chaque titulaire du diplôme national de licence une poursuite d’étude, via notamment le dispositif de saisine du recteur.

Vous appelez notre attention sur les conséquences de cette réforme sur les concours. À la demande des ministères employeurs ou des ordres professionnels concernés, nombre d’entre eux exigent déjà un niveau master : c’est le cas des concours de l’enseignement, des concours de commissaire de police et de commissaire de justice.

Pour l’examen d’accès aux centres régionaux de formation professionnelle d’avocats (CRFPA), la profession souhaite également que le master devienne le diplôme requis.

Par ailleurs, s’il est important de mettre en adéquation le niveau de formation requis avec la nouvelle architecture des diplômes, en réalité, la plupart des candidats aux concours ont déjà un master.

Enfin, un certain nombre de concours de catégorie A, voire A+, restent accessibles au niveau licence. C’est notamment le cas du concours d’entrée à l’Institut national du service public (INSP).

M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour la réplique.

M. Pierre-Antoine Levi. Madame la ministre, j’entends votre réponse. Il n’en est pas moins vrai que la réforme des masters provoque la détresse de milliers d’étudiants : les intéressés nous sollicitent sans cesse et j’espère également que vous les entendez.

M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

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Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que trois candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

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Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture
Demande de priorité

Adaptation au droit de l’Union européenne dans divers domaines

Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture (projet n° 140, texte de la commission n° 187, rapport n° 186, avis nos 178, 179,182 et 183).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Demande de priorité

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture
Discussion générale (début)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. En application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, le Gouvernement sollicite l’examen par priorité des articles 20, 23 et 24 au début de la discussion des articles.

M. le président. Y a-t-il un orateur contre cette demande de priorité formulée par le Gouvernement ?...

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission émet un avis favorable.

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.

Je consulte le Sénat sur la demande de priorité présentée par le Gouvernement et acceptée par la commission.

Il n’y a pas d’opposition ?…

La priorité est ordonnée.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

Demande de priorité
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le président, madame la rapporteure, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis cet après-midi afin d’examiner le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue) dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture, dans la version issue de vos travaux en commission.

Le droit français s’enrichit régulièrement de dispositions décidées conjointement avec les autres États membres. La création d’un cadre européen unifié sur de nombreux sujets permet de mieux protéger et de mieux accompagner nos industries, nos opérateurs et nos concitoyens partout dans l’Union européenne.

Ce projet de loi a pour objet de transposer et mettre en œuvre un certain nombre de directives et règlements que l’Union européenne a adoptés ces trois dernières années. Il tend également à mettre en conformité des dispositions du droit national avec le droit de l’Union européenne – procédure rendue nécessaire par les évolutions réglementaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez que le texte aborde un nombre très varié de sujets, sur lesquels je ne me prononcerai pas de manière exhaustive à la tribune. Je laisserai plutôt le débat que nous aurons dans cet hémicycle nourrir les discussions portant sur les nombreux points qui ont suscité votre mobilisation par voie d’amendements.

Je veux néanmoins évoquer dès la discussion générale plusieurs sujets qui revêtent une importance particulière.

Il est prévu par l’article 2 de renforcer l’attractivité de l’épargne retraite et de désigner les autorités compétentes pour la supervision et le contrôle du produit paneuropéen d’épargne retraite individuelle (Pan European Personal Pension Product ou Pepp). Le Gouvernement vous propose, par un amendement après ce même article, d’aller au-delà en définissant les règles de fonctionnement ainsi que le régime fiscal et social du sous-compte français de ce produit, afin de le rendre pleinement effectif, conformément aux dispositions du règlement 2019/1238 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 et au règlement délégué de la Commission du 18 décembre 2020. L’objet de cette mesure est de préserver les acquis de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte.

Je défendrai également devant vous, en tant que ministre délégué chargé de la transition numérique, l’article 5 relatif au régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, appelée plus communément blockchain.

Figurant parmi les mesures relatives à la finance numérique pour stimuler l’innovation, proposées en septembre 2020 par la Commission européenne, le règlement européen portant sur un régime pilote pour les infrastructures de marché qui reposent sur la technologie des registres distribués (Distributed Ledgers Technology ou DLT), entrera en application en mars 2023.

Visant à tirer parti des possibilités offertes par l’émergence des crypto-actifs qualifiables d’instruments financiers, le régime pilote sera mis en place pour une durée de trois ans, qui pourra être prolongée de trois années supplémentaires.

La création de ce régime est innovante puisque, pour la première fois, un texte européen d’application directe autorise des acteurs de marché à déroger à des exigences de la réglementation de droit commun, sous certaines conditions.

La France s’est battue pour obtenir un régime pilote ambitieux permettant de conduire des expérimentations à l’échelle industrielle sur les usages de la blockchain.

Le Gouvernement se réjouit ainsi de disposer d’un régime créant une zone d’expérimentation pour l’utilisation de la technologie blockchain dans le domaine des instruments financiers, ce qui est déterminant pour rester dans la course mondiale aux innovations financières.

Du reste, avec l’entrée en application de ce régime, la place de Paris disposera d’une occasion unique pour répondre à nombre de questions relatives au potentiel de la blockchain, ainsi qu’à ses utilisations et aux synergies qu’elle pourrait engendrer. Cette étape est donc cruciale.

La place de Paris pourrait donc devenir la place financière de la mise en œuvre de ce régime pilote, ce qui lui permettrait d’en tirer un avantage comparatif substantiel.

Le Gouvernement vous proposera à cet article deux amendements.

Le premier a pour objet de permettre aux titres nominatifs, en plus des titres aux porteurs, d’entrer dans le périmètre d’application du règlement 2022/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022. Cette évolution permettra de répondre à une demande des acteurs de la place financière que nous jugeons pertinente.

Nous vous proposerons, par le second amendement à cet article 5, de modifier la réglementation applicable, afin d’organiser la répartition des compétences entre les autorités nationales, et de permettre aux différents types d’acteurs concernés de candidater aux exemptions ouvertes par le régime pilote.

J’évoquerai également l’article 8 de ce texte, qui a fait débat, je le sais, pour des raisons qui honorent le Parlement ! Je rappelle toutefois que les orientations politiques européennes qui en sont à l’origine ont été fixées. Il n’est donc pas question pour le Gouvernement de revenir aujourd’hui sur ces arbitrages politiques.

En revanche, l’opérationnalisation de ces objectifs requiert un très important et fastidieux travail technique pour modifier plusieurs dizaines de pages de codes. Ce travail technique visera le plus haut niveau d’ambition en matière de durabilité, tout en assurant la lisibilité des futurs reportings, tant pour les entreprises que pour les investisseurs ou les associations souhaitant avoir une vision consolidée des pratiques de telle entreprise. Une habilitation à légiférer par ordonnances est donc une étape nécessaire pour la bonne mise en œuvre des mesures de publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement espère que les auditions que vous avez pu conduire en la matière vous auront convaincus de la pertinence du véhicule retenu, afin d’aboutir au complet déploiement de ces mesures. Nous nous engageons à mener ce travail technique en associant pleinement les parlementaires qui le souhaiteront.

Je m’arrêterai un moment sur l’article 12, qui vise à habiliter le Gouvernement à transposer la directive 2019/882 du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services.

La France, à l’instar de nombreux autres pays européens, a été mise en demeure de transposer cette directive, qui fixe, de manière détaillée, les obligations que devront respecter les fabricants, importateurs, distributeurs de certains produits ou prestataires de services, à compter du 28 juin 2025.

La directive du 17 avril 2019 vise à harmoniser les législations des États membres pour rendre accessibles certains produits et services comme les sites internet, les billetteries, les systèmes et équipements informatiques grand public, les services bancaires, les livres numériques et le commerce électronique.

Sur ce sujet important pour nos concitoyens en situation de handicap, et pour toute la société à vrai dire, nous accusons un retard collectif qui n’est plus acceptable. Le travail technique exigeant qui est impliqué par cette transposition nécessite de poursuivre le travail interministériel déjà engagé. Une habilitation de quatre mois est prévue par cet article.

Je veux toutefois préciser qu’un groupe de travail interministériel est en train d’intégrer dans l’écriture du projet de loi les modifications que cette transposition implique, afin qu’elles puissent être intégrées par amendement, au cours de la navette parlementaire.

Le texte contient par ailleurs de nombreuses dispositions relatives aux prérogatives des ministères sociaux. Je pense notamment à l’article 14, où sont prévues des mesures concernant le congé parental d’éducation, le congé de paternité, le congé de solidarité familiale et le congé de proche aidant. Je sais que vous vous êtes investie sur cet article en commission, madame la rapporteure.

L’article 23, quant à lui, a pour objet de ratifier des ordonnances désignant l’autorité administrative chargée de prononcer des sanctions financières dans le cadre de la surveillance du marché des dispositifs médicaux, des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, de leurs accessoires et des produits de l’annexe XVI du règlement 2017/745 de l’Union européenne.

Sur ce point aussi, je sais que la commission des affaires sociales a travaillé à l’amélioration des outils de lutte contre les risques de rupture de dispositifs médicaux et à la possibilité de publier les éventuelles sanctions financières prononcées par l’autorité administrative en la matière.

Enfin, le projet de loi comporte un certain nombre de dispositions relatives au secteur des transports, qui ont suscité – je l’ai noté – une mobilisation particulière de la chambre haute, ainsi que de nécessaires mesures d’adaptation du code rural et de la pêche maritime à la mise en œuvre de la programmation 2023-2027 de la politique agricole commune (PAC), qui est un outil vital pour nos agriculteurs, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parmi les dispositions très diverses de ce texte, qui n’ont pour point commun que d’assurer la mise en conformité du droit national au droit européen, la commission des affaires sociales s’est penchée sur les articles relatifs au handicap, au travail et à la santé publique.

Concernant le handicap, l’article 12 vise à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à la transposition de la directive 2019/882 du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services.

Les premiers jalons de cette exigence d’accessibilité ont été posés par la loi du 11 février 2005. Au regard de la réglementation existante, la directive procède à un double élargissement, puisqu’elle rend obligatoires les exigences d’accessibilité à un plus grand nombre de produits, d’une part, à un plus grand nombre d’acteurs économiques, d’autre part, et ce à compter du 28 juin 2025. L’article 2 de la directive en énumère la liste.

Au regard de la technicité des mesures et de la nécessité d’harmoniser les réglementations qui concernent aussi bien le secteur bancaire que les transports ou la culture, le recours à l’habilitation me semble justifiable. Compte tenu des retards rencontrés dans l’application des mesures d’accessibilité physiques, nous devrons être attentifs au calendrier de la mise en œuvre de ces nouvelles obligations par les opérateurs économiques.

Concernant les dispositions relatives au travail, la commission a approuvé l’article 14, qui vise à sécuriser les droits des salariés prenant des congés familiaux, en ajustant notre droit aux exigences qui découlent de la directive du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants.

À l’issue d’un congé de paternité, d’un congé parental ou d’un congé de présence parentale, le salarié conservera le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début du congé. Les salariés du particulier employeur, les assistants maternels et les assistants familiaux employés par des personnes privées pourront bénéficier des congés de proche aidant et de solidarité familiale. En outre, l’ancienneté d’un an, requise pour bénéficier d’un congé parental d’éducation, sera comptabilisée à compter non plus de la date de naissance de l’enfant ou de son arrivée dans le foyer, mais de la date de la demande du congé par le salarié.

Dans le prolongement de ces mesures, la commission a ajouté les périodes de congé de paternité aux périodes de congé assimilées à une présence dans l’entreprise pour la répartition de la réserve spéciale de participation entre salariés.

La commission a également adopté les articles 15 et 16, qui ont pour objet d’adapter le droit du travail à la directive du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne.

Cette directive impose aux employeurs d’informer les salariés sur les éléments principaux de la relation de travail en leur transmettant quinze types d’information dans un délai de sept à trente jours. La précision de la directive européenne ne laisse presque aucune marge de manœuvre au législateur pour transposer ces exigences dans le droit national. Nous avons donc approuvé l’article 15, qui prévoit que l’employeur remette au salarié un ou plusieurs documents établis par écrit précisant les informations principales relatives à la relation de travail.

J’attire toutefois l’attention du Gouvernement sur le fait que ces démarches supplémentaires, imposées aux employeurs, doivent être applicables et simples. Il conviendra d’accompagner les entreprises, notamment les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), dans la mise en œuvre de cette obligation, au moyen de l’élaboration de documents types à remettre aux salariés.

Nous avons approuvé la suppression de la possibilité de fixer, dans des accords de branche conclus avant 2008, des durées de période d’essai plus longues que la durée légale. Nous avons également entériné le renforcement de l’information des salariés en CDD ou en contrat d’intérim sur les postes en CDI à pourvoir au sein de l’entreprise. L’exclusion des dispositions de la directive aux salariés employés par le chèque emploi service pour de courtes durées ou par l’intermédiaire du guichet unique du spectacle occasionnel nous a semblé justifiée. Ces ajustements sont nécessaires et suffisants pour que notre droit du travail soit conforme au droit européen.

Concernant les dispositions relatives à la santé, la commission a globalement pris acte des adaptations ou des mises en conformité de notre droit.

L’article 19 a pour objet de tirer les conséquences pour les installations de chirurgie esthétique de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne établie par l’arrêt Vanderborght du 4 mai 2017 relative à la publicité dans le domaine de la santé. Depuis lors, un régime d’autorisation de principe, en la matière, est postulé ; il est toutefois encadré pour des motifs de santé publique et de dignité de la profession. Sur ce sujet, j’estime que l’enjeu est aujourd’hui celui de l’effectivité des contrôles, notamment sur les réseaux sociaux.

L’article 20 concerne les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales (DADFMS). Il s’agit de transcrire en droit français la dénomination apportée à l’échelon européen à ces produits très encadrés sur leur composition et l’information qui est jointe. Cependant, cet article va au-delà du seul changement de termes, puisqu’une distinction est faite selon les risques présentés par les denrées. Sur ce point, la commission a souhaité prévoir un encadrement plus strict des modes de délivrance et renforcer les exigences de contrôle médical.

Le Gouvernement, profitant de cette adaptation, a en outre prévu un changement de la distribution d’une partie de ces aliments. Les produits distribués aujourd’hui principalement par la pharmacie centrale de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) pourraient désormais être délivrés en officine. Cette modification, qui me semble recevable, a cependant fait naître de vives inquiétudes auprès de patients atteints de pathologies du métabolisme.

Je souhaite que le Gouvernement puisse, au cours de la discussion du texte, apporter des garanties sur les capacités de distribution de l’ensemble des spécialités, mais également nous rassurer sur les conditions de prise en charge, qui n’ont pas vocation à être modifiées.

L’article 21 vise à adapter le dispositif national de déclaration de la composition des mélanges dangereux par les industriels au système européen de déclaration unique, instauré en application des dernières modifications du règlement européen de 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, dit règlement CLP.

L’avantage de ce portail est de dispenser les industriels de remplir autant de déclarations qu’il existe de pays où se déploie leur activité, mais il a vocation à remplacer notre portail national, qui alimente depuis douze ans la base de données des centres antipoison qui peuvent avoir à connaître de ces produits à des fins préventives ou curatives. L’article 21 a pour objet de réécrire en conséquence les dispositions adéquates du code de la santé publique et du code du travail.

L’article 22, quant à lui, vise à adapter le droit français au « paquet médicaments vétérinaires », adopté en janvier 2019. Il s’agit, d’une part, de ratifier l’ordonnance du 23 mars 2022, qui a récemment adapté notre droit à ces nouvelles règles européennes, d’autre part, de tirer les conséquences d’une nouvelle répartition des compétences entre l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et les directions départementales de la protection des populations, lesquelles récupèrent la gestion des établissements de fabrication d’aliments médicamenteux.

L’article 23 vise à adapter le droit national aux règlements européens relatifs aux dispositifs médicaux et dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, entrés en vigueur récemment. À cet égard, il tend à ratifier deux ordonnances prises par le Gouvernement en 2022 pour apporter au code de la santé publique les modifications nécessaires, et inclut des dispositions directement relatives aux pouvoirs de sanction de l’administration des douanes notamment, qui n’avaient pu être introduites dans les ordonnances.

Les mesures de ces règlements ont permis d’harmoniser les normes applicables aux dispositifs médicaux, d’améliorer leur sécurité et de renforcer la transparence du marché. C’est pourquoi la commission a adopté l’article 23, en y ajoutant toutefois des dispositions qui visent à nous permettre de lutter plus efficacement contre les pénuries de dispositifs médicaux et de mieux anticiper les ruptures.

Enfin, l’article 24 soumet les pharmacies d’officine à une pénalité financière en cas de manquement à leur obligation de sérialisation des médicaments. Cette opération, qui garantit l’usage unique des boîtes de médicament, est une obligation européenne depuis février 2019, mais le taux de pharmacies connectées au système qui permet de la réaliser vient tout juste de dépasser 50 %, alors qu’il est plus proche de 80 % en moyenne dans le reste de l’Union européenne.

En conséquence, la Commission européenne fait peser sur l’État français la menace d’une sanction pour manquement de l’ordre de 300 millions d’euros à 400 millions d’euros.

L’article reprend le dispositif que nous avions voté dans le PLFSS pour 2022, mais qui avait été censuré par le Conseil constitutionnel, à la différence près que la pénalité est rendue forfaitaire. Sans doute est-ce une bonne solution pour rendre la menace claire et facile à prononcer par les équipes de l’assurance maladie et inciter ainsi davantage d’officines à se mettre en conformité avec la réglementation.

Au nom de la commission des affaires sociales, je vous invite donc à adopter le projet de loi dans la rédaction résultant des travaux de nos différentes commissions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC, ainsi quau banc des commissions. – M. Stéphane Artano applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a délégué à la commission des affaires économiques deux articles agricoles, plus techniques que politiques, du présent projet de loi : l’article 30 corrige notamment une incohérence du code rural à propos des aides à l’installation des jeunes agriculteurs ; l’article 31 ratifie huit ordonnances adaptant le code rural au droit de l’Union européenne dans des domaines très variés. Je suis chargé, en tant que rapporteur pour avis, de vous donner la position de notre commission sur ces deux articles.

L’article 30 rend sans équivoque la décentralisation des aides à l’installation possible.

En effet, aux termes d’une ordonnance du mois de janvier 2022, les mesures non surfaciques du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) seront transférées aux régions qui le demandent pour la programmation 2023-2027 de la PAC. Je pense que le Sénat tout entier salue le principe de cette réforme.

Pour l’accompagner, la commission a adopté mon amendement visant à demander un bilan annuel par région, consolidé par l’État à l’échelle nationale, de la politique de transmission et d’installation. Cela permettra de nous prémunir contre trois dérives potentielles : un manque de lisibilité des aides pour les agriculteurs ; l’accroissement des disparités entre régions, chacune ayant des priorités politiques différentes ; un manque d’efficacité si les comparaisons n’encouragent pas une saine émulation. L’installation est de première importance pour notre agriculture ; il n’est pas envisageable que l’État ne garde pas un œil dessus.

En outre, la commission a souhaité maintenir dans la loi la condition d’une capacité professionnelle préalable pour bénéficier des aides à l’installation, préférant les installations viables aux projets mal ficelés.

En effet, comment prétendre réussir une installation sans un bagage technique minimal en agronomie, en biologie ou en gestion des entreprises ? On ne peut pas demander aux agriculteurs de respecter un nombre sans cesse croissant de règles et d’injonctions tout en laissant passer des installations sans formation. Nous ne confondrons pas vitesse et précipitation.

J’en viens à l’article 31. Je m’attarderai surtout sur la méthode, car, sur le fond, je vois cinq bonnes raisons de ratifier les huit ordonnances.

Premièrement, celles-ci relèvent du droit en vigueur, puisqu’elles produisent dès leur publication des effets assimilables à la loi. Les modifier serait source d’insécurité juridique.

Deuxièmement, elles adaptent notre droit à des règlements européens d’application directe. Notre marge de manœuvre est plus limitée que dans le cas d’une transposition de directive. De ce fait, ces ordonnances relèvent du toilettage technique.

Troisièmement, la France a été à l’initiative de plusieurs dispositions européennes justifiant les ordonnances, dont elle bénéficie, par exemple pour la reconnaissance de la mention Produits de montagne.

Quatrièmement, les seules surtranspositions, qui maintiennent des standards plus élevés en matière de catégorisation des maladies végétales et animales et de sélection génétique des animaux, semblent justifiées par un motif d’intérêt général suffisant : la performance sanitaire et économique de notre agriculture.

Cinquièmement, la ratification n’empêche pas de faire preuve de vigilance dans le contrôle de leur application. Par exemple, le président de l’ordre national des vétérinaires m’a indiqué que la libre prestation de services donnait lieu à certaines pratiques d’optimisation fiscale et réglementaire, voire sanitaire.

Cependant, sur la forme, les conditions dans lesquelles ces ratifications sont proposées au Parlement ne sont pas satisfaisantes, à plusieurs titres.

D’abord, nous avons disposé d’un temps très limité pour examiner le texte.

Ensuite, on nous propose la ratification de huit ordonnances, alors qu’un texte de ratification n’en contient en moyenne pas plus de trois. Le caractère disparate du texte nuit à l’exigence de clarté et de sincérité du débat.

Enfin, la ratification de ces textes est proposée plus de cinq ans et trois mois en moyenne après leur publication. Au cours du précédent quinquennat, le délai était en moyenne d’un an, un mois et sept jours, soit cinq fois moins. Pour cinq ordonnances datant de 2015, la ratification interviendra carrément deux mandats après leur publication : un découplage d’une telle ampleur est quasiment inédit, d’autant plus que les textes européens ayant justifié ces ordonnances remontent à encore plus loin ; à 2005 pour le plus ancien. L’examen au Sénat intervient donc à contretemps, près de dix-sept ans après. Pour certains textes, le véritable débat a eu lieu au sein du Conseil de l’Union européenne et du Parlement européen voilà plus de dix ans. Ce délai est, à mon sens, beaucoup trop important. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDPI.)

M. Cyril Pellevat, rapporteur pour avis de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable à l’adoption du projet de loi sous réserve du maintien dans le texte des amendements adoptés sur son initiative sur les quatre articles relatifs aux transports, qui relevaient de ses compétences.

La commission a, elle aussi, unanimement regretté les délais d’examen imposés pour l’examen du texte. Celui-ci, malgré son caractère extrêmement technique, a des conséquences très concrètes pour nos concitoyens comme pour les professionnels du secteur du transport.

Sur le fond, la commission a veillé à enrichir et à compléter la transposition de la directive relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures, dite directive Eurovignette. Elle a adopté plusieurs amendements visant à relever l’ambition du texte en faveur de la transition écologique et à accompagner les transporteurs dans le verdissement de leur flotte. Étant donné que 99 % de la flotte de poids lourds fonctionne au diesel, le défi de la décarbonation du secteur est considérable.

Par ailleurs, la commission a regretté le caractère incomplet du projet de loi initial, qui se cantonnait à transposer la directive Eurovignette aux seuls péages des futures concessions autoroutières et ne prévoyait pas de mise en conformité de l’ordonnance du 26 mai 2021 relative aux modalités d’instauration d’une taxe sur le transport routier de marchandises recourant à certaines voies du domaine public routier de la Collectivité européenne d’Alsace avec le droit européen révisé.

Dans la continuité de ses travaux précédents, notamment de l’examen du projet de loi de ratification de cette ordonnance, la commission a donc adopté l’article 26 bis, qui vise à remédier à cet oubli fâcheux. Monsieur le ministre, nous ne saurions accepter qu’une telle modification passe par la voie de l’ordonnance, alors que la transposition de la nouvelle version de la directive est l’objet même du projet de loi et que la navette parlementaire sera l’occasion d’ajuster, si nécessaire, le dispositif.

J’en viens à l’article 28, relatif aux droits et obligations des voyageurs ferroviaires. D’une part, la commission a souhaité mieux garantir les droits des personnes handicapées ou à mobilité réduite. D’autre part, elle a cherché, en conformité avec le règlement européen en la matière, à reporter la date d’application de certaines de ses obligations, afin de ne pas entraver le bon déroulement de l’ouverture à la concurrence et de ne pas créer d’inégalités entre les voyageurs, selon qu’ils choisissent ou non l’opérateur historique.

Enfin, notre commission a souhaité ratifier une ordonnance de transposition de la directive relative aux installations de réception portuaires pour le dépôt des déchets des navires, dans le prolongement des recommandations du groupe de travail sur la modernisation des méthodes de travail du Sénat.

Tels sont, mes chers collègues, les principaux éléments que je souhaitais porter à votre attention au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et RDPI, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe RDPI, ainsi quau banc des commissions.)

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement nous présente aujourd’hui un nouveau projet de loi d’adaptation au droit de l’Union européenne, un an après le précédent. Il nous a saisis dans des délais particulièrement contraints, puisqu’il a déposé son projet de loi le 23 novembre, alors que nous examinions le projet de loi de finances.

La commission des finances dispose d’une délégation au fond sur neuf articles, les articles 1er à 8 et l’article 13, qui concernent des sujets très différents. Cinq d’entre eux sont des demandes d’habilitation.

Le Sénat appréciant peu les ordonnances, je me suis attaché à vérifier que celles-ci étaient suffisamment circonscrites, qu’il n’était pas possible de les transposer « en dur » et que les délais proposés nous permettaient de respecter nos obligations européennes.

Dans plusieurs cas, c’est le retard pris par le Gouvernement pour transposer des directives ou pour adapter notre droit à celui de l’Union européenne qui le conduit à demander des habilitations et à exiger du Sénat une première lecture dans des délais extrêmement contraints.

Les articles 1er, 2, 4, 5, 6 et 13 interviennent dans les domaines assurantiels, bancaires ou des marchés financiers, et relèvent avant tout de dispositions techniques. Après un examen approfondi, ils n’ont pas soulevé de difficultés particulières et ont fait l’objet de deux amendements rédactionnels en commission.

L’article 3 corrige une erreur de suradaptation du droit interne qui a conduit à appliquer à l’ensemble des entreprises d’assurance mutuelle et des institutions de prévoyance l’obligation de publier des informations en matière de durabilité.

Vous m’autoriserez, monsieur le ministre, à rappeler à cette occasion que, dans le cadre de l’examen de la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, le Sénat avait supprimé l’article transposant le règlement européen, en ayant déjà relevé qu’il excédait les exigences européennes. Le Gouvernement, qui avait ensuite réintroduit cette disposition dans le texte, se rend aujourd’hui compte que, comme souvent, le Sénat avait raison.

Les articles 7 et 8, qui concernent les entreprises, soulèvent les enjeux les plus importants.

L’article 7 est une demande d’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour transposer la directive du 24 novembre 2021 relative à la communication, par certaines entreprises et succursales, d’informations relatives à l’impôt sur le revenu des sociétés.

Sur ce sujet, je regrette que le Gouvernement n’ait pas choisi, comme il aurait pu le faire, la transposition « en dur ». Il disposait en effet d’un an pour s’y préparer. De surcroît, nous n’avons pas pu obtenir les informations que nous demandions sur deux questions importantes : les obligations déclaratives des entreprises et la définition de la clause de sauvegarde. En conséquence, nous ne pouvons pas accepter l’habilitation. Je proposerai donc un amendement de suppression.

L’article 8 est, lui aussi, une demande d’habilitation du Gouvernement, cette fois-ci pour transposer la directive dite CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), relative à la publication d’informations en matière de durabilité des entreprises.

J’attire d’abord votre attention sur le fait que la directive n’a été définitivement adoptée par le Conseil que la semaine dernière et qu’elle n’a pas encore été publiée au Journal officiel de lUnion européenne, ce qui est assez inhabituel.

Par ailleurs, la demande d’habilitation était particulièrement large. Dans le texte déposé, avant la modification de l’article 8 par notre commission, le Gouvernement nous demandait de lui permettre de prendre toutes les mesures qu’il jugerait utiles sur les obligations sociales et environnementales des entreprises. Ce périmètre tout à fait démesuré excède très largement celui de la directive.

Nous avons donc restreint l’habilitation aux seuls domaines dans lesquels la législation française ferait doublon avec les nouvelles obligations de la directive CSRD.

Pour terminer, j’évoquerai rapidement l’encadrement des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN). La faillite de la société FTX et ses conséquences tant sur les investisseurs particuliers que sur les acteurs financiers doivent nous inviter à la plus grande vigilance. Nous proposerons un amendement pour prévoir l’obtention d’un agrément, et non plus simplement d’un enregistrement, beaucoup moins exigeant. Nous en reparlerons lors de l’examen de l’amendement que j’ai déposé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Didier Marie, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préambule, je souhaiterais à mon tour souligner que les délais accordés au Sénat pour l’examen de ce projet de loi ont été particulièrement contraints. Une telle manière de procéder n’est pas acceptable dans une démocratie respectueuse des droits du Parlement, a fortiori pour un texte technique exigeant un temps d’expertise nécessaire à l’appréciation des directives à transposer.

La commission des lois a été saisie de six articles du présent projet de loi. Elle y a apporté des modifications de nature à mieux ajuster les objectifs fixés par les directives à transposer aux spécificités de notre droit interne.

L’article 9 du projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive du 27 novembre 2019 sur les transformations, fusions et scissions transfrontalières. Cet article appelle trois observations.

D’abord, il soulève une question de méthode. Les habilitations à légiférer par ordonnance doivent demeurer une exception. Compte tenu de l’existence d’un avant-projet d’ordonnance en cours de finalisation et de l’échéance proche pour transposer la directive, en l’occurrence le 31 janvier 2023, la commission a décidé de réduire le délai de l’habilitation du Gouvernement à trois mois, au lieu de six mois.

Ensuite, la directive permet de faire un choix de transposition pour la participation des salariés au sein des organes de direction de la société. Lorsque les représentants de salariés constituent plus de 30 % des membres de l’organe de direction, l’État membre peut choisir de limiter la proportion à 30 % maximum. La commission des lois a estimé qu’une telle option était défavorable aux salariés. Elle a donc supprimé la possibilité offerte au Gouvernement de lever cette option.

Enfin, la directive, qui instaure un contrôle de légalité renforcé, anti-abus et antifraude, permet aux États membres de choisir l’autorité qui en est chargée.

La commission a confié la mission de contrôle préalable d’une opération transfrontalière au greffier du tribunal de commerce en raison, notamment, de leur expérience en matière de fusions transfrontalières, de la volonté exprimée par ces professionnels d’exercer ce contrôle et, enfin, de leur statut d’officier ministériel.

L’article 10 du projet de loi vise à modifier les dispositions du code de commerce qui prévoient une possibilité de dissolution judiciaire d’une société par actions dans le cas où ses capitaux propres deviennent inférieurs à la moitié de son capital social. Cette sanction correspond à une surtransposition de la directive du 14 juin 2017 relative à certains aspects du droit des sociétés.

Le projet de loi propose de remplacer la dissolution par l’obligation d’apurer les pertes au moyen d’une réduction du capital social, jusqu’à un minimum qui serait fixé par décret en Conseil d’État.

Cette modification maintient ainsi une double sanction, mais dans un délai plus long. Aux yeux de la commission des lois, elle a semblé justifiée au regard des conséquences économiques des crises récentes, ainsi que des nouvelles modalités de financement des sociétés, qui s’appuient, de nos jours, principalement sur l’endettement.

J’en viens à l’article 11, relatif au droit de la commande publique. Cet article étend aux infractions pénales les plus graves la possibilité, pour les opérateurs économiques sanctionnés en ce sens, de « démontrer » leur « fiabilité » en prenant des « mesures concrètes », afin de pouvoir soumissionner malgré une peine d’exclusion de plein droit des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession. Ce mécanisme de régularisation affaiblit considérablement l’effet dissuasif des peines, qui peuvent pourtant être prononcées pour des infractions allant jusqu’à la traite des êtres humains.

Si les directives européennes de 2014 nous imposent la transposition de ce mécanisme de régularisation en droit interne, la commission a néanmoins complété le dispositif initial en inscrivant dans notre législation le principe selon lequel les mesures concrètes prises par l’opérateur économique font l’objet d’une évaluation tenant compte de la gravité de l’infraction commise. Cette précision reprend les termes des directives ; elle contribuerait non seulement à préserver le caractère dissuasif des peines d’exclusion des procédures de passation des marchés publics, mais aussi à améliorer la lisibilité du droit de la commande publique. Cette évaluation a été présentée par les services du Gouvernement comme « implicite ». Cela ne peut pas satisfaire les législateurs que nous sommes.

La commission des lois s’est penchée sur la transposition de la directive du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne pour ce qui concerne les agents publics des trois versants de la fonction publique.

L’article 17 du projet de loi vise à transposer dans le droit de la fonction publique l’obligation pour les employeurs d’informer les travailleurs des éléments essentiels de la relation de travail. Pour cela, un droit pour tout agent public à « recevoir de son employeur communication des informations et règles essentielles relatives à l’exercice de ses fonctions » serait consacré dans le code général de la fonction publique.

La liste des éléments précis qui seraient communiqués aux agents publics, ainsi que les modalités de cette communication seraient déterminées par un décret en Conseil d’État, renvoyant lui-même à un arrêté établissant les modèles des documents que les employeurs remettraient aux agents publics.

Les États membres avaient jusqu’au 1er août 2022 pour transposer la directive, si bien que la France est déjà en retard de plus de quatre mois.

Il est cependant permis de s’interroger sur la valeur ajoutée du nouveau droit à l’information ainsi créé, au-delà de la simplification opérée pour les agents publics. Une fois que les mesures d’application auront été prises, il conviendra également d’évaluer la charge de travail supplémentaire induite pour les employeurs publics.

Je vous propose d’adopter ces six articles tels que modifiés par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, au nom de la commission des affaires européennes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Rapin, au nom de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quatre ans, la commission des affaires européennes assure une mission de veille pour prévenir les surtranspositions de textes européens dans le cadre de l’examen des projets et propositions de loi comportant des mesures de transposition en droit interne de directives ou des mesures d’application de règlements européens.

Elle formule des observations en tant que de besoin, c’est-à-dire lorsqu’elle constate qu’il est proposé d’aller au-delà de ce qu’impose le droit européen, sans justification documentée ou recevable. L’enjeu est ici de préserver la compétitivité de nos entreprises.

Cette mission, d’abord mise en œuvre à titre expérimental, a été inscrite en 2019 à l’article 73 sexies du règlement du Sénat. C’est dans ce cadre que j’ai saisi la conférence des présidents, qui a décidé de consulter la commission des affaires européennes sur le présent projet de loi.

Tout d’abord, relevons que le Gouvernement propose une démarche de transposition sectorielle par un véhicule dédié, ce qui permet, en principe, de mieux identifier les risques de surtransposition.

Pour autant, la brièveté des délais d’examen et la très grande diversité des sujets abordés n’ont pas facilité le travail d’analyse et la coordination entre les commissions, y compris celle que je préside.

Ensuite, les modifications qu’il est proposé d’apporter en droit interne sont d’inégale importance. La commission des affaires européennes a noté parmi les plus significatives la suppression d’une surtransposition résultant du choix d’une option plus exigeante, ouverte par une directive de 2017, en cas de perte grave du capital social souscrit. La commission des lois, sur le rapport de notre collègue Didier Marie, s’est prononcée favorablement sur l’opportunité de la démarche.

Par ailleurs, plusieurs transpositions sont tardives, et le seront plus encore dans les cas où le Gouvernement demande à procéder par voie d’ordonnance, avec des délais d’habilitation allant au-delà du calendrier prévu par le texte européen.

Il est ainsi proposé de recourir à des ordonnances dans sept cas, le Gouvernement motivant ce choix dès lors qu’il s’agit de transposer des textes techniques n’ouvrant pas de marge de manœuvre et dont la transposition en droit national nécessite des mesures d’adaptation et de coordination, ainsi que la définition de modalités d’application outre-mer.

Tel n’est pourtant pas le cas de l’habilitation sollicitée à l’article 8 pour la transposition de la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, dite CSRD, qui a tout particulièrement retenu l’attention de la commission des affaires européennes.

Je le rappelle, en 2017, l’ordonnance de transposition de la directive NFRD (Non Financial Reporting Directive), qui a précédé la nouvelle directive, avait introduit des dispositions plus exigeantes que celles que prévoyait alors le texte européen, en raison de l’expérience de la France en matière d’obligation de publication d’informations extrafinancières, qui résultait de la loi de 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, et de la loi de 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite loi Grenelle 2.

Or l’habilitation sollicitée aujourd’hui pour la transposition de la directive CSRD est particulièrement large. Elle permet en effet, au-delà des dispositions de la directive, de procéder à des modifications des obligations des entreprises en matière d’enjeux sociaux, environnementaux et de gouvernance. Il pourrait en découler des obligations de transparence renforcée pour les opérateurs français, susceptibles d’emporter des effets concurrentiels négatifs au regard des autres opérateurs européens.

Si la commission des affaires européennes n’est pas compétente pour se prononcer sur l’opportunité d’obligations additionnelles ou d’une extension du champ d’application de la directive, il lui revient en revanche d’attirer l’attention sur le risque de surtransposition que recèle en l’état l’habilitation sollicitée par le Gouvernement. Ce dernier se donne neuf mois à compter de la promulgation de la loi pour publier une ordonnance, dont les conséquences pour les entreprises seront loin d’être négligeables.

La commission des finances et plusieurs de nos collègues ont identifié cette problématique, qui sera discutée lors de l’examen de l’article 8. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi quau banc des commissions. – Mme Colette Mélot applaudit également. )

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue) nous rappelle que la souveraineté de notre pays a été confisquée par les traités européens au profit d’une Europe ultralibérale appliquant la concurrence libre et non faussée au sein du marché intérieur, avec une Banque centrale européenne (BCE) indépendante de tout contrôle démocratique.

Cette Europe libérale, qui a dépecé notre industrie et démantelé nos services publics, se rappelle à nous en moyenne une fois par an lors de l’examen de ces fameux Ddadue. Celui qui nous est soumis aujourd’hui a été présenté le 23 novembre dernier en conseil des ministres et est examiné en première lecture au Sénat.

Comme le note justement notre commission des lois, « la nécessité, voire l’urgence à légiférer pour adapter le droit interne au droit de l’Union européenne ne saurait justifier les délais particulièrement courts laissés par le Gouvernement au Parlement, et en premier lieu au Sénat, pour mener à bien l’examen du projet de loi pour lequel la procédure accélérée a été engagée. »

J’invite le Gouvernement à lire l’excellent rapport d’information sur les méthodes de transposition des directives européennes, de nos collègues députés André Chassaigne et Jean-Louis Bourlanges, député MoDem, qui proposaient que les projets de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne soient réservés aux « cas d’urgence de transposition, en lien avec un retard important voire un précontentieux ou un contentieux » ou aux « cas de transposition de directives techniques, identifiées comme ne posant pas de difficultés politiques particulières. » Les auteurs du rapport concluaient ainsi : « Il faut également veiller à conserver une cohérence thématique au sein » des textes concernés.

En effet, comment pouvez-vous défendre des institutions européennes, dont les décisions sont imposées aux parlements nationaux ou leur sont soumises en limitant tellement leurs prérogatives que notre droit constitutionnel d’amendement en est entravé ?

Ce projet de loi renvoie très largement au pouvoir réglementaire du Gouvernement, dans la mesure où, sur trente et un articles, il comporte sept habilitations à prendre des ordonnances en lieu et place du Parlement et dix ordonnances à ratifier.

À cela, ajoutez une pincée de renvoi à un arrêté et une mise en conformité du droit français aux décisions de la Cour de justice de l’Union européenne et vous obtenez un texte fourre-tout et indigeste, qui ne laisse aucun espace aux parlementaires pour en amender ou en modifier le contenu !

Pourtant, les ingrédients mobilisés sont importants !

Si nous pouvons nous réjouir des mesures en faveur de l’accessibilité des personnes en situation de handicap et de l’élargissement des congés de proche aidant et de solidarité familiale aux salariés du particulier employeur, les progrès sociaux sont bien maigres. L’Europe sociale, dont on nous vante les mérites depuis quarante ans, est bien loin.

Ce ne sont malheureusement pas l’indemnité de licenciement d’un salarié travaillant à temps partiel sur un temps plein ou celle résultant du congé parental qui permettront de contrebalancer l’ensemble des mesures de régression sociale dues à l’Union européenne.

Alors que le Gouvernement s’est engagé auprès de la Commission européenne à réduire les droits à l’assurance chômage et à casser notre système de retraite, il révèle, dans son exposé des motifs, que l’article 2 de ce projet de loi a pour objet « d’améliorer l’attractivité » du « produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle (Pepp) ».

D’un côté, le Gouvernement annonce le report de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans. De l’autre, ce texte entend favoriser le développement d’un produit de retraite complémentaire individuelle réglementé au sein de l’Union européenne.

Selon l’alinéa 7 du règlement européen, « un marché européen plus vaste des produits d’épargne retraite individuelle améliorera l’approvisionnement en fonds des investisseurs institutionnels et favorisera les investissements dans l’économie réelle ».

Depuis le départ, le Gouvernement mène nos concitoyens en bateau s’agissant du déficit des retraites au lieu d’assumer qu’il a vendu notre système solidaire à l’Europe en échange des aides du plan de relance durant la pandémie de covid.

Le texte caresse les multinationales dans le sens des profits, en supprimant l’obligation de publier leurs comptes et en autorisant les entreprises sanctionnées pénalement à candidater à nouveau à des marchés publics, pour peu qu’elles démontrent leur « fiabilité ». Autrement dit, une entreprise condamnée pour fraude fiscale ou pour actes de terrorisme pourra candidater à des marchés publics si elle s’engage à ne plus commettre de nouvelles infractions.

Nous voterons donc contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Colette Mélot applaudit également.)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer la qualité des travaux de nos six rapporteurs. Je limiterai mon propos aux mesures qui relèvent des affaires sociales.

Nous retiendrons d’abord, à l’article 12, que le projet de loi vient étendre les obligations en matière d’accessibilité issues de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. À compter de 2025, l’exigence d’accessibilité s’appliquera également aux terminaux numériques tels que les distributeurs automatiques de billets ou les liseuses numériques.

Nous avons tous en mémoire qu’il nous a fallu voter un report à l’obligation d’accessibilité, prévue initialement pour 2015. Dès lors, nous invitons le Gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour accompagner ce nouveau changement, afin que celui-ci s’opère dans les délais.

Ensuite, soulignons les dispositions de l’article 14 visant à permettre au salarié de conserver le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début de son congé familial. Il s’agit d’une avancée importante, car le droit en vigueur assure au salarié de retrouver son poste ou un emploi similaire, mais reste muet sur les droits acquis.

Le groupe Union Centriste est particulièrement attentif à l’extension du congé de proche aidant et de solidarité familiale aux salariés du particulier employeur, assistants maternels et assistants familiaux employés par des personnes privées.

Nous soutenons également l’amendement visant à ajouter les périodes de congé de paternité aux congés assimilés à une présence dans l’entreprise pour la répartition de la réserve spéciale de participation.

L’article 15 impose à l’employeur de remettre au salarié un ou plusieurs documents précisant les informations principales de la relation de travail. Lorsque l’on augmente les contraintes des entreprises, il convient d’accompagner les plus petites d’entre elles pour s’assurer que la mesure sera effective. Nous invitons donc le Gouvernement à mettre des documents types à la disposition des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME).

À l’occasion de l’examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avions été sensibilisés par le secteur des dispositifs médicaux à propos des nouvelles règles applicables en matière de certification. Les organismes certificateurs connaîtraient une situation d’embolie et ne pourraient ni certifier les nouveaux dispositifs ni recertifier le stock. Le texte de la commission répond à cette crainte, mais une prolongation temporaire de certification aurait pu être envisagée pour le stock.

Toujours dans le champ des affaires sociales, l’article 24 mérite une attention particulière. En effet, la lutte contre la falsification des médicaments est une nécessité au regard des enjeux de santé publique. Elle relève de l’égalité entre les patients et les pharmaciens au sein de l’Union européenne. L’application de cet article contribuera à augmenter la qualité de la chaîne du médicament. Le corollaire de cette ambition est la mise en place d’une amende forfaitaire pour ceux qui ne respecteraient pas leur obligation de sérialisation.

Monsieur le ministre, lorsque l’on met en place une sanction à l’encontre de ceux qui ne déclarent pas, encore faut-il s’assurer que la déclaration est faisable. En l’espèce, au 28 novembre 2022, près de 62 % des pharmacies seulement parvenaient à se connecter au répertoire national de vérification des médicaments (NMVS, en anglais National Medicines Verification System). Cela laisse songeur.

Le groupe UC votera ce projet de loi dans la version amendée par nos commissions. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Colette Mélot applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Pierre Louault applaudit également.)

M. Stéphane Artano. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons, au sein duquel la technicité des sujets ne saurait occulter l’importance des enjeux soulevés, est un texte fourre-tout. Plusieurs dispositions y sont transposées sans lien entre elles. La cohérence de l’ensemble ne tient qu’à l’adaptation de notre droit national aux évolutions décidées par le législateur européen.

Sur la forme, nous avons dû travailler dans l’urgence un texte dense, aux dispositions très techniques. De nombreux sujets sont abordés : l’économie, la santé, le travail, les transports et l’agriculture.

La difficulté de l’exercice réside dans le fait que, quelles que soient les réserves que nous pourrions nourrir quant à certaines mesures, nous devons être à jour de nos obligations, ne présenter aucun déficit de transposition et disposer d’un droit national conforme aux exigences de l’Union européenne. Le groupe RDSE, attaché au projet européen, entend parfaitement cet argument.

Néanmoins, les délais très contraints imposés pour l’examen du texte ne sont pas sans rappeler ceux que nous avons connus lors de l’examen du récent projet de loi de finances. Les délais constitutionnels imposés pour le budget ne sauraient justifier l’affaiblissement du rôle du Parlement, que chaque recours au 49.3 à l’Assemblée nationale vide déjà un peu plus de son essence.

Sur le fond, mon groupe, attentif à l’expression législative de la solidarité, ainsi qu’à la protection de nos concitoyens français et européens, se réjouit de l’accent mis dans ce projet de loi sur les sujets sociaux.

Dans un pays où 12 millions de personnes relèvent d’une situation de handicap, l’absence d’une société pleinement inclusive constitue une anomalie, une atteinte au principe d’égalité des droits et des chances. L’article 12 de ce texte, qui vise à transposer la directive du Parlement européen et du Conseil relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services, doit être un des catalyseurs de l’effort collectif en faveur de la généralisation de l’inclusivité dans notre société.

Les exigences d’accessibilité, élargies à davantage de produits et à un plus grand nombre d’acteurs, devront être effectives à compter du 28 juin 2025. Je rappelle que sont concernés, entre autres, les fabricants, importateurs, distributeurs de produits ou prestataires de services du secteur bancaire, des transports ou de la culture.

Néanmoins, je partage les inquiétudes de la commission des affaires sociales, pour laquelle l’enjeu réside davantage dans le calendrier de mise en œuvre de ces obligations par les opérateurs économiques que dans l’adoption et la promulgation de ces nouvelles règles en droit interne.

Au regard des retards constatés dans l’application de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, le Gouvernement devra faire preuve de volontarisme. Il est ainsi nécessaire de prévoir un régime d’incitations, voire de sanctions, de nature à accompagner les opérateurs économiques dans le déploiement des évolutions techniques nécessaires à l’accessibilité des produits et services.

Par ailleurs, sur fond de sortie de crise sanitaire, d’inflation galopante, de défi énergétique, et face à la nouvelle menace qu’augure le Inflation Reduction Act de Joe Biden à partir de 2023, le projet de loi s’inscrit dans un contexte économique particulièrement tendu.

Néanmoins, nous pouvons espérer que certaines de ses dispositions participent à la facilitation des échanges, ainsi qu’au soutien des sociétés en difficulté. Le groupe RDSE est, dans l’ensemble, satisfait des réponses systémiques que tente d’apporter l’Union européenne à travers ses différents règlements et directives.

L’élimination de la surtransposition visée par l’article 10 du projet de loi entre dans ce cadre. Notre droit national conduit aujourd’hui les entreprises françaises à faire face à un risque de dissolution excessif et considérablement accru, comparativement aux entreprises d’autres États membres, dans le cas où les capitaux propres d’une société deviennent inférieurs à la moitié de son capital social. Il était temps que cette singularité française prenne fin.

Je souhaite également souligner l’harmonisation de la procédure française applicable avec celle des fusions transfrontalières de l’Union européenne. L’introduction en droit national des procédures de scissions et transformations transfrontalières est intéressante, parce que ces dispositions garantiront la protection des droits des parties prenantes, également renforcée par un dispositif anti-fraude et anti-abus.

Enfin, plusieurs de mes collègues souhaitent être rassurés quant aux orientations de l’article 30 en matière d’aides à l’installation en agriculture pour que celles-ci continuent de toucher leurs cibles dans un souci de flexibilité et, surtout, d’équité.

Mes chers collègues, malgré ces remarques, mon groupe est, à ce stade, globalement favorable à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi quau banc des commissions. – M. Pierre Louault applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme le rapporteur applaudit également.)

M. Jean-Claude Anglars. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture porte bien son nom, tant il constitue un agglomérat de mesures n’ayant d’autre point commun que de provenir de l’Union européenne.

Je commencerai par formuler trois observations relatives à l’écriture de la loi.

Premièrement, il me semble que la cohérence d’un tel texte est aussi limitée que son utilité est certaine. Ces transpositions expéditives du droit européen, qui s’apparentent à du fret législatif, interrogent quant aux modalités de transposition du droit de l’Union.

Deuxièmement, il est à déplorer que le Parlement n’ait disposé que de quelques jours pour examiner ces articles techniques et pour débattre de modifications directes de notre droit ou de demandes d’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance. Les amendements adoptés par les différentes commissions montrent cependant toute l’importance du Parlement et du Sénat dans le processus législatif, ainsi que la qualité de son travail.

Troisièmement, je regrette que l’étude d’impact ne comporte pas d’éléments de droit comparé qui permettraient de mieux apprécier les solutions choisies par le Gouvernement par rapport à celles retenues par les autres États membres de l’Union européenne et, partant, d’éclairer le débat et la délibération parlementaire.

Pour le reste, j’aborderai plusieurs thématiques visées dans le projet de loi.

Concernant le volet transports, l’article 26 du texte vise à transposer la directive Eurovignette dans sa version révisée en 2022, qui prévoit de nouvelles obligations en matière de taxation des véhicules pour l’utilisation d’infrastructures routières.

Cet article se borne toutefois à transposer les nouvelles obligations aux seuls péages des futures concessions autoroutières. Il ne modifie donc que les dispositions relatives aux péages figurant dans le code de la voirie routière. Cela est insuffisant.

En effet, l’ordonnance du 26 mai 2021 relative aux modalités d’instauration d’une taxe sur le transport routier de marchandises recourant à certaines voies du domaine public routier de la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) est, elle aussi, conforme aux règles fixées par la directive Eurovignette. La transposition prévue par le projet de loi initial est donc incomplète.

Cette ordonnance, prise sur le fondement d’une habilitation prévue par la loi du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace, permet à cette dernière d’instaurer une taxe sur les véhicules lourds de transport routier de marchandises empruntant son domaine public routier.

En l’état actuel du droit, cette ordonnance applique des obligations fixées par la directive Eurovignette dans sa version antérieure à la révision de 2022.

Elle prévoit, par exemple, que les taux kilométriques de cette taxe sont différenciés en fonction de la classe d’émissions Euro du véhicule. Or, dans la version révisée de la directive, cette modulation des taux en fonction de la classe Euro est remplacée par une modulation en fonction des émissions de CO2.

Faute de modifications pour mettre cette ordonnance en conformité avec le droit européen révisé, la taxe instaurée par la CEA risque donc de ne plus être compatible avec les dispositions de la directive à compter de 2024.

Afin d’éviter une telle situation, et alors que les Alsaciens attendent la mise en œuvre de la taxe depuis des années, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a adopté un amendement visant à rectifier cet oubli en mettant en conformité l’ordonnance du 26 mai 2021 avec le droit européen révisé.

Lors de l’examen du projet de loi de ratification de cette ordonnance, dont j’avais été désigné rapporteur, le Sénat avait souhaité anticiper la révision de la directive, notamment en permettant de différencier les taux en fonction des émissions de CO2 des véhicules. Cet ajout n’avait toutefois pas été conservé dans la suite de la navette.

La nouvelle directive étant, depuis lors, entrée en vigueur dans sa version révisée en 2022, l’article 26 bis, introduit par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, permettra à la CEA d’anticiper les nouvelles obligations de la directive à l’amont de l’instauration de la taxe.

Concernant le volet finances, le constat formulé par le rapporteur pour avis Hervé Maurey interpelle. Un peu plus d’un an après la promulgation de la précédente loi Ddadue, le Parlement examine de nouveau des dispositions visant à adopter le droit financier, assurantiel, bancaire et économique. La France pourrait ne pas respecter les délais qui lui sont accordés pour prendre ces dispositions.

Je rejoins la commission des finances, qui, sur proposition de son rapporteur pour avis, a adopté des amendements visant à harmoniser les exigences et à renforcer le contrôle des dirigeants de mutuelle en l’alignant sur celui qui est prévu pour les dirigeants de sociétés d’assurance et d’institutions de prévoyance.

Enfin, l’amendement visant à restreindre le champ de l’habilitation à légiférer par ordonnance demandée par le Gouvernement pour transposer les dispositions de la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises est bienvenu, car le champ d’habilitation prévu dans le texte initial excédait très largement celui de la directive visée.

Concernant les dispositions relevant de la commission des lois, pour l’essentiel, le présent texte transpose en droit interne deux directives relatives au droit des sociétés et prévoit la mise en œuvre d’un règlement relatif à la protection de l’enfance. Les apports du Sénat sont notables.

La directive concernant les transformations, fusions et scissions transfrontalières devant être transposée par ordonnance avant le 31 janvier 2023, le Parlement est tenu de légiférer dans des délais particulièrement contraints.

Je salue la réduction du délai de transposition de la directive à trois mois au lieu de six, adoptée par la commission des lois sur proposition de son rapporteur pour avis.

Il était en outre nécessaire de supprimer l’option, prévue par la directive, permettant aux États de réduire la proportion des représentants des salariés au sein de l’organisme de direction de la société issue d’une opération transfrontalière, susceptible d’être favorable aux salariés.

Il convenait également de confier le contrôle de légalité des opérations transfrontalières aux greffiers des tribunaux de commerce, qui ont – il faut le souligner – acquis une compétence certaine en matière d’enregistrement des projets de fusion transfrontalière.

J’en viens au volet santé.

En matière de santé publique, les mesures sont également très hétérogènes, visant aussi bien la composition des produits chimiques aux exigences que l’encadrement des denrées alimentaires destinées à des fins médicales ou encore le taux de connexion des officines de pharmacie.

J’évoquerai le problème de l’encadrement de la publicité des activités de chirurgie esthétique. La France est mise en demeure depuis 2019 par la Commission européenne sur ce sujet important du fait de l’interdiction totale de publicité.

Pour remédier à la non-conformité de ces dispositions au droit de l’Union européenne, il est proposé de préciser que le retrait de l’autorisation d’exercer n’est prononcé qu’en cas de publicité contrevenant à l’enjeu de protection de la santé publique.

Comme l’a souligné à juste titre le rapporteur de la commission des affaires sociales Pascale Gruny, la publicité pour les activités de chirurgie esthétique doit être mieux contrôlée par les autorités compétentes. Il convient que cet encadrement soit également de nature déontologique et qu’il soit effectué par les ordres, afin de prévenir les dérives constatées, notamment sur les réseaux sociaux.

Concernant enfin le volet social, les apports du texte sont divers.

En matière de handicap, les dispositions de la directive du 17 avril 2019 contribueront à améliorer l’accessibilité à divers produits et services du quotidien.

Du fait du délai relativement court qui est prévu pour l’application de ces dispositions, il faudra s’assurer que les acteurs sont opérationnels et que les difficultés rencontrées n’entraînent pas de désengagement de leur part, en veillant notamment à la couverture de l’ensemble du territoire par des distributeurs automatiques accessibles.

En matière de droit du travail, des difficultés pourraient survenir dans certaines entreprises, en particulier dans les TPE-PME, notamment dans celles qui ne disposent pas d’un service de ressources humaines.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, notre groupe approuve ces dispositions tendant à mettre notre droit en conformité avec le droit de l’Union européenne telles que modifiées et améliorées par le Sénat, dont les apports sont nombreux. Nous serons vigilants quant à l’usage qui sera fait des habilitations à légiférer par ordonnance accordées au Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot. (MM. Jean-François Longeot et Pierre Louault applaudissent.)

Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, économie, santé, travail, transports et agriculture : comme c’est habituellement le cas, ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne concerne des domaines aussi vastes qu’importants.

Encore une fois, et malgré la grande technicité du texte, les délais d’étude ont été très courts. Les rapporteurs l’ont souligné à plusieurs reprises, notamment en commission.

Je tiens à saluer le travail de chacun sur ce texte, au sein tant de la commission des affaires sociales, dont j’ai l’honneur de faire partie, que des commissions saisies pour avis.

Le contrôle de subsidiarité qu’effectuent les parlements nationaux est essentiel au bon fonctionnement du système dans lequel nous vivons. Disposer d’un droit de regard sur l’action de l’Union européenne revêt un caractère d’autant plus essentiel que le droit de l’Union européenne a vocation à être incorporé dans nos droits internes. Par ce projet de loi, nous exerçons un tel droit de regard.

J’ai parfois entendu des remarques sur le calendrier ou la nécessité de tels textes. Je souhaite rappeler que nous disposons d’un temps limité pour transposer les directives – celles qui sont visées dans le présent projet de loi sont d’ailleurs nombreuses – et que les règlements sont d’application directe.

La mise en conformité de notre droit interne est une étape assez décisive, non pas seulement parce qu’elle nous permet de respecter nos propres règles et d’éviter à notre pays d’être mis en demeure, voire sanctionné, mais aussi parce que nos règles en sont enrichies, ce qui est positif pour les Français.

L’effet positif de l’incorporation du droit européen au sein du droit français est toutefois subordonné à deux conditions, que le groupe Les Indépendants – République et Territoires défend d’ailleurs depuis toujours.

La première est que toute transposition, toute mise en conformité soit correcte. Dans ce projet de loi, j’ai l’impression qu’il y a moins de rectifications d’erreurs de transposition ou de mauvaises mise en conformité que dans les précédents. Si la technicité des dispositions visées est souvent grande, les conséquences de telles erreurs n’en demeurent pas moins dommageables pour les Français et le pays.

La seconde condition est bien sûr la non-surtransposition. Ce fut un véritable problème, et je me réjouis que la France se soit améliorée en la matière. Mais cette problématique n’est jamais loin, et nous devons rester vigilants. Il ne me semble pas, en tout cas, que nous soyons confrontés à des surtranspositions dans le présent texte.

J’en viens au fond. Comme à l’accoutumée, le texte est riche et très varié. Je m’attarderai pour ma part sur certains sujets relatifs à la santé et aux affaires sociales.

L’article 14, qui transpose la directive relative à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants, concerne, entre autres, le congé parental d’éducation, le congé de présence parentale et le congé pour événements familiaux.

Le texte proposé par le Gouvernement et enrichi par la rapporteure prévoit des avancées intéressantes et nécessaires pour les salariés et leurs familles. Je salue particulièrement les aménagements et les ouvertures du bénéfice du congé de proche aidant. Le Sénat accorde beaucoup d’importance à ce sujet, dont il a débattu à de nombreuses reprises, car nous connaissons les responsabilités des proches aidants et leur dévouement.

Je me félicite ensuite de l’adoption par la commission, à l’article 23, d’un amendement visant à éviter les ruptures d’approvisionnement des dispositifs médicaux indispensables, ainsi que des dispositifs de diagnostic in vitro.

Les ruptures d’approvisionnement et les pénuries de médicaments me préoccupent d’autant plus que nous déplorons d’importantes tensions depuis la crise du covid.

Enfin, de manière générale, si les adaptations relatives au secteur de la santé seront propices à des évolutions positives, j’estime que les précisions apportées par la commission quant à la mise à œuvre de certaines d’entre elles sont à prendre en considération.

Notre groupe, convaincu de l’importance pour notre pays de transposer les directives européennes dans les temps et de mettre son droit interne en conformité avec le droit de l’Union européenne, votera en faveur de ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. Jacques Fernique. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de transposition du droit communautaire est, comme c’est habituellement le cas, très disparate et d’une grande technicité. Il n’en aura pas moins des effets concrets sur la vie des Françaises et des Français.

Il n’est effectivement pas correct – plusieurs orateurs l’ont souligné – d’examiner un texte dans un délai aussi court.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires salue évidemment ces efforts de transposition, d’autant que la France a longtemps été parmi les mauvais élèves de l’Europe du fait de déficits de transposition importants. Du retard a été rattrapé, en particulier à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne, mais je regrette que cette adaptation du droit communautaire dans notre législation par ce texte demeure tout de même assez minimaliste.

La priorité donnée à la décarbonation des transports, par exemple, aurait pu être plus résolue. Le texte se borne en effet en quelque sorte au « service minimum », sans couvrir les évolutions nécessaires ; j’y reviendrai.

Mon groupe salue également les avancées sociales du texte, qui prévoit l’élargissement des exigences d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap, permet un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des proches aidants et renforce la coopération entre pays européens en matière de services d’aide sociale à l’enfance.

Ces transpositions restent toutefois limitées. Le texte ne prévoit pas de mesures structurelles pour renforcer l’accompagnement à la parentalité ou l’accès au numérique. Il ne prévoit pas de stratégie sur l’accessibilité, comme le demandait pourtant le collectif Handicaps, qui regrette de ne pas avoir été associé aux travaux de transposition. Mon groupe soutiendra donc leur proposition, qui, ayant reçu un avis favorable, sera – je l’espère – votée.

Si ce texte comprend des avancées intéressantes quant aux congés de paternité et de parentalité, il conviendrait d’aller plus loin, en apportant, comme le fait l’Espagne, un véritable soutien au congé de parentalité, où il a été porté à seize semaines, et où il est non transférable et rémunéré à 100 %.

Sur le volet transports, pour l’essentiel, ce projet de loi prend en compte la révision de la directive Eurovignette, dont l’intitulé ne correspond plus à la réalité, puisqu’il s’agit non plus d’achat de vignettes, mais d’une taxe kilométrique.

Alors que dans de nombreux pays d’Europe existent déjà des taxes poids lourds significatives qui expliquent en partie le développement d’un fret ferroviaire bien plus avancé que celui de notre pays, nos gouvernements successifs n’ont pas su actionner ce levier de rééquilibrage de la concurrence entre la route et le rail.

Ce texte n’affectera donc pour l’essentiel que les péages autoroutiers, à l’exception de la future taxe poids lourds alsacienne. À ce titre, il est bon que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ait rectifié le texte pour que la CEA puisse saisir les nouvelles options européennes ouvertes par cette actualisation. L’Assemblée nationale ne l’avait pas souhaité, contrairement au Sénat, qui, une fois encore, a eu raison d’introduire cette modification. Il faudra donc faire preuve de vigilance à cet égard.

En ce qui concerne le réseau autoroutier, le Gouvernement écarte pour l’instant les options de redevances facultatives, notamment celle qui est liée à la congestion, ainsi que le surpéage pour financement des infrastructures de transport. Mon groupe proposera des amendements en ce sens.

L’article 26 prévoit deux dispositifs permettant de renforcer le principe du pollueur-payeur pour les poids lourds. Si ces dispositifs sont bienvenus, il est encore une fois regrettable que le Gouvernement n’aille pas assez loin, puisque la modulation et la majoration ne sont applicables qu’aux seuls péages des contrats de concession à venir, à l’exclusion des contrats en cours.

Le Gouvernement fait le choix de différer l’obligation d’internaliser dans les tarifs des péages les coûts environnementaux liés à la pollution. L’argument avancé, selon lequel il conviendrait de ne pas bouleverser l’équilibre économique des contrats, ne constitue pas à notre sens une justification suffisante.

Si ce report est conforme à la directive, il est regrettable au regard de l’urgence climatique. La plupart des concessions autoroutières ne se terminent qu’après 2030. Or on ne peut pas attendre une décennie. Il est urgent d’activer le report vers le rail et le fluvial afin de réduire la part du transport routier de marchandises, comme il est urgent de nous concentrer sur l’intermodalité, par des plans « vélo-train ». Ce texte prévoit d’ailleurs de rattraper notre retard sur la moyenne européenne, dont je rappelle qu’elle s’établit entre six et huit emplacements de vélo par train.

Enfin, mon groupe, comme d’autres, s’opposera à l’habilitation à légiférer par ordonnance demandée par le Gouvernement afin de transposer la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, dite directive CSRD. Il s’agit en effet d’une étape importante du Pacte vert européen, dans le cadre duquel des choix déterminants devront être effectués. Il est donc essentiel d’assurer la transposition de cette directive par voie législative.

Malgré ces réserves, mon groupe voit des avancées dans ce texte, et votera donc pour. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Frédéric Marchand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, certains esprits chagrins comparent les projets de loi Ddadue à des voitures-balais législatives souvent inscrites à l’ordre du jour dans l’urgence, en raison de l’approche d’un délai limite de transposition, voire de son dépassement.

Cela justifie alors la transposition de plusieurs directives, souvent sans grand rapport thématique entre elles, dans le cadre d’un examen en procédure accélérée. Je m’abstiendrai de toute surenchère.

Certains regrettent même une incursion de l’Europe dans notre cadre législatif. À ceux-là, en revanche, je réponds que c’est tant mieux ! L’Europe, comme l’a indiqué le Président de la République lors de son discours de la Sorbonne, voilà déjà cinq ans, est notre histoire, notre identité, notre horizon. Elle est ce qui nous protège et ce qui nous donne un avenir.

Nos textes législatifs actuels sont imprégnés de cette idée européenne, structurée, par exemple, autour d’une économie de marché régulée par une politique volontariste et innovante, avec les investissements massifs de France 2030, dont le financement est issu à 40 % des aides de l’Union européenne, d’exigences environnementales ambitieuses, dont le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, qui vise à participer à réduire les émissions de l’Union européenne d’au moins 55 % d’ici à 2030, mais aussi en faveur d’une agriculture résiliente, stratégique et innovante, par l’application de notre plan stratégique national pour la politique agricole commune (PAC) pour la période 2023-2027 et grâce aux crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » du projet de loi de finances pour 2023, curieusement rejetés sur les deux travées opposées de cet hémicycle voilà quinze jours.

En d’autres termes, il n’est pas opportun d’opposer les objectifs issus de notre engagement européen, dont les directives sont une mise en œuvre concrète, et les projets de loi qui découlent de cette philosophie européenne, dont nous sommes tous en grande partie les garants.

C’est donc avec une certaine fierté que je suis ici devant vous pour faire part de mes quelques remarques sur le onzième projet de loi Ddadue examiné depuis 2010. Il est, certes, assez compliqué à scénariser dans sa globalité, mais il comporte de très belles avancées en matière de droit du travail, d’égalité des droits et d’ambition écologique.

Le projet de loi renforce tout d’abord le droit du travail pour les jeunes pères. Aujourd’hui, lorsqu’un salarié s’absente dans le cadre d’un congé de paternité et d’accueil de l’enfant, cette absence n’est normalement pas comptabilisée dans le calcul de l’ancienneté alors que le congé maternité est pris en compte dans son intégralité.

Le projet de loi vient combler cette disparité et prévoit d’ajouter un article dans la partie du code du travail qui assimile la durée du congé paternité à une période de travail effectif pour les droits que le salarié tient de son ancienneté.

Le texte prévoit plus de droits aussi en matière de transparence et d’information pour les salariés du secteur public. Les articles 17 et 18 consacrent ainsi le droit pour tout agent public ou praticien hospitalier de recevoir de son employeur des informations et règles essentielles relatives à l’exercice de ses fonctions. Concrètement, il s’agira notamment de la rémunération, du temps de travail, du droit à la formation ou des modalités de cessation de fonctions.

En matière d’égalité des droits, le texte prévoit de renforcer la loi de 2005 concernant les exigences d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap. Cette loi voulue par le père des lois sur le handicap, Jacques Chirac, avait permis de nombreuses avancées : obligation d’accessibilité des transports collectifs et des établissements recevant du public (ERP) dans un délai de dix ans, concrétisation du droit à compensation du handicap, création des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

La directive du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicable aux produits et services, transposée ici par ordonnance, tend à aller encore un peu plus loin pour cibler un plus grand nombre de produits et d’acteurs. Je pense notamment à l’amélioration de l’accessibilité des distributeurs automatiques de billets et de titres de transport, ou des bornes d’enregistrement automatiques.

Dans le domaine des transports publics ferroviaires, l’article 27 vise à renforcer les droits des voyageurs en situation de handicap ou à mobilité réduite. Ainsi, à compter de juin 2023, les services régionaux devront porter assistance aux personnes à mobilité réduite ou en situation de handicap, à l’embarquement et au débarquement des trains.

Il reste toutefois encore beaucoup à faire. Les commerces, les restaurants et les transports présentent un retard important : le métro reste peu accessible, les arrêts de bus sont rarement aménagés et moins d’un tiers des gares ferroviaires nationales sont adaptées.

En matière d’ambition environnementale, l’article 26 vise à encourager un transport de marchandises plus écologique en conditionnant les taxes de circulation au nombre de kilomètres parcourus et à la quantité de dioxyde de carbone émise par les poids lourds. Cette modulation se substitue à celle prévalant en fonction de la classe Euro, telle que le prévoyait la précédente version de la directive Eurovignette. Ce dispositif vise donc un approfondissement du principe pollueur-payeur et passe par le développement de mécanismes de tarification ciblés.

Enfin, dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe et du programme pour une finance durable, le Conseil européen a donné voilà quelques jours son feu vert définitif à la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises. C’est l’objet de l’article 8 du projet de loi.

Concrètement, les entreprises devront rendre compte de la manière dont leur modèle économique influe sur leur durabilité et dont les facteurs externes de cette durabilité, comme le changement climatique ou les questions relatives aux droits de l’homme, influencent leurs activités. Ainsi, les investisseurs et les autres parties prenantes seront mieux à même de prendre des décisions en connaissance de cause sur les questions de durabilité.

C’est une mesure forte pour construire une économie au service des personnes et pour renforcer l’économie sociale de marché de l’Union européenne. Nous y sommes très attachés.

Certes, la décision du Conseil européen date du 28 novembre dernier : l’encre n’est pas encore tout à fait sèche, et il nous est demandé d’agir rapidement, par ordonnance. Mais devant de si grandes avancées pour les citoyens, et alors que le périmètre de la mesure a été encadré en commission, doit-on vraiment traîner des pieds et affaiblir le dispositif ?

Pour conclure, mes chers collègues, si, par définition, ce projet de loi de transposition manque un peu de cohérence, il est clairement orienté vers plus d’égalité, plus de droits et plus de cohésion sociale. Il est ainsi la traduction d’une Europe solidaire et écologique voulue par beaucoup d’entre nous sur ces travées. Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants y sera donc très favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture
Discussion générale (suite)

5

Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

M. le président. Madame la ministre déléguée, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je suis très heureux de saluer la présence dans la tribune d’honneur du Sénat de deux parlementaires albanais : M. Eduard Shalsi, président du groupe d’amitié Albanie-France, président de la commission de l’économie et des finances de l’Assemblée albanaise, et Mme Ermonela Felaj, vice-présidente de l’Assemblée albanaise. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mme et M. les ministres délégués se lèvent.) Ils sont accompagnés par notre collègue Pierre Ouzoulias, président du groupe d’amitié France-Albanie.

Cette visite intervient à la fin d’une année importante dans le processus d’intégration européenne de l’Albanie. Après que, le 19 juillet dernier, une conférence intergouvernementale a officiellement lancé l’ouverture des négociations d’adhésion entre l’Union européenne et l’Albanie, Tirana vient d’accueillir, le 6 décembre, le premier sommet Union européenne-Balkans occidentaux organisé dans la région.

Mes chers collègues, en votre nom à tous, permettez-moi de souhaiter à nos amis parlementaires albanais un fructueux séjour et la plus cordiale bienvenue. (Applaudissements.)

6

Discussion générale (interruption de la discussion)
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Discussion générale (suite)

Adaptation au droit de l’Union européenne dans divers domaines

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (suite)
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Article 20 (priorité)

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture.

Discussion générale (suite)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Michelle Meunier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Michelle Meunier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, notre Haute Assemblée est appelée à examiner un texte législatif de transposition de directives européennes dans notre droit national.

La dernière fois que nous nous sommes penchés sur ce type d’exercice, c’était à l’automne 2021, pour transposer des directives dans le domaine des transports, de l’environnement et des finances.

À l’époque, notre groupe insistait sur les vulnérabilités qui pesaient sur l’édifice européen à vingt-sept, à la sortie de la crise sanitaire. C’était il y a un an, et ces circonstances déjà exceptionnelles nous paraissent éloignées tant l’actualité politique de notre continent subit désormais le choc de l’invasion russe en Ukraine, à nos portes, et ses conséquences énergétiques palpables au quotidien.

Dans ce contexte, décliner en lois nationales l’incarnation du rêve européen et de son cadre communautaire revêt une importance que nous ne saurions négliger.

Ce projet de loi, composite – cela a déjà été dit et répété –, choisit à sept reprises un vecteur habituel pour la transposition : le recours à des ordonnances. Sur bien des sujets, cette carte blanche accordée à l’exécutif peut se justifier : les directives transposées sont suffisamment cadrées, et la matière est technique. Par exemple, le premier chapitre, consacré aux activités d’assurance et d’épargne retraite, n’appelle pas de réserves particulières.

Mais certains articles recourent aux ordonnances pour transposer des dispositions sur lesquelles notre travail parlementaire aurait permis une écriture législative directe.

Il en va ainsi de l’article 8, relatif à la publication d’informations en matière de durabilité des entreprises, transpose la directive dite CSRD, relative aux informations extrafinancières qui doivent être fournies par les entreprises. Avec mes collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, nous proposons de ne pas habiliter le Gouvernement. Nous avons déjà pu aborder le reporting RSE, au sein de cet hémicycle, notamment lors de l’examen de la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. Le sujet est suffisamment sensible pour mériter de croiser nos regards et d’attendre la publication de la directive dite CSRD.

Un autre sujet couvert par ce projet de loi appelle une grande vigilance de notre part. L’article 12 transpose une directive relative à l’accessibilité aux produits et services pour les personnes porteuses de handicap. Or celle-ci aurait dû être transposée avant le mois de juin 2022 : la France a été mise en demeure. Monsieur le ministre, comment ne pas voir là un manque d’intérêt du Gouvernement pour le quotidien des personnes concernées ?

Le secteur associatif du champ du handicap ne s’y trompe pas. Il nous rappelle que la France accuse un retard énorme en matière d’accessibilité universelle, en dépit des textes adoptés, et il attend beaucoup de la transposition.

Dans ce contexte, nous, législateurs, aimerions pouvoir exercer ici pleinement notre mission : tenir la plume pour écrire la loi, afin de répondre aux questions posées et relayer les inquiétudes qui s’expriment. Celles-ci portent sur le contrôle des mesures prises en faveur de l’accessibilité, sur le régime de sanctions qui s’appliquerait aux entreprises ou aux administrations ne rendant pas leurs produits ou leurs services accessibles.

On entend aussi une certaine méfiance quant aux délais lointains d’entrée en vigueur des mesures et, surtout, une crainte que la parole des personnes concernées ne puisse guider la transposition.

Voilà pourquoi, monsieur le ministre, je vous invite à prendre l’engagement devant nous de maintenir le dialogue avec les représentants associatifs des personnes en situation de handicap.

D’autres dispositions du champ de l’action sociale sont, en revanche, les bienvenues. Je pense ainsi à la transposition des directives relatives au congé parental ou au congé des aidants, qui seront harmonisées au bénéfice d’employés actuellement exclus, notamment les salariés du particulier employeur. C’est un pas en avant qu’il convient de saluer, eu égard à la faible attractivité du métier d’assistant maternel.

Ma collègue Angèle Préville interviendra dans la suite de la discussion pour poursuivre cette analyse et détaillera les dispositions en matière de transports.

Enfin, au cours de l’examen des articles, mon collègue Jean-Claude Tissot développera l’analyse des élus socialistes sur les deux articles relatifs à l’agriculture. Il détaillera les réserves que nous formulons sur la régionalisation de la dotation jeunes agriculteurs (DJA). Celle-ci fait peser le risque de fortes disparités de traitement entre les régions. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Canévet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a indiqué notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, le groupe Union Centriste votera ce texte relatif à différentes dispositions d’adaptation du droit de l’Union européenne dans notre pays.

En effet, vous le savez bien, le groupe Union Centriste a des convictions européennes affirmées, et il nous semble important que cela se traduise par l’adoption de règles de vie et de fonctionnement les plus communes possible au sein de l’espace européen.

De manière générale, toutes les dispositions qui favorisent des conditions de vie et des règles de concurrence identiques pour les États membres sont soutenues avec enthousiasme par le groupe Union Centriste au sein de notre hémicycle.

Les précédents orateurs l’ont dit : ce texte traite de plusieurs dispositions assez disparates. On peut regretter que certaines d’entre elles aient tardé à se traduire dans notre droit, dès lors que les directives ont été adoptées depuis très longtemps. Il eût été souhaitable que les mesures sur lesquelles elles portaient soient intégrées dans notre droit plus tôt. Cela sera fait aujourd’hui – je l’espère – grâce à nos collègues qui soutiendront ce texte.

On peut néanmoins regretter que le Gouvernement ait beaucoup recours aux ordonnances : c’est le cas dans sept articles. Cela nous semble excessif, d’autant que, sous le quinquennat précédent, il y a eu un peu moins de 400 recours aux ordonnances – c’est tout à fait considérable – dont 340 ont été effectivement traduits dans le droit.

Au Sénat, notre position est claire : nous ne souhaitons pas le recours aux ordonnances parce que nous voulons tout simplement éviter les risques de surtransposition. Nous sommes extrêmement vigilants sur le sujet. Le fait de laisser aux assemblées parlementaires le soin d’introduire dans le droit dur l’essentiel des textes contribue à éviter d’éventuelles surtranspositions, car nous pouvons y veiller.

Or ces surtranspositions ont toujours un effet négatif : Laurent Duplomb pourrait en témoigner à propos du secteur de l’agriculture, où nous avons tendance à vouloir être plus vertueux que les autres, alors même que cela entame la compétitivité de nos entreprises.

Madame la rapporteure, veillons à rester très vigilants à cet égard.

J’en viens aux aspects financiers du texte. Je salue les propositions formulées par le rapporteur pour avis de la commission des finances Hervé Maurey, notamment en ce qui concerne les crypto-actifs. En effet, il est clair qu’il s’agit d’un système particulièrement émergent, qui suscite l’intérêt non seulement chez bon nombre de nos concitoyens, mais aussi plus largement à l’échelle mondiale. Or il me semble qu’il faut rester extrêmement prudent quant à l’ensemble de ces dispositifs, afin d’éviter qu’ils ne se retournent contre les usagers.

Les dispositions que le rapporteur pour avis a proposées à la commission des finances favorisent à raison une certaine régulation des dispositions concernant les crypto-actifs. J’espère donc que la Haute Assemblée suivra les propositions de la commission des finances sur ce point pour que nous puissions aboutir à une régulation efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme Angèle Préville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de grande technicité, le texte qui nous est soumis aura des conséquences très concrètes pour les professionnels du transport routier et pour les voyageurs ferroviaires.

La marge de manœuvre dont nous disposons est réduite, puisqu’il s’agit d’adapter notre droit interne au droit de l’Union européenne.

Acter l’inscription de ces mesures exigeantes est absolument nécessaire, car elles permettront de faire avancer la transition écologique dans le transport routier. Ce sont, à vrai dire, les têtes de pont de futures mesures plus fortes encore ; espérons-le.

Je rappelle que nous visons une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici à 2030, enjeu colossal de responsabilité devant les graves conséquences déjà effectives du dérèglement climatique. Or le secteur des transports représente l’une des plus importantes sources d’émissions de gaz à effet de serre.

Quatre articles ont été examinés par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Deux concernent des corrections d’erreurs au sein du code des transports. Les deux autres apportent quelques avancées.

L’article 26 vise à transposer la directive Eurovignette. Toutefois, en l’état actuel du texte, un nombre considérable de véhicules lourds échapperont à la modulation des péages autoroutiers en fonction des émissions de CO2 et à la redevance pour coûts externes liée à la pollution atmosphérique, puisque le seuil d’application est établi à 3,5 tonnes.

Je pense notamment aux véhicules utilitaires légers, entre 2,5 tonnes et 3,5 tonnes, dont le nombre a considérablement augmenté ces dernières années, en particulier les petits camions bâchés.

Aujourd’hui, ces véhicules concurrencent les poids lourds, y compris sur les longues distances. Il peut donc en résulter une forme de contournement du dispositif, du moins dans son esprit, puisqu’ils échapperont à une possible taxation.

En effet, l’objectif est bien d’inciter, par le principe pollueur-payeur, au renouvellement du parc des poids lourds en diminuant le prix payé par les moins émissifs tout en taxant plus les plus émissifs.

C’est pourquoi nous proposerons un amendement permettant d’inclure ces véhicules utilitaires légers dans le champ de la redevance et de la modulation des péages autoroutiers.

Toutefois, cette modulation aura un impact limité, puisqu’elle ne s’appliquera qu’à 235 kilomètres d’autoroute sur les 9 200 kilomètres que compte notre pays. En effet, seuls les contrats de concession attribués après le 1er janvier 2010 sont concernés, ce qui acte à l’évidence un petit manque d’ambition.

Il aurait été intéressant, en cas de recettes supplémentaires, de favoriser le développement du report modal ferroviaire et fluvial, indispensable pour lutter efficacement contre le changement climatique. Nous avons en effet un réseau ferroviaire et un réseau fluvial très développés, mais quelque peu délaissés. Pour tout dire, nous n’en tirons pas de réels bénéfices écologiques.

L’article 28 transpose un règlement visant à uniformiser les obligations pour les entreprises ferroviaires et les vendeurs de billets. Les voyageurs disposeront ainsi d’informations plus claires et verront leurs droits renforcés, notamment en matière de transport de vélo dans les trains et d’accessibilité des personnes handicapées ou à mobilité réduite.

Il paraît juste de prévoir d’étendre aux services urbains et suburbains de transport ferroviaire de voyageurs l’obligation d’indemnisation en cas de perte ou d’endommagement d’équipements de mobilité, comme les fauteuils roulants, et de dispositifs d’assistance, ou bien en cas de perte ou de blessure d’un chien d’assistance. On ne peut que s’étonner que de telles dispositions ne soient pas déjà applicables : nous avons du retard en la matière.

Les mesures relatives aux transports nous semblent donc aller dans le bon sens. Nous avons soutenu la plupart des propositions du rapporteur pour avis en commission. Toutefois, nous pensons que des améliorations peuvent encore être apportées. Nous vous les soumettrons au cours de l’examen du texte en espérant qu’elles puissent obtenir votre soutien. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture

M. le président. Nous commençons par l’examen des articles 20, 23 et 24, appelés en priorité.

Discussion générale (suite)
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Article 23 (priorité)

Article 20 (priorité)

I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le 7° de l’article L. 4211-1 est ainsi rédigé :

« 7° La vente au détail et toute dispensation au public, d’une part, des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales, définies à l’article L. 5137-1 du présent code, destinées aux enfants de moins de douze mois et dont les caractéristiques sont fixées par arrêté des ministres chargés de la consommation et de la santé et, d’autre part, des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 5137-3 du même code ; »

2° Le 2° de l’article L. 5126-6 est ainsi rédigé :

« 2° Pour des raisons de santé publique ou dans l’intérêt des patients, le ministre chargé de la santé fixe par arrêté la liste des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales, définies à l’article L. 5137-1, que les pharmacies à usage intérieur sont autorisées à délivrer ; »

3° Le chapitre VII du titre III du livre Ier de la cinquième partie est ainsi rédigé :

« CHAPITRE VII

« Denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales

« Art. L. 5137-1. – Les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales définies au g du paragraphe 2 de l’article 2 du règlement (UE) n° 609/2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 concernant les denrées alimentaires destinées aux nourrissons et aux enfants en bas âge, les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales et les substituts de la ration journalière totale pour contrôle du poids et abrogeant la directive 92/52/CEE du Conseil, les directives 96/8/CE, 1999/21/CE, 2006/125/CE et 2006/141/CE de la Commission, la directive 2009/39/CE du Parlement européen et du Conseil et les règlements (CE) n° 41/2009 et (CE) n° 953/2009 de la Commission ne peuvent être utilisées que sous contrôle médical.

« Les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales autres que celles mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 5137-3 du présent code ne peuvent être délivrées que par les pharmacies à usage intérieur des établissements de santé, des hôpitaux des armées ou de l’Institution nationale des invalides, les pharmacies d’officine ou, dans des conditions définies par voie réglementaire et garantissant l’effectivité du contrôle médical, par les prestataires de service et les distributeurs de matériels mentionnés à l’article L. 5232-3.

« Art. L. 5137-2. – Le ministre chargé de la santé peut soumettre à prescription médicale obligatoire les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales qui répondent aux besoins nutritionnels particuliers de personnes atteintes de certaines pathologies.

« Art. L. 5137-3. – Lorsque la consommation d’une denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales peut présenter des risques graves pour la santé en cas de mésusage, le producteur et le distributeur le notifient à l’autorité administrative compétente désignée par arrêté des ministres chargés de la consommation et de la santé.

« Lorsqu’il est établi que la consommation d’une denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales présente des risques graves pour la santé en cas de mésusage, le ministre chargé de la santé la soumet à prescription médicale obligatoire. Il peut, si nécessaire, assortir la prescription médicale obligatoire de conditions particulières de prescription et de délivrance.

« Le ministre chargé de la santé peut, pour des raisons de santé publique ou dans l’intérêt des patients, réserver la délivrance des denrées mentionnées au deuxième alinéa du présent article aux pharmacies à usage intérieur.

« Les procédures de vigilance et les modalités d’identification des denrées pouvant présenter des risques graves pour la santé en cas de mésusage sont précisées par décret. » ;

4° L’article L. 5521-7 est ainsi modifié :

a) Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les articles L. 5137-1 à L. 5137-3 sont applicables à Wallis-et-Futuna dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture. » ;

b) Après le 3° du II, sont insérés des 3° bis et 3° ter ainsi rédigés :

« 3° bis Au second alinéa de l’article L. 5137-1, les mots : “les pharmacies à usage intérieur des établissements de santé, des hôpitaux des armées ou de l’Institution nationale des invalides, les pharmacies d’officine ou, dans des conditions définies par voie réglementaire et garantissant l’effectivité du contrôle médical, par les prestataires de service et les distributeurs de matériels mentionnés à l’article L. 5232-3” sont remplacés par les mots : “la pharmacie de l’agence de santé” ;

« 3° ter Au dernier alinéa de l’article L. 5137-3, les mots : “aux pharmacies à usage intérieur” sont remplacés par les mots : “la pharmacie de l’agence de santé” ; ».

II. – Par dérogation aux articles L. 5137-1 à L. 5137-3 du code de la santé publique, pendant une durée d’un an à compter de la publication de la présente loi, les denrées alimentaires répondant aux besoins nutritionnels particuliers de personnes atteintes de maladies héréditaires du métabolisme sont soumises à prescription médicale obligatoire. Leur vente au détail et leur dispensation au public sont réservées aux pharmaciens.

Par dérogation au 2° de l’article L. 5126-6 du code de la santé publique, pendant une durée de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, les pharmacies à usage intérieur sont autorisées à délivrer au public, au détail, les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales définies au g du paragraphe 2 de l’article 2 du règlement (UE) n° 609/2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 concernant les denrées alimentaires destinées aux nourrissons et aux enfants en bas âge, les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales et les substituts de la ration journalière totale pour contrôle du poids et abrogeant la directive 92/52/CEE du Conseil, les directives 96/8/CE, 1999/21/CE, 2006/125/CE et 2006/141/CE de la Commission, la directive 2009/39/CE du Parlement européen et du Conseil et les règlements (CE) n° 41/2009 et (CE) n° 953/2009 de la Commission.

M. le président. L’amendement n° 16 rectifié, présenté par M. Sautarel, Mme Belrhiti, MM. Bascher, Burgoa et Paccaud, Mme Dumont, M. Belin, Mme Estrosi Sassone, MM. Laménie et Genet et Mme Joseph, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

par arrêté des ministres chargés de la consommation et de la santé

par les mots :

par décision conjointe de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail et de la commission d’alimentation des maladies héréditaires du métabolisme

La parole est à M. Stéphane Sautarel.

M. Stéphane Sautarel. La commission d’alimentation est garante des référencements et de la gestion des ruptures d’offre de soins. Elle pourrait être remplacée par une commission plus large pour les problématiques des maladies rares.

Actuellement, la mise sur le marché des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales fait l’objet d’une notification auprès de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), puis d’une évaluation nutritionnelle par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Ces denrées sont ensuite présentées à la commission nationale d’experts de l’Agence générale des équipements et produits de santé (Ageps), qui évalue leur intérêt médical.

Le présent amendement vise à charger l’Anses et la commission d’alimentation des maladies héréditaires du métabolisme d’arrêter conjointement les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales du règlement de l’Union européenne.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales. J’entends les préoccupations de notre collègue quant au maintien d’une offre diversifiée de produits alimentaires pour les patients et au rôle de la commission d’alimentation.

Cependant, sur la forme, cet amendement ne permet pas d’atteindre l’objectif, puisqu’il vise en réalité les denrées destinées aux nourrissons.

Sur le fond, le passage à une distribution finale nécessitera effectivement de nouvelles inscriptions sur la liste des produits et prestations. C’est la raison pour laquelle une transition est aménagée à la fin de l’article 20, grâce au maintien transitoire de possibilités étendues de distribution de ces denrées en pharmacies à usage intérieur.

Pour ces raisons, il ne paraît pas opportun de revenir sur la rédaction retenue en commission. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Le Gouvernement remercie Mme la rapporteure d’avoir été exhaustive, et émet le même avis défavorable que la commission.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour explication de vote.

M. Stéphane Sautarel. Ma préoccupation concerne – vous l’avez compris – les maladies héréditaires du métabolisme. Je souhaite que la prise en compte très particulière des malades concernés ne soit pas remise en cause.

Toutefois, ayant entendu les arguments de Mme la rapporteure, que je remercie de son éclairage, je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 16 rectifié est retiré.

L’amendement n° 19 rectifié, présenté par M. Sautarel, Mme Belrhiti, MM. Bascher, Burgoa et Paccaud, Mme Dumont, M. Belin, Mme Estrosi Sassone et MM. Laménie et Genet, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Supprimer les mots :

, les pharmacies d’officine

La parole est à M. Stéphane Sautarel.

M. Stéphane Sautarel. Cet amendement vise à supprimer la référence aux pharmacies d’officine à l’alinéa 10 de l’article 20, afin que ces dernières ne puissent pas délivrer les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement tend à exclure les pharmacies d’officine du champ des distributeurs autorisés de denrées alimentaires destinées à des fins médicales et à réserver ainsi leur délivrance aux pharmacies à usage intérieur.

Cependant, cela interdirait la distribution de certaines denrées actuellement déjà délivrées par les pharmacies, comme certains laits spécialisés pour nourrissons, dont il est nécessaire de disposer à proximité.

Les pharmacies à usage intérieur seraient alors les uniques acteurs ; dans les faits, ce serait seulement l’Ageps. Or cette dernière appelle, elle aussi, à basculer vers le réseau officinal pour les denrées sans risque majeur.

La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Mme la rapporteure l’a souligné, les denrées concernées ne se limitent pas aux acides aminés ou aux produits hypoprotidiques.

Le champ couvert est bien plus large, puisqu’il comprend aussi bien des compléments nutritionnels oraux, les laits spéciaux hypoallergéniques pour les nourrissons ou encore les produits destinés à la nutrition entérale administrés à l’aide de pompes.

L’adoption de l’amendement conduirait à ce que ces produits, aujourd’hui délivrés en pharmacie d’officine, ne puissent plus l’être demain. Ce serait un véritable problème pour les patients ayant besoin de ces produits exclusivement disponibles en pharmacie d’officine ou pour les patients dénutris ayant besoin de produits hyperprotidiques.

J’en viens aux aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales (DADFMS) pour les patients souffrants de maladies héréditaires du métabolisme. Il est prévu de consulter la filière maladies rares héréditaires du métabolisme et les pharmacies à usage intérieur des établissements de santé, afin de définir les modalités de délivrance les plus adaptées pour ces patients.

Si à la suite de ces consultations, la délivrance par la pharmacie à usage intérieur (PUI) semble la plus adaptée, nous mettrons en œuvre cette faculté ouverte par l’avant-dernier alinéa du nouvel article L. 5137-3 du code de la santé publique.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour explication de vote.

M. Stéphane Sautarel. Les avis de Mme la ministre et de Mme la rapporteure éclairent une partie du débat.

Mon amendement avait – j’en ai bien conscience – une portée trop large, ou plus large, au regard de la finalité défendue à propos des maladies héréditaires du métabolisme. Il s’agissait d’un amendement d’appel pour attirer l’attention sur les perturbations potentielles que pourrait connaître la distribution de ces produits et que subiraient les malades, à propos desquelles une vigilance particulière doit être observée. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 19 rectifié est retiré.

L’amendement n° 84, présenté par Mme Gruny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 21

Remplacer les mots :

Au dernier

par les mots :

À la fin du troisième

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Amendement de correction rédactionnelle.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 84.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 17 rectifié, présenté par M. Sautarel, Mme Belrhiti, MM. Bascher, Pointereau, Burgoa et Paccaud, Mme Dumont, M. Belin, Mme Estrosi Sassone, MM. Laménie et Genet et Mme Joseph, est ainsi libellé :

Alinéa 22

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Stéphane Sautarel.

M. Stéphane Sautarel. Cet amendement va dans le même sens que le précédent et vise également à supprimer un alinéa de l’article 20, afin d’éviter, une fois encore, une période de transition. Toutefois, au regard des arguments qui ont déjà été développés, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 17 rectifié est retiré.

L’amendement n° 18 rectifié, présenté par M. Sautarel, Mme Belrhiti, MM. Bascher, Pointereau, Burgoa et Paccaud, Mme Dumont, M. Belin, Mme Estrosi Sassone, MM. Laménie et Genet et Mme Joseph, est ainsi libellé :

Alinéa 23

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Stéphane Sautarel.

M. Stéphane Sautarel. Je retire également cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 18 rectifié est retiré.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Je voudrais dire à mon collègue Stéphane Sautarel qu’il était important d’exprimer dans l’hémicycle les inquiétudes des patients. Je pense que vous les avez entendues, madame la ministre. Il faudra suivre ce qui a été demandé et que nous avons accepté en commission.

M. le président. Je mets aux voix l’article 20, modifié.

(Larticle 20 est adopté.)

Article 20 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture
Article 24 (priorité)

Article 23 (priorité)

I. – L’ordonnance n° 2022-582 du 20 avril 2022 portant adaptation du droit français au règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux et l’ordonnance n° 2022-1086 du 29 juillet 2022 portant adaptation du droit français au règlement (UE) 2017/746 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro sont ratifiées.

II. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du II de l’article L. 1111-3-2, les mots : « médical sur mesure ou de son accessoire » sont remplacés par les mots : « sur mesure mentionné à l’article 1er du règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, modifiant la directive 2001/83/CE, le règlement (CE) n° 178/2002 et le règlement (CE) n° 1223/2009 et abrogeant les directives du Conseil 90/385/CEE et 93/42/CEE » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 1111-3-3, les mots : « médicaux ou de leurs accessoires » sont remplacés par les mots : « mentionnés à l’article 1er du règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, modifiant la directive 2001/83/CE, le règlement (CE) n° 178/2002 et le règlement (CE) n° 1223/2009 et abrogeant les directives du Conseil 90/385/CEE et 93/42/CEE » ;

3° Au deuxième alinéa de l’article L. 1151-1, après le mot : « prescrire », sont insérés les mots : « , les pratiquer, les utiliser » et les mots : « conformément au » sont remplacés par les mots : « sans préjudice, le cas échéant, du respect du » ;

4° L’article L. 1151-2 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« La pratique des actes, procédés, techniques et méthodes relative aux groupes de produits mentionnés à l’annexe XVI du règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, modifiant la directive 2001/83/CE, le règlement (CE) n° 178/2002 et le règlement (CE) n° 1223/2009 et abrogeant les directives du Conseil 90/385/CEE et 93/42/CEE ou la pratique d’autres actes, procédés, techniques et méthodes à visée esthétique autres que ceux relevant de l’article L. 6322-1 du présent code peut, si elle présente des risques pour la santé des personnes, être soumise à des règles, définies par décret pris après avis de la Haute Autorité de santé, relatives à la formation et la qualification des professionnels pouvant les mettre en œuvre, à la déclaration des activités exercées et à des conditions de réalisation. » ;

b) Le second alinéa est complété par les mots : « , pris après avis de la Haute Autorité de santé » ;

5° Au second alinéa de l’article L. 1333-25, les mots : « mentionnées à l’article L. 5211-3-2 » sont remplacés par les mots : « au sens de l’article 61 du règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, modifiant la directive 2001/83/CE, le règlement (CE) n° 178/2002 et le règlement (CE) n° 1223/2009 et abrogeant les directives du Conseil 90/385/CEE et 93/42/CEE » ;

5° bis (nouveau) L’article L. 5211-5-1 est ainsi rétabli :

« Art. L. 5211-5-1. – I. – Les dispositifs médicaux sont qualifiés d’indispensables lorsque leur indisponibilité est susceptible de créer une situation de risque grave pour le patient au regard de son accès aux soins. Les critères permettant de définir cette situation de risque grave sont fixés par voie réglementaire. Peuvent procéder à cette qualification les fabricants du dispositif médical ou leurs mandataires, ainsi que toute personne qui se livre à son importation, à sa distribution, à l’exclusion de la vente au détail, ou à défaut l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

« II. – Les fabricants d’un dispositif médical indispensable ou leurs mandataires, ainsi que toute personne qui se livre à son importation, à sa distribution, à l’exclusion de la vente au détail, qui prennent la décision d’en suspendre ou d’en cesser la commercialisation ou qui ont connaissance de faits susceptibles d’entraîner la suspension ou la cessation de cette commercialisation en informent l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé au moins un an avant la date envisagée ou prévisible.

« Lorsqu’ils identifient un risque de rupture dans la disponibilité d’un dispositif médical indispensable, les fabricants ou leurs mandataires, ainsi que toute personne qui se livre à l’importation ou à la distribution de ce dispositif, à l’exclusion de la vente au détail, mettent en œuvre toute mesure utile et nécessaire anticipée, visant à éviter la rupture et à assurer la continuité des soins dans l’intérêt des patients.

« III. – Lorsque les mesures prévues au II n’ont pas permis d’éviter le risque de rupture ou la rupture dans la disponibilité du dispositif médical indispensable, les fabricants ou leurs mandataires, ainsi que toute personne qui se livre à l’importation ou à la distribution, à l’exclusion de la vente au détail, effectuent une déclaration auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, de ce risque de rupture ou de toute rupture relatif à ce dispositif médical, dans des conditions définies par voie réglementaire.

« IV. – Lorsqu’elle constate un risque de rupture ou une rupture dans la disponibilité d’un dispositif qualifié d’indispensable, pour lequel le fabricant ou son mandataire, ainsi que toute personne qui se livre à l’importation ou à la distribution, à l’exclusion de la vente au détail, n’a pas mis en œuvre les mesures prévues au II, ou n’a pas effectué la déclaration prévue au III, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé prend toute mesure utile et nécessaire pour éviter la rupture et assurer la continuité des soins dans l’intérêt des patients. Ces mesures sont prises après consultation des professionnels de santé et des associations de patients et d’usagers du système de santé.

« Les informations relatives aux dispositifs médicaux qualifiés d’indispensables, aux risques identifiés de rupture dans leur disponibilité et aux mesures d’anticipation prises sont tenues à la disposition de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et lui sont transmises à tout moment à sa demande. » ;

5° ter (nouveau) L’article L. 5221-7 est ainsi rétabli :

« Art. L. 5221-7 – I. – Les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro sont qualifiés d’indispensables lorsque leur indisponibilité est susceptible de créer une situation de risque grave pour le patient au regard de son accès aux soins. Les critères permettant de définir cette situation de risque grave sont fixés par voie réglementaire. Peuvent procéder à cette qualification les fabricants du dispositif médical de diagnostic in vitro ou leurs mandataires, ainsi que toute personne qui se livre à son importation ou à sa distribution, à l’exclusion de la vente au détail ou, à défaut, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

« II. – Les fabricants d’un dispositif médical de diagnostic in vitro indispensable ou leurs mandataires, ainsi que toute personne qui se livre à son importation, à sa distribution, à l’exclusion de la vente au détail, qui prennent la décision d’en suspendre ou d’en cesser la commercialisation ou qui ont connaissance de faits susceptibles d’entraîner la suspension ou la cessation de cette commercialisation en informent l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé au moins un an avant la date envisagée ou prévisible.

« Lorsqu’ils identifient un risque de rupture dans la disponibilité d’un dispositif médical de diagnostic in vitro indispensable, les fabricants ou leurs mandataires, ainsi que toute personne qui se livre à l’importation ou la distribution de ce dispositif, à l’exclusion de la vente au détail, mettent en œuvre toute mesure utile et nécessaire anticipée, visant à éviter la rupture et à assurer la continuité des soins dans l’intérêt des patients.

« III. – Lorsque les mesures prévues au II n’ont pas permis d’éviter le risque de rupture ou la rupture dans la disponibilité du dispositif médical de diagnostic in vitro indispensable, les fabricants ou leurs mandataires, ainsi que toute personne qui se livre à l’importation ou à la distribution, à l’exclusion de la vente au détail, effectuent une déclaration auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, de ce risque de rupture ou de toute rupture relatif à ce dispositif médical de diagnostic in vitro, dans des conditions définies par voie réglementaire.

« IV. – Lorsqu’elle constate un risque de rupture ou une rupture dans la disponibilité d’un dispositif qualifié d’indispensable, pour lequel le fabricant ou son mandataire, ainsi que toute personne qui se livre à l’importation ou la distribution, à l’exclusion de la vente au détail, n’a pas mis en œuvre les mesures prévues au II, ou n’a pas effectué la déclaration prévue au III, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé prend toute mesure utile et nécessaire pour éviter la rupture et assurer la continuité des soins dans l’intérêt des patients. Ces mesures sont prises après consultation des professionnels de santé et des associations de patients et d’usagers du système de santé.

« Les informations relatives aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro qualifiés d’indispensables, aux risques identifiés de rupture dans leur disponibilité et aux mesures d’anticipation prises sont tenues à la disposition de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et lui sont transmises à tout moment à sa demande. » ;

6° L’article L. 5461-6 est ainsi modifié :

a) La première occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot : « ou » ;

b) Après le mot : « médicaux », sont insérés les mots : « ou de ses accessoires » ;

7° L’article L. 5461-9 est ainsi modifié :

a) Au 12°, la première occurrence du mot : « et » est remplacé par le mot : « ou » ;

b) (nouveau) Il est ajouté un 24° ainsi rédigé :

« 24° Le fait, pour les fabricants de dispositifs médicaux indispensables ou leurs mandataires, ainsi que pour toute personne qui se livre à l’importation ou à la distribution de dispositifs médicaux indispensables, à l’exclusion de la vente au détail, de ne pas informer l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé d’un risque de rupture ou de toute rupture dans la disponibilité de ces dispositifs médicaux, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 5211-5-1. » ;

7° bis (nouveau) L’article L. 5462-8 est complété par un 20° ainsi rédigé :

« 20° Le fait, pour les fabricants de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro indispensables ou leurs mandataires, ainsi que pour toute personne qui se livre à l’importation ou la distribution de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro indispensables, à l’exclusion de la vente au détail, de ne pas informer l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé d’un risque de rupture ou de toute rupture dans la disponibilité de ces dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 5221-7. » ;

7° ter (nouveau) Le deuxième alinéa du III de l’article L. 5471-1 est ainsi modifié :

a) La référence : « 23° » est remplacée par la référence : « 24° » ;

b) La référence : « 19° » est remplacée par la référence « 20° » ;

8° Aux articles L. 5471-2 et L. 5472-3, le mot : « livre » est remplacé par le mot : « chapitre » ;

9° Le titre VII du livre IV de la cinquième partie est complété par un chapitre III ainsi rédigé :

« CHAPITRE III

« Sanctions financières prononcées par lautorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation

« Art. L. 5473-1. – I. – Dans le domaine de compétence déterminé au II de l’article L. 5211-2 et au II de l’article L. 5221-2, l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation mentionnée à l’article L. 522-1 du code de la consommation peut prononcer une sanction financière à l’encontre de l’auteur d’un manquement mentionné aux articles L. 5461-9 et L. 5462-8 du présent code, conformément à la procédure prévue au chapitre II du titre II du livre V du code de la consommation.

« II. – L’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut assortir cette sanction financière d’une astreinte journalière qui ne peut être supérieure à 2 500 € par jour lorsque l’auteur du manquement ne s’est pas conformé à ses prescriptions à l’issue du délai fixé par une mise en demeure.

« III. – Le montant de la sanction prononcée pour les manquements mentionnés aux 9°, 14°, 15°, 16° et 17° de l’article L. 5461-9 et aux 8°, 11°, 12° et 13° de l’article L. 5462-8 ne peut être supérieur à 150 000 € pour une personne physique et à 10 % du chiffre d’affaires réalisé lors du dernier exercice clos, dans la limite d’un million d’euros, pour une personne morale.

« Le montant de la sanction prononcée pour les manquements mentionnés aux 1° à 8°, 10° à 13° et 18° à 21° de l’article L. 5461-9 et aux 1° à 7°, 9°, 10° et 14° à 17° de l’article L. 5462-8 ne peut être supérieur à 150 000 € pour une personne physique et à 30 % du chiffre d’affaires réalisé lors du dernier exercice clos pour le produit ou le groupe de produits concernés, dans la limite d’un million d’euros, pour une personne morale.

« En cas de constatation de l’un des manquements mentionnés aux 11°, 12° et 13° de l’article L. 5461-9 et aux 9° et 10° de l’article L. 5462-8, l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut prononcer une interdiction de la publicité concernée par le manquement, lorsque l’auteur du manquement ne s’est pas conformé à ses prescriptions à l’issue du délai fixé par une mise en demeure.

« IV. – L’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut décider de publier les décisions de sanction financière prononcées au titre du I du présent article sur son site internet ou un site internet du ministère chargé de l’économie.

« Art. L. 5473-2. – Lorsqu’une sanction financière prononcée au titre du présent chapitre est susceptible de se cumuler avec une amende pénale infligée à raison des mêmes faits à l’auteur du manquement, le montant global des amendes et sanctions financières prononcées ne dépasse pas le maximum légal le plus élevé.

« Art. L. 5473-3. – Une même personne ne peut faire l’objet, pour les mêmes faits, d’une procédure de sanction engagée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé sur le fondement de l’article L. 5471-1 et par l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation sur le fondement de celles de l’article L. 5473-1. À cette fin, les deux autorités échangent les informations nécessaires avant l’ouverture de toute procédure. » ;

10° Au second alinéa de l’article L. 6111-2, le mot : « médicaux » est remplacé par les mots : « mentionnés à l’article 1er du règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, modifiant la directive 2001/83/CE, le règlement (CE) n° 178/2002 et le règlement (CE) n° 1223/2009 et abrogeant les directives du Conseil 90/385/CEE et 93/42/CEE ».

M. le président. L’amendement n° 44 rectifié bis, présenté par Mmes Imbert et Puissat, MM. Perrin, Rietmann, Sol, Pointereau, Cadec, Panunzi, Bonne, Mouiller et D. Laurent, Mme Malet, M. Burgoa, Mme Demas, M. Charon, Mme M. Mercier, M. Belin, Mme Estrosi Sassone, M. Bouchet, Mmes Garriaud-Maylam et Chauvin, M. Bascher, Mmes Berthet, Petrus et Belrhiti, M. Laménie, Mme Gosselin, M. Chatillon, Mmes F. Gerbaud et Lassarade, MM. Saury et Genet et Mmes Dumont et Ventalon, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 12 et 19

Compléter ces alinéas par les mots :

après avoir entendu les opérateurs précités concernés par la mise à disposition de l’utilisateur final

II. – Alinéas 16 et 23, secondes phrases

Après le mot :

consultation

insérer les mots :

des opérateurs précités concernés par la mise à disposition de l’utilisateur final,

La parole est à Mme Corinne Imbert.

Mme Corinne Imbert. Cet amendement vise à préciser les dispositions, introduites par la commission, relatives à l’approvisionnement en dispositifs médicaux en prévoyant que, lorsque l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) qualifie elle-même un dispositif d’indispensable ou prend des mesures visant à prévenir une rupture d’offre, elle doit au préalable entendre les opérateurs concernés. Leur consultation est en effet nécessaire pour permettre à l’ANSM d’apprécier le risque de rupture, comme ses conséquences, sur l’accès aux soins des patients.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Il est en effet important d’inscrire cette consultation préalable par l’ANSM des opérateurs concernés par la fabrication ou la distribution du dispositif. Cela permet de mieux évaluer le risque de rupture, qui suscite aujourd’hui des inquiétudes sur le terrain.

La commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Une telle consultation est bienvenue. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 44 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 23, modifié.

(Larticle 23 est adopté.)

Article 23 (priorité)
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Article 1er

Article 24 (priorité)

Après l’article L. 162-16-3-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 162-16-3-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 162-16-3-2. – Le directeur de l’organisme local d’assurance maladie compétent peut prononcer, sur la base des éléments constatés par l’entité légale gérant le répertoire national de vérification des médicaments, à l’encontre des titulaires d’officine de pharmacie, après les avoir mis en mesure de présenter leurs observations, une pénalité financière en cas de manquement à l’obligation de désactivation de l’identifiant unique prévue à l’article 25 du règlement délégué (UE) 2016/161 de la Commission du 2 octobre 2015 complétant la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil en fixant les modalités des dispositifs de sécurité figurant sur l’emballage des médicaments à usage humain.

« Cette pénalité peut être réitérée par période de trois mois. Son montant est fixé à 2 000 euros.

« La pénalité est recouvrée par l’organisme local d’assurance maladie compétent. Les huitième et neuvième alinéas du IV de l’article L. 114-17-1 du présent code sont applicables au recouvrement de cette pénalité. Son produit est affecté à la Caisse nationale de l’assurance maladie. Le recours formé contre la décision prononçant cette pénalité est un recours de pleine juridiction.

« Le présent article est applicable aux pharmacies mutualistes et aux pharmacies de sociétés de secours minières.

« Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État. » – (Adopté.)

M. le président. Nous revenons à l’ordre normal de la discussion.

TITRE Ier

DISPOSITIONS D’ADAPTATION AU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE EN MATIÈRE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

Chapitre Ier

Dispositions relatives aux activités de l’assurance et de l’épargne retraite

Article 24 (priorité)
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Article 2

Article 1er

I. – Le code des assurances est ainsi modifié :

1° Au 2° de l’article L. 111-6, le mot : « définis » est remplacé par les mots : « dans des conditions définies » ;

2° Le 1° de l’article L. 310-3-1 est ainsi modifié :

a) À la fin du a, les mots : « 5 millions d’euros » sont remplacés par les mots : « un seuil fixé par arrêté du ministre chargé de l’économie » ;

b) À la fin du b, les mots : « 25 millions d’euros » sont remplacés par les mots : « un seuil fixé par arrêté du ministre chargé de l’économie » ;

c) Le deuxième alinéa du d est ainsi rédigé :

« – dépassent un seuil d’encaissement de primes ou de cotisations brutes émises ou un montant de provisions techniques, au sens défini au titre IV du livre III du présent code, brutes de cessions en réassurance ou à des véhicules de titrisation, fixés par arrêté du ministre chargé de l’économie ; ».

II. – Le 1° de l’article L. 211-10 du code de la mutualité est ainsi modifié :

1° À la fin du a, les mots : « 5 millions d’euros » sont remplacés par les mots : « un seuil fixé par arrêté du ministre chargé des affaires sociales » ;

2° À la fin du b, les mots : « 25 millions d’euros » sont remplacés par les mots : « un seuil fixé par arrêté du ministre chargé des affaires sociales » ;

3° Le deuxième alinéa du d est ainsi rédigé :

« i) Dépassent un seuil d’encaissement de primes ou de cotisations brutes émises ou un montant de provisions techniques, au sens défini au titre IV du livre III du présent code, brutes de cessions en réassurance ou à des véhicules de titrisation, fixés par arrêté du ministre chargé des affaires sociales ; ».

III. – Le 1° de l’article L. 931-6 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À la fin du a, les mots : « 5 millions d’euros » sont remplacés par les mots : « un seuil fixé par arrêté du ministre chargé des affaires sociales » ;

2° À la fin du b, les mots : « 25 millions d’euros » sont remplacés par les mots : « un seuil fixé par arrêté du ministre chargé des affaires sociales » ;

3° Le deuxième alinéa du d est ainsi rédigé :

« i) Dépassent un seuil d’encaissement de primes ou de cotisations brutes émises ou un montant de provisions techniques, au sens défini au titre IV du livre III du présent code, brutes de cessions en réassurance ou à des véhicules de titrisation, fixés par arrêté du ministre chargé des affaires sociales ; ». – (Adopté.)

Article 1er
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Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 49

Article 2

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Le 1° du II de l’article L. 612-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour l’application du règlement (UE) 2019/1238 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relatif à un produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle, elle examine, dans les conditions fixées aux paragraphes 2 à 5 de l’article 6 du même règlement, les demandes d’enregistrement des produits paneuropéens d’épargne-retraite individuelle qui lui sont adressées par les personnes mentionnées aux b et c du paragraphe 1 du même article 6 ; »

2° L’article L. 621-7 est complété par un XV ainsi rédigé :

« XV. – Les règles applicables à la fourniture de produits paneuropéens d’épargne-retraite individuelle par les personnes mentionnées à l’article L. 621-20-10 pour lesquelles le règlement (UE) 2019/1238 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relatif à un produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle renvoie à la compétence des États membres. » ;

3° Après le 21° du II de l’article L. 621-9, il est inséré un 22° ainsi rédigé :

« 22° Les fournisseurs de produits paneuropéens d’épargne-retraite individuelle mentionnés à l’article L. 621-20-10. » ;

4° L’article L. 621-15 est ainsi modifié :

a) Aux a et b du II, la référence : « 21° » est remplacée par la référence : « 22° » ;

b) Le III est ainsi modifié :

– au a, les mots : « et 21° » sont remplacés par les mots : « , 21° et 22° » ;

– aux première et deuxième phrases du b, la référence : « 21° » est remplacée par la référence : « 22° » ;

c) Après le 6° du III bis, il est inséré un 7° ainsi rédigé :

« 7° Fixées par le règlement (UE) 2019/1238 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relatif à un produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle. » ;

5° La sous-section 7 de la section 4 du chapitre unique du titre II du livre VI est complétée par un article L. 621-20-10 ainsi rédigé :

« Art. L. 621-20-10. – L’Autorité des marchés financiers est l’autorité compétente au sens du paragraphe 18 de l’article 2 et du paragraphe 6 de l’article 6 du règlement (UE) 2019/1238 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relatif à un produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle à l’égard des fournisseurs de ces produits mentionnés au a du paragraphe 1 du même article 6, sous réserve que ceux-ci soient agréés pour fournir des services d’investissement mentionnés à l’article L. 321-1 du présent code, ainsi qu’à l’égard de ceux mentionnés aux de et f du paragraphe 1 de l’article 6 du règlement précité. »

M. le président. L’amendement n° 68, présenté par Mmes Apourceau-Poly et Cohen, MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Lors de la pandémie de covid-19, l’Union européenne a accordé à la France 40 milliards d’euros. En contrepartie, le gouvernement français s’est engagé à réformer le système de retraite et à réduire les droits de l’assurance chômage.

Le Président de la République a annoncé que la réforme des retraites serait présentée le 10 janvier prochain. Cependant, sans attendre cette date, ce projet de loi prévoit, dans son article 2, de développer l’épargne retraite complémentaire. Ainsi, selon l’exposé des motifs, l’article 2 a pour objet d’améliorer l’attractivité du produit paneuropéen d’épargne retraite individuelle.

Le Gouvernement souhaite donc développer la retraite par capitalisation au détriment de notre système par répartition. Ce nouveau contrat d’épargne par capitalisation est complémentaire des régimes de retraites publiques et complémentaires.

Il est intéressant d’observer qu’aucune compagnie d’assurances française ne propose actuellement de produit paneuropéen d’épargne retraite individuelle, en anglais Pan European Personal Pension Product (Pepp). Les seuls contrats existants sont commercialisés en Irlande, au Portugal et à Chypre, car il est prévu que le régime fiscal du pays d’origine du contrat soit applicable en cas de transfert dans un autre État.

Il s’agit donc d’une retraite complémentaire, financée par des paradis fiscaux. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Je sais bien que cela ne vous fait pas plaisir de l’entendre, chers collègues ! Les Pepp cassent notre système solidaire de retraite au profit de fonds d’investissement, comme BlackRock, installés dans des paradis fiscaux.

Pour notre part, nous refusons l’expansion des retraites individuelles complémentaires financées par l’évasion fiscale au détriment des finances publiques des États souverains.

Pour ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 2.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis de la commission des finances. Je pense qu’il existe une légère confusion.

On ne voit pas bien le lien entre le produit d’épargne retraite individuelle et la réforme des retraites envisagée par le Gouvernement. M. le ministre nous éclairera peut-être sur ce point.

On ne voit pas bien non plus à quoi correspondent les références aux paradis fiscaux.

Aujourd’hui, ce produit d’épargne retraite individuelle est surtout un échec retentissant, puisqu’il en existe un seul dans toute l’Europe, en Slovaquie. Nous sommes donc loin d’un diktat de Bruxelles et de risques avérés le concernant.

Si l’article 2 était abrogé, la désignation des autorités compétentes en matière de supervision serait dans le même temps supprimée, ce qui aboutirait à une dérégulation totale. À mon avis, ce n’est pas ce que souhaitent les auteurs de l’amendement.

Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. M. le rapporteur pour avis a raison : il y a une forme de confusion. Notre système de retraite comprend la retraite socle par répartition, la retraite complémentaire et un étage de plus, la retraite supplémentaire.

Lors des débats sur la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, cette épargne supplémentaire a été rénovée. Elle bénéficie d’ailleurs à un grand nombre de nos concitoyens, soit à titre individuel – c’est notamment le cas des travailleurs indépendants –, soit à titre collectif, au moyen de produits comme le plan d’épargne pour la retraite collectif (Perco), qui consiste en des abondements des employeurs. Cette épargne permet la constitution d’un supplément de retraite.

L’article 2 a pour objet de définir, conformément aux caractéristiques issues de la loi Pacte, la version française du produit d’épargne retraite européen, puisque ces produits d’épargne ont une vocation européenne et doivent accompagner les citoyens européens tout au long de leur carrière, y compris lorsqu’ils vont travailler dans un autre État membre de l’Union européenne, et de préserver ce supplément de retraite que nos concitoyens sont en train de se constituer.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 68.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 105 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 267
Pour l’adoption 14
Contre 253

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
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Article 3

Après l’article 2

M. le président. L’amendement n° 49, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 224-30, il est inséré un article L. 224-30-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 224-30-1. – Un plan d’épargne retraite individuel peut être enregistré puis distribué sous la dénomination de produit paneuropéen d’épargne-retraite individuel s’il répond aux conditions prévues par le règlement (UE) 2019/1238 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relatif à un produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle, par le règlement délégué (UE) 2021/473 de la Commission du 18 décembre 2020 complétant le règlement précité et si le sous-compte français de ce produit satisfait les conditions fixées par le chapitre V du titre II du livre II du présent code. » ;

2° Après le chapitre IV du titre II du livre II, il est inséré un chapitre V ainsi rédigé :

« Chapitre V : le sous-compte français du produit paneuropéen dépargne-retraite individuelle

« Art. L. 225-1. – Sous réserve des dispositions contraires du présent chapitre, le sous-compte français, au sens de l’article 2 du règlement (UE) 2019/1238 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relatif à un produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle, du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné dans ce même règlement est régi par les dispositions applicables au plan d’épargne retraite individuel mentionné à l’article L. 224-28, à l’exception des articles L. 224-3, L. 224-6, L. 224-7, L. 224-8, L. 224-28, L. 224-29, L. 224-30, L. 224-31, L. 224-32, L. 224-34 et L. 224-40.

« Lorsque le sous-compte donne lieu à l’adhésion à un contrat d’assurance de groupe, il prévoit les modalités de financement de l’association souscriptrice. Celle-ci peut percevoir uniquement une cotisation initiale d’adhésion et, le cas échéant, des cotisations régulières des adhérents qui peuvent prendre la forme de frais prélevés sur le sous-compte.

« Lorsque le sous-compte est ouvert sous la forme d’un compte-titres, il peut donner lieu à l’ouverture d’un compte en espèce associé au compte-titres.

« Les modalités d’application du présent chapitre sont précisées par décret en Conseil d’État.

« Art. L. 225-2. – Les versements dans un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle ayant donné lieu à l’ouverture d’un compte-titres sont affectés à l’acquisition de titres financiers offrant une protection suffisante de l’épargne investie et figurant sur une liste fixée par voie réglementaire, en prenant en considération les modalités de gestion financière du plan.

« Les versements dans un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle ayant donné lieu à l’adhésion à un contrat d’assurance de groupe dont l’exécution est liée à la cessation d’activité professionnelle sont affectés à l’acquisition de droits exprimés en euros, de droits exprimés en parts de provision de diversification, de droits exprimés en unités de rente ou de droits exprimés en unités de compte constituées des titres financiers mentionnés au premier alinéa du présent article, sous réserve de l’article L. 131-1 du code des assurances.

« Art. L. 225-3. – Le sous-compte français doit pouvoir recevoir les versements mentionnés au 1° de l’article L. 224-2. Les versements sont effectués en numéraire. Les dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 224-20 sont applicables à ces versements.

« Le sous-compte français doit pouvoir recevoir également les sommes issues des versements mentionnés aux 2° et 3° de l’article L. 224-2 par transfert en provenance d’un plan d’épargne retraite mentionné à l’article L. 224-1 ou d’un autre sous-compte français.

« Pour le titulaire, les transferts de versements mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 224-2 depuis un plan d’épargne retraite mentionné à l’article L. 224-1 vers un sous-compte français ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu au titre de l’année de ce versement ni aux prélèvements sociaux. Ces versements correspondent à des droits en cours de constitution sur un plan d’épargne retraite. Les frais encourus à l’occasion d’un tel transfert ne peuvent excéder 1 % des droits acquis. Ils sont nuls à l’issue d’une période de cinq ans à compter du premier versement dans le plan, ou lorsque le transfert intervient à compter de l’échéance mentionnée à l’article L. 224-1.

« Art. L. 225-4. – Outre les cas mentionnés au I de l’article L. 224-4, les droits constitués sur un sous-compte français dans le cadre d’un produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle peuvent être, à la demande du titulaire, liquidés ou rachetés avant l’échéance mentionnée à l’article L. 224-1 si l’intégralité des sommes reçues au titre de cette liquidation ou de ce rachat est versée sur un plan d’épargne retraite mentionné à l’article L. 224-1. Pour le titulaire, les sommes ainsi versées sur un plan d’épargne retraite mentionné à l’article L. 224-1 ne sont pas soumises à l’impôt sur le revenu au titre de l’année de ce versement ni aux prélèvements sociaux.

« Le fournisseur du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle ayant ouvert le sous-compte communique au gestionnaire du plan d’épargne retraite le montant des droits en cours de constitution et le montant des sommes versées, en distinguant les versements mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 224-2. »

II. – Le code des assurances est ainsi modifié :

1° Le dernier alinéa de l’article L. 132-22 est complété par les mots : « ou d’un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code » ;

2° Après le neuvième alinéa de l’article L. 132-23, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le contrat d’assurance de groupe en cas de vie est ouvert sous la forme d’un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du code monétaire et financier, les dispositions du présent article s’appliquent sous réserve de celles du chapitre V du titre II du livre II du code monétaire et financier. » ;

3° À l’article L. 142-1, après le mot : « financier », sont insérés les mots : « et aux sous-comptes français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionnés à l’article L. 225-1 du même code » ;

4° À l’article L. 142-2, après le mot : « retraite », sont insérés les mots : « et des sous-comptes français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle » ;

5° L’article L. 142-3 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le mot : « peut » est remplacé par les mots : « et le sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle peuvent » ;

b) Les 5° et 6° sont complétés par une phrase ainsi rédigée : « Cette garantie ne peut être proposée dans un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle ; »

6° À la première phrase de l’article L. 142-8, après le mot : « retraite », sont insérés les mots : « et des sous-comptes français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle ».

III. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le 4 bis du III de l’article 150-0 A est complété par les mots : « ou dans un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code » ;

2° L’article 154 bis est ainsi modifié :

a) Au dernier alinéa du I, après les mots : « l’article L. 224-28 du même code », sont insérés les mots : « ou d’un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code » ;

b) Au premier alinéa du 1°, aux 2° et 3° du II, après le mot : « financier », sont insérés les mots : « ou d’un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code » ;

3° Au I de l’article 154 bis-0 A, après les mots : « l’article L. 224-28 du même code » sont insérés les mots : « ou dans un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code » ;

4° Le dernier alinéa du II de l’article 163 bis est complété par les mots : « ou d’un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code » ;

5° Le II bis de l’article 163 bis B est ainsi modifié :

a) Après le mot : « financier », sont insérés les mots : « ou dans un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code » ;

b) Après les mots : « ce plan », sont insérés les mots : « ou ce sous-compte » ;

6° Au d du 1 du I de l’article 163 quatervicies, après les mots : « même code », sont insérés les mots : « ou aux sous-comptes français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code » ;

7° L’article 163 quinvicies est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions des a bis, a ter, b bis du 18° et du 18° bis de l’article 81, du deuxième alinéa du 2° de l’article 83 et de l’article 163 bis AA ne s’appliquent pas aux versements effectués dans un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 code monétaire financier. Il en va de même des dispositions prévues au d du 1 du I de l’article 163 quatervicies pour la part correspondant à des versements au titre des garanties complémentaires prévues au 4° du I de l’article L. 142-3 du code des assurances. » ;

8° Au premier alinéa du VI quater de l’article 199 terdecies-0 A, après le mot : « financier », sont insérés les mots : « , dans un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code » ;

9° Au III de l’article 199 terdecies-0 AB, après le mot : « financier », sont insérés les mots : « , dans un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code » ;

10° Au second alinéa du I de l’article 757 B, après le mot : « financier », sont insérés les mots : « ou d’un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code » ;

11° Le I de l’article 990 I est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « financier, », sont insérés les mots : « des contrats relevant de l’article L. 225-1 du même code » ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « ou d’un plan d’épargne retraite prévu à l’article L. 224-28 du code monétaire et financier » sont remplacés par les mots : « , d’un plan d’épargne retraite prévu à l’article L. 224-28 du code monétaire et financier ou d’un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code ».

IV. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au 1° de l’article L. 131-2 et au 11° du II de l’article L. 136-1-2, après le mot : « financier », sont insérés les mots : « ou d’un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code » ;

2° L’article L. 136-7 est ainsi modifié :

a) Au I, les mots : « 3° Les rentes versées au titre de la liquidation des droits constitués dans un plan d’épargne retraite » sont remplacés par les mots : « 4° Les rentes versées au titre de la liquidation des droits constitués dans un plan d’épargne retraite ou dans un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle » ;

b) Au 7° bis du II, après le mot : « financier », sont insérés les mots : « ou d’un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code ».

V. – Après le neuvième alinéa de l’article L. 223-22 du code de la mutualité, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le contrat collectif est ouvert sous la forme d’un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du code monétaire et financier, les dispositions du présent article s’appliquent sous réserve de celles du chapitre V du titre II du livre II du code monétaire et financier. »

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Cet amendement vise à fixer les règles de fonctionnement et la fiscalité du sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne retraite individuelle.

Le plan d’épargne retraite individuel a vocation à servir de cadre pour ce produit d’épargne supplémentaire qu’on retrouvera dans l’ensemble des États membres, en laissant de la flexibilité à chaque État membre en particulier pour fixer les conditions de son propre produit d’épargne.

Il peut en effet y avoir des différences entre les caractéristiques des produits d’épargne de chaque État membre, mais il est nécessaire que ces produits puissent converger au sein d’un produit unique. Il s’agit de protéger les citoyens européens, lorsqu’ils sont amenés à travailler dans un autre État membre de l’Union européenne.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Avis favorable. Il nous paraît pertinent d’aligner le fonctionnement et le régime fiscal des deux dispositifs.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 49.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2.

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 49
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Article 4

Article 3

I. – L’article L. 114-46-3 du code de la mutualité est ainsi rédigé :

« Art. L. 114-46-3. – Les entreprises régies par le présent code qui réalisent des opérations relevant du b du 1° du I de l’article L. 111-1, ou qui réassurent, conformément au II de l’article L. 111-1-1, des engagements mentionnés au b du 1° du I de l’article L. 111-1, sont soumises à l’article L. 533-22-1 du code monétaire et financier. »

II. – L’article L. 931-3-8 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Art. L. 931-3-8. – Les institutions de prévoyance et leurs unions qui réalisent des opérations relevant du a de l’article L. 931-1, ou qui réassurent, conformément au II de l’article L. 931-1-1, des engagements mentionnés au a de l’article L. 931-1, sont soumises à l’article L. 533-22-1 du code monétaire et financier. »

III (nouveau). – Le VII de l’article L. 114-21 du code de la mutualité est abrogé. – (Adopté.)

Article 3
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Article 5

Article 4

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de :

1° Transposer la directive (UE) 2021/2118 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2021 modifiant la directive 2009/103/CE concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité et prendre les mesures de coordination et d’adaptation de la législation liées à cette transposition ;

2° Rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions résultant de l’ordonnance prise sur le fondement du présent I pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces dispositions en ce qui concerne Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance mentionnée au I. – (Adopté.)

Chapitre II

Dispositions en matière de droit des sociétés

Article 4
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Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 62

Article 5

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 211-3, les mots : « le cas prévu au second alinéa de » sont remplacés par les mots : « les cas prévus à » ;

2° L’article L. 211-7 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les titres financiers admis aux opérations d’une “infrastructure de marché DLT” au sens du paragraphe 5 de l’article 2 du règlement (UE) 2022/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, et modifiant les règlements (UE) n° 600/2014 et (UE) n° 909/2014 et la directive 2014/65/UE sont inscrits dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé mentionné à l’article L. 211-3 du présent code dans les conditions définies par ce règlement. » ;

3° Les articles L. 742-1, L. 743-1 et L. 744-1 sont ainsi modifiés :

a) Le tableau constituant le second alinéa du I est ainsi modifié :

– la quatrième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

 

« 

L. 211-3

la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture

L. 211-4

l’ordonnance n° 2017-1674 du 8 décembre 2017

» ;

– la septième ligne est ainsi rédigée :

 

« 

L. 211-7

la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture

» ;

b) Après le 3° du II, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :

« 3° bis À l’article L. 211-7, les mots : “au sens du paragraphe 5 de l’article 2 du règlement (UE) 2022/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, et modifiant les règlements (UE) n° 600/2014 et (UE) n° 909/2014 et la directive 2014/65/UE” sont supprimés ; ».

M. le président. L’amendement n° 70, présenté par Mmes Apourceau-Poly et Cohen, MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Nous souhaitons supprimer l’article 5, qui porte sur le développement de la technologie dite des registres distribués. Ce sont des plateformes d’un nouveau genre par lesquelles des transactions entre participants s’effectuent sans intermédiation d’une entité centrale et sont automatiquement enregistrées sur des serveurs communs.

Il s’agit tout simplement d’un moyen de contourner le dépositaire central, institution essentielle au bon fonctionnement des marchés financiers qui garantit que les transactions sont exécutées correctement et en temps voulu.

Il faudrait consacrer « l’innovation financière pour permettre des gains d’efficience aux acteurs de marché ». Nous ne partageons pas cette position. Elle fait peser une menace qui n’est pas seulement réglementaire, comme il est indiqué dans l’étude d’impact, mais qui porte sur la nature même des transactions.

Ce « régime pilote », une sorte d’expérimentation, vise à introduire la blockchain pour les transactions cotées, ce qui n’était jusqu’alors permis que sur du non-côté.

Les principaux risques que nous identifions sont de natures différentes.

Derrière le souci de démocratisation qui serait accru grâce à ces technologies se cache en réalité une capacité de fractionner à l’envi les titres détenus rendant la détention infinie et sectionnable, diluant le capital et les responsabilités et créant de la confusion pour les entreprises qui s’y adonneraient.

Le mythe de la « finance pour tous » est une hérésie. Il implique de disposer de capitaux, dont les ménages sont privés. Cette fausse démocratisation se fera – on y assistera sur le temps long – au détriment des autres investissements et des produits d’épargne réglementée. Le groupe CRCE en est convaincu.

Derrière cette expérimentation, l’objectif inavoué est de créer une connexion entre le monde de la finance traditionnelle et celui des crypto-actifs. Ce rapprochement à bas bruit avait été tenté au mois d’avril 2021 par la plateforme d’échange de cryptomonnaies Binance. Concrètement, les utilisateurs avaient la possibilité d’acheter via des cryptomonnaies adossées à des monnaies réelles une fraction ou l’entièreté d’une action de l’entreprise Tesla ou Apple, par exemple.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Avis défavorable, puisque la commission a adopté le dispositif sans modification.

Je vais tenter de rassurer Mme Cohen. Le régime pilote proposé est très encadré, puisqu’il ne pourra pas être utilisé par les plus gros acteurs du secteur, qui en sont exclus. Au demeurant, tout cela s’effectuera sous l’autorité des superviseurs nationaux et européens.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Le Gouvernement est d’accord avec la commission des finances et émet un avis défavorable sur cet amendement.

Face à des innovations comme celle des registres distribués, c’est-à-dire de la blockchain, nous devons essayer de nous prémunir de deux réflexes.

Le premier serait de nous détourner complètement de toute tentative de régulation, en laissant les choses se faire jusqu’à ce qu’un accident survienne.

Le second serait de sur-réguler, quitte à inhiber complètement l’innovation.

En matière financière, il faut avoir la main tremblante, puisque, traditionnellement, la place de Paris est puissante en Europe. Depuis le Brexit, elle s’est considérablement renforcée, devenant la première place financière européenne en termes de capitalisation boursière. La capitalisation boursière de la place de Paris est même devenue supérieure à celle de Londres.

M. Bruno Sido. Tant mieux !

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. En matière d’application des registres distribués, donc de la blockchain, aux opérations financières, l’Union européenne a choisi de mettre en place un régime expérimental, un régime pilote, qui va durer trois ans, renouvelable une fois.

Ce régime va permettre de laisser émerger de manière encadrée, sous le regard attentif du régulateur, un certain nombre de solutions dont nous pourrons juger dans trois ans si elles sont ou non pertinentes et si elles servent ou non l’intérêt des entreprises européennes et des citoyens.

Par conséquent, il nous paraît très précieux de conserver l’article 5.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 70.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 48, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

mentionné à l’article L. 211-3 du présent code dans les conditions définies

par les mots :

dans les conditions prévues au deuxième alinéa, ou dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé dans les conditions fixées

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Dans la rédaction actuelle de l’article 5, le régime pilote que j’évoquais à l’instant n’est ouvert qu’aux titres au porteur. Cet amendement vise à l’élargir aux titres nominatifs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Avis favorable. Il est cohérent que le régime puisse s’appliquer à la fois aux titres au porteur et aux titres nominatifs.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 48.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 47, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer vingt-et-un alinéas ainsi rédigés :

…° L’article L. 441-1 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« IV. - Les personnes morales demandant à être agréées comme dépositaires centraux mentionnés au 1° du I et qui demandent simultanément une autorisation spécifique pour exploiter un système de règlement DLT ou un système de négociation et de règlement DLT, respectivement au titre des articles 9 et 10 du règlement (UE) n° 2022/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, et modifiant les règlements (UE) n° 600/2014 et (UE) n° 909/2014 et la directive 2014/65/UE, sont agréées dans les conditions fixées au II au présent article.

« Les demandes d’autorisation spécifique déposées dans les conditions décrites au présent paragraphe, ainsi que celles déposées par des dépositaires centraux mentionnés au I, sont accordées, ainsi que les exemptions qui leur sont liées au titre des articles 5 ou 6 du même règlement, par l’Autorité des marchés financiers, après consultation de la Banque de France.

« L’Autorité des marchés financiers est chargée de la surveillance de l’application des exemptions accordées au titre dudit règlement ainsi que de la surveillance de l’application dudit règlement par les dépositaires centraux ayant obtenu une autorisation spécifique. Elle consulte la Banque de France avant de prendre toute mesure au titre des articles 9, 10, 11 ou au titre des autres articles dudit règlement. L’Autorité des marchés financiers coopère avec les autorités compétentes des différents États membres et avec l’Autorité européenne des marchés financiers dans les conditions fixées par ledit règlement.

« Un décret précise les modalités d’application du présent IV. » ;

…° L’article L. 421-10 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, est insérée la référence : « I. - » ;

b) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« II. – Les demandes déposées par des personnes morales mentionnées au I relatives à la reconnaissance d’un marché réglementé et demandant simultanément une autorisation spécifique pour exploiter un système multilatéral de négociation DLT ou un système de négociation et de règlement DLT, respectivement au titre des articles 8 et 10 du Règlement (UE) n° 2022/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, et modifiant les règlements (UE) n° 600/2014 et (UE) n° 909/2014 et la directive 2014/65/UE sont délivrées dans les conditions fixées au I du présent article.

« Les demandes d’autorisation spécifique déposées dans le cadre décrit au présent paragraphe, ainsi que celles déposées par les entreprises de marché déjà reconnues, sont accordées, ainsi que les exemptions qui leur sont liées, par l’Autorité des marchés financiers, après consultation de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et, lorsque la demande concerne l’exploitation d’un système de négociation et de règlement DLT, de la Banque de France.

« L’Autorité des marchés financiers est chargée de la surveillance de l’application des exemptions et de la surveillance de l’application de l’application du même Règlement par les entreprises de marché ayant obtenu une autorisation spécifique. Lorsqu’elle prend des mesures prudentielles au titre des articles 8, 10,11 ou des autres articles dudit règlement, elle consulte l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Concernant l’exploitation d’un système de négociation et de règlement DLT, lorsqu’elle prend des mesures aux titres des articles 10 et 11 ou au titre des autres articles du même règlement, elle consulte aussi la Banque de France. L’Autorité des marchés financiers coopère avec les autorités compétentes des différents États membres et avec l’Autorité européenne des marchés financiers dans les conditions fixées par ledit Règlement.

« Un décret précise les modalités d’application du présent II. » ;

….° L’article L. 532-1 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, est insérée la référence : « I. - » ;

b) Au troisième alinéa, après le mot : « du », sont insérés les mots : « I du » ;

c) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« II. – Les prestataires de services d’investissement, autres que les sociétés de gestion de portefeuille, demandant à être agréés pour fournir des services d’investissement conformément au I et qui demandent simultanément une autorisation spécifique pour exploiter un système multilatéral de négociation DLT ou un système de négociation et de règlement DLT, respectivement au titre des articles 8 et 10 du règlement (UE) n° 2022/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, et modifiant les règlements (UE) n° 600/2014 et (UE) n° 909/2014 et la directive 2014/65/UE, sont agréés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution dans les conditions fixées au I du présent article.

« Les demandes d’autorisation spécifique déposées par les prestataires de services d’investissement, autres que les sociétés de gestion de portefeuille, agréés ou demandant à être agréés dans les conditions visées au présent paragraphe pour fournir des services d’investissement conformément au I pour exploiter un système multilatéral de négociation DLT ou un système de négociation et de règlement DLT au titre du même règlement, ainsi que les exemptions qui leur sont liées, sont accordées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution après avis conforme de l’Autorité des marchés financiers.

« L’avis conforme de l’Autorité des marchés financiers est délivré après consultation de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, le cas échéant dans le cadre de l’approbation du programme d’activité par l’Autorité des marchés financiers dans les conditions fixées à l’article L. 532-4, et lorsque la demande concerne l’exploitation d’un système de négociation et de règlement DLT, de la Banque de France.

« L’Autorité des marchés financiers est chargée de la surveillance de l’application des exemptions et de la surveillance de l’application par les prestataires de services d’investissement, autres que les sociétés de gestion de portefeuille, ayant obtenu une autorisation spécifique. Lorsqu’elle prend des mesures prudentielles au titre des articles 8, 10 et 11 ou au titre des autres articles du même règlement, elle consulte l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Concernant l’exploitation d’un système de négociation et de règlement DLT, lorsqu’elle prend des mesures au titre des articles 10, 11 ou d’autres articles dudit règlement, elle consulte aussi la Banque de France. L’Autorité des marchés financiers coopère avec les autorités compétentes des différents États membres et avec l’Autorité européenne des marchés financiers dans les conditions fixées par le même règlement.

« Un décret précise les modalités d’application du présent II. »

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Il s’agit de répartir les responsabilités entre les deux régulateurs : l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et l’Autorité des marchés financiers (AMF).

M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Avis favorable. Il nous paraît opportun de prévoir un dispositif d’agrément spécifique pour les infrastructures de marché ayant recours à la technologie des registres distribués, en répartissant cette responsabilité entre l’AMF et l’ACPR.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 47.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié.

(Larticle 5 est adopté.)

Article 5
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Article 6

Après l’article 5

M. le président. L’amendement n° 62, présenté par M. Maurey, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l’article L. 54-10-4 du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée : « À une date fixée par décret, et au plus tard à compter du 1er octobre 2023, les personnes souhaitant exercer cette profession et n’étant pas enregistrées doivent demander l’agrément prévu à l’article L. 54-10-5. »

La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Le présent amendement, sur lequel nous serons sûrement un peu moins en accord, monsieur le ministre, vise à imposer à tout acteur voulant exercer la profession de prestataire de services sur actifs numériques (PSAN) d’être agréé au préalable par l’AMF à compter du 1er octobre 2023.

La faillite récente de la société FTX a mis en lumière les risques inhérents à tout investissement dans des crypto-actifs.

Les États membres de l’Union européenne se sont accordés cet été sur le règlement dit Mica (Markets in Crypto-Assets), relatif aux marchés de crypto-actifs. Ce règlement prévoit un agrément obligatoire et doit entrer en vigueur au mois d’octobre 2024, une période transitoire de dix-huit mois étant prévue pour les acteurs bénéficiant déjà d’un enregistrement ou d’un agrément. Les entreprises enregistrées pourront donc continuer leurs activités sans agrément jusqu’au mois de mars 2026.

Nous craignons que cette période transitoire de dix-huit mois ne crée, en quelque sorte, une incitation pour les entreprises concernées à s’enregistrer, ce qui aurait pour conséquence de différer dans le temps l’entrée en vigueur effective de la procédure d’agrément.

C’est pour cette raison, après en avoir débattu avec les représentants de l’AMF, que je propose d’anticiper la mise en place du dispositif d’agrément au 1er octobre 2023. Aujourd’hui, aucun PSAN n’a demandé son agrément, tandis qu’une soixantaine de prestataires sont enregistrés.

Cet amendement vise donc à sécuriser le secteur, qui est complexe et sujet à risques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Le Gouvernement entend et partage les préoccupations de M. Maurey, mais sollicite le retrait de cet amendement, pour des raisons à la fois philosophiques et techniques.

Je veux d’abord préciser que cet amendement est un peu une piqûre de rappel bienvenue : compte tenu de l’actualité du marché des crypto-actifs, nos travaux sur le sujet doivent se poursuivre, voire être accélérés.

Mais je veux revenir quelques années en arrière, quand on s’est posé la question, en 2018, de la manière dont on allait aborder la question de la régulation de ces objets étranges qu’étaient les crypto-actifs.

La France a fait le choix d’une régulation flexible. Nous avons créé un enregistrement facultatif consistant pour le prestataire en services de crypto-actifs à donner un certain nombre d’informations sur ses clients, son identité, etc. Cet enregistrement permet finalement d’avoir pignon sur rue.

L’agrément est un niveau supplémentaire de régulation. Il permet de garantir aux clients que des mesures de protection sont en place ; un tel agrément aurait peut-être évité l’épisode américain de FTX…

Ces deux modes de régulation facultatifs, c’est-à-dire l’enregistrement et l’agrément, avaient vocation à rendre la France attractive pour les nouveaux acteurs. C’est un grand succès, pour deux raisons.

D’abord, le cadre européen créé depuis lors s’inspire fortement des modalités françaises de régulation. Ainsi, le règlement Mica, qui va entrer en vigueur à l’horizon 2024, reprend largement les conditions que nous avions fixées pour l’agrément, si bien que les entreprises enregistrées ou agréées en France accéderont plus facilement à l’agrément européen, ce qui rend notre pays extrêmement attractif.

Ensuite, depuis la loi Pacte, soixante entreprises ont sollicité un enregistrement, et une entreprise est en voie d’être agréée. L’agrément n’est donc pas encore très répandu, mais ces indicateurs montrent tout de même le succès de la réforme que nous avons engagée.

La raison que je qualifierais de « philosophique » pour laquelle cet amendement nous paraît excessivement restrictif tient au fait qu’il serait risqué de contraindre les entreprises à solliciter un agrément au plus tard le 1er octobre 2023, alors que l’écosystème qui s’est développé en France permet à notre pays d’être identifié en Europe comme étant attractif.

Peut-être faudra-t-il, dans le cadre de la transition vers Mica, inciter très fortement les entreprises à solliciter l’agrément, voire à les y contraindre, si elles ne le font pas suffisamment tôt. Mais le faire dès le 1er octobre prochain risque de modifier complètement l’image qu’ont de la place de Paris les investisseurs, français ou étrangers, et de mettre un coup d’arrêt au développement de la finance crypto dans notre pays.

D’un point de vue technique, les délais qui sont proposés dans cet amendement nous paraissent intenables. Il faudrait que l’AMF délivre en quelques mois un agrément au moins aux soixante acteurs ayant d’ores et déjà obtenu l’enregistrement.

Cette difficulté technique enverrait là aussi un signal contraire à ce que nous avons voulu faire jusque-là et qui a permis le développement de ce marché. Or, comme je le disais, le règlement européen s’inscrit dans la continuité des choix que nous avons faits depuis 2018-2019. Il me semble que nous avons tout intérêt à profiter de cette continuité.

Nous devrons peut-être prendre des mesures, le cas échéant fortes, pour inciter les acteurs à s’engager dans la procédure d’agrément. Mais fixer d’ores et déjà la date du 1er octobre 2023 nous paraît prématuré.

C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, tout en comprenant les réserves exprimées et en s’engageant à poursuivre nos échanges sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. Je tiens à préciser quelques éléments.

Par mon amendement, je ne prévois pas que les sociétés aujourd’hui enregistrées devront être agréées au 1er octobre 2023. La mesure vaudrait seulement pour celles qui ne sont pas enregistrées.

En outre, aujourd’hui, l’enregistrement n’est pas facultatif, contrairement à l’agrément. Selon la loi Pacte, l’enregistrement est obligatoire.

Nous avons déposé cet amendement, parce que le superviseur lui-même, l’AMF, s’inquiète de cette période transitoire extrêmement longue, dix-huit mois, qui risque d’inciter les entreprises à s’enregistrer au lieu de demander un agrément.

M. Hervé Maurey. Il y a donc un risque de provoquer un appel d’air !

Bien entendu, nous pouvons débattre de la date exacte, monsieur le ministre. Devons-nous la fixer au 1er octobre ? Au 15 octobre ? Au 15 novembre ? La navette parlementaire nous permettra de nous atteler à ce sujet épineux. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. L’enregistrement est obligatoire pour ceux qui le veulent… Mais nul n’est contraint de s’enregistrer en France pour y offrir des services numériques. C’est le cœur de la difficulté quand on veut réguler un espace numérique qui ne connaît pas les frontières terrestres : si on régule de manière trop drastique, les entreprises s’installent à l’étranger.

C’est pour cette raison que nous avions défini un premier niveau de régulation souple : l’enregistrement. Au-delà, une entreprise peut – c’est facultatif – solliciter un agrément lui permettant de montrer à ses clients et à ses investisseurs qu’elle a pignon sur rue et qu’elle dispose des garanties nécessaires.

Avec l’entrée en vigueur de Mica, tous les opérateurs voulant opérer en Europe vont devoir passer par une procédure d’agrément. Nous devons trouver un équilibre entre la protection des épargnants et l’attractivité de la place de Paris.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 62.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 5.

Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 62
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Article 7

Article 6

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de :

1° Compléter et adapter les dispositions du code monétaire et financier et, le cas échéant, d’autres codes ou lois pour assurer leur mise en cohérence et en conformité avec le règlement (UE) 2021/23 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relatif à un cadre pour le redressement et la résolution des contreparties centrales et modifiant les règlements (UE) n° 1095/2010, (UE) n° 648/2012, (UE) n° 600/2014, (UE) n° 806/2014 et (UE) 2015/2365, ainsi que les directives 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2007/36/CE, 2014/59/UE et (UE) 2017/1132 ;

2° Compléter et adapter les dispositions de droit national en matière de sanctions et de mesures administratives pour assurer leur mise en cohérence et en conformité avec le règlement (UE) 2021/23 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 précité ;

3° Adapter et clarifier les compétences de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et des autres autorités compétentes pour la mise en œuvre du même règlement ;

4° Rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions du code monétaire et financier et, le cas échéant, les dispositions d’autres codes et lois dans leur rédaction résultant de l’ordonnance prise sur le fondement du présent I pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces dispositions en ce qui concerne Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance mentionnée au I. – (Adopté.)

Article 6
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Article 8

Article 7

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de :

1° Transposer la directive (UE) 2021/2101 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2021 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la communication, par certaines entreprises et succursales, d’informations relatives à l’impôt sur les revenus des sociétés et prendre les mesures de coordination et d’adaptation de la législation liées à cette transposition ;

2° Rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions résultant de l’ordonnance prise sur le fondement du présent I pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces dispositions en ce qui concerne Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance mentionnée au I.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 63 est présenté par M. Maurey.

L’amendement n° 71 est présenté par Mmes Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Hervé Maurey, pour présenter l’amendement n° 63.

M. Hervé Maurey. Cet amendement vise à supprimer l’article 7, qui habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance.

Comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, c’est un article dont nous aurions pu nous passer, puisque la directive qu’il s’agit de transposer a été adoptée voilà plus d’un an. Le Gouvernement disposait donc de temps pour préparer les mesures législatives nécessaires.

Surtout, nous avons posé un certain nombre de questions au Gouvernement, mais nous n’avons pas obtenu de réponses. Nous souhaitions avoir des éclairages sur l’étendue de l’habilitation, en particulier le champ de la clause de sauvegarde, et nous assurer que le nouveau dispositif n’allait pas créer de contraintes supplémentaires pour les entreprises, qui doivent déjà fournir un certain nombre d’informations à l’administration, notamment aux services fiscaux, et qui vont devoir dorénavant les publier.

Nous avions donc un double souci : le champ de la clause de sauvegarde et le niveau de contraintes pour les entreprises. Sans réponses de la part du Gouvernement, je suis contraint de demander la suppression de l’article.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 71.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous souhaitons nous opposer à ce qu’un sujet aussi important que le civisme fiscal des grandes entreprises, pour reprendre les termes de notre collègue Hervé Maurey, soit décidé en catimini, en particulier par ordonnance.

Le sujet est majeur : obliger les multinationales dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros de rendre publique une déclaration d’informations relative à l’impôt sur le revenu des sociétés, pays par pays.

La liste des informations est d’une importance cruciale pour les citoyennes et les citoyens, la société civile et les parlementaires que nous sommes.

Il y a d’abord le nom de l’entreprise mère et de toutes les filiales, notamment lorsqu’elles sont dans des territoires « fiscalement non coopératifs », autrement dit des paradis fiscaux.

Ensuite, il faut que la déclaration comprenne une description de leurs activités, le nombre de salariés employés, le chiffre d’affaires, le montant des bénéfices, le montant de l’impôt sur le revenu des sociétés dû, le montant de l’impôt réellement acquitté, et, enfin, le montant des bénéfices non distribués, ce qui donne une idée de l’ampleur des versements de dividendes et des rachats d’actions, tout en permettant de concevoir ce qu’il restera pour chaque exercice financier pour l’investissement.

Certes, nous réclamons ces informations depuis des années, mais nous n’avons pas vraiment confiance, monsieur le ministre. Aussi, nous jugeons indispensable que vous reveniez devant le Parlement pour présenter la transposition. Nous demandons une transparence complète, sans aucune opacité de nature à entretenir des comportements de contournement de l’impôt minant les finances publiques et le principe du consentement à l’impôt, en Europe et ailleurs.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Monsieur Maurey, je vais essayer de vous apporter les précisions que vous sembliez solliciter, ce qui vous conduira peut-être à retirer votre amendement.

Dans un premier temps, vous vous interrogez sur la clause de sauvegarde, qui est un élément très important, puisque ce CBCR (Country by Country Reporting) public va conduire les exportateurs, notamment, à publier des informations susceptibles, lorsqu’ils ont peu de clients à l’export, de révéler un certain nombre d’éléments relevant presque du secret des affaires à leurs concurrents. Je puis vous dire que la directive prévoit une exception permettant de reporter d’au plus cinq ans la publication de certaines de ces informations lorsque leur divulgation immédiate porterait gravement préjudice à la position commerciale d’une entreprise. C’est le cas dans l’exemple que j’ai cité : un CBCR appliqué de manière rigoureuse permet de reconstituer les coûts et les marges d’une entreprise, et donc de livrer des informations très précieuses à ses concurrents étrangers.

Ainsi, le Gouvernement compte utiliser ce dispositif, qui permet de préserver l’exigence de transparence vis-à-vis du public sans fragiliser certaines de nos entreprises stratégiques à l’export.

Dans un second temps, vous exprimez des interrogations sur les informations qui seront rendues publiques. La directive prévoit peu de marges de transposition, dans la mesure où les informations qui devront être divulguées par les entreprises y sont décrites : nombre d’employés, chiffre d’affaires, résultat avant impôt, impôt sur les sociétés dû et acquitté, part des bénéfices non distribués.

Je me permets d’ajouter trois autres arguments.

D’abord, le seuil d’assujettissement à ces publications est de 750 millions de chiffre d’affaires d’euros sur deux années consécutives.

Ensuite, je prends l’engagement devant vous que nous ne ferons pas de surtransposition.

Enfin, nous alignerons autant que possible le texte sur celui qui transpose le CBCR fiscal, c’est-à-dire à destination des autorités fiscales, afin d’assurer l’intelligibilité du droit et d’éviter que les entreprises soient soumises à plusieurs reportings en même temps.

Avec ces compléments d’explication, j’espère vous avoir donné suffisamment de motifs pour vous amener à retirer votre amendement. Cette invitation s’adresse également à Mme la sénatrice Apourceau-Poly.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. Monsieur le ministre, vous avez de la chance : comme je suis « bien luné » aujourd’hui, je vais retirer mon amendement. (Sourires.)

Pour autant, convenez que ce ne sont pas des méthodes de travail. Ce n’est pas faute d’avoir interrogé les services, le cabinet… Il est vrai que les délais sont très courts, mais la responsabilité en revient plus au Gouvernement qu’au Sénat. Sans vouloir jouer les moralisateurs, j’estime qu’il n’est pas satisfaisant d’avoir à déposer un amendement pour avoir des réponses en séance.

Cela étant, je retire l’amendement n° 63, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 63 est retiré.

Quel est l’avis de la commission des finances sur l’amendement n° 71 ?

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Avis défavorable, par cohérence.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Pour ma part, je suis tout de même un peu moins de bonne humeur que M. Maurey, car nous n’avons pas eu le temps de travailler ce texte. Il n’est pas normal de devoir attendre d’être en séance pour avoir les informations. Nous aurions dû avoir plus de temps pour discuter en commission des différents articles, qui ne sont pas anodins.

Nous maintenons notre amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 71.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 7.

(Larticle 7 est adopté.)

Article 7
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Article 9

Article 8

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de :

1° Transposer la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE ainsi que le règlement (UE) nº 537/2014 en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises et prendre les mesures de coordination et d’adaptation de la législation liées à cette transposition ;

2° Adapter, afin d’assurer la mise en œuvre et de tirer les conséquences des modifications apportées en application du 1° du présent I, les dispositions relatives au régime des missions et prestations des commissaires aux comptes, ainsi que celles relatives à l’organisation et aux pouvoirs des autorités compétentes en matière d’accréditation et de supervision, au sens de la proposition de directive précitée, des personnes autorisées à évaluer la conformité de la communication des informations publiées en matière de durabilité ;

3° Harmoniser avec les modifications apportées en application du même 1°, simplifier, clarifier et mettre en cohérence les critères d’application, le contenu, le contrôle et les sanctions des obligations de publication d’informations relatives aux enjeux sociaux, environnementaux et en matière de gouvernance d’entreprise des sociétés commerciales, dès lors qu’elles interviennent dans des domaines couverts par les actes délégués adoptés par la Commission européenne en application de la directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE, ainsi que le règlement (UE) nº 537/2014 en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises ;

4° Rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions résultant de l’ordonnance prise sur le fondement du présent I pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces dispositions en ce qui concerne Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance mentionnée au I.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 2 est présenté par MM. Marie et P. Joly, Mmes Meunier et Préville, MM. Tissot, Kanner et Fichet, Mmes Van Heghe et Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 28 rectifié est présenté par Mme Berthet, M. Babary, Mme Blatrix Contat, M. Le Nay, Mme Billon, MM. Bouchet, Canévet, Capus, Chasseing et Chatillon, Mme Chauvin et MM. D. Laurent, Devinaz, Duffourg, Hingray, Mandelli, Moga et Rietmann.

L’amendement n° 56 est présenté par MM. Fernique, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L’amendement n° 72 est présenté par Mmes Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Didier Marie, pour présenter l’amendement n° 2.

M. Didier Marie. L’article 8 vise à transposer la directive CSRD, qui renforce significativement les exigences de publication d’informations en matière de durabilité des entreprises.

Il convient de faire deux remarques importantes.

Tout d’abord, il est quand même particulièrement difficile pour les parlementaires de travailler sur une directive dont le texte n’a été finalisé par le Conseil européen qu’à la fin du mois de novembre et qui n’est pas encore publiée au Journal officiel de lUnion européenne.

Ensuite, le recours à une habilitation pour une opération qui va bien au-delà de la simple transposition en droit interne est également particulièrement étonnant. Nous considérons que cette directive, avec cet enjeu particulier de la transparence des entreprises, nécessite un travail approfondi, avec un texte à part entière, d’autant que de nombreuses questions restent en suspens : contenu des obligations d’information ; périmètre des entreprises concernées ; assurance des informations en matière de durabilité ; contrôle de l’équivalence des normes non européennes ; publicité des rapports de gestion.

Par ailleurs, les délais d’entrée en vigueur, avec une première strate d’entreprises concernées seulement à partir du 1er janvier 2024, nous laissent le temps de travailler.

Nous demandons donc au Gouvernement de bien vouloir déposer un texte en dur pour pouvoir en discuter. En attendant, nous proposons la suppression de l’article.

M. le président. La parole est à M. Serge Babary, pour présenter l’amendement n° 28 rectifié.

M. Serge Babary. La transposition de la directive CSRD doit être effectuée par le Parlement, et non par voie d’ordonnance. Il n’existe en effet aucune raison objective de soustraire la transposition d’une telle directive à la procédure législative ordinaire.

Cette directive multiplie par cinq le nombre des grandes entreprises concernées en Europe par cette exigence de transparence, mais elle aura également un impact indirect sur les ETI et PME situées dans leur chaîne de valeur. Elle accroît la quantité d’informations à publier, qui devront être certifiées par un tiers indépendant, donc coûteux, autour du concept de double matérialité, que l’Union européenne défend lors de négociations internationales pour définir un standard commun.

Il manque une évaluation précise du coût financier et organisationnel, par catégorie d’entreprises, des informations extrafinancières qui seront demandées. Ces éléments auraient pu être obtenus dans le cadre de la procédure législative ordinaire, mais ils ne seront pas connus avec une transposition de la directive par ordonnance.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 8.

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 56.

M. Jacques Fernique. La directive représente une étape importante dans la mise en œuvre du Pacte vert européen. Il se pose des questions essentielles, notamment sur le périmètre, et des choix déterminants sont à faire. Or nous avons parfaitement le temps de nous pencher dessus.

C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l’article 8.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 72.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Je comprends tout à fait les arguments évoqués par les auteurs des amendements.

Comme je l’ai précédemment souligné, il est contrariant de voir se multiplier les demandes d’habilitation à légiférer par ordonnances.

Toutefois, je demanderai le retrait de ces amendements, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, la directive offre peu de marges de manœuvre pour sa transposition. Ensuite, les délais sont contraints – une fois de plus, vous me direz ! –, et il n’y a pas aujourd’hui de véhicule législatif qui se prêterait à une telle transposition dans le dur. Enfin, la version de l’article 8 adoptée par la commission est de nature à vous donner en partie satisfaction, puisque l’on a réduit le champ de l’habilitation, qui était très large.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Même avis que la commission des finances.

Le sujet est évidemment très important, puisque l’on parle de la responsabilité des entreprises et de leur engagement dans la transition écologique. Le Gouvernement, et Bruno Le Maire au premier chef, en a fait une priorité.

Par ailleurs, comme l’a très bien dit le rapporteur pour avis, tous les choix politiques ont déjà été faits, soit par le législateur national, soit par le législateur européen. Avec cet article 8, il s’agit de mettre les décisions des deux niveaux de législation en cohérence pour que nos entreprises puissent disposer d’un cadre clair et simple, sans trop d’éléments multifactoriels, pour ce reporting extrafinancier, qui est une vraie révolution en matière de comptabilité.

Aurait-il mieux valu un texte en dur ? Peut-être, mais il se trouve que les délais que nous avons devant nous pour l’entrée en vigueur du texte sont très serrés. C’est la raison pour laquelle nous vous proposerons, par un amendement que le Sénat examinera dans quelques instants, d’affiner la rédaction de l’habilitation pour apaiser les craintes exprimées, en commission notamment, sur les seuils, le type d’entreprise concernée, etc. Néanmoins, j’y insiste, nous devons aboutir dans les délais à la transposition de cette directive.

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

M. Didier Marie. Nous maintenons évidemment notre amendement de suppression de l’article.

Si la question est essentielle pour Bruno Le Maire, elle l’est aussi pour nous, mais peut-être pas pour les mêmes raisons. Nous souhaitons que la représentation nationale puisse s’exprimer sur le sujet, d’autant que la transposition de cette directive viendra en parallèle de la transposition future d’une autre directive, en cours de discussion dans les instances européennes, sur le devoir de vigilance des entreprises. Nous pensons qu’il faut regarder tout cela globalement pour veiller à la cohérence et à l’efficience des dispositifs.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2, 28 rectifié, 56 et 72.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’article 8 est supprimé, et les amendements nos 29 rectifié et 81 n’ont plus d’objet.

Article 8
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Article 10

Article 9

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, toutes les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour réformer les régimes des fusions, scissions, apports partiels d’actifs et transferts de siège des sociétés commerciales afin :

1° De transposer la directive (UE) 2019/2121 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières et de prendre les mesures de coordination et d’adaptation de la législation liées à cette transposition :

a) (nouveau) En prévoyant que l’autorité compétente chargée du contrôle de légalité de l’opération de transformation, de fusion ou de scission transfrontalière est le greffier du tribunal de commerce ;

b) (nouveau) En excluant la possibilité de limiter la proportion de représentants des salariés au sein de l’organe de direction de la société issue de la transformation ou des sociétés bénéficiaires de la scission transfrontalière ;

2° D’harmoniser avec certaines des dispositions encadrant les opérations transfrontalières relevant du 1° du présent I et de simplifier, compléter et moderniser les régimes des fusions, scissions, apports partiels et transferts de siège des sociétés commerciales prévus au chapitre VI du titre III du livre II du code de commerce ;

3° De rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions résultant de l’ordonnance prise sur le fondement du présent I pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et de procéder, le cas échéant, aux adaptations de ces dispositions en ce qui concerne Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance mentionnée au I. – (Adopté.)

Article 9
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Article 11

Article 10

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° L’article L. 223-42 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Si la dissolution n’est pas prononcée à la majorité exigée pour la modification des statuts, la société est tenue, au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue, de reconstituer ses capitaux propres à concurrence d’une valeur au moins égale à la moitié du capital social, ou de réduire son capital social du montant nécessaire pour que la valeur des capitaux propres soit au moins égale à la moitié de son montant. » ;

b) Après le troisième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Si dans le délai mentionné au deuxième alinéa du présent article, les capitaux propres de la société n’ont pas été reconstitués à concurrence d’une valeur au moins égale à la moitié du capital social alors que le capital social de la société se trouve supérieur à un seuil fixé par décret en Conseil d’État en fonction de la taille de son bilan, la société est tenue, au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant ce délai, de réduire son capital social jusqu’à concurrence d’une valeur inférieure ou égale à ce seuil.

« Lorsqu’en application du quatrième alinéa, la société a réduit son capital social mais sans pour autant que ses fonds propres aient été reconstitués, et qu’elle procède par la suite à une augmentation de capital, elle se remet en conformité avec les dispositions du même quatrième alinéa avant la clôture du deuxième exercice suivant celui où a eu lieu cette opération. » ;

c) À la deuxième phrase de l’avant-dernier alinéa, les mots : « deuxième alinéa ci-dessus » sont remplacés par les mots : « quatrième alinéa » ;

2° L’article L. 225-248 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Si la dissolution n’est pas prononcée, la société est tenue, au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue, de reconstituer ses capitaux propres à concurrence d’une valeur au moins égale à la moitié du capital social, ou, sous réserve de l’article L. 224-2, de réduire son capital social du montant nécessaire pour que la valeur des capitaux propres soit au moins égale à la moitié de son montant. » ;

b) Après le troisième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Si dans le délai mentionné au deuxième alinéa du présent article, les capitaux propres n’ont pas été reconstitués à concurrence d’une valeur au moins égale à la moitié du capital social alors que le capital social de la société se trouve supérieur à un seuil fixé par décret en Conseil d’État en fonction de la taille de son bilan, la société est tenue, au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant ce délai, de réduire son capital social, sous réserve de l’article L. 224-2, jusqu’à concurrence d’une valeur inférieure ou égale à ce seuil.

« Lorsqu’en application du quatrième alinéa du présent article, la société a réduit son capital social mais sans pour autant que ses fonds propres aient été reconstitués, et qu’elle procède par la suite à une augmentation de capital, elle se remet en conformité avec les dispositions de ce quatrième alinéa avant la clôture du deuxième exercice suivant celui où a eu lieu cette opération. » ;

c) À la deuxième phrase de l’avant-dernier alinéa, les mots : « deuxième alinéa ci-dessus » sont remplacés par les mots : « quatrième alinéa » ;

3° Le 2° du I de l’article L. 950-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les articles L. 223-42 et L. 225-248 sont applicables dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture. » – (Adopté.)

Chapitre III

Mise en conformité à la suite de décisions de justice

Article 10
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Article 12

Article 11

Le code de la commande publique est ainsi modifié :

1° Les articles L. 2141-1 et L. 3123-1 sont complétés par deux alinéas ainsi rédigés :

« Cette exclusion n’est pas applicable à la personne qui établit qu’elle n’a pas fait l’objet d’une peine d’exclusion des marchés publics inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire en application de l’article 775-1 du code de procédure pénale, qu’elle a régularisé sa situation, qu’elle a réglé l’ensemble des amendes et indemnités dues, qu’elle a collaboré activement avec les autorités chargées de l’enquête et qu’elle a pris des mesures concrètes de nature à prévenir la commission d’une nouvelle infraction pénale. Les mesures prises par les personnes mentionnées au présent alinéa sont évaluées en tenant compte de la gravité de l’infraction pénale.

« Cette exclusion n’est pas non plus applicable en cas d’obtention d’un sursis en application des articles 132-31 ou 132-32 du code pénal, d’un ajournement du prononcé de la peine en application des articles 132-58 à 132-62 du même code ou d’un relèvement de peine en application de l’article 132-21 dudit code ou des articles 702-1 ou 703 du code de procédure pénale. » ;

1° bis (nouveau) L’avant-dernier alinéa des articles L. 2141-4 et L. 3123-4 et le second alinéa des articles L. 2141-5 et L. 3123-5 sont complétés par une phrase ainsi rédigée : « Les mesures prises par les personnes mentionnées au présent alinéa sont évaluées en tenant compte de la gravité de l’infraction pénale ou de la faute. » ;

2° Le tableau constituant le second alinéa des articles L. 2651-1, L. 2661-1, L. 2671-1 et L. 2681-1 est ainsi modifié :

a) La vingt-deuxième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

 

« 

L. 2141-1

Résultant de la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture

L. 2142-2

» ;

b) La vingt-quatrième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

 

« 

L. 2141-4 et L. 2141-5

Résultant de la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture

L. 2141-6 à L. 2142-1

» ;

3° Le tableau constituant le second alinéa des articles L. 3351-1, L. 3361-1, L. 3371-1 et L. 3381-1 est ainsi modifié :

a) La quatorzième ligne est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :

 

L. 3120-1 à L. 3122-5

« 

L. 3123-1

Résultant de la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture

L. 3123-2

» ;

b) La seizième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

 

« 

L. 3123-4 et L. 3123-5

Résultant de la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture

L. 3123-6 à L. 3126-2

»

M. le président. L’amendement n° 73, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Une entreprise peut-elle contourner les décisions prononcées par le juge judiciaire ? L’article 11 le rendra possible, en permettant aux entreprises condamnées pour des infractions pénales gravissimes de prouver leur bonne foi et de bénéficier ainsi de l’argent public.

Aujourd’hui, le droit prévoit que les opérateurs privés peuvent être empêchés de candidater à des marchés publics ou des contrats de concession pendant une durée de cinq ans à compter de la date du jugement définitif. Cette exclusion est dite de plein droit.

Notons – il faudra modifier la loi en ce sens – qu’il est absolument scandaleux que cette condamnation n’ait aucune implication sur les contrats en cours.

La France faisait figure d’exemple, en ayant refusé de transposer le mécanisme d’auto-apurement pour toutes les infractions prévues à l’article 38 de la directive de 2014 sur les marchés publics.

Ce mécanisme, qui permet à une entreprise condamnée de prouver sa bonne foi, est indigne de nos institutions. Concrètement, l’opérateur exclu à cause d’une infraction pénale peut fournir des preuves attestant que les mesures qu’il a prises suffisent à démontrer sa fiabilité, malgré l’existence d’un motif d’exclusion pertinent. La France, au moment de la transposition, avait estimé que certaines condamnations pouvaient relever de ce droit de repentance des entreprises, y compris des multinationales : méconnaissance du code du travail, non-acquittement des impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales ; travail illégal. Vous voyez déjà les largesses du dispositif pour les entreprises qui fraudent.

Avec cet article, il serait possible à une entreprise condamnée définitivement pour traite d’êtres humains de bénéficier de l’argent des contribuables sans attendre le délai de cinq années.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?

M. Didier Marie, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je comprends parfaitement l’inquiétude de nos collègues du groupe CRCE quant à l’insertion dans le code de la commande publique d’un mécanisme de régularisation pour les opérateurs économiques qui ont été sanctionnés par des peines entraînant l’exclusion des procédures de passation de marchés.

Je tiens cependant à les rassurer : conformément aux deux directives européennes de 2014 régissant les marchés publics et les contrats de concession, nous avons complété en commission le dispositif prévu par le Gouvernement, en précisant que les mesures concrètes prises par les opérateurs pour démontrer leur fiabilité, comme c’est indiqué dans le texte, font l’objet d’une évaluation tenant compte de la gravité de l’infraction commise. Par conséquent, le caractère dissuasif des peines d’exclusion est préservé.

En outre, sauf à prendre le risque que la France fasse l’objet de recours en manquement, les directives européennes, ainsi qu’une récente décision du Conseil d’État nous imposent ce mécanisme de régularisation.

Je sollicite donc le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 73.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 106 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 26
Contre 317

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 59, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

II. – Alinéas 5, 9, 10, 14 et 15

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Cet amendement a pour objet de rétablir la rédaction initiale de l’article 11, qui met en conformité le code de la commande publique avec les directives de 2014.

Il s’agit notamment de supprimer une phrase qui ne précise que de manière imparfaite les cas dans lesquels l’auto-apurement est prescrit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?

M. Didier Marie, rapporteur pour avis. Avis défavorable, notamment pour les raisons que j’ai évoquées à propos de l’amendement précédent.

Il nous paraît très important que la gravité de l’infraction commise ne soit pas masquée par la mise en œuvre de mesures correctives par un acteur économique après sa condamnation. Une évaluation prenant en compte ce critère de gravité doit donc être prévue dans notre droit, de façon claire et précise, notamment afin de s’assurer que le mécanisme de régularisation est équilibré.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Je voudrais préciser mes propos. Certes, il convient de prendre en compte le critère de gravité de l’infraction, comme la commission des lois a voulu le préciser. Mais la directive prévoit que les circonstances particulières de l’infraction ou de la faute doivent aussi être prises en compte.

Si vous vouliez bien amender la rédaction que vous proposez de manière à prendre en compte ce second élément, le Gouvernement pourrait se montrer favorable au texte de la commission. Nous voulons simplement englober les deux paramètres qui figurent dans la directive.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Didier Marie, rapporteur pour avis de la commission des lois. Excusez-moi, monsieur le ministre, mais le concept de « circonstances particulières » est assez peu développé dans le code de la commande publique. De ce fait, on ne saurait ici le retenir.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 59.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 11.

(Larticle 11 est adopté.)

Chapitre IV

Dispositions relatives à l’accessibilité des produits et des services

Article 11
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Article 13

Article 12

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de :

1° Transposer la directive (UE) 2019/882 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services et prendre les mesures de coordination et d’adaptation de la législation liées à cette transposition ;

2° Rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions résultant de l’ordonnance prise sur le fondement du présent I pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces dispositions en ce qui concerne Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance mentionnée au I.

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié ter, présenté par Mme Puissat, MM. Mouiller et Anglars, Mmes Muller-Bronn, Belrhiti, Estrosi Sassone, Thomas et Jacques, M. Tabarot, Mme Joseph, MM. Calvet et J.P. Vogel, Mmes Chauvin, Demas, Berthet et Billon, MM. Sol, Cardoux et Bouchet, Mme Bellurot, MM. Bonnecarrère, Chatillon et Brisson, Mmes Delmont-Koropoulis, L. Darcos, Noël et Sollogoub, MM. Allizard et Somon, Mme V. Boyer, MM. Savin, Rietmann, Perrin et Chaize, Mme Imbert, MM. Hugonet, Henno et Bas, Mmes Herzog, Deseyne et Richer, MM. Panunzi et Cadec, Mme Micouleau, M. Paccaud, Mmes Devésa, Guidez et Lassarade, MM. P. Martin, Duffourg et Meignen, Mme Vermeillet, MM. Courtial et Daubresse, Mmes Dumont et M. Mercier, MM. Bonne, Bouloux, Belin, Charon, Folliot et Sido, Mme Borchio Fontimp, MM. Babary, Lefèvre, Segouin, Détraigne et E. Blanc, Mmes F. Gerbaud et Procaccia, MM. Houpert, Paul, de Nicolaÿ, B. Fournier et de Legge, Mme Bonfanti-Dossat, M. Cuypers et Mme Schalck, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

, en s’assurant d’une répartition territoriale équilibrée dans l’accès à ces produits et services

La parole est à Mme Frédérique Puissat.

Mme Frédérique Puissat. Cet amendement, que j’ai rédigé avec mon collègue Philippe Mouiller, a été signé par nombre de sénateurs. Sans vouloir vous forcer la main, monsieur le ministre, voilà déjà deux arguments de poids pour lui être favorable ! (Sourires.)

Nous sommes tous conscients que l’adaptabilité des produits et services pour les personnes atteintes d’un handicap est fondamentale.

Toutefois, nous sommes également conscients que cette adaptabilité a un coût. C’est notamment le cas pour les terminaux en libre-service, en particulier les distributeurs automatiques de billets (DAB).

Nous sommes tout aussi conscients que, derrière ces terminaux et ces distributeurs, il y a des enjeux de rentabilité : jusqu’à preuve du contraire, ni les banques ni les autres opérateurs de tels services ne sont des philanthropes !

Nous sommes enfin conscients que les notions de « rentabilité » et d’« aménagement du territoire » ne concordent pas toujours.

Pourtant, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous savons que les personnes atteintes d’un handicap sont présentes partout sur notre territoire, dans les zones denses comme dans les territoires les plus ruraux et reculés.

L’objet de la directive dont cet article habilite le Gouvernement à procéder à la transposition, par ordonnance, ne saurait être de privilégier certaines personnes habitant au centre de Paris ou de Grenoble, sans répondre à l’attente de celles qui habitent des zones où les distributeurs accessibles ne seraient pas rentables.

C’est pourquoi, au travers de cet amendement, nous entendons faire figurer dans cet article, au côté de la notion d’« accessibilité », celle de « répartition territoriale équilibrée ». Ainsi, on sortirait d’une logique selon laquelle certaines personnes pourraient disposer de services adaptés, tandis que d’autres, parce qu’elles habitent des zones où ces services ne seraient pas rentables, en seraient exclues.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur. La directive organise l’accessibilité numérique de produits et services. Or, pour certains d’entre eux, cette accessibilité comprend aussi une dimension physique et territoriale. Les distributeurs automatiques de billets en sont le meilleur exemple.

Or tout le monde ne dispose déjà pas d’un DAB à proximité en milieu rural. En matière de handicap, nous constatons des difficultés territoriales d’accès aux services, au-delà de ceux qui sont évoqués dans cette directive. Cette situation est source d’inégalités.

Nous devons donc veiller à réduire ces inégalités d’accès et à ne pas en créer de nouvelles. L’objet du présent texte ne saurait être de créer de nouvelles ruptures d’égalité, en particulier en matière de handicap.

Les auteurs de cet amendement nous rappellent que la politique d’accessibilité numérique ne sera réelle que si les produits visés sont physiquement accessibles sur l’ensemble du territoire. Les obligations prévues dans la directive doivent se traduire par une mise à niveau des équipements, et non par leur arrêt sur des pans entiers de notre territoire, notamment pour des raisons de coûts.

La commission des affaires sociales a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Je partage évidemment l’intention des auteurs de cet amendement.

Je crois cependant qu’il faut savoir distinguer les objets de politiques publiques : il y a, d’une part, l’accessibilité des services aux personnes en situation de handicap, d’autre part, l’accessibilité de ces services sur l’ensemble du territoire national, dans l’Hexagone comme outre-mer. Je parle ici de l’ensemble des services publics et de certains services privés, qui sont visés par la directive concernée.

Ainsi, les bornes de vente de billets de train sont évidemment attachées au maillage des gares. Pour les distributeurs de billets, nous avons – cela a été rappelé par Mme la rapporteure – l’un des réseaux les plus denses d’Europe, avec 74 000 DAB sur tout le territoire. L’un des acteurs qui garantissent la proximité de ces distributeurs est bien entendu La Poste. Afin de rendre toujours plus accessibles les services publics, voire certains services privés à nos concitoyens sur l’ensemble du territoire, nous avons en outre déployé des milliers de maisons France Services. L’objectif est que, dans chaque canton, on puisse avoir accès à certains des services les plus essentiels.

C’est pourquoi, madame la sénatrice, je vous invite à retirer votre amendement. Sinon, on risquerait de mélanger deux objectifs, tout aussi importants, de politiques publiques : l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap et l’accessibilité pour l’ensemble de nos concitoyens, quel que soit leur lieu de résidence sur le territoire national.

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Philippe Mouiller, vice-président de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, je suis extrêmement choqué par vos propos !

Je vous invite à relire les conclusions du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), celles du comité interministériel du handicap, ainsi que les annonces faites par le Président de la République et par la Première ministre. Le principe général en matière de handicap, c’est justement d’éviter de cloisonner les politiques publiques !

M. Philippe Mouiller, vice-président de la commission des affaires sociales. Or, pour justifier votre rejet de cet amendement, vous avez dit l’inverse ! Vous défendez là une politique contraire à tout ce qui a été annoncé en matière de handicap à l’échelle nationale.

Il est ici question d’un point essentiel. J’estime qu’il faut voter cet amendement, parce que nous avons besoin de nous assurer que la rareté ne soit pas la contrepartie de l’accessibilité.

M. Philippe Mouiller, vice-président de la commission des affaires sociales. C’est vrai en matière de distributeurs de billets comme en matière de transports. Or, si l’on suivait votre argument, on encourrait un risque extrêmement fort d’opposer l’accessibilité aux personnes handicapées à l’accessibilité territoriale.

C’est pourquoi vos propos m’ont extrêmement choqué. Monsieur le ministre, cet article est une habilitation à légiférer par ordonnance : vous aurez la main, vous tiendrez le crayon ! Vous serez donc en mesure de définir l’équité territoriale en la matière. Faire figurer ce concept dans le texte aujourd’hui a l’avantage de clarifier les choses à l’égard du monde du handicap, qui suit nos débats. En revanche, vous avez toute liberté de faire en sorte que soit menée une politique équilibrée sur le territoire. Alors, de grâce, revoyez votre argumentaire !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Je crois que vous faites une confusion assez lourde et grave ! (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)

Précisément, en transposant la directive, nous montrons que l’accessibilité est transversale, qu’elle concerne l’ensemble des services, privés ou publics.

M. Philippe Mouiller, vice-président de la commission des affaires sociales. Alors, ne faites pas l’inverse !

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Par ailleurs, j’invite toutes celles et tous ceux qui se réjouissent avec nous de la transposition de la directive à réfléchir aux raisons pour lesquelles ils ne l’ont pas fait quand ils étaient aux responsabilités. (Vives protestations sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE.)

Simplement, l’accessibilité territoriale est un principe de fait, pour tous nos concitoyens, qu’ils soient ou non en situation de handicap. Il ne faut pas mélanger les sujets !

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour explication de vote.

Mme Frédérique Puissat. Je maintiens évidemment mon amendement. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.)

Très honnêtement, monsieur le ministre, on en est à se battre, en milieu rural, pour défendre nos distributeurs de billets. Beaucoup de personnes âgées, beaucoup de personnes en fauteuil roulant, en situation de handicap, ne peuvent plus retirer d’argent dans nos campagnes.

Mme Frédérique Puissat. Or il est de notre responsabilité, en tant que parlementaires, de dire que la notion d’« aménagement du territoire » doit être au cœur de la transposition de la directive.

C’est pourquoi j’estime qu’il convient d’adopter cet amendement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 12, modifié.

(Larticle 12 est adopté.)

Chapitre V

Dispositions relatives aux activités bancaires

Article 12
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Article additionnel après l'article 13 - Amendement n° 78

Article 13

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de :

1° Transposer la directive (UE) 2021/2167 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2021 sur les gestionnaires de crédits et les acheteurs de crédits, modifiant les directives 2008/48/CE et 2014/17/UE et prendre les mesures de coordination et d’adaptation liées à cette transposition ;

2° Rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions résultant de l’ordonnance prise sur le fondement du présent I pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces articles en ce qui concerne Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance mentionnée au I. – (Adopté.)

Article 13
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Article 14

Après l’article 13

M. le président. L’amendement n° 78, présenté par Mme Havet, M. Buis, Mme Duranton, MM. Haye, Lemoyne, Lévrier et Mohamed Soilihi, Mme Schillinger et M. Marchand, est ainsi libellé :

Après l’article 13

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le 4° de l’article L. 1611-7-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« 4° Du revenu tiré d’un projet de financement participatif au profit de tout service public, à l’exception des missions de police et de maintien de l’ordre public, sous forme de titres de créance, de dons, de prêt avec intérêt et de prêt à titre gratuit. »

II. – L’article L. 547-4 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les prestataires de services de financement participatif peuvent également fournir, dans les conditions fixées à l’article L. 547-5, des services identiques à ceux mentionnés au a) du paragraphe 1 de l’article 2 du même règlement (UE) 2020/1503 relatifs à des projets de financement participatif portant sur des titres de créance de collectivités locales et de leurs établissements publics, pour financer leurs activités autres que celles régies par ce même règlement. »

La parole est à M. Frédéric Marchand.

M. Frédéric Marchand. L’article 48 de la loi du 8 octobre 2021 visait à soutenir le développement du financement participatif obligataire des collectivités territoriales et de leurs établissements à compter du 1er janvier 2022, sous forme expérimentale.

L’obligataire en financement participatif se présente comme un instrument simple et sécurisé ; il peut permettre aux collectivités de diversifier leurs sources de financement.

En outre, lorsqu’il s’inscrit dans une démarche participative, le financement est employé par les collectivités pour fédérer et engager les citoyens et les entreprises autour d’enjeux territoriaux ou liés à la transition écologique.

Toutefois, cette expérimentation n’a pas pu débuter faute de publication de l’arrêté nécessaire.

Le présent amendement vise donc à rétablir le dispositif qui avait été adopté l’année dernière, afin de le rendre applicable.

Il tend aussi à permettre aux opérateurs de financement participatif de soutenir les investissements des collectivités non compris dans le champ du règlement européen sur les prestataires européens de services de financement participatif, à savoir les activités non commerciales. Une telle mesure a été défendue sur plusieurs travées de notre hémicycle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?

M. Didier Marie, rapporteur pour avis. Je connais bien le dispositif évoqué par M. Marchand, puisque c’est nous qui en sommes à l’origine, dans le cadre de la précédente loi Ddadue.

Cela étant, je ne sais pas trop s’il faut revenir à la rédaction que nous avions adoptée au Sénat, sachant qu’une version de consensus a été trouvée au cours d’une commission mixte paritaire à l’issue positive.

En revanche, et je suis très content que cela ait été rappelé sur nos travées, l’arrêté que devait prendre M. Bruno Le Maire en tant que ministre des finances n’a jamais été pris ! Ce n’est pas faute de lui avoir adressé plusieurs courriers, restés sans réponse…

J’aimerais que le Gouvernement nous en dise plus sur la publication de cet arrêté, ainsi que, plus largement, sur le statut des prestataires de services de financement participatif, qui ne relèverait pas du règlement européen. Je sollicite donc son avis.

À l’instar des auteurs de cet amendement, je souhaite évidemment que le dispositif adopté par le Parlement entre enfin en application.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. La publication de l’arrêté en question est imminente ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.) Cela permettra à l’expérimentation de commencer au 1er janvier 2023 ; l’efficacité du dispositif pourra donc être évaluée, et il pourra être affiné au besoin.

C’est pourquoi, monsieur Marchand, je vous invite à retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur Marchand, l’amendement n° 78 est-il maintenu ?

M. Frédéric Marchand. Non, monsieur le président. Étant victime du même syndrome que notre collègue Hervé Maurey, je retire mon amendement ! (Sourires.)

M. le président. L’amendement n° 78 est retiré.

TITRE II

DISPOSITIONS D’ADAPTATION AU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE EN MATIÈRE SOCIALE

Chapitre Ier

Équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants

Article additionnel après l'article 13 - Amendement n° 78
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Article 15

Article 14

I. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 1225-35-1, il est inséré un article L. 1225-35-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 1225-35-2. – La durée du congé de paternité et d’accueil de l’enfant est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté.

« Le salarié conserve le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début du congé. » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 1225-47, les mots : « à la date de naissance de son enfant, adopté ou confié en vue de son adoption, ou de l’arrivée au foyer d’un enfant qui n’a pas encore atteint l’âge de la fin de l’obligation scolaire » sont supprimés ;

3° L’article L. 1225-54 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « éducation », sont insérés les mots : « à temps plein » ;

b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsqu’un salarié réduit son temps de travail dans le cadre d’un congé parental, la durée du congé parental d’éducation à temps partiel est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits liés à l’ancienneté.

« Le salarié conserve le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début du congé. » ;

4° L’article L. 1225-65 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le salarié conserve le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début du congé. » ;

4° bis (nouveau) Au 1° de l’article L. 3324-6, après la référence : « L. 1225-17, », sont insérés les mots : « de congé de paternité et d’accueil de l’enfant prévu à l’article L. 1225-35, » ;

5° Au 4° de l’article L. 7221-2, les mots : « prévues à la sous-section 1 de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie » sont remplacés par les mots : « de solidarité familiale et de proche aidant, prévus aux articles L. 3142-1 à L. 3142-27 ».

II. – Le 12° de l’article L. 423-2 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :

« 12° Aux congés pour événements familiaux, de solidarité familiale et de proche aidant, prévus aux articles L. 3142-1 à L. 3142-27 ; ». – (Adopté.)

Chapitre II

Conditions de travail transparentes et prévisibles

Article 14
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Article 16

Article 15

I. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° La section 1 du chapitre Ier du titre II du livre II de la première partie est complétée par un article L. 1221-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1221-5-1. – L’employeur remet au salarié un ou plusieurs documents établis par écrit précisant les informations principales relatives à la relation de travail.

« Un salarié qui n’a pas reçu les informations mentionnées au premier alinéa ne peut saisir le juge compétent afin de les obtenir qu’après avoir mis en demeure son employeur de lui communiquer les documents requis ou, le cas échéant, de compléter les documents fournis.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article, notamment la liste des informations devant figurer dans le ou les documents mentionnés au premier alinéa. » ;

2° Le deuxième alinéa de l’article L. 1221-22 est supprimé ;

3° L’article L. 1242-17 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1242-17. – À la demande du salarié titulaire d’un contrat de travail à durée déterminée justifiant dans l’entreprise d’une ancienneté continue d’au moins six mois, l’employeur l’informe des postes en contrat à durée indéterminée à pourvoir au sein de l’entreprise.

« Un décret fixe les modalités d’application du présent article. » ;

4° L’article L. 1251-25 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1251-25. – À la demande du salarié temporaire justifiant chez la même entreprise utilisatrice d’une ancienneté continue d’au moins six mois, l’entreprise utilisatrice l’informe des postes en contrat à durée indéterminée à pourvoir au sein de l’entreprise.

« Un décret fixe les modalités d’application du présent article. » ;

5° L’article L. 1271-5 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le mot : « huit » est remplacé par le mot : « trois » et les mots : « ou ne dépasse pas quatre semaines consécutives dans l’année » sont remplacés par les mots : « au cours d’une période de référence de quatre semaines » ;

b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’obligation prévue à l’article L. 1221-5-1 du présent code ne s’applique pas aux emplois mentionnés au premier alinéa du présent article. » ;

c) (Supprimé)

6° Le 3° de l’article L. 7122-24 est complété par les mots : « ainsi qu’à l’information du salarié prévue à l’article L. 1221-5-1 ».

II. – Le 2° du I entre en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi.

Les salariés dont le contrat de travail est en cours à la date de promulgation de la présente loi peuvent demander à leur employeur de leur fournir ou de compléter, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, les informations prévues à l’article L. 1221-5-1 du code du travail.

M. le président. L’amendement n° 67, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. L’article 15 du projet de loi transpose la directive du 20 juin 2019, relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne.

La durée maximale de la période d’essai est actuellement fixée selon la catégorie professionnelle du salarié : deux mois pour les ouvriers et employés, trois mois pour les techniciens et agents de maîtrise, quatre mois pour les cadres. Cette période peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendue le prévoit.

L’article 8 de la directive européenne fixe à cette période une durée maximale totale de six mois. Le Gouvernement prévoit donc de supprimer la possibilité qu’un accord de branche étende la période d’essai au-delà de six mois.

En revanche, alors que le texte prévoit explicitement une dérogation pour l’exercice d’une fonction managériale ou de direction, ou d’un poste dans le service public, le Gouvernement sous-transpose la directive en maintenant une telle dérogation pour l’ensemble des cadres, avec une période d’essai maintenue à huit mois.

Cette sous-transposition n’est pas sans conséquence pour les 4,5 millions de cadres du secteur privé, qui devront se soumettre à une période d’essai de huit mois alors même que la majorité d’entre eux n’occupent ni une fonction managériale ni un poste de direction. Le Gouvernement a donc clairement adopté une définition des exceptions qui dépasse le cadre fixé par la directive.

Lorsqu’il s’agit de mettre en place des protections collectives, ce gouvernement n’hésite pas à sous-transposer les directives. Lorsqu’il s’agit de favoriser les entreprises ou le marché, le même n’hésite pas à surtransposer les directives. Deux poids, deux mesures, comme souvent avec vous, monsieur le ministre !

Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur. La commission a approuvé l’article 15, qui assure la mise en conformité nécessaire et suffisante de notre droit du travail avec le droit européen.

Le maintien dans le droit du travail de périodes d’essai d’une durée de huit mois pour les cadres est permis par le droit de l’Union européenne. Je rappelle que le droit du travail l’autorise, à condition qu’un accord de branche étendu le prévoie. Il nous a semblé utile de laisser aux partenaires sociaux le soin de fixer ces durées selon les secteurs d’activité, sans dépasser le délai maximal de huit mois, renouvellement compris.

Par ailleurs, supprimer l’article empêcherait d’assurer la conformité de notre droit du travail au droit européen, s’agissant notamment de l’information du salarié sur les éléments relatifs à la relation de travail, ou encore – c’est assez important – de l’information des salariés en CDD ou en contrat d’intérim sur les postes ouverts en CDI dans l’entreprise où ils travaillent.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Avis défavorable. Je suis d’ailleurs quelque peu surprise que ce soit le groupe CRCE qui demande la suppression de cet article au motif de la défense des cadres ! (Mme Cathy Apourceau-Poly sexclame.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 67.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 15.

(Larticle 15 est adopté.)

Article 15
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Article 17

Article 16

Le code des transports est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 5542-3, il est inséré un article L. 5542-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 5542-3-1. – Les modalités d’application des dispositions de l’article L. 1221-5-1 du code du travail relatives à la remise au salarié par l’employeur d’un ou plusieurs documents précisant les informations principales relatives à la relation de travail sont déterminées par décret en Conseil d’État, en tenant compte des adaptations nécessaires. » ;

2° Au début du premier alinéa de l’article L. 6523-2, sont ajoutés les mots : « Sans préjudice de l’article L. 1221-5-1 du code du travail, » ;

3° L’article L. 6785-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’article L. 6523-2 est applicable à Wallis-et-Futuna dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture. » – (Adopté.)

Article 16
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Article 18

Article 17

Le chapitre V du titre Ier du livre Ier du code général de la fonction publique est ainsi modifié :

1° À la fin de l’intitulé, les mots : « et droit à la formation professionnelle » sont remplacés par les mots : « , droit à la formation professionnelle et droit à l’information » ;

2° Il est ajouté un article L. 115-7 ainsi rédigé :

« Art. L. 115-7. – L’agent public reçoit de son employeur communication des informations et règles essentielles relatives à l’exercice de ses fonctions. » – (Adopté.)

Article 17
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Article 19

Article 18

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 6152-1, les mots : « relevant de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière » sont remplacés par les mots : « hospitaliers au sens des dispositions du 6° de l’article L. 7 du code général de la fonction publique » ;

2° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 6152-2, les mots : « 2 du titre IV du statut général des fonctionnaires » sont remplacés par les mots : « L. 5 du code général de la fonction publique » ;

3° (nouveau) L’article L. 6152-4 est ainsi modifié :

a) Le 1° du I est ainsi rédigé :

« 1° Les dispositions suivantes du code général de la fonction publique :

« a) L’article L. 115-7 ;

« b) L’article L. 121-3 ;

« c) Le chapitre III du titre II du livre Ier ;

« d) Les sections 2 à 4 du chapitre IV du titre II du livre Ier ;

« e) L’article L. 124-26 ;

« f) Le chapitre IV du titre III du livre Ier ; »

b) Au II, les mots : « l’article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée » sont remplacés par les mots : « l’article L. 121-3 du code général de la fonction publique et du chapitre III du titre II du livre Ier du même code » ;

c) Au IV, les mots : « 78-1 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière » sont remplacés par les mots : « L. 714-14 du code général de la fonction publique » ;

4° (nouveau) L’article L. 6152-5-2 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « 116 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière » sont remplacés par les mots : « L. 453-1 du code général de la fonction publique » ;

b) À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « au quatrième alinéa de l’article 116 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée » sont remplacés par les mots : « à l’article L. 453-6 du code général de la fonction publique » ;

5° (nouveau) L’article L. 6156-3 est ainsi modifié :

a) Le mot : « à » est remplacé par les mots : « au chapitre Ier du titre Ier du livre II du code général de la fonction publique et au dernier alinéa du I de » ;

b) Sont ajoutés les mots : « du présent code » ;

6° (nouveau) L’article L. 6156-4 est ainsi modifié :

a) À la fin du 3°, les mots : « 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière » sont remplacés par les mots : « L. 5 du code général de la fonction publique » ;

b) Au dernier alinéa, après la référence : « L. 6156-7 », sont insérés les mots : « du présent code ».

M. le président. L’amendement n° 79, présenté par M. Marie, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Remplacer les mots :

Le mot : « à » est remplacé

par les mots :

La première occurrence du mot : « à » est remplacée

La parole est à M. Didier Marie.

M. Didier Marie. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 79.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 18, modifié.

(Larticle 18 est adopté.)

Chapitre III

Diverses mesures de protection de la santé publique

Article 18
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Article 20 (précédemment examiné)

Article 19

Le quatrième alinéa de l’article L. 6322-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« L’autorisation est retirée si une communication commerciale, directe ou indirecte, déloyale ou portant atteinte à la santé publique, est effectuée sous quelque forme que ce soit en faveur de l’établissement titulaire de cette autorisation. Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent alinéa. » – (Adopté.)

Article 19
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Article 21

Article 20 (précédemment examiné)

M. le président. Je rappelle que l’article 20 a été précédemment examiné.

Article 20 (précédemment examiné)
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Article 22

Article 21

I. – Le titre IV du livre III de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° À l’article L. 1341-1, les mots : « et à l’organisme mentionné à l’article L. 4411-4 du code du travail » sont remplacés par les mots : « ou à tout autre organisme compétent désigné par voie réglementaire » ;

2° L’article L. 1342-1 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Les importateurs ou utilisateurs en aval qui mettent sur le marché des mélanges classés comme dangereux en raison de leurs effets sur la santé ou de leurs effets physiques établissent une déclaration unique conformément au règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n° 1907/2006. » ;

b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Cette déclaration est adressée à un ou à des organismes désignés par voie réglementaire aux fins de mesures préventives et curatives, en particulier en cas d’urgence sanitaire. » ;

3° À l’article L. 1342-3, les mots : « le contenu de la déclaration mentionnée à l’article L. 1342-1, les personnes qui y ont accès, les conditions dans lesquelles est préservée la confidentialité à l’égard des tiers des informations couvertes par le secret industriel qu’elle comporte » sont remplacés par les mots : « les personnes qui ont accès aux informations déclarées en vertu de l’article L. 1342-1, les conditions dans lesquelles est préservée la confidentialité à l’égard des tiers des informations couvertes par le secret industriel » ;

4° Les articles L. 1342-2, L. 1342-4 et L. 1342-5 sont abrogés ;

5° L’article L. 1343-1 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « au 1° de l’article L. 215-1 du code de la consommation » sont remplacés par les mots : « à l’article L. 521-12 du code de l’environnement » et la référence : « L. 1343-4 » est remplacée par la référence : « L. 1343-2 » ;

b) La seconde phrase est supprimée ;

6° L’article L. 1343-4 est abrogé.

II. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° Les articles L. 4411-4 et L. 4411-5 sont abrogés ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 4741-9, les mots : « L. 4411-4 à » sont supprimés.

III. – Jusqu’au 1er janvier 2024, la déclaration unique mentionnée à la première phrase de l’article L. 1342-1 du code de la santé publique devant être remplie par les importateurs et utilisateurs en aval qui mettent sur le marché des mélanges destinés à un usage industriel comporte toutes les informations pertinentes, définies par voie réglementaire, sur ces mélanges, notamment leur composition chimique. – (Adopté.)

Article 21
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Articles 23 et 24 (précédemment examinés)

Article 22

I. – L’ordonnance n° 2022-414 du 23 mars 2022 portant adaptation des dispositions du code de la santé publique et du code rural et de la pêche maritime au droit de l’Union européenne dans le domaine des médicaments vétérinaires et aliments médicamenteux est ratifiée.

II. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 5141-13-1 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « entreprises mentionnées à l’article L. 5142-1 » sont remplacés par les mots : « titulaires d’autorisation de mise sur le marché, d’enregistrement, d’autorisation temporaire d’utilisation et de commerce parallèle ainsi que par les établissements mentionnés à l’article L. 5142-1, et les personnes physiques ou morales mentionnées aux articles L. 5142-1-1 et L. 5142-1-2 » ;

b) La seconde phrase du même premier alinéa est ainsi rédigée : « Leur est également interdit le fait de proposer ou de procurer ces avantages. » ;

c) (nouveau) Au troisième alinéa (deux occurrences) et à la première phrase du quatrième alinéa, les mots : « entreprises mentionnées à l’article L. 5142-1 » sont remplacés par les mots : « titulaires d’autorisation de mise sur le marché, d’enregistrement, d’autorisation temporaire d’utilisation et de commerce parallèle ainsi que les établissements mentionnés à l’article L. 5142-1, et les personnes physiques ou morales mentionnées aux articles L. 5142-1-1 et L. 5142-1-2 » ;

2° L’article L. 5141-16 est ainsi modifié :

a) À la fin du 3°, les mots : « conformément à l’article 103 du règlement (UE) du 11 décembre 2018 » sont supprimés ;

b) Le 15° est abrogé ;

3° L’article L. 5145-5 est ainsi modifié :

a) Aux 9° à 14°, après le mot : « marché », sont insérés les mots : « ou de l’enregistrement » ;

b) À la fin du 20°, les mots : « et L. 5145-2-2 » sont remplacés par les mots : « , L. 5145-2-2 et L. 5145-3 » ;

4° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 5146-4, les mots : « arrêté des ministres chargés de l’agriculture et de la santé » sont remplacés par les mots : « décision du directeur général de l’agence » ;

5° L’article L. 5441-15 est ainsi rédigé :

« Art. L. 5441-15. – Le fait, pour le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché ou de l’enregistrement, de ne pas déclarer, dans la base de données sur la pharmacovigilance mentionnée à l’article 74 du règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires et abrogeant la directive 2001/82/CE, tout effet indésirable présumé, conformément au paragraphe 2 de l’article 76 du même règlement, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. » – (Adopté.)

Article 22
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Article 25 (début)

Articles 23 et 24 (précédemment examinés)

M. le président. Je rappelle que les articles 23 et 24 ont été précédemment examinés.

Articles 23 et 24 (précédemment examinés)
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Article 25 (interruption de la discussion)

Article 25

Au dernier alinéa de l’article L. 221-3 du code de l’action sociale et des familles, après les mots : « règlement (CE) n° 1347/2000 », sont insérés les mots : « , les articles 79 à 82 du règlement (UE) 2019/1111 du Conseil du 25 juin 2019 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ainsi qu’à l’enlèvement international d’enfants (refonte) ». – (Adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Article 25 (début)
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Discussion générale

7

Politique de l’immigration

Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative à la politique de l’immigration.

La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’immigration est un sujet complexe. Il nous conduit à parler de politiques publiques, mais aussi de notre histoire et de notre conception de la Nation. Il est parfois l’objet de passions, de tensions, voire de fractures.

Pourtant, il est essentiel de pouvoir en débattre sereinement. Je sais, en introduisant ce débat au Sénat, que nous partons sur des fondements solides. La Haute Assemblée a toujours eu à cœur de tenir des débats d’idées et de chercher des solutions communes.

Vous avez aussi, je le sais et j’y reviendrai, travaillé sur la question migratoire, sur ses implications et sur les grands chantiers à mener.

Parler d’immigration, c’est aborder bon nombre de sujets. C’est évoquer les causes profondes des migrations : la pauvreté, le dérèglement climatique et notre indispensable coopération avec les pays d’origine et de transit. C’est parler de nos frontières, de nos procédures et de notre droit. C’est relever le défi de l’intégration.

Dans quelques semaines, le Gouvernement présentera un texte sur notre politique migratoire. Les ministres reviendront dans un instant sur ses principes directeurs.

Comme je l’avais annoncé, ce projet de loi fait l’objet d’une vaste concertation. Le ministre de l’intérieur la conduit avec l’appui de la secrétaire d’État à la citoyenneté. Le ministre du travail s’y est également pleinement engagé.

Le texte doit consolider les avancées de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie et adapter notre droit aux défis actuels de la question migratoire.

Je l’ai dit à l’Assemblée nationale et je le répète devant vous, nous n’avons qu’une boussole : l’efficacité. Nous défendrons un texte équilibré, aux effets utiles et concrets.

Il me semblait donc important, et même essentiel, avant la finalisation du projet de loi, et comme je m’y étais engagée, de venir devant vous pour vous présenter des faits, des orientations, et pour en débattre.

Alors, mesdames, messieurs les sénateurs, commençons par les faits.

Tout d’abord, oui, il existe une immigration légale. Je le dis, car, à entendre certains, on l’oublierait. Cette immigration légale, ce sont des salariés qualifiés ou encore les personnes que les Françaises et les Français ont choisi d’épouser.

J’entends souvent dire que le nombre de titres délivrés a progressé ; c’est juste. La tendance ne date pas d’hier, et elle s’est vérifiée sous des majorités de gauche comme de droite.

Ainsi, en quinze ans, le nombre de titres de séjour délivrés est passé, de façon progressive, de 172 000 en 2007 à 271 000 en 2021.

Mais ne nous trompons pas sur les causes de cette augmentation. Contrairement aux caricatures, l’immigration familiale a baissé sur cette période. S’il y a eu une augmentation, c’est pour trois raisons.

D’abord, notre enseignement supérieur est attractif et, depuis 2017, le nombre d’étudiants que nous accueillons a doublé. C’est une bonne nouvelle : ces étudiants apprennent à parler français, à connaître notre pays et le font rayonner dans le monde.

Ensuite, le nombre de salariés qualifiés et de chercheurs que nous accueillons a augmenté en quinze ans, ce qui a profité à notre économie, à nos entreprises et à notre innovation.

Enfin, l’augmentation du nombre de bénéficiaires de l’asile a été modérée. Nous accueillons chaque année quelque 30 000 personnes menacées dans leur pays.

C’est l’honneur de la France de leur donner leur place.

C’est l’honneur de notre pays d’avoir accueilli 3 000 ressortissants afghans juste après la chute de Kaboul l’an dernier.

C’est l’honneur de la France d’avoir accueilli 108 000 Ukrainiens depuis le 24 février dernier, sous le statut de protection temporaire.

Au nom du Gouvernement, je tiens à remercier l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), les élus locaux, les associations et les employeurs qui les accompagnent au quotidien.

Bien sûr, nous devons donner à toutes les personnes arrivées légalement les moyens d’une intégration digne et complète. Certaines difficultés existent encore, notamment en matière d’insertion professionnelle ; j’y reviendrai.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, quels sont les faits concernant l’immigration légale.

Toutefois, le principal enjeu n’est pas tant la situation de ceux à qui nous avons délivré un titre que celle des personnes qui se maintiennent sur notre territoire sans y avoir droit.

Ces personnes ne sont pas éligibles à l’asile ; il leur a souvent été explicitement refusé. Pourtant, le flux de demandes augmente nettement ces dernières années, et celles et ceux à qui nous n’accordons pas la protection restent encore trop fréquemment sur notre territoire.

Souvent victimes de passeurs qui leur promettent un eldorado et mettent en danger leurs vies, la plupart d’entre eux vivent dans la grande précarité, sans disposer du droit à travailler, et sombrent parfois dans la délinquance.

Pour répondre à ce défi, les amateurs de solutions toutes faites sont nombreux.

D’un côté, on trouve les partisans du « y a qu’à, faut qu’on », qui voudraient renvoyer d’un coup d’un seul l’intégralité d’entre eux. Oui, je souhaite que le droit et nos frontières soient respectés. Oui, je souhaite des éloignements rapides et efficaces des personnes en situation irrégulière. Mais non, on ne peut pas prétendre que les choses soient si simples, comme si nous pouvions nous affranchir de l’indispensable coopération des pays d’origine et des règles de l’État de droit.

De l’autre côté, certains appellent à des opérations de régularisation massive. Je le dis tout aussi clairement : il n’en est pas question. Nous ne créerons pas de tel précédent, qui ne réglerait pas les difficultés des personnes concernées, qui donnerait des arguments aux passeurs et qui ne serait ni accepté ni acceptable par les Français.

Pour notre part, nous voulons prendre le sujet à bras-le-corps et proposer des solutions utiles et efficaces.

Je crois que nous pouvons nous retrouver sur une préoccupation commune : éviter que des étrangers ne restent durablement dans une situation indéterminée qui ne serait ni le droit au séjour ni l’éloignement. Aussi voulons-nous clarifier beaucoup plus vite la situation des étrangers arrivés sur notre sol.

D’une part, nous voulons accélérer les procédures d’examen des demandes d’asile et du droit au séjour pour lutter contre les pratiques dilatoires. D’autre part, une fois la situation clarifiée, nous souhaitons éloigner plus rapidement ceux qui doivent l’être.

Quant aux personnes qui ont vocation à rester, nous voulons engager plus tôt les actions pour réussir leur intégration, à commencer par la langue et par l’emploi.

Ces principes sont les grands axes de travail du Gouvernement. Ce sont des objectifs qui, je le crois, peuvent rassembler largement, en particulier au Sénat. Car je sais pouvoir trouver sur ces travées des partenaires pour construire le texte ensemble.

En effet, monsieur le président de la commission des lois, nous partageons les constats que vous avez formulés dans votre rapport d’information et qui faisaient l’objet d’un large consensus parmi l’ensemble des groupes au Sénat. Le projet de loi que présentera le Gouvernement reprendra ou s’inspirera de bon nombre de vos propositions, pour celles qui relèvent du domaine législatif.

Nous en mettrons d’autres en œuvre. Je pense à celles qui concernent l’indispensable amélioration de l’accueil en préfecture et les modalités de recueil et de traitement des demandes de titres de séjour ; j’y reviendrai, et le ministre de l’intérieur également.

Je retiens cette volonté de travail commun, cette volonté de bâtir des solutions au-delà des clivages et des postures. C’est pourquoi, comme pour la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, je vous confirme que le futur projet de loi sera d’abord examiné au Sénat.

Je souhaite ainsi que nous puissions bâtir une majorité solide sur ce texte, en nous appuyant notamment sur l’important travail déjà réalisé par les sénateurs sur ces sujets migratoires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme l’a dit le Président de la République, nous devons déployer une action complète, cohérente et efficace, en amont des flux migratoires, et après l’arrivée sur notre territoire.

Nous voulons d’abord prévenir les départs irréguliers, en contribuant, grâce à notre aide publique au développement, à traiter les causes profondes des migrations que sont la pauvreté et, de plus en plus, les effets du dérèglement climatique.

Ensuite, nous devons mieux protéger nos frontières.

Pour y parvenir, notre premier levier d’action est européen. Pendant la présidence française du Conseil de l’Union européenne, nous sommes parvenus à plusieurs avancées autour du pacte sur la migration et l’asile, en particulier pour rendre plus efficaces les contrôles à l’arrivée en Europe et pour renforcer le mécanisme de solidarité pour les États de première entrée, dans le respect du droit maritime.

Nous devons maintenant continuer : nous poussons pour un renforcement des moyens de Frontex et pour une réforme de l’espace Schengen. Nous voulons également consolider le système d’asile européen. De plus, c’est aussi à l’échelle européenne que nous lutterons plus efficacement contre les réseaux de passeurs.

Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, la ministre de l’Europe et des affaires étrangères Catherine Colonna et la secrétaire d’État chargée de l’Europe Laurence Boone sont pleinement mobilisés en ce sens.

Le deuxième moyen d’action se situe à l’échelon national, en renforçant le contrôle à nos frontières et en accélérant les procédures.

En novembre 2020, le Président de la République a annoncé le doublement des effectifs à nos frontières. Les résultats sont là : 10 000 refus par mois ont été prononcés en 2021, contre 3 000 au début de 2020, avant le covid.

Ensuite, nous devons accélérer les procédures d’examen des demandes d’asile. Dans ce domaine, des progrès ont été réalisés dans le précédent quinquennat. Les délais de l’Ofpra ont considérablement diminué, mais ceux des procédures contentieuses sont encore trop longs.

Au total, le délai moyen de traitement d’une demande d’asile est encore de l’ordre d’un an. Nous devons donc accélérer et viser un délai global de six mois pour l’ensemble de la procédure.

Nous voulons notamment réformer le contentieux des étrangers. Pour le réduire et le simplifier, nous voulons passer de douze procédures contentieuses à quatre, suivant en cela les recommandations du Conseil d’État et du rapport d’information du président de la commission des lois.

Le ministre de l’intérieur y reviendra. Il travaille avec le ministre de la justice Éric Dupond-Moretti à une réforme de la Cour nationale du droit d’asile.

Enfin, nous voulons éloigner plus systématiquement et plus efficacement les personnes déboutées du droit d’asile.

Aussi devons-nous augmenter nos capacités en centres de rétention administrative (CRA). De plus, nous continuerons à agir dans nos relations bilatérales avec les pays qui refusent de réadmettre leurs propres ressortissants.

Par ailleurs, nous devons nous montrer intraitables avec les étrangers délinquants, même en situation régulière. S’engager dans la délinquance, c’est se placer en dehors de notre communauté nationale ; c’est porter une grave atteinte à notre pacte social et à nos compatriotes ; c’est également nuire à tous les étrangers qui vivent en France et qui construisent paisiblement des parcours d’intégration réussis, dont on ne parle pas.

Grâce à l’action déterminée du ministre de l’intérieur et des préfets, plus de 3 000 étrangers auteurs de troubles à l’ordre public ont été éloignés en 2021 et 2022.

Enfin, sous le contrôle du juge, et dans le respect de nos engagements conventionnels, des mesures d’expulsion doivent désormais pouvoir être prises contre les étrangers qui commettent des infractions graves, quelle que soit leur situation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je le disais, nous portons une vision équilibrée. Si nous voulons que ceux qui ne doivent pas rester partent, c’est aussi pour pouvoir mieux intégrer ceux que nous accueillons.

Cela passe d’abord par une refonte en profondeur de l’accueil en préfecture pour les démarches de renouvellement des titres des étrangers en situation régulière. Nous devons éviter les pertes de droits, notamment d’emploi, que peuvent connaître certaines personnes faute d’accès au guichet.

Pour les demandeurs d’asile, nous devons aussi continuer à renforcer nos capacités d’hébergement. En cinq ans, nous les avons déjà augmentées de plus de 36 000 places.

Enfin, le pivot de notre politique d’intégration, c’est le travail.

Dans un pays dont le taux de chômage est de 7,3 %, nous devons d’abord chercher à pourvoir les postes vacants en proposant ces emplois à nos ressortissants et aux personnes en situation régulière. Le taux d’emploi des immigrés en France étant plus faible de neuf points que celui de l’ensemble de la population, nous devons travailler à réduire cet écart.

Ensuite, si les employeurs ne sont pas parvenus à trouver la main-d’œuvre dont ils ont besoin, ils peuvent la faire venir de manière légale. En effet, un employeur peut toujours solliciter une autorisation de travail s’il démontre qu’il n’a pas pu pourvoir le poste en déposant une offre auprès de Pôle emploi.

Pour certains métiers particulièrement en tension, l’employeur est même dispensé de cette justification. Nous avons simplifié ces dispositifs en 2019 pour mieux répondre aux besoins.

Par ailleurs, la question de la régularisation peut se poser pour des personnes en situation irrégulière présentes sur notre sol depuis des années et qui travaillent depuis longtemps.

Ce sujet mérite mieux que des caricatures. Il ne s’agit en aucun cas de procéder à une régularisation massive, ni de laisser penser que la régularisation serait la réponse aux tensions sur le marché du travail. Il s’agit de régulariser certaines personnes qui, si elles contribuent depuis longtemps à la richesse nationale, subissent parfois des conditions de travail indignes et restent enfermées dans un statut précaire. Le ministre du travail Olivier Dussopt y reviendra plus en détail.

Enfin, s’intégrer, c’est parler la langue de la République. Alors que nous proposons des cours de langue dès l’arrivée sur le territoire, nous souhaitons qu’un niveau minimal de français soit désormais imposé pour obtenir des titres de séjour de plus d’un an.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai tracé devant vous les grands principes de notre action. Elle est fondée sur la volonté d’équilibre et la recherche d’efficacité : agir d’abord sur les causes profondes de l’immigration, en lien avec les pays d’origine et de transit ; assurer ensuite le respect de nos frontières et de notre droit, par des procédures plus rapides et des mesures d’éloignement mieux appliquées ; donner enfin à celles et ceux que nous accueillons les moyens d’une intégration pleine, entière et réussie.

En effet, l’intégration est bien la finalité de toute notre politique migratoire.

Autour de ces principes, je suis et je reste convaincue que nous pouvons construire des réponses ensemble. Je sais que le Sénat, fidèle à sa volonté de dialogue et d’action, y prendra avec nous toute sa part. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur et des outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un honneur de pouvoir dire quelques mots après Mme la Première ministre dans ce débat portant sur la politique migratoire de notre pays, alors qu’un projet de loi sera examiné en premier lieu par la Haute Assemblée.

Ce texte, que je défendrai en lien parfait avec M. le garde des sceaux, prévoit quatre thèmes : la fermeté, la simplification, l’intégration et le travail ; je laisserai évidemment le ministre du travail développer le quatrième.

Le premier thème est la fermeté. Comme l’a dit le Président de la République dans sa campagne électorale, comme la Haute Assemblée l’a déjà réclamé et comme la Première ministre vient de le signifier, nous avons actuellement trop de difficultés à expulser des personnes sur notre sol dont nous ne voulons plus et qui commettent des actes délictuels graves, criminels ou qui sont fichés par nos services de renseignement.

Ces difficultés sont causées non pas par la jurisprudence des tribunaux ni par les engagements constitutionnels ou conventionnels de notre pays, mais par les règles que nous avons nous-mêmes fixées dans les années 2000, dans un contexte qui n’était pas celui que nous connaissons aujourd’hui.

Aussi s’agit-il de mettre dans la loi de la République la fin des réserves d’ordre public, c’est-à-dire la fin de la fin de la double peine, qui empêche le ministre de l’intérieur et les préfets d’expulser du territoire national toute personne ayant commis des actes graves. Je parle de personnes condamnées de façon définitive par les tribunaux à plus de cinq ans de prison pour des actes qui relèvent souvent des crimes : violences envers des femmes, des enfants ou des personnes dépositaires de l’autorité publique, trafics de stupéfiants, etc.

Aujourd’hui, il existe sept réserves d’ordre public ; nous proposons de n’en conserver qu’une, conformément à l’engagement international que nous avons défendu s’agissant des mineurs. Il appartient en effet à l’autorité judiciaire de suivre les mineurs qui commettent des actes délictuels ou criminels.

Nous proposons de lever les autres restrictions à l’expulsion des étrangers qui commettent des délits graves ou des actes criminels et d’inscrire dans la loi la possibilité pour le préfet de présenter ces personnes à l’expulsion, en respectant évidemment l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Cet article prévoit un équilibre entre, d’un côté, le respect de la vie privée et familiale et le droit au séjour et, de l’autre, la défense de la sûreté nationale et la préservation de la sécurité publique.

Nous disons que nous ne devons pas nous autocensurer dans la loi et empêcher ces expulsions. Au total, 4 000 expulsions pourraient être prononcées et exécutées chaque année. Or nous n’en sommes qu’à 3 100 depuis deux ans, comme l’a rappelé Mme la Première ministre. Il appartient au juge de confirmer que l’équilibre entre la vie privée et familiale et les impératifs de sécurité nationale est respecté.

Nous proposerons donc au Parlement de supprimer ces réserves d’ordre public et d’effectuer un copier-coller de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

J’évoquerai à présent l’augmentation du nombre de places dans les centres de rétention administrative. Le Gouvernement a accepté, dans le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), un amendement du député Éric Ciotti tendant à augmenter de 3 000 le nombre de ces places. De tels centres sont nécessaires pour expulser plus facilement les étrangers qui commettent des actes de délinquance ou qui sont fichés pour radicalisation.

Les centres de rétention administrative présentent aujourd’hui une spécificité. Selon les dernières estimations, 92 % des personnes qui y sont placées ont un casier judiciaire ou sont suivies par les services de renseignement. Les étrangers en situation irrégulière qui sont sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), mais qui ne présentent pas de danger pour nos concitoyens n’y sont plus placés. D’autres formules sont privilégiées, comme l’assignation à résidence.

En tant que ministre de l’intérieur, j’ai aussi demandé que les enfants ne soient progressivement plus placés dans ces centres. C’est désormais le cas, sauf à Mayotte, territoire spécifique s’il en est ; nous en reparlerons au cours du débat.

À la demande de Mme la Première ministre et du Président de la République, nous inscrirons dans le texte que nous vous présenterons l’interdiction de placer des mineurs dans des centres de rétention administrative. Une fois que ce texte aura été voté, l’assignation à résidence sera la règle.

Outre leur aspect carcéral, les centres de rétention administrative ont pour spécificité d’accueillir des publics dangereux pour nos concitoyens, ce qui justifie l’augmentation considérable du nombre de places dans ces centres. En 2022, nous avons augmenté de 450 le nombre de ces places, malgré les contraintes liées au covid, et nous créerons celles qui ont été prévues par le Parlement dans la Lopmi. Celle-ci sera promulguée par le Président de la République dans quelques jours. Les mineurs, je le répète, n’auront plus à connaître ce type de rétention.

J’en viens à mon deuxième thème, les mesures de simplification, qui sont – Mme la Première ministre l’a souligné – inspirées directement du rapport du sénateur Buffet, président de la commission des lois. Celui-ci prévoit en effet de réduire de douze à quatre le nombre de procédures possibles pour contester des actes administratifs pris par les préfets de la République.

Les délais d’attente et les recours suspensifs empêchent notre pays de mener une politique d’immigration digne de ce nom. Nous n’arrivons pas à faire exécuter correctement les lois de la République. Lorsque les tribunaux nous donnent raison au bout d’un an ou deux, les personnes ne sont souvent plus expulsables, notamment parce qu’elles ont désormais une vie privée et familiale sur le sol de la République. Elles ont par exemple eu des enfants.

En revanche, pour ceux que nous accueillons au titre du droit d’asile, un an ou deux, c’est beaucoup trop long. Il leur faut travailler et s’intégrer pour pouvoir vivre dans le pays qui les accueille.

Nous proposerons donc une modification de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Le garde des sceaux reviendra sur cette question. Il s’agit pour nous de territorialiser la CNDA et d’instaurer un juge unique. Nous avons entendu la demande du Conseil d’État et de la CNDA de conserver une instance collégiale pour les arrêts de principe. Le texte que nous présenterons répondra, me semble-t-il, à la demande du Conseil d’État. Mais nous souhaitons, dans un souci d’efficacité et de rapidité, que l’immense majorité des décisions puissent être prises par un juge unique.

Par ailleurs, nous mettrons en place la visioconférence, et nous simplifierons le lien entre le refus de la demande d’asile – 70 % des demandes d’asile sont refusées – et la décision d’obligation de quitter le territoire français. Conformément à l’annonce du Président de la République lors de sa campagne électorale, le refus de la demande d’asile, soit par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra), soit par la CNDA en cas d’appel, vaudra obligation de quitter le territoire français. Le tribunal administratif aura ensuite quinze jours pour juger l’acte ainsi contesté.

Aujourd’hui, un demandeur d’asile doit attendre entre un an et un an et demi, voire deux ans pour obtenir une réponse. La loi Collomb a permis de réduire les délais de traitement des demandes par l’Ofpra de neuf mois à cinq mois, mais les délais de la CNDA sont malheureusement un peu trop longs, faute de moyens et de simplification, comme nous l’avons déjà dit. Ce que nous voulons, c’est que la demande d’asile complète de n’importe quel demandeur puisse être traitée en moins de neuf mois.

D’autres mesures de simplifications sont prévues. Elles sont très largement inspirées du rapport de François-Noël Buffet, qui, je le crois, a été approuvé à l’unanimité par la commission des lois de votre assemblée.

Le troisième thème sur lequel je souhaite m’attarder est celui de l’intégration. Vous avez voté dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur une augmentation de 25 % des crédits relatifs à l’intégration, soit une hausse de plus de 100 millions d’euros, notamment pour l’apprentissage du français.

Comme l’a rappelé Mme la Première ministre, 25 % des étrangers en situation régulière sur notre sol parlent très mal le français et ont par conséquent beaucoup de mal à s’intégrer. Certes, des cours de français sont obligatoires, mais l’obtention d’un titre de séjour n’est pas conditionnée à la réussite d’un examen sanctionnant cet apprentissage.

Nous proposons donc que l’obtention d’un titre de séjour soit conditionnée à la réussite, et non pas simplement au passage, d’un examen de français et à l’adhésion aux valeurs de la République, conformément à ce que nous avons prévu dans la loi confortant le respect des principes de la République. En cas d’échec à cet examen, qui concernerait 270 000 personnes par an, le titre de séjour ne serait pas délivré, quand bien même il s’agirait d’une immigration familiale.

L’apprentissage du français est évidemment très important. Le ministre du travail reviendra sur le sujet, ainsi que sur les obligations que nous pourrons imposer. De telles dispositions relèvent du domaine réglementaire par le ministère de l’intérieur et demandent une révolution dans l’organisation des préfectures. Ces dernières doivent cesser de vérifier les titres de séjour de personnes qui sont depuis de nombreuses années sur le sol national, qui travaillent et qui n’ont pas de casier judiciaire. Ces titres doivent être délivrés automatiquement.

Il faut par conséquent concentrer le travail de l’intégralité des agents des préfectures d’abord sur les primo-arrivants. Il faut s’assurer que ces personnes parlent bien le français, qu’elles sont désireuses de s’intégrer, qu’elles peuvent avoir accès à un métier qui leur permette de faire vivre leur famille dans des conditions d’intégration acceptables. Le travail des agents doit ensuite être d’améliorer l’exécution des obligations de quitter le territoire français et de retirer leur titre de séjour à toute personne ayant un casier judiciaire.

Depuis la circulaire que j’ai prise à la demande du Président de la République, 92 000 titres de séjour ont été refusés ou retirés à des étrangers qui avaient une difficulté avec les règles de la République. L’étape suivante est de s’assurer que ces étrangers quittent bien le territoire national. Pour cela, il faut que les préfectures cessent d’ennuyer administrativement ceux qui ne posent aucun problème à la République et qu’elles se concentrent plus largement sur ceux qui lui en posent. Je pense que c’est ce que demandent les Français. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l’a souhaité Mme la Première ministre, le Sénat est aujourd’hui réuni pour débattre d’un sujet important, extrêmement complexe, qui peut se résumer au fond en une question simple : comment, et sous quelles conditions, accueillir, sur notre sol français des femmes et des hommes de nationalité étrangère ?

L’immigration, à l’évidence, est un phénomène qu’il faut envisager de façon globale et pragmatique : globale, car la question de l’immigration implique de nombreux périmètres ministériels, comme en témoigne la présence au banc du Gouvernement de plusieurs de mes collègues ; pragmatique, car pour trouver des solutions, il faut se départir de tout dogmatisme, de toute démagogie et, bien sûr, de tout angélisme.

Depuis longtemps, le ministère de la justice travaille avec tous les autres ministères impliqués sur la question de l’immigration et, plus particulièrement, sur les procédures administratives et pénales applicables aux étrangers.

De quoi parlons-nous exactement ?

Il s’agit tout d’abord de réfléchir à une simplification du traitement du contentieux des étrangers. Ce contentieux constitue l’activité principale des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. Comme le souligne avec acuité le rapport Stahl publié en 2020, sous l’égide du Conseil d’État, il faut avant tout rechercher « une plus grande efficacité des mesures juridictionnelles ».

Cette réflexion rejoint celle du président de la commission des lois, François-Noël Buffet, qui, dans son excellent rapport (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains), fait le triple constat d’un « droit des étrangers devenu illisible », de « procédures inefficaces » et d’un « manque de moyen des services de l’État pour les mettre en œuvre ».

Fort d’un diagnostic partagé tant par la juridiction administrative que par les parlementaires, le Gouvernement va, comme l’a indiqué mon collègue Gérald Darmanin, ouvrir prochainement le chantier de la réforme du contentieux des étrangers. Il n’y aura évidemment aucune question taboue. Ainsi, la réforme du contentieux de l’asile devra également être mise à l’ordre du jour.

Toutes ces questions sont en débat aujourd’hui et le seront lors de l’examen du projet de loi. Je sais évidemment que vous aurez à cœur de bâtir une procédure à la fois efficace et respectueuse de nos principes.

Pour résumer le propos en une phrase, je dirais ceci : la protection des droits et la protection qu’offre le droit, oui ; l’instrumentalisation du droit et le dilatoire, non !

Le second axe de travail que je vous propose concerne la sphère pénale.

Laissez-moi tout d’abord insister sur un constat que nous faisons lucidement. Oui, il y a des étrangers délinquants. Oui, il y a des étrangers dans nos prisons ; de ce point de vue, nous sommes dans la moyenne européenne.

M. François Bonhomme. Cela nous rassure…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mais l’écrasante majorité des personnes que nous accueillons sur notre sol aiment notre pays et en respectent les lois. Je dis cela avec force, car il ne faut pas accepter des amalgames parfois faciles ou des généralisations entre l’immigration et la délinquance.

Pour autant, mesdames, messieurs les sénateurs, je me garderai de tout angélisme, et je souhaite que nous puissions, dans le cadre du projet de loi annoncé, permettre à notre droit pénal d’être plus efficient à l’égard des étrangers qui ne respectent ni nos lois ni notre pacte républicain.

Pour y parvenir, il nous faut réfléchir à un élargissement de la peine d’interdiction du territoire français. Il s’agit aujourd’hui d’une peine complémentaire, prévue pour de nombreuses infractions qui sont les plus graves : crimes contre l’humanité, infractions terroristes ou atteintes volontaires à la vie, par exemple.

Pourquoi ne pas harmoniser les conditions d’interdiction judiciaire du territoire français avec celles des mesures d’expulsion ? N’est-il pas légitime qu’un juge correctionnel puisse protéger notre territoire et nos concitoyens aussi bien qu’un préfet qui décide de l’expulsion d’un étranger délinquant ?

Pourquoi également ne pas explorer l’élargissement du champ infractionnel de cette peine complémentaire, en prenant évidemment toutes les précautions qui s’imposent, car cet élargissement ne pourra pas avoir lieu sans que soient garantis les grands principes de l’État de droit, auxquels nous sommes tous particulièrement attachés ?

Ces pistes sont sérieusement à l’étude.

C’est tout l’enjeu des débats qui vous attendent : être ferme à l’égard des étrangers qui s’affranchissent de nos règles tout en garantissant à chaque femme, à chaque homme qui souhaite s’installer régulièrement sur notre territoire un examen individualisé de sa situation personnelle et familiale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les Français nous regardent. Il est de notre responsabilité collective de nous montrer à la hauteur de leurs attentes bien légitimes. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de linsertion. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, une politique d’intégration doit naturellement envisager le travail comme un outil essentiel, car il est, selon nous, la seule manière durable pour un étranger arrivant sur notre territoire d’assurer sa subsistance. Par ailleurs, le contexte professionnel facilite grandement l’apprentissage de la langue et de la culture d’un peuple.

La France a, comme de nombreux pays, besoin de talents étrangers. Cela ne signifie aucunement que nous sommes déliés de notre obligation de former et d’accompagner nos compatriotes résidant sur notre territoire ; c’est une priorité dans notre marche vers le plein emploi. Cela signifie simplement que nous devons accompagner cette politique d’un recours subsidiaire au recrutement d’étrangers non communautaires pour faire face à nos besoins en compétences.

En réalité, nous le savons, nous avons déjà des procédures permettant l’introduction de main-d’œuvre étrangère, de talents venus de l’étranger. Nous savons aussi délivrer des titres de séjour à des personnes présentes depuis plusieurs années sur le territoire. Mais nous ne pouvons pas nous soustraire plus longtemps à une analyse lucide de notre système. Force est de constater qu’il est inefficace par plusieurs aspects, injuste par d’autres.

Notre système est inefficace, car il ne permet pas à de nombreux étrangers arrivés régulièrement sur notre territoire de se former et d’être accompagnés, puis d’exercer un emploi. Cela se voit dans les chiffres relatifs à la politique de l’emploi : au premier trimestre 2022, le taux de chômage des personnes étrangères était de 13 %, contre 7,5 % pour l’ensemble de la population. Ce rapport ne varie ni en période de crise ni en période de croissance.

Nous enfermons dans l’illégalité des étrangers présents depuis longtemps sur notre territoire et travaillant notamment dans des secteurs en tension. Ils sont pourtant essentiels à la prospérité et au développement de notre pays. Ils sont le plus souvent déclarés, ils paient des impôts, des cotisations. Mais leur situation relève parfois de la traite des êtres humains.

L’absence de droit au séjour les rend vulnérables et précaires. Il arrive aussi que des employeurs peu scrupuleux les obligent à travailler parfois plusieurs semaines sans repos ou encore à être hébergés dans des conditions indignes. Ce constat ne vaut évidemment pas généralisation, mais nous savons que de telles situations existent.

Progresser sur le sujet, c’est progresser sur l’ensemble des conditions de travail en supprimant ces situations du pire et en revenant à un socle commun pour l’ensemble des salariés.

Ce constat partagé nous oblige. Nous devons sortir du système perdant-perdant. Il nous incombe de faire plus pour lutter contre le travail illégal et le travail dissimulé.

Des étrangers présents depuis plusieurs années sur le territoire, travaillant depuis plusieurs mois en France et exerçant un métier en tension sont en situation irrégulière, sans porte de sortie. Ils travaillent, s’intègrent, veulent s’intégrer ou sont intégrés. Ils demeurent pourtant sans droit au séjour ni au travail.

Nous souhaitons que ces étrangers puissent obtenir un titre temporaire, pour une année renouvelable. Il faut leur permettre de travailler légalement dans un secteur en tension de main-d’œuvre. Ils pourront ensuite s’insérer dans un parcours plus classique, toujours par le travail et par la langue. Cela s’appelle tout simplement l’intégration. C’est ce que nous voulons promouvoir, comme le ministre de l’intérieur et moi l’avons déjà indiqué.

Certains feignent de penser que nous allons ainsi favoriser le travail des étrangers au détriment des Français. C’est faux par construction. Les secteurs en question ont besoin de main-d’œuvre. Les étrangers dont nous parlons ne prennent le travail de personne. Ils occupent un emploi pour lequel il est bien difficile de recruter. Par ailleurs, nous n’avons pas abandonné l’important effort de formation de l’ensemble des actifs et notre objectif de plein emploi.

L’introduction de ce titre de séjour est d’ailleurs une demande forte de nombreuses entreprises, qui souhaitent pouvoir accompagner la régularisation de celles et ceux qui travaillent pour elles.

Dans ce même état d’esprit, nous avons d’ores et déjà entamé la révision de la liste existante des métiers en tension. Elle comporte quelques incongruités, quelques manques. Les métiers de la restauration y sont par exemple aujourd’hui peu présents, tout comme ceux de la propreté. Cette liste devra donc demain être plus en phase avec la réalité des tensions de recrutement.

Si l’on observe la part des emplois en tension occupés par des étrangers, qu’ils soient en situation régulière ou en situation irrégulière, on ne peut que constater la lenteur et la faiblesse des sanctions infligées.

C’est une certitude, la lutte contre le travail illégal passera par des sanctions applicables plus facilement et plus rapidement.

Il existe aujourd’hui des sanctions pénales, que nous ne prévoyons pas de modifier, car elles sont nécessaires au traitement des situations les plus graves, lorsque sont manifestes l’intentionnalité et la dégradation des conditions de travail.

Il existe aussi des sanctions administratives. Je pense par exemple à la possibilité pour les préfets de fermer un établissement pour une durée maximale de trois mois. C’est une sanction lourde, dont nous devons faciliter l’application.

Il nous faut aussi une sanction administrative calibrée pour être plus systématique, comme une amende de plusieurs milliers d’euros par emploi illégal. Cette sanction n’aurait pas un caractère automatique, mais serait déployée en fonction de l’appréciation d’un certain nombre de critères comme les ressources, les charges, mais aussi, et peut-être surtout, l’intentionnalité, le contexte et la gravité.

Enfin, l’intégration passe à l’évidence par la langue, comme l’a rappelé le ministre de l’intérieur. Or bien des employeurs comptent sur la main-d’œuvre étrangère pour faire tourner leur entreprise. Il ne serait donc pas anormal qu’ils contribuent à la réussite de l’intégration de leurs salariés par la langue.

Nous avons ouvert un dialogue avec les partenaires sociaux pour examiner avec les opérateurs de la formation, par le financement de la formation continue et par la possibilité de libérer des heures sur le temps de travail, la façon dont nous pourrions mettre à contribution les employeurs pour la formation en français de leurs salariés étrangers.

Nous abordons ce débat sans naïveté, en voulant ne plus être les complices passifs d’injustices existantes. En ce qui concerne le travail des étrangers, nous agissons sans naïveté ni idéalisme, mais en faisant preuve de réalisme et avec la volonté de protéger les travailleurs comme les chefs d’entreprise qui n’ont pas d’autre choix. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. Acte est donné de la déclaration du Gouvernement.

Dans le débat, la parole est à M. François-Noël Buffet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Philippe Bonnecarrère, Alain Richard et François Patriat applaudissent également.)

M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, « il n’existe pas, le pays qui peut accueillir l’ensemble des migrants économiques. Il n’existe pas. […] Nous avons besoin d’améliorer l’intégration dans la République plus vite, mieux. […] Je ne veux plus de femmes et d’hommes dans les rues. Mais partout, dès la première minute, un traitement administratif qui permet de déterminer si on peut aller vers une demande d’asile ou non. Et derrière, une vraie politique de reconduite aux frontières ».

Ces quelques phrases ne sont pas de moi. Certains peut-être s’en souviendront, elles ont été prononcées, il y a déjà cinq ans, par le Président de la République lui-même, à Orléans.

M. François Bonhomme. Quel aveu d’échec !

M. François-Noël Buffet. On pouvait être séduit, il y a cinq ans, par ces propos qui semblaient annoncer une grande ambition pour moderniser notre politique migratoire et même la penser – enfin ! – dans sa globalité. Mais regardons les choses en face : la triste réalité, c’est que notre politique d’immigration, d’asile et d’intégration se trouve aujourd’hui dans l’impasse.

Je vous concède, madame la Première ministre, que cette faillite trouve ses racines dans les errements du quinquennat de M. Hollande, dont vous avez en partie hérité.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cela faisait longtemps…

M. François-Noël Buffet. Toutefois, force est de constater que, cinq ans après le discours d’Orléans, le Gouvernement n’a pu se donner les moyens de redresser totalement la barre.

M. François Bonhomme. Belle continuité…

M. François-Noël Buffet. Nous avons tout d’abord renoncé à la maîtrise de l’immigration légale, dont chacun sait qu’elle nourrit pour partie l’immigration irrégulière.

Pour la seule année 2021, à en croire les chiffres publiés en juin 2022 par le ministère de l’intérieur, 270 000 premiers titres de séjour ont été délivrés en France métropolitaine, soit 100 000 de plus qu’en 2011. Le nombre de titres valides a lui augmenté d’un million, pour atteindre aujourd’hui un total de 3,4 millions.

L’ampleur de ces chiffres et de leur évolution parle d’elle-même. Certains sur ces travées soutiendront que l’immigration est une chance pour les pays européens. Sans doute ! Mais à condition qu’elle soit un apport pour le pays d’accueil, et non une charge.

Or, comme le souligne l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, la contribution de l’immigration à la société et à l’économie d’un pays, quel qu’il soit, est étroitement liée au niveau de qualification des arrivants. Et celui-ci est bien moindre en France que chez nos voisins européens.

Quant à l’intégration, elle ne peut véritablement advenir qu’avec la maîtrise de notre langue et le respect des principes et des valeurs qui font notre nation. Or, vous l’avez souligné vous-même la semaine dernière, monsieur le ministre de l’intérieur, un quart des étrangers en situation régulière parlent ou écrivent très mal le français.

En ce qui concerne l’immigration irrégulière, nous allons d’échec en échec, avec tout d’abord une maîtrise très insuffisante de nos frontières – c’est un euphémisme ! – à l’échelle européenne.

En 2006, le Gouvernement estimait, ici même, qu’entre 200 000 et 400 000 clandestins étaient présents sur le territoire national. Devant la commission des lois, le 2 novembre dernier, vous avez, monsieur le ministre de l’intérieur, indiqué qu’ils étaient aujourd’hui de 600 000 à 900 000. En quinze ans, leur nombre a donc été multiplié au moins par deux.

La potion est encore plus amère pour ce qui concerne l’éloignement. Selon les chiffres transmis par le ministère, le taux d’exécution des OQTF au premier semestre de 2022 s’établit au niveau famélique de 6,9 %. On peut toujours discuter de la pertinence de ce taux comme indicateur, mais c’est un fait qu’il a été divisé par trois en dix ans, puisque nous exécutions encore 22 % des OQTF en 2012, soit trois fois plus qu’aujourd’hui.

Il y a du mieux du côté de l’asile, mais nous sommes encore loin du compte. Avec un délai moyen d’examen des demandes d’un peu plus de 330 jours, l’objectif de six mois fixé en 2017 est hors de portée à moyen terme. C’est d’autant plus regrettable que nous renouons avec les nombres exceptionnels de demandes d’avant la pandémie. Nous devrions même dépasser l’année prochaine le record de 2019, puisque 135 000 demandes sont attendues.

Je ne dresse ce tableau ni par malice ni par fatalisme. Se laisser aller à l’une ou à l’autre, ce serait renoncer à chercher des solutions et se réfugier dans des postures stériles. Ce serait alimenter chez nos concitoyens des peurs qui n’ont pas lieu d’être. Ce serait, surtout, ouvrir grand la porte aux extrêmes.

Vous l’avez dit à l’Assemblée nationale la semaine dernière, madame la Première ministre : si nous voulons débattre sérieusement de la politique migratoire, nous devons nous astreindre à un langage de vérité.

Cela implique de nous appuyer sur des données partagées et indiscutables, pour dresser le constat lucide d’une immigration qui n’est pas maîtrisée et d’une politique publique qui a perdu tout son sens. Un langage de vérité nous permettra d’énoncer clairement les objectifs à atteindre et de dénoncer les postures : l’immigration zéro est une chimère ; l’accueil au fil de l’eau est une folie.

Ce qui nous fait aujourd’hui cruellement défaut, c’est une réelle stratégie. Faute d’anticipation et faute de volonté clairement exprimée, nous ne faisons que subir les soubresauts des flux migratoires. Nous avons été dépassés par l’intensité des flux migratoires en 2015, nous le sommes encore aujourd’hui avec la reprise qui succède à l’épidémie de covid. Et nous venons de vivre un épisode particulier avec l’Ocean Viking, notamment de par la complexité des procédures suivies.

Ce n’est pourtant pas un gros mot que de dire que, comme pour tout État souverain, c’est à nous qu’il revient de décider qui nous accueillons sur notre territoire et qui n’y a pas sa place.

Pour nous, il y a trois principes à suivre. Tout d’abord, nous voulons une immigration régulière choisie, prioritairement économique et qui trouvera d’autant plus sa place dans notre société qu’elle y contribuera pleinement. Puis, il faut de l’intransigeance dans la lutte contre l’immigration irrégulière. Enfin, l’efficacité de la procédure d’asile doit être accrue. Tels sont les trois piliers sur lesquels doit reposer notre stratégie migratoire.

Cette stratégie, c’est celle que défend le Sénat, ou du moins sa majorité, depuis de nombreuses années. C’était le sens des propositions que nous avions portées en 2018 lors de l’examen de la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, dont une partie a été balayée d’un revers de main par le gouvernement de l’époque.

C’est donc avec satisfaction que j’observe plus qu’une inflexion de la part du Gouvernement, qui envisage désormais de reprendre plusieurs de nos propositions dans le texte qui devrait être examiné en mars prochain par le Sénat en première lecture, ce dont nous vous remercions. Certaines pistes du Gouvernement peuvent être intéressantes, d’autres sont moins acceptables. J’y reviendrai.

Monsieur le ministre de l’intérieur, vous rappelez régulièrement vous être inspiré pour la rédaction de votre texte du rapport Services de lÉtat et immigration : retrouver sens et efficacité, que j’ai rédigé en mai dernier. C’est un bon début ! (Sourires.)

Néanmoins, pour éviter tout malentendu, et comme l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, je vais vous faire des propositions très concrètes, qui sont ancrées dans les positions constamment soutenues par le Sénat depuis plus de dix ans et qui visent à doter la France d’une stratégie migratoire réellement ambitieuse et efficace.

Madame la Première ministre, vous avez déploré la semaine dernière devant l’Assemblée nationale le manque de propositions. Les nôtres seront sur la table. Permettez-moi de vous en présenter les grandes lignes.

La priorité est de retrouver notre souveraineté en matière d’immigration régulière. C’est à nous de décider qui accueillir sur le territoire, en assumant de prioriser l’immigration économique. Or celle-ci représentait à peine 13 % des premiers titres de séjour délivrés en 2021. C’est au Parlement qu’il revient de fixer ces orientations annuelles, avec, disons-le franchement, un débat sur des quotas ou, à tout le moins, la détermination de grandes directions.

Recouvrer notre souveraineté, c’est aussi assumer de restreindre les voies d’accès au séjour. Je pense à la procédure « étranger malade », pour laquelle il est urgent de revenir au critère de l’absence de soins dans le pays d’origine. Rien que pour 2021, nous avons reçu 5 000 demandes émanant de pays du G20, qui disposent pourtant de systèmes de soins développés !

Je pense aussi au regroupement familial, pour lequel nous proposons de resserrer les critères, naturellement dans le respect du droit européen.

Avoir une politique d’immigration régulière cohérente, c’est aussi mieux traiter ceux que nous acceptons sur notre territoire. Je ne reviens pas sur les situations ubuesques suscitées par les difficultés d’accès aux guichets des préfectures pour obtenir ou renouveler un titre de séjour.

La solution est pourtant là, dans une refonte des pratiques d’instruction autour d’une logique dite « à 360 degrés », où l’on examinerait dès la première demande, et une fois pour toutes, l’ensemble des motifs qui pourraient fonder la délivrance d’un titre de séjour. L’expérimentation conduite par le Gouvernement à la préfecture d’Angers est une très bonne démarche.

Mieux traiter les étrangers en situation régulière demande également de muscler notre dispositif d’intégration. Vous proposez, monsieur le ministre, d’augmenter le volume d’heures de français. C’est une bonne idée.

La contrepartie, c’est le renforcement des devoirs de l’étranger. Vous avez repris la proposition du Sénat, qui suggérait de conditionner la délivrance des titres de séjour de longue durée à la réussite d’un examen de langue. Fort bien ! Nous estimons nécessaire d’aller encore plus loin et de la conditionner également au passage d’un examen civique, par lequel l’étranger démontrerait sa bonne appropriation de nos valeurs, de l’histoire et de la culture de la France.

Passer d’une logique de moyens à une logique de résultats, c’est la vraie révolution pour le contrat d’intégration républicaine. Cette appropriation des valeurs républicaines n’est pas négociable, et l’obtention d’un titre de séjour n’est pas un blanc-seing : elle vient avec des responsabilités. À cet égard, nous aurons des difficultés à vous suivre dans votre idée d’automaticité du renouvellement des titres pluriannuels. Mais nous attendons de voir ce que vous proposerez exactement.

La deuxième priorité est de fluidifier le traitement des demandes d’asile et de lutter plus efficacement contre le détournement de notre politique d’accueil.

Il est crucial de faciliter l’instruction des demandes de protection internationale, en permettant notamment à l’Ofpra de statuer plus rapidement sur les dossiers les moins problématiques, par exemple en cas de retrait de la demande ou d’abandon du lieu d’hébergement, mais aussi en lui imposant de refuser l’asile en cas de menace pour l’ordre public.

Ainsi, l’Office pourra concentrer son expertise sur les dossiers les plus complexes. Je tiens en tout cas à saluer à cette tribune l’excellent travail des agents de l’Ofpra.

Enfin, nous devons faire de la lutte contre l’immigration irrégulière une priorité nationale et agir, enfin, pour la mise en œuvre des décisions d’éloignement.

Prévenir l’immigration irrégulière, c’est d’abord assumer d’établir un rapport de force avec les États d’origine. Le Sénat avait voté en 2018 une disposition autorisant les restrictions de visas à l’égard des pays délivrant peu de laissez-passer consulaires. Le Gouvernement ne l’avait pas retenue. Il s’y est finalement résolu et, là encore, cela a produit quelques résultats, puisque le nombre de retours forcés vers l’Algérie, nombre certes modeste en valeur absolue, a tout de même été multiplié par seize en moins d’un an.

La montée en puissance de la lutte contre l’immigration clandestine ne se fera pas non plus sans réforme de l’aide médicale de l’État (AME). Avec 400 000 bénéficiaires et un coût supérieur à un milliard d’euros, celle-ci atteint des sommets. Nous ne pouvons pas nous satisfaire des derniers ajustements paramétriques ; c’est d’une réforme structurelle dont nous avons besoin.

Là encore, le Sénat défend de longue date le remplacement de l’AME par une aide médicale d’urgence, centrée sur la prise en charge des pathologies les plus graves. L’AME se justifie pour des raisons de santé publique, madame la Première ministre, mais on ne peut se dissimuler qu’elle constitue aussi, parfois, une incitation à l’immigration irrégulière.

Il en va de même du projet de titre de séjour « métiers en tension », qui est au fond une opération de régularisation qui n’ose pas dire son nom. Soyons clairs, en effet : qu’est-ce que l’attribution d’un titre de séjour à une personne en situation irrégulière sinon une régularisation ?

La problématique est réelle, pourtant, et nous ne pouvons nier que nombre de métiers, parfois indispensables, sont exercés en majorité par des étrangers. Nous pouvons en débattre.

La solution passe-t-elle pour autant par des régularisations massives, sans aucun ciblage, qui risquent de créer un nouvel appel d’air ? Non. Si nous y procédons, cela fera les affaires des filières criminelles qui industrialisent le passage des clandestins et jouent avec leurs vies. Il faudra donc des critères précis et des conditions, qui devront être précisées par la loi. La problématique est réelle, je le répète, et nous devons absolument dire les choses telles qu’elles sont, et non telles que nous aimerions qu’elles soient.

Je formulerai la même remarque s’agissant de la réforme du contentieux. Nous le savons tous, le droit des étrangers est d’une complexité qui frôle l’absurde. Il suffit de voir la taille du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda)… C’est une charge pour les magistrats chargés de l’appliquer, une source d’insécurité juridique pour les justiciables et une aubaine pour les clandestins cherchant à se soustraire à l’éloignement.

Le Gouvernement a souhaité réduire à quatre le nombre de procédures contentieuses. Nous vous proposons de descendre jusqu’à trois. Nous aurons à en discuter.

Madame la Première ministre, ce n’est pas en masquant les problèmes que l’on va les oublier, ce n’est pas en les nommant que l’on va les aggraver, mais c’est certainement avec des propositions concrètes que l’on va les résoudre. Cela tombe bien, nous n’en manquons pas ! Celles que je vous ai exposées, et bien d’autres encore, figureront parmi nos propositions.

Nous avons adopté vingt et une lois sur l’immigration en trente ans, ce qui fait une moyenne d’une loi tous les seize mois. Je vous propose que nous prenions l’engagement de doter notre pays d’une vraie stratégie. Le groupe Les Républicains y est prêt. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – MM. Philippe Bonnecarrère et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’asile est un droit. C’est un engagement conventionnel et c’est une part de notre identité constitutionnelle.

L’immigration, c’est autre chose. C’est une politique qu’il convient de mener en respectant nos principes, mais aussi, au mieux, les intérêts de notre pays. Avant 2018, jamais ces deux sujets n’avaient été abordés dans les mêmes lois. Ce sont en effet deux sujets distincts. Malheureusement, nous devons désormais les aborder ensemble.

Sur la question de l’immigration, les Français semblent relativement « fermés » lorsqu’on les interroge, mais ils sont fondamentalement ouverts et généreux dès lors qu’ils font face à des situations concrètes. Surtout, ils sont attachés à notre tradition d’accueil et d’asile.

La France est restée relativement à l’écart des grands mouvements de demande de protection, que ce soit au moment de la crise syrienne ou, actuellement, avec la crise ukrainienne, puisque nous ne sommes pas le pays qui a accueilli le plus d’Ukrainiens. Par ailleurs, nous délivrons relativement peu de premiers titres de séjour chaque année, si l’on nous compare à des pays similaires.

On entend souvent que l’immigration augmente de manière exponentielle. Mais, au début du XXe siècle, 5 % de la population mondiale était migrante. Aujourd’hui, c’est moins de 3,5 %. Quant à l’immigration familiale, ce n’est pas open bar en France : il faut totaliser dix-huit mois de présence sur le territoire et remplir des conditions précises de ressources et de logement.

Madame, la Première ministre, sur ce sujet, votre gouvernement mène une politique de désordre et d’affichage.

Désordre, car, avec des préfectures dysfonctionnelles, où il est impossible de prendre rendez-vous, des personnes en situation régulière passent en situation irrégulière, parce qu’elles ne peuvent pas faire renouveler leurs documents. La moitié de la justice administrative est mobilisée par ces dysfonctionnements, qui coûtent à l’État. Et vous nous annoncez un renouvellement automatique, monsieur le ministre de l’intérieur. Comment cela va-t-il fonctionner réellement ?

Désordre aussi puisque, alors que vous êtes ministre de l’intérieur depuis deux ans, rien n’a été fait pour régler la question des personnes qui ne sont ni expulsables ni régularisables. Il faut absolument procéder à un examen à 360 degrés de l’ensemble des situations. Et pour cela, il faut du personnel.

M. Gérald Darmanin, ministre. C’est vrai !

M. Jean-Yves Leconte. Désordre lorsque, d’une préfecture à l’autre, nous ne traitons pas de la même manière les demandes d’admission exceptionnelle au séjour, quand bien même elles sont examinées.

Désordre lorsque, pour des raisons d’affichage, monsieur le ministre de l’intérieur, vous exigez des préfets plus d’OQTF.

Au lieu de vous concentrer en priorité sur les personnes qui risquent réellement de menacer l’ordre public, vous visez toutes celles qui sont inscrites au fichier TAJ (traitement d’antécédents judiciaires). À vouloir absolument faire du chiffre, vous ne faites pas correctement l’essentiel : vous instrumentalisez les « dublinés », mais ils reviennent une semaine plus tard…

M. Gérald Darmanin, ministre. C’est faux !

M. Jean-Yves Leconte. Dans ces conditions, comment voulez-vous que les personnels de la police aux frontières (PAF) ne perdent pas le sens de leur action ?

Vous fixez l’objectif de centres de rétention administratifs (CRA) remplis à 90 %. Mais des CRA qui fonctionnent, monsieur le ministre de l’intérieur, ce sont des CRA où les personnes retenues peuvent être éloignées !

Désordre aussi lorsque vous appelez, dans le prolongement du rapport Stahl, à simplifier le droit des étrangers – nous souscrivons à cet objectif –, mais que vous voulez lier dans le même temps refus de protection par l’Ofpra et OQTF. Monsieur le ministre, si nous respectons toujours la convention de Genève, cet acte administratif n’aura d’OQTF que le nom !

Désordre enfin lorsque ces défaillances de l’État nuisent à l’intégration, qu’elles conduisent les personnes à s’appuyer sur leur communauté plutôt que sur les services publics et qu’elles font peser le devoir d’humanité sur les collectivités locales et les associations.

Monsieur le ministre, j’en termine ici avec les choses désagréables. (Sourires.) Devant les députés, vous affirmiez que les personnes de moins de 16 ans ne seraient plus placées en CRA. Dans cet hémicycle, vous venez de préciser que cette mesure vaudrait pour tous les mineurs. Je salue l’évolution positive de votre discours en l’espace d’une semaine…

Par ailleurs, pour la première fois depuis longtemps, ces questions ne sont pas exclusivement traitées par le ministère de l’intérieur. Je m’en réjouis également, car une intégration réussie – vous l’avez rappelé, madame la Première ministre, messieurs les ministres – passe avant tout par le travail et l’école ; c’est une réalité historique en France.

Si l’on examine les deux plus grands mouvements actuels de population, du Venezuela vers la Colombie et de l’Ukraine vers l’Union européenne, on constate que les migrants ont immédiatement un statut et le droit de travailler. C’est la meilleure façon de procéder. Le droit au travail permet en effet d’éviter le dumping social et d’en finir avec cet esclavage moderne dont nous sommes témoins chaque jour dans des domaines essentiels de la vie.

Madame la Première ministre, vous pouvez faire beaucoup plus que ce qui a été fait au cours des dernières années, sans changer la loi. Les marges de manœuvre sont importantes.

Tout d’abord, depuis 2008, la liste des métiers en tension n’a bougé qu’une fois, en 2021.

Ensuite, la situation choquante des jeunes apprentis en situation irrégulière n’est pas mieux résolue aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a quelques années.

Enfin, quels moyens nouveaux accorderez-vous aux préfectures pour qu’elles puissent traduire en actes vos annonces et réellement changer la donne ? Le titre de séjour « métiers en tension » s’adressera-t-il à de nouveaux arrivants ou permettra-t-il d’ouvrir un droit au séjour à des personnes déjà engagées dans ces activités ?

Le refus de la présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes, qui rend insoluble la situation de milliers de clandestins participant à notre économie, sera-t-il maintenu ?

Mes chers collègues, la France fait partie de l’espace Schengen. Voilà quelques années, une commission d’enquête du Sénat a rappelé l’intérêt et l’utilité de cet espace de libre circulation, dès lors qu’il y avait entre les pays des échanges d’informations solides, de la confiance et une surveillance sérieuse des frontières extérieures.

Entre 2012 et 2017, nous avons réformé l’interopérabilité des systèmes, mis en place l’enregistrement des dossiers passagers (PNR), lancé le projet d’information et d’autorisation concernant les voyages (Etias, en anglais European Travel Information and Authorization System) et renforcé le mandat de Frontex. Sur ces questions, l’Europe est non pas un problème, mais une solution, le pacte sur la migration et l’asile ayant vocation à renforcer encore la cohérence de cette action.

Nous l’avons vu l’an dernier à la frontière des pays baltes et de la Pologne avec la Biélorussie : des situations imprévues peuvent se produire, auxquelles il convient de répondre de façon solidaire entre pays européens. Cela oblige toutefois chaque pays à respecter le droit européen. L’Italie doit respecter le droit de la mer, mais la France doit aussi respecter le principe européen de libre circulation.

La Cour de justice de l’Union européenne a rappelé que l’on ne pouvait pas rétablir des contrôles systématiques aux frontières intérieures de l’Union. (M. le ministre de lintérieur et des outre-mer sexclame.)

Vous ne voulez pas l’entendre, monsieur le ministre de l’intérieur, mais la Cour l’a pourtant effectivement rappelé à l’Autriche !

La politique de visas mise en œuvre depuis quelques mois se caractérise par des délais incroyables, des refus arbitraires et des projets de vie détruits. Elle brise progressivement les liens historiques que nous avons avec les pays du sud de la Méditerranée. Ce n’est plus Paris, mais Istanbul, Dubaï et même parfois Moscou qui font référence aux yeux de beaucoup. Hélas, nous n’avons qu’à nous en prendre à nous-mêmes, car c’est le résultat de votre politique, monsieur le ministre de l’intérieur.

Dans de très nombreux pays, les communautés d’affaires se plaignent de contrats qui ne peuvent plus être conclus, de visites qui ne peuvent plus avoir lieu. Cela doit cesser !

Plus de 17 000 morts en Méditerranée au cours des six dernières années, des milliers d’enfants disparus sur la route des Balkans : madame la Première ministre, monsieur le ministre, cela doit cesser également ! La lutte contre les passeurs n’est pas compatible avec le financement de structures étrangères opaques au jeu trouble, telles que les gardes-frontières libyens.

Il peut être nécessaire d’obtenir des laissez-passer consulaires, mais pas uniquement par des coups de menton. Les démarches entreprises auprès des pays d’origine et de transit doivent aussi accorder une place significative aux politiques de mobilité légale.

Je terminerai par la politique d’asile, absolument essentielle, qui se situe au cœur de notre identité depuis la Révolution.

Les personnes qui méritent d’être protégées viennent sur notre sol après avoir vécu des chocs terribles ; elles ne sont donc pas en mesure de préparer correctement leur récit en l’espace de quelques jours. Monsieur le ministre, vous annoncez la création d’un guichet France asile. Très bien, mais les personnes qui présentent une demande auront-elles le temps de se préparer ?

Quant au projet de réforme de la CNDA, nous refusons le juge unique systématique et nous ne voulons pas que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) en soit exclu.

Il faut selon nous avancer vers une reconnaissance européenne de l’instruction des demandes d’asile, qui doit passer à terme par la création d’une Cour européenne du droit d’asile.

Enfin, il est essentiel qu’aucune minute ne soit perdue pour reconnaître à une personne qui demande l’asile le droit au travail, à la formation et à l’apprentissage de la langue, en d’autres termes la possibilité d’être autonome le plus vite possible.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur les problématiques liées à l’outre-mer. Mais si nous sommes une République, il n’y a qu’un seul territoire, sur lequel s’applique une seule loi. La situation à Mayotte est très complexe, mais il est inacceptable qu’un titre de séjour délivré dans ce département ne donne pas le droit de voyager dans l’Hexagone. Toutes les larmes versées sur Mayotte ne sont qu’hypocrisie si les étrangers qui se trouvent là-bas en situation régulière ne peuvent pas tous circuler librement en France.

Une politique humaine, cohérente et résolue, profondément européenne : telle est la voie qui nous permettra de reprendre confiance, de corriger nos erreurs et de recouvrer une capacité d’intégrer celles et ceux qui, venant se réfugier, travailler et étudier en France, contribuent à l’édification de notre pays. C’est en effet grâce à la diversité de ces apports que nous nous sommes construits.

Faisons preuve de volonté et de courage, ayons confiance en notre histoire, nos principes et nos valeurs, donnons confiance à l’Europe et continuons sur ce chemin ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’immigration met en tension la souveraineté qui fonde l’État et la citoyenneté qui fonde la Nation. Avec mes collègues centristes, je souhaite présenter nos propositions, lesquelles seront nécessairement exposées de façon cursive, au regard du délai qui m’est imparti – je vous prie par avance de bien vouloir m’en excuser.

Nous ne partageons pas l’idée suivant laquelle l’action de l’exécutif serait empêchée ou interdite par l’État de droit. Les deux nous semblent compatibles, et c’est pourquoi nous ne formulerons aucune proposition de nature constitutionnelle.

Le premier niveau de solution est européen. La révision du « paquet asile » est un échec, probablement durable. Relevons toutefois quelques avancées avec la montée en puissance de Frontex et la création de l’Agence de l’Union européenne pour l’asile, qui vise à harmoniser les politiques, en particulier la liste des pays dits « sûrs ».

Nous proposons une reconnaissance mutuelle des décisions de rejet d’une demande d’asile, afin d’éviter les migrations dites « de rebond ». Si cet objectif n’est pas atteignable à 27, il pourrait l’être par une coopération renforcée à 9 États ou par des accords bilatéraux.

Nous souhaitons aussi l’entrée en vigueur effective en 2023 du système d’entrée-sortie, dit EES, enfin robuste, avec la précision que, en cas de refus de se soumettre au relevé d’empreintes, l’intéressé se verrait refuser l’accès au territoire européen.

Pour revenir en France, la première voie d’immigration est familiale, au titre du droit à la vie privée. Nous formulons à cet égard deux propositions.

Nous suggérons, premièrement, de porter de dix-huit à vingt-quatre mois le délai de présence régulière sur le territoire à partir duquel pourrait être faite la demande de rapprochement. Il s’agit du délai plafond fixé par la directive de 2003.

Nous proposons, deuxièmement, d’explorer les mesures conditionnelles visées par cette même directive, à savoir le fait pour la personne faisant l’objet de la demande de rapprochement de disposer de ressources suffisantes et d’un logement, de respecter l’ordre public et de se conformer aux mesures dites « d’intégration ».

Chaque mot a son importance. Nous pensons en particulier à la maîtrise préalable de la langue française au titre du contrat d’intégration ou à la connaissance de la culture française, évoquée précédemment à juste titre par notre collègue François-Noël Buffet.

Si nous mettons à part les visas étudiants, qui ne semblent pas faire de difficultés, la deuxième voie d’immigration est celle des permis de séjour. Votre proposition majeure, madame la Première ministre, messieurs les ministres, porte sur un permis de séjour pour les métiers en tension. Nous serions favorables à de tels permis, mais seulement pour des métiers en tension qualifiés.

Chacun est conscient en effet de cette vieille pratique française tendant à confier les métiers que nos concitoyens ne souhaitent pas assurer à des étrangers, à bas prix.

Or, avec un tel système, rien ne changera, car il crée des trappes à bas salaires assurées. Ces métiers ne seront jamais attractifs financièrement pour nos concitoyens, ils ne monteront ni en qualification ni en gamme et ne feront l’objet d’aucun investissement d’automatisation.

Par ailleurs, les bas salaires entraînent des problèmes de logement et la nécessité de faire appel aux autres ressortissants du pays d’origine. Et nous voilà repartis vers du communautarisme…

Mes chers collègues, l’idée d’une main-d’œuvre immigrée bon marché, sans cesse renouvelée, est nuisible à notre pays. (M. Sébastien Meurant applaudit.) En revanche, bien rémunérée et renouvelée en cas de nécessité, elle peut être positive.

Notre proposition serait donc de vous suivre, madame la Première ministre, messieurs les ministres, à condition que le salaire versé soit égal ou supérieur à la moyenne des salaires payés dans notre pays, ou a minima dans la branche concernée. Cette condition nous semblerait aussi le gage d’une bonne intégration.

Notre groupe est également favorable à un débat annuel ou biennal sur les objectifs en matière de permis de séjour. À notre sens, une telle proposition ne se heurte à aucun obstacle constitutionnel. Les Français ont leur mot à dire, et c’est la responsabilité de la représentation nationale – votre responsabilité, mes chers collègues – que de l’exprimer.

Nous vous suivons aussi sur la conditionnalité des visas, voire de l’aide au développement.

En ce qui concerne la demande d’asile, nous serions ouverts à la possibilité pour le demandeur de travailler sans attendre un délai de six mois, ce qui est aussi une manière de jauger de la capacité de l’intéressé à s’intégrer, même si l’objet de la demande d’asile est différent.

En revanche, nous ne vous suivons pas du tout, monsieur le ministre de l’intérieur, sur votre idée que l’Ofpra et la CNDA pourraient davantage « aller vers ». Pour nous, c’est surtout de la communication…

L’Ofpra a déjà réalisé de gros progrès dans ses délais de traitement, et nous espérons que l’objectif de traitement en soixante jours pourra être respecté. Nous doutons qu’il le soit, néanmoins, si vous commencez à saupoudrer des agents de l’Ofpra dans les préfectures. Les officiers de protection instructeurs sont des spécialistes, dont l’expertise ne peut être fragmentée, sauf à voir l’Office perdre en efficacité.

De même, l’idée d’éclater la CNDA – ou plutôt de la « territorialiser », pour reprendre vos mots, monsieur le ministre de l’intérieur – nous paraît tout aussi improductive. Il est extrêmement difficile de faire coïncider dans la vraie vie tel type de dossiers concernant des ressortissants de tel pays avec la présence de tel interprète et de tel cabinet d’avocats spécialisé dans le traitement des ressortissants dudit pays.

La CNDA est effectivement le maillon faible de la chaîne de l’asile. Nous sommes très loin de l’objectif de cinq mois prévu en procédure classique et de cinq semaines en procédure accélérée.

Vous proposez d’organiser des audiences à juge unique et de systématiser les visio-audiences. Nous sommes réservés sur le premier point, mais très favorables ou second, qui est à notre sens la clé d’un traitement dans des délais raisonnables.

Le Conseil constitutionnel n’a pas conditionné la tenue d’une visio-audience à l’accord du demandeur d’asile, mais c’est pourtant ce qui a été obtenu par les avocats dans un protocole dit « d’expérimentation ». Monsieur le garde des sceaux, la solution à ce problème passe à notre sens par une négociation avec la profession d’avocat.

Nous sommes sceptiques à l’idée d’une OQTF dès le rejet par l’Ofpra. Nous voyons mal quelle pourrait en être l’efficacité pratique – une possibilité de recours subsisterait – et nous préférerions que la décision de rejet par la CNDA soit assortie de plein droit d’une OQTF, sans avoir besoin de saisir l’autorité préfectorale.

En ce qui concerne la dernière catégorie d’immigration, les régularisations de la circulaire Valls, nous rappelons ce qui a déjà été voté par le Sénat, à savoir que la seule condition d’une résidence de plus de cinq ans en France ne devrait pas être la seule condition de la régularisation.

S’agissant de la question de l’éloignement, nous approuvons l’objectif de simplification du contentieux, dans la logique de l’excellent rapport de François-Noël Buffet.

Nous souhaiterions également que soit évaluée la pratique des certificats d’hébergement fournis au soutien des visas de long séjour. Existe-t-il une harmonisation des pratiques dans notre pays ? Quel est le niveau de contrôle ? Sur ce sujet, la participation des collectivités locales est nécessaire.

Nous pensons, madame la Première ministre, mes chers collègues, que cette participation serait aussi utile pour le contrat d’intégration républicain, auquel il nous semble justement manquer une dimension locale pour garantir des résultats.

En ce qui concerne l’aide médicale d’État – un classique au Sénat –, nous sommes peut-être plus réservés que certains de nos collègues quant à l’idée de la modifier une nouvelle fois. Nous pensons que sa limitation aux soins dits « nécessaires » est correcte et qu’il n’y a pas de grande différence entre soins « nécessaires » et « urgents ». Elle est aussi complétée par un délai de carence.

En revanche, nous suggérons, à la suite du président Buffet, de nous pencher sur une procédure méconnue, celle de l’étranger malade, par laquelle notre pays offre une faculté de permis de séjour, avec des accompagnants, quand la possibilité d’apporter des soins satisfaisants n’existe pas dans le pays d’origine.

C’est une exception française, mes chers collègues. Aucun autre pays à travers le monde ne pratique un tel « guichet ouvert », selon les termes figurant dans le rapport de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii). Nous suggérons de conditionner cette procédure à une convention préalable entre le système social français et celui du pays d’origine.

Nous sommes également ouverts à la proposition bien connue de François-Noël Buffet d’une peine complémentaire d’interdiction de territoire français, évoquée également dans son intervention par M. le garde des sceaux.

Pour conclure cette trop rapide présentation, mes chers collègues, vous l’aurez compris, les sénateurs centristes ne font pas de l’immigration un fonds de commerce politique. Ils pensent en revanche que celle-ci doit être régulée, pour préserver la solidité du contrat social qui structure la France.

Madame la Première ministre, messieurs les ministres, tel est le sens de nos propositions et, demain, de nos votes. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. François Patriat applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. François Patriat. Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, ce débat de bonne tenue était nécessaire, et nous remercions le Gouvernement de l’avoir inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée. Il est l’occasion, mes chers collègues, de regarder en face la question migratoire, et cela en toute objectivité. Nous devons tenir un discours de vérité aux Français, loin des caricatures et des procès d’intention.

Dire la vérité, c’est tout d’abord admettre que, oui, l’immigration régulière et irrégulière est en progression. Mais, non, la France n’est pas confrontée à un tsunami migratoire. Ce chiffon rouge est agité par l’extrême droite, avec pour seul but d’attiser les peurs et la colère et de diviser les Français.

Le démographe François Héran décrit ainsi la situation de notre pays : « Un nombre d’immigrés en hausse, mais pas en pointe, une immigration familiale contenue, un essor important des étudiants internationaux, des régularisations en nombre limité. »

À cet égard, je rappelle à ceux qui alimentent le fantasme du « grand remplacement » que la proportion d’immigrés dans notre pays – elle avoisine les 10 % – est nettement inférieure à la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), loin du raz-de-marée décrit par les idéologues xénophobes.

Dire la vérité, mes chers collègues, c’est aussi reconnaître que plusieurs défis restent à relever, que ce soit pour renforcer la maîtrise des flux migratoires ou pour améliorer l’accueil des réfugiés et la perception des Français sur l’immigration. Il y va du maintien de notre cohésion sociale et de la préservation de notre pacte républicain.

Quatre défis majeurs sont ainsi devant nous. Tout d’abord, préserver notre régime d’asile ; ensuite, renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière, qui est en progression continue depuis vingt ans ; en outre, améliorer les conditions d’accueil des primo-arrivants, à commencer par les conditions d’accès au guichet des préfectures ; enfin, et peut-être même surtout, faciliter l’intégration des réfugiés et des étrangers en situation régulière.

Contrairement à ce que certains affirment, la politique du Gouvernement et de sa majorité est lisible et cohérente. (Mme Sophie Primas sexclame.)

Depuis 2017, deux principes guident notre action : l’humanité et la fermeté. Humanité avec les étrangers ayant besoin d’une protection ; fermeté avec ceux qui n’ont pas vocation à demeurer sur notre territoire.

C’est la cohérence qui amène le Gouvernement à maintenir ce diptyque dans le texte dont nous serons saisis bientôt– j’ai cru le comprendre, madame la Première ministre – et que notre groupe salue.

Sans surprise, les premières propositions ont à peine été esquissées que les oppositions s’en sont emparées pour les dénaturer, les caricaturer ou les transformer en contre-vérités. Je les invite à minorer leurs attaques sur les OQTF. Chers collègues, ayez l’honnêteté de le reconnaître,…

Mme Sophie Primas. Nous, nous ne serions pas honnêtes ?…

M. François Patriat. … le taux d’exécution des OQTF n’a jamais dépassé 20 %, toutes périodes confondues, y compris lorsque les uns ou les autres étaient au pouvoir.

Ayez aussi l’honnêteté de reconnaître que la faiblesse du taux d’exécution des OQTF est avant tout liée à la difficulté d’obtenir des laissez-passer consulaires. Elle est là, la vérité. D’ailleurs, je salue les efforts déployés par la France pour convaincre les pays d’origine et de transit de délivrer ces précieux sésames.

Ce travail de conviction commence à porter ses fruits. J’aurais préféré que nous nous en félicitions ensemble, plutôt que d’entendre certains camper sur des positions partisanes.

Je le déplore d’autant plus que le Gouvernement propose de s’inspirer du rapport du président de la commission des lois, François-Noël Buffet,…

Mme Sophie Primas. L’excellent François-Noël Buffet !

M. François Patriat. … dont j’ai apprécié les propos tout à l’heure, visant à améliorer l’efficacité de la lutte contre l’immigration clandestine.

Je déplore aussi que certains de nos collègues de la majorité sénatoriale fassent preuve d’autant de dogmatisme sur le futur titre de séjour des métiers en tension. Notre groupe accueille très positivement cette proposition, qui relève du bon sens.

Non, ce nouveau titre de séjour ne participe pas d’un soi-disant « projet de résignation nationale ». Non, il n’entraînera pas d’appel d’air ! Nous en sommes convaincus, cette mesure est équilibrée. Il s’agit, d’un côté, de régulariser au cas par cas les travailleurs étrangers qui sont déjà présents sur notre territoire, donc qui sont déjà intégrés dans notre société, et, de l’autre, de durcir les sanctions à l’encontre des employeurs d’étrangers clandestins.

J’ai entendu les propositions qu’a formulées M. Buffet, mais j’ai aussi entendu dans les propos de Mme la Première ministre que le Gouvernement y avait déjà répondu positivement par avance. Plutôt que de lancer des procès d’intention contre ces idées de mesures, tâchons plutôt de réfléchir à la manière de les perfectionner.

Telle est, en tout cas, la direction qu’empruntera notre groupe. Nous serons par exemple attentifs à ce que la perte d’un emploi n’entraîne pas automatiquement la perte du droit de séjour.

M. François Patriat. Sur un autre plan, nous veillerons à ce qu’une attention particulière soit portée aux territoires ultramarins concernés par les enjeux migratoires.

Les faits parlent d’eux-mêmes et n’ont que trop duré. À Mayotte, par exemple, 50 % de la population est immigrée, mais 24 000 étrangers en situation irrégulière ont été reconduits à la frontière l’an passé, soit 78 % de plus qu’en 2020. Et je ne vous parle ni de la Guyane ni de La Réunion, que mes collègues ultramarins pourraient évoquer mieux que moi.

Madame la Première ministre, vous pourrez compter sur les sénateurs ultramarins du groupe RDPI pour coconstruire le projet de loi.

Ensuite, comment ne pas évoquer les causes profondes de la crise migratoire ? Vous l’avez dit, madame la Première ministre, la maîtrise des flux migratoires passe par le développement des pays d’origine.

Là encore, ne cédons ni au simplisme ni au populisme. Nous entendons souvent cette musique insidieuse selon laquelle il vaudrait mieux allouer l’argent du contribuable aux seules priorités nationales, plutôt que de le gaspiller dans une aide inefficace à des pays noyautés par la corruption. Il n’y a rien de plus faux et de plus caricatural !

Nous ne sommes pas dupes : les relations entre migration et développement sont complexes. C’est pourquoi l’aide publique au développement n’a jamais été conçue pour être l’alpha et l’oméga de notre politique migratoire.

C’est aussi pourquoi notre aide doit impérativement s’accompagner d’une sécurisation des parcours migratoires, qui doit permettre aux migrants d’effectuer des allers-retours entre la France et leur pays d’origine sans craindre de basculer dans la clandestinité.

Une première étape a été franchie en 2016 avec la création du passeport talent, qui est un franc succès. Aussi, nous soutenons l’idée du Gouvernement de simplifier ce titre de séjour pluriannuel et de l’étendre aux professions médicales.

Enfin, et j’en terminerai par là, nous avons assurément, mes chers collègues, des visions très divergentes sur la politique migratoire. Accordons-nous cependant sur un point : la gestion des flux migratoires relève de la souveraineté nationale, mais nécessite dans le même temps un minimum de coopération européenne.

La présidence française du Conseil de l’Union européenne a obtenu cette année des avancées essentielles sur le pacte pour l’asile et la migration.

Des efforts restent à fournir pour boucler les dossiers majeurs, à commencer par la réforme du système de Dublin et la création d’un nouveau mécanisme de solidarité.

La France, elle, est au rendez-vous de la solidarité quand elle se mobilise aux côtés des Afghans fuyant le régime des talibans, des Ukrainiens fuyant la guerre ou des migrants secourus en mer.

Il est urgent que les États membres surmontent leurs divergences. Nous ne pouvons pas faire l’économie d’un cadre européen commun pour la gestion de la migration et de l’asile. Sans cela, en effet, l’Europe pourrait ne pas résister à ce nouvel accès migratoire, qui est inédit dans son ampleur depuis 2015.

C’est la raison pour laquelle, madame la Première ministre, nous écouterons vos propositions, étudierons votre texte de loi et vous apporterons notre soutien, sur les bases que vous avez évoquées et que je viens de rappeler. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Pierre Laurent. Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, le débat d’aujourd’hui est censé anticiper celui que nous aurons, au début de 2023, sur un nouveau texte de loi sur l’immigration. Ce sera le vingt-neuvième en quarante ans !

En prélude à ce projet de loi, vous avez publié, le 17 novembre dernier, une circulaire mettant gravement en cause le droit inconditionnel à l’hébergement d’urgence pour les étrangers, contre laquelle les structures d’accueil et les associations sont vent debout. La discussion commence donc très mal.

S’il partait sur de telles bases, votre texte de loi pourrait être un nouvel appel d’air à tous les débordements, à tous les fantasmes sur la subversion migratoire ou sur les assimilations entre immigration et délinquance, qui pourrissent le débat public depuis tant d’années. L’hystérie soulevée par l’arrivée du navire Ocean Viking en est le dernier exemple.

Pourrions-nous, au contraire, enfin débattre sérieusement et sereinement ? Les migrations sont un enjeu essentiel du monde et de l’époque actuels.

Depuis toujours, la France, comme d’autres grandes démocraties, s’est construite en accueillant des migrants. Pendant longtemps, c’est aussi cela qui a contribué à faire de la France, aux yeux des peuples du monde, la patrie des droits de l’homme. Mais, rompant avec cette histoire au fil des lois régressives, nous sommes devenus l’un des pays les plus restrictifs d’Europe, car, loin des fantasmes, telle est la réalité des chiffres.

Nous vivons une grave crise de l’accueil. Indigne des droits humains, le traitement des migrants est de plus en plus dégradant, en France et en Europe.

Oui, il faut débattre, car les causes des migrations sont multiples. Guerres, pauvreté extrême, violences faites aux femmes, répression des droits humains, catastrophes climatiques jettent des millions de femmes, d’hommes et d’enfants sur les routes de l’exil.

La mondialisation aussi a changé bien des choses, car les habitants de la planète, où qu’ils vivent, considèrent que les inégalités mondiales et le « deux poids, deux mesures » dans le traitement de la vie humaine ne sont plus acceptables. Agissons-nous contre ces inégalités et ces insécurités mondiales ? Bien au contraire, la politique des pays les plus riches, comme le nôtre, ne cesse de les renforcer.

Citons quelques exemples : les opérations militaires à répétition, qui déstabilisent nombre d’États du Sud et du Proche-Orient, les ajustements structurels et les traités de libre-échange, qui laissent exsangues les services publics de ces pays et assignent leurs économies à l’extraversion, à l’encontre de leurs besoins de développement interne, le contrôle monétaire que nous continuons d’exercer sur les pays de l’Afrique de l’Ouest, via l’ex-franc CFA, qui empêche ces derniers de financer leur développement, ou encore les atermoiements face à la crise climatique, dont témoigne l’échec de la COP27.

C’est de tout cela que nous devrions parler, si nous voulions débattre sérieusement des migrations. Mais nous n’allons pas en parler, et certains nous rediront avec des mots nouveaux que « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ».

Chaque fois que des solutions concrètes sont mises sur la table pour traiter les causes réelles des désordres mondiaux et les conséquences qu’elles entraînent, elles sont balayées d’un revers de main.

L’arrivée des réfugiés fuyant la guerre en Syrie aurait pu signer une nouvelle prise de conscience en Europe. En 2016, Angela Merkel avait déclaré courageusement : « Nous y arriverons ! » Ce fut l’échec et le retour des murs et des barbelés.

En 2021, après la prise de Kaboul par les talibans, Emmanuel Macron ne trouvait plus qu’à s’inquiéter face au risque des flux migratoires irréguliers.

L’Europe a tourné le dos à ses devoirs d’accueil et de solidarité humaine. La présidence française de l’Union européenne a passé son tour sur le pacte asile et immigration. Aujourd’hui, le non-respect des clés de répartition solidaires à l’échelle européenne, un temps évoqué, associé à l’absurde règlement de Dublin, entraîne souffrance et indignité sur le continent.

Nous vivons la multiplication des camps d’exilés et des violences condamnables aux frontières, avec des dizaines de milliers de morts en Méditerranée, dans la Manche ou sur la route des Balkans.

L’Europe n’a plus qu’une obsession : externaliser le traitement des migrants et marchander les reconduites aux frontières avec les pays de départ, plutôt que de considérer ces États comme des partenaires pour la coopération et le développement.

Ces politiques, qui n’arrêteront rien, tant les causes des migrations sont profondes, ne font que favoriser les contournements et les migrations irrégulières, quand il faudrait au contraire travailler à des voies légales et sécurisées de migration.

Ces voies légales et sécurisées sont possibles, car sinon, comment expliquer que l’Europe puisse accueillir, à juste titre d’ailleurs, plusieurs millions d’Ukrainiens ? Un Afghan fuyant les talibans, une Nigériane fuyant un mariage forcé ou l’excision, un Congolais fuyant les massacres, une famille du Pakistan fuyant les inondations valent-ils moins à nos yeux ?

De tout cela, nous ne débattrons probablement pas. Votre projet, pour ce que nous en savons – nous ne disposons pas encore du texte –, semble vouloir se concentrer sur deux sujets, qui sont présentés comme les deux faces d’une même pièce : la régularisation par le travail pour les uns, l’accélération des expulsions pour les autres. Vous nous demandez donc de nous concentrer sur la situation de ceux qui sont déjà entrés sur notre sol.

Concernant la question du travail, vous connaissez notre position. Elle est claire : nous sommes pour la régularisation de tous ceux qui travaillent. Les grèves de sans-papiers ont montré clairement que des filières entières emploient ces travailleurs sans les déclarer, au vu et au su de tous.

M. Pierre Laurent. Ils n’usurpent le travail de personne, car nous peinons aujourd’hui à recruter. Ils travaillent pour notre pays et sont pourtant maintenus dans une situation de vulnérabilité insupportable. Nous ne voulons pas de quotas et nous serons vigilants sur cette affaire de liste des métiers en tension.

Le Gouvernement serait donc prêt à accueillir des étrangers, mais à une condition : leur utilité. Pour nous, il doit s’agir non pas de régulariser des pratiques d’exploitation patronale, mais de régulariser des femmes et des hommes qui, par leur travail, peuvent enrichir notre pays et sécuriser leur vie.

Nous sommes favorables à la suppression du délai de carence, afin de permettre aux demandeurs d’asile de travailler dès les six premiers mois en France.

Nous plaidons pour une régularisation des travailleurs de plein droit, qui ne serait pas soumise à la durée des contrats précaires, et pour un titre de séjour d’une durée minimale de deux ans, afin de permettre à ces salariés de sécuriser leur vie et leur installation.

Le ministre de l’intérieur, M. Darmanin, évoque aussi l’exigence de réussir un test de français pour l’obtention d’un titre de séjour pluriannuel. Évidemment, personne ne peut s’opposer au fait que les étrangers qui viennent travailler en France apprennent le français. Nous serons cependant attentifs à ce que cela ne donne pas lieu à discrimination.

D’ailleurs, combien de Français aux origines immigrées ont mis des années avant de maîtriser notre langue nationale, leur langue d’adoption ?

M. Pascal Savoldelli. C’est vrai, jusque dans nos familles !

M. Pierre Laurent. Si, au contraire, le titre que vous envisagez pour les travailleurs sans-papiers ne courait que pour la stricte durée du contrat de travail, sa fin vaudrait alors OQTF et expulsion. Le cycle infernal serait enclenché.

Nous nous inquiétons donc de l’abus de vulnérabilité découlant de la dépendance économique et administrative du travailleur à l’égard de son employeur.

Quant au second volet, à savoir le renforcement des OQTF, que vous présentez faussement comme une contrepartie, le risque est grand de prendre de plus en plus de largesses avec le respect du droit.

Vous voulez qu’une OQTF vaille expulsion. On peut aisément supposer qu’une telle décision serait sévèrement réprouvée par la Cour européenne des droits de l’homme, car elle porterait atteinte au droit à un recours effectif, qui est garanti par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Du point de vue procédural, vous affirmez votre volonté de généraliser le juge unique à la Cour nationale du droit d’asile. Vous risquez de déshumaniser les procédures administratives en favorisant les rejets systématiques.

Cette déshumanisation passera aussi par la généralisation des audiences vidéo que vous envisagez. Cet éloignement a sa symbolique, car la présence, le corps et ses marques, la souffrance endurée par les migrants ne sont pas perceptibles de la même façon dans une procédure menée en présentiel.

Voilà en quelques mots, madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, dans quel état d’esprit et avec quels principes nous aborderons le débat à venir sur votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Mme Colette Mélot. Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, « Faire une loi et ne pas la faire exécuter, c’est autoriser la chose qu’on veut défendre. » Cette phrase du cardinal de Richelieu trouve une résonance particulière dans l’actualité récente, autour d’un sigle dont aucun Français n’avait entendu parler voilà quelques mois et que tous connaissent aujourd’hui : OQTF.

Depuis des années, moins de 20 % de ces décisions sont exécutées. Il y a, dans notre pays, des lois qui déterminent qui peut ou ne peut pas entrer et vivre sur notre territoire. Elles ne sont pas respectées.

La situation actuelle est incompréhensible pour les législateurs que nous sommes, pour les Français que nous représentons et même pour les étrangers concernés.

La France est l’une des premières puissances mondiales. Elle doit être en mesure de contrôler ses frontières. Depuis longtemps, ce n’est pourtant plus vraiment le cas. Cet état de fait ne date pas d’hier. Les gouvernements se sont succédé, et la politique migratoire n’a jamais été jugée satisfaisante dans notre pays.

Ce n’est pas seulement gênant pour notre administration, c’est dangereux pour nos institutions. En n’étant pas en mesure ou en ne souhaitant pas donner un cap clair à cette politique migratoire, nous mettons en danger notre démocratie et la cohésion de la Nation.

De plus en plus de peuples européens portent au pouvoir des populistes et des extrémistes. Même si ce n’est pas la seule raison, les considérations migratoires ont joué un grand rôle dans le choix des Britanniques de sortir de l’Union européenne. Si l’Allemagne connaît une montée de l’extrême droite, la crise migratoire de 2015 n’y est pas étrangère. C’est un problème que rencontrent également l’Autriche, la Suède ou l’Italie.

Notre pays ne fait pas exception. D’élection en élection progresse une extrême droite auparavant très minoritaire au Parlement. Aujourd’hui, elle constitue le deuxième groupe à l’Assemblée nationale. Certains sont parfois tentés de copier ses réponses simplistes, en espérant que les Français préféreront la copie à l’original. C’est un pari hasardeux, au succès très peu probable.

Entre la porte grande ouverte, proposée par une extrême gauche refusant de voir que notre pays n’a ni les moyens économiques ni les moyens politiques – aucun pays ne les a, d’ailleurs – d’accueillir le monde entier, et la fermeture à double tour, réclamée par l’autre bord de l’hémicycle devenu marchand d’angoisse, nos concitoyens ont le droit de se voir proposer une alternative crédible.

Pour cela, il faut d’abord dire clairement que l’immigration ne doit, à aucun prix, se faire au détriment de la cohésion de notre nation.

C’est à la France qu’il revient de décider d’accueillir ou non des migrants sur son territoire. C’est à nous de fixer les conditions de cet accueil, et nous ne devons pas accepter que l’immigration puisse remettre en cause la façon dont notre société a choisi de vivre.

Dans des conditions qui doivent rester contrôlées, la France accorde à certains étrangers l’asile sur son territoire. Pour rester conforme à sa nature et demeurer soutenable, cette procédure ne peut qu’être exceptionnelle.

Sans la maîtrise des frontières, qui permet de choisir d’accueillir ou non des migrants, notre société risque de se déliter. Il nous faut au contraire trouver une formule nous permettant de tirer au mieux parti de l’immigration.

Bon nombre de nos entreprises font face à une pénurie de main-d’œuvre. Pour poursuivre leur activité et conserver leur compétitivité, beaucoup de nos entrepreneurs recourent à l’immigration ; l’exemple britannique est édifiant à cet égard.

En choisissant son immigration, la France pourrait sélectionner les compétences dont elle a besoin. Ainsi notre économie maintiendrait-elle son dynamisme en pourvoyant aux emplois pour lesquels une pénurie de main-d’œuvre est constatée dans l’ensemble de l’Europe.

« Le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin », disait Voltaire. (Sourires.) Il constitue, de ce fait, l’un des meilleurs facteurs d’intégration. Néanmoins, les capacités professionnelles ne sauraient suffire, et il faut établir clairement les termes du contrat.

Pour entrer dans notre société, les immigrants doivent accepter les règles, adopter les valeurs et embrasser la culture de cette dernière. Ce sont eux qui souhaitent nous rejoindre, et ils demeurent libres de choisir où ils veulent aller. Il ne s’agit pas seulement de protéger notre mode de vie : ces conditions sont également nécessaires à l’intégration des immigrés dans notre société. Elles leur permettront de devenir des citoyens à part entière.

Bien sûr, nous devons veiller à ce que les personnes entrées en France en respectant ces engagements ne fassent l’objet d’aucune discrimination. À l’inverse, si ces prérequis ne sont pas tous satisfaits, nos concitoyens garderont le sentiment de subir l’immigration, et les immigrés ne parviendront pas à se fondre au sein de notre société.

J’y insiste, la problématique migratoire ne concerne pas seulement la France : l’Europe dans son entier, par son respect des libertés et son dynamisme économique, fait figure d’eldorado pour beaucoup de personnes dans le monde.

Dans tous les pays de l’Union européenne, la population vieillit. La main-d’œuvre se raréfie et, dans le même temps, la dépendance de nos aînés s’accroît. De nombreux États membres font face aux mêmes défis que nous. Il nous faut donc trouver ensemble des solutions qui protègent notre mode de vie, à la fois contre ses propres limites et contre les ingérences étrangères.

À la suite des chantages turcs, l’Union européenne a pris conscience qu’elle ne pouvait continuer à sous-traiter à un pays tiers la gestion de ses frontières extérieures. Les Européens doivent assumer leurs responsabilités ; à ce titre, la montée en puissance des moyens de l’agence Frontex doit être saluée.

Au début de l’année prochaine, le Gouvernement présentera un nouveau texte de loi relatif à l’immigration.

Monsieur le ministre de l’intérieur, vous avez déclaré vouloir « être méchant avec les méchants et gentil avec les gentils ». En d’autres termes, vous nous proposez de choisir un peu mieux qui doit venir ou rester dans notre pays et qui ne le doit pas.

M. Gérald Darmanin, ministre. Vous avez parfaitement compris !

Mme Colette Mélot. Nous y sommes favorables.

Nous ne feignons pas d’ignorer, comme tant d’autres, que l’immigration peut constituer une menace pour notre société si elle est incontrôlée. Pour autant, nous sommes pleinement conscients qu’elle est à bien des égards nécessaire.

Regardant la réalité en face, nous notons la nécessité de faire évoluer une législation qui, faute d’avoir été appliquée, a perdu beaucoup de son sens. Nous vous soutiendrons donc dans votre démarche.

Face à une extrême droite en progression croissante et à une extrême gauche chaque jour plus irresponsable, nous sommes tous ensemble contraints de réussir là où nos prédécesseurs échouent depuis quarante ans. (M. Jean-Claude Requier applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous avons amorcé cette discussion il y a quelques semaines à l’occasion de l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », et les élus du groupe du RDSE n’ont pas changé de position depuis lors.

La politique d’immigration compte, pour notre pays, parmi les questions les plus difficiles. Elle est sujette aux fantasmes et aux peurs parfois irrationnelles. Dès lors, le devoir d’une République modérée est d’éviter les écueils populistes pour aboutir à une solution équilibrée.

Toutefois, il existe une autre dérive qui doit attirer l’attention du législateur et, partant, celle du Gouvernement : la tentation de faire une loi simplement pour dire que l’on a légiféré.

Monsieur le ministre de l’intérieur, je sais que vous défendez de véritables ambitions. Je ne les fais pas toutes miennes : c’est le jeu de la démocratie. Seulement, le Parlement a déjà adopté en septembre 2018 le projet de loi, défendu par Gérard Collomb, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. C’était il y a quatre ans, autrement dit il n’y a pas si longtemps !

Quel est le bilan de ce texte ? Qu’en est-il des garanties d’exercice et d’effectivité du droit d’asile qu’il devait apporter ? Presque dix de ses articles étaient censés renforcer l’efficacité et la crédibilité de la lutte contre l’immigration irrégulière : qu’en est-il également ? Qu’en est-il, en particulier, de la mise en œuvre des mesures d’éloignement et des dispositions relatives à la rétention administrative, à commencer par l’allongement de cette dernière à quatre-vingt-dix jours ?

En outre, avant de légiférer de nouveau, il serait légitime que nous puissions analyser la réduction de cent vingt à quatre-vingts jours du délai prévu pour déposer une demande d’asile. Dans nos départements, le constat n’est pas à l’amélioration de l’accueil ou du traitement des dossiers : cette mesure devait pourtant réduire le délai de réponse dans les situations difficiles.

Puisque nous devrions bientôt légiférer, cet état des lieux nous permettrait de savoir où et comment agir efficacement.

Au cours des derniers mois, le débat relatif à l’immigration a été dominé par deux enjeux : l’effectivité des obligations de quitter le territoire français (OQTF) et la place des travailleurs irréguliers.

J’espère néanmoins que les autres sujets ne seront pas écartés. Je pense, par exemple, à l’amélioration de l’accompagnement des personnes étrangères les plus vulnérables, qu’il s’agisse des victimes de violence ou des mineurs isolés, ou encore à l’accompagnement des familles, une question chère aux élus du groupe du RDSE.

Nous allons beaucoup parler des OQTF, et c’est normal, car ce dispositif pose manifestement problème. D’après les données dont je dispose, la France délivre en moyenne 120 000 OQTF par an, dont moins de 10 % sont exécutées : ces chiffres et l’écart qu’ils traduisent montrent bien l’absurdité de ce rouage administratif, particulièrement pesant tant pour notre nation que pour ceux qui, de facto, sont l’objet de décisions quasi aléatoires.

Cette situation d’ensemble justifie de repenser les différents mécanismes qui entourent les OQTF : il s’agit d’en améliorer l’application, en les rendant plus efficaces et plus humaines.

Dans cet esprit, nous défendrons la simplification du contentieux des étrangers, à condition qu’elle garantisse à ces derniers un droit effectif à contester les décisions de l’administration tout en assurant un meilleur traitement des recours et la bonne administration de la justice. Bien sûr, nous examinerons ces mesures avec vigilance.

On propose de généraliser les audiences à proximité des centres de rétention administrative (CRA) ou par moyens audiovisuels, pour éviter les déplacements des personnes retenues : pourquoi pas ! On suggère aussi de créer des pôles territoriaux labellisés pour la gestion du droit d’asile : une nouvelle fois, pourquoi pas ! Mais il ne faut pas que ces dispositifs deviennent des contraintes pour les personnes migrantes en entravant leurs droits.

En parallèle, il faut trouver le moyen de désengorger les préfectures : nous l’entendons. Dans de très nombreux cas, on constate en effet que les décisions préfectorales sont faciles à annuler devant le juge, au motif que de mauvaises appréciations de l’administration ont conduit à de mauvaises décisions.

Toutefois, ce désengorgement passera nécessairement par la baisse du nombre d’OQTF, pour que chacune d’elles soit mieux instruite et ainsi juridiquement fondée. La politique du chiffre, consistant à prononcer des OQTF dans des proportions massives, se révèle inefficace en pratique.

La surpopulation des centres de rétention administrative confirme, à sa manière, l’inefficacité de notre politique de contrôle de l’immigration : ces structures ne sont pas à même de faire face aux flux que nous connaissons. À ce titre, j’espère que nous serons en mesure d’apporter des solutions concrètes.

Entre autres mesures utiles, on a annoncé la possibilité de mettre en place un titre de séjour « métiers en tension ». Cette mesure n’inspire pas d’a priori de principe aux membres de notre groupe, loin de là. Chacun sait qu’actuellement de nombreux immigrés en situation irrégulière travaillent sans être déclarés. Ce travail illégal permet d’offrir de la main-d’œuvre à des secteurs en tension.

Je pourrais citer de nombreux exemples. Certains cas sont mis en lumière : ici, un artisan boulanger pour lequel un village se mobilise, ailleurs un apprenti boucher. Ces personnes ont de la chance, mais il y en a des milliers d’autres qui travaillent sur les marchés, dans la restauration ou encore dans les métiers du bâtiment.

Tous travaillent pour notre pays, et leurs métiers sont souvent essentiels au quotidien de nos concitoyens. Pour autant, ils sont en situation irrégulière : ces travailleurs et leurs employeurs sont donc placés dans une précarité difficile à admettre – ces emplois instables vont de pair avec une faible rémunération et sont privés de tout dispositif de sécurité sociale.

Monsieur le ministre de l’intérieur, pour ce qui concerne ce titre de séjour spécial, nous vous disons donc une fois de plus : pourquoi pas ! Mais à une condition : qu’il soit effectif, dans le respect du droit du travail, sans aucune dérogation.

En d’autres termes, notre position est la suivante : d’une part, il n’est pas question d’offrir aux entreprises une main-d’œuvre à bas coût pour certains métiers boudés par les résidents nationaux ; de l’autre, ce dispositif devra impérativement être assorti de mécanismes de contrôle et de sanctions lourdes pour les entreprises qui continueraient de recourir au travail non déclaré.

Vous l’aurez compris : le projet de loi annoncé suscite de grandes attentes de la part des élus du groupe RDSE, et nous resterons pleinement mobilisés pour vous accompagner lors de l’examen de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Colette Mélot applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce débat n’est qu’un prélude à l’examen du vingt-neuvième texte de loi relatif à l’immigration depuis 1980.

« La France ne peut pas accueillir tout le monde si elle veut accueillir bien » : voilà ce que déclarait le Président de la République en 2019. Pourtant, rien dans les derniers budgets présentés ou dans les dernières politiques annoncées ne vient refléter cette doctrine.

Si mieux accueillir, c’est réduire de plus d’un tiers les crédits octroyés à l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) dans le budget pour 2023, la discussion risque d’être compliquée, tant le décalage entre les actes et les paroles est grand.

« Je crois au vrai en même temps sur la politique migratoire aussi », disait le chef de l’État lors du même entretien. Or, à mon sens, nous ne voyons pour l’heure que la jambe droite de sa politique migratoire, peut-être parce que c’est celle qui porte réellement ses convictions.

Sinon, comment justifier que tout soit vu au prisme de la sécurité ? Comment comprendre qu’un sujet de société si important ne soit réellement examiné qu’au travers d’une vision sécuritaire ? Nous aurions encore préféré étudier la création d’un véritable ministère consacré à la politique d’immigration, d’accueil et d’intégration.

Pourquoi ne pas appréhender ce débat sous l’angle humanitaire, dans un esprit de fraternité et de solidarité, qui va d’ailleurs de pair avec le réalisme et le pragmatisme économique, social et climatique ?

Je le répète, les questions d’immigration ne peuvent se limiter à leur aspect sécuritaire, ni même être abordées prioritairement par ce biais. Nos discussions d’aujourd’hui permettront, je l’espère, de recentrer le débat.

L’immigration est un phénomène normal, historique et récurrent, qui a participé et participera à la construction de notre pays ; un phénomène démographique complexe, tributaire des guerres comme des famines et, désormais, provoqué par le changement climatique ; un phénomène qui entraînera des mouvements de population de plus en plus nombreux dans les années à venir, que ce soit entre les continents ou au sein même de l’Europe.

En 2017, le candidat Macron promettait : « Nous examinerons les demandes d’asile en moins de six mois, recours compris. C’est nécessaire pour accueillir dignement les réfugiés qui ont droit à la protection de la France. » Pourtant, les juridictions administratives et la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) dressent un constat unanime : l’embolisation totale d’un système mal calibré.

Qu’il s’agisse de l’accès aux préfectures et à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) pour l’obtention ou le simple renouvellement d’un titre de séjour, de l’accès au travail ou à une prise en charge médicale effective, les parcours des migrants sont trop souvent semés d’embûches. Ce système, bien loin de nourrir des « profiteurs », maintient des milliers de personnes dans la précarité.

En parallèle, que dire de l’ambition affichée de supprimer « les protections contre l’éloignement pour motif d’ordre public », par exemple pour les étrangers résidant en France depuis plus de dix ans ?

Nous, au sein du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, sommes clairement favorables à une plus grande célérité des procédures, mais jamais aux dépens des droits des personnes ou des conditions de travail des agents de notre service public. Il faut certes juger plus vite, mais il faut surtout juger mieux.

Le Gouvernement se fixe pour objectif l’application de 100 % des OQTF. Quel est le sens de cet affichage politique ? Quel est le chemin pour y arriver ? Quels sont les dispositifs concrets mis en œuvre ? Le taux d’application de ces décisions s’est limité à 20 %, de manière assez constante au cours des dernières décennies.

À ce titre, nous pensons que la multiplication des CRA pour répondre aux difficultés diplomatiques des éloignements est un non-sens. Et que dire de possibles placements en CRA en vertu d’OQTF vieilles de trois ans, appliquées sans réévaluation des situations personnelles ou professionnelles ?

De toute évidence, une telle annonce s’accorde bien à la volonté exprimée par le ministère de l’intérieur à l’égard de ces étrangers : leur rendre la vie impossible.

Aujourd’hui, je pense à la promesse d’Orléans, formulée en 2017 et définitivement enterrée : le Président de la République avait alors déclaré qu’aucun demandeur d’asile ne dormirait dehors. Aucune des mesures qui nous ont été présentées ne s’attelle à ce sujet pourtant essentiel.

À Calais, 97 % des expulsions des lieux de vie ne sont pas suivies de mises à l’abri. De telles situations sont d’autant plus inacceptables que les peines encourues pour avoir facilité l’entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d’étrangers seront quant à elles alourdies ; nous nous inquiétons tout particulièrement pour les bénévoles des associations.

Au printemps de 2022, le président-candidat entendait « poursuivre la refonte de l’organisation de l’asile et du droit au séjour pour décider beaucoup plus rapidement qui est éligible. »

La crise ukrainienne a montré que l’Europe, en particulier notre pays, pouvait accueillir, bien accueillir et accueillir rapidement lorsque la volonté politique était là. La mesure dérogatoire concédée à l’Ukraine a fait ses preuves : ne devrait-elle pas tendre à devenir la règle ?

Aller plus vite, c’est permettre un système de rendez-vous plus efficace en préfecture, où commence souvent une succession d’obstacles qui donne aux intéressés l’impression de se heurter à un « mur administratif ».

J’ai déjà eu l’occasion de le dire : où qu’ils se trouvent, les agents présents sur le terrain sont confrontés à la perte de sens de leurs missions et des moyens qui leur sont accordés. Cette situation débouche aussi sur un état d’insécurité pour des personnes sans droits sur notre territoire, qui deviennent la proie de réseaux.

Privés de titre de séjour, les étrangers sont maintenus dans la dépendance de l’accompagnement assuré par les associations. Ils ne peuvent pas obtenir de travail déclaré, un logement ou encore un bon accès aux soins.

Nous accueillons plutôt favorablement la régularisation annoncée des travailleurs exerçant sur notre sol, comme la volonté nouvelle de ne plus détourner le regard face aux employeurs peu scrupuleux. Toutefois, rien n’est précisé quant au parcours vers la nationalité française.

Certains de ces travailleurs, exerçant souvent des métiers dits « de première ligne » pendant la crise de la covid, ont bénéficié de ce parcours de reconnaissance vers la nationalité. Pourtant, aux termes du débat actuel, rien ne permet de refonder cet accès à la nationalité pour les personnes intégrées qui le souhaitent.

Quant à la notion de « travailleurs des métiers en tension » sur notre sol, elle nous laisse pour le moins circonspects : vous nous présentez, en quelque sorte, une variante de la notion de travailleurs méritants.

Derrière ces annonces, il y a un vrai sujet : l’utilité sociale de l’immigré implique-t-elle une assignation à résidence, comme le disait le Président de la République ?

Imaginons une personne accueillie sur notre territoire au motif qu’elle travaille dans un secteur en tension. La situation de ce domaine d’activité s’explique par des raisons bien particulières – conditions de travail difficiles, précarité de l’emploi, salaires insuffisants, etc. S’il veut demeurer en France, ce travailleur sera-t-il condamné à rester dans ledit secteur ? Pis, en cas de perte d’emploi, bénéficiera-t-il toujours d’un titre de séjour ?

Une telle logique pourrait vite devenir purement utilitariste : elle risque de réduire l’étranger à un travailleur interchangeable, vision qui nous paraît particulièrement problématique.

Le Gouvernement a aussi exprimé l’intention de renforcer les exigences relatives à la maîtrise du français, et c’est normal ; mais quelles seront les modalités d’accompagnement ? Qui seront les évaluateurs et les formateurs ?

La lutte contre l’immigration irrégulière est la priorité du Gouvernement, l’axe presque unique de réflexion de sa politique migratoire : dont acte.

La position de notre groupe est connue de tous : nous pensons au contraire que la question migratoire ne doit ni ne peut se limiter au prisme du travail ou de la sécurité.

Les moyens de l’administration doivent d’abord être destinés à faciliter l’accès au séjour et l’intégration. La criminalisation outrancière de l’étranger est contraire à nos valeurs.

On entend réviser les procédures judiciaires et administratives sous couvert de simplification, quitte à s’éloigner du contradictoire, de la collégialité et d’autres principes des droits de la défense : ce n’est pas acceptable.

Last but not least, comment ne pas relever votre silence assourdissant au sujet des frontières, y compris au sein de l’Union européenne ? Pour vous, la problématique est de surveiller plus que de secourir : nous l’avons bien vu.

Avec le président Gontard et d’autres de mes collègues, j’ai clairement observé la situation à Montgenèvre, par exemple. Non seulement les secours font défaut, mais beaucoup d’associations rapportent encore aujourd’hui le manque d’enregistrement des demandes d’asile, malgré les rappels répétés du Conseil d’État quant à la réalité de ce droit.

Où en est la réflexion sur ce sujet ? Qu’entend faire le Gouvernement face à ces refoulements sauvages aux frontières ?

Notre pays s’enorgueillit d’accueillir et de sauver : à ce titre, nous devons veiller à l’inconditionnalité de la dignité dans l’accueil, car tel est vraiment notre honneur. Or je regrette qu’il s’applique de manière variable, entre l’Aquarius et l’Ocean Viking.

L’acceptabilité des refus doit s’ancrer dans le respect des procédures et des personnes. Mes chers collègues, ne voyez dans cette attitude ni naïveté ni idéalisme utopique. Au contraire, entendez le besoin de bien accueillir les personnes arrivant sur notre sol, la nécessité de mieux respecter leurs demandes et notre souhait d’un véritable travail européen ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, coincés entre une extrême droite obnubilée par le « grand remplacement » et une droite en crise, M. le ministre de l’intérieur et ses amis sont prêts à occulter les vrais problèmes du pays, à flatter les bas instincts et à encourager le rejet et la suspicion.

Mes chers collègues, notre ministre s’enorgueillit d’accorder deux fois moins l’asile aux exilés que l’Allemagne. Il nous promet aussi que tout rejet d’une demande d’asile vaudra obligation de quitter le territoire ; il n’en résultera rien d’autre qu’encore plus d’OQTF, mais combien d’entre elles seront exécutées ? Vous n’aurez jamais les moyens de vos ambitions, et vous le savez, monsieur le ministre.

C’est la trentième loi en la matière, depuis 1980… Les gouvernements se succèdent, mais c’est toujours la même rengaine : l’immigration coûterait « un pognon de dingue » et les exilés ne traverseraient les mers au péril de leur vie que pour bénéficier de tous les avantages sociaux, tels que l’aide médicale de l’État (AME)…

D’ailleurs, la droite sénatoriale semble en partager l’idée, puisqu’elle a déjà exprimé le souhait, dans un bel esprit d’humanité, de réduire de 350 millions d’euros le budget de l’AME dans le projet de loi de finances pour 2023.

L’étranger à la peau sombre serait un profiteur, un futur délinquant et le responsable de tous les maux de la France, quand bien même il vivrait sous un pont ou sous une tente d’infortune, et même s’il est privé de couverture pour passer l’hiver… En comparaison, le bon réfugié, l’Ukrainien par exemple, est reçu dignement – et c’est tant mieux ! – parce qu’il a la peau claire et qu’il est chrétien. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa. N’importe quoi !

M. Rémy Pointereau. Vous ne pouvez pas dire cela !

Mme Esther Benbassa. Avec votre texte, il y aura désormais le migrant économiquement utile, à qui sera délivré cyniquement un titre de séjour temporaire « métiers en tension », pour le lui retirer une fois que la « tension » s’est estompée. Votre politique d’accueil n’est qu’un sinistre replâtrage, qui vise simplement à rendre « acceptables » ces milliers d’immigrés destinés à régler notre crise du recrutement.

L’État abandonne à leur sort les étrangers sur son territoire. La situation des centres de rétention administrative (CRA) est catastrophique, tout comme celle des mineurs non accompagnés (MNA). La France, « terre d’asile » ? Désormais, ce n’est plus qu’un mythe ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa. On croit rêver !

Mme Esther Benbassa. Messieurs les ministres, à tant prévenir les esprits des Français contre le danger que les étrangers représenteraient, y aura-t-il encore une place dans notre pays, d’ici à dix ans, pour des Dupond-Moretti, voire des Darmanin ?

M. Gérald Darmanin, ministre. D’après vous, avec le texte que nous défendons, mes grands-parents n’auraient jamais été intégrés ?

Mme Esther Benbassa. J’en doute, monsieur le ministre… Quel dommage, n’est-ce pas ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de lattractivité et des Français de létranger. Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, à l’issue de ce débat, de vous livrer quelques éléments relatifs à notre politique étrangère – ils ont été en partie abordés durant la discussion générale.

Comme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, que je représente ce soir, à sa demande, l’a rappelé la semaine dernière devant l’Assemblée nationale, la question migratoire est un élément central dans la conduite de notre politique étrangère.

À cet égard, trois principes nous guident en matière migratoire : attractivité et organisation des mobilités légales, solidarité avec les plus vulnérables et fermeté face aux flux irréguliers.

La France souhaite défendre une vision équilibrée en matière migratoire. Tout d’abord, nous sommes attachés au développement d’une migration légale, avantageuse pour notre pays. Ensuite, nous veillons tout particulièrement au renforcement de notre attractivité à l’égard des étudiants et des talents. Nous avons cette année atteint le chiffre record de 400 000 inscriptions d’étudiants étrangers en France et de 12 000 délivrances de visas, dans le cadre des passeports talents.

Contrairement à ce que j’ai pu entendre, permettez-moi de vous dire que notre politique de visas n’est en rien arbitraire, mesdames, messieurs les sénateurs. Elle a pour objet de renforcer l’attractivité et le rayonnement de notre pays.

Nous défendons également avec force et constance le droit international. Au reste, nous nous enorgueillissons d’être l’un des pays les plus engagés pour l’asile au monde.

Nous sommes attachés à la protection des migrants, au respect de leurs droits fondamentaux ; nous coparrainerons, à la demande du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le prochain Forum mondial sur les réfugiés, prévu en décembre 2023. Ce même souci de la protection des migrants nous conduit à lutter avec force contre les trafics et la traite des êtres humains.

En effet, et c’est la contrepartie naturelle de l’ouverture et de la générosité de notre pays, nous sommes intransigeants sur le respect de nos lois et de nos valeurs. C’est la raison pour laquelle nous sommes engagés à lutter avec la même force contre l’immigration irrégulière, pour le retour, la réadmission et la réintégration dans leurs pays d’origine des migrants irréguliers.

La France, sur la question migratoire, comme sur bien d’autres questions, cherche donc à défendre une vision équilibrée.

Nous souhaitons atteindre cet objectif en lien avec nos partenaires africains. La stratégie « migrations et développement » de la France couvre plus de 55 pays, majoritairement africains. En 2021, le montant des projets engagés par la France s’est élevé à plus de 1,5 milliard d’euros, financés conjointement par la France et d’autres partenaires principalement européens.

Nous prônons également cette vision équilibrée dans le cadre européen et multilatéral. C’est dans cet esprit que la ministre de l’Europe et des affaires étrangères a participé hier à Bruxelles au lancement de deux initiatives de l’Équipe Europe (TEI, en anglais Team Europe Initiatives), consacrées à deux routes migratoires, celle de la Méditerranée centrale et celle de la Méditerranée occidentale. Lancées par la France, l’Espagne et l’Italie, ces initiatives associent les moyens des institutions européennes et des États membres.

Pour chacune de ces routes migratoires, environ 1 milliard d’euros ont été investis, afin de mettre en place des instruments tendant à resserrer une coopération euro-africaine globale, pour lutter contre les filières d’immigration irrégulière et pour organiser les retours, mais également pour combattre les causes profondes des migrations irrégulières, pour protéger les migrants ou encore pour favoriser la migration légale.

La France a soutenu fortement l’objectif européen de consacrer 10 % des moyens d’intervention extérieure de l’Union à des projets liés aux migrations. Cela représente, au total, près de 10 milliards d’euros sur la période 2021-2027.

Nous avons donc intérêt à inscrire notre action dans une logique coopérative, indispensable à une meilleure maîtrise des flux migratoires. Nous devons construire ensemble des partenariats bénéfiques, pour nous-mêmes comme pour les pays d’origine. C’est la raison pour laquelle la France a aussi pris la présidence du forum mondial sur la migration et le développement, dont le sommet se tiendra à Paris, au début de l’année 2024.

Enfin, nous réfléchirons – ensemble – plus particulièrement aux effets du changement climatique sur la mobilité humaine, en adoptant une approche transversale et inclusive, en suivant une méthode fondée sur le dialogue et l’anticipation, dans un esprit à la fois de solidarité et de responsabilité.

Tel est l’équilibre que nous visons pour notre politique migratoire, qui fait pleinement partie de notre politique étrangère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Dussopt, ministre. Je reviendrai brièvement sur le projet de créer un titre de séjour spécifique pour les métiers en tension, à la suite de l’intervention de M. François-Noël Buffet. En inscrivant cette mesure dans la loi, notre objectif est justement de pouvoir débattre au sein du Parlement des critères d’accès à ce nouveau titre de séjour.

La circulaire du 28 novembre 2012, dite circulaire Valls, établit, pour les demandes d’admission exceptionnelles, des conditions d’ancienneté – régulière ou irrégulière – de son séjour dans notre territoire et dans l’emploi qu’il exerce, mais elle oblige également l’employeur à accompagner cette démarche, au risque de payer une taxe à l’Ofii.

Au contraire, nous souhaitons instaurer un titre de séjour qui permettra à un salarié de solliciter une demande de régularisation, s’il est en mesure de prouver qu’il satisfait aux règles d’ancienneté dans son activité et de présence sur le territoire.

Quels seront les bons critères en la matière ? Voilà ce qu’il nous reste à préciser dans la loi, afin de contrôler l’utilisation de ce nouveau titre, de sorte qu’il ne se transforme pas en un outil de régularisation massive – monsieur le sénateur Buffet, n’ayez pas de crainte à ce sujet, tel ne sera pas le cas, parce que, justement, le choix des critères nous en gardera.

Ce sera un titre d’un an renouvelable. Il sera attaché non pas à un emploi – nous avons fait ce choix pour répondre à un certain nombre d’interrogations –, mais bien à l’exercice d’un emploi dans un secteur en tension – plusieurs dizaines de métiers sont en tension, selon la liste établie par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la Dares.

Dans ce cadre, une personne qui aurait régularisé sa situation au moyen de ce nouveau titre, mais qui aurait perdu son emploi, sera désormais en mesure d’en retrouver un dans l’un des secteurs en tension ou dans un autre ; dans ce cas, il faudra qu’elle sollicite un titre de séjour pour un motif économique, et, à cet égard, qu’elle réponde aux exigences – nous les connaissons – fixées par la loi en vigueur.

Monsieur Bonnecarrère, je ne partage pas totalement votre inquiétude, ou plutôt l’objectif que vous fixez, en matière de rémunération. Selon vous, ce titre devrait être réservé aux salariés dont le niveau de rémunération, au moment de leur recrutement, serait supérieur à la moyenne de la branche dans laquelle ils exercent.

Votre proposition pose, à mes yeux, deux difficultés : la première, c’est que les salariés dont nous parlons sont déjà présents sur le territoire et travaillent depuis au moins plusieurs mois, ce qui suppose que leur niveau de salaire a déjà été fixé ; la seconde tient au fait que les situations, nous le savons, sont extrêmement hétérogènes.

Par ailleurs, j’ajouterai qu’il faut veiller à ce que cette disposition n’ouvre pas, pour ainsi dire, une trappe à bas salaires. Monsieur le sénateur, nous pouvons nous retrouver sur ce point. (M. Philippe Bonnecarrère acquiesce.) Néanmoins, nous ferions tomber dans une telle trappe le salarié qui dépend de son employeur parce que sa situation n’a pas été régularisée, d’autant plus si ce dernier est indélicat… Mais nous aurons l’occasion d’en débattre de nouveau.

Enfin, madame Carrère, nous ne voulons pas que la précarité s’installe dans ces situations ou que les étrangers soient employés à moindre coût.

Dès lors que le salarié sera régularisé – concrètement, s’il possède une carte de séjour pluriannuelle –, sa situation deviendra pérenne. L’employeur aura alors l’obligation de participer à sa formation, notamment pour l’apprentissage du français. Pour cela, l’employeur devra soit lui libérer du temps, soit lui permettre d’aménager son temps de travail, pour qu’il puisse participer à cette formation.

Au contraire, nous cherchons, au travers de ce projet de loi, le bon équilibre, pour que ce titre de séjour sécurise les employeurs – ceux-ci sont régulièrement confrontés à des situations dans lesquelles ils ne se savent pas que l’étranger en situation régulière qu’ils emploient n’a pas vu son titre de séjour être renouvelé –, et pour que les travailleurs, qui sont souvent exploités de façon dramatique, puissent se sortir d’une telle situation de dépendance.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. En complément des explications de M. le ministre du travail, je répondrai aux différents orateurs sur les points qui relèvent de mon domaine de compétences.

Monsieur le président Buffet, vous avez fait nombre de propositions, qui recoupent, pour certaines d’entre elles, les mesures que nous avons introduites dans le projet de loi que nous sommes en train de préparer et qui doit encore faire l’objet d’un avis du Conseil d’État.

Monsieur Laurent, à ce sujet, nous nous sommes vus récemment avec les membres de votre groupe – nous rencontrerons prochainement aussi le groupe communiste de l’Assemblée nationale –, mais je tiens à préciser que nous souhaitons attendre la fin des concertations politiques et des débats prévus par l’article 50-1 de la Constitution avant d’avancer. Ce n’est qu’alors que nous transmettrons le texte au Conseil d’État, avant sa délibération en conseil des ministres et son examen par le Parlement.

À ce jour, les avis convergent sur plusieurs mesures ; d’autres n’ont pas été reprises dans notre projet de loi, à la suite des arbitrages rendus par le Président de la République et la Première ministre – je pense à l’aide médicale d’État et aux mesures relatives aux étrangers malades, puisque nous en débattons chaque année dans le cadre du PLFSS et du PLF, vous le savez mieux que quiconque, mesdames, messieurs les sénateurs.

J’en profite pour vous rappeler simplement que les chiffres présentés par différents orateurs à la tribune à propos du titre de séjour « étranger malade » ne sont pas tout à fait exacts, si je puis me permettre ; ce point n’enlève rien au fait que la France est le seul pays à offrir de tels critères d’admission, mais là n’est pas la question.

Nous avons procédé à une réforme de ce titre, dans la loi Collomb, puis au travers de certaines dispositions introduites dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale et dans les projets de loi de finances. En vérité, si 5 000 titres d’étrangers malades ont bien été délivrés en 2019 – contre près de 6 850 en 2016 –, leur nombre ne s’élève plus qu’à quelque 3 700 cette année, soit une baisse de 45 % par rapport à 2017, au moment où le Président de la République a été élu, et de 25 % par rapport aux années qui ont précédé la covid.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je le répète, seulement 3 700 titres d’étrangers malades sont délivrés aujourd’hui, essentiellement à des personnes atteintes du VIH, qui viennent de pays où les thérapies contre cette maladie ne sont pas connues.

Monsieur le président Buffet, nous avons instauré, vous le savez, une procédure à laquelle doit se soumettre chaque étranger délinquant, détenu dans un centre de rétention administrative, qui, en raison de sa maladie, sollicite la demande de titre de séjour « étranger malade », pour un motif que l’on pourrait qualifier d’« humanitaire » : désormais, un médecin de l’Ofii, totalement indépendant, procède au diagnostic de la pathologie et vérifie s’il existe ou non une thérapie dans le pays d’origine du demandeur. Si tel n’est pas le cas, nous lui accordons l’asile, conformément à notre engagement ; à l’inverse, si une thérapie existe, le demandeur est expulsé.

L’opportunité du titre peut être mise en cause dans le cadre de ce projet de loi, comme celle de tous les titres de séjour du reste, mais je pense que les termes du débat seront différents de ceux qui ont été défendus il y a cinq ans.

Je ne reviens pas sur la question de l’AME – les différents arguments ont été opposés –, qui ne sera pas inscrite dans le projet de loi, je le rappelle, car nous en débattons chaque année au moment de l’examen des textes financiers.

En ce qui concerne les exécutions des mesures d’éloignement – les OQTF – le débat devient totémique et les slogans brandis ne correspondent pas tout à fait à la réalité…

Mesdames, messieurs les sénateurs, les services du ministère de l’intérieur, tout comme vous dans vos rapports de 2019 et 2020, estiment le nombre de mesures qui ont été exécutées à partir des informations dont ils disposent ; ce n’est pas la même chose que présenter le nombre de mesures réellement exécutées !

Je m’explique : ce que nous connaissons, c’est le nombre des personnes qui ont quitté l’espace Schengen. C’est un point important, puisque cela veut dire que lorsqu’un étranger quitte la France, après avoir reçu une OQTF, ou toute autre mesure d’éloignement, pour rejoindre la Belgique, par exemple, nous ne le savons pas !

À Tourcoing, on ne compte pas moins de dix-sept points de passage avec la Belgique et aucun contrôle à la frontière… Quand les personnes devant quitter le territoire national se rendent dans un État membre de l’espace Schengen sans qu’il y ait de contrôle aux frontières, nous ne sommes pas informés de leur sortie.

Il est vrai, et nous en reparlerons, que le système d’entrée-sortie de Schengen (ESS) et le règlement Etias nous permettront à l’avenir d’en être informés, mais, à ce jour, ce n’est pas le cas.

Par ailleurs, nous ne pouvons dénombrer que les personnes bénéficiant de l’aide au retour volontaire, accompagnées par l’Ofii, ou celles qui ont reçu une OQTF, exécutée par la police aux frontières, parce que le consulat du pays en question a délivré un laissez-passer, ou, tout simplement, parce que le passeport permet aux policiers aux frontières de les embarquer dans un avion, afin de les accompagner dans leurs pays.

Nombreux sont les étrangers qui respectent les lois de la République. Ceux-là, quand ils voient qu’ils ne sont pas bienvenus sur le sol de la République, parce qu’ils ont fait l’objet d’une OQTF ou d’une aide au retour volontaire, contre lesquelles ils peuvent avoir déposé un certain nombre de recours, quittent le territoire national, sans jamais se signaler à la préfecture ni à la police aux frontières. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie le conteste.) Si, madame la sénatrice, c’est tout à fait vrai !

C’est d’ailleurs pour cette raison que la circulaire que j’ai prise, à la suite de différents faits divers sur lesquels je ne reviendrai pas, permet justement d’indiquer le nombre de personnes inscrites dans le fichier des personnes recherchées, afin que, lorsqu’elles passent entre les mains de la police aux frontières, nous sachions exactement combien d’entre elles sont parties.

Le nombre d’OQTF que vous avez cité – quelque 121 000 personnes en 2021 – ne correspond pas au nombre de mesures individuelles qui ont réellement été prises ; c’est simplement le nombre de mesures prises, tout court ! En effet, certaines personnes ont fait l’objet de plusieurs mesures individuelles – une OQTF, parfois deux, accompagnée d’une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF), par exemple –, ce qui entraîne plusieurs mesures.

Si nous comparons le nombre de personnes renvoyées dans des pays étrangers et le nombre de mesures prises, nous ne pouvons évidemment pas atteindre une parfaite adéquation, puisque, je l’ai dit, certaines personnes – jusqu’à 20 % des personnes inscrites dans les fichiers dits « des mesures administratives » – ont fait l’objet de plusieurs dispositions d’ordre individuel.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Tout va bien, donc…

M. Gérald Darmanin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je citerai, à mon tour, les chiffres que nombre d’entre vous ont déjà utilisés : aucun gouvernement n’a jamais atteint une proportion supérieure à 20 % d’exécutions effectives d’OQTF.

Monsieur le président Buffet, en 2011 et 2012, des années qui n’étaient pas mauvaises, si je puis dire, quelque 85 000 mesures ont été prises. Plus précisément, en 2011, les services ont dénombré quelque 7 970 reconduites aux frontières, contre 6 284 en 2012.

Si je prends l’exemple de l’année 2021, mes services ont dénombré 124 000 mesures – toutes mesures administratives confondues, et en incluant également les personnes ayant fait l’objet de plusieurs mesures administratives. Dans l’hypothèse où ce chiffre est partagé par tous, il faut alors le comparer avec les quelque 116 984 reconduites qui ont été rendues effectives. C’est plus du double des reconduites réalisées par le passé, alors même que le nombre des mesures ordonnées, lui, n’a pas doublé.

Monsieur le président Buffet, nous avons eu à peu près le même taux d’exécution, comme l’a rappelé le président Patriat. Sous le quinquennat du Président Hollande, il est vrai, la situation s’est beaucoup détériorée.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mais oui ! C’est sans doute à cause de M. Dussopt… (Sourires sur les travées du groupe SER.)

M. Gérald Darmanin, ministre. Madame de La Gontrie, je vais vous répondre, ne vous inquiétez pas. Ne hâtez pas ma réponse, car je crains qu’elle ne vous déplaise… (Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. Jean-Yves Leconte protestent.)

Sous le quinquennat Hollande, donc, sur les 100 000 mesures prises, seulement 7 000 reconduites aux frontières ont été rendues effectives. À cette époque, la situation s’est détériorée, nous le voyons bien.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Puis Zorro est arrivé !

M. Gérald Darmanin, ministre. Quant à nous, nous avons réalisé la meilleure année en matière d’exécutions des reconduites aux frontières, si je puis m’exprimer ainsi, et ce malgré les difficultés liées à la situation en Syrie.

Mesdames, messieurs les sénateurs qui siégez sur les travées de droite, je ne vous ferai pas l’affront de rappeler que le président Sarkozy, lors de son quinquennat, n’avait pas été confronté aux mêmes difficultés que nous rencontrons actuellement en Libye, en Afghanistan et au Soudan : sur tous les fronts, les difficultés diplomatiques se sont multipliées – je rappelle simplement ce point pour expliquer le contexte du quinquennat du président Macron.

Pour autant, malgré les difficultés diplomatiques que nous rencontrons, notamment à cause de pays en guerre, je constate que l’année 2019, avant la covid, a connu le meilleur taux de reconduites aux frontières.

Est-ce suffisant ? Non, car 20 %, cela veut toujours dire qu’un cinquième seulement des mesures prises a été rendu effectif. Aussi, nous devons repenser totalement le système des reconduites aux frontières, des OQTF et du placement.

Monsieur Bonnecarrère, vous avez fait allusion au système d’entrée-sortie de Schengen qu’il faut mettre en place ; M. Leconte a d’ailleurs évoqué le règlement Etias (système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages). La France est prête à mettre en place ces textes.

À chaque conseil Justice et affaires intérieures, je le répète sans cesse, nous nous interrogeons sur les causes du report de la date d’entrée en vigueur du système de contrôle des entrées et des sorties des frontières extérieures de l’espace Schengen, car il est très important : pour tout étranger et tout citoyen de l’espace Schengen, grâce à une fiche de présence sur le territoire européen, nous pourrons suivre entrées et sorties et éviter les doublons de demandes de titre de séjour.

Etias est également essentiel, car il instaure l’interopérabilité entre toutes les polices européennes, ce qui rend possible un contrôle du pays d’origine, de l’entrée et de la sortie pour tous les étrangers. Ainsi, grâce à cette action lancée sous le précédent quinquennat, nous lutterons mieux contre le risque terroriste.

Cependant, si la France est le seul pays à instaurer le système EES, cela ne sert pas à grand-chose. Nous ne ferons que rallonger les délais d’attente à nos frontières, particulièrement dans les ports et aéroports, sans qu’aucun pays européen nous accompagne. Nous mettrons donc en place le système EES quand tous les pays seront prêts, et le plus rapidement possible – je suis tout à fait d’accord avec vous sur ce point.

Je suis le dossier de près au sein de mon ministère et je puis vous assurer que la France ne souffre ni de lacunes en développement informatique ni d’un manque de volonté. En revanche, tous les pays de l’Union européenne ne partagent pas le même entrain.

L’ouverture récente de l’espace Schengen, qui sera bientôt confirmée par les chefs d’État et de gouvernement, n’améliore pas la situation.

La sortie de nos amis britanniques de l’espace Schengen, alors qu’ils étaient, comme membres de l’Union européenne, l’un de ses partisans, va poser un certain nombre de problèmes, notamment pour le port de Douvres et pour les citoyens de pays tiers. Mon homologue britannique me demande sans cesse de reporter la mise en œuvre de ce système EES, ce à quoi le ministère de l’intérieur est opposé.

Monsieur le président Buffet, nous sommes aussi d’accord au sujet de l’examen sur les valeurs de la République, complémentaire de l’examen de langue française. Nous vous proposerons de nouvelles dispositions législatives, que nous sommes prêts à améliorer.

Le refus d’asile et l’OQTF constituent deux actes administratifs différents – nous en reparlerons avec le Conseil d’État. Un recours reste possible contre l’OQTF – je parle sous le contrôle du garde des sceaux –, mais nous souhaitons qu’il soit soumis à conditions et particulièrement réduit dans le temps.

Monsieur Leconte, vous nous avez proposé une chronique, ou plutôt une plaidoirie contre votre propre bilan. Il n’y aurait pas assez d’agents dans les préfectures. Vous avez tout à fait raison : vous avez supprimé 11 000 agents en cinq ans. (M. Jean-Yves Leconte sexclame.)

Oui, monsieur Leconte, c’est bien vous qui les avez supprimés ! La Cour des comptes elle-même le dit ; tout le monde le dit.

M. Jean-Yves Leconte. Vous êtes aux affaires depuis plus de cinq ans !

M. Gérald Darmanin, ministre. Quand j’étais ministre des comptes publics, sous l’autorité d’Édouard Philippe, nous avons mis fin aux suppressions de postes dans les préfectures. Et depuis que je suis ministre de l’intérieur, dans les gouvernements de Jean Castex et maintenant d’Élisabeth Borne, nous augmentons le nombre d’agents dans les préfectures – vous avez mal suivi la loi de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), même si je suis fort heureux que vous l’ayez votée en première lecture. Vous, vous avez supprimé 11 000 postes !

M. Jean-Yves Leconte. Vous aviez sept ans pour changer la donne !

M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le sénateur, je vous en prie, je vous ai écouté avec attention : ce sont bien 11 000 postes que vous avez supprimés. Et ensuite vous nous dites, comme le coq de Chantecler qui pense qu’il fait se lever le soleil, qu’il est terrible de voir les gens mal reçus en préfecture. Si vous n’aviez pas supprimé tous ces postes lorsque vous étiez en responsabilité, il en serait allé autrement.

J’en viens aux contrôles aux frontières : ils seraient contraires au droit européen et scandaleux, dites-vous. Mais qui a mis en place ces contrôles aux frontières en 2015 ? Qui donc ? Je ne me rappelle plus très bien…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et qui les remet en place chaque fois ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Trois fois, sous des gouvernements de gauche, vous avez demandé ces contrôles aux frontières. Huit pays ont rétabli ces contrôles. (M. Jean-Yves Leconte proteste.)

Permettez-moi de vous répondre, monsieur Leconte !

M. Alain Richard. M. Leconte a vraiment du mal à écouter…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ça pique…

M. Gérald Darmanin, ministre. Ce sont là des vérités que vous ne voulez pas entendre. Vous devriez rencontrer plus souvent Bernard Cazeneuve, car vous êtes manifestement bien éloigné de la politique qu’il défendait lorsqu’il exerçait la responsabilité du ministère de l’intérieur.

M. Thomas Dossus. C’est sûr !

M. Gérald Darmanin, ministre. Et je ne cite même pas Manuel Valls,…

M. Thomas Dossus. On vous en remercie !

M. Gérald Darmanin, ministre. … car vous nous feriez une crise d’urticaire. Vos deux ministres de l’intérieur défendaient exactement ce que nous défendons : vous devriez plutôt vous en réjouir. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. Jean-Yves Leconte protestent.)

Cinq de vos camarades sociaux-démocrates ont instauré des contrôles aux frontières de l’Union européenne. Pourquoi ? Non pas pour des raisons migratoires, mais pour lutter contre le terrorisme.

Si nous avons rétabli les contrôles aux frontières dans la période récente, c’était après l’attaque de la basilique de Nice, qui a entraîné la mort de trois personnes. À l’époque, personne – en ces jours de procès des auteurs des attentats de Nice, vous n’irez pas dire le contraire – ne contestait notre souhait de retrouver la maîtrise de nos frontières.

Quant aux visas Balladur, combien de temps avez-vous été en responsabilité ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Mais moi, je ne suis pas contre la suppression de ces visas ! Voilà toute la différence entre nous ! (Vives exclamations sur les travées du groupe SER.)

M. Alain Richard. Chers collègues, pourriez-vous écouter le ministre sans crier ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Vous pensez, monsieur le sénateur, qu’il faut permettre à tous les étrangers présents à Mayotte de venir sur le sol réunionnais et sur le sol métropolitain. On voit bien que vous n’êtes pas allés très souvent à Mayotte. Allez le dire à vos collègues mahorais ! La situation à Mayotte est totalement insolite, chacun en est convaincu.

Les visas Balladur s’appellent ainsi parce qu’ils ont été instaurés sous le Premier ministre du même nom. Cela ne rajeunira personne… À l’époque, je n’étais même pas en classe de sixième, mais vous, monsieur le sénateur, vous faisiez déjà de la politique. (Murmures.)

Vous dites qu’il existe deux types d’asiles, mais vous confondez les sujets : il y a l’asile d’un côté et l’immigration de l’autre. Quand 70 % des demandes d’asile reçoivent une réponse négative après leur passage devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), c’est bien qu’il existe un problème d’orientation, monsieur le sénateur !

Il faut soit fermer les yeux, soit être extrêmement naïf pour ne pas voir qu’il existe, d’une part, des gens qui méritent absolument l’asile, et, d’autre part, des personnes qui utilisent l’asile pour rester illégalement sur le territoire de la République. Chacun le sait ! Rencontrez les agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), ils vous le diront, sans la moindre idéologie.

Notre travail est entravé : les personnes éligibles à l’asile mettent beaucoup trop de temps à l’obtenir et vivent ainsi une très grande paupérisation, parce que tous ceux qui ne sont pas éligibles à l’asile utilisent cette procédure comme une voie d’immigration illégale. C’est la vérité première, et beaucoup l’ont dit. C’est si vrai que je n’ai qu’à vous renvoyer aux précédents débats parlementaires : Manuel Valls et Bernard Cazeneuve défendaient la même position.

Vous affirmez que, depuis 1982, quelque trente textes ont été examinés : tous, vous faites ainsi le procès de votre propre passé. En un quinquennat, nous n’en avons présenté qu’un seul !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et quel est son bilan ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Si trente textes ont été pris en quarante ans, c’est parce que la situation est difficile, en raison d’une jurisprudence complexe, des engagements internationaux de la France et des phénomènes migratoires liés à la déstabilisation de certains pays. Quoi qu’il en soit, les trente textes en quarante ans ne sont pas un argument valable, puisque nous n’en avons présenté qu’un seul en six ans.

Enfin, vous avez parlé des personnes en situation irrégulière, que nous acceptons en trop grand nombre et que nous n’avons pas régularisées.

En 2012, lorsque M. Hollande est arrivé aux responsabilités, 208 000 irréguliers sur le territoire national étaient inscrits à l’aide médicale d’État (AME). Par nature, nous ne connaissons pas exactement le nombre d’irréguliers, mais l’AME reste le chiffre le moins contestable, car un grand nombre d’irréguliers s’y inscrivent pour pouvoir se faire soigner.

En 2017, ils étaient 315 000, ce qui représente une augmentation de plus de 100 000 personnes sous votre responsabilité ! Certes, sous le quinquennat du président Macron, ce chiffre est passé de 315 000 à 350 000, notamment car nous ne pouvions pas, en 2020 et 2021, renvoyer des étrangers dans leur pays à cause de la crise de la covid, l’espace aérien étant fermé.

Cette augmentation est certes importante et elle mérite d’être régulée, monsieur le président de la commission des lois, mais elle n’a rien à voir avec l’augmentation exponentielle que vous avez connue, monsieur le sénateur Leconte.

À l’époque, d’ailleurs, vous n’avez pas eu le courage, contrairement à notre Première ministre et au ministre du travail, de proposer des régularisations par le biais d’une loi. Vous avez préféré faire passer la circulaire Valls, dont je rappelle qu’elle proposait 30 000 régularisations – 23 000 au titre du rapprochement familial et 7 000 au titre du travail.

Ne donnez pas des leçons de régularisation et d’humanité quand vous n’avez pas été capables, en votre temps, d’assumer vos responsabilités. Sur de tels sujets, il faut être plus constructif et objectif, monsieur le sénateur.

Monsieur Laurent, il ne s’agit pas de généraliser le juge unique au sein de la CNDA, mais de l’autoriser – voilà qui est très différent – et de laisser à la CNDA le choix de sa formation.

Soit elle considère que les affaires sont simples, aussi bien pour accorder l’asile que pour le refuser – voyez le cas des Ivoiriens, par exemple, dont l’immense majorité ne bénéficie pas de l’asile sans que cela pose de question de principe –, et elle statue sous la forme du juge unique.

Soit il s’agit de cas complexes – orientation sexuelle, réfugiés issus de pays divisés, comme le Soudan, ou encore la situation des ressortissants d’Afghanistan qui ont fui les talibans, à l’origine de la jurisprudence Kaboul –, et nous laissons alors à la CNDA la possibilité de siéger en formation collégiale ou en formation de juge unique.

Bref, le Gouvernement ne propose pas la généralisation du juge unique : au contraire, il laisse le choix à la cour. Cette demande est formulée en partie par le Conseil d’État lui-même, dans le rapport de son ancien vice-président Bruno Lasserre. Certes, vous ne disposez pas encore du texte du Gouvernement, mais permettez-moi de vous corriger : il ne s’agit en rien de généraliser le juge unique.

Monsieur Benarroche, j’ai bien compris les interrogations de votre groupe, mais il n’est pas possible de dire que des milliers de places d’hébergement sont supprimées à Calais.

Au contraire, des milliers de places d’hébergement sont libres, à Calais et sur toute la côte d’Opale – je le dis devant tous les élus de ce secteur, d’autant que j’en suis un moi-même. Ce qui est vrai, c’est que, en laissant les migrants en marge dans des jungles ou auprès des passeurs, nous faisons le jeu de ces derniers : dans toutes les villes du Nord-Pas-de-Calais, les passeurs expliquent qu’il ne faut pas accepter les hébergements, pour garder les migrants sous la main, en leur promettant de les faire passer de l’autre côté de la frontière.

Je salue la proposition du garde des sceaux, à savoir requalifier de délit en crime les agissements des passeurs, avec des peines allant jusqu’à vingt ans de prison. C’est une bonne chose, et j’espère un vote unanime sur ce texte. Quoi qu’il en soit, on ne peut pas dire que l’État ne fait pas son travail d’hébergement et d’accompagnement à Calais. D’ailleurs, nous aurions bien aimé que beaucoup nous accompagnent pour encourager les migrants à accepter les hébergements proposés.

Monsieur Benarroche, si la proposition des groupes de gauche du Sénat est de faire pour les demandeurs d’asile ce que nous faisons pour les Ukrainiens, ce sera idéologiquement difficile pour vous. En effet, nous ne donnons pas l’asile aux Ukrainiens ! Nous leur accordons, très rapidement, une protection pour trois ans, puis ils repartent.

Si votre proposition est de mettre fin au droit d’asile et d’accorder une protection temporaire pendant un, deux ou trois ans, vous serez bien plus à droite que ceux que vous dénoncez. Tout cela est bien paradoxal.

Madame la sénatrice Benbassa, je ne répondrai pas à vos provocations ; elles sont difficiles à entendre, car elles sont insultantes pour une partie d’entre elles. Je répondrai seulement à la dernière ; vous avez évoqué mes deux grands-pères, pour vous demander si je serais ici devant vous s’ils n’avaient pas été accueillis en France. Je vous trouve bien mal renseignée !

L’un de mes grands-pères est né en Algérie, du temps où ce territoire était français. Il s’est engagé dans l’armée coloniale à 14 ans ; il ne savait ni lire ni écrire, et la France lui a énormément apporté. En 1962, il a choisi notre pays. Il était un militaire de carrière et un Français de volonté. Oui, évidemment, pour ces Français de volonté, le Gouvernement est tout à fait prêt à construire de belles histoires.

Mon second grand-père était un juif maltais, né en Tunisie. Il est venu en France dans les années 1930, pour travailler dans les mines. Il a ensuite rencontré ma grand-mère, et ainsi me voilà, manifestement pour votre plus grand plaisir… Oui, avec le texte que nous proposons, ce grand-père, qui est venu exercer en France un métier difficile, aurait été régularisé et naturalisé.

Mes deux grands-pères avaient de grandes qualités : ils aimaient la France, ils étaient travailleurs et ils n’avaient pas de casier judiciaire. Donc, oui, avec une telle loi, je serais bien là devant vous. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – M. Philippe Bonnecarrère applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite avant tout remercier les oratrices et les orateurs qui ont pris la parole ce soir.

Nous avons des points de vue différents, bien sûr – c’est le principe de la démocratie. Des malentendus, sans doute, restent à lever. Je l’ai dit, tout comme les ministres : il n’est pas question de régularisation massive. Il n’est pas non plus question de faire croire que c’est par l’immigration que nous allons régler les tensions sur le marché du travail.

Cependant, je crois fermement que, pour celles et ceux qui sont sur notre sol depuis longtemps, qui participent à la vie économique et sociale de notre pays et qui sont enfermés dans la précarité, nous devons trouver un chemin vers des régularisations ciblées, en veillant naturellement à ne pas créer des appels d’air ou à ne pas tirer vers le bas les conditions d’emploi. Je suis convaincue que, si nous travaillons ensemble de bonne foi, nous pourrons trouver des solutions et répondre à des craintes légitimes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai noté dans la plupart des interventions des points de convergence et une volonté de construire ensemble. Nous sommes d’accord, collectivement, pour agir aux racines de l’immigration illégale en travaillant avec les pays d’origine et de transit et en mettant notre aide au développement au service de la transition écologique et de la lutte contre la pauvreté.

J’ai aussi noté des convergences sur la question de nos procédures et du respect de notre droit. Ce n’est pas une surprise, puisque nos orientations s’inspirent, voire reprennent, sur beaucoup de points, les conclusions du rapport du président Buffet.

Enfin, je note également un consensus sur la nécessité d’intégrer mieux, notamment par le travail, ceux que nous acceptons sur notre sol. Cet enjeu est essentiel : là encore, nous pourrons avancer ensemble.

Mesdames, messieurs les sénateurs, beaucoup d’entre vous – je l’ai entendu – partagent notre volonté d’efficacité et d’équilibre. Dans les mois qui viennent, et d’abord au Sénat, nous examinerons un projet de loi pour notre politique migratoire, un projet de loi sur lequel nous pouvons travailler ensemble. J’ai confiance en notre esprit de responsabilité collective. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – MM. Henri Cabanel et Philippe Bonnecarrère applaudissent également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la déclaration du Gouvernement relative à la politique de l’immigration.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

8

Article 25 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture
Article 26

Adaptation au droit de l’Union européenne dans divers domaines

Suite de la discussion et adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture.

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 26.

TITRE III

DISPOSITIONS D’ADAPTATION AU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE EN MATIÈRE DE TRANSPORTS

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture
Article additionnel après l'article 26 - Amendements n° 6 rectifié bis et n° 34 rectifié

Article 26

I. – Le chapitre X du titre Ier du code de la voirie routière est ainsi modifié :

1° Le II de l’article L. 119-7 est ainsi modifié :

a) À la fin de la première phrase, les mots : « poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures » sont remplacés par les mots : « véhicules pour l’utilisation d’infrastructures routières » ;

b) À la fin de la deuxième phrase, les mots : « mises en œuvre lors du renouvellement des contrats de délégation de service public conclus antérieurement au 1er janvier 2010 » sont remplacés par les mots : « applicables aux contrats de concession conclus à partir du 1er janvier 2010 et pour lesquels la procédure de consultation a été initiée avant le 24 mars 2022 et a donné lieu à la consultation des entreprises avec une réponse de leur part avant cette date » ;

2° Est ajoutée une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« Dispositions communes aux péages applicables aux véhicules de transport de marchandises par route et aux véhicules de transport de personnes

« Art. L. 119-11. – Les péages applicables aux véhicules de transport de marchandises par route et aux véhicules de transport de personnes dont le poids total autorisé en charge est supérieur à 3,5 tonnes, prévus par les contrats de concession pour lesquels la procédure d’appel d’offres a été initiée avant le 24 mars 2022 sans toutefois donner lieu à une consultation des entreprises avec réponse de leur part avant cette date, ou pour lesquels la procédure d’appel d’offres est initiée après le 24 mars 2022, sont modulés en fonction de la classe des émissions de dioxyde de carbone (CO₂) du véhicule, au sens de l’article 7 octies bis de la directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des véhicules pour l’utilisation d’infrastructures routières.

« Peuvent être prévues une exonération et des réductions des péages mentionnés au premier alinéa du présent article pour les véhicules à émission nulle, dans des conditions définies par décret.

« Les péages prévus par les contrats mentionnés au même premier alinéa peuvent être modulés en fonction du moment de la journée, du type de journée ou de la saison pour réduire la congestion et les dommages causés aux infrastructures, optimiser l’utilisation des infrastructures ou promouvoir la sécurité routière.

« Les modulations de péage prévues aux premier et troisième alinéas sont fixées de sorte qu’elles restent sans effet sur le montant total des recettes de l’exploitant.

« Art. L. 119-12. – Les péages mentionnés à l’article L. 119-11 sont majorés d’une redevance pour coûts externes liée à la pollution atmosphérique due au trafic établie conformément aux exigences et valeurs de référence mentionnées aux annexes III bis et III ter de la directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des véhicules pour l’utilisation d’infrastructures routières.

« La majoration prévue au premier alinéa du présent article ne s’applique pas aux véhicules qui relèvent de la norme EURO la plus stricte pendant les quatre années suivant l’entrée en vigueur de cette classification.

« Il peut être dérogé à la majoration définie au même premier alinéa lorsque celle-ci aurait pour effet de détourner les véhicules les plus polluants, entraînant ainsi des conséquences négatives en termes de sécurité routière et de santé publique.

« Art. L. 119-13. – Un décret en Conseil d’État pris après avis consultatif de l’Autorité de régulation des transports détermine les conditions d’application de la présente section. »

II. – Au 2° de l’article L. 421-102 du code des impositions sur les biens et services, les mots : « poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures » sont remplacés par les mots : « véhicules pour l’utilisation d’infrastructures routières ».

III. – À la fin du deuxième alinéa du B du V de l’article 55 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, les mots : « poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures » sont remplacés par les mots : « véhicules pour l’utilisation d’infrastructures routières ».

IV (nouveau). – L’exonération et les réductions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 119-11 du code de la voirie routière sont en vigueur jusqu’au 31 mars 2025.

(nouveau). – L’article L. 119-12 du code de la voirie routière entre en vigueur le 25 mars 2026.

M. le président. L’amendement n° 21, présenté par Mme Préville, M. Jacquin, Mme Meunier, MM. P. Joly, Marie, Tissot et Kanner, Mme Van Heghe, MM. Fichet et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Devinaz, Gillé et Houllegatte, Mme M. Filleul et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Après le mot :

route

insérer les mots :

dont le poids total autorisé en charge est supérieur à 2,5 tonnes

La parole est à Mme Angèle Préville.

Mme Angèle Préville. L’article 26 transpose dans le code de la voirie routière la directive européenne 2022/362 du Parlement européen et du Conseil du 24 février 2022, qui fixe de nouvelles règles relatives à la modulation des péages autoroutiers en fonction des émissions de CO2 des véhicules poids lourds et à la création d’une redevance pour coûts externes liés à la pollution atmosphérique pour les poids lourds.

Au sein de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, le rapporteur a souhaité préciser le tonnage minimal des véhicules utilitaires lourds qui seront concernés par ces nouvelles obligations.

S’appuyant sur la directive, l’amendement du rapporteur adopté en commission tend à fixer à 3,5 tonnes la valeur minimale du poids total autorisé en charge à partir de laquelle les véhicules de transport de marchandises par route et les véhicules de transport de personnes seront taxés.

Nous estimons que cette valeur minimale de tonnage exclut de fait, pour le transport de marchandises par route, les grands véhicules utilitaires légers (VUL), dont le poids total autorisé est généralement situé entre 2,5 et 3,5 tonnes.

Or, comme le souligne le rapport sénatorial de Mme Nicole Bonnefoy et de M. Rémy Pointereau, issu des travaux de la mission d’information relative au transport de marchandises face aux impératifs environnementaux et publié en mai 2021, le parc de ces VUL n’a cessé de croître ces dernières années.

Ils sont de plus en plus utilisés pour le transport de fret et concurrencent ainsi les poids lourds, y compris sur les longues distances. Toujours d’après le rapport d’information précité, « les VUL sont soumis à une réglementation plus souple que les poids lourds ».

Leur développement peut dès lors participer à une forme de déréglementation du secteur, notamment sociale et environnementale, par contournement des règles qui s’appliquent uniquement aux poids lourds. Le risque que certaines entreprises de transport routier puissent jouer sur les effets de seuils en développant leur flotte de VUL, pour échapper ainsi à la taxe, est réel.

Pour éviter un tel risque, nous proposons d’inclure les grands VUL de transport de marchandises dans l’assiette de la taxe, en permettant d’appliquer les péages dès que le poids du véhicule est supérieur à 2,5 tonnes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ?

M. Cyril Pellevat, rapporteur pour avis de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. L’adoption de cet amendement conduirait à opérer une surtransposition de la directive Eurovignette.

Les nouvelles obligations imposées par la dernière version de cette directive en matière de modulation et de majoration des péages s’appliquent en effet aux véhicules utilitaires lourds qui sont définis comme les véhicules ayant une masse en charge maximale techniquement admissible supérieure à 3,5 tonnes.

En outre, s’agissant des véhicules utilitaires légers, l’article L. 122-4 du code de la voirie routière prévoit déjà de mettre en place une tarification différenciée selon les niveaux d’émissions des véhicules dans les futurs contrats de concessions autoroutières.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Je partage l’avis de M. le rapporteur pour avis : cet amendement tend à aller au-delà des cadres de la directive.

Par ailleurs, dans le code de la voirie routière, les véhicules utilitaires légers (VUL) font l’objet d’une réglementation particulière, qui peut être modulée en fonction de la performance environnementale.

En tout état de cause, nous ne saurions mettre en place un tel changement de seuil.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.

Mme Angèle Préville. Je proposais précisément que nous soyons plus ambitieux que la directive européenne, ainsi que nous pouvons en décider ! Ce serait bénéfique pour la transition écologique.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 21.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 61, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

II. – Alinéa 11

Remplacer les mots :

aux premier et troisième alinéas

par les mots :

au premier alinéa

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué. Les alinéas 10 et 11 ont été ajoutés sur l’initiative de la commission, afin de préciser que la modulation horaire des péages et la modulation CO2 s’opéraient sans recette supplémentaire pour la concession.

Toutefois, les précisions mentionnées à l’article 10 nous apparaissent comme inutiles et redondantes : une telle répétition du principe nuirait à la compréhension du texte.

Quant à l’alinéa 11, il est pertinent, mais sa rédaction doit être légèrement adaptée pour tenir compte de la suppression de l’alinéa 10 que nous proposons.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces ajustements techniques, que le Gouvernement vous soumet, ne modifient pas l’article au fond.

M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ?

M. Cyril Pellevat, rapporteur pour avis. La commission a estimé que la modulation horaire constituait une possibilité qu’il était nécessaire d’ajouter dans la nouvelle section IV relative aux véhicules lourds, de marchandises et de voyageurs.

À choisir, il serait d’ailleurs sans doute plus opportun de supprimer certaines dispositions déjà redondantes dans les sections II ou III pour les intégrer à la section IV, laquelle est plus complète, puisqu’elle concerne les différents types de transports lourds.

L’avis est donc défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 61.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 53 rectifié bis, présenté par MM. Fernique, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 10

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Les péages prévus par les contrats mentionnés au premier alinéa peuvent appliquer une redevance de congestion sur tout tronçon de leur réseau routier affecté par la congestion. Une telle redevance de congestion ne peut être appliquée que sur les tronçons routiers régulièrement saturés, et uniquement pendant les périodes habituelles de congestion sur la base de critères objectifs liés au niveau auquel les routes et leurs abords sont affectés par la congestion, mesurés entre autres en termes de retards moyens ou de longueur moyenne des files.

« Une redevance de congestion imposée sur tout tronçon du réseau routier s’applique d’une manière non discriminatoire à toutes les catégories de véhicules. Elle reflète les coûts imposés par un véhicule aux autres usagers de la route, et de manière indirecte à la société.

« La redevance prévue aux deux alinéas précédents s’applique aux véhicules dont le poids total autorisé en charge est égal ou supérieur à 2,5 tonnes. Elle ne s’applique pas aux minibus, autobus et autocars.

La parole est à M. Jacques Fernique.

M. Jacques Fernique. La directive dite Eurovignette révisée prévoit la possibilité d’introduire une redevance de congestion sur les tronçons routiers régulièrement saturés.

Cette redevance étant facultative, le Gouvernement propose de ne pas la transposer. Il nous semble au contraire que, pour lutter efficacement contre la congestion et la pollution atmosphérique issue de la circulation, il serait logique de nous laisser la possibilité de la mettre en place.

Cet amendement vise donc à élargir en ce sens le champ de transposition de la directive.

M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ?

M. Cyril Pellevat, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à élargir le champ d’application de la transposition aux véhicules légers, et non plus seulement aux véhicules lourds. L’article 7 quinquies bis de la directive prévoit, en effet, qu’une telle redevance de congestion s’applique de manière non discriminatoire à toutes les catégories de véhicules.

Pour autant, son articulation avec la modulation horaire introduite en commission serait particulièrement complexe à opérer.

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Clément Beaune, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 53 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 22 rectifié, présenté par Mme Préville, M. Jacquin, Mme Meunier, MM. P. Joly, Marie, Tissot et Kanner, Mme Van Heghe, MM. Fichet et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Devinaz, Gillé et Houllegatte, Mme M. Filleul et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 11

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« Le précédent alinéa ne s’applique pas aux véhicules de transport de marchandises par route.

« Pour ces derniers, les modulations de péage prévues aux premier et deuxième alinéas du présent article peuvent occasionner un accroissement du montant total des recettes de l’exploitant.

« Les modalités d’application de ces alinéas sont fixées par décret.

La parole est à Mme Angèle Préville.

Mme Angèle Préville. Nous avons adopté en commission un amendement tendant à permettre de faire varier la redevance d’infrastructures, afin de réduire la congestion routière.

Ainsi, les péages pourront être modulés en fonction du moment de la journée, du type de jour ou de la saison.

Nous sommes favorables à cette disposition. Nous considérons que, concernant le transport de marchandises, le surplus des recettes pouvant résulter de l’application de ces modulations de péages pourrait être utilisé pour encourager le développement du report modal ferroviaire et fluvial, qui est indispensable pour lutter efficacement contre le changement climatique.

Cet amendement vise, dès lors, à rendre possible une augmentation du montant total des recettes liées aux modulations de péage.

Pour des raisons de recevabilité financière, il n’a cependant pas été possible de prévoir d’orienter l’éventuel surplus de recettes au soutien du report modal, ferroviaire et fluvial, des moyens de transport efficaces pour lutter, notamment, contre la congestion routière et la pollution atmosphérique. Mais je tiens à souligner que tel était bien l’intention des auteurs de cet amendement.

Depuis de trop nombreuses années, on émet le souhait de mettre en œuvre un véritable report modal des marchandises transportées sur la route vers le fluvial et le ferroviaire.

En ce qui concerne le fluvial, avec 8 500 kilomètres de voies navigables, la France possède le plus long réseau d’Europe, qui en compte 38 000 au total, mais elle en est aussi l’un des plus faibles utilisateurs : le transport fluvial de marchandises représente moins de 3 % des tonnes-kilomètres transportées et concerne principalement des matériaux lourds, tels que les céréales et les matériaux destinés au bâtiment, contre 7 % en moyenne en Europe.

Nos voisins belges, avec 12 %, allemands, avec 15 %, et surtout néerlandais, avec 43 %, font une utilisation beaucoup plus importante de ces infrastructures.

La capacité de ce mode de transport, qui n’est pas saturé, pourrait être multipliée par trois ou par quatre. Cela permettrait d’acheminer des marchandises au cœur des grandes agglomérations, en s’adossant à la logistique du dernier kilomètre, tout en limitant le recours au transport routier terrestre.

Quant au fret ferroviaire, il n’a cessé de perdre des parts de marché depuis des décennies.

Si nous voulons réussir la massification du transport bas-carbone de marchandises, nous devons trouver des financements, y compris territorialisés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ?

M. Cyril Pellevat, rapporteur pour avis. Cet amendement est contraire aux dispositions de la directive Eurovignette, dont les articles 7 quater bis et 7 octies bis prévoient que les modulations n’ont pas pour objet de susciter des recettes supplémentaires.

En outre, l’adoption de cet amendement conduirait simplement à augmenter les recettes des exploitants autoroutiers.

J’en demande donc le retrait ; à défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Clément Beaune, ministre délégué. Cette disposition ne correspond pas à une surtransposition : elle est contraire au texte même de la directive.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 22 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 54 rectifié, présenté par MM. Fernique, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 14

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Une majoration sur la redevance d’infrastructure perçue sur des tronçons routiers régulièrement saturés, ou dont l’utilisation par des véhicules cause des dommages importants à l’environnement, peut être appliquée.

« Les modalités de la mise en place de cette majoration sont définies par décret, et en conformité avec les dispositions de la directive UE 2022/362 du Parlement européen et du Conseil du 24 février 2022.

La parole est à M. Jacques Fernique.

M. Jacques Fernique. La directive rend possible l’application d’un surpéage assorti du fléchage des recettes pour le financement d’infrastructures de transport.

Ce nouveau dispositif permet de majorer les péages jusqu’à 50 %, contre 25 % aujourd’hui. L’étude d’impact a considéré que ce surpéage pourrait être mis en place lorsque des opérations seront identifiées.

Pourquoi attendre ? Pourquoi être moins-disant, alors que nous pourrions mettre en place un dispositif transposé ? Nous sommes tous suspendus au rapport que le Conseil d’orientation des infrastructures (COI) doit publier, mais celui-ci ne va pas pour autant inventer de l’argent.

Il nous faut donc trouver de nouvelles sources de recettes pérennes destinées à accroître la part du fluvial, mais aussi à mener à bien les indispensables projets de régénération et de modernisation du réseau ferroviaire, la recette des mobilités actives étant encore trop marginale.

L’adoption de cet amendement pourrait montrer le chemin !

M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ?

M. Cyril Pellevat, rapporteur pour avis. Comme l’amendement n° 53 rectifié bis, cette disposition me semble particulièrement complexe à mettre en œuvre et à articuler avec la possibilité de modulation horaire introduite par la commission.

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Clément Beaune, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 54 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 60, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 19, relatif à l’entrée en vigueur de l’article L. 119-12 du code de la voirie routière. En effet, la modification de cet article adoptée par la commission nous semble superflue et pourrait nuire à la compréhension de l’application de la redevance pour coûts externes prévue par la directive.

Nous avons lancé plusieurs consultations, qui seront soumises à la directive Eurovignette. La proposition du Gouvernement vise à modifier la rédaction de l’article pour éviter une ambiguïté sur l’application de cette modulation de la redevance CO2 et des redevances additionnelles, en attendant le résultat de ces opérations de consultation.

M. le président. L’amendement n° 52, présenté par MM. Fernique, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Remplacer la date :

25 mars 2026

par la date :

1er janvier 2024

La parole est à M. Jacques Fernique.

M. Jacques Fernique. Dans le même esprit, cet amendement vise à avancer à 2024 la date d’entrée en vigueur du dispositif, qui a été reculée par la commission.

M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ?

M. Cyril Pellevat, rapporteur pour avis. Ces amendements tendent à revenir sur un apport de la commission, qui, au contraire, a estimé que cette précision relative à la date d’entrée en vigueur était nécessaire.

La directive prévoit que la redevance pour coûts externes liés à la pollution atmosphérique due au trafic s’applique de façon obligatoire à compter de mars 2026. Avancer son entrée en vigueur conduirait donc à une surtransposition.

En outre, l’application de cette redevance à partir de 2026 n’empêche pas la mise en œuvre des dispositions de modulation en fonction du CO2 dès 2022. Cette redevance sera simplement mise en œuvre de façon différée, afin de permettre aux transporteurs de renouveler leur flotte en vue de cette échéance.

L’avis est donc défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 52 ?

M. Clément Beaune, ministre délégué. Cet amendement a presque le même objet que celui que j’ai présenté. J’en demande donc le retrait, au profit de l’amendement du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 60.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 52.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote sur l’article.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous allons voter contre cet article 26. En effet, on y voit apparaître une nouvelle redevance sur les transports routiers, payée par les automobilistes et par les transporteurs de marchandises. Une fois de plus, ce sont les usagers de la route qui sont stigmatisés, à défaut de pouvoir utiliser d’autres modes de transport.

Soutenir la transition des mobilités est pour autant souhaitable. Il faut décarboner nos modes de transport, lesquels représentent aujourd’hui 30 % de nos émissions de CO2, presque uniquement en raison du transport routier.

La logique conduisant à sanctionner par une redevance supplémentaire ceux qui seraient responsables de cette pollution pourrait avoir du sens, mais le choix de la route se fait par défaut. Le transport de marchandises par le fret ferroviaire est trop insuffisamment développé ; quant au transport de voyageurs, on ne sait pas quand il le sera. On nous dit que c’est pour bientôt, mais ce n’est tout de même pas pour tout de suite !

Cette redevance supplémentaire reprend la logique des zones à faibles émissions (ZFE), qui sont une bonne idée pour améliorer la qualité de l’air, mais qui, dans les faits, condamnent tous ceux qui n’ont pas la possibilité de changer de véhicule à rester chez eux. J’ai notamment à l’esprit les aides à domicile et d’autres salariés.

Avec cette redevance, les familles continueront de prendre l’autoroute pour partir en vacances, en payant plus cher ; les colis de Noël continueront d’être acheminés par la route et coûteront plus cher ; la pollution continuera d’exister et de nous coûter cher en matière de santé ; et les profits des gestionnaires d’autoroutes continueront d’atteindre des records, pendant que les trains, plus économiques et plus écologiques, resteront à quai.

Nous voterons donc contre cet article.

M. le président. Je mets aux voix l’article 26.

(Larticle 26 est adopté.)

Article 26
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Article 26 bis (nouveau)

Après l’article 26

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 6 rectifié bis est présenté par MM. Sautarel, Anglars et Courtial, Mme L. Darcos, MM. Burgoa et Paccaud, Mme Dumont et MM. Cambon, Charon, Belin, D. Laurent, Genet, Brisson et C. Vial.

L’amendement n° 34 rectifié est présenté par M. Lefèvre.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 26

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 5° de l’article L. 1264-2 du code des transports, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Des percepteurs de péages, des prestataires du service européen de télépéage et de toute personne dont l’activité est liée à la prestation de service européen de télépéage. »

La parole est à M. Bruno Belin, pour présenter l’amendement n° 6 rectifié bis.

M. Bruno Belin. Le présent amendement, déposé par notre collègue M. Sautarel, vise à adapter le code des transports pour tenir compte des compétences dévolues à l’Autorité de régulation des transports (ART) en matière de système européen de télépéage.

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour présenter l’amendement n° 34 rectifié.

M. Antoine Lefèvre. Il vient d’être parfaitement défendu par M. Belin, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ?

M. Cyril Pellevat, rapporteur pour avis. Ces amendements semblent être de nature à conforter l’Autorité de régulation des transports dans l’exercice de sa mission en matière de service européen de télépéage.

Néanmoins, l’article L. 119-4 du code de la voirie routière permet déjà à l’ART, lorsque celle-ci est saisie dans sa mission de conciliation entre les percepteurs de péage et les prestataires du service européen de télépéage, de demander toute information « aux percepteurs de péages, aux prestataires du service européen de télépéage et à toute personne dont l’activité est liée à la prestation du service européen de télépéage ».

La question de la nécessité de prévoir une nouvelle disposition à portée générale en la matière se pose donc. C’est pourquoi je sollicite l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Clément Beaune, ministre délégué. J’ai ressenti dans l’avis de la commission une forme de réticence à l’égard de ces amendements identiques… J’y souscris ! (Sourires.)

Sur la forme, ces dispositions constituent des cavaliers législatifs, car leur objet est étranger au champ de la transposition de la directive, même si, sur le fond, l’extension des prérogatives qui est prévue ne serait pas forcément une mauvaise chose.

Le Gouvernement demande donc le retrait de ces amendements identiques.

M. le président. Monsieur Belin, l’amendement n° 6 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Bruno Belin. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 6 rectifié bis est retiré.

Monsieur Antoine Lefèvre, l’amendement n° 34 rectifié est-il maintenu ?

M. Antoine Lefèvre. Non, je le retire également, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 34 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 26 - Amendements n° 6 rectifié bis et n° 34 rectifié
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Article 27

Article 26 bis (nouveau)

I. – L’ordonnance n° 2021-659 du 26 mai 2021 relative aux modalités d’instauration d’une taxe sur le transport routier de marchandises recourant à certaines voies du domaine public routier de la Collectivité européenne d’Alsace est ainsi modifiée :

1° Après le mot : « classe », la fin du premier alinéa de l’article 12 est ainsi rédigé : « des émissions de dioxyde de carbone (CO₂) du véhicule, au sens de l’article 7 octies bis de la directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la taxation des véhicules pour l’utilisation d’infrastructures routières. » ;

2° À l’article 15, les mots : « peuvent faire » sont remplacés par le mot : « font ».

II. – Le I du présent article entre en vigueur le 24 mars 2024. – (Adopté.)

Article 26 bis (nouveau)
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Article 28

Article 27

I. – À l’article L. 5336-1-4 du code des transports, les mots : « sous-section 1 » sont remplacés par les mots : « sous-section 2 ».

II. – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 5336-7 du code des transports, les mots : « 2° à 4° » sont remplacés par les mots : « 3° à 5° ».

III (nouveau). – L’ordonnance n° 2021-1165 du 8 septembre 2021 portant transposition de la directive (UE) 2019/883 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux installations de réception portuaires pour le dépôt des déchets des navires, modifiant la directive 2010/65/UE et abrogeant la directive 2000/59/CE est ratifiée. – (Adopté.)

Article 27
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Article 29

Article 28

I. – Le code des transports est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 1115-9, les mots : « (CE) n° 1371/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 » sont remplacés par les mots : « (UE) 2021/782 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 » ;

1° bis (nouveau) Le dernier alinéa de l’article L. 1231-5 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce comité des partenaires peut être consulté à l’occasion de l’élaboration du plan mentionné à la seconde phrase du II de l’article L. 2151-2. » ;

1° ter (nouveau) L’avant-dernière phrase de l’article L. 1272-5 est complétée par les mots : « en cohérence avec le plan mentionné à la seconde phrase du II de l’article L. 2151-2. » ;

2° À l’article L. 2151-1, les mots : « (CE) n° 1371/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 » sont remplacés par les mots : « (UE) 2021/782 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 » et, à la fin, le mot : « (refonte) » est remplacé par le mot : « modifiée » ;

3° L’article L. 2151-2 est ainsi modifié :

a) Les deux premiers alinéas sont remplacés par des I à V ainsi rédigés :

« I. – Les services urbains, suburbains et régionaux de transport ferroviaire de voyageurs, au sens des points 6 et 7 de l’article 3 de la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen modifiée, réalisés sur le réseau ferroviaire défini à l’article L. 2122-1 du présent code, sont soumis à l’application des articles 5, 11, 13, 14, 21, 22, 25, 26, 27 et 28 du règlement (UE) 2021/782 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires.

« II. – Sans préjudice des obligations qui leur incombent en application du I du présent article, les services de transport ferroviaire de voyageurs visés à l’article L. 1241-1 et les services de transport ferroviaire de voyageurs d’intérêt régional mentionnés à l’article L. 2121-3 sont soumis à l’application des paragraphes 5 et 6 de l’article 6 du règlement (UE) 2021/782 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 précité. Les plans mentionnés au paragraphe 5 du même article 6 sont élaborés par les autorités organisatrices de ces services.

« III. – Sans préjudice des obligations qui leur incombent en application des I et II, les services régionaux de transport ferroviaire de voyageurs, au sens du point 7 de l’article 3 de la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 précitée, sont soumis à l’application des paragraphes 1, 2, 3 et 4 de l’article 6, de l’article 12, du paragraphe 3 de l’article 18 et des articles 23 et 24 du règlement (UE) 2021/782 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 précité. Lorsqu’un billet direct comporte une correspondance avec l’un de ces services en application de l’article 12 du même règlement, les paragraphes 1, 2, 4 à 7 de l’article 18 dudit règlement ainsi que les articles 19 et 20 du même règlement lui sont également applicables.

« IV. – Les services exploités exclusivement à des fins historiques ou touristiques sont soumis à l’application des articles 13 et 14 du règlement (UE) 2021/782 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 précité.

« V. – Les services de transport ferroviaire de voyageurs ne relevant pas des catégories mentionnées aux I, II, III et IV du présent article sont soumis à l’application de toutes les dispositions du règlement (UE) 2021/782 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 précité. » ;

b) Au début du troisième alinéa, est ajoutée la mention : « VI » ;

4° L’article L. 2151-3 est ainsi modifié :

a) Au I, le mot : « temporaires » est supprimé et les mots : « 10, 13 à 14, 16 à 18, 20 à 25 et 27 à 29 du règlement (CE) n° 1371/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, précité » sont remplacés par les mots : « 13, 15 à 20, 22 à 26 et 28 à 30 du règlement (UE) 2021/782 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires » ;

b) Au II, les mots : « 12 et 19 » sont remplacés par les mots : « 14 et 21 ».

II. – Au 1° de l’article L. 511-7 du code de la consommation, les mots : « (CE) n° 1371/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 » sont remplacés par les mots : « (UE) 2021/782 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 ».

III. – Au V de l’article L. 211-17 du code du tourisme, les mots : « (CE) n° 1371/2007 » sont remplacés par les mots : « (UE) 2021/782 ».

IV. – Le présent article entre en vigueur le 7 juin 2023, à l’exception de la seconde phrase du III de l’article L. 2151-2 du code des transports, qui entre en vigueur le 1er janvier 2025.

(nouveau). – Les I à III de l’article L. 2151-2 du code des transports font l’objet d’une évaluation cinq ans après leur mise en œuvre, sous la forme d’un rapport remis par le Gouvernement au Parlement. Ce rapport formule des propositions d’évolution du périmètre des dérogations au règlement de nature à améliorer les droits des voyageurs ferroviaires et à accroître la part modale du transport ferroviaire.

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les cinq premiers sont identiques.

L’amendement n° 30 rectifié ter est présenté par Mme Guidez, M. J.M. Arnaud, Mme Billon, MM. Bonneau, Canévet, Chasseing et Chauvet, Mme N. Delattre, M. Détraigne, Mme Doineau, M. Duffourg, Mmes Férat et Gatel, MM. Guerriau, Henno, Hingray, Le Nay, Louault, Menonville, Mizzon et Moga et Mmes Morin-Desailly, Perrot, Puissat et Sollogoub.

L’amendement n° 43 rectifié quater est présenté par MM. Mouiller, Favreau, de Legge, de Nicolaÿ et Belin, Mmes Borchio Fontimp, Imbert, Lassarade, F. Gerbaud et Thomas, MM. Somon et Burgoa, Mme Gosselin, M. Laménie, Mmes M. Mercier et Petrus, M. Bascher, Mmes Berthet, Richer, Malet et Garnier, MM. Reichardt, Anglars, Daubresse, Perrin, Rietmann, Mandelli, Bonne, Bouchet et Calvet, Mmes L. Darcos et Belrhiti, MM. Bouloux, Chatillon et D. Laurent, Mmes Dumont et Bonfanti-Dossat et M. Cuypers.

L’amendement n° 46 rectifié est présenté par Mme Préville, M. Jacquin, Mme Meunier, MM. P. Joly, Marie, Tissot, Kanner et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Devinaz, Gillé et Houllegatte, Mme M. Filleul et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 57 rectifié est présenté par Mme M. Vogel, MM. Fernique, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.

L’amendement n° 77 est présenté par le Gouvernement.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 8

Remplacer les mots :

11, 13, 14, 21, 22, 25, 26, 27 et 28

par les mots :

8, 11, 13, 14, 21, 22, 25, 26, 27, 28 et 30

II. – Alinéa 19

Compléter cet alinéa par les mots :

, et du VI qui entre en vigueur à la date de promulgation de la présente loi

III. – Compléter cet article par un VI ainsi rédigé :

VI. – Pour les services urbains et suburbains de transport ferroviaire de voyageurs au sens du point 6 de l’article 3 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 précitée, les conditions de délivrance aux personnes handicapées ou à mobilité réduite des prestations d’assistance en gare, à la montée et la descente du train, mentionnées à l’article L. 1115-9 du code des transports, sont définies par décret, après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées.

La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour présenter l’amendement n° 30 rectifié ter.

Mme Jocelyne Guidez. Cet amendement a pour objet d’appliquer aux services urbains, suburbains et régionaux l’article 8 du règlement relatif à l’obligation de fournir des informations sur l’interruption des services, ainsi que l’article 30, relatif à l’information des voyageurs sur leurs droits.

Le présent amendement vise aussi, conformément à la demande des associations représentatives des usagers, à appliquer l’article 30 aux services urbains, suburbains et régionaux, au même titre qu’aux services à longue distance. Cet article impose l’information des voyageurs sur leurs droits et obligations lorsqu’ils achètent des billets de transport ferroviaire, ainsi qu’en gare, à bord des trains et sur les sites internet des entreprises ferroviaires et des gestionnaires des gares.

Ces informations devront notamment être fournies dans des formats accessibles à tous, conformément à la réglementation applicable, en particulier en cas d’annulation, de correspondance manquée ou de retard important, lors de la vente de billets.

Il est envisageable de déterminer les conditions d’assistance aux personnes handicapées et à mobilité réduite en complétant le décret n° 2021-1124 pris en application de l’article L. 1115-9 du code des transports, afin d’assurer une application cohérente à tous les services ferroviaires urbains et suburbains, qu’ils soient exploités ou non par une entreprise dotée d’une licence d’entreprise ferroviaire.

Néanmoins, il est essentiel que le décret cité soit publié avant la date d’entrée en vigueur du règlement européen, soit le 7 juin 2023, et que sa rédaction se fasse bien en concertation avec les associations représentatives.

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour présenter l’amendement n° 43 rectifié quater.

M. Philippe Mouiller. J’ajoute un message à l’endroit du Gouvernement : il est tout à fait positif d’avoir inscrit dans le texte que le décret sera pris après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Rappelons toutefois qu’il s’agit là d’un principe général, déjà prévu par la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 46 rectifié.

Mme Angèle Préville. J’avais déposé un amendement quelque peu différent, que j’ai rectifié pour le rendre identique aux autres. Nous serons très vigilants quant au contenu du décret.

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 57 rectifié.

M. Jacques Fernique. Il semble indispensable de retirer certaines des exemptions prévues par ce texte pour les services ferroviaires urbains, suburbains et régionaux dans le cadre du règlement sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour présenter l’amendement n° 77.

M. Clément Beaune, ministre délégué. Le Gouvernement vise le même objectif : supprimer certaines dérogations.

J’entends bien la nécessité de suivre la mise en œuvre précise de cette mesure par décret. Nous avons eu un échange informel avec le CNCPH ces derniers jours. J’ai souhaité que nous allions plus loin dans le refus de dérogations qui me paraissent excessives par rapport au texte initial déposé par le Gouvernement.

Il me semble que l’amendement n° 77, que je présente au nom du Gouvernement, tend à répondre aux préoccupations qui ont été exprimées dans les quatre amendements précédents. Si leurs auteurs en sont d’accord, je leur propose donc de bien vouloir les retirer à son profit.

Je répète, pour autant, que je prendrai en compte leur demande de vigilance quant aux textes réglementaires qui suivront.

M. le président. L’amendement n° 74, présenté par Mmes Apourceau-Poly et Cohen, M. Lahellec, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Cet amendement vise à rétablir la rédaction initiale du texte, laquelle rendait possibles les indemnisations, le remboursement et l’assistance aux voyageurs dès 2023.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a repoussé la date de mise en œuvre de cette mesure, à notre grand étonnement, comme si la colère des usagers des transports en voie de privatisation ne s’entendait pas suffisamment.

Les suppressions de trains, les retards et les difficultés du quotidien ne rendent pas service au ferroviaire, qui a besoin d’un investissement d’ampleur pour redevenir un modèle de ponctualité et de fluidité.

La plupart des usagers prennent aujourd’hui le train par contrainte davantage qu’en raison de l’aspect pratique, écologique et économique que ce mode de transport devrait incarner. Il faut les entendre et répondre à leurs attentes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ?

M. Cyril Pellevat, rapporteur pour avis. S’agissant des amendements nos 30 rectifié ter, 43 rectifié quater, 46 rectifié et 57 rectifié, leur rédaction a été calquée sur celle de l’amendement n° 77 du Gouvernement, et je remercie les collègues qui se sont prêtés au jeu. Ils visent tous à améliorer l’information des voyageurs ferroviaires en cas d’interruption du service.

Par ailleurs, la définition par décret des modalités d’assistance aux personnes handicapées ou à mobilité réduite pour ce qui concerne les services urbains et suburbains permettra sans doute un renforcement de leurs droits.

L’avis est donc favorable sur ces cinq amendements identiques.

L’amendement n° 74 vise quant à lui à revenir sur une évolution introduite par la commission. Le rétablissement du texte initial qui en résulterait pourrait conduire à des situations de rupture d’égalité entre différentes catégories de voyageurs ferroviaires et entraver le bon déroulement de l’ouverture à la concurrence.

L’avis est donc défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Clément Beaune, ministre délégué. Je remercie à mon tour les sénateurs et les sénatrices qui ont rectifié leur amendement, afin de le rendre identique à l’amendement n° 77 du Gouvernement.

L’avis du Gouvernement est donc bien sûr favorable sur les amendements identiques nos 30 rectifié ter, 43 rectifié quater, 46 rectifié et 57 rectifié.

Quant à l’amendement n° 74, comme M. le rapporteur pour avis, j’estime que l’objectif visé ne sera pas atteint au moyen de la rédaction proposée, car l’avancement de la date d’entrée en vigueur du dispositif risque d’entraîner des difficultés d’application.

L’avis du Gouvernement sur cet amendement est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 30 rectifié ter, 43 rectifié quater, 46 rectifié, 57 rectifié et 77.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 74 n’a plus d’objet.

L’amendement n° 55, présenté par MM. Fernique, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 9, première phrase

Après le mot :

paragraphes

insérer le chiffre :

4,

La parole est à M. Jacques Fernique.

M. Jacques Fernique. Les entreprises ferroviaires doivent, dans la mesure du possible, faciliter la combinaison de trajets à vélo avec des trajets ferroviaires.

Il convient en effet de prendre en compte la popularité croissante des déplacements à vélo – au cours des trois premiers trimestres de 2022, l’utilisation du vélo a progressé de 11 % par rapport aux trois premiers trimestres de 2021.

À ce titre, le règlement sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires, qui est transposé dans le présent texte, comporte des dispositions permettant de tenir compte des déplacements à vélo dans le ferroviaire.

La France avait acté un progrès très important dans le cadre de la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, dite LOM, en fixant un nombre minimal d’emplacements pour vélo dans les trains à grande vitesse (TGV), les trains d’équilibre du territoire (TET) et les trains express régionaux (TER) au niveau national.

La loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, a modifié ce régime, pourtant à peine mis en en place, en donnant compétence à chaque région pour fixer son propre seuil minimal dans les TER.

Cette disposition régressive pouvant aboutir à une révision à la baisse des ambitions du décret, le présent amendement vise à renforcer la transposition de l’article 6 du règlement sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires, afin de renouer avec une trajectoire positive.

M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ?

M. Cyril Pellevat, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à renforcer la place du vélo dans le ferroviaire, en prévoyant qu’Île-de-France Mobilités et les autorités organisatrices de la mobilité régionale, lorsqu’elles commandent du matériel roulant neuf, définissent un nombre adéquat d’emplacements pour bicyclette.

Le code des transports prévoyant déjà des obligations analogues, je m’interroge sur la nécessité d’introduire cette précision supplémentaire.

Sur cet amendement, je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Clément Beaune, ministre délégué. Il me paraît également que le cadre prévu par la loi d’orientation des mobilités permet déjà d’aller dans le sens souhaité par M. le sénateur Fernique, notamment pour les services urbains.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 55.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 28, modifié.

(Larticle 28 est adopté.)

Article 28
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Article 30

Article 29

Au 3° de l’article L. 3452-7-1 du code des transports, le mot : « obligation » est remplacé par le mot : « interdiction ». – (Adopté.)

TITRE IV

DISPOSITIONS D’ADAPTATION AU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE EN MATIÈRE AGRICOLE

Article 29
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Article 31

Article 30

I. – L’article L. 330-1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :

« Art. L. 330-1. – L’État détermine le cadre réglementaire national de la politique d’installation et de transmission en agriculture. Cette politique comprend un volet relatif à l’installation des jeunes ne disposant pas des diplômes requis, mais engagés dans le cadre d’une formation.

« Toutefois, lorsqu’elles se sont vu confier, en application du VI de l’article 78 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, la gestion des aides à l’installation de jeunes agriculteurs et de nouveaux agriculteurs et à la création de nouvelles entreprises rurales, mentionnées à l’article 75 du règlement (UE) 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 établissant des règles régissant l’aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (plans stratégiques relevant de la PAC) et financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), et abrogeant les règlements (UE) n° 1305/2013 et (UE) n° 1307/2013, les autorités de gestion régionales fixent le cadre réglementaire applicable à ces aides dans le respect du plan stratégique national et des règles définies par le décret mentionné au dernier alinéa du VI de l’article 78 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 précitée.

« À ce titre, ces autorités s’assurent que les candidats aux aides à l’installation élaborent un projet global d’installation couvrant les aspects économiques et environnementaux. Elles s’assurent aussi que les candidats justifient de leur capacité à réaliser un projet viable par la détention d’une capacité professionnelle présentant au moins un lien indirect avec ce projet, préalablement à leur installation.

« L’autorité de gestion régionale établit chaque année un bilan, rendu public, sur la mise en œuvre de la politique d’installation et de transmission en agriculture dans la région. Ces bilans, consolidés à l’échelle nationale par l’État, comportent notamment une présentation du cadre réglementaire fixé par les régions en matière d’aides à l’installation de jeunes agriculteurs et de nouveaux agriculteurs et à la création de nouvelles entreprises rurales, ainsi qu’un bilan des versements de l’année écoulée. »

bis (nouveau). – L’article L. 374-8 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :

« Art. L. 374-8. – Pour son application à Saint-Pierre-et-Miquelon, l’article L. 330-1 est ainsi rédigé :

« “Art. L. 330-1. – L’État détermine le cadre réglementaire national de la politique d’installation et de transmission en agriculture. La mise en œuvre en est assurée à l’échelon territorial sous l’autorité conjointe du représentant de l’État et du président de la collectivité territoriale. Cette politique comprend un volet relatif à l’installation des jeunes ne disposant pas des diplômes requis, mais engagés dans le cadre d’une formation.

« “Pour bénéficier du dispositif d’aide à l’installation, les candidats élaborent un projet global d’installation couvrant les aspects économiques et environnementaux. Ils doivent justifier de leur capacité à réaliser un projet viable par la détention d’une capacité professionnelle présentant au moins un lien indirect avec ce projet, préalablement à leur installation.” »

II. – Les aides à l’installation octroyées au titre de la programmation de la politique agricole commune ayant débuté en 2014 restent régies par les dispositions en vigueur à la date de publication de la présente loi.

III. – Après l’article L. 621-5 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 621-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 621-5-1. – Dans le cadre des dispositions législatives et réglementaires applicables, le directeur général de l’établissement fixe, au nom de l’État, les règles nécessaires à la mise en œuvre des interventions, des aides ou des mesures de soutien en matière agricole régies par le droit de l’Union européenne dont l’établissement est chargé. »

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, sur l’article.

M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite émettre quelques réserves et interrogations sur le bien-fondé des décisions actées dans cet article. En effet, afin de mettre notre droit en conformité avec la réglementation européenne, celui-ci confie la gestion de la dotation jeunes agriculteurs, la fameuse DJA, aux conseils régionaux.

Il importe que cette régionalisation ne crée pas d’inégalités de traitement entre les agriculteurs ni de distorsions en fonction des régions. Nous savons en effet que ces dernières font des choix politiques parfois très différents ; et les politiques publiques en matière d’agriculture n’échappent malheureusement pas à ce constat.

Le Gouvernement le reconnaît d’ailleurs à demi-mot dans l’exposé des motifs de son amendement n° 76, puisqu’il indique que l’acquisition des compétences en cours d’installation est une « possibilité » que l’autorité de gestion régionale peut déployer.

À ce titre, la réalisation d’un bilan annuel de la politique d’installation par région sera particulièrement utile et permettra de constater d’éventuels écarts de traitement.

Concernant les conditions minimales de formation permettant de bénéficier de la DJA, nous sommes particulièrement étonnés de la position du Gouvernement.

La modification adoptée par la commission des affaires économiques sur proposition de M. le rapporteur pour avis reprend exactement les termes de l’article L. 330-1 du code rural et de la pêche maritime en vigueur, qui précise les conditions d’éligibilité à la DJA. L’attribution de cette dernière ne paraît poser aucune difficulté sur nos territoires.

Pour ma part, je considère de plus que les aides agricoles doivent bénéficier aux agriculteurs disposant d’un projet viable et des compétences nécessaires à la réalisation de celui-ci.

Pour toutes ces raisons, il semble discutable d’adopter des conditions moins-disantes par rapport au droit actuel d’éligibilité à la DJA.

Toutefois, en l’absence d’éclaircissement du Gouvernement quant à ses intentions, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’abstiendra sur les amendements déposés à cet article.

M. le président. L’amendement n° 50, présenté par M. Duplomb, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 1 et 2

Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :

I. – L’article L. 330-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2022-298 du 2 mars 2022 d’orientation relative à une meilleure diffusion de l’assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture, est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« L’État détermine le cadre réglementaire national de la politique d’installation et de transmission en agriculture. Cette politique comprend un volet relatif à l’installation des jeunes ne disposant pas des diplômes requis, mais engagés dans le cadre d’une formation.

II. – Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

2° Les deux premières phrases du second alinéa sont ainsi rédigées :

III. – Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

La parole est à M. Laurent Duplomb.

M. Laurent Duplomb. Cet amendement de coordination est particulièrement important, puisqu’il vise à éviter que le présent texte ne déforme ou n’annule les dispositions que nous avons adoptées l’année dernière dans la loi du 2 mars 2022 d’orientation relative à une meilleure diffusion de l’assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture. (Mme Cathy Apourceau-Poly acquiesce.)

Je précise, en tant que rapporteur pour avis, que la commission des affaires économiques a émis un avis favorable sur cet amendement, qui est en quelque sorte devenu celui de la commission. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Clément Beaune, ministre délégué. Je suis favorable à cet amendement, sous réserve que les amendements identiques nos 58 rectifié et 76, que nous examinerons dans quelques instants, soient également adoptés. Nous disposerons en effet de la sorte d’un dispositif pertinent.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 50.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 58 rectifié est présenté par MM. Labbé, Fernique, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L’amendement n° 76 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 4, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

II. – Alinéa 9, seconde phrase

Supprimer les mots :

présentant au moins un lien indirect avec ce projet, préalablement à leur installation

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 58 rectifié.

M. Guillaume Gontard. Cet amendement vise à supprimer la condition de détention d’une capacité professionnelle agricole, introduite par la commission des affaires économiques pour l’accès aux aides à l’installation agricole.

Cette disposition est en effet bien plus restrictive que le droit européen, et elle entre en contradiction avec les objectifs de renouvellement des générations, de création d’emplois en agriculture et de souveraineté alimentaire.

Nous savons que, aujourd’hui, il est nécessaire qu’un grand nombre de nouveaux agriculteurs s’installent – nous en débattrons à l’occasion de l’examen de la future loi d’orientation agricole. Dans dix ans, 48 % des chefs d’exploitation auront atteint l’âge de la retraite. Et au cours des dix dernières années, le nombre d’exploitations a diminué de 100 000 dans notre pays, soit une baisse de 21 %.

Le défi est donc de taille : il faut permettre la transmission des fermes et faire en sorte que de nombreux nouveaux installés déploient des projets viables dans nos territoires, répondant aux enjeux de la transition écologique et aux attentes des consommateurs.

Or les installations agricoles correspondent de moins en moins souvent au schéma de reprise de la ferme familiale après un passage dans l’enseignement agricole.

L’agriculture – c’est une très bonne nouvelle – attire une diversité de profils, issus notamment de reconversions professionnelles.

Ces profils diversifiés ne passent pas nécessairement par une formation agricole classique permettant l’obtention d’une capacité professionnelle agricole. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils n’ont pas les compétences nécessaires à la conduite d’un projet viable, sur le plan à la fois technique et économique.

De tels profils mobilisent en effet des compétences acquises dans leur précédente activité et en acquièrent d’autres via une multitude de circuits.

De fait, en dépit des efforts consentis par les établissements agricoles, encore trop peu de formations sont proposées pour certaines productions et certains systèmes agricoles. C’est notamment le cas des formations au bio ou à la transformation à la ferme.

Les porteurs de projets se forment ainsi via des stages, du salariat agricole, des formations dispensées par le fonds d’assurance formation Vivea, les espaces-test agricoles ou encore via les coopératives d’installation en agriculture paysanne ou les écoles paysannes.

Le parcours de demande d’aide à l’installation comporte de nombreux garde-fous, qui permettent de valider ces expériences et de s’assurer du sérieux du projet du candidat.

Il est donc essentiel de laisser la possibilité à une diversité de parcours, de talents et de compétences de créer des emplois et de la valeur ajoutée et de contribuer à la résilience de nos territoires ruraux.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour présenter l’amendement n° 76.

M. Clément Beaune, ministre délégué. Cet amendement, identique à celui qui vient d’être présenté, vise à maintenir le cadre actuel en matière d’exigence de formation minimale, afin d’adapter notre droit dans la perspective de l’entrée en vigueur prochaine du plan stratégique national (PSN). En effet, une fois que celui-ci sera pleinement effectif, il ne sera plus possible de modifier notre droit national de la sorte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je précise que ces amendements n’étaient pas, au départ, identiques.

L’amendement déposé par le groupe écologiste a en effet été modifié pour devenir identique à l’amendement n° 76 du Gouvernement, mais, dans sa rédaction initiale, ses dispositions mentionnaient l’acquisition d’une compétence professionnelle. C’est seulement dans un second temps que cette rédaction a été modifiée, pour correspondre à celle qui était proposée par le Gouvernement.

Monsieur le ministre, alors que votre gouvernement, comme beaucoup d’autres avant lui, n’a de cesse de soumettre les agriculteurs à une multitude d’injonctions, de règles et de normes, vous nous expliquez aujourd’hui qu’il n’existe aucun préalable pour devenir agriculteur, ni capacité professionnelle ni formation !

Le PSN précise que les bénéficiaires de l’aide à l’installation doivent justifier d’un niveau de diplôme ou d’expérience professionnelle une fois leur parcours accompli. J’estime pour ma part que les candidats doivent avoir obtenu a minima une capacité professionnelle préalablement à leur installation, car rien ne prouve qu’ils pourront l’obtenir par la suite.

Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ! Il me paraît préférable que les candidats disposent d’une formation de base, qu’il s’agisse d’une capacité professionnelle ou d’une formation scolaire. En tout état de cause, il importe qu’un minimum soit arrêté, non pas par moi, mais par le Gouvernement, à qui il appartiendra ensuite de modifier l’article 119 du règlement PAC en ce sens.

Je ne comprends pas comment l’on peut, d’un côté, en demander autant aux agriculteurs, et, de l’autre, ne pas exiger de formation pour les candidats aux aides. C’est un paradoxe auxquels ceux qui suivent nos débats seront certainement sensibles.

L’avis de la commission est donc défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 58 rectifié et 76.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 64, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 10

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

Le préfet de région peut, pour les aides octroyées au titre de cette programmation avant la publication de la présente loi, déléguer sa signature au président du conseil régional et aux agents placés sous son autorité, pour prendre en son nom les décisions relatives à l’attribution et au retrait de ces aides.

Les décisions d’octroi des aides à l’installation prises à compter de la publication de la présente loi, au titre de la programmation ayant débuté en 2014, relèvent de la compétence de l’autorité de gestion régionale, mentionnée à l’article 78 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Cette autorité fixe le montant de ces aides.

II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Les I à II entrent en vigueur le 1er janvier 2023.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué. Cet amendement vise à assurer dans les meilleures conditions possible le transfert aux autorités de gestion régionales de l’instruction et du suivi des dossiers d’aide à l’installation dans le cadre de la dotation jeunes agriculteurs.

Cet amendement ayant été travaillé par le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, en concertation étroite avec les régions, je pense qu’il ne devrait pas poser de difficulté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. Contrairement aux amendements identiques nos 58 rectifié et 76, que nous venons de rejeter, cet amendement est de bon sens.

L’avis de la commission des affaires économiques est donc favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 64.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 65, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Remplacer les mots :

en matière agricole régies par le droit de l’Union européenne

par les mots :

dans les domaines mentionnés à l’article L. 621-2 ainsi que pour la mise en œuvre de l’aide aux personnes les plus démunies

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué. Cet amendement vise à mettre en cohérence le champ d’application des dispositions relatives au pouvoir réglementaire du directeur général de FranceAgriMer avec les domaines d’intervention de cet établissement.

M. le président. Le sous-amendement n° 83, présenté par M. Duplomb, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Amendement n° 65, alinéa 5

Supprimer les mots :

ainsi que pour la mise en œuvre de l’aide aux personnes les plus démunies

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission des affaires économiques sur l’amendement n° 65.

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. Ce sous-amendement rédactionnel vise à supprimer le pléonasme qui résulterait de l’adoption de la rédaction proposée par le Gouvernement.

Il ne sert à rien, en effet, de viser deux fois, au sein de l’article L. 621-2 du code rural et de la pêche maritime, « la mise en œuvre de l’aide aux personnes les plus démunies ».

Par ailleurs, nous sommes favorables à l’amendement n° 65, sous réserve que le sous-amendement n° 83 soit adopté.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 83 ?

M. Clément Beaune, ministre délégué. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 83.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 65, modifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 30, modifié.

(Larticle 30 est adopté.)

Article 30
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 31

Sont ratifiées :

1° L’ordonnance n° 2015-616 du 4 juin 2015 modifiant le code rural et de la pêche maritime en vue d’assurer la conformité de ses dispositions avec le droit de l’Union européenne et modifiant les dispositions relatives à la recherche et à la constatation des infractions aux dispositions de son livre II ;

2° L’ordonnance n° 2015-1245 du 7 octobre 2015 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles des professions réglementées par le code rural et de la pêche maritime ;

3° L’ordonnance n° 2015-1246 du 7 octobre 2015 relative aux signes d’identification de l’origine et de la qualité ;

4° L’ordonnance n° 2015-1247 du 7 octobre 2015 relative aux produits de la vigne ;

5° L’ordonnance n° 2015-1248 du 7 octobre 2015 portant adaptation du code rural et de la pêche maritime au droit de l’Union européenne ;

6° L’ordonnance n° 2019-1110 du 30 octobre 2019 portant adaptation du livre II du code rural et de la pêche maritime au droit de l’Union européenne ;

7° L’ordonnance n° 2021-485 du 21 avril 2021 relative à la reproduction, à l’amélioration et à la préservation du patrimoine génétique des animaux d’élevage ;

8° L’ordonnance n° 2021-1370 du 20 octobre 2021 relative aux mesures de surveillance, de prévention et de lutte contre les maladies animales transmissibles. – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 31
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.

Mme Michelle Meunier. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce texte, car nous sommes des Européennes et des Européens convaincus.

Je tiens toutefois à exprimer une nouvelle fois nos inquiétudes quant au volet social du texte, notamment en matière d’accessibilité.

Monsieur le ministre, il importe que le Gouvernement entretienne le dialogue avec les représentants des associations œuvrant auprès des personnes handicapées, afin que ces dernières ne soient pas les oubliées des ordonnances que vous serez amené à prendre dans ce domaine.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué. Je souhaite rebondir sur l’intervention de Mme la sénatrice Meunier, car je souscris à ses propos.

Le texte initial nécessitait des améliorations. Son examen au Sénat et l’adoption d’amendements gouvernementaux, mais aussi de nombreux amendements issus des différentes travées de cet hémicycle, a permis de renforcer encore la protection des droits des personnes en situation de handicap dans nos transports. Je crois en effet que nous étions allés trop loin dans l’octroi d’un certain nombre de dérogations.

La suite de la discussion parlementaire sera l’occasion d’ajuster encore ce texte, en lien avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) – je me suis d’ailleurs entretenu avec son président, Jérémie Boroy, il y a quelques jours – et les associations œuvrant auprès des personnes handicapées.

En tout état de cause, je m’engage à ce que nous allions plus loin que ce qui est actuellement prévu dans ce texte amendé par le Sénat, aussi bien au cours de la navette parlementaire que dans les textes réglementaires que nous prendrons par la suite. Et je sais que vous suivrez ce dossier de près, madame la sénatrice.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture.

(Le projet de loi est adopté.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture
 

9

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 14 décembre 2022 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures trente :

Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (procédure accélérée ; texte de la commission n° 164 rectifié, 2022-2023).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-deux heures quinze.)

nomination de membres dune commission mixte paritaire

La commission des finances a désigné pour siéger à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 :

M. Stéphane Sautarel en remplacement de Mme Christine Lavarde, membre titulaire ;

M. Dominique De Legge en remplacement de M. Roger Karoutchi, membre titulaire ;

M. Roger Karoutchi en remplacement de M. Stéphane Sautarel, membre suppléant.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 quater du règlement, ces candidatures sont ratifiées.

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER